calcul barycentrique · 2019. 11. 10. · beau livre de mon collègue et ami jean-denis eiden,...

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1 Calcul barycentrique 1. Coordonnées barycentriques. 2. Droites, cercles, coniques. 3. Menelaüs, Ceva, Pappus, Desargues, Pascal. 4. Géométrie du triangle. 5. Droites de Wallace-Simson. 6. Inversion isotomique ; point de Nagel. 7. Inversion isogonale ; point de Lemoine. 8. Ellipses de Steiner. 9. Itérations barycentriques. 10. Théorème de Brouwer. à Jean-Denis Eiden, Pierre-Jean Hormière __________ Introduction Dans ce chapitre, nous nous plaçons dans le (un) plan affine euclidien E. Notons E le plan vectoriel euclidien associé (certains résultats sont purement affines, et s’étendent aux dimensions supérieures, ou au cas où R est remplacé par un corps commutatif quelconque, mais peu importe). Soient A, B, C trois points non alignés de E, formant donc un vrai triangle. Si l’on rapporte E au repère affine (A, AB , AC ), tout point M peut être repéré par ses coordonnées cartésiennes (u, v), définies par : AM = u AB + v AC ; ce couple (u, v) est unique. Mais tout point M peut aussi être repéré par ses coordonnées barycentriques (x, y, z) relatives au triplet (A, B, C), c’est-à-dire considéré comme barycentre de A, B et C pondérés par les masses resp. x, y et z. Le triplet doit vérifier x + y + z 0, mais n’est unique qu’à un scalaire près. Cependant, ce triplet est unique si l’on impose la condition x + y + z = 1. Les coordonnées barycentriques ont deux inconvénients par rapport aux cartésiennes : 1) elles sont au nombre de 3 au lieu de 2 ; 2) elles ne sont pas uniques. Mais elles font jouer aux sommets A, B et C, le même rôle. Cet avantage esthétique est suffisant pour développer un calcul barycentrique, grâce auquel nous allons retrouver plusieurs propriétés classiques du triangle. Les coordonnées barycentriques ont un autre avantage : elles introduisent à la géométrie projective plane plus naturellement que les coordonnées cartésiennes, car les équations des lieux classiques (droites, cercles, etc.) sont homogènes. Cette idée n’est pas neuve : elle remonte à l’inventeur commun des coordonnées barycentriques et des coordonnées homogènes, August Möbius 1 . 1 Lointain descendant de Luther par sa mère, et fils d’un professeur de danse, August Ferdinand MÖBIUS (Schulpforta, Saxe, 1790 - Leipzig 1868) fit des études de mathématiques et d’astronomie aux universités de Leipzig, Göttingen, où il fut l’un des meilleurs élèves de Gauss, et Halle. En 1815, il soutint à Leipzig une thèse De computandis occultationibus fixarum stellarum per planetas, qui le fit nommer professeur d’astro- nomie à Leipzig. Il partit visiter les principaux observatoires d’Allemagne, afin de diriger la construction de l’observatoire de Leipzig, où il se fixa. Bien que vivant de l’astronomie, ce savant Cosinus naïf et distrait, à qui chaque lettre de Gauss donnait une joie d’enfant, se passionna pour les mathématiques, principalement la géométrie. Il publia ses résultats dans le Journal des mathématiques pures et appliquées de Crelle, de 1828 à 1858, comme compléments à son ouvrage fondamental Der barycentrische Calcul (1827). En introduisant un

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1

Calcul barycentrique

1. Coordonnées barycentriques.

2. Droites, cercles, coniques.

3. Menelaüs, Ceva, Pappus, Desargues, Pascal.

4. Géométrie du triangle.

5. Droites de Wallace-Simson.

6. Inversion isotomique ; point de Nagel.

7. Inversion isogonale ; point de Lemoine.

8. Ellipses de Steiner.

9. Itérations barycentriques.

10. Théorème de Brouwer.

à Jean-Denis Eiden,

Pierre-Jean Hormière __________ Introduction

Dans ce chapitre, nous nous plaçons dans le (un) plan affine euclidien EEEE. Notons E le plan vectoriel euclidien associé (certains résultats sont purement affines, et s’étendent aux dimensions supérieures, ou au cas où R est remplacé par un corps commutatif quelconque, mais peu importe).

Soient A, B, C trois points non alignés de EEEE, formant donc un vrai triangle.

Si l’on rapporte EEEE au repère affine (A,AB , AC ), tout point M peut être repéré par ses coordonnées

cartésiennes (u, v), définies par : AM = uAB + v AC ; ce couple (u, v) est unique. Mais tout point M peut aussi être repéré par ses coordonnées barycentriques (x, y, z) relatives au triplet (A, B, C), c’est-à-dire considéré comme barycentre de A, B et C pondérés par les masses resp. x, y et z. Le triplet doit vérifier x + y + z ≠ 0, mais n’est unique qu’à un scalaire près. Cependant, ce triplet est unique si l’on impose la condition x + y + z = 1. Les coordonnées barycentriques ont deux inconvénients par rapport aux cartésiennes : 1) elles sont au nombre de 3 au lieu de 2 ; 2) elles ne sont pas uniques. Mais elles font jouer aux sommets A, B et C, le même rôle. Cet avantage esthétique est suffisant pour développer un calcul barycentrique, grâce auquel nous allons retrouver plusieurs propriétés classiques du triangle. Les coordonnées barycentriques ont un autre avantage : elles introduisent à la géométrie projective plane plus naturellement que les coordonnées cartésiennes, car les équations des lieux classiques (droites, cercles, etc.) sont homogènes. Cette idée n’est pas neuve : elle remonte à l’inventeur commun des coordonnées barycentriques et des coordonnées homogènes, August Möbius1.

1 Lointain descendant de Luther par sa mère, et fils d’un professeur de danse, August Ferdinand MÖBIUS (Schulpforta, Saxe, 1790 - Leipzig 1868) fit des études de mathématiques et d’astronomie aux universités de Leipzig, Göttingen, où il fut l’un des meilleurs élèves de Gauss, et Halle. En 1815, il soutint à Leipzig une thèse De computandis occultationibus fixarum stellarum per planetas, qui le fit nommer professeur d’astro-nomie à Leipzig. Il partit visiter les principaux observatoires d’Allemagne, afin de diriger la construction de l’observatoire de Leipzig, où il se fixa. Bien que vivant de l’astronomie, ce savant Cosinus naïf et distrait, à qui chaque lettre de Gauss donnait une joie d’enfant, se passionna pour les mathématiques, principalement la géométrie. Il publia ses résultats dans le Journal des mathématiques pures et appliquées de Crelle, de 1828 à 1858, comme compléments à son ouvrage fondamental Der barycentrische Calcul (1827). En introduisant un

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Cela dit, les coordonnées barycentriques ne sont qu’un outil pour étudier le triangle, outil bien adapté à des calculs mécaniques si on le développe suffisamment (l’annexe Maple ébauche ce projet), mais de toute façon peu adapté à la résolution de certains problèmes. Il faut alors leur préférer des approches géométriques, trigonométriques, ou par nombres complexes. Je désirais depuis longtemps rédiger un chapitre sur ces sujets. Le beau livre de mon collègue et ami Jean-Denis Eiden, Géométrie analytique classique, paru en 2009 chez Calvage & Mounet, m’a donné envie de passer à l’acte. Grâce lui en soit rendue ! Quant au site de Clark Kimberling indiqué en bibliographie, il contient les coordonnées barycentriques et trilinéaires de plusieurs milliers de points remarquables notés X(1), X(2), etc.2, mais c’est un peu décourageant ! August Ferdinand Möbius

1. Coordonnées barycentriques. 1.1. Généralités.

Proposition 1 : Soient A, B, C trois points non alignés, (x, y, z) un triplet réel tel que x + y + z ≠ 0, M un point de EEEE. Les propriétés suivantes sont équivalentes, et définissent un point unique M de EEEE :

(B1) xMA + yMB + zMC = 0 ;

(B2) Pour tout point O de EEEE , OM = zyx ++

1 ( xOA + yOB + zOC ) ;

(B3) Il existe un point O de EEEE tel que : OM = zyx ++

1 ( xOA + yOB + zOC ) .

Preuve : (B1) ⇒ (B2) par Chasles. (B2) ⇒ (B3) est évident.

(B3) ⇒ (B1), car ( x + y + z )OM = xOA + yOB + zOC implique x AM + yBM + zCM = 0 .

Montrons l’existence et l’unicité du point M. Fixons un point O.

Alors la condition OM = zyx ++

1 ( xOA + yOB + zOC ) définit un unique point de EEEE.

Définition 1 : Le point M est appelé barycentre des points A, B et C affectés des masses respectives x, y et z, et noté M = Bar((A, x), (B, y), (C, z)) .

Proposition 2 : Pour tout point M de EEEE, il existe au moins un triplet (x, y, z) de réels tels que x + y + z ≠ 0 et M est le barycentre des points A, B et C affectés des masses respectives x, y et z. Ce triplet est défini à constante multiplicative près. Parmi ces triplets, il en existe un, et un seul, tel que x + y + z = 1.

Preuve : Ecrivons AM = u AB + v AC . Alors MA + u (MB −−−− MA) + v( MC −−−− MA) = 0 . donc : M = Bar((A, 1 – u – v), (B, u), (C, v)).

nouveau système de coordonnées, parallèlement à Plücker et Feuerbach, Möbius y étudie les transformations géométriques, principalement la transformation projective. Son ouvrage eut une très grande importance dans le développement de la géométrie projective. Il étudia la statique sous l’angle de la géométrie et développa la théorie des complexes linéaires de droites (Lehrbuch der Statik, 1837). Par ses études de surfaces atypiques (ruban de Möbius, fameuse surface n’ayant qu’un seul côté), il est un précurseur de la topologie. On lui doit aussi des travaux d’arithmétique : la fonction de Möbius (1832) et la formule d’inversion qu’elle vérifie jouent un rôle important en théorie des nombres. 2 En anglais, X(1) = incenter, X(2) = centroïd, X(3) = circumcenter, X(4) = orthocenter, X(5) = nine-point center, X(6) = symmedian center (or Lemoine point), X(7) = Gergonne point, X(8) = Nagel point, X(9) = mittenpunkt, X(10) = Spieker point, X(11) = Feuerbach point, etc.

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Si (x, y, z) est un s.b.c. de M, alors AM = zyx

y++ AB +

zyxz++ v AC ,

donc (x, y, z) = λ.(1 – u – v, u, v).

Variante : Fixons M et considérons l’application f : (x, y, z) ∈ R3 → x AM + yBM + zCM ∈ E.

f est linéaire et surjective, car f(1, −1, 0) = AB et f(1, 0, −1) = AC . En vertu du théorème du rang, le noyau de f est donc une droite vectorielle. Par conséquent, il existe un triplet (x, y, z) ≠ (0, 0, 0), défini à scalaire près, tel que f(x, y, z) = 0.

Et x + y + z = 0 impliquerait xAC + yBC = 0, donc x = y = z = 0. Le reste suit.

Définition 2 : Soit M un point de EEEE. Tout triplet (x, y, z) de réels tels que x + y + z ≠ 0 et M = Bar((A, x), (B, y), (C, z)) est appelé un système de coordonnées barycentriques de M (en abrégé s.c.b.). Le triplet de coordonnées barycentriques de somme 1 est appelé le système de coor-données barycentriques normalisées (en abrégé s.c.b.n.).

Exemples : 1) A a pour c.b.n. (1, 0, 0) et pour c.b. (x, 0, 0), x ≠ 0 ; B a pour c.b.n. (0, 1, 0) et pour c.b. (0, y, 0), y ≠ 0 ; C a pour c.b.n. (0, 0, 1) et pour c.b. (0, 0, z), z ≠ 0.

2) La droite (BC) est l’ensemble des points de coordonnées barycentriques (0, y, z), y + z ≠ 0. Autrement dit, la droite (BC) a pour « équation barycentrique » x = 0.

De plus M = Bar((B, y), (C, z)) ⇔ yBM + zCM = 0 ⇔ (y, z) = λ.( MC , BM ) , où λ ≠ 0. 3) Soient M et M’ deux points du plan, I leur milieu.

Si (x, y, z) et (x’, y’, z’) sont des c.b.n. de M et M’, I a pour c.b.n. (2

'xx+ ,2

'yy+,

2'zz+ ) .

Plus généralement, soit P le barycentre de (M, λ) et (M’, λ’) avec λ + λ’ = 1. Alors P a pour c.b.n. (λx + λ’x’, λy + λ’y’, λz + λ’z’).

4) Soient M un point du plan, MA, MB et MC les intersections respectives de la droite (AM) avec la droite (BC), de la droite (BM) avec la droite (CA), et de la droite (CM) avec la droite (AB).

Ces intersections n’existent pas toujours : ainsi, MA n’existe que si M n’appartient pas à la parallèle à (BC) menée de A. Si (x, y, z) est un s.b.c. de M, (0, y, z) est un s.b.c. de MA, si du moins y + z ≠ 0. Cela suggère que y + z = 0 est l’équation barycentrique de la parallèle à (BC) menée de A. De même, (x, 0, z) est un s.b.c. de MB si x + z ≠ 0, et (x, y, 0) un s.b.c. de MC si x + y ≠ 0.

5) Soient GAGBGC le triangle médian du triangle ABC, c’est-à-dire dont les sommets sont les milieux des côtés BC, CA et AB, et A’B’C’ le triangle anticomplémentaire, c’est-à-dire admettant ABC comme triangle médian.

GA a pour coordonnées barycentriques (0, ½ , ½ ), etc. A’ a pour coordonnées barycentriques (−1, 1, 1), etc. C’est l’intersection de la parallèle à (AB) menée de C et de la parallèle à (AC) menée de B, d’équations x + y = 0 et x + z = 0.

Proposition 3 : Lien entre coordonnées barycentriques et coordonnées cartésiennes.

Si AM = uAB + v AC , alors M a pour c.b.n. (1 – u – v , u , v). Si M a pour c.b.n. (x, y, z), alors M a pour coordonnées cartésiennes (y, z).

Si M a pour c.b. (x, y, z), alors M a pour coordonnées cartésiennes (zyx

y++ ,

zyxz++ ).

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1.2. Normes, produits scalaires, produits mixtes.

Le repère affine (A,AB , AC ) n’étant pas orthonormé, les calculs de normes et de produits scalaires

ne sont pas aisés : ils passent par la matrice de Gram des vecteurs AB et AC ,

²cos.cos.²bAbc

Abcc ,

où a = BC , b = CA , c = AB désignent les longueurs des côtés du triangle,

A = (AB , AC ), B = (BC , BA), C = (CA,CB) les angles en A, B et C.

Enfin, S = 21 [ AB , AC ] désigne l’aire du triangle, demi-produit mixte.

En barycentriques, ces calculs sont encore moins aisés, mais nécessaires.

Tout d’abord, si AM = uAB + v AC et 'AM = u’ AB + v’ AC , alors :

||AM ||2 = [ u v ]

²cos.cos.²bAbc

Abcc [ vu ] = c

2 u

2 + b

2 v

2 + 2bc.cos A.uv

= c2

u2 + b

2 v

2 + ( b

2 + c

2 – a

2 ) uv.

AM . 'AM = c2

uu’ + b2

vv’ + bc.cos A ( uv’ + u’v )

= c2

uu’ + b2

vv’ + 21 ( b

2 + c

2 – a

2 )( uv’ + u’v ) .

[ AM , 'AM ] = ( u v’ – v u’ ) [ AB , AC ] = 2S ( u v’ – v u’ ) .

Revenons aux coordonnées barycentriques via les formules : u = zyx

y++ , v =

zyxz++ .

||AM ||2 = )²(

²)²²(²²²²zyx

yzacbzbyc++

−+++ = −

)²(²²²

zyxxyczxbyza

++++

+ zyxzbyc

+++ ²²

≡ − Q(M) + zyxzbyc

+++ ²²

.

AM . 'AM = )''')((

)''.(cos.'².'².zyxzyx

yzzyAbczzbyyc++++

+++ , [ AM , 'AM ] = 2S

)''')((''

zyxzyxzyyz

++++−

.

2 AM . BM = ||AM ||2 + ||BM ||2− ||AB ||2 = − 2Q +

zyxxczazbyc

+++++ ²²²² − c

2 = − 2Q +

zyxzcba

++−+ ²).²²(

Si l’on note G(M) la matrice de Gram des vecteurs AM , BM et CM , alors :

G(M) = − Q(M)

111111111

+ zyx ++

1

++

+

yaxbAbcxBacyAbcxxczaCabzBacyCabzzbyc

²²cos.cos.cos.²²cos.cos.cos.²²

, où Q(M) = )²(

²²²zyx

xyczxbyza++

++.

Notons J =

111111111

et H(M) = zyx ++

1

++

+

yaxbAbcxBacyAbcxxczaCabzBacyCabzzbyc

²²cos.cos.cos.²²cos.cos.cos.²²

.

La formule OM = zyx ++

1 ( xOA + yOB + zOC ) donne alors :

||OM ||2 = )²(

1zyx ++ [ x y z ] G(O)

zyx

= − Q(O) + )²(

1zyx ++ [ x y z ] H(O)

zyx

.

Si O a pour c.b. (α, β, γ), on a en échangeant les rôles de O et M :

||OM ||2 = − Q(M) + )²(

1γβα ++ [ α β γ ] H(M)

γβα

= − )²(

²²²zyx

xyczxbyza++

++ +

zyxrzqypx

++++

,

où : p = )²(

²)²²(²²²²γβα

βγγβ++

−+++ acbbc , q =

)²(²)²²(²²²²

γβααγγα

++−+++ bcaac

, r = )²(

²)²²(²²²²γβα

αββα++

−+++ cbaab.

Enfin, [ OM , 'OM ] = )''')((

1zyxzyx ++++ det( xOA + yOB + zOC , x’ OA + y’ OB + z’ OC )

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Or [ OB ,OC ] = γβαα++

S2 , [ OC ,OA] = γβαβ++

S2 , [ OA,OB ] = γβα

γ++

S2 .

Finalement [OM , 'OM ] = ))(''')((

2γβα ++++++ zyxzyx

S'''

zzyyxx

γβα

.

En particulier, Aire(MM’M’’) = )'''''')(''')(( zyxzyxzyx

S++++++ '''

''''''

zzzyyyxxx

.

1.3. Coordonnées trilinéaires.

Dans ce § nous supposons le plan euclidien orienté.

Définition 3 : Soit M un point du plan. On appelle coor-données trilinéaires 3 de M les distances algébriques

p = MP , q = MQ , r = MR de M aux droites (BC), (CA) et (AB), les normales étant orientées de telle sorte qu’un point M intérieur au triangle ait des coordonnées trilinéaires > 0. Autrement dit on oriente la normale à (BC) de sorte que A soit du côté positif, etc. Régionnement du plan selon les signes de x, y, z

Supposons le triangle ABC orienté dans le sens direct. Un point M du plan peut être repéré par :

− Ses coordonnées trilinéaires p , q , r. − Ses coordonnées barycentriques x, y, z, qui sont uniques si l’on suppose x + y + z = 1.

− Les aires orientées des triangles MBC , MCA et MAB , de somme S = ABC.

Proposition 4 : Les aires orientées (MBC , MCA, MAB) sont un système de coordonnées barycentriques de M. Les coordonnées trilinéaires (p, q, r) sont proportionnelles aux coordonnées barycentriques normalisées. Ces trois systèmes de coordonnées sont liés par les formules suivantes :

a.p + b.q + c.r = 2S

xS = MBC = 2ap

, yS = MCA = 2

bq , zS = MAB =

2cr

Il découle des propriétés des coordonnées barycentriques et de ces formules que tout triplet (p, q, r) de réels liés par ap + bq + cr = 2S est le triplet des coordonnées trilinéaires d’un point M. 1.4. Et si x + y + z = 0 ?

La condition x + y + z ≠ 0 est essentielle pour définir les points du plan affine. Nous allons voir que la condition x + y + z = 0 permet de représenter les vecteurs de E.

3 Les coordonnées trilinéaires furent découvertes, ou inventées, par Plücker en 1835. Le mathématicien et physicien Julius PLÜCKER (Eberfeld 1801 - Bonn 1868) étudia aux universités de Bonn, Heidelberg, Berlin et Paris. Il enseigna aux universités de Bonn (1828-33) et Berlin (1833-34) et fut professeur aux universités de Halle (1834-36) et de Bonn (1836-68). On lui doit, conjointement avec Möbius et dans la tradition de Monge, l’introduction des coordonnées homogènes, qui permettent de formuler analytiquement les principes de la géométrie projective et les propriétés qui en découlent, (en particulier le principe de dualité de Gergonne-Poncelet), les coordonnées plückériennes ou tangentielles, qui lui permettent d’étudier et classifier les courbes algébriques, en particulier les cubiques et les quartiques. Un des plus grands titres de gloire de Plücker est d’avoir inspiré Sophus Lie : c’est en lisant ses œuvres que le grand mathématicien norvégien fut amené en 1870 à concevoir sa transformation qui, faisant correspondre aux droites des sphères, ramène la géométrie des systèmes de sphères à celle des systèmes de droites. À partir de 1847, Plücker se consacre à la physique, étudie les spectres des gaz raréfiés, observe la fluorescence produite par les rayons cathodiques, ainsi que la déviation de ceux-ci par les champs magnétiques. Il est un des précurseurs de l’électronique, avec Heinrich Geissler et Johann Hittorf. À dix-sept ans, Félix Klein (1849-1925) fut assistant de Plücker.

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Proposition 5 : Soit (x, y, z) un triplet de réels tel que x + y + z = 0.

Alors le vecteur v = xMA + yMB + zMC est indépendant du point M.

Réciproquement, tout vecteur v s’écrit de façon unique xMA + yMB + zMC , où x + y + z = 0.

Preuve :

La fonction M → v (M) = x MA + yMB + zMC est constante en vertu de la formule de Chasles.

En effet, v (M) − v (N) = ( x + y + z )NM est le vecteur nul.

Soit v un vecteur quelconque. Il s’écrit de façon unique sous la forme v = y AB + zAC .

Donc v = x AA + y AB + zAC , où x + y + z = 0. Alors v = xMA + yMB + zMC pour tout M, et (x, y, z) sont uniques, car (y, z) est unique.

Ainsi donc le plan vectoriel E s’identifie au plan de R3 d’équation x + y + z = 0, le plan affine EEEE au

plan de R3 d’équation x + y + z = 1.

Produit scalaire et produit mixte de vecteurs.

Si v = xMA + yMB + zMC et v ’ = x’ MA + y’ MB + z’ MC , avec x + y + z = x’ + y’ + z’ = 0,

alors (v | v ’) = [ x y z ] G(O)

zyx

, pour tout point O.

Enfin, [ v ,v ’] = det( xOA + yOB + zOC , x’ OA + y’ OB + z’ OC ), pour tout point O.

Or [ OB ,OC ] = )(2 γβα

α++

S , [ OC ,OA] = )(2 γβα

β++

S , [ OA,OB ] =

)(2 γβαγ

++S .

Finalement [OM , 'OM ] = )(2 γβα ++

S'''

zzyyxx

γβα

.

1.5. Transformations affines.

Les résultats suivants sont laissés en exercice, et démontrés dans Eiden (p. 26 à 30).

Proposition 6 : Pour tout triplet (A’, B’, C’) trois points de coordonnées barycentriques normalisées (α, β, γ), (α’, β’, γ’) et (α’’, β’’, γ’’), il existe une unique application affine f telle que f(A) = A’, f(B) = B’ et f(C) = C’. Si M’ = f(M), les coordonnées barycentriques de M s’expriment en fonction de

celles de M par la formule :

'''

zyx

=

'''''''''

γγγβββααα

zyx

.

Proposition 7 : Symétries centrales. Si I a pour c. b. n. (α, β, γ) et si M a pour c. b. n. (x, y, z), le symétrique M’ de M par rapport à I a pour c. b. n. (x’, y’, z’), où :

'''

zyx

=

−−

122221222212

γγγβββααα

zyx

.

Proposition 8 : Homothéties-translations. Soit f une homothétie-translation de rapport λ, et G le centre de gravité du triangle ABC. Si G’ = f(G) a pour coordonnées barycentriques normalisées (α, β, γ), les formules donnant les coordonnées de

M’ = f(M) sont

'''

zyx

=

+−−

−+−

−−+

λγλγλγλβλβλβλαλαλα

32

31

31

31

32

31

31

31

32

zyx

.

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Exercice : Soit ABC un triangle. On note p la projection sur (AB) parallèlement à (BC), q la projection sur (BC) parallèlement à (CA), r la projection sur (CA) parallèlement à (AB). Soit M un point quelconque. Etudier la suite (Mn) définie par :

M0 = M , M3k+1 = p(M3k) , M3k+2 = q(M3k+1) , M3k+3 = r(M3k+2).

Solution par coordonnées barycentriques (ce n’est bien sûr pas la seule, Thalès suffirait…) : Les matrices respectives de p, q et r sont, en vertu de la prop. 6 :

P =

000110001

, Q =

101010000

, R =

100000011

.

Si M a pour c.b.n.

zyx

+0

zyx

+x

zy0

+

x

zy0 →

+

0x

zy →

+zyx0

+zy

x0 →

+0

zyx

.

Donc M7 = M1, et la suite (Mn)n≥1 est de période 6.

1.6. Changement de triangle.

Définition 4 : Soient T = ABC, T’ = A’B’C’ deux triangles. On appelle matrice de passage de T à T’ la matrice dont les colonnes donnent les coordonnées barycentriques normalisées de A’, B’, C’ relativement à A, B, C. Autrement dit, si A’(α, β, γ), B’(α’, β’, γ’) et C’(α’’, β’’, γ’’) :

P =

'''''''''

γγγβββααα

.

Les formules de changement de repère sont les mêmes qu’en algèbre linéaire :

Proposition 9 : Si M a pour coordonnées barycentriques (x, y, z) par rapport à T, et (x’, y’, z’) par

rapport à T’, alors

'''

zyx

=

'''''''''

γγγβββααα

zyx

.

2. Droites, cercles, coniques. Dans ce §, le point courant du plan, M ou P, est repéré par ses coordonnées barycentriques (X, Y, Z).

2.1. Equations barycentriques des droites.

Proposition 1 : Une droite a pour équation barycentrique a.X + b.Y + c.Z = 0, où (a, b, c) est un triplet de réels non tous égaux. Ce triplet est unique à facteur près.

Preuve : Plaçons-nous dans le repère affine (A,AB , AC ).

La droite D la plus générale a pour équation cartésienne : au + bv + c = 0 , où (a, b) ≠ 0.

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8

Passons en coordonnées barycentriques : azyx

y++ + b

zyxz++ + c = 0 , où (a, b) ≠ 0.

Il vient : a.y + b.z + c.(x + y + z) = 0 , autrement dit : c.x + (a + c).y + (b + c).z = 0 Et ( c , a + c , b + c ) est un triplet de réels non tous égaux. Cqfd.

Remarque :

Si D a pour équation cartésienne, [ a b c ]

1vu

= 0, D a pour équation homogène [ a b c ]

tvu

= 0,

et pour équation barycentrique [ a b c ]

111100010

zyx

= 0.

Proposition 2 : Soient M(x, y, z) et M’(x’, y’, z’) deux points distincts. Un point P(X, Y, Z) appartient à la droite (MM’) ssi ses coordonnées barycentriques s’écrivent : X = ux + u’x’ , Y = uy + u’y’ , Z = uz + u’z’ où u + u’ ≠ 0.

Une équation barycentrique de la droite (MM’) est : '''

zzZyyYxxX

= 0.

Preuve : laissée au lecteur. Mais on peut déduire ceci de la formule donnant le produit mixte.

Corollaire : Condition d’alignement de trois points.

Les points M(x, y, z), M’(x’, y’, y’) et M’’(x’’, y’’, z’’) sont alignés ssi '''''''''

zzzyyyxxx

= 0.

Proposition 3 : Parallélisme de deux droites. Soit D une droite d’équation a.X + b.Y + c.Z = 0 , (a, b, c) non tous égaux. Les droites parallèles à D sont les droites d’équation a.X + b.Y + c.Z + λ(X + Y + Z) = 0 (λ ∈ R). Les droites D et D’ d’équations respectives : a.X + b.Y + c.Z = 0 , et a’.X + b’.Y + c’.Z = 0

sont parallèles ssi 111''' cba

cba = 0.

Proposition 4 : Intersection de deux droites. Soient D et D’ les droites d’équations respectives : a.X + b.Y + c.Z = 0 , et a’.X + b’.Y + c’.Z = 0 Si D et D’ ne sont pas parallèles, leur point d’intersection a pour coordonnées barycentriques ( bc’ – b’c , ca’ – c’a , ab’ – a’b ).

Proposition 5 : Orthogonalité de deux droites. Les droites D et D’ d’équations respectives : p.X + q.Y + r.Z = 0 et p’.X + q’.Y + r’.Z = 0, sont

perpendiculaires ssi [ p q r ]

−−−−−−

²cos.cos.cos.²cos.cos.cos.²

cAbcBacAbcbBabBacCaba

'''

rqp

= 0 .

Preuve : Revenant au repère (A,AB , AC ), D a pour équation (q – p).u + ( r – p).v + p = 0. La parallèle à D menée de A a pour équation (q – p).u + ( r – p).v = 0, donc D a pour vecteur directeur (p – r, q – p). De même D’ a pour vecteur directeur ( p’ – r’, q’ – p’ ). Il faut écrire que ces vecteurs sont orthogonaux. Cela se traduit par :

[ p – r , q – p ]

²cos.cos.²bAbc

Abcc [ ''''

pqrp

−− ] = 0 , ou encore :

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9

[ p q r ]

−− 111001

²cos.cos.²bAbc

Abcc

−−110101

'''

rqp

Or, la matrice du milieu est égale à

−−−−−−

²cos.cos.cos.²cos.cos.cos.²

cAbcBacAbcbBabBacCaba

, via Al-Kashi.

Application : Courbes de niveau de la fonction f(M) = p + q + r. A tout point M associons la somme de ses distances orientées aux trois côtés du triangle :

f(M) = 2S (ax +

by

+ cz ) .

Si le triangle est équilatéral, f est constante. Sinon, les lignes de niveau de f sont les droites

d’équation barycentrique ax +

by

+ cz =

SD2

. Elles sont parallèles à une direction fixe (laquelle ?)

Remarque : la droite de l’infini. Il découle de ce qui précède que X + Y + Z = 0 n’est pas l’équation barycentrique d’une droite. C’est l’équation barycentrique de l’ensemble ∅. Cependant, on peut adjoindre à l’ensemble des droites du plan une « droite de l’infini » d’équation barycentrique X + Y + Z = 0. Cette convention permet de réinterpréter les résultats précédents : la prop. 3 affirme que deux droites parallèles se coupent en un point de la droite de l’infini. On peut donc, grâce au calcul barycentrique, compléter le plan affine en un plan projectif. Mais, dans ce chapitre qui se veut élémentaire, nous n’insisterons pas sur ce sujet. A fortiori laisserons-nous de côté les coordonnées barycentriques des points cycliques ! 2.2. Equations barycentriques des cercles.

Commençons par les cercles de centre A.

Nous avons vu que ||AM ||2 = − )²(

²²²zyx

xyczxbyza++

++ +

zyxzbyc

+++ ²²

.

Le cercle CCCC(A, R) a donc pour équation barycentrique :

− ( a2

yz + b2

zx + c2 xy ) + ( c

2 y + b

2 z )( x + y + z ) = R

2 ( x + y + z )

2 .

Théorème : Si le point O a pour coordonnées barycentriques α, β, γ, le cercle CCCC(O, R) a pour équation barycentrique : − ( a

2 yz + b

2 zx + c

2 xy ) + ( p x + q y + r z ).( x + y + z ) = R

2 ( x + y + z )

2 .

où p = )²(

²)²²(²²²²γβα

βγγβ++

−+++ acbbc , q =

)²(²)²²(²²²²

γβααγγα

++−+++ bcaac

, r = )²(

²)²²(²²²²γβα

αββα++

−+++ cbaab.

Preuve : Cela découle de la formule trouvée en 1.2), après multiplication par ( x + y + z )2.

Corollaire 1 : L’équation barycentrique générale d’un cercle, réel ou non, est :

a2

yz + b2

zx + c2 xy + ( p x + q y + r z ).( x + y + z ) = 0 .

Preuve : Il suffit de remplacer p, q, r par p – R2, q – R

2, r – R

2 dans la formule précédente.

Mais on peut établir ce résultat directement, sans passer par le théorème précédent, qui suppose que l’on sache calculer OM

2. Il suffit de noter que

OM2 = AM

2 + AO

2 − 2 AM AO est de la forme −

)²(²²²

zyxxyczxbyza

++++

+ zyxrzqypx

++++

+ cte …

En effet, AM2 = −

)²(²²²

zyxxyczxbyza

++++

+ zyxzbyc

+++ ²²

, et AM AO est une forme linéaire en (x, y, z).

Remarque : matriciellement, l’équation d’un cercle s’écrit :

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10

[ x y z ]

++++++++++++

rarqbrparqqcqpbrpcqpp

2²²²2²²²2

zyx

= 0 .

C’est l’équation d’un cône du second degré dans R3. Mais il s’agit des droites incluses dans ce cône.

Corollaire 2 : L’équation barycentrique du cercle circonscrit au triangle ABC est :

a2

yz + b2

zx + c2 xy = 0 .

Preuve : En vertu du théorème précédent, c’est bien l’équation d’un cercle. Et ce cercle passe bien par les points A(1, 0, 0), B(0, 1, 0) et C(0, 0, 1).

Remarque : Si M a pour coordonnées barycentriques (x, y, z), on déduit de l’expression de MA2 que

(x + y + z)( x.MA2 + y.MB

2 + z.MC

2 ) = a

2 yz + b

2 zx + c

2 xy .

En particulier, M appartient au cercle circonscrit au triangle ABC ssi x.MA2 + y.MB

2 + z.MC

2 = 0.

Corollaire 3 : L’équation barycentrique du cercle circonscrit au triangle M1M2M3 est :

)()()()()()()()()()()()(²²²²²²²²²²²²

333322221111

333322221111

333322221111

333333222222111111

zyxzzyxzzyxzzyxzzyxyzyxyzyxyzyxyzyxxzyxxzyxxzyxx

yxcxzbzyayxcxzbzyayxcxzbzyaxyczxbyza

++++++++++++++++++++++++++++++++

= 0 .

Corollaire 4 : Les points M1, M2, M3, M4 soient cocycliques ou alignés si et seulement si :

)()()()()()()()()()()()(²²²²²²²²²²²²

4444333322221111

4444333322221111

4444333322221111

444444333333222222111111

zyxzzyxzzyxzzyxzzyxyzyxyzyxyzyxyzyxxzyxxzyxxzyxx

yxcxzbzyayxcxzbzyayxcxzbzyayxcxzbzya

++++++++++++++++++++++++++++++++

= 0 .

2.3. Coniques circonscrites.

Dans le repère (A,AB , AC ), le point M est repéré par ses coordonnées cartésiennes (u, v), définies

par : AM = uAB + v AC . La conique la plus générale Γ a pour équation :

α.u2 + 2β.uv + γ.v

2 + 2δ.u + 2ε.v + ϕ = 0 .

Rappelons qu’il y a 9 classes de courbes du second degré. Pour que Γ passe par A, B et C, il faut et il suffit qu’elle ait pour équation :

α.u2 + 2β.uv + γ.v

2 − α.u − γ.v = 0 .

Ces contraintes géométriques excluent 4 classes de coniques : ellipses imaginaires, ellipses-points, droites parallèles imaginaires et droite double. Il reste 5 classes possibles : • Si αγ − β2

> 0 , Γ est une ellipse réelle.

• Si αγ − β2 = 0 , Γ est une parabole ou deux droites parallèles.

• Si αγ − β2 < 0 , Γ est une hyperbole ou deux droites sécantes.

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11

Passons maintenant en coordonnées barycentriques : u = zyx

y++ , v =

zyxz++ .

Une conique circonscrite Γ a pour équation barycentrique

α.y2 + 2β.yz + γ.z

2 − (α.y + γ.z).( x + y + z ) = 0

c’est-à-dire, en simplifiant : p.yz + q.zx + r.xy = 0 , où l’on a posé : p = α + γ − 2β , γ = q , α = r.

Posons S = p2 + q

2 + r

2 – 2pq – 2qr – 2rp . La discussion précédente se traduit ainsi:

• Si S < 0 , Γ est une ellipse réelle. • Si S = 0 , Γ est une parabole ou deux droites parallèles. • Si S > 0 , Γ est une hyperbole ou deux droites sécantes. • Γ est dégénérée ssi p.q.r = 0.

En particulier, Γ est une conique à centre ssi S ≠ 0 . Les coordonnées barycentriques du centre sont

données par [ 1 1 1 ].

00

0

pqprqr −1

= S1 [ p

2 – pq – pr , q

2 – qr – qp , r

2 – rp – rq ].

Cf. Eiden, p. 59.

Remarques : 1) S est une forme quadratique de signature (2, 1) en (p, q, r). 2) Vérifions que le cercle circonscrit est bien une ellipse.

Ici p = a2

, q = b2

, r = c2 et S = − ∆ , où P =

2cba ++ le demi-périmètre, et

∆ = ( a + b + c )( a + b – c )( b + c – a )( c + a – b ) = 8 P(P – a)(P – b)(P – c)

= − a4 – b

4 – c

4 + 2a

2b

2 + 2b

2c2 + 2c

2a

2 . Or ∆ > 0 , donc S < 0.

Proposition : Soient CCCC une conique circonscrite d’équation pyz + qzx + rxy = 0. Si M(α, β, γ) est un point de CCCC, la tangente en M à CCCC a pour équation barycentrique :

[ α β γ ]

00

0

pqprqr

zyx

= 0.

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12

2.4. Courbes algébriques.

Si une courbe algébrique CCCC a pour équation cartésienne P(u, v) = 0, elle aura comme équation bary-

centrique P(zyx

y++ ,

zyxz++ ) = 0. Il faut alors réduire au même dénominateur. Plus précisément, si

P(u, v) = ∑=

n

kk vuP

0

),( , où Pk est homogène de degré k, alors CCCC a pour équation barycentrique :

∑=

−++n

k

dnk zyxzyP

0

)).(,( = 0.

Par exemple, soit Γ une conique d’équation : α.u2 + 2β.uv + γ.v

2 + 2δ.u + 2ε.v + ϕ = 0 ,

c’est-à-dire [ u v 1 ]

ϕεδεγβδβα

1vu

= 0. Γ aura pour équation barycentrique :

[ x y z ]

110101100

ϕεδεγβδβα

111100010

zyx

= 0.

3. Menelaüs, Ceva, Pappus, Desargues, Pascal.

Les théorèmes de Menelaüs et Ceva ont joué un grand rôle pour montrer l’alignement de points et le concours de droites, avant que Descartes n’invente la géométrie analytique. Si leur étoile a un peu pâli depuis lors, ils restent d’un usage élégant. Nous allons les vérifier via les coordonnées barycentriques, ainsi que ceux de Pappus et Desargues.

Théorème de Menelaüs : Soient ABC un triangle, A’, B’, C’ trois points situés resp. sur les droites (BC), (CA), (AB). Alors on a l’équivalence :

A’, B’ et C’ sont alignés ⇔ CABA'' .

ABCB'' .

BCAC'' = +1.

Preuve : Les points A’, B’ et C’ ont pour coordonnées barycentriques respectives :

A’( 0, CA' , − BA' ) , B’(− CB' , 0 , AB' ) , C’(− BC' , CA' , 0 ).

Ils sont alignés ssi 0'''0'''0

ABBACACABCCB

−− = 0, autrement dit ssi BA' . CB' . AC' = CA' . AB' . BC' .

Théorème de Ceva : Soient ABC un triangle, A’, B’, C’ trois points situés resp. sur les droites (BC), (CA), (AB). Alors on a l’équivalence :

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Les droites (AA’), (BB’) et (CC’) sont concourantes ou parallèles ⇔ CABA'' .

ABCB'' .

BCAC'' = −1.

Le cas où les droites sont parallèles est un cas-limite, le point d’intersection est « rejeté à l’infini ». On voit donc la géométrie projective pointer son nez.

Preuve :

La droite (AA’) a pour équation barycentrique BAz

CAyx

'0'001

− = 0 , i.e. BA' y + CA' z = 0.

Par permutation, (BB’) et (CC’) ont pour équation CB' z + AB' x = 0 et AC' x + BC' y = 0.

Ces droites sont concourantes ou parallèles ssi 0'''0'''0

BCACCBABCABA

= 0. C’est la condition requise.

Théorème de Pappus : Soient ∆ et ∆’ deux droites distinctes, A, B, C trois points de ∆, A’, B’, C’ trois points de ∆’. On note (BC’) ∩ (CB’) = P , (CA’) ∩ (AC’) = Q et (AB’) ∩ (BA’) = R. Alors ces trois points sont alignés au sens suivant : • si ces trois points existent, ils sont alignés ; • si 2 seulement existent, la droite qui les joint et les 2 droites définissant le 3ème sont parallèles ; • si 2 n’existent pas, le troisième non plus, et BC’ // CB’ et CA’ // AC’ ⇒ AB’ // BA’.

Supposons les deux droites concourantes en O, et A et A’ distincts de O. Prenons (O, A, A’) comme repère, alors O(1, 0, 0), A(0, 1, 0), A’(0, 0, 1). Et B(b, 1 – b, 0), C(c, 1 – c, 0), B’(b’, 0, 1 – b’), C’(c’, 0, 1 – c’). (AB’) a pour équation (1 – b’).x – b’.z = 0, (A’B) pour équation (1 – b).x – b.y = 0. Elles se coupent en R(bb’, b’(1 – b), b(1 – b’)) si b + b’ – bb’ ≠ 0. De même (AC’) et (A’C) se coupent en Q(cc’, c’(1 – c), c( 1 − c’)) si c + c’ – cc’ ≠ 0. Enfin, (BC’) et (B’C) se coupent en P( ). Venons-en maintenant aux triangles perspectifs de Desargues :

Théorème de Desargues : Soient ABC et A’B’C’ deux triangles sans sommet commun. Si AB//A’B’, BC//B’C’ et CA//C’A’, alors les droites AA’, BB’ et CC’ sont concourantes ou parallèles. Soit α l’intersection des droites BC et B’C’, β l’intersection des droites CA et C’A’, γ l’intersection des droites AB et A’B’. i) Si les droites AA’, BB’, CC’ sont concourantes, les points α, β et γ sont alignés ; ii) Réciproquement, si α, β et γ sont alignés, les droites AA’, BB’ et CC’ sont concourantes.

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Théorème de Pascal : Soient A, B, C, A’, B’, C’ six points du plan, A, B et C étant non alignés. Pour qu’il existe une conique passant par ces six points, il faut et il suffit que les points P = (BC’) ∩ (B’C) , Q = (CA’) ∩ (A’C) , R = (AB’) ∩ (A’B) soient alignés

Preuve : Prenons ABC comme triangle de référence, et repérons A’, B’, C’ par leurs coordonnées barycen-triques : A’(x, y, z), B’(x’, y’, z’), C’(x’’, y’’, z’’).

(BC’) a pour équation ''0''1''0

zZyYxX

, i.e. z’’X – x’’Z = 0 ; (B’C) a pour équation x’Y – y’X = 0.

Du coup, P(x’x’’ , x’’y’ , x’z’’). De même Q(y’’x , y’’y , yz’’) et R(z’x , zy’ , zz’).

P, Q et R sont alignés ssi ''''''''''''

''''''

zzyzzxzyyyyxxzxyxx

= 0.

Par ailleurs, pour qu’il existe une conique circonscrite à l’hexagone ABCA’B’C’, il faut et il suffit qu’existent trois réels non tous nuls (p, q, r) tels que A’, B’, C’ vérifient p.YZ + q.ZX + r.XY = 0.

Cela équivaut à '''''''''''''''''''

yxxzzyyxxzzy

xyzxyz = 0.

Or on constate, en les développant par la règle de Sarrus, que ces deux déterminants sont égaux.

Remarque : l’identité « de Pascal » ''''''''''''

''''''

zzyzzxzyyyyxxzxyxx

= '''''''''''''''''''

yxxzzyyxxzzy

xyzxyz n’a rien d’évident, les deux

déterminants n’ayant aucun terme commun et ne se déduisant pas l’un de l’autre par opérations élémentaires.

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4. Géométrie du triangle.

Nous adoptons en général la convention suivante. Pour tout point P, les droites (AP), (BP) et (CP)

sont dites céviennes passant par P, et l’on note PA l’intersection des droites (AP) et (BC), PB

l’intersection de (BP) et (CA), PC l’intersection de (CP) et (AB), lorsque ces points existent.

Il ne faut pas s’étonner qu’il y ait de nombreux points remarquables liés à la géométrie d’un triangle ABC. Dès qu’un point remarquable M est trouvé, le triangle cévien associé MAMBMC, mais aussi le triangle pédal, dont les sommets sont les projections de M sur les côtés, ont eux aussi leurs points remarquables, lesquels sont aussi points remarquables du triangle de départ : ainsi du triangle médian, du triangle orthique, etc. Et il y a bien d’autres triangles remarquables. Certains points coïncident, pour le plus grand bonheur des géomètres du triangle, mais ces afficionados s’intéressent aussi aux cercles, coniques et cubiques associées à un triangle : le triangle est une drogue dure ! 4.1. Médianes, centre de gravité.

Proposition 1 : Les trois médianes du triangle ABC concourent en un point G appelé centre de gravité. Ce point admet pour c.b. (1, 1, 1), pour c.b.n. (1/3, 1/3, 1/3).

Preuve : Le milieu GA de BC a pour c.b. (0, 1, 1). La médiane AGA a

donc pour équation 101001

zyx

= 0 , i.e. y = z : logique !

Du coup, les trois médianes concourent en un point G de coordonnées barycentriques (x, x, x).

Remarque : Soit S l’aire de ABC. Les triangles AGB, BGC et CGA ont même aire, S/3. Donc G a pour coordonnées

trilinéaires p = aS

32 , q =

bS

32 , r =

cS

32 , ou (1/a, 1/b, 1/c).

Définition : Le triangle GAGBGC est appelé triangle médian (ou médial, ou complémentaire) du triangle ABC. Il a même centre de gravité que ABC.

Preuve : très facile. Plus généralement :

Exercice 1 : Soient x et y deux réels tels que x + y ≠ 0, A’ le barycentre de (B, x) et (C, y), B’ celui de (C, x) et (A, y), C’ celui de (A, x) et (B, y). Montrer que les triangles ABC et A’B’C’ ont même centre de gravité.

Etudions la fonction de Leibniz F(M) = ||AM ||2 + ||BM ||

2 + ||CM ||

2 .

Il suit de la formule générale donnant ||AM ||2 que ||AG||2 = −9²a +

3²² cb + , donc F(G) =

3²²² cba ++ .

De plus, F(M) = − 3 )²(

²²²zyx

xyczxbyza++

++ +

zyxzbayacxcb

+++++++ ²)²(²)²(²)²(

= − 3 )²(

²²²zyx

xyczxbyza++

++ −

zyxzcybxa

++++ ²²²

+ a2 + b

2 + c

2

=

)²(²)²²(²)²²(²)²²(

zyxxycbazxbacyzacb

++−++−++−+

= )²(

.cos.2.cos.2.cos.2zyx

xyCabzxBcayzAbc++

++.

La courbe de niveau Ck : F(M) = k a pour équation :

( b2 + c

2 – a

2 ).yz + ( c

2 + a

2 – b

2 ).zx + ( a

2 + b

2 – c

2 ).xy = k ( x + y + z )

2 .

Or on sait, depuis Huygens, que : F(M) = F(G) + 3 ||GM ||2 .

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Ck est donc le cercle de centre G et de rayon R = 3

)(GFk− , si k ≥ F(G) =

3²²² cba ++ .

Exercice 2 : Montrer que le triangle ABC et son triangle médian GAGBGC ont même fonction de

Leibniz. Retrouver F(G) = 3

²²² cba ++ par passage à la limite.

Proposition 2 : Les cercles de centre G ont pour équation barycentrique :

( b2 + c

2 – a

2 ).yz + ( c

2 + a

2 – b

2 ).zx + ( a

2 + b

2 – c

2 ).xy = k ( x + y + z )

2 .

Le cercle réduit au point G a pour équation barycentrique :

( b2 + c

2 – a

2 ).yz + ( c

2 + a

2 – b

2 ).zx + ( a

2 + b

2 – c

2 ).xy =

3²²² cba ++ ( x + y + z )

2 .

Le cercle de centre G et de rayon R a pour équation barycentrique :

( b2 + c

2 – a

2 ).yz + ( c

2 + a

2 – b

2 ).zx + ( a

2 + b

2 – c

2 ).xy = ( 3R

2 +

3²²² cba ++ ) ( x + y + z )

2 .

Proposition 3 : Autres centres de gravité. Le centre de gravité G est aussi celui de la plaque homogène de sommets A, B et C. En revanche, le

centre de gravité G’ du triangle considéré comme fil homogène est le barycentre des milieux GA,

GB, GC pondérés par les masses resp. a, b et c ; c’est aussi le barycentre de (A, b + c), (B, c + a) et

(C, a + b), et le centre du cercle inscrit du triangle médian GAGBGC. On nomme ce cercle le cercle de Spieker, et son centre le centre de Spieker du triangle.

Preuve : Evitons tout recours aux intégrales doubles, en considérant la symétrie oblique s par rapport à la médiane AGA parallèlement à la droite BC. Les triangles ABGA et AGAC ont même aire : la

moitié de celle du triangle ABC. Les centres de gravité des deux plaques triangulaires ABGA et

AGAC sont l’image l’un de l’autre par s. Le centre de gravité de la plaque ABC est donc situé sur la

médiane AGA. Il est de même situé sur les autres médianes. Le centre de gravité G’ d’un triangle considéré comme fil de fer homogène est le barycentre des milieux GA, GB, GC des côtés, pondérés resp. par les longueurs a, b et c. Ces longueurs étant propor-

tionnelles aux côtés du triangle GAGBGC, on déduit de 4.6 que G’ est aussi le centre du cercle inscrit

du triangle GAGBGC .

Triangle médian, cercle et centre de Spieker Avant d’aborder l’orthocentre, indiquons deux nouvelles caractérisations extrémales du centre de gravité :

Proposition 4 : Soient M un point intérieur au triangle ABC, P, Q, R ses orthoprojections sur les côtés BC, CA, AB. La fonction h(M) = MP.MQ.MR est minimum sur la réunion [AB]∪[BC]∪[CA], maximum en G, centre de gravité du triangle.

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17

Preuve : La première affirmation est évidente : elle correspond à h(M) = 0. La seconde consiste à maximiser le produit p.q.r sous la contrainte ap + bq + cr = 2S.

Posant x = ap, y = bq, z = cr, il s’agit de maximiser abcxyz

sous la contrainte x + y + z = 2S.

L’inégalité de la moyenne géométrique montre que le maximum est atteint pour x = y = z = 3

2S .

D’où max h(M) = abcS

278 3

. Il est atteint au centre de gravité G.

Théorème 5 : A tout point M intérieur au triangle ABC associons le triangle cévien MAMBMC. Si M a pour coordonnées barycentriques normalisées (x, y, z), l’aire de ce triangle vaut :

))()((.2

yxxzzyxyzS

+++ . Elle est maximum ssi M = G, centre de gravité du triangle.

Preuve : La formule générale Aire(MM’M’’) = )'''''')(''')(( zyxzyxzyx

S++++++ '''

''''''

zzzyyyxxx

donne ici Aire(MAMBMC) = ))()(( yxxzzy

S+++ 0

00

zzyyxx

= ))()((

.2yxxzzy

xyzS+++ .

Or 2 yz ≤ y + z , etc. , par conséquent Aire(MAMBMC) ≤ 4S , avec égalité ssi x = y = z =

31 .

4.2. Médiatrices, cercle circonscrit.

Notons p = 2

cba ++ le demi-périmètre, et

∆ = ( a + b + c )( a + b – c )( b + c – a )( c + a – b ) = 8 p ( p – a ) ( p – b ) ( p – c )

= − a4 – b

4 – c

4 + 2 a

2b

2 + 2 b

2c2 + 2 c

2a

2 .

Proposition 6 : Les médiatrices des côtés AB, BC et CA concourent en un point O, seul point équidistant de A, B et C : c’est le centre du cercle circonscrit au triangle. O admet pour s.b.c. ( sin 2A , sin 2B , sin 2C ) et ( a cos A , b cos B , c cos C ) , et pour s.b.c.n. :

(bcR²2 cos A ,

caR²2 cos B ,

abR²2 cos C ) = ( ∆

²a (b2 + c

2 – a

2) , ∆

²b (a2 + c

2 – b

2) , ∆

²c (a2 + b

2 – c

2))

Preuve : 1) Méthode élémentaire.

L’aire orientée du triangle BOC vaut 2²R sin 2A.

On en déduit qu’un système de c.b. de O est (sin 2A, sin 2B, sin 2C). Comme a = 2R sin A, un s.b.c. est aussi (a.cos A, b.cos B, c.cos C).

Comme a.cos A + b.cos B + c.cos C = ²2R

abc , on en déduit le s.b.c.n.

2) Méthode analytique. Cherchons les équations barycentriques des médiatrices.

||AM ||2 = −

)²(²²²

zyxxyczxbyza

++++

+ zyxzbyc

+++ ²²

, ||BM ||2 = −

)²(²²²

zyxxyczxbyza

++++

+ zyxxcza

+++ ²² .

La médiatrice de AB a pour équation c2 ( x − y ) + ( a

2 – b

2 ) z = 0 .

La médiatrice de BC a pour équation a2 ( y − z ) + ( b

2 – c

2 ) x = 0 .

La médiatrice de CA a pour équation b2 ( z − x ) + ( c

2 – a

2 ) y = 0 .

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18

Leur concours se traduit par ²²²²²²²²²²²²

bacbaacbbacc

−−−−−−

= 0.

Si l’on adjoint l’équation x + y + z = 1, on trouve le résultat ci-dessus.

Proposition 7 : Le cercle circonscrit a pour équation barycentrique a2 yz + b

2 zx + c

2 xy = 0.

Plus généralement, les cercles centrés en O ont pour équation barycentrique : a

2 yz + b

2 zx + c

2 xy + λ ( x + y + z )

2 = 0.

Le cercle réduit au point O a pour équation barycentrique :

x2 + y

2 + z

2 + 2 cos(2A).yz + 2 cos(2B).zx + 2 cos(2C).xy = 0.

4.3. Hauteurs, orthocentre.

Proposition 8 : Les hauteurs du triangle concourent en un point H appelé orthocentre du triangle. Si le triangle est rectangle en A, alors A = H a pour c.b.n. (1, 0, 0).

S’il n’est pas rectangle, H admet pour c.b. ( tan A, tan B , tan C ) et (A

acos

,B

bcos

,C

ccos

) ,

et pour c.b.n. ( cotan B.cotan C , cotan C.cotan A , cotan A.cotan B )

= ( ∆1 (a

2 + b

2 – c

2)(a

2 + c

2 – b

2) , ∆

1 (b2 + c

2 – a

2)(a

2 + b

2 – c

2) , ∆

1 (a2 + c

2 – b

2)(b

2 + c

2 – a

2)).

Cette dernière formule est valable même pour un triangle rectangle.

Preuve : Si le triangle ABC est rectangle en A, alors H = A, etc. Excluons ces cas. 1) Méthode élémentaire.

Sinon, soit HA est le pied de la hauteur issue de A, on a aisément : CHBH

A

A = − anCanB

cotcot = −

BC

tantan .

HA est barycentre de (A, 0), (B, tan B), (C, tan C). L’équation barycentrique de la hauteur issue de A est donc : − y.tan C + z.tan B = 0. Les deux autres hauteurs ont pour équations − z.tan A + x.tan C = 0 et − x.tan B + y.tan A = 0. Ces équations sont liées, donc les hauteurs sont concourantes. Le point commun H a pour coordonnées barycentriques ( tan A, tan B, tan C ).

Comme A

asin

= B

bsin

= C

csin

= 2R, il a aussi pour coordonnées (A

acos

,C

bcos

,C

ccos

).

Pour en déduire le s.b.c.n. réfléchir, ou cf. Eiden, p. 42.

2) Méthode analytique. Cherchons les équations barycentriques des hauteurs.

On a AM = zyx ++

1 ( y AB + zAC ).

On en déduit aisément que l’équation barycentrique de la hauteur issue de A, AM . BC = 0, s’écrit :

− y ( a2 + c2 – b

2 ) + z ( a2 + b2 – c

2 ) = 0

Par permutation, les deux autres sont : − z ( b2 + a2 – c

2 ) + x ( b2 + c2 – a

2 ) = 0

− x ( c2 + b2 – a

2 ) + y ( c2 + a2 – b

2 ) = 0 Les équations sont liées, donc les hauteurs sont concourantes. On trouve les coordonnées barycentriques normalisées en adjoignant la contrainte x + y + z = 1.

NB : On peut retrouver l’équation de la hauteur issue de A à l’aide du critère d’orthogonalité de deux droites. La hauteur issue de A a pour équation q.Y + r.Z = 0. La droite (BC) pour équation X = 0.

Il faut écrire que [ 0 q r ]

−−−−−−

²cos.cos.cos.²cos.cos.cos.²

cAbcBacAbcbBabBacCaba

001

= 0 ….

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19

3) Méthode indirecte, via le triangle anticomplémentaire. On peut déduire le concours des hauteurs du concours des médiatrices. Menons par chaque sommet la parallèle au côté opposé : on obtient un triangle A’B’C’, image de ABC par Hom(G, −2), dit anticomplémentaire de ABC. Les hauteurs du triangle ABC sont les médiatrices du triangle A’B’C’. Leur concours en découle. H est le centre du cercle circonscrit de A’, B’, C’, donc H = Bar((A’, a.cos A), (B’, a.cos B), (C, c.cos C)). Comme A’(−1, 1, 1), B’(1, −1, 1), C’(1, 1, −1), on déduit de 1.5. que H = Bar((A, x), (B, y), (C, z)), où x = − a.cos A + b.cos B + c.cos C , etc.

Proposition 9 : Les points O, G et H sont alignés et tels que OH = 3OG.

Preuve : Il s’agit de montrer que G est barycentre des points (O, 2/3) et (H, 1/3).

Soient (xO, yO, zO), (xH, yH, zH) les coordonnées barycentriques normalisées de O et H.

On vérifie aisément que 32 xO +

31 xH =

31 , i.e. 2xO + xH = 1. On conclut par permutation.

Remarque : constatons au passage que les produits xO.xH, yO.yH et zO.zH sont proportionnels à a2,

b2 et c

2 ; cette propriété sera interprétée lors de l’inversion isogonale.

Le triangle ABC est équilatéral si et seulement si les points O, G et H coïncident.

Proposition 10 : Si le triangle ABC n’est pas équilatéral, la droite OGH, dite droite d’Euler du triangle, a pour équation barycentrique :

( b2 – c2 ).( b2 + c2

– a2 ).x + ( c2 – a2

).( c2 + a2 – b2

).y + ( a2 – b2 ).( a2 + b2

– c2 ).z = 0.

Preuve : En effet, la condition OG

OG

OG

zzzyyyxxx

= 0 équivaut à : ²)²²²(1²)²²²(1²)²²²(1

cbaczbacbyacbax

−+−+−+

= 0.

Définition : Le triangle HAHBHC est appelé triangle orthique du triangle ABC.

Ce triangle possède d’intéressantes propriétés angulaires et extrémales, à vrai dire difficiles à démontrer par coordonnées barycentriques.

Proposition 11 : Le cercle circonscrit du triangle orthique a pour équation barycentrique :

a2

yz + b2

zx + c2 xy + ( p x + q y + r z ).( x + y + z ) = 0 , où p =

41 ( a

2 − b2 – c

2 ), etc.

Théorème 12 : Soient ABC un triangle non rectangle, CCCC une conique circonscrite. Pour que CCCC soit une hyperbole équilatère (éventuellement dégénérée en deux droites orthogonales), il faut et il suffit que CCCC passe par l’orthocentre H du triangle. Le centre de cette hyperbole appartient alors au cercle d’Euler du triangle.

Preuve : Une conique circonscrite a pour équation : p.yz + q.zx + r.xy = 0.

Elle passe par H si et seulement si ( b2 + c

2 – a

2 ).p + ( c

2 + a

2 – b

2 ).q + ( a

2 + b

2 – c

2 ).r = 0 .

Cf. Eiden, p. 152, etc. Parmi ces coniques, 3 sont dégénérées : ce sont les réunions (AH)∪(BC), (BH)∪(CA), (CH)∪(AB), d’équations respectives : x [ − y ( a

2 + c

2 – b

2 ) + z ( a

2 + b

2 – c

2 ) ] = 0

y [ − z ( b2 + a2 – c

2 ) + x ( b2 + c2 – a

2 ) ] = 0

z [ − x ( c2 + b2 – a

2 ) + y ( c2 + a2 – b

2 ) ] = 0

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20

4.4. Le cercle d’Euler.

Définition : On nomme cercle d’Euler, ou cercle des neuf points, l’image du cercle circonscrit par l’homothétie Hom(H, ½), ou encore par l’homothétie Hom(G, −½).

Il découle de la relation que OH = 3OG que ces deux homothéties ont même action globale sur le

cercle circonscrit. De ce fait, le cercle d’Euler passe par neuf points : les milieux des côtés GA, GB,

GC, les pieds des hauteurs HA, HB, HC, et les milieux KA, KB, KC des segments [AH], [BH], [CH]. Il contient en fait beaucoup d’autres points remarquables…

Proposition 13 : Le centre Ω du cercle d’Euler a pour coordonnées barycentriques ( a cos( B – C) , b cos(C – A) , c cos(A – B) ) ( b cos B + c cos C , c cos C + a cos A, a cos A + b cos B )

et pour coordonnées barycentriques normalisées : xΩ = ∆21 [ a2

( b2 + c

2 ) – ( b

2 – c

2 )2 ] , etc.

Preuve : Ω est milieu de OH ; c’est aussi le barycentre de (G, 3) et (O, −1).

Donc xΩ = 21 ( xO + xH ) =

21 ( 1 − xO ) = etc.

Proposition 14 : Le cercle d’Euler a pour équations barycentriques :

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21

a2 ( x – y + z ).( x + y – z ) + b2 ( y – z + x ).( y + z – x ) + c

2 ( z – x + y ).( z + x – y ) = 0

( b2 + c2 – a2

).x2 + ( c2 + a2

– b2 ).y

2 + ( a2 + b2

– c2 ).z

2 – 2a2

yz – 2b2 zx – 2c2

xy = 0

bc.cos A.x2 + ca.cos B.y

2 + ab.cos C.z

2 – 2a2

yz – 2b2 zx – 2c2

xy = 0

Preuve : Ce cercle est l’image du cercle circonscrit par h = Hom(G, −½ ).

Or, en vertu de 1.4, si M(x, y, z), M’ = h−1

(M) a pour coordonnées barycentriques (x’, y’, z’), où

'''

zyx

=

−−

111111111

zyx

.

Il suffit de reporter ces formules dans l’équation du cercle circonscrit a2 y’z’ + b2

z’x’ + c2 x’y’ = 0.

4.5. Polaire d’un point par rapport au triangle, axe orthique.

Soient M un point du plan, MA, MB et MC les pieds des céviennes passant par M, lorsqu’ils existent.

La droite (MBMC) coupe (BC) en M’A, la droite (MCMA) coupe (CA) en M’B, la droite (MAMB)

coupe (AB) en M’C.

Proposition 15 : Les points précédents existent si et seulement si M n’appartient à aucune droite (BC), (CA), (AB), à aucune parallèle menée d’un sommet au côté opposé, ni à aucune médiane (AG), (BG), (CG), bref au plan privé des 9 droites d’équations x = 0, y = 0, z = 0, x + y = 0, y + z =

0, z + x = 0, x = y, y = z, z = x. Alors les points M’ A, M’B et M’C sont alignés sur une droite dite polaire de M par rapport au triangle ABC. Si M a pour coordonnées barycentriques (x, y, z), sa droite polaire a pour équation barycentrique : yz.X + zx.Y + xy.Z = 0.

Preuve :

Si M(x, y, z), MA(0, y, z), MB(x, 0, z), MC(x, y, 0), si du moins x + y, y + z, z + x sont non nuls, c’est-à-dire si (AM) n’est pas parallèle à (BC), etc.

M’ A (X, Y, Z) doit vérifier X = 0 , 0

0zZ

yYxxX

= yz.X + zx.Y + xy.Z = 0 et X + Y + Z ≠ 0.

i.e. X = 0 , zx.Y + xy.Z = 0 et Y + Z ≠ 0. Si x = 0, M ∈ (BC) et (MBMC) = (BC) : cas à exclure !

Sinon, z.Y + y.Z = 0 et Y + Z ≠ 0 est possible ssi y ≠ z. Alors M’A(0, −y, z).

De même M’B(−x, 0, z) et M’C(x, −y, 0). Tous trois appartiennent à la droite yz.X + zx.Y + xy.Z = 0.

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22

Proposition 16 : Si le triangle n’est pas rectangle, la polaire de l’orthocentre H existe et a pour équations barycentriques : bc.cos A.x + ca.cos C.y + ab.cos B.z = 0

A

xtan

+ B

ytan

+ C

ztan

= 0

( b2 + c

2 – a

2 ).x + ( c2 + a

2 – b

2 ).y + ( a2 + b

2 – c

2 ).x = 0 Cette droite, appelée axe orthique du triangle. Si le triangle n’est pas équilatéral, l’axe orthique est perpendiculaire à la droite d’Euler ; c’est l’axe radical du cercle circonscrit et du cercle d’Euler.

Preuve : Eiden, p. 134, 82.

L’axe orthique (en noir) et la droite d’Euler (en rouge) sont perpendiculaires 4.6. Bissectrices, cercles inscrit et exinscrits.

Proposition 17 : Les bissectrices intérieures du triangle ABC concourent en un point I, dit centre du cercle inscrit, de coordonnées barycentriques (a, b, c).

Preuve : Si P est le pied de la bissectrice intérieure de l’angle A, on sait que PCPB = −

ACAB = −

bc .

Il suffit de mener de B la parallèle à AP ; elle recoupe AC en M, puis appliquer Thalès. Mais on peut aussi faire un peu de trigo… P est donc barycentre de (A, 0), (B, b), (C, c), et la bissectrice intérieure de l’angle A a pour équation barycentrique – c.y + b.z = 0. Les deux autres sont − a.z + c.x = 0 et − b.x + a.y = 0 . On conclut aussitôt.

Variante : Si r est le rayon du cercle inscrit, l’aire orientée du triangle BIC est 2ra , etc.

Du coup, I a pour coordonnées trilinéaires (r, r, r), ou (1, 1, 1). C’est sans doute la raison pour laquelle Clark Kimberling le note X(1), et le place avant même le centre de gravité, noté X(2).

Proposition 18 : Le point I est équidistant des trois côtés du triangle. Le cercle de centre I tangent aux trois côtés, appelé cercle inscrit, a pour équation barycentrique :

a2 yz + b2

zx + c2 xy −

4222²²² cabcabcba −−−++ ( x + y + z )

2

+ ( bc.x + ca.y + ab.z ).( x + y + z ) = 0 .

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Preuve : Le cercle inscrit est le cercle circonscrit au triangle PQR, où P, Q et R sont les projections de I sur les côtés [BC], [CA] et [AB]. Ce triangle est appelé triangle de Gergonne ou triangle de contact du triangle ABC. Pour trouver les coordonnées barycentriques de P, Q et R, nous allons introduire la « transformation de Ravi » : si l’on pose AR = AQ = u , BP = BR = v , CP = CQ = w , alors a = v + w , b = w + u , c = u + v ,

d’où u = 2

acb −+ , v = 2

bac −+ , w = 2

cba −+ . Alors P(0, w, v) , Q(w, 0, u) , R(v, u, 0).

Le programme Maple indiqué en annexe achève les calculs, mais a du mal à les simplifier.

Proposition 19 : Soient P, Q, R les points de contact du cercle inscrit avec les côtés BC, CA, AB. Les droites (AP), (BQ) et (CR) concourent en un point J, dit point de Gergonne du triangle.

Ce point a pour coordonnées barycentriques (u1 ,

v1 ,

w1 ) , ou (

acb −+1 ,

bac −+1 ,

cba −+1 ) ,

et pour coordonnées barycentriques normalisées :

( −−−−T

cbacba ))(( +−−+ , −−−−

Tcbacba ))(( +−−+

, −−−−T

cbacba ))(( +−−+ ),

où T = a2 + b

2 + c

2 – 2ab – 2bc – 2ca .

Preuve : La droite (AP) a pour équation barycentrique vzwy

x

00

01 = 0 , i.e. – y.v + z.w = 0.

Le concours des droites (AP), (BQ) et (CR) en découle. L’intersection J(x, y, z) vérifie xu = yv = zw.

Proposition 20 : La bissectrice intérieure de l’angle A et les bissectrices extérieures des angles B et C concourent en un point JA, dit centre du cercle exinscrit dans l’angle A. Il a pour coordonnées barycentriques ( − a , b , c ).

Preuve : Les bissectrices extérieures des angles B et C ont pour équations barycentriques : a.z + c.x = 0 et b.x + a.y = 0 .

Proposition 21 : Le cercle exinscrit dans l’angle A a pour équation barycentrique :

a2 yz + b2

zx + c2 xy −

4222²²² cabcabcba +−+++ ( x + y + z )

2

+ ( bc.x − ca.y − ab.z ).( x + y + z ) = 0 .

Il suffit de changer a en – a dans l’équation du cercle inscrit.

Preuve :

Proposition 22 : Le triangle JAJBJC formé des centres des cercles exinscrits a pour orthocentre I. Les

milieux A’’, B’’ et C’’ des segments IJA, IJB et IJC appartiennent au cercle circonscrit du triangle

ABC, ainsi qu’aux médiatrices respectives de BC, CA et AB. Le cercle d’Euler du triangle JAJBJC

est le cercle circonscrit de ABC. Le triangle JAJBJC se déduit du triangle de Gergonne PQR par une

homothétie de rapport rR2 .

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24

Preuve : Les hauteurs du triangle JAJBJC sont les bissectrices intérieures des angles A, B et C. Elles

se coupent en I. Le triangle ABC est donc le triangle orthique du triangle JAJBJC .

Le milieu A’’ de I JA a pour coordonnées barycentriques :

())((

²cbaacb

a++−+

− ,))((

)(cbaacb

cbb++−+

+))((

)(cbaacb

cbc++−+

+ ) .

La médiatrice de BC a pour équation a2 ( y – z ) + ( b

2 – c

2 ) x = 0.

Le cercle circonscrit au triangle ABC a pour équation a2

yz + b2

zx + c2

xy = 0. Il est facile de vérifier que A’’ appartient à ces deux lieux.

Le cercle d’Euler du triangle JAJBJC passe par 9 points, parmi lesquels A’’, B’’ et C’’. C’est donc le

cercle circonscrit du triangle ABC. Et le rayon du cercle circonscrit du triangle JAJBJC est 2R.

Si les triangles PQR et JAJBJC sont homothétiques, le rapport d’homothétie est le rapport des rayons des cercles circonscrits, c’est-à-dire 2R/r. Pour montrer l’homothétie, il suffit de vérifier le parallélisme des côtés homologues, ce qui peut se faire par coordonnées barycentriques.

4.7. Théorème de Feuerbach.

Théorème 23 : Le cercle d’Euler est tangent au cercle inscrit et aux trois cercles exinscrits. Le point de contact du cercle d’Euler et du cercle inscrit, dit premier point de Feuerbach du triangle, a pour coordonnées barycentriques :

( ( b + c – a ).( b – c )2 , ( c + a – b ).( c – a )

2 , ( a + b – c ).( a – b )

2 ) .

Preuve : Pour montrer la tangence du cercle inscrit et du cercle d’Euler, il suffit de résoudre le système (S) x + y + z = 1 a

2 ( x – y + z ).( x + y – z ) + b2 ( y – z + x ).( y + z – x ) + c

2 ( z – x + y ).( z + x – y ) = 0

a2yz + b2

zx + c2xy −

4222²²² cabcabcba −−−++ (x + y + z)

2 + (bc.x + ca.y + ab.z).(x + y + z) = 0 .

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25

(S) équivaut à (S’) : x + y + z = 1

a2 ( 1 – 2y ).( 1 – 2z ) + b2

( 1 – 2z ).( 1 – 2x ) + c2 ( 1 – 2x ).( 1 – 2y ) = 0

a2 yz + b2

zx + c2 xy −

4222²²² cabcabcba −−−++ + bc.x + ca.y + ab.z = 0 .

(S’) équivaut à (S’’) : x + y + z = 1 4 ( a2

yz + b2 zx + c2

xy ) + 2x a2 + 2y b2

+ 2z c2 – ( a

2 + b2 + c

2 ) = 0

4 ( a2 yz + b2

zx + c2 xy ) − )222²²²( cabcabcba −−−++ + bc.x + ca.y + ab.z = 0 .

(S’’) équivaut à (S’’’) : x + y + z = 1

4 ( a2 yz + b2

zx + c2 xy ) + 2x a

2 + 2y b2 + 2z c

2 – ( a2 + b2

+ c2 ) = 0

x.(2a2 – bc) + y.(2b2

– ca) + z.(2c2 – ab) − 2.( bc + ca + ab ) = 0 .

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5. Droites de Wallace-Simson.

Proposition : droites de Wallace-Simson. Soient M un point du plan, P, Q et R ses projections respectives sur les droites (BC), (CA) et (AB). Pour que les points P, Q et R soient alignés, il faut et il suffit que le point M appartienne au cercle circonscrit Γ du triangle. A tout point M du cercle circonscrit est associé la droite PQR, dite (à tort) droite de Simson de M.

Corollaire : Soient M un point, P’, Q’ et R’ ses symé-triques par rapport aux droites (BC), (CA) et (AB). Pour que P’, Q’, R’ soient alignés, il faut et il suffit que M appartienne au cercle circonscrit au triangle. A tout point M du cercle circonscrit est associé la droite P’Q’R’, dite droite de Steiner de M.

Preuve : Soient (x, y, z) les coordonnées barycentriques normalisées de M.

Cherchons celles de R. Ecrivons que AM = y AB + zAC et AR = α AB .

La condition AB . RM = 0 se traduit par α = y + z (21 +

²2²²

cab − ) .

Par conséquent R(1− α , α, 0) = ( x + z (21 +

²2²²

cba − ) , y + z (

21 +

²2²²

cab − ) , 0 ) .

De même , P ( 0 , y + x (21 +

²2²²

acb − ) , z + x (

21 +

²2²²

abc − ) )

et Q ( x + y (21 +

²2²²

bca − ) , 0 , z + y (

21 +

²2²²

bac − ) ) .

Les formules précédentes donnent les coordonnées barycentriques du triangle pédal PQR de M. On peut vérifier en particulier que le triangle pédal de O est le triangle complémentaire GAGBGC. L’alignement de P, Q, R équivaut à la nullité du déterminant de leurs coordonnées barycentriques. Or Maple affirme (j’ai aussi fait le calcul à la main) que ce déterminant vaut :

²²²4

1cba

( a + b + c )( a + b – c )( a – b + c )( − a + b + c )( x + y + z )[ a2.yz + b

2.zx + c

2.xy ].

Il est nul si et seulement si M appartient au cercle circonscrit.

> with(linalg): > P:=x+z*(1/2+(a^2-b^2)/(2*c^2)):Q:=y+z*(1/2+(b^2-a^2)/(2*c^2)): U:=x+y*(1/2+(a^2-c^2)/(2*b^2)):V:=z+y*(1/2+(c^2-a^2)/(2*b^2)): S:=y+x*(1/2+(b^2-c^2)/(2*a^2)):T:=z+x*(1/2+(c^2-b^2)/(2*a^2)): > Sigma:=transpose(matrix(3,3,[0,S,T,U,0,V,P,Q,0]));

:= Σ

0 + x y

+ 12

12

( ) − a2 c2

b2 + x z

+ 12

12

( ) − a2 b2

c2

+ y x

+ 12

12

( ) − b2 c2

a2 0 + y z

+ 12

12

( ) − b2 a2

c2

+ z x

+

12

12

( ) − c2 b2

a2 + z y

+

12

12

( ) − c2 a2

b2 0

> factor(det(Sigma));

−14

( ) + − b a c ( ) + + b a c ( ) − + c b a ( )− + − b a c ( ) + + x z y ( ) + + x c2 y x z b2 a2 z y

a2 c2 b2

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Remarque : Steiner a montré que, lorsque M décrit le cercle circonscrit, la droite de Simson enveloppe une hypocycloïde à trois rebroussements tritangente au cercle d’Euler. Ce cercle contient donc plus de 9 points remarquables : il faut leur adjoindre les 4 points de contact avec les cercles inscrit et exinscrits, et les 3 points de contact avec l’hypocycloïde de Steiner.

6. Inversion isotomique ; point de Nagel. 6.1. Définition, premières propriétés.

Soient M un point de plan, MA, MB et MC les pieds des céviennes passant par M, M’A, M’B et M’C

les symétriques respectifs de MA, MB et MC par rapport aux milieux GA, GB et GC. Nous allons

montrer qu’en général, les droites AM’A, BM’B et CM’C concourent en un point M’, appelé inverse isotomique de M.

Tout d’abord, il faut que les points MA, MB et MC existent, c’est-à-dire que M n’appartienne à aucune des trois droites menées d’un sommet du triangle et parallèle au côté opposé. Ensuite, il faut que les droites AM’A, BM’B et CM’C ne soient pas parallèles !

Si M(x, y, z),alors MA(0, y, z), MB(x, 0, z) et MC(x, y, 0), M’A(0, z, y), M’B(z, 0, y) et M’C(y, x, 0).

Les droites AM’A, BM’B et CM’C ont resp. pour équations barycentriques :

yY – zZ = 0 , zZ – xX = 0 , xX – yY = 0.

Tout revient à vérifier la nullité du déterminant D = 0

00

yxzxzy

−−

−.

L’intersection M’ des trois droites a pour coordonnées barycentriques (yz, zx, xy) … si du moins yz + zx + xy ≠ 0, autrement dit si M n’appartient pas à une certaine conique circonscrite au triangle.

Remarque : on peut aussi passer par le théorème de Ceva.

La conique d’équation yz + zx + xy = 0 est une ellipse Σ, de centre G, dite ellipse de Steiner circonscrite du triangle ABC.

La tangente en A à cette ellipse a pour équation [ 1 0 0 ]

011101110

ZYX

= 0 , i.e. Y + Z = 0. C’est la

parallèle à (BC) passant par A. On peut montrer que Σ est l’ellipse d’aire minimale contenant le triangle ABC. L’inversion isotomique est donc une involution continue du plan EEEE privé des droites (AB), (BC), (CA) et de l’ellipse de Steiner Σ. Ce domaine de définition a pour équation barycentrique x.y.z.( xy + yz + zx ) ≠ 0.

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6.2. Images des droites par inversion isotomique.

Proposition : L’inverse isotomique d’une cévienne (c’est-à-dire d’une droite passant par un sommet) est une droite passant par le même sommet. L’inverse isotomique d’une droite non cévienne est une conique circonscrit au triangle.

Preuve : Cet énoncé est légèrement imprécis, car il faut tenir compte du domaine de définition de l’inversion isotomique. La preuve est laissée en exercice, et détaillée dans Eiden, p. 126-130. 6.3. Triangle et point de Nagel.

Définition : On appelle triangle de Nagel du triangle ABC le triangle NANBNC, où NA désigne le point de contact avec (BC) du cercle exinscrit dans l’angle A, etc. Le cercle de Mandart est le cercle circonscrit du triangle de Nagel.

Proposition : Les droites (ANA), (BNB) et (CNC) concourent en un point N, dit point de Nagel du triangle ABC. N a pour coordonnées barycentriques ( b + c – a , c + a – b , a + b – c ).

Preuve : Le centre du cercle exinscrit dans l’angle A a pour coordonnées barycentriques JA(– a, b, c). Il découle de l’étude faite en 5) que sa projection orthogonale sur la droite (BC).

NA ( 0 , b – a (21 +

²2²²

acb − ) , c – (

21 +

²2²²

abc − ) ) , c’est-à-dire, après simplifications :

NA( 0 , c + a – b , a + b – c ). De même NB( b + c – a , 0, a + b – c ) et NC( b + c – a , c + a – b , 0 ).

On en déduit aussitôt l’existence et les coordonnées barycentriques de N.

Proposition : Le point de Nagel est le centre du cercle inscrit du triangle anticomplémentaire.

Preuve : Le triangle anticomplémentaire A’B’C’ est l’image du triangle ABC par l’homothétie h = Hom(G, −2). Il suffit donc de vérifier que N = Bar((I, −2), (G, 3)). Or c’est très facile.

Corollaire : Le centre du cercle inscrit I est le point de Nagel du triangle médian GAGBGC.

Proposition : Le point de Nagel est l’inverse isotomique du point de Gergonne.

Preuve : Cela se déduit aussitôt des coordonnées barycentriques de l’inverse isotomique, et des coordonnées barycentriques des points de Gergonne et de Nagel.

Remarque : Le cercle de Mandart a une équation barycentrique trop compliquée pour être donnée ici.

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7. Inversion isogonale ; point de Lemoine. 7.1. Définition, premières propriétés.

Définition 1 : Soient D1 et D2 deux droites sécantes en A. Deux droites D et D’ sont dites isogonales

par rapport à D1 et D2 si (D1, D) = (D’, D2) (mod π).

Supposons que D1 coupe (BC) en P, et que D2 coupe (BC) en Q. Soit α l’angle BAP = QAC. P a pour coordonnées barycentriques les aires orientées :

x = PBC = 0 , y = PCA = )sin(.21 α−Ab , z = PAB = αsin.

21b .

Q a pour coordonnées barycentriques les aires orientées :

x’ = QBC = 0 , y’ = QCA = αsin.21b , z’ = QAB = )sin(.

21 α−Ab .

On constate que c2 yy’ = b

2 zz’, autrement dit les couples (yy’, zz’) et (b

2, c

2) sont proportionnels.

Si D1 a pour équation barycentrique Y.z = Z.y , D2 a pour équation barycentrique c2y.Y = b

2z.Z.

Soit maintenant M un point de coordonnées barycentriques (x, y, z). Les isogonales de (AM), (BM)

et (CM) relativement aux angles A , B et C ont pour équations barycentriques respectives :

c2

y.Y = b2

z.Z , a2

z.Z = c2

x.X , b2

x.X = a2

y.Y.

Elles concourent en un point N de coordonnées barycentriques : x’ = xa² , y’ =

yb² , z’ =

zc² ,

à condition que x’ + y’ + z’ ≠ 0, c’est-à-dire que a2

yz + b2

zx + c2

xy ≠ 0, i.e. que M n’appartienne pas au cercle circonscrit au triangle ABC.

Théorème 1 : Soient ABC un triangle, Γ son cercle circonscrit. Si un point M n’appartient pas à Γ,

les droites isogonales respectives de (AM), (BM) et (CM) relativement aux angles A , B et C se coupent en un point N.

Définition 2 : Le point N est dit isogonal de M relativement au triangle ABC. L’application L : M → N est appelée inversion isogonale par rapport au triangle ABC.

A noter que si M appartient à la droite (AB), son isogonal est C, etc. L’application L n’est donc pas injective. Si l’on veut que L soit involutive, il faut restreindre son domaine :

Proposition 2 : Soit U l’ouvert du plan obtenu en lui ôtant les trois droites (AB), (BC), (CA) et le cercle circonscrit. L’application L est une involution continue de U.

Elle permute ses 10 composantes connexes par arcs, d’une façon que l’on pourra déterminer.

L’ouvert U a pour équation barycentrique :

xyz ( a2

yz + b2

zx + c2

xy ) ≠ 0.

7.2. Exemples de couples isogonaux.

L’orthocentre et le centre du cercle circonscrit sont isogonaux. Les centres des cercles inscrit et exinscrits sont leurs propres isogonaux ; ce sont les seuls.

Définition 3 : L’isogonal du centre de gravité s’appelle point de Lemoine du triangle. Ce point K est donc l’intersection des trois symédianes, qui sont les symétriques des médianes par rapport aux

bissectrices issues du même sommet. Il a pour coordonnées barycentriques (a2, b

2, c

2) et pour

coordonnées trilinéaires (a, b, c).

Proposition 3 : Le point de Lemoine est l’unique point minimisant la somme p2 + q

2 + r

2 des carrés

des distances aux trois côtés.

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Preuve : Soit M de coordonnées trilinéaires (p, q, r) et de coordonnées barycentriques (x, y, z).

Les coordonnées trilinéaires vérifient ap + bq + cr = 2S. Il s’agit de minimiser p2 + q

2 + r

2 sous cette

contrainte. Or ap + bq + cr = 2S est l’équation d’un plan affine. Le point de ce plan le plus proche de O est l’orthoprojection de O sur ce plan P. Les vecteurs (p, q, r) et (a, b, c) sont colinéaires : il vient

p = ²²²

2cba

aS++ etc., d’où x = a

2, etc.

Proposition 4 : Le point de Gergonne d’un triangle ABC est le point de Lemoine de son triangle de Gergonne PQR.

Preuve : Les côtés du triangle de Gergonne ont pour longueurs QR = 2r.sin(2π −

2A ) = 2r.cos

2A , etc.

Le point de Lemoine de PQR est donc Bar( (P, 4 r2

cos2

2A ) , (Q, 4 r

2 cos

2

2B ) , (R, 4 r

2 cos

2

2C ) ).

C’est aussi Bar( ( P, 1 + cos A ) , ( Q, 1 + cos B ) , ( R, 1 + cos C ) ). Ou encore, Al Kashi aidant, Bar( (P , a ( b + c – a )), (Q , b ( c + a – b )), (R , c ( a + b – c ) ). Le lecteur est prié de conclure par associativité barycentrique.

Proposition 5 : Notons GA, GB, GC les pieds des médianes, HA, HB, HC les pieds des hauteurs, H’A,

H’B, H’C les milieux des segments [AHA], [BHB], [CHC]. Les droites GAH’A, GBH’B et GCH’C concourent en K, point de Lemoine.

Preuve : Le concours des droites GAH’A, GBH’B et GCH’C découle d’un argument de conjugaison

isotomique. En effet, les hauteurs GAH’’ A, GBH’’ B et GCH’’ C du triangle médian GAGBGC concourent en l’orthocentre H’’ de ce triangle. Il est facile de voir que le point K n’est autre que le conjugué isotomique de H’’. Reste à montrer que K est le point de Lemoine du triangle ABC.

Définition 4 : On nomme « mittenpunkt » du triangle ABC le point de Lemoine du triangle JAJBJC.

Proposition 6 : Le mittenpunkt a pour coordonnées barycentriques : ( a (b + c – a) , b (c + a – b) , c (a + b – c ) ) .

Preuve : Des expressions AAJ = cba

ACcABb++−

+ et BAJ =

cbaACcABb

+−+−

et de Pythagore

on déduit aisément (via Maple) || BAJJ ||2 = ))((

²bpap

abc−− .

Le mittenpunkt est donc M = Bar((JA , ))((²

cpbpbca

−− ) , (JB , ))((²

apcpcab

−− ) , (JC , ))((²

bpapabc

−− )),

ou encore M = Bar((JA, a.(p – a)) , (JB, b.(p – b)) , (JC, c.(p – c)) . Par ailleurs

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JA = Bar((A,cba

a++−

− ),(B,cba

b++− ),(C,

cbac

++− )) = Bar((A,)(2 ap

a−

− ), (B,)(2 ap

b− ), (C,

)(2 apc− ))

Par suite M = Bar((A, u), (B, v), (C, w)), où u = 2

²a− + 2ab +

2ac = ).(

2acba −+ , etc. cqfd.

8. Ellipses de Steiner.

Nous allons ici résoudre, par le calcul barycentrique, quatre problèmes classiques. a) Trouver, parmi les triangles inscrits dans une ellipse, celui ou ceux d’aire maximum. b) Trouver, parmi les triangles circonscrits à une ellipse, celui ou ceux d’aire minimum. c) Trouver, parmi les ellipses circonscrites à un triangle, celle d’aire minimum. d) Trouver, parmi les ellipses inscrites dans un triangle, celle d’aire minimum.

1) Soit E une ellipse circonscrite à un triangle ABC. Elle a pour équation p yz + q zx + r xy = 0 , où :

∆ = p2 + q

2 + r

2 – 2pq – 2qr – 2rp < 0.

On peut paramétrer une telle ellipse en la coupant par la droite z = ty.

Il vient M(t) = ( x = − p.t , y = q.t + r , z = (q.t + r).t ) .

A noter que t = 0 donne B, t = − r/q donne A, t = ±∞ donne C.

Aire (AM(t)M(t’)) = 2S)')('²)()(²(

)')(')((rtpqrqtrtpqrqt

ttrqtrqt+−+++−++

−++.

En particulier, si l’on fait t = 0, il vient : Aire(ABM(t’)) = 2S)')('²(

)''.(rtpqrqtr

rqtrt+−++

+.

Et, si l’on fait tendre t’ vers ±∞, il vient : Aire (AM(t)C) = 2S))(²(

)(rtpqrqt

rqt+−++

+.

2) Soit maintenant E une ellipse quelconque. Par un argument de compacité, on sait qu’il existe un triangle ABC inscrit dans E, et d’aire maximum. Prenons ce triangle comme repère. Alors E a pour équation p yz + q zx + r xy = 0 , et

(∀t) f(t) = Aire(AM(t)C) = 2S))(²(

)(rtpqrqt

rqt+−++

+ ≤ f(0) , donc f’(0) = 0.

Cela implique p = r. Par symétrie, p = q = r. Autrement dit, E a pour équation yz + zx + xy = 0.

3) Aire de l’ellipse. De la formule donnant Aire(AM(t)M(t’)) on déduit :

Aire (AM(t)M(t + dt)) = 2S)²)(²(

)².(rtpqrqt

dtrqt+−++

+ au premier ordre près.

Aire (E) = 2S∫+∞

∞− +−+++ dt

rtpqrqtrqt .

)²)(²()²(

= 2/3)222²²²(.8

rpqrpqrqppqrS

+++−−−π

,

après de laborieux calculs conduits avec Maple.

En particulier, l’aire du cercle circonscrit est 2/3444 ²)²2²²2²²2(²²².8

accbbacbacbaS

+++−−−π = π.R

2 ( why ? )

Revenant au problème posé, il s’agit de minimiser la fonction

F(p, q, r) = 2/3)222²²²(.8

rpqrpqrqppqrS

+++−−−π

sur le domaine p2 + q

2 + r

2 – 2pq – 2qr – 2rp < 0.

et de montrer que le minimum est atteint pour p = q = r., c’est-à-dire pour l’ellipse de Steiner circonscrite d’équation yz + zx + xy = 0.

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9. Itérations barycentriques.

Exercice 1 : Soit ABC un triangle. Etudier la suite (Mn) définie par :

M0 = A , M1 = B , M2 = C , Mn+3 est le centre de gravité du triangle MnMn+1Mn+2.

Exercice 2 : Soit ABC un triangle. On note p la projection sur (AB) parallèlement à (BC), q la projection sur (BC) parallèlement à (CA), r la projection sur (CA) parallèlement à (AB). Soit M un point quelconque. Etudier la suite (Mn) définie par :

M0 = M , M3k+1 = p(M3k) , M3k+2 = q(M3k+1) , M3k+3 = r(M3k+2).

Exercice 3 : Soit T un triangle ABC.

1) On note A0 = A, An+1 le centre du cercle inscrit dans le triangle AnBC. Montrer que la suite

(An) converge vers un point L de BC que l’on déterminera.

2) On note A0 = A, An+1 l’orthocentre du triangle AnBC. Que dire de la suite (An) ?

[ Concours général 2005, ex. 3 ]

Exercice 4 : Gergonne itéré. A tout triangle T = ABC, on associe son triangle de Gergonne f(T) = A’B’C’, A’, B’ et C’ étant les points de contact du cercle inscrit dans ABC avec les côtés BC, CA et AB. On définit la suite T0 = T , Tn+1 = f(Tn).

Montrer que les trois angles de Tn tendent vers 3π . Vers quel point tendent les sommets de Tn ?

[ Oral Capes ]

10. Théorème de Brouwer. Voir mon chapitre sur les théorèmes de point fixe. Annexe : Calculs barycentriques avec Maple (« calcul barycentrique ») :

Ce programme calcule les coordonnées barycentriques normalisées de O, H, Ω, vérifie la formule

OH = 3OG, et calcule l’équation de la droite d’Euler.

> ma:=c^2*(x-y)+(a^2-b^2)*z;mb:=subs([a=b,b=c,c=a,x=y,y=z,z=x],ma); mc:=subs([a=b,b=c,c=a,x=y,y=z,z=x],mb);

:= ma + c2 ( ) − x y ( ) − a2 b2 z

:= mb + a2 ( ) − y z ( ) − b2 c2 x

:= mc + b2 ( ) − z x ( ) − c2 a2 y > solve(ma=0,mb=0,mc=0,x,y,z); factor(solve(ma=0,mb=0,mc=0,x+y+z=1,x,y,z));

, , = z −c2 ( ) − + b2 c2 a2 x

a2 ( )− − + b2 c2 a2 = y −x b2 ( ) − + c2 b2 a2

a2 ( )− − + b2 c2 a2 = x x

= xa2 ( )− − + b2 c2 a2

( ) − + b c a ( ) + + b a c ( ) − + c b a ( )− − + b c a,

= y −b2 ( ) − + c2 b2 a2

( ) − + b c a ( ) + + b a c ( ) − + c b a ( )− − + b c a,

= z −c2 ( ) − + b2 c2 a2

( ) − + b c a ( ) + + b a c ( ) − + c b a ( )− − + b c a

> ha:=y*(b^2-a^2-c^2)+z*(b^2+a^2-c^2); hb:=subs([a=b,b=c,c=a,x=y,y=z,z=x],ha); hc:=subs([a=b,b=c,c=a,x=y,y=z,z=x],hb);

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:= ha + y ( )− + − a2 b2 c2 z ( ) − + b2 c2 a2

:= hb + z ( )− + − b2 c2 a2 x ( )− + + a2 c2 b2

:= hc + x ( )− − + b2 c2 a2 y ( ) − + c2 b2 a2

> solve(ha=0,hb=0,hc=0,x,y,z); factor(solve(ha=0,hb=0,hc=0,x+y+z=1,x,y,z));

, , = z −x ( )− − + b2 c2 a2

− + b2 c2 a2 = x x = y −x ( )− − + b2 c2 a2

− + c2 b2 a2

= x −( ) − + c2 b2 a2 ( ) − + b2 c2 a2

( ) − + b c a ( ) + + b a c ( ) − + c b a ( )− − + b c a,

= z( ) − + c2 b2 a2 ( )− − + b2 c2 a2

( ) − + b c a ( ) + + b a c ( ) − + c b a ( )− − + b c a,

= y( ) − + b2 c2 a2 ( )− − + b2 c2 a2

( ) − + b c a ( ) + + b a c ( ) − + c b a ( )− − + b c a

> xO:=a^2*(-b^2-c^2+a^2)/(b-c+a)/(b+a+c)/(c-b+a)/(-b-c+a): yO:=-b^2*(c^2-b^2+a^2)/(b-c+a)/(b+a+c)/(c-b+a)/(-b-c+a): zO:=-c^2*(b^2-c^2+a^2)/(b-c+a)/(b+a+c)/(c-b+a)/(-b-c+a): xH:=-(c^2-b^2+a^2)*(b^2-c^2+a^2)/(b-c+a)/(b+a+c)/(c-b+a)/(-b-c+a): yH:= (b^2-c^2+a^2)*(-b^2-c^2+a^2)/(b-c+a)/(b+a+c)/(c-b+a)/(-b-c+a): zH:= (c^2-b^2+a^2)*(-b^2-c^2+a^2)/(b-c+a)/(b+a+c)/(c-b+a)/(-b-c+a): > simplify(2/3*xO+1/3*xH);simplify(2/3*yO+1/3*yH);simplify(2/3*zO+1/3*zH);

> xO*xH;yO*yH;zO*zH;

−a2 ( )− − + b2 c2 a2 ( ) − + c2 b2 a2 ( ) − + b2 c2 a2

( ) − + b c a 2 ( ) + + b a c 2 ( ) − + c b a 2 ( )− − + b c a 2

−b2 ( ) − + c2 b2 a2 ( ) − + b2 c2 a2 ( )− − + b2 c2 a2

( ) − + b c a 2 ( ) + + b a c 2 ( ) − + c b a 2 ( )− − + b c a 2

−c2 ( ) − + b2 c2 a2 ( ) − + c2 b2 a2 ( )− − + b2 c2 a2

( ) − + b c a 2 ( ) + + b a c 2 ( ) − + c b a 2 ( )− − + b c a 2

La procédure ci-dessous calcule l’équation barycentrique du cercle circonscrit à 3 points donnés P,

Q, R. On l’applique au cercle circonscrit à ABC, au cercle d’Euler, circonscrit au triangle GAGBGC. On vérifie que ce cercle passe par les pieds des hauteurs et par les milieux de AH, BH et CH. Enfin, on calcule l’équation du cercle inscrit par la méthode indiquée en 4.5.

> cercle_circonscrit:=proc(P,Q,R) > local C,a,b,c,x,y,z,p,q,r,e1,e2,e3,s; > C:=a^2*y*z+b^2*z*x+c^2*x*y+(p*x+q*y+r*z)*(x+y+z); > e1:=subs([x=P[1],y=P[2],z=P[3]],C)=0; > e2:=subs([x=Q[1],y=Q[2],z=Q[3]],C)=0; > e3:=subs([x=R[1],y=R[2],z=R[3]],C)=0; > s:=solve(e1,e2,e3,p,q,r); > assign(s);print(subs([op(s)],C)); > end; > P:=[1,0,0];Q:=[0,1,0];R:=[0,0,1];cercle_circonscrit(P,Q,R);

+ + a2 y z b2 z x c2 x y > P:=[0,1,1];Q:=[1,0,1];R:=[1,1,0];cercle_circonscrit(P,Q,R);

13

13

13

:= P [ ], ,1 0 0 := Q [ ], ,0 1 0 := R [ ], ,0 0 1

:= P [ ], ,0 1 1 := Q [ ], ,1 0 1 := R [ ], ,1 1 0

Page 34: Calcul barycentrique · 2019. 11. 10. · beau livre de mon collègue et ami Jean-Denis Eiden, Géométrie analytique classique , paru en 2009 chez Calvage & Mounet, m’a donné

34

a2 y z b2 z x c2 x y + + +

+ +

− −

14

a2 14

b2 14

c2 x

− − +

14

c2 14

a2 14

b2 y

− − +

14

b2 14

a2 14

c2 z

( ) + + x y z

> cercleEuler:=a^2*y*z+b^2*z*x+c^2*x*y+((-1/4*b^2+1/4*a^2-1/4*c^2)*x +(-1/4*c^2+1/4*b^2-1/4*a^2)*y+(-1/4*a^2+1/4*c^2-1/4*b^2)*z)*(x+y+z) : simplify(subs([x=0,y=yH,z=zH],cercleEuler));

0 > simplify(subs([x=(1+xH)/2,y=yH/2,z=zH/2],cercleEuler));

0 > u:=(b+c-a)/2;v:=(c+a-b)/2;w:=(a+b-c)/2; P:=[0,w,v];Q:=[w,0,u];R:=[v,u,0];cercle_circonscrit(P,Q,R);

a2 y z b2 z x c2 x y14

(− + − + + − + c2 b a2 c2 a b2 c b2 a2 c c2 a b c a b a2 c a2 b2 c aa b c

+ + +

14

( )− + − − + + − − + c2 b a2 c2 a b2 c c2 a b c a b a2 c a2 b2 c b2 a2 c a b b2 c2 a2 b c2 a b2

c a b +

> factor(solve(cercleinscrit=0,cercleEuler=0,x+y+z=1,x,y,z));

= z −12

( ) − a b 2 ( ) − − c a b

− − + − + − − − + c3 a c2 a2 c a3 b c2 3 a b c b a2 b2 c b2 a b3,

= y12

( ) − c a 2 ( ) + − a c b

− − + − + − − − + c3 a c2 a2 c a3 b c2 3 a b c b a2 b2 c b2 a b3,

= x12

( )− + b c 2 ( ) + − b c a

− − + − + − − − + c3 a c2 a2 c a3 b c2 3 a b c b a2 b2 c b2 a b3

____________

Lexique

I = X(1) Incenter : centre du cercle inscrit G = X(2) Centroid : centre de gravité O = X(3) Circumcenter : centre du cercle circonscrit H = X(4) Orthocenter : orthocentre Ω = X(5) Nine-point center : centre du cercle des neuf points K = X(6) Symmedian point (or Lemoine point, or Grebe point) : point de Lemoine J = X(7) Gergonne point : point de Gergonne N = X(8) Nagel point : point de Nagel X(9) Mittenpunkt : point de Lemoine du triangle formé des centres des cercles exinscrits G’ = X(10) Centre de Spieker F = X(11) Feuerbach point : point de Feuerbach Circumcircle, incircle, excircles, nine-point circle : cercle circonscrit, cercle inscrit, cercle exinscrits, cercle des 9 points. ____________ Bibliographie

( ) + + x y z

14

( ) + − − − − − + + c2 b a2 c2 a b2 c a b a2 c b2 a2 c c2 a b c a2 b2 c a b b2 c2 a2 b c2 a b2 z

b a c +

Page 35: Calcul barycentrique · 2019. 11. 10. · beau livre de mon collègue et ami Jean-Denis Eiden, Géométrie analytique classique , paru en 2009 chez Calvage & Mounet, m’a donné

35

René et Yvonne Sortais : La géométrie du triangle (Hermann, 1987) Jean-Denis Eiden : Géométrie analytique classique (Calvage & Mounet, 2009) Lazare-Georges Vidiani : Loi de groupe sur un triangle (Quadrature)

Site de Clark Kimberling : http://faculty.evansville.edu/ck6/encyclopedia/ Encyclopedia universalis : Möbius, Plücker

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