cannabis et sécurite routière

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CANNABIS ET SECURITE ROUTIERE Professeur Paul LAFARGUE Ancien Président de la Commission des substances vénéneuses et des dopants de l’Académie nationale de pharmacie Ancien Expert national drogue Chargé de mission au SGCI (1 er Ministre)

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Intervention du Pr Paul LAFARGUE, Pharmacien Chef des Services Hors Classe (Général de Division), président fondateur de la Société Française de Toxicologie : « Sécurité routière et substances psychotropes : Cannabis - Approche analytique » lors du séminaire, tenu à Rabat le 06 mai 2014, sur les dangers liés à la consommation des stupéfiants et à l’alcool au volant.

TRANSCRIPT

CANNABIS ET SECURITE ROUTIERE

Professeur Paul LAFARGUEAncien Président de la Commission des substances vénéneuses et des dopants de

l’Académie nationale de pharmacieAncien Expert national drogue

Chargé de mission au SGCI (1er Ministre)

GENERALITES

L’usage de cannabis est un facteur indéniable d’insécurité routière. C’est la raison pour laquelle de très nombreux pays ont mis en place une législation sur ce thème. Cette influence néfaste sur les capacités à conduire un véhicule a été démontrée sur des simulateurs de conduite ( automobiles, aéronefs et engins de toutes sortes..) et confirmée par les études effectuées sur les prélèvements d’individus décédés dans des accidents de la circulation.

Le plus souvent, le THC est le seul stupéfiant présent, associé, éventuellement, à l’alcool

Conséquences de l’usage sur les compétences psycho-sensori- motrices nécessaires à la conduite automobile

1. Effets psycholeptiques, sédatifs; cette diminution de l’éveil (vigilance) pouvant confiner à une somnolence. Cet effet est potentialisé par l’alcool et les

benzodiazépines. 2. Perturbation de l’attention. Celle-ci n’arrive plus à se focaliser sur ce qui

présente de l’intérêt et perd la notion d’essentiel. Une hyper sensorialité auditive et visuelle contribue à cette diffluence de l’attention.

3. Le cannabis induit une ivresse qui présente beaucoup d’analogie avec l’ivresse alcoolique.

4. A doses élevées peuvent apparaitre des troubles délirants qui, plus que l’ivresse, sont totalement incompatibles avec la conduite de véhicules.

Conséquences de la consommation (suite.1)

5. Il en va de même des hallucinations. 6. Le cannabis perturbe la mémoire de travail, la mémoire à court terme avec altération du sens de l’anticipation. C’est, par exemple, l’oubli de tel panneau qui annonce un virage serré ou un croisement. Dès lors, il n’y a plus de raison de ralentir son allure. 7. Le sujet est perturbé dans sa capacité de choisir devant une alternative. Il est incapable de choisir entre le pertinent et le futile. 8. Le cannabis altère le traitement de l’information. Le panneau est vu, mais sa signification n’est pas intégrée et donc comprise. 9. la consommation modifie les fonctions exécutives. 10. Le sens chronologique est modifié et le déroulement du temps est mal géré.

Conséquences de la consommation (suite.2)

11. Le cannabis altère le sens chronologique ce qui a pour conséquence une mauvaise gestion des évènements.

12. On observe une incoordination des mouvements, un manque de précision dans l’exécution de ceux-ci.

13. Des crises d’angoisse sont susceptibles d’apparaitre.

14. L’apparition d’un syndrome dépressif avec tentations suicidaires pourrait expliquer un certain nombre d’accidents de la route.

Aspects légaux et réglementaires en France

. Textes généraux concernant les stupéfiants . Code du travail, . Règlements intérieurs des différentes entreprises ou sociétés (art. L 122-34), . Examens médicaux d’embauche, visites périodiques d’aptitude…. . Médecine et accidents du travail…. . Arrêtés spécifiques concernant les transports . Ferroviaire: arrêté du 27 janvier 2003. . Aérien civil: arrêté du 27 janvier 2005 et arrêté du 4 septembre 2007. . Terrestre: arrêté du 21 décembre 2005. . Textes applicables aux Armées . Loi N°2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires (NOR: DEFX0400144L) . Instruction N° 5549/DEF/CAB du 19 avril 2007 relative aux dépistages de la toxicomanie et de la consommation excessive d’alcool applicables aux militaires.

Sanctions en cas de consommation de stupéfiants

En France, toute personne qui conduit un véhicule, alors qu’il résulte d’une analyse sanguine qu’elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de ( lois de 2003,2007,20011 ):

. D’une amende de 4.500 euros, . De deux ans d’emprisonnement, . Suspension du permis de conduire pendant trois ans, . L’obligation d’accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants. Si la personne se trouvait également sous l’empire d’un état alcoolique (taux supérieur au taux légal), les peines sont portées à:

. 9.000 euros d’amende, . Trois ans d’emprisonnement.

Seuils minima de détection

. Dans les urines . 9- tétrahydrocannabinol: 50 ng/ml d’urines, . Amphétamines: 1.000 ng/ml d’urines, . Cocaïne: 300 ng/ ml d’urines, . Opiacés: 300 ng/ml d’urines.

. Dans le sang

. 9-tétrahydrocannabinol: 1ng/ ml de sang, . Amphétamines: 50 ng/ ml de sang, . Cocaïne: 50 ng/ ml de sang, . Opiacés: 20 ng/ml de sang.

Le seuil de 1 ng/ml de THC dans le sang total constitue le seuil de dangerosité.

Particularités du cannabis

1. Lipophilie du THC Le THC est exceptionnellement soluble dans les lipides (cerveau). Ainsi, le flux sanguin apporte le THC au cerveau, mais le reflux ne concerne qu’une infime quantité de principe actif. Par conséquent, le taux sanguin peut être très faible, voire nul, alors que les effets du cannabis sont toujours présents. Ceci explique également que le lent relargage permette de retrouver des traces de cannabis dans les urines très longtemps après la prise du produit (jusqu’à 70 jours). Une autre particularité est le relargage sous l’action des catécholamines (peur, stress…) et donc la possibilité d’une ivresse cannabique avec toutes ses conséquences.

2. Fumeurs passifs La problématique du fumeur passif est sans objet depuis de nombreuses années (expériences américaines). En dessous de : .10 ng/ml d’urines de THC-COOH, . 0,5 ng/ml de sang de THC

il ne peut s’agir de fumeur passif.

APPROCHE ANALYTIQUE

CHOIX DU MILIEU BIOLOGIQUE

1. URINES On y retrouve essentiellement le principal métabolite du THC, le THC-COOH, métabolite inactif sous forme conjuguée.

Si le prélèvement est non invasif, il est par contre difficile à mettre en œuvre au bord de la route, notamment, car il nécessite un véhicule adapté pour le recueil et est l’objet de nombreuses causes d’adultération que l’on peut facilement

trouver sur Internet.2. SALIVE

Les principaux avantages de la salive sont sa facilité de recueil non invasif et sa facilité à surveiller. Le cannabis, bien que très peu excrété par la salive, elle est intéressante car il est séquestré au niveau buccodentaire et est ainsi le témoin d’une

consommation récente.3. SANG

C’est le milieu idéal pour la confirmation et pour différencier les sujets « ayant fait usage de ceux sous influence », par le dosage du THC, du 11-OH-THC et du THC-COOH.

Ce milieu ne peut pas être utilisé dans le cadre du dépistage, car le prélèvement est invasif, demande la présence d’un médecin et nécessite un appareillage lourd réservé aux laboratoires.

4. CHEVEUX et PHANERES L’analyse ne permet pas de mettre en évidence une consommation récente, mais renseigne sur le vécu toxicomaniaque

d’un individu.Ce type d’analyse ne peut être réalisé qu’en milieu spécialisé.

5. SUEUR Elle est peu utilisée, car la présence de THC peut être facilement éliminée par simple lavage et, d’autre part, peut résulter

d’une contamination.6. AIR EXPIRE

Compte tenu de sa forte liposolubilité, le THC n’est pratiquement pas éliminé par la voie pulmonaire. Donc, aucun intérêt.

METHODES DE DEPISTAGE MILIEUX UTILISES

1. L’urine L’urine reste le mili eu de cho ix pour la pl upart des contrô les routiers et pour le suivi des salari és occupant des postes à ri sques dans les entreprises. Les tests immunoch imi ques « savonnettes » (p lus de 1 5 modèles commercialisés) sont les plus util isés, de même que les trousses de réactifs adaptées aux équi pements de laborato ire mai s pl us performantes (également nombreux: EMIT, RIA, FPIA, ELISA..). 2. La sal ive. Les tests sali vaires sont très utilisés pour le dép istage de masse. Le principe des méthodes mi ses en œuvre est identique à celu i utilisé pour les urines et les systèmes de prélèvement nombreux.

3 . Le s autres milieux Ils ne présentent aucun in térêt dans le cadre du dép istage, en cas d ’accident de la circu lation.

IRTF

SABRE

ANALYSE SALIVE

ANALYSES DE CONFIRMATION

Tout résultat positif doit, impérativement, être confirmé

Bien que le prélèvement soit invasif, le sang est le seul milieu envisageable, puisqu’il permet, non seulement de confirmer la présence de la substance, mais également de déterminer sa concentration afin de pouvoir interpréter les résultats.1. Dosage sanguin La seule méthode recommandable est la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS). D’autres techniques ont été proposées ( GC-MS/MS, HPLC-MS/MS…..), mais elles ne font qu’abaisser le seuil minima de 1ng/ml de sang avec, dans le cadre de l’accidentalité routière, peu d’intérêt. On utilise aussi l’IRTF, facile à mettre en œuvre.2. Autres milieux Les autres milieux sont peu utilisés dans le cadre de notre problématique.

ENSEMBLE GC/MS

LABORATOIRE DE GC/MS

Piège des adultérants Compte tenu des sanctions éventuellement applicables, les méthodes de falsification sont nombreuses et doivent être connues des analystes.Sans entrer dans le détail qui serait fastidieux, citons les principales. . La dilution des urines par de l’eau (robinet, cuvette des WC…), mais la température et la densité sont abaissées . Les diurétiques qui augmentent la vitesse d’élimination (sportifs..), . La substitution par des urines exemptes de drogues (baby urines), . Le glutaraldéhyde (clean –X, Urine Aid..), mais les urines deviennent brunes, . Le nitrite de sodium (Klear, KrystalKlean..) qui oxyde le cannabis . Le chlorochromate de pyridinium (Urine Luck, Klear II,LL-418..), . Le mélange de peroxydase et de peroxyde (Steealth) qui oxyde le cannabis, . L’eau de Javel qui est l’adultérant le plus efficace. Mais forte odeur caractéristique, . L’ammoniaque masque la présence de cannabis, mais odeur caractéristique, . La soude, . Le vinaigre et le jus de citron, identifiables par l’abaissement du pH et l’odeur, . Le collyre Visine (tétrahydrozoline), vasoconstricteur oculaire qui contient du benzalkonium potentiellement efficace, . Les médicaments tels que: l’aspirine, l’ibuprofène qui interfèrerait en GC-MS, les imidazolés, les vitamines B2 et B3, composés susceptibles d’interférer selon la méthode mise en œuvre……….

Précautions au moment du recueil

Il est important de respecter quelques précautions, à savoir:

. Individu en sous-vêtement, . Absence de point d’eau et de produits de nettoyage dans les toilettes (eau de la cuvette colorée), . Contrôle de la température, de l’aspect, de l’odeur et de la couleur et utilisation de bandelette pour contrôler le pH, . Densité pour contrôler l’addition de sel (augmentée), la dilution ou la prise de diurétique (diminuée), . Transparence (cristaux non dissous) . Agitation ( mousse si savon ou tensioactif=teepol, lave vaisselle..), . Palpation de l’individu pour s’assurer de l’ absence de poche d’urines sous les aisselles, de système tels que « The Urinator » qui permet de maintenir l’urine synthétique à une température de 37°C, . Mesure de la créatinurie qui doit être supérieure à 5mmol/L (dilution).

Aux Etats-Unis, la sanction est plus sévère pour une urine substituée ou adultérée que pour une urine positive pour une substance illicite.

Je vous remercie pour votre attention