cambodge, · d’encens, des oiseaux chargés de porter les prières au plus près de celles et...

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Ici, loin… de tout, auprès du lointain, éloigné du maintenant, du progrès constamment en progression, sans fin. Je me suis rapproché du distant et je me suis senti esseulé. …. Marcel Melthérorong 2014 Cambodge, au plus près des sourires 23 janvier – 12 février 2016 Témoignages

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Ici, loin… de tout, auprès du lointain, éloigné du maintenant, du progrès constamment en progression,

sans fin. Je me suis rapproché du

distant et je me suis senti esseulé.

…. Marcel Melthérorong 2014

Cambodge, au plus près des sourires

23 janvier – 12 février 2016

Témoignages

AngkorTech
Highlight

Sourires donnés, sourires cachés, sourires attrapés, sourires échangés, du Cambodge j’ai beaucoup

reçu, le méritais-je ?

Les 1ers sourires sont ceux de Sophéad , notre guide accompagnateur. D’ailleurs c’est grâce à lui si

j’ai pu moissonner tous ces sourires. Il a été le compositeur, chef d’orchestre de cette «symphonie

des sourires » choisis, accompagné avec bienveillance par ceux de Touk qui nous a fait voyager, de

sourires, en sourires.

Vendre des fleurs de lotus, des baguettes d’encens, des oiseaux chargés de porter les prières au plus près de celles et ceux censés les exaucer, là-haut vers où

se dirigent les oiseaux. Bon c’est mieux d’être « oiseaux-messagers » que de terminer croqués par

des fidèles affamés.

Se presser pour adresser en souriant un vœu, mais lequel s’échappera de ses mains jointes ?, se

presser pour remercier, ou, tout faire pour que le pieds renvoie le volant du seys, méditer en buvant

une bière, jouer là, ici et maintenant, partout où les adultes abandonnent aux enfants un espace, et

leurs déchets, se mettre à l’écart, momentanément sous un arbre, justement comme « celui » que

l’on vénère dans ces temples ?

Au marché, sourires en pause, attendre les clients, générations mêlées, abrité du soleil et presque

des regards sous une voile verte, en train de grignoter son fonds de commerce, mais connecté

derrière de rouges luminaires. Sourires attentifs pour trancher le poisson. Sourires jusqu’à la nuit vite

tombée, offrir un drive- mobylettes ; mobylettes-lucioles dans la nuit de Phnom Penh.

Apprendre avec des sourires la musique et la danse, non, faire s’exprimer la grâce ; la grâce des mains qui s’enroulent comme une flamme, grâce des mains qui cousent des feuilles de palmier et grâce d’un regard profond ou pétillent nombre d’années. Grâce qui s’étiole quelque peu, qui se fige comme une porcelaine, trop lisse, quand la danse devient un refrain usé par le seul regard des touristes.

Sourires d’écoles buissonnières ou de sortie d’écoles, sourires innocents, sourires confiants dans les lendemains

où les plus chanceux iront apprendre, de manière payante, une langue étrangère l’après-midi,

l’anglais, ou le coréen, souvent à l’église Baptiste pour cette dernière.

"Tout y est utile, sauf le bruit du vent dans les palmes ». Sourire attentif du cueilleur de jus de palme ; jus obtenu par incision des fleurs. Pour un palmier c’est 400 litres de sève, soit environ 60 kg de sucre par an. Mais il faut grimper deux fois par jour jusqu'au panache de chaque arbre pour récolter le jus qui s’est écoulé dans les récipients installés, des "ampong", bambou creux, maintenant des bouteilles plastiques.

Le vent donc inutile, sans doute, mais y être attentif. Lors du protectorat français on ne prenait pas la

peine de recenser ceux qui récoltaient la sève des palmiers ... Ils mourraient souvent vite. Comptent-

ils d’avantage en 2016 ?

Partie de sourires cache- cache, sur son toit, derrière son filet, en promenant sa belle à la force de la

godille, ou en péchant, et nous hélice cassée, à la dérive, l’aventure, momentanément …

Sourires des femmes et des hommes de la terre, terre des potiers, terre des briquetiers, pierres de

savon. A quoi penses-tu quand à 14 ans tu brasses la terre avec les doigts, comme ta mère et ta

grand-mère continuent à le faire ? Peut-être à partir comme ta voisine travailler en Corée et où un an

de salaire a suffi à faire de la maison de ses parents la plus belle du village ? He vous, avez-vous déjà

chargé, transporté, rangé une charrette de briques sorties du four ?, moi oui, une seule fois, cela a

fait rire tout le monde, surtout quand la charrette s’est renversée, en partie.

Les sourires d’enfants toujours recommencés, pour accompagner le passage du train de bambous. Les premiers modèles, dans les années 70 permettaient au personnel chargé d’entretenir les voies de se déplacer en utilisant de longues perches de bambou. En raison du mauvais état du réseau routier, les villageois commencèrent à assembler les 1ers Norry grâce à des pièces récupérées sur des chars d’assaut abandonnés. Aujourd’hui, les moteurs de bateaux ont supplanté les perches de bambou. Chacun d’entre eux peut transporter jusqu’à une quinzaine de personnes (trois fois moins s’il s’agit de touristes !). Les voies étant uniques, les Norry doivent être suffisamment légers pour pouvoir être démontés s’ils se croisent.

L’usage veut alors que le moins chargé des deux cède la place, avec le sourire, même si c’est un sourire de pirate comme notre conducteur de Norry avec son Krama couvre-chef.

Sourires des moines, intercesseurs, comme les oiseaux (?) entre les hommes et les Dieux. Comme les oiseaux, « ils ne cultivent ni ne moissonnent », attendant les résultats de l’aumône, ils sautillent parmi les pierres des temples, y prédisent l’avenir, jouent avec le vent, mais également consultent leur Smartphone : « toi ça passe, t’es connecté ? », interrogations éternelles du chercheur en sagesse …

Même plumage, mais autre espèce d’oiseaux migrateurs, les hôtesses en « mode détente » d’une compagnie aérienne, sourires professionnels, mais attentifs également à la qualité de la connexion.

Sourires du peuples de l’eau, des pécheurs, aux filets, à la nasse, à la lance, … des enfants qui s’y baignent, des commerçants de poissons séchés, des commerçants de tout ce qui est nécessaire pour vivre au rythme du fleuve, d’un éleveur de crocodiles qui vient d’installer sa « nurserie », monticule de terre tamisée avec soin et d’installer dans un enclos à part des crocodiles à qui on soustrait les œufs dès leur ponte. Il espère des femelles, dont la peau est plus belle et qui se l’abiment moins par des bagarres incessantes. Bon il parait qu’ils ne mangent que des poissons. Je l’ai cru, sans vérifier.

Sourire de notre batelier attentif à éviter l’échouage, à ne pas éclabousser au croisement d’une barque, à éviter de perdre une hélice quand il la change pour cause de tirant d’eau trop faible, de plaisir à venir quand il choisit un serpent d’eau pour la soupe du soir

Les mâles c’est toujours la bagarre, ancienne, à venir, pense peut être sans connaitre les crocodiles notre hôtesse d’une nuit, regard perdu dans un sourire resté à la ville. « Je suis de Phnom Pen mais j’ai suivi mon mari pour vivre dans ce village, loin de ma famille. Maintenant il est soldat sur la frontière avec la Thaïlande. En principe il rentrait chaque mois, quelques jours. Cela fait 2 mois qu’il n’est pas rentré, peut-être qu’il a fondé un autre foyer »

Pourtant les filles sont des diamants, dont la famille, polit toutes les facettes et dont le mariage est précédé par des fiançailles où la quantité et la nature des fruits apportés par la famille élargie du garçon sont examinées avec attention. Dans son costume de moderne Apsara au teint clair et à la chevelure décolorée, le sourire de la mariée, très sûre d’elle, s’échappe, d’une galerie d’Angkor. Sourire interrogatif de celle au Tee-shirt smiley : « Smartphone oh mon smartphone, dit moi qui via les réseaux sociaux est la plus belle ? Est-ce bien moi ?

Pierres précieuses, « si la chance me souriait en faisant apparaitre quelques cristaux de zircon de la

terre extraite du fond de ce puit. Chiche ce sera ce nouveau puits dont j’ai acquis la concession qui

m’apportera la richesse » ; nouveau puits parmi les 100 puits creusés côte à côte et qui transforment

cette plantation d’hévéas en fourmilière.

Rentier qui a trouvé ses pierres précieuses ou philosophe qui ne les cherche pas, ou plus, ce pécheur qui voit le soleil se coucher sur un étang de lotus au pied de la montagne qui porte le temple de Preah Vihear ?

Ce n’est pas grâce aux pierres précieuses, mais avec ses plumes de couleurs que ce coq de combat peut rapporter quelques Riels et beaucoup de plaisir. D’où ce sourire en attendant le bac qui permettra de passer sur l’autre rive. Quelle rive, pour quel choix de vie semblent songer cette jeune mère et son fils ?

Pour les villages des ethnies on recherche la proximité de l’eau ; l’eau moyen de communication,

l’eau pour boire, pour s’y laver, pour laver, pour s’y baigner. Bon certes c’est souvent les filles qui

travaillent et les garçons qui s’amusent. Il n’y a pas si longtemps les garçons veillaient toute la nuit à

la périphérie des villages pour éloigner les fauves : tigres, éléphants … et donc se reposaient le jour.

Les fauves disparaissent, les habitudes restent. Qui en sourit ? Petit garçon, sérieux, tu rentres tes

buffles en les utilisant comme monture.

Pudiquement tu as remonté ton Krama sur ta poitrine à notre arrivée, mais les jeunes filles ont poursuivi leur harassant portage d’eau pour la cuisine, et les toutes jeunes, le portage de leur petite sœur.

Les sourires doivent se cacher pour affronter les nuages de latérite, mais se faire confiants envers le conducteur de la moto, avec ou sans son chien.

Le peuple des forêts dispense ses sourires peut-être avec plus de retenue. Ils ne sont en tout cas jamais empoisonnés, tout comme les flèches de l’arbalète, uniquement lors du départ à la chasse et cela ne concerne pas les billes du fusil à pompe, pompe à vélo.

Ce n’était pas que des fusils à pompe de vélo, se souvient cet ancien soldat avec le sourire amusé de celui à qui la chance a souri : « je me suis enrôlé chez les Khmers rouges pour échapper à mon propriétaire et pour manger trois fois par jour. Mes parents m’avaient vendu à quelqu’un qui me louait pour travailler dans des mines. J’ai appris à la fin de la guerre que mon frère s’était enrôlé chez les gouvernementaux. On ne s’est jamais rencontrés. On a eu de la chance ».

Difficile de laisser s’envoler un sourire quand on arrache le manioc puis l’épluche pour le laisser

sécher. Mais en famille on prend le temps d’expliquer. On sourit aux efforts faits par l’habitant des

villes pour en arracher un pied. On remercie pour l’eau en bouteille partagée. Partager de l’eau c’est

plus facile que partager la viande du buffle dont tout le monde mâchonne le même morceau ; viande

du buffle sacrifié après avoir été attaché à un poteau sur la place du village. On y a échappé, ainsi

qu’au vin en cruche, avec des sourires … et quelques pièces de monnaie.

Mais on était prévenus. C’était écrit. Une écriture de bambous tressés qui dit aussi de passer son chemin si la maladie est dans une maison. Le bienveillant gardien du riz, lui aussi dessine dans la rizière un sourire pour la prochaine récolte.

Ecritures de paniers tressés, écritures des abeilles avec leur nid en « oreille d’éléphant », en « éventail », écriture des guêpes avec leur nid comme un « château de boue », conservé comme porte bonheur.

Sur la route épis de maïs préparés, puis dégustés avec attention. Non ce n’est pas dangereux, cela peut se manger sans mettre le casque ! Par contre ne pas hésiter pour faire digérer à boire très frais.

Sourires des marins de Kâmpôt et de Kep qui tous les jours descendent le fleuve avant la nuit, puis vers 6 h00 du matin reviennent pour livrer leurs crabes aux marchés. Difficile de ne pas les entendre… comme le karaoké des soirs de fête ou encore les prières des pagodes qui rivalisent dès l’aube avec l’appel des muezzins, et tout cela avec des sourires, pour combien de temps encore ?

Peut-être ai-je tenté, avec mes photographies comme des filets, d’être un pécheur de sourires ; sourires comme des papillons qui sont ne sont bien qu’en liberté.

Et alors les sourires de pierre, tu les as oubliés. Ne sont-ils pas vivants ?

Mais si, les sourires de pierre sont bien vivants. Le temps et les hommes ont prise sur eux !

Les racines de fromagers, l’eau, le vent la mousse, les désarticulent, les font se dissoudre.

Le besoin de posséder, (comme à Banteay Srei, n’est-ce pas André ?), ou la rage de ne pouvoir les

posséder, amène à les éclater, au burin, à la mitrailleuse, parfois à les exiler loin d’où ils sont nés.

Mais si le temps a prise sur ces sourires, juste il les transforme.

Car les sourires étaient présents bien avant que la première pierre ne soit dressée. C’est leur image qui s’est glissée dans les yeux, les mains des architectes et maitres ouvriers, pour se poser sur la pierre.

Depuis, avec chaque grain qui s’effrite, morceau qui s’écaille, des sourires se détachent, encore et

encore. Emportés par le vent, flottant sur les eaux, ils vont faire naitre de nouveaux sourires, avec ces

écoliers, cette vendeuse au marché, ce pécheur, ces chasseurs de pierres précieuses, ce conducteur

de pirogue, cette future mariée, cet ancien et toujours piégeur d’écureuil, ces moines,

… et peut être même certains touristes quand ils prennent le temps de voir,

….de voir que ces sourires de pierre, sont libres ; libres comme des papillons, et peut-être plus.

Fleurs de frangipanier (Phnom Penh

Avec un sourire au bas de la colline de madame Penh

(Phnom Penh)

Jacques et Marie-Cécile, Roseline et Patrick, et le compagnon de cet instant

(Preah Vihear)

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Grand tour du Cambodge avec RIEM Sopheap