canaux, rivières et crues

48
Frédéric Elie on ResearchGate Canaux, rivières et crues Frédéric Élie juin 2014 La reproduction des articles, images ou graphiques de ce site, pour usage collectif, y compris dans le cadre des études scolaires et supérieures, est INTERDITE. Seuls sont autorisés les extraits, pour exemple ou illustration, à la seule condition de mentionner clairement l’auteur et la référence de l’article. « Si vous de dites rien à votre brouillon, votre brouillon ne vous dira rien ! » Jacques Breuneval, mathématicien, professeur à l’université Aix-Marseille I, 1980 Abstract : Dans cet article, l'étude de la famille des écoulements à surface libre exposée à la pression atmosphérique et soumis au seul effet de la pesanteur est abordée de manière la plus simple qui soit (modèles généralement 1D, au pire 2D): dans cette famille se classent les écoulements dans les canaux et les rivières ainsi que les processus qui conduisent aux désastreux phénomènes de crues, dont il est de plus en plus question dans les médias. Tous ces écoulements ont en commun l'existence de berges ou parois latérales, et d'un fond, qui guident le mouvement du liquide dans une direction privilégiée. Bien que sous-tendus par un formalisme relativement simple, en mécanique des fluides, les comportements de ces écoulements, y compris jusqu'aux plus extrêmes (crues, débordements, ondes solitaires, ressauts importants) sont d'une grande diversité. Vous ne regarderez plus les canaux, les rivières et les chenaux comme avant... SOMMAIRE 1 – Introduction 2 – Écoulements filaires, écoulements uniformes, écoulements graduellement variés, écoulements rapidement variés: définitions et hypothèses 2.1 – Typologie 2.2 - Écoulements uniformes, formule de Chézy 2.3 - Écoulements graduellement variés, équations de Saint-Venant 2.3.1 – Généralités 2.3.2 – Équation de continuité (conservation de la masse) 2.3.2.1 – Équation générale 2.3.2.2 – Cas d'une conduite aux parois déformables 2.3.2.3 – Cas d'un écoulement à surface libre (canal, rivière, galerie) 2.3.3 – Équations de la dynamique d'un écoulement filaire graduellement varié 2.3.4 – Équations de la surface libre 2.4 - Écoulements filaires rapidement variés 3 – Divers cas de figure d'écoulements graduellement variés à surface libre 3.1 – Écoulements à débit constant et à surface libre variable 3.1.1 – Profondeur critique d'un écoulement à débit constant 3.1.2 – Forme de la surface libre d'un écoulement à débit constant 3.2 - Écoulements à charge spécifique HS constante et débit variable 3.2.1 – Débit maximum d'un écoulement à charge spécifique constante 3.2.2 – Écoulement à charge spécifique constante dans un canal de largeur variable 4 – Phénomène de crue des écoulements graduellement variés (phénomènes ondulatoires en faible ©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr , juin 2014 page 1/48

Upload: others

Post on 24-Nov-2021

6 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: canaux, rivières et crues

Frédéric Elie onResearchGate

Canaux, rivières et crues

Frédéric Élie

juin 2014

La reproduction des articles, images ou graphiques de ce site, pour usage collectif, y compris dans le cadre des études scolaires etsupérieures, est INTERDITE. Seuls sont autorisés les extraits, pour exemple ou illustration, à la seule condition de mentionner

clairement l’auteur et la référence de l’article.

« Si vous de dites rien à votre brouillon, votre brouillon ne vous dira rien ! »Jacques Breuneval, mathématicien, professeur à l’université Aix-Marseille I, 1980

Abstract : Dans cet article, l'étude de la famille des écoulements à surface libre exposée à la pressionatmosphérique et soumis au seul effet de la pesanteur est abordée de manière la plus simple qui soit(modèles généralement 1D, au pire 2D): dans cette famille se classent les écoulements dans les canauxet les rivières ainsi que les processus qui conduisent aux désastreux phénomènes de crues, dont il estde plus en plus question dans les médias. Tous ces écoulements ont en commun l'existence de bergesou parois latérales, et d'un fond, qui guident le mouvement du liquide dans une direction privilégiée.Bien que sous-tendus par un formalisme relativement simple, en mécanique des fluides, lescomportements de ces écoulements, y compris jusqu'aux plus extrêmes (crues, débordements, ondessolitaires, ressauts importants) sont d'une grande diversité.Vous ne regarderez plus les canaux, les rivières et les chenaux comme avant...

SOMMAIRE

1 – Introduction2 – Écoulements filaires, écoulements uniformes, écoulements graduellement variés, écoulementsrapidement variés: définitions et hypothèses

2.1 – Typologie2.2 - Écoulements uniformes, formule de Chézy2.3 - Écoulements graduellement variés, équations de Saint-Venant

2.3.1 – Généralités2.3.2 – Équation de continuité (conservation de la masse)

2.3.2.1 – Équation générale2.3.2.2 – Cas d'une conduite aux parois déformables2.3.2.3 – Cas d'un écoulement à surface libre (canal, rivière, galerie)

2.3.3 – Équations de la dynamique d'un écoulement filaire graduellement varié2.3.4 – Équations de la surface libre

2.4 - Écoulements filaires rapidement variés3 – Divers cas de figure d'écoulements graduellement variés à surface libre

3.1 – Écoulements à débit constant et à surface libre variable3.1.1 – Profondeur critique d'un écoulement à débit constant3.1.2 – Forme de la surface libre d'un écoulement à débit constant

3.2 - Écoulements à charge spécifique HS constante et débit variable3.2.1 – Débit maximum d'un écoulement à charge spécifique constante3.2.2 – Écoulement à charge spécifique constante dans un canal de largeur variable

4 – Phénomène de crue des écoulements graduellement variés (phénomènes ondulatoires en faible

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 1/48

Page 2: canaux, rivières et crues

courbure)5 – Phénomènes d'ondes de gravité (ondes de Favre) des écoulements rapidement variés (phénomènesondulatoires en forte courbure)Références

Canal d'Aubignosc (Alpes de Haute Provence) – photo: Frédéric Élie, 21 août 2008

1 – Introduction

Les écoulements dans les canaux ou les rivières entrent dans la famille des écoulements àsurface libre soumis à la pression atmosphérique et dont le seul moteur du mouvement est lagravité. Ce qui les caractérise aussi, c'est la présence de parois latérales (ou berges) et d'unfond (le radier) qui ont pour effet de guider l'écoulement moyen dans une direction privilégiée.Si RH est le rayon hydraulique de la veine (notion que l'on définira plus loin), le nombre deReynolds de ces écoulements est défini par:

R e=4 RH U

où U est la vitesse moyenne d'écoulement et la viscosité cinématique ( = / où μviscosité dynamique et ρ masse volumique du liquide, généralement de l'eau).Or dans la plupart des cas on a Re > 2500, qui est le seuil où le régime devient turbulent. parailleurs, les effets de frottement, dûs à la viscosité, interviennent.

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 2/48

Photon, c'est la Vltava, à Prague, en novembre! on

va se geler!

oui, Méson, mais tu vois qu'il y a un dénivelé à seuil

là-bas: donc, avant, Fred va nous expliquer comment ça

modifie l'écoulement du fleuve ici!...

Page 3: canaux, rivières et crues

Malgré ces facteurs complexes, l'étude macroscopique des écoulements dans les canaux etrivières revient à les modéliser comme des écoulements filaires:– à chaque section de la veine, on peut définir la vitesse moyenne de l'écoulement;– cette vitesse moyenne, et permanente dans toute la section (on néglige les effets de

bord) est suivant une direction privilégiée: le modèle est donc unidirectionnel (ou 1D);– malgré la nature turbulente du régime, le théorème de Bernoulli est supposé s'appliquer

sur les grandeurs moyennes: pression, vitesse, altitude;– et les effets de frottement, de rugosité et de turbulence sont intégrés dans le coefficient

de frottement et le coefficient de perte de charge.Ces approximations s'avèrent performantes dans la mesure où elles suffisent pour rendrecompte des bilans énergétiques de l'écoulement qui font intervenir la charge spécifique HS (voirci-dessous), le débit volumique Q et la pression.

Les écoulements filaires se subdivisent en deux familles:– les écoulements uniformes;– les écoulements variés, qui se subdivisent à leur tour en deux classes:

* les écoulements graduellement variés;* les écoulements rapidement variés

notions qui seront développées par la suite.

Lorsque, pour un écoulement graduellement varié, un apport de débit supplémentaire seproduit, sous forme d'une fluctuation hydrologique, la veine liquide répond par un régimed'ondes que l'on appelle phénomène de crue. Cet aspect sera également abordé.

2 – Écoulements filaires, écoulements uniformes, écoulements graduellement variés,écoulements rapidement variés: définitions et hypothèses

On rappelle ici les définitions et les hypothèses générales de la classe des écoulements filaires[1][2].

2.1 – Typologie

Dans un canal, une rivière, une conduite véhiculant un liquide, ce sont les parois qui guident leliquide en assurant son écoulement selon une direction privilégiée. On a alors affaire à un tubede courant dont une section droite quelconque permet de définir le débit volumique, c'est-à-direle flux de la vitesse d'écoulement v à travers la surface S de cette section:

Q=∬S

v⋅n dS

n étant la normale à la section. Ce débit représente la quantité de volume de liquide quitraverse la section par unité de temps:

Q=dVdt=

ddtSl =S

dldt=SU

où dl est la distance parcourue le long du tube de courant par unité de temps, c'est-à-dire lavitesse moyenne U. En présence d'écoulement le débit n'est pas nul en toute section droite dutube de courant. En revanche il est nul aux parois.

L'écoulement a une direction privilégiée imposée par les parois: cela signifie qu'en chaque pointdu tube de courant la vitesse moyenne est parallèle à une direction fixe, mais peut changerd'une section à l'autre. Le module de la vitesse peut changer d'une section à l'autre.

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 3/48

Page 4: canaux, rivières et crues

La vitesse moyenne sur une section donnée est obtenue par intégration sur la section normaleà la direction que suit localement l'écoulement en ce point:

U=1S∬

S

v⋅n dS=QS (1)

v étant généralement tridimensionnelle et affectée de fluctuations dans le cas d'unécoulement turbulent.En somme, la représentation mathématique d'un écoulement réel par un écoulement filairerepose sur l'hypothèse que l'on peut toujours définir des grandeurs moyennes sur chaquesection droite de la veine liquide (figure 1).

figure 1 – représentation schématique d'un écoulement filaire (tube et canal)

On a vu en référence [3] que les courbures imposées à la veine liquide génèrent des forcescentrifuges qui suppriment le caractère uniforme de la vitesse et de la pression dans lessections où la courbure a lieu: la vitesse moyenne varie comme l'inverse du rayon de courburer:

U=constante

r

Ceci a pour conséquence une zone de basse pression à l'intrados et de surpression àl'extrados, avec risque de décollement dans la zone voisine de l'intrados.

L'hypothèse d'écoulement filaire n'est donc plus applicable aux écoulements présentant defortes courbures. C'est pourquoi les écoulements filaires sont répartis en plusieurs classes:

– écoulements uniformes: l'épaisseur du liquide, entre le fond et la surface libre, resteconstante sur un tronçon, par conséquent le plan de la surface libre est parallèle auxgénératrices du tronçon. Cette situation a lieu pour des pentes très faibles, et donc afortiori en l'absence de courbure;

– écoulements variés, eux-mêmes répartis en deux classes, et ayant en communl'existence de courbure:* écoulements graduellement variés: les veines liquides présentent des courburesnégligeables et les forces centrifuges n'entrent pas en ligne de compte. La configurationest proche de celle de l'écoulement uniforme. En chaque section la pression estsupposée connue et la seule force qui agit est la pression hydrostatique, due à la gravité,dans chaque section en un point M:

P *=P− g h=constante

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 4/48

Page 5: canaux, rivières et crues

h étant l'immersion de M, c'est-à-dire la distance verticale entre M et la surface libre.* écoulements rapidement variés: les veines liquides présentent de fortes courbureslocalisées: coudes, élargissement brusque, seuils de déversoir, obstacles divers. En cessingularités, le caractère unidirectionnel, donc filaire, disparaît et les écoulements sontcomplexes. Heureusement, ces singularités peuvent être traitées de manière ponctuelleet peuvent être introduites dans une modélisation globalement filaire de l'écoulement àlaquelle elles apportent des termes correctifs localisés. Dans de tels écoulements, lespressions ne sont plus hydrostatiques car les effets dynamiques apportent des termesliés à la vitesse et aux pertes de charge.

2.2 – Écoulements uniformes, formule de Chézy

Soit un canal, de forme prismatique, ou cylindrique, dont les génératrices ont une inclinaisontrès faible α par rapport à l'horizontale H (figure 2).Par hypothèse d'un écoulement uniforme le plan de la surface libre est parallèle auxgénératrices, donc l'épaisseur de la veine liquide est constante.

figure 2 – écoulement uniforme dans un canal de très faible pente α

L'immersion d'un point M quelconque d'une section droite perpendiculaire à la direction del'écoulement U est notée h. La cote de M par rapport au plan de référence horizontal H estnotée z (comptée positivement vers le bas). On a donc:

h=−z cos

La pression hydrostatique en M est mesurée par rapport à l'immersion: le théorème del'hydrostatique donne alors (h étant comptée positivement):

P−P0= g hou encore:

P *=P− g h=P0

α étant très faible, on a cos≈1 et donc:

P *≈Pg z (2)

Comme z reste le même en chaque point d'une même ligne de courant, P reste aussi la même.

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 5/48

Page 6: canaux, rivières et crues

En conséquence le théorème de Bernoulli n'est pas applicable ici, car on est dans une situationcomparable à celle de l'équilibre hydrostatique, et donc la vitesse ne peut pas être déduite àpartir de lui.La vitesse est obtenue par une autre voie: puisque l'on est en écoulement permanent etuniforme le bilan des forces est nul. Or les forces sont:- d'une part, les forces de frottement moyennes qui s'exercent sur une longueur élémentaire dLdu canal:

dF D= S dL

où =12C DU² (CD coefficient de frottement, analogue au coefficient de traînée pour un

profil) et χ est le périmètre mouillé, c'est-à-dire la longueur de la ligne de la section qui est aucontact du liquide;- d'autre part, la force de pesanteur:

dF G= g sin dV

où dV = S dL est le volume élémentaire du tronçon de longueur dL autour de la section.La condition d'équilibre s'écrit donc: FD = FG, soit:

12C D U² S L=g sin SL

U= 2 gC D sin

Introduisant le rayon hydraulique

RH=S

(3)

la relation précédente devient, avec sin≈tan≈=i :

U=C RH i (4)

i= tan est la pente du canal, et C le coefficient de Chézy:

C=2 gC D

(5)

(dimensions de C: m1/2s-1). (4) est la formule de Chézy.

CD dépend du nombre de Reynolds R e=4 RH U

pour Re < 2500 (régime laminaire), et

uniquement de la rugosité aux très grands Re (diagramme de Moody [3]).

NB: pour la plupart des canaux: i = 5.10-3 à 5.10-4, pour les fleuves: i < 10-4 (soit 10 cm dedénivelé / km).

Le coefficient de frottement CD est lié au coefficient de perte de charge Λ par:

C D=

4

Tout comme CD, Λ dépend du nombre de Reynolds Re et de la rugosité moyenne k/D (k:

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 6/48

Page 7: canaux, rivières et crues

hauteur moyenne des rugosités, D diamètre du conduit ou du canal) de la même manière. (5)donne alors:

C=8 g

(6)

(6) reste valable tant que la largeur du canal n'est pas trop importante par rapport à laprofondeur. Dans le cas contraire, la formule de Bazin doit être utilisée (1):

C=87

1

RH

(en m1/2 s−1 ) (7)

γ est un coefficient empirique, de dimension m1/2, qui prend pour valeurs:

type de parois γ (m1/2)

parois très lisses (ciment lisse, bois raboté) 0,06

plancher, briques 0,16

moellons 0,46

terre régulière 1,30

parois herbées 1,75

Dans un canal où s'effectue un écoulement uniforme, la section S, encore appelée sectionmouillée (car on prend uniquement en compte la partie qui contient le liquide), est fonctionseulement de la profondeur (y) du canal (figure 2). Il en est de même du rayon hydraulique RH

et du périmètre mouillé χ. Il s'ensuit que le débit volumique Q, qui s'écrit à partir de (4):

Q=U S=S C RH i=K y i (8)

dépend aussi de (y) par l'intermédiaire de RH et de C en tant que fonction de RH par (7), donc de(y). Le coefficient K(y) qui est fonction seulement de la profondeur (y) est appelé la débitancedu canal:

K y=S C y R H y=Q

i (9)

En pratique, si l'on connaît RH(y) en fonction de (y), on peut tracer la courbe K(y) donnée par(9).

Donc si l'on connaît par avance le débit Q et la pente (i) d'un canal, on peut déduire laprofondeur (y) correspondante par simple lecture de la courbe.

Pour des canaux et rivières larges devant la profondeur, on peut assimiler la section mouillée àun rectangle de largeur ℓ et de profondeur (y):

1 C peut être aussi exprimée par la formule de Manning-Strickler: C=K e RH1/6 où Ke prend les valeurs suivantes (en

unités MKS) selon les types de berges pour:- canaux en béton: Ke = 50 à 90- maçonnerie: Ke = 50 à 60- terre et herbes: Ke = 20 à 60- cours d'eau: Ke = 20 à 40

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 7/48

Page 8: canaux, rivières et crues

S≈ℓ y

le périmètre mouillé est donc la somme de la largeur du radier ℓ et de la hauteur des bergesmouillées 2y:

χ = ℓ + 2y

on en déduit le rayon hydraulique:

RH=S=

ℓ yℓ2 y

≈ y

puisque y << ℓ. (7) et (9) donnent alors:

K y=ℓ y87

1

y

y=Q

i=87 ℓ

y² y (10)

La courbe de (10) (débitance fonction de la profondeur) est représentée à la figure 3: ellepermet de déterminer la profondeur (y) d'un canal lorsqu'on connaît son débit et sa pentepuisque la débitance est donnée par (9):

figure 3 – détermination de la profondeur (y) d'un canal par sa débitance K

2.3 – Écoulements graduellement variés, équations de Saint-Venant

2.3.1 – Généralités

Dans un écoulement graduellement varié, les courbures sont négligeables, mais pour autant, lasurface libre n'est plus forcément parallèle aux génératrices du canal ou de la conduite.Par hypothèse, l'écoulement est complètement déterminé si en chaque section on connaît ledébit volumique Q et la pression hydrostatique ou, ce qui revient au même, sa chargepiézométrique H = P*/ρg, où P* est donnée par P* = P – ρgh (h: immersion d'un point M de lasection).On a vu que le débit volumique est défini à travers la section par:

Q=∬S

v⋅n dS=US

où U est la vitesse moyenne du fluide qui traverse la section.On sait aussi que, le long d'une ligne de courant, l'énergie par unité de volume du fluide est:

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 8/48

profondeur y

K(y)

Page 9: canaux, rivières et crues

P− g h12v²

et qu'elle est conservée le long d'une même ligne de courant (théorème de Bernoulli). L'énergiequi traverse par unité de temps vdS s'écrit donc:

d w=P−g h12v² vdS= g

P g−h

v²2 gvdS

L'énergie moyenne par unité de poids qui traverse la section par unité de temps s'appelle lacharge spécifique HS et vaut donc:

H S=wm=

1 g Q

g∬S

Pg−h

v²2 gv dS

or P g−h=

P * g

est constante dans la section (où seule règne la pression hydrostatique) (2),

HS devient donc:

H S=1Q∬

S

P * g

v dS1Q∬

S

v3

2 gdS

avec:

P *Q∬

S

vdS=P *Q

US=P *

1Q∬

S

v3

2 gdS=

12 g Q∬

S

v3 dS

or 1S∬

S

v3dS est la moyenne de v3 sur la section, soit U3, donc: ∬S

v3 dS=SU 3

d'où

1Q∬

S

v3

2 gdS=

Q²2 g S²

puisque U = Q/S

Finalement la charge spécifique est (3):

H S=P * g

Q²2 g S²

(11)

La pente étant supposée faible, comme dans l'écoulement uniforme, on a h≈−z (z étantcomptée positivement vers le haut) et (y) est la cote de la surface libre, qui n'est plus supposéeconstante ici (donc P *≈Pg z ). La section mouillée S dépend de la surface libre (y) doncn'est plus connue a priori:

S y =∫y0

y

l x , z dz

où l x , z est la largeur locale qui varie avec l'immersion z en la section d'abscisse x sur l'axede l'écoulement.Déterminer un écoulement filaire, graduellement varié, c'est donc calculer Q et P*, ainsi que (y),lorsqu'on connaît les conditions aux limites et les conditions initiales.Les écoulements filaires graduellement variés peuvent faire l'objet de phénomènes de crues:

2 Alors qu'en écoulement uniforme, elle est constante sur toute la ligne de courant.3 La charge spécifique a été introduite par Bakhmeteff en 1911.

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 9/48

Page 10: canaux, rivières et crues

ceux-ci traduisent une réponse ondulatoire à une perturbation apportée à l'écoulement moyen(des pluies torrentielles par exemple), dans la configuration de courbure faible.Ils seront présentés au paragraphe 4.

2.3.2 – Équation de continuité (conservation de la masse)

2.3.2.1 – Équation générale

Soit une masse m de liquide occupant un volume V à l'instant t lors de l'écoulement:

m=∭V

dV

où ρ masse volumique du liquide. Alors la variation de cette masse pendant l'unité de tempsest:

dmdt=

ddt∭V

dV=∭V

∂ tdV

1

∬S

v⋅n dS

2

(12)

Cette variation de masse est la somme de deux termes:(1) variation de la masse volumique sur le volume à l'instant t(2) flux de masse à travers la surface S délimitant le volume V à l'instant t

Le volume élémentaire dV est défini par un tronçon d'écoulement filaire borné par deux sectionsplanes droites normales à l'écoulement, séparées de l'élément de longueur dx (figure 4).

figure 4

Alors, d'après l'interprétation des termes (1) et (2) qui interviennent dans la relation (12),∂/∂ t représente la variation de masse volumique entre les deux sections (par

compressibilité par exemple), et v⋅n représente le flux, ou le courant de liquide entrant etsortant à travers la surface S.Si la surface S est variable avec le temps, comme c'est le cas pour un écoulement dans uneconduite aux parois déformées par la pression, ou pour un écoulement avec une surface librequi peut se déformer, alors la variation de surface dS dans (12) peut se décomposer en unevariation spatiale dS' et une variation temporelle:

dS=dS '∂ S∂ t

dt

où la déformation spatiale s'effectue dans les deux directions x et y: dS '=∂ S∂ x

dx∂ S∂ y

dy

Par conséquent, le terme (2) dans (12), c'est-à-dire le flux, s'écrit:

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 10/48

Page 11: canaux, rivières et crues

∬S

v⋅n dS=∬S

v⋅n dS '∬S

v⋅n∂ S∂ t

dt

La première intégrale peut être calculée par le théorème d'Ostrogradski:

∬S

v⋅n dS '=∭V

div v dV

et (12) devient:dmdt=∭

V

∂ tdiv v dV∬

S

v⋅n∂ S∂ t

dt (13)

Pour un écoulement filaire on exprime (13) en 1D, où les grandeurs sont traitées globalementdans un tronçon entre deux sections droites, et donc sont des moyennes (P, ρ, U). En outre onse limite au cas où la masse est conservée entre l'entrée et la sortie du volume (pas de sourceni de puits entre ces deux sections). Avec dV = Sdx, (13) devient alors:

∫L

∂ tSdx∫

L

∂ xU Sdx∫

L

U∂ S∂ t

dt=0

En remarquant que Udt = dx, la dernière intégrale s'écrit aussi ∫L

∂ S∂ t

dx , on a donc:

∫L

∂ tS

∂ xU S

∂ S∂ tdx=0

et ce, quelle que soit la longueur L du tronçon, donc:

∂ tS

∂ xU S

∂ S∂ t=0

le débit volumique étant Q = US, on a:

∂ xU S=

∂ xU S −U

∂ S∂ x=∂

∂ xQ−U

∂ S∂ x≈∂

∂ xQ

car U∂ S∂ x≪∂ S∂ t

(la variation de la surface de la section est plus importante à la surface libre

que suivant la direction de l'écoulement). L'équation de continuité (conservation de la masse)en 1D s'écrit finalement:

∂ t∂

∂ xQ

∂ S∂ t=0 (14)

L'équation de continuité (14) est appliquée à deux exemples:– écoulement dans une conduite où la déformation des parois sous l'effet de la pressionest prise en considération. Ce cas a été exploité dans l'étude du coup de bélier dans uneconduite [4].– écoulement dans un canal ou une rivière, donc d'une veine liquide présentant unesurface libre.

2.3.2.2 – Cas d'une conduite aux parois déformables

Les variations de section dues à la pression, pour une conduite de section circulaire, de

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 11/48

Page 12: canaux, rivières et crues

diamètre externe D et d'épaisseur h, sont:

dSS=

DEh

dP (15)

où E est le module d'Young de la paroi du tube (pour l'acier E est de l'ordre de 2.10 11 Pa). Parailleurs les variations de section dues à la pression induisent à leur tour des variations demasse volumique du liquide:

d =T dP (16)

où χT est le module de compressibilité (unité: Pa-1): χT = 0,5.10-9 Pa-1 pour l'eau.En utilisant (15) et (16) dans (14) on obtient:

∂ S∂ t=

DSEh∂P∂ t

∂ t= S T

∂P∂ t

L'utilisation de ces deux relations, et de ∂

∂ xQ =

∂ xQ

∂Q∂ x

, où Q est remplacé par US,

conduit à exprimer (14) par:

S TDEh∂P∂ t S T

DEhU∂P∂ xS

∂U∂ x=0

En remarquant que la célérité du son dans la conduite emplie d'eau est donnée par:

c²=1

TDEh (17)

(en l'absence d'élasticité de paroi, on retrouve la célérité du son dans l'eau seule:c²=c0 ²=1/T ), l'équation de continuité dans une conduite d'eau est:

∂P∂ xc²

∂U∂ xU

∂P∂ x=0 (18)

2.3.2.3 – Cas d'un écoulement à surface libre (canal, rivière, galerie)

Les déformations dans le liquide se transmettent intégralement à la surface libre, l'interactionavec les parois n'entre pas en ligne de compte.On a vu que la surface de la section mouillée est complètement déterminée par la cote de lasurface libre (y) (figure 5):

S y =∫y0

y

l x , z dz

figure 5 – surface libre

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 12/48

Page 13: canaux, rivières et crues

Par conséquent on a: ∂ S∂ t=l x , y

∂ y∂ t

∂ S∂ y=l x , y

ρ étant constante, puisqu'il n'y a pas de compression dans le fluide, les efforts étant transmisuniquement à la déformation de la surface libre, (14) devient:

∂Q∂ xl x , y

∂ y∂ t=0 (19)

(19) est l'équation de continuité des écoulements à surface libre.

2.3.3 – Équations de la dynamique d'un écoulement filaire graduellement varié

La dynamique de l'écoulement d'un fluide visqueux newtonien (avec donc effets de frottement)est décrite par les équations de Navier-Stokes. Nous n'allons pas les utiliser telles quelles ici,mais les reformuler d'une manière plus adaptée aux écoulements filaires.Pour cela, en application du principe fondamental de la dynamique, on exprime que la dérivéepar rapport au temps de la quantité de mouvement d'un volume liquide est égale au bilan desforces qui s'exercent sur lui.Ces forces sont de trois sortes:– les forces de pression F P

– les forces à distance F E

– les forces de frottement visqueux F D

Or la quantité de mouvement est ∭V

dm⋅v=∭V

v⋅dV

d'où il suit que sa dérivée est égale à:

ddt∭

V

v dV=∭V

∂ tv dV∬

S

v v⋅ndS= F P F E F D

or:F P=−∬

S

P n dS

F E=∭V

f dV (où f est la force volumique à distance)

F D=−∬S H

dS (où est la force de frottement unitaire, elle s'exerce uniquement sur

la paroi mouillée, c'est-à-dire au contact de l'écoulement, de surface SH). En 1D, est de la

forme =∂v∂ x

où μ est la viscosité dynamique, responsable des forces de frottement (4).

Il vient donc:

∭V

∂ tv dV∬

S

v v⋅ndS=−∬S

P n dS∭V

f dV−∬S H

dS H (20)

On va maintenant traduire (20) dans la géométrie 1D d'un écoulement filaire, en l'exprimantdans le repère Oxz lié à la veine liquide (figure 6).

4 De façon plus générale l'application du théorème de Stokes à l'intégrale F D permet de l'exprimer par une intégrale e

volume: F D=−∭

V

∇ ²v dV . Mais on n'utilisera pas ceci dans le cas présent.

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 13/48

Page 14: canaux, rivières et crues

figure 6 – géométrie d'un écoulement filaire graduellement varié

Comme auparavant, l'existence d'une surface déformable avec le temps conduit à:

dS=dS '∂ S∂ t

dt

d'où:

∫S

v v⋅ndS=∫S '

v v⋅ndS '∫v v⋅n∂ S∂ t

dt

et d'après le théorème de Stokes:

∫S '

v v⋅n dS '=∫V

div v v⋅ndV

et:

∫S

P n dS=∫V

grad P dV

(20) devient alors, avec dV = Sdx, et la surface mouillée dSH = χdx, et pour les grandeursmoyennes:

∫L

∂ tU Sdx∫

L

∂ xU⋅U Sdx∫

L

U⋅U∂ S∂ t

dt=−∫L

∂ xP⋅Sdx∫

L

f X Sdx−∫L

dx

Comme US = Q et Udt = dx, on obtient:

∫L[ ∂∂ t

U S∂

∂ xQU U

∂ S∂ t ]dx=∫

L[− ∂P∂ x

S f X S− ]dx

Si les forces à distance se réduisent à la seule force de pesanteur, alors leurs composantesdans Oxz sont (figure 6):

f = g X , g Z =g sin ,− g cos

soit f X= g sin . L'égalité entre les intégrales précédentes étant vérifiée quelle que soit lalongueur L du tronçon d'écoulement, on a en tous points M du liquide suivant l'axe Ox:

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 14/48

Page 15: canaux, rivières et crues

∂ tU S

∂ xQU U

∂ S∂ t=−

∂ P∂ x

S g sinS− (21)

Pour l'autre composante suivant Oz, on a:

−∂P∂ z− g cos=0 (22)

La pression hydrostatique P en M dépend de son immersion z par rapport à la surface libre enE (figure 6) et l'on a:

P M −P0= g⋅EM= g y−z cos

où y est la cote de la surface libre suivant Oz; ce qui se réécrit encore:

P M g z cos=P *=P0 g y (23)

et en introduisant P* dans (21) il vient:

∂P∂ x=∂

∂ xP *− g z cos=

∂ P *∂ x

−∂

∂ xg z cos g zsin

∂ x

α étant petit, on néglige le dernier terme de l'égalité ci-dessus et (21) devient:

S∂

∂ tU

∂ xQU U

∂ S∂ t=−

∂ P *∂ x

S∂

∂ xS g z cos g sinS− (24)

En complétant (24) de l'équation de continuité (14), on obtient le système général d'équationsdes écoulements filaires graduellement variés:

(a) S∂

∂ tU

∂ xQU U

∂ S∂ t=−

∂ P *∂ x

S∂

∂ xS g z cos g sin S−

(b) ∂

∂ t∂

∂ xQ

∂ S∂ t=0

(25)

avec Q = SU.Appliquons (25a) au cas d'un écoulement à surface libre. Dans ce cas:

∂ x=0 car le liquide est supposé incompressible par suite de la présence de la surface libre

(les contraintes se reportent dans les déformations de celle-ci);

D'après (23): ∂P *∂ x

= g∂ y∂ x

∂ xQU =

∂ x Q²S

Charge hydraulique spécifique: H S=U²2 g

P * g=

U²2 g y

P0

gd'après (23)

soit:

H S=Q²

2 g S²

P * g

(26)

D'après la formule de Strickler [3], les forces de frottement sont:

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 15/48

Page 16: canaux, rivières et crues

= g RH j (27)

où RH rayon hydraulique (RH = S/χ) et j la perte de charge, c'est-à-dire la variation de la chargehydraulique spécifique par unité de longueur parcourue dans le tronçon:

j= H S

Let donc:

=g S j

On pose i=sin≈tan pente du canal.(25a) devient alors:

∂Q∂ t∂

∂ x Q²S =−g S

∂ y∂ xg S i− j (28)

Par ailleurs, on a vu que pour un écoulement à surface libre, (25b) prend la forme (19).L'ensemble de (28) et (19) forme alors les équations de Saint-Venant (1870) pour unécoulement filaire à surface libre graduellement varié:

(a) ∂Q∂ t∂

∂ x Q²S g S

∂ y∂ x=g S i− j

(b) ∂Q∂ xl x , y

∂ y∂ t=0

(29)

Appliquons maintenant (25a) à un écoulement dans une conduite en charge:

• On suppose ∂ S∂ t=0 (parois de la conduite indéformables)

• (27) s'applique encore

• (26) s'applique aussi, avec: ∂

∂ x=0 (fluide incompressible)

∂Q∂ x=0 (le débit varie seulement avec le temps, et non selon la position dans l'écoulement)

Sous ces conditions, (25a) devient:

S ∂U∂ t

∂ xQU S

∂P *∂ x

= g S i− j

or: ∂

∂ xQU =U

∂Q∂ xQ

∂U∂ x=Q

∂U∂ x=U S

∂U∂ x

d'où:

∂U∂ tU

∂U∂ x

1∂P *∂ x

=g i− j (♠)

Pour une conduite élastique, l'équation de continuité est donnée par (18), elle vient compléterl'équation de la quantité de mouvement (♠) établie pour une conduite inélastique (infinimentrigide), en la corrigeant pour tenir compte des effets d'élasticité qui interviennent dansl'interaction écoulement-paroi. D'où l'ensemble d'équations pour une conduite où la rigidité estcorrigée des effets d'élasticité:

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 16/48

Page 17: canaux, rivières et crues

(a) ∂U∂ tU

∂U∂ x

1∂P *∂ x

=g i− j

(b) ∂P∂ xc²

∂U∂ xU

∂P∂ x=0

avec: c²=1

TD

E h

(30)

(on se rappelle que l'équation (30b) est l'équation (18)).

NB 1: En toute rigueur il aurait fallu ne pas imposer au départ ∂ S∂ t=0 ni

∂ x=0 pour tenir

compte d'emblée des effets d'élasticité dans le liquide et la paroi, mais (30) est uneapproximation au premier ordre.

NB 2: En utilisant la charge hydraulique spécifique H S=U²2 g

P * g

on a:

U∂U∂ x

1∂P *∂ x

=∂

∂ x 12

U²P * =g

∂ H S

∂ x

et (30a) prend la forme condensée pour l'équation de la quantité de mouvement:

∂U∂ tg

∂ H S

∂ x=g i− j (31)

à laquelle (30b) reste jointe.

NB 3: Que ce soit pour (29) (écoulement à surface libre) ou (30) (écoulement dans uneconduite), la fermeture du problème nécessite des lois de comportement pour lesquelles laperte de charge j est reliée aux grandeurs moyennes, notamment U. C'est l'objet par exempledes lois de Strickler, de Bazin, etc.

2.3.4 – Équations de la surface libre

Considérons à nouveau le cas d'un écoulement graduellement varié à surface libre. Lasection S n'est pas toujours uniforme (suivant Ox, l x , z varie), mais comme la surface librese déforme ( ∂ S /∂ x≠0 ), le débit volumique Q reste constant, ce qui implique que U et Svarient de telle sorte à avoir Q = US = constante.Il s'ensuit que (29a) devient:

Q²∂

∂ x 1S g S

∂ y∂ x=g S i− j

où S est reliée à la surface libre comme vu au paragraphe 2.3.1.L'unique inconnue devient alors la cote de la surface libre (y) en chaque section, et leséquations qui permettent de la déterminer sont donc (équations de la surface libre):

(a) ∂ y∂ x

Q²g∂

∂ x 12 S² =i− j

(b) S y =∫y0

y

l x , z dz (32)

(32) nous permettra par la suite de calculer la forme de la surface libre d'un canal prismatique.

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 17/48

Page 18: canaux, rivières et crues

2.4 – Écoulements filaires rapidement variés

Dans l'équation (25a) les deux premiers termes ∂

∂ t U

1S∂

∂ xQU ou, ce qui revient au

même dans (30a), ∂U∂ tU

∂U∂ x

, représentent l'accélération d'un tronçon de liquide s'écoulant

à la vitesse moyenne U: ce sont le terme d'inertie; à noter que la composante non linéaire∂/∂ x Q U ou encore U ∂U /∂ x est le terme d'inertie spatiale, c'est-à-dire l'accélération

convectée (on dit encore advectée) par l'écoulement.Ces termes d'inertie deviennent prépondérants lorsque les effets de courbure ou de variationbrutale de section interviennent, ainsi que nous l'avons annoncé au paragraphe 2.1. C'est lecas lorsque le débit varie rapidement:• soit par suite d'un changement temporel de la vitesse (exemple: régimes transitoiresdans les centrales hydroélectriques ou les écluses, intumescences dans les canaux ou rivières,marées d'estuaires, mascarets...);• soit par suite d'un changement rapide de la section ou de la courbure (exemple:fermeture ou ouverture de vannes, coup de bélier, écoulements dans les divergents ouconvergents, seuils, déversoirs...);• soit par suite des deux changements simultanés.

Les écoulements rapidement variés sont à inertie prépondérante: pour eux, il est donc souventpossible de négliger les termes de frottement devant les termes d'inertie.Dans ce cas, les équations de Saint-Venant (29), dans l'hypothèse d'un canal prismatique àsection rectangulaire de surface S = Ly (L: largeur du canal, y: cote de la surface libre) prennentla forme:

(a) ∂Q∂ t∂

∂ x Q²S g S

∂ y∂ x=0

(b) ∂Q∂ xL

∂ y∂ t=0

(33)

avec: Q = SU = LyU. Chaque terme de (33) s'écrit:

∂Q∂ t=∂

∂ tS U =U

∂ S∂ tS

∂U∂ t=U L

∂ y∂ tL y

∂U∂ t

∂ x Q²S = ∂

∂ xQU =Q

∂U∂ xU

∂Q∂ x=L y U

∂U∂ x−U L

∂ y∂ t

où l'on a utilisé (33b)

∂Q∂ x=∂

∂ x=∂

∂ xS U =S

∂U∂ xU

∂ S∂ x=L y

∂U∂ xL U

∂ y∂ x

ce qui donne, selon (33b):∂ y∂ tU

∂ y∂ x y

∂U∂ x=0 (34a)

et (33a) donne, compte tenu de ce qui précède: y L∂U∂ tU

∂U∂ xg

∂ y∂ x =0 quelle que soit L.

D'où:∂U∂ tU

∂U∂ xg

∂ y∂ x=0 (34b)

Les équations (34a et 34b) sont les équations de Saint-Venant pour les écoulements filaires àinertie prépondérante donc rapidement variés.

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 18/48

Page 19: canaux, rivières et crues

Ce sont les équations d'une onde qui se propage. En introduisant les variables:

u+=U2g yu - =U−2g y

et les opérateurs différentiels:

D+=∂

∂ tUg y

∂ x

D -=∂

∂ tU−g y

∂ x

les équations (34) se mettent sous la forme:

D+ u+=0D - u -

=0 (35)

La forme (35) permet de résoudre les équations (34) par la méthode des caractéristiquesadaptées aux équations différentielles hyperboliques: elles font appel aux fonctions de Riemann[6].On cherche des solutions liées au référentiel mobile se propageant avec les célérités

c+=Ug y ou bien c - =U−g y . (35) exprime en fait que les vitesses u+ et u- se

conservent dans ce référentiel mobile:

u+ = constanteu- = constante

Un couple de solutions inconnues (U, y) est donc lié aux valeurs U1, y1 et U2, y2 prises en deuxsections 1 et 2 de l'écoulement, soit:

U2g y=constante=U 12g y1

U−2g y=constante=U 2−2g y2

ce qui détermine la vitesse et la surface libre lorsqu'on les connaît en deux sections 1 et 2 de laveine fluide:

2 U=U 1U 22g y1−2 g y2

4 g y=U 1−U 22g y12g y2

(36)

Avec cette méthode, on démontre par exemple que pour une intumescence en forme d'échelon,qui se propage dans un canal ou une rivière (suite par exemple à l'ouverture d'une vanne,comme une écluse, ou un phénomène de mascaret) la singularité se propage avec une céléritéconstante c qui dépend seulement de la cote de la surface libre de part et d'autre de lasingularité (en amont et en aval) y1 et y2 (figure 7):

- célérité du ressaut relativement à la vitesse de l'écoulement amont:

c−U 1=gy2

y1

y1 y2

2 (37a)

- célérité du ressaut relativement à la vitesse de l'écoulement aval:

c−U 2=gy1

y2

y1 y2

2 (37b)

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 19/48

Page 20: canaux, rivières et crues

figure 7 – propagation d'un ressaut mobile (intumescence)

Remarque: les relations (37) montrent que les ressauts mobiles se propagent plus rapidementque les ondes de surface de gravité de l'aval [5]: c−U 1g y2 , mais plus lentement que lesondes de gravité de l'amont: c−U 1g y1 .

Des exemples d'applications sont nombreux [6], [1]:– remplissage d'un canal (onde de compression)– vidange d'un canal (onde de détente)– rupture d'un barrage– etc.

Les écoulements rapidement variés peuvent être le siège d'ondes de gravité (les ondes deFavre). Nous verrons qu'il s'agit d'un comportement de la surface libre qui résulte d'unecourbure importante, responsable du fait que les équations de Saint-Venant (établies pour lesécoulements à courbure faible) ne peuvent plus s'appliquer et doivent être complétées par destermes de courbure. Ce régime sera présenté au paragraphe 5.

Toujours dans le domaine des écoulements filaires rapidement variés, nous renvoyons auxréférences [4], [7], [8], pour le coup de bélier, le ressaut hydraulique, le déversoir.

3 – Divers cas de figure d'écoulements graduellement variés à surface libre

Dans ce paragraphe on examine différentes configurations d'écoulements graduellement variésà surface libre que l'on peut rencontrer pour les canaux et les rivières:- écoulement à débit Q constant, et à surface libre (y) variable. Ce type d'écoulement serencontre par exemple pour un écoulement issu d'une vanne constamment ouverte en pied deréservoir dont la hauteur d'eau reste constante.- écoulement à charge spécifique HS constante et à débit Q variable (donc à surface librevariable (y)). Ce type d'écoulement se rencontre par exemple pour un écoulement issu d'unevanne de pied de réservoir, initialement fermée puis progressivement ouverte; la hauteur d'eaudans le réservoir étant constante, la charge spécifique reste également constante.Dans les deux cas, ces situations sont celles d'une section d'écluse qui se remplit jusqu'à ceque sa surface libre soit à la même hauteur que celle de la section voisine.Pour chacune des configurations des exemples d'application seront présentés.

Étant donnée son importance, nous avons besoin de la charge spécifique, dont on rappelle ladéfinition pour un écoulement à surface libre (elle a la dimension d'une hauteur):

H S=U²2 g

P * g

avec, pour la surface libre la relation (23): P *=P0 g y

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 20/48

Page 21: canaux, rivières et crues

d'où il suit que: H S=U²2 g y

P0

g

et dans tout ce qui suit, on posera que l'origine des pressions est prise égale à la pressionatmosphérique P0, ce qui revient à les mesurer en hauteur d'eau supplémentaire par rapport àcelle qui correspond à 1 bar (10 m):

H S=U²2 g y (38)

En utilisant le débit volumique Q, (38) s'écrit aussi:

H S=Q²

2 g S² y (39)

la surface S de la section étant fonction de la cote de la surface libre (y).On voit tout de suite que:– si HS constante: (y) donc S sont variables, et donc Q est variable aussi;– si le débit Q est constant: (y) donc S sont variables, et donc HS est variable.

écluse sur la Meuse, Belgique (photo: Frédéric Élie, août 2004)

3.1 – Écoulements à débit constant et à surface libre variable

3.1.1 – Profondeur critique d'un écoulement à débit constant

La charge spécifique est donnée par (39), où la section mouillée S dépend de la cote de lasurface libre (y). Par exemple, pour un canal de pente faible, de section rectangulaire, on a S =Ly où L est la largeur du canal. (39) devient donc:

H S y =Q²

2 g L² y² y

Le débit Q étant constant par hypothèse, la courbe HS(y) a les allures suivantes (figure 8):– pour y → 0, HS(y) → infini– pour y → infini, HS(y) → infini selon la droite asymptote HS = yelle passe donc par un minimum, HSC obtenue pour une valeur yC de (y) appelée profondeurcritique (la section SC = LyC correspondante est appelée section critique).

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 21/48

Page 22: canaux, rivières et crues

De manière plus générale, si la largeur du canal est variable, l x , y , on rappelle que lasection S(y) est:

S y =∫y0

y

l x , z d z (40)

et par conséquent:dSdy= l x , y (41)

Le minimum de HS(y) est défini par:d H S

d y=0=1−

Q²g S 3

dSdy

et compte tenu de (41):Q² l

g S C3=1 (42)

où SC section critique, détermine la profondeur critique yC: SC yC =∫y0

yC

l x , z d z

figure 8 – profondeur critique d'un écoulement à débit constant

Une charge spécifique HS inférieure à HSC ne correspond à aucun écoulement car la surfacelibre n'existe pas.Au dessus, une même valeur de HS correspond à deux surfaces libres possibles yA et yB, l'uneinférieure à la profondeur critique (yA < yC), l'autre supérieure à la profondeur critique (yB > yC).L'asymptote pour y → infini étant la droite HS(y) = y, on s'aperçoit que pour• yA < yC, yA est faible et la vitesse UA est grande: la profondeur est faible mais l'écoulementest rapide. Le régime est dit torrentiel.• yB > yC, yB est grande et la vitesse UB est petite: la profondeur est grande maisl'écoulement est lent. Le régime est dit fluvial.

On verra plus loin que l'épaisseur (y) augmente quand la pente (i) du canal diminue (tend versl'horizontale) et inversement, du moins lorsque l'on est en « profondeur normale » où la surfacelibre, la ligne de charge (c'est-à-dire HS(x) éventuellement affectée par les pertes de charge) etla profondeur du radier sont parallèles. Dans ce cas, on peut illustrer expérimentalement lerégime torrentiel et le régime fluvial. Avec une pente faible, on obtient (y) élevée donc un régimefluvial (vitesse lente), et avec une pente plus forte, on obtient (y) faible donc un régime torrentiel(vitesse rapide). Cette expérience peut être effectuée à l'aide d'un réservoir de hauteur d'eauconstante, délivrant un débit Q constant par une sortie placée au pied et débouchant sur un

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 22/48

Page 23: canaux, rivières et crues

canal à pente réglable (figure 9). Le débit en A est donné par la formule de Torricelli:U A=2 g H donc Q A=S A2 g H=constante .

figure 9 – obtention expérimentale d'un écoulement fluvial et d'un écoulement torrentiel

On a montré une application de la profondeur ou section critiques lors de l'étude du déversoir[8].

3.1.2 – Forme de la surface libre d'un écoulement à débit constant

On a vu que la forme de la surface libre, pour un écoulement à débit constant, est solution del'équation (32), en présence de pertes de charge (j):

∂ y∂ x

Q²g∂

∂ x 12 S² =i− j

La pente du canal (i) joue un rôle similaire à la pente de la ligne de charge j=dH S

dx.

Par ailleurs, pour un écoulement uniforme, la pente du canal (i) est reliée au débit par la formulede Chézy (8) et (9). Il doit en être de même pour la pente (j) de la ligne de charge: pour unécoulement graduellement varié, elle doit être, elle aussi, reliée au débit par une relation detype Chézy:

Q=S yC yRH y j

où RH est le rayon hydraulique, S la section mouillée, C le coefficient de Chézy (5). Toutes cesgrandeurs sont reliées à (y). On a donc:

j=Q²

S² C² RH (43)

que l'on injecte dans l'équation de la surface libre: ∂ y∂ x

Q²g∂

∂ x 12 S² =i−

Q²C² S² RH

Or: ∂

∂ x 12 S² =− 1

S 3

∂ S∂ y∂ y∂ x

S dépend uniquement de (y), et (y) dépend uniquement de (x), on peut donc remplacer ∂/∂x pard/dx. Par ailleurs dS /dy= l pour un canal prismatique. On obtient donc:

dydx 1− Q²

g S 3l=i−

Q²C² S² RH

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 23/48

Page 24: canaux, rivières et crues

Finalement, la pente de la surface libre est donnée par:

dydx=i

1−Q²

C² S² RH i

1−Q²

g S3 l (44)

Dans (44) on reconnaît l'expression (42) SC3=

Q² lg

où SC est la section critique, (44) se réécrit

donc:

dydx=i

1−Q²

C² S² RH i

1− SC

S 3 (44bis)

Les équations (44 ou 44bis) montrent que la pente de la surface libre est la pente du canal (i)modifiée par les effets conjugués de perte de charge et de conservation du débit, la chargespécifique étant variable.Pour connaître le profil (y) de la surface libre, il n'est pas toujours nécessaire d'intégrer (44). Onpeut prédire les différents régimes possibles de la surface libre en examinant les cas où sapente dy/dx s'annule (surface libre parallèle au fond du canal c'est-à-dire le radier) et où elledevient infinie. Il suffit de se souvenir que C, S, RH sont des fonctions croissantes de (y) pourconduire l'analyse.

La pente de la surface libre s'annule pour une cote de cette surface (y0) telle que:

Q²i=C² S² RH= f y0 (45)

où f(y) = C²(y)S²(y)RH(y) est une fonction de (y). L'égalité (45) a lieu pour une valeur unique y0

(la fonction f étant monotone puisque C, S, RH sont des fonctions croissantes de (y)).Lorsque y < y0, dy/dx est positive (elle tend d'ailleurs vers (i) lorsque (y) tend vers zéro).Lorsque y > y0, dy/dx est négative.L'annulation de dy/dx en y0 s'accompagne donc d'un changement de signe. Comme dy/dxreprésente la pente de la surface libre par rapport au radier, de pente (i), alors dy/dx = 0 signifieque la surface libre est parallèle au radier (figure 10).

figure 10 – pente de la surface libre par rapport au radier

La valeur y0 du tirant d'eau est donc la profondeur normale, celle qui a été utilisée dans l'étudedes écoulements uniformes au paragraphe 2.2 où, en toute rigueur, la loi de Chézy (8) devrait

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 24/48

Page 25: canaux, rivières et crues

s'écrire lorsque y = y0:Q=K y0i

où K(y0) est la débitance du canal.Comme f(y0) est une fonction croissante de y0, (44) montre que le tirant d'eau normal y0 diminuequand la pente du canal (i) augmente, et inversement.

La pente de la surface libre devient infinie lorsque:

Q² l

g S C3=1 (46)

autrement dit pour la profondeur critique yC: la surface libre est alors perpendiculaire auradier, c'est-à-dire l'écoulement présente un échelon.

De façon générale, le numérateur et le dénominateur de dy/dx dans (44) ne s'annulent passimultanément: on a donc soit y0 < yC, soit y0 > yC selon la valeur de la pente (i) du canal. Mais ilexiste une valeur iC de cette pente pour laquelle les deux annulations sont simultanées, et dansce cas dy/dx est un indéterminé de la forme 0/0 dont il faut lever l'indétermination. i C s'appelle lapente critique, elle est telle que y0 = yC donc on a à la fois Q² = C²S²RHiC et Q² = gS3l, donc:

iC=g S

C² l RH (46bis)

Si, pour un même débit Q, on fait varier la pente du canal (i), lorsqu'elle atteindra une valeur i =i0, on aura la profondeur normale y0:

Q² = C²(y0)S²(y0)RH(y0)i0

et lorsqu'elle atteindra la valeur critique i = iC on aura la profondeur critique yC:

Q² = C²(yC)S²(yC)RH(yC)iC

d'où le rapport entre la pente i0 qui correspond à la profondeur normale et la pente critique iC:

i0

iC

=C² yC S² yC RH yC

C² y0S² y0 RH y0=

f yC

f y0

f(y) étant une fonction croissante de (y), on aura par conséquent les cas suivants:

i0iC yC y0

i0iC yC y0

i0=iC yC= y0

(47)

On complète l'analyse en remarquant que pour (y) → infini, on a dy/dx → i, autrement dit lasurface libre devient devient horizontale (on rappelle que dy/dx est la pente de la surface librepar rapport au radier) (figure 11).

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 25/48

Page 26: canaux, rivières et crues

figure 11 – surface libre horizontale (dy/dx = i)

Les conditions (47) montrent que la pente critique iC sépare deux domaines de régimesd'écoulement:– le domaine des canaux de faible pente (i0 < iC) pour lequel y0 > yC, donc correspond à unrégime fluvial;– le domaine des canaux de forte pente (i0 > iC) pour lequel y0 < yC, donc correspond à unrégime torrentiel.

– A la frontière y0 = yC (pente critique iC), on a dy/dx = i0 donc la surface libre esthorizontale, mais comme i0 = iC, il peut aussi exister un profil dont la tangente estperpendiculaire à la pente du radier.Le cas i0 = 0 correspond à un radier horizontal et donc, selon (46), à y0 = infini, donc en pratiqueà un écoulement de très forte épaisseur.

Selon les domaines, l'allure de la courbe de variation de dy/dx = F(y,i) diffère, la pente de lasurface libre étant, selon (44), de la forme:

dydx=i

1− y0

y n

1− yC

y 3=i

ND

où l'exposant (n) dépend de la forme du canal et des relations entre U et (j). N et D désignent lenumérateur et le dénominateur.Pour fixer les idées, afin d'estimer les différentes formes de la surface libre, on va calculer (n)dans le cas où, en ordre de grandeur dans (44), on a:• C² pratiquement constante;• S ~ Ly (L: largeur du canal, supposée constante);• pour un canal large et peu profond, RH est de l'ordre de (y): RH ~ y

La relation (44) donne alors, pour le numérateur N:

N=1−Q²

C² L² i y3

Or, d'après (46), avec les hypothèses ci-dessus:

Q²iC² S² y0 RH y0

=Q²

i C² L² y03=1 donc

Q²C² L² i

= y03

et donc le numérateur N=1− y0

y 3

.

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 26/48

Page 27: canaux, rivières et crues

Le dénominateur est, selon (46): D=1− yC

y 3

. D'où:

dydx=i

1− y0

y 3

1− yC

y 3=i

ND

(48)

on a donc n = 3 selon les hypothèses adoptées.

Nous allons maintenant examiner les différents comportements de (48) selon les domainesdéfinis par (47), et déduire les différentes formes de la surface libre, appelées lignes d'eau.

Nous définirons deux courbes dy/dx = F(y,i) paramétrées par (i) selon les domaines (47), l'unecorrespondant au régime torrentiel (i0 > iC, yC > y0), l'autre au régime fluvial (i0 < iC, yC < y0), etnous examinerons aussi les cas particuliers i = 0 (radier horizontal) et i0 = iC (pente critique).L'obtention des différentes sortes de lignes d'eau sera illustrée par des exemples concrets.

a) Pour tous domaines, comportements aux limites:

limy0

dydx=lim

y0i− y0 / y

3

−yC / y3=i y0

yC 3

limy∞

dydx=i : le niveau tend à devenir horizontal quand le tirant d'eau (y) devient très grand. On

trouvera toujours ce comportement limite pour les domaines y0 < yC, yC < y0, yC = y0. Il y a deuxfaçons de l'atteindre: l'une où l'on augmente le tirant d'eau depuis la profondeur normale y0 (étatinitial: dy/dx = 0: ligne d'eau parallèle au radier); l'autre où l'on augmente le tirant d'eau depuisla profondeur critique yC (état initial: dy/dx = infini, ligne d'eau localement perpendiculaire auradier) (figure 12).

figure 12 – évolution d'une ligne d'eau vers l'horizontale

b) Domaine y0 < yC (pente importante i0 > iC, régime torrentiel):

• Cas dy/dx = 0 (ligne d'eau parallèle au radier) → y = y0

• Cas y < y0 → N < 0 et D < 0 → dy/dx > 0 : le tirant d'eau (y) augmente avec (x), maisreste inférieur à la profondeur normale y0. C'est la ligne d'eau notée (S3) (figure 13) (5).

5 La notation des lignes d'eau lettre indicée d'un chiffre est d'usage chez les hydrauliciens.

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 27/48

Page 28: canaux, rivières et crues

figure 13 – ligne d'eau (S3): y < y0 < yC

• Cas y0 < y < yC → N > 0 et D < 0 → dy/dx < 0 : le tirant d'eau (y) diminue avec (x), maisen restant au-dessus de la profondeur normale y0, mais en-dessous de la profondeur critiqueyC. C'est la ligne d'eau notée (S2) (figure 14).

figure 14 – ligne d'eau (S2): y0 < y < yC

• Cas y > yC < y0 → N > 0 et D > 0 → dy/dx > 0 : le tirant d'eau (y) augmente avec (x), maisen restant au-dessus de la profondeur critique yC d'où elle part. Elle tend vers l'horizontalepuisque i = 0 lorsque (y) tend vers l'infini. C'est la ligne d'eau notée (S1) (figure 15).

figure 15 – ligne d'eau (S1): y > yC < y0

• limy yC , y yC

dydx=−∞ : le front est perpendiculaire au radier, tangente dirigée vers le bas,

lorsque le tirant d'eau tend vers la profondeur critique par valeur inférieure. Cette situationcorrespond au début de la ligne d'eau (S2) vue plus haut (figure 14).

• limy yC , y yC

dydx=∞ : le front est perpendiculaire au radier, tangente dirigée vers le haut,

lorsque le tirant d'eau tend vers la profondeur critique par valeur supérieure. Cette situationcorrespond au début de la ligne d'eau (S1) vue plus haut (figure 15).

• En synthèse des cas précédents, pour la configuration canal de forte pente (y0 < yC), leslignes d'eau possibles regroupées à la figure 16.

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 28/48

Page 29: canaux, rivières et crues

figure 16 – profils possibles de ligne d'eau en forte pente (y0 < yC): (S1), (S2), (S3)

c) Domaine yC < y0 (pente faible i0 < iC, régime fluvial):

• Cas dy/dx = 0 (ligne d'eau parallèle au radier) → y = y0

• Cas y < yC < y0 → N < 0 et D < 0 → dy/dx > 0 : le tirant d'eau (y) augmente avec (x), maisen restant inférieur à la profondeur critique yC. C'est la ligne d'eau notée (M3) (figure 17). Elleaboutit à la profondeur critique où le front perpendiculaire au radier présente une tangentedirigée vers le haut.

figure 17 – ligne d'eau (M3): y < yC < y0

• Cas yC < y < y0 → N < 0 et D > 0 → dy/dx < 0 : le tirant d'eau (y) diminue avec (x), maisen restant au-dessus de la profondeur critique yC et en-dessous de la profondeur normale y0.C'est la ligne d'eau (M2) qui se termine, à la profondeur critique, où le front est perpendiculaireau radier avec une tangente dirigée vers le bas (figure 18).

figure 18 – ligne d'eau (M2): yC < y < y0

• Cas y > y0 < yC → N > 0 et D > 0 → dy/dx > 0 : le tirant d'eau (y) augmente avec (x), enrestant au-dessus de la profondeur normale y0 d'où part la ligne d'eau. La ligne d'eau tend versl'horizontale puisque (i) tend vers zéro lorsque (y) tend vers l'infini. C'est la ligne d'eau (M 1)(figure 19).

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 29/48

Page 30: canaux, rivières et crues

figure 19 – ligne d'eau (M1): y > y0 > yC

• Cas limy yC , y yC

dydx=∞ : le front est perpendiculaire au radier, tangente dirigée vers le

haut, lorsque le tirant d'eau tend vers la profondeur critique par valeur inférieure. Cette situationcorrespond à la fin de la ligne d'eau (M3) vue à la figure 17.

• Cas limy yC , y yC

dydx=−∞ : le front est perpendiculaire au radier, tangente dirigée vers le

bas, lorsque le tirant d'eau tend vers la profondeur critique par valeur supérieure. Cette situationcorrespond à la fin de la ligne d'eau (M2) vue à la figure 18.

• En synthèse des cas de la configuration canal de faible pente, y0 > yC, les lignes d'eaupossibles sont regroupées à la figure 20.

figure 20 – profils possibles de la ligne d'eau en faible pente (y0 > yC): (M1), (M2), (M3)

d) Radier horizontal (i = 0):

i = 0 → y0 = infini, mais yC reste finie, donc on est dans le cas y0 > yC; cependant la ligne d'eau(M1) est exclue car on n'a pas y > y0 (= infini).Les configurations possibles sont donc les lignes d'eau (H2) et (H3), identiques à (M2) et (M3)mais parallèles au radier (i = 0), avant de se terminer par des tangentes perpendiculaires auradier à la profondeur critique (figure 21).

figure 21 – lignes d'eau (H2) et (H3) en configuration radier horizontal (i = 0)

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 30/48

Page 31: canaux, rivières et crues

e) Pente critique (y0 = yC, i0 = iC):

On a dy/dx = i0 = iC : les surfaces libres, en régime fluvial ou torrentiel, sont horizontales (figure22). Ce sont les lignes d'eau (C3) pour y < yC = y0, et (C1) pour y > yC = y0.Pour y = yC = y0 la ligne d'eau est (C2), parallèle au radier, puisque dy/dx = i0.

figure 22 – lignes d'eau (C1), (C2), (C3) en pente critique (y0 = yC)

L'allure des courbes dy/dx = F(y), avec y0 < yC et y0 > yC se déduit des considérationsexaminées aux cas (a), (b), (c) des deux configurations forte et faible pente: elle est présentéeaux figures 23a et 23b.

(a) forte pente (i0 > iC): régime torrentiel (y0 < yC)(b) faible pente (i0 < iC): régime fluvial (y0 > yC)

figure 23 – allures des courbes dy/dx = F(y) en forte et faible pente. Les numéros de lignesd'eau ont été reportés sur les tronçons de courbes correspondants

Les différentes lignes d'eau étudiées précédemment peuvent être observéesexpérimentalement dans des écoulements obtenus dans diverses configurations, avec un débitQ constant:

– Les lignes d'eau correspondant à i0 < iC (pente faible) s'observent dans les cassuivants:

• (M3): observé quand l'eau s'écoule dans un canal de faible pente depuis une vanned'ouverture (h) plus petite que yC. L'écoulement est torrentiel (y < yC) puis se transformeplus loin en ressaut hydraulique (figure 24).

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 31/48

Page 32: canaux, rivières et crues

figure 24 – observation d'une ligne d'eau (M3) sur un canal faible pente, en sortie d'une vanned'ouverture h < yC

• (M2): observé quand la pente du radier augmente légèrement (elle reste faible): le tirantd'eau diminue alors en se rapprochant de la profondeur critique yC < y0 (figure 25).

figure 25 – observation d'une ligne d'eau (M2) sur un radier avec changement de pente faible

• (M1): observé quand le canal est fermé par un barrage, alors que l'écoulement est fluvialen amont y > y0 < yC (figure 26).

figure 26 – observation d'une ligne d'eau (M1) dans un canal faible pente terminé par unbarrage

– Les lignes d'eau correspondant à i0 > iC (forte pente) s'observent dans les cassuivants:

• (S3): observé quand l'eau s'écoule dans un canal de forte pente depuis une vanned'ouverture h < y0 (avec y0 < yC) (figure 27).

figure 27 – observation d'une ligne d'eau (S3) en sortie d'une vanne d'ouverture h < y0

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 32/48

Page 33: canaux, rivières et crues

• (S2): observé quand le canal change de pente élevée, le tirant d'eau étant initialementcritique (figure 28).

figure 28 – observation d'une ligne d'eau (S2) sur un canal de forte pente avec augmentation dela pente

• (S3): observé quand le canal de forte pente se termine par un barrage, avec en amonty0 < yC (figure 29).

figure 29 – observation d'une ligne d'eau (S3) dans un canal de forte pente, fermé par unbarrage,

avec y = y0 en amont

– Lignes d'eau correspondant à i = 0 (radier horizontal):

• (H3): à la sortie d'une vanne où se trouve un obstacle (figure 30).

figure 30 – observation d'une ligne d'eau (H3)

• (H2): sur un canal horizontal qui se termine par un bord abrupt (figure 31).

figure 31 – observation d'une ligne d'eau (H2)

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 33/48

Page 34: canaux, rivières et crues

La rivière Vltava (Moldau) à Prague (Rép. Tchèque), présentant une marche:l'écoulement au niveau de ce seuil est de type (H2) – photo: Frédéric Élie, octobre 2010

– Lignes d'eau correspondant à la pente critique i0 = iC :

(C3) et (C1) s'observent en sortie d'une vanne d'ouverture h < yC (= y0) débouchant sur un canalde pente critique sur lequel se trouve un obstacle (figure 32).

figure 32 – observation des lignes d'eau (C3) ou (C1)

3.2 – Écoulements à charge spécifique HS constante, et débit Q variable

3.2.1 – Débit maximum d'un écoulement à charge spécifique constante

La charge spécifique est définie par (39):

H S=Q²

2 g S² y

HS étant supposée constante, le débit Q dépend directement de la surface libre:

Q=S y2 g H S− y

Q s'annule pour y = 0 (car S(y) = 0 pour y = 0), ainsi que pour y = HS.Le débit passe donc par un maximum Qm atteint pour un tirant d'eau critique yC solution de:

dQdy=0=

2 g H S− ydSdy−g S

2 g H S− y

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 34/48

Page 35: canaux, rivières et crues

Comme dS /dy=l et que S / l= ym profondeur moyenne du canal, il vient:

dQdy=0=g l

2 H S− y − ym

2 g H S− y lorsque 2 H S− yC − ym=0

Or, d'après (39): H S− yC=Q²

2 g S C ² d'où: Q²

g S C ²=

S C

l, soit

Q² l

g S C3=1 qui définit la

profondeur critique vue en (46).Pour un écoulement à charge spécifique constante, le débit maximal est atteint pour laprofondeur critique yC, solution de l'équation:

2 H S− yC −S yC

l=0 (49)

Si, en première approximation, on pose SC=l yC , compte tenu de (39), la solution de (49)correspond bien à la profondeur critique:

yC=[ 1g

Ql

2

]1/3

(50)

Ainsi, la profondeur critique d'un canal est d'autant plus grande que le débit est grand et que salargeur est petite.La courbe de variation de Q(y) est donnée à la figure 33.

figure 33 – variation du débit en fonction du tirant d'eau pour un écoulement à chargespécifique constante

La figure 33 appelle quelques commentaires:– Pour un même débit par unité de largeur Q / l , il existe deux valeurs théoriquespossibles de tirant d'eau y1 et y2, de part et d'autre de la profondeur critique yC.– Mais si le canal est de faible pente (i0 < iC), on a yC < y0 donc on a forcément y0 = y2 > yC :seule convient la solution A2 et l'on est en régime fluvial.– Inversement, si le canal est de forte pente (i0 > iC), on a yC > y0 donc on a forcément y0 =y1 < yC : seule convient la solution A1 et l'on est en régime torrentiel.

Aux pertes de charge près, HS est pratiquement égale à la ligne de charge du réservoir amontqui alimente le canal (c'est-à-dire sa hauteur géométrique H), qui est imposée constante. Pour

Q / l donnée, les deux solutions sont racines de l'équation du troisième degré en (y):

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 35/48

y (m)

Q/L

y1 y2

yc

A1 A2

Page 36: canaux, rivières et crues

Q²2 g l²

= y² H S− y

qui est encore:

y3−H S y2

yC

3

2=0 (51)

Si l'on connaît la ligne de charge HS ~ H, en traçant la courbe Q / l= f y = y 2 g H S− y(figure 33), on peut déduire la profondeur d'eau y1 ou y2 à l'entrée du canal.

3.2.2 – Écoulement à charge spécifique constante dans un canal de largeur variable

En utilisant la courbe Q / l= f y pour deux valeurs Q / l 1 et Q / l 2 , avec Q / l 1Q /l 2 , ona deux valeurs y1 et y2 de tirant d'eau. La figure 34 montre que, selon le régime en amont, on ay1 > y2 ou bien y1 < y2:

figure 34 – variation des tirants d'eau lors d'un changement de largeur du canal

En régime torrentiel en amont (y1 < yC) on a, au rétrécissement l 2l 1 : y2 > y1.En régime fluvial en amont (y1 > yC), on a, au rétrécissement l 2l 1 : y2 < y1.

Remarque: - Une autre façon de le montrer est d'utiliser (39): H S= yQ²

2 g l² y²soit:

2 g l² y² H S− y =Q² avec 0 y≤H S . La conservation du débit Q1 = Q2 et l'hypothèse d'unrétrécissement l 1l 2 donnent:

y2 ² H S− y2 y1 ²H S− y1

La fonction g(y) = y² (HS – y) = Q²/2gl² a la même allure que celle de Q/l: elle présente unmaximum en yC, est croissante sur 0≤ y≤ yC (arc OA), et décroissante sur yC≤ y≤H S (arcAB) (figure 34bis). L'inégalité précédente s'écrit g(y2) >g(y1) donc:

• si y1 et y2 sont > yC (régime fluvial), comme g(y) est décroissante, g(y2) > g(y1) → y2 < y1

• si y1 et y2 sont < yC (régime torrentiel), comme g(y) est croissante, g(y2) > g(y1) → y1 < y2.

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 36/48

Page 37: canaux, rivières et crues

figure 34bisEn d'autres termes:– en régime torrentiel: un rétrécissement de la largeur du canal entraîne une augmentationdu tirant d'eau.– en régime fluvial: un rétrécissement de la largeur du canal entraîne une diminution dutirant d'eau.C'est ce que l'on observe au pied des piliers d'un pont: la surface libre monte en régimetorrentiel, ou s'abaisse en régime fluvial (figure 35).

figure 35 – changement du niveau de la surface libre au pied des piliers d'un pont

Pont Saint-Michel à Paris, au niveau des piliers on voit que le niveau d'eau est plus faible: on aaffaire à un régime fluvial (photo: Frédéric Élie, février 2009)

Remarques:1) – A partir de la mesure des deux tirants d'eau y1 et y2 en amont et au niveau durétrécissement, on peut déduire le débit du cours d'eau:

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 37/48

Page 38: canaux, rivières et crues

H S= y1Q²

2 g l 1 ² y1 ²= y2

Q²2 g l 2 ² y2 ²

d'où:

Q=2 g l1 l 2

y1 y2 y1− y2

l1 ² y1 ²−l 2 ² y2 ² (52)

si régime fluvial y1 > y2 (en régime torrentiel y1 < y2 les indices s'échangent dans (52)).

2) - Pour une variation de section due à un seuil, la largeur étant constante, c'est lemême constat: en régime torrentiel, le niveau augmente, tandis qu'en régime fluvial, il diminue.En effet, les courbes Q / l= f y établies pour les deux parties du canal se rejoignent en y =HS (car la charge spécifique est imposée) mais démarrent à des origines différentes dont l'écartest égal à la hauteur h du seuil. Et selon la position relative de (y) par rapport à y C, on voit qu'àun même Q / l correspondent deux couples de valeurs (y1, y2) en torrentiel et en fluvial (figure36): y2 > y1 en torrentiel (y < yC), y2 < y1 en fluvial (y > yC).

figure 36 – variation des tirants d'eau en présence d'un seuil

La figure 37 illustre cette situation:

figure 37 – changement de niveau d'eau à un seuil

4 – Phénomène de crue des écoulements graduellement variés (phénomènesondulatoires en faible courbure)

Comme on l'a dit à la fin du paragraphe 2.3.1, pour les écoulements graduellement variés, descomportements ondulatoires en faible courbure peuvent se manifester lorsqu'une perturbationdu débit survient en amont: on a un phénomène de crue.L'écoulement étant graduellement varié, les équations de base sont celles de Saint-Venantmais appliquées au premier ordre à la superposition d'une fluctuation à l'écoulement moyen, lesfluctuations étant apportées par l'introduction d'un échelon de débit en amont (par exemple,

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 38/48

Page 39: canaux, rivières et crues

résultant d'une pluie diluvienne et durable qui apporte un surcroît de masse d'eau à un coursd'eau qui s'écoulait initialement de manière régulière). L'onde de crue est la solution deséquations de Saint-Venant appliquées aux fluctuations.En première approximation, les crues suivent un fait d'observation: pour un canal, de longueursupposée très longue, au débit initial Q1 constant, se superpose un apport supplémentaired'eau qui le fait passer au débit Q2 > Q1 en un laps de temps très court, et Q2 se stabilise; alors,on observe que cet échelon de débit, après une durée assez longue, se propage sous formed'une onde de translation, sans déformation, vers l'aval, avec une célérité c directement liée àla vitesse d'écoulement U. Au débit final Q2 correspond une section mouillée S2 plus grande quecelle S1 du débit initial Q1 < Q2: S1 < S2 (figure 38).

figure 38 – échelon de débit pour un écoulement graduellement varié (onde de crue)

Les volumes transportés par les débits Q1 et Q2 sont égaux à ceux déplacés par l'échelon devitesse c:

Q2−Q1=c S 2−c S1

soit:

c=Q2−Q1

S2−S 1

ou pour les variations infinitésimales:

c=dQdS

Or, pour une largeur constante L du canal, la section mouillée est reliée à l'épaisseur de lasurface libre (y) par: S = Ly, d'où:

c=1L

dQdy

En admettant que le débit suit la loi de Chézy (4): Q=US=C S RH i où C est le coefficient deChézy (5) ou (6), et si le canal est large par rapport à sa profondeur, RH ~ y, alors:

Q≈C L y y i=C L i y3 /2

donc:

c=32

CRH i

et d'après (4):

c=32

U (53)

La célérité des ondes de crues, très lentes, suit approximativement (53), et les ondess'atténuent sur une longue distance.On se propose ici de retrouver, à partir des équations de Saint-Venant, l'ordre de grandeur de(53) pour la célérité des ondes de crue, et de déterminer leur atténuation.

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 39/48

Page 40: canaux, rivières et crues

Nous partons des équations de Saint-Venant (29) où les grandeurs vitesse d'écoulement U et letirant d'eau (y) sont la superposition des grandeurs correspondant au régime établi, U0 et y0, etdes perturbations U' et y' issues de l'échelon de débit:

U=U 0U ' avec:U ' /U 0≪1y= y0 y ' avec: y ' / y0≪1

Compte tenu de: Q = SU, S = Ly et l=L (section rectangulaire), les équations de Saint-Venant:

∂Q∂ t∂

∂ x Q²S g S

∂ y∂ x=g S i− j

∂Q∂ xl∂ y∂ t=0

j=Q²

S² C² RH

=U²

C² RH

avec: RH≈ y C²=constante

s'écrivent:

– équation de la quantité de mouvement:

L y∂U∂ tLU

∂ y∂ tL U²

∂ y∂ xL U y

∂U∂ xg L y

∂ y∂ x= g L y i− j

– équation de continuité:

U∂ y∂ x y

∂U∂ x∂ y∂ t=0

En appliquant la décomposition en termes moyens et termes perturbés, et en arrêtant lesdéveloppements à l'ordre 1 (linéarisation), l'équation de continuité linéarisée devient:

U 0∂ y '∂ x y0

∂U '∂ x

∂ y '∂ t=0 (54)

Pour l'équation de la quantité de mouvement, le terme de gauche linéarisé donne:

y0 L∂U '∂ t

y0 LU 0 ∂∂ tU 0

∂ x y 'y0 L U 0 y0

∂U '∂ x

L g y0∂ y '∂ x

L'expression U 0 ∂∂ tU 0

∂ x y 'y0 est le terme d'accélération convectée par l'écoulement

moyen: on le pose comme négligeable ici puisque l'on cherche une solution ondulatoire où laperturbation se propage avec la vitesse uniforme c.Le terme de droite de l'équation de la quantité de mouvement, quant à lui, s'écrit, compte tenude la définition de j :

g L y i− j=g L y0 y ' [ i− U 0 ²

C² y01U '

U 0

2

]≈g L y0 i1 y 'y01− U 0 ²

i C² y0

−U0 ²

i C² y0

2 U 'U0

Comme j=U²

C² RHdonc en particulier pour l'écoulement de base j 0=

U 0 ²

C² y0l'expression

précédente devient:

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 40/48

Page 41: canaux, rivières et crues

g L y i− j≈g L y0 i− j0−g L y0 j0y 'y0

g L y0i y 'y0

−j0

i2U 'U 0

Cette expression peut se simplifier grâce aux considérations suivantes:• après établissement d'un écoulement stabilisé, faisant suite à un échelon de débit, lesseules fluctuations de la surface libre résultent des effets de pente et de perte de charge del'écoulement moyen;• dans cette phase, les fluctuations de vitesse sont pratiquement uniformes: ∂U ' /∂ t≈0et ∂U ' /∂ x≈0 , et il reste de l'équation de la quantité de mouvement, en phase stabilisée:

∂ y '∂ x≈i− j0

• or la perte de charge pour l'écoulement moyen est par définition: j 0=d H S0

dx≈

H S 0

x• en première approximation: H S 0≈ y0 (profondeur initiale), d'où:

∂ y '∂ x≈

y 'x=i− j0=

y 'y0

j 0

Il vient donc: g L y i− j≈g L y0 i y 'y0

−j0

i2 U 'U 0

Comme y 'y0

≪1 on a j0

i≈1 d'où, en définitive, l'équation de la dynamique linéarisée:

∂U '∂ tU 0

∂U '∂ x

g∂ y '∂ x=g i y '

y0

−2 U 'U 0 (55)

On cherche les solutions U' et y' de (54) et (55) sous forme ondulatoire:

U ' x , t =B exp J k x− t y ' x , t =Aexp J k x− t

(attention: J désigne ici l'imaginaire pure, pour le distinguer de la perte de charge notée j !!! on a

J² = -1). La célérité de l'onde est c=

k(vitesse de phase).

L'utilisation de (54) donne comme première relation:

AU 0 k− y0 B k=0

et (55) donne comme deuxième relation:

A g iy0

− J g k=B 2 g iU 0

− J J U 0 kL'élimination de A et B entre ces deux relations, et avec =c k , donne une équation dusecond degré en (c – U0) dont les racines sont les relations de dispersion de l'onde de crue:

c k =U 0− Jg i

U 0 k±g y0J

g ik− g i

U 0 k 2

(56)

Noter que k=2/ est réel, et comme c est complexe, on aura aussi =c k complexe, ce

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 41/48

Page 42: canaux, rivières et crues

qui aura pour conséquence que sa partie imaginaire est identique à l'atténuation de l'onde decrue au cours du temps:

=0−J a

où (a) est l'atténuation. Son inverse est la constante de temps, c'est-à-dire le tempscaractéristique au bout duquel l'onde est amortie à plus de 90%: =1/a .c et a prennent des valeurs différentes selon que les longueurs d'onde λ sont très petites oubien très grandes devant une longueur caractéristique L0 que l'on va déterminer grâce à (56).

• Premier cas: petites longueurs d'onde:

Dans (56) on a, par hypothèse: g iU 0 k

2

≪g y0 et par conséquent g ik≪U 0g y0 et donc

des longueurs d'onde λ = 2π/k très petites devant une longueur caractéristique:

≪L0=2U 0

i y0

g (57)

(56) devient alors:

c≈c0−Jg i

k U 0 (58)

où c0 est égale à:c0=U 0±g y0 (59)

On en déduit que:– La partie réelle de la célérité de l'onde de crue, pour de petites longueur d'onde (λ << L 0),est égale à celle des ondes de gravité de surface en eau peu profonde (cf. [5]), exprimée par(59). Ces ondes se propagent en amont ( c0=U 0−g y0 ) et en aval ( c0=U 0g y0 ).– Ces ondes s'atténuent au cours du temps d'un coefficient « a » qui est la partieimaginaire de la pulsation complexe ω, de la même manière en aval et en amont.

Comme =k c=0−Jg iU 0

=0−J a le terme d'atténuation est égal à:

a=g iU 0

(60)

L'atténuation est d'autant plus faible (l'onde de crue s'atténue peu) que le canal est de faiblepente et que la vitesse d'écoulement est grande. Avec (57), (60) s'écrit aussi:

a=2g y0

L0

(61)

donc l'atténuation est d'autant plus faible que la longueur caractéristique est grande et que lecanal est peu profond.

Exemple numérique : U0 = 1 m/s, i = 10-4, y0 = 4 m→ c0aval=U 0g y0=7 m/s

→ c0amont =U 0−g y0=−5m/s

→ L0=2U 0

i y0

g=40 km , a=

g iU 0

=10−3 s−1, =1/a=1000 s=17 mn

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 42/48

Page 43: canaux, rivières et crues

L'onde de crue s'atténue au bout de 17 minutes.

• 2e cas: grandes longueurs d'onde:

g iU 0 k

2

≫g y0 → g ik≫U 0g y0 → ≫L0=2

U 0

i y0

g

La relation (56) donne: c=U 0− Jg i

U0 k±

g iU 0 k −1− y0U 0 ² k²

g i²− J

k U 0 ²

g i Compte tenu de l'hypothèse grandes longueurs d'onde ci-dessus, l'expression précédentedevient à l'ordre un:

c≈U 0−Jg i

U 0 k± J

g iU 0 k 1−1

2

y0 U 0 ² k²

g i²−

12

Jk U 0 ²

g i On a donc deux célérités possibles:

c+=

32

U 0−12

JU 0 y0 k

i (62)

c-=

12

U 0−2 Jg i

U 0 k

12

JU 0 y0 k

i (63)

aux parties imaginaires de chacune de ces célérités correspondent des atténuations différentes:

a+=−k Im c+

=12

U 0 y0 k²

i (64a)

a-=−k Im c

-=

2 g iU 0

−12

U 0 y0 k²i

=2 g iU 01−1

4 U 0 k

g i 2

g y0 (64b)

Par hypothèse, U 0 kg i

2

g y0≪1 par conséquent (64b) est égal approximativement à:

a-≈

2 g iU 0

(65)

Comparons les atténuations pour les ondes c+ et c- : (64a) et (65) donnent

a+

a -=14

U 0 kg i

2

g y0≪1

d'après l'hypothèse grandes ondes. On a donc:

a+≪a- (66)

Les ondes de célérité c- s'atténuent beaucoup plus rapidement que les ondes de célérité c+. Ilen résulte que pour les ondes de crue de grande longueur d'onde, seules subsistent les ondesde célérité c+. D'après (62), on voit qu'elles se propagent vers l'aval avec la célérité:

c0=32

U 0 (67)

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 43/48

Page 44: canaux, rivières et crues

et qu'elles s'atténuent très lentement, avec un coefficient d'atténuation:

a=a+=

12

U 0 k² y0

i (68)

d'autant plus faible (onde peu amortie) que U0, k et y0 sont petits (écoulement basse vitesse,grande longueur d'onde, profondeur faible) et de pente élevée du radier (i grande).

Exemple numérique : U0 = 0,3 m/s, i = 10-3, y0 = 2 m, λ ~ 2 km → L0 = 850 m, c0 = 0,45 m/s, a =3.10-3 s-1, τ = 1/a = 338 s = 6 mn.A titre de comparaison, on aurait pour les ondes c-: a- = 2gi/U0 = 6,5.10-2 s-1, τ = 1/a = 15 s >> 6mn.

5 – Phénomènes d'ondes de gravité (ondes de Favre) des écoulements rapidement variés(phénomènes ondulatoires en forte courbure) [10]

Les écoulements filaires examinés ici sont à courbure non négligeable, par conséquent ils sontrapidement variés et les équations de Saint-Venant (29) ne s'appliquent pas.Pour ces écoulements, la surface libre a une déformation importante en comparaison avec laprofondeur du canal. Cette déformation introduit des termes de courbure dans les équations dumouvement. Il en est ainsi pour les ondes solitaires qui résultent d'une perturbation apportéeau plan d'eau et qui se traduisent par le déplacement d'une masse d'eau sous forme d'unevague unique. Ce cas a été traité dans l'article [9].Les écoulements à courbure non négligeable donnent aussi lieu aux ondes de Favre, lorsquele débit est perturbé en aval ou en amont. La surface libre prend la forme d'un échelon dehauteur relativement importante par rapport à la profondeur, et précédé ou suivi d'unesuccession d'ondes d'amplitudes comparables à celle de l'échelon. C'est le cas, par exemple,des ondes de surface jusqu'avant le déferlement sur un rivage (figure 39).

(a) onde de Favre suite à unevariation du débit

(b) onde solitaire généréepar l'arrêt brutal de l'étrave

d'un bateau

(c) ondes de Favre avantdéferlement

figure 39 – Ondes à la surface libre d'un écoulement filaire à courbure non négligeable

Nous allons établir l'équation de continuité et l'équation de la quantité de mouvement. Pourcela, on adopte comme seule hypothèse que le déplacement horizontal des particules liquidesdans un même plan vertical est identique. En choisissant les composantes de la vitesseconformément aux repères définis à la figure 40, cela revient à poser:

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 44/48

Page 45: canaux, rivières et crues

figure 40

∂u∂ z=0u=u x

(à noter qu'en présence de courbure, lacomposante verticale de la vitesse, v, doit êtreprise en compte et qu'elle dépend de x et de z:v(x,z)).

L'équation de continuité générale pour unliquide incompressible

∂ u∂ x∂ v∂ z=0

conduit à:

∂v∂ z=−

∂ u∂ xv z =−∫

0

z∂u∂ x

dz

Comme u = u(x), indépendante de z, et que sur le fond du radier la composante horizontale dela vitesse est nulle, v(0) = 0, il vient:

v z=−z∂ u∂ x

(69)

Or la surface libre a pour équation: z = y(x,t), où (y) est le tirant d'eau qui ne dépend ici que de xet du temps t.La composante verticale de la vitesse est, par définition, égale à:

v z=dzdt=∂ z∂ t∂ z∂ x

dxdt=∂ z∂ tu x

∂ z∂ x

puisque u=dxdt

et à la surface libre, la relation précédente devient:

v y =∂ y∂ tu∂ y∂ x

v(y) n'est généralement pas nulle, ce qui est responsable de la déformation de la surface libredans la direction verticale Oz.

A la surface libre (69) s'écrit: v y =− y∂ u∂ x

. L'égalité avec la relation précédente conduit alors

à:∂ y∂ tu∂ y∂ x y

∂ u∂ x=0

soit:∂ y∂ t∂

∂ xu y =0

Or: u y=Ql=q est le débit par unité de largeur à travers la section mouillée, l'équation de

continuité est donc en définitive:∂ y∂ t∂q∂ x=0

q=u y=Ql

(70)

L'équation (70) est exactement la même que celle (33b) introduite pour les écoulements àsurface libre en faible courbure. Elle est donc valable quelle que soit la courbure.

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 45/48

surface libre z = y(x,t)

z

x

y(x,t)

v(z)

u(x)

Page 46: canaux, rivières et crues

Il en va tout autrement pour l'équation de la quantité de mouvement: l'équation de Saint-Venant(29) ne pouvant pas être utilisée, on part directement des équations d'Euler, les forces defrottement étant négligées:

∂v∂ tu

∂v∂ xv∂ v∂ z=−

1∂P∂ z−g (71a)

∂u∂ tu

∂u∂ x=−

1∂P∂ x

(71b)

Dans (71a) on remplace v par (69), ce qui donne:

−z[ ∂∂ x ∂ u∂ t u

∂ ² u∂ x²

− ∂ u∂ x

2

]=− 1∂P∂ z−g

A la surface libre z = y, P(y) = 0 (relativement à la pression atmosphérique), on a donc, puisquele terme entre crochets […] est indépendant de z :

P z =− g∫y

z

d z[ ∂∂ x ∂u∂ t u

∂ ² u∂ x²

− ∂u∂ x

2

]∫y

z

z d z

soit:

P z =− g z− y12 z²− y² [ ∂∂ x ∂u

∂ t u∂ ² u∂ x²

− ∂u∂ x

2

] (72)

Dans (72), le premier terme −g z− y représente la pression hydrostatique en faiblecourbure, telle qu'introduite par l'équation de Saint-Venant. Il est complété du second terme, quireprésente la modification de la répartition de la pression due à la courbure de la surface libre.L'équation (71b) va nous permettre de fournir la 2e équation d'inconnues u et y, qui complètera(70). (71b) s'écrit encore, de manière équivalente:

∫0

y∂ u∂ t

d z∫0

y

u∂u∂ x

d z=−1∫

0

y∂P∂ x

d z

Comme u est indépendant de z, il vient:

y∂ u∂ t y u

∂u∂ x=−

1∫

0

y∂ P∂ x

d z

ou, ce qui revient au même:

∂ t y u−u

∂ y∂ t∂

∂ x y u² −u

∂ x y u=−

1∫

0

y∂ P∂ x

d z

Or d'après (70):∂ y∂ t=−

∂q∂ x

∂∂ x y u=

∂q∂ x

En remplaçant dans l'équation précédente, on obtient:

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 46/48

Page 47: canaux, rivières et crues

∂ t y u

∂ xq u=−

1∫

0

y∂ P∂ x

d z (73)

En remplaçant, dans (73), P par son expression (72), on obtient en définitive:

∂ tu y

∂ x y u²

∂ x [ y² g2

13∂

∂ t ∂ y∂ tu∂ y∂ x u

3∂

∂ x ∂ y∂ tu∂ y∂ x ]=0 (74)

Cherchons les solutions u et y sous forme d'ondes de translation, c'est-à-dire des ondes dont leprofil se propage sans se déformer:

u = u(x-ct)y = y(x-ct)

où c est la célérité de l'onde.Avec le changement d'axes: X = x – ct, on exprime les solutions dans le référentiel mobile del'onde, donc indépendamment du temps:

∂ t=−c

∂ X

L'équation de continuité (70) s'écrit alors dans ce référentiel:

q – cu = constantesoit:

(u – c)y = constante = q0

q0 est donc le débit par unité de largeur dans le référentiel lié à l'onde. D'après ce qui précède,(74) conduit à:

q0 u y² [ 12 g13u−c

ddX u−c

dydX ]=constante

Or: u=q0

yc donc:

q0 ²

y y² [ 12 g

q0 ²

3 yd

dX 1y

dydX ]=constante=w0

w0 a les dimensions de (q0u). Posant: = dydX

2

, l'équation précédente s'intègre en:

16

12

g y−12

q²y²=−

w0

yz 0

où z0 est une nouvelle constante d'intégration, d'où ζ :

=−3 gq²

y3

6 z0

q²y²−

6 w0

q²y3

Le second membre est un polynôme de 3e degré en (y) dont les racines sont notées y1, y2,q²/gy1y2.La solution a un sens physique pour y1, y2 réels positifs. Le polynôme se décompose alors enun produit de monômes:

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 47/48

Page 48: canaux, rivières et crues

3 gq² y− y1 y2− y y−

q²g y1 y2 ==

dydX

2

Les solutions y = f(X) sont alors fournies par l'intégrale:

3 gq²

X=∫y1

yd z

z− y1 y2−z z− q²g y1 y2

(75)

(75) est une intégrale elliptique, dont les solutions ont un sens physique si y1≥q² / g y1 y2 .

On démontre que y = f(X) est une fonction périodique de période:

T=2∫y1

y2

d z

(76)

Dans le cas limite où y1=q² / g y1 y2 (75) s'intègre en la solution de l'onde solitaire (réf. [9]):

y= y2− y2− y1 tanh ² K X

avec: K=31− y1

y2 1

2 y1

(77)

où, rappelons-le, X = x – ct, c étant la célérité de l'onde solitaire. Elle doit être telle que pourx∞ on ait u → 0, ce qui d'après l'équation de continuité donne: q = - cy1, avec q² = gy1²y2,

d'où:c²=g y2 (78)

Références

[1] Michel Hug (sous la direction de): Mécanique des fluides appliquée – Eyrolles, 1975[2] R. Comolet: Mécanique expérimentale des fluides – Tome 2: dynamique des fluides réels,turbomachines – Masson, 1963[3] Frédéric Élie: Les conduites forcées: principes, aménagements, sécurités – sitehttp://fred.elie.free.fr, mai 2014[4] Frédéric Élie: Coup de bélier et cheminée d'équilibre – site http://fred.elie.free.fr, mai 2014[5] Frédéric Élie: Ondes de surface des liquides - site http://fred.elie.free.fr, février 2009[6] O. Thual: Intumescences et ressauts – site: http://thual.perso.enseeiht.fr/xsee/ch6/allpdf/00main.pdf, 26 juin 2010[7] Frédéric Élie: Le ressaut hydraulique - site http://fred.elie.free.fr, mars 2009[8] Frédéric Élie: Écoulement au-dessus d'un déversoir – site http://fred.elie.free.fr, mai 2014[9] Frédéric Élie: Onde solitaire à la surface de l’eau, tsunamis et mascarets - sitehttp://fred.elie.free.fr, février 2009[10] H. Favre: Les ondes de translation dans les canaux découverts – Dunod, 1935

©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr, juin 2014 page 48/48