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Pierre Héritier, Dominique Taddei, Jacques Ion, Hugues Bertrand,

Anne-Marie Grozelier

Les enjeux de l'Europe sociale

ÉDITIONS LA DÉCOUVERTE 1, place Paul-Painlevé

Paris Ve 1991

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Présentation des auteurs

Pierre HÉRITIER, ancien dirigeant national de la CFDT, directeur de LASAIRE (Laboratoire social d'actions, d'innovations, de réflexions et d'échanges).

Dominique TADDÉI, ancien député, professeur d'économie à l'uni- versité d'Aix-Marseille-II, consultant auprès de la CEE.

Jacques ION, sociologue, chargé de recherches au CRESAL (CNRS), spécialiste des politiques sociales.

Hugues BERTRAND, professeur d'économie à l'université Paris- VIII, directeur associé d'un cabinet de conseil aux entreprises.

Frédéric BRICNET, économiste, responsable d'un cabinet spécialisé dans le conseil aux organisations syndicales (CISE).

Anne-Marie GROZELIER, sociologue, ancienne responsable syndi- cale, expert en matière d'emploi et de formation.

Si vous désirez être tenu régulièrement au courant de nos parutions, il vous suffit d'envoyer vos nom et adresse aux Éditions La Découverte, 1, place Paul-Painlevé, 75005 Paris. Vous recevrez gratuitement notre bulletin trimestriel A la Découverte.

En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement, par photocopie ou tout autre moyen, le présent ouvrage sans auto- risation de l'éditeur ou du Centre français du copyright (6 bis, rue Gabriel-Laumain, 75010 Paris).

© Éditions La Découverte, Paris, 1991. ISBN 2-7071-2071-5

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A v a n t - p r o p o s

Cet ouvrage collectif plonge ses racines nourricières dans le terreau de la première rencontre des Biennales sociales européennes organisées par LASAIRE les 6 et 7 novem- bre 1990, à Saint-Étienne. Un long travail de préparation et d'auditions, deux journées d'échanges d'une grande densité nous ont aidés à réunir les matériaux d'un travail enrichi par des apports multiples et pluralistes.

Nous abordons ici différentes facettes de l'Europe sociale : ce qui se joue à Bruxelles, ce qui se joue sur le terrain... dans les entreprises et dans les espaces nationaux. Toutefois, cet ouvrage n'est pas une simple « restitution » de la première B i e n n a l e d e S a i n t - É t i e n n e m a i s b i e n l ' œ u v r e d ' a u t e u r s

observateurs engagés, qui prennent parti dans leurs dia- gnostics et leurs conclusions, et expriment leurs propres points de vue. L'écriture de chacune des parties résulte d'un arbitrage entre « le collectif » — nous avons beaucoup dis- cuté — et « l'individuel » — chacun assume ce qu'il écrit.

1. Laboratoire social d'actions, d'innovations, de réflexions et d'échanges. 2. Les actes de la première rencontre ont été publiés par LASAIRE : 32, rue de

la Résistance, 42000 Saint-Étienne; 33, rue du Faubourg-Montmartre, 75009 Paris. 3. Dont la liste et les fonctions figurent page ci-contre.

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Nous souhaitons que cet ouvrage soit un élément du débat européen au moment où s'ouvre devant nous la ligne droite de la construction du grand marché et de la révision du Traité. Nous voulons que la dimension sociale tienne toute sa place dans ce débat et qu'elle ne soit pas écrasée par le poids des enjeux diplomatiques, économiques et monétaires.

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Introduction

Quelle a m b i t i o n p o u r l ' E u r o p e ?

pa r Pierre Héritier

La construction européenne se trouve au milieu du gué et la période actuelle sera décisive pour son devenir. Ce peut être la clé de voûte d'un nouvel ordre international. Mais si l'Europe borne son horizon à la mise en place d'un « grand marché », il ne restera plus grand-chose de l'idée européenne. Son ambition sera emportée par les courants d'une mondia- lisation dominée par la logique des rapports de force. Son impact se brisera sur les lames des résistances nationalistes, conservatrices, ou tout simplement sur la peur d'un avenir mal défini. Il ne peut y avoir d'ambition européenne sans volonté politique, sans conviction et sans implication des populations concernées ; et celle-ci ne peut se concrétiser sans projet. Peut-on penser que les nouvelles générations, pour- tant bien préparées au dépassement des clivages nationalis- tes, manifestent de l'enthousiasme ou tout simplement de l'intérêt, si l'Europe que nous leur proposons se limite à l'extension des échanges économiques et monétaires ? Cette communauté risque alors de leur paraître trop étroite, trop étriquée, trop fermée, trop repliée pour répondre à leurs attentes.

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L'impératif européen

Pourtant, l'Europe n'a jamais constitué un enjeu aussi déterminant qu'aujourd'hui dans cette phase de séismes et de recomposition des rapports internationaux. La destruc- tion du mur de Berlin, l'effondrement des régimes commu- nistes, l'attente des pays de l'Est, les appels du Sud, le défi explosif du couple « démographie-sous-développement », les aspirations de plus en plus fortes à la démocratie et le besoin de renouveler cette démocratie trouveront-ils quelques échos dans les débats sur la construction de l'Europe ? dans les réu- nions de sherpas et d'experts ? dans les pays et dans les opi- nions publiques ? Saurons-nous proposer une ambition plus forte et plus large que celle d'un grand marché, étape néces- saire mais non suffisante de la mise sur orbite d'un projet européen capable de donner un sens, une perspective, une direction à toutes les forces disponibles qui restent aujourd'hui attentistes, sceptiques, démobilisées faute d'un projet mobilisateur capable de relever les défis et de prépa- rer le XXI siècle ?

Comment ne pas voir que les pays industrialisés accumu- lent en même temps que leurs richesses les matériaux de futurs séismes, dangereux pour l'équilibre mondial, la paix et la démocratie ? Le monde de demain — c'est-à-dire celui qui émerge déjà aujourd'hui — sera totalement différent : les pays jeunes, peuplés et appauvris n'accepteront plus cet « équilibre » qui assure la domination de pays vieillissants, nantis et peu peuplés. Devrons-nous fabriquer des armes et des troupes pour défendre — à quel prix et pour com- bien de temps — un statu quo injuste ? Lancer des sous- marins... pour couler des « boat people » chargés d'immi- grants affamés, dépourvus d'armes et de cartes de séjour? Construirons-nous des murailles (électroniques sans doute) pour nous protéger du « reste du monde » ? Personne bien sûr n'oserait formuler un scénario aussi cynique. Mais, tant que les ondes de choc ne se manifestent pas, il est toujours temps d'attendre et de tergiverser !

Il y a deux manières de fermer les yeux et de tuer l'Europe. L'une consiste à vouloir la diluer dans un ensemble si vaste qu'elle en perdrait le goût, la saveur et le parfum. L'autre — qui revient au même — consiste à lui rogner les ailes, sus- citant ainsi assez de contradictions et de déceptions pour créer

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les conditions de l'échec... L'Europe ne peut être seulement une affaire de marché et de marchands. Elle pourrait être le grand projet fédérateur, le maillon fort et constructif d'une recomposition des rapports internationaux, le pôle d'ancrage de politiques de coopération avec l'Est et avec le Sud, le phare qui indique des voies d'évolution et de progrès. La crise du Golfe — la guerre et l'après-guerre — confirme et renforce l'impérieuse nécessité d'un pôle d'équilibre face aux grandes puissances mondiales, et notamment face aux États-Unis.

Il n'existe sans doute pas de modèle, mais nous vivons dans une période où il y a besoin de références. Où les trou- ver ? L'illusion dramatique du communisme bureaucratique s'est écroulée... Ni le modèle nord-américain ni le modèle japonais ne constituent une perspective mobilisatrice et sédui- sante. Par ailleurs, l'effondrement des pays de l'Est ne peut masquer les carences de nos sociétés qui sécrètent margina- lisation, exclusion et violence.

L'Europe pourrait puiser dans son histoire, dans sa cul- ture, dans ses valeurs, dans ses richesses des matériaux pour construire un mode de démocratie et de développement sus- ceptible d'offrir peut-être des références, et surtout des réponses concrètes. Valorisons les acquis précieux dont nous avons fait l'expérience : la démocratie, la solidarité, la coo- pération, la tolérance. Nous assistons à un retour en force de l'idée de prédominance des droits de l'homme. Dans la manière de concevoir le juridique, l'économique et le social, il existe quelque chose de commun et de spécifique à l'Europe. N'y a-t-il pas là de quoi construire des fondements solides pour l'édifice européen ?

Mais l'émergence d'une idée européenne — peut-être d'un idéal, d'une conscience collective — n'a de sens que si elle s'incarne dans un projet précis, compris et efficace. La cré- dibilité d'un projet européen n'a de portée universelle que si elle est d'abord interne; l'adhésion des citoyens et des populations constitue la clé de voûte d'une perspective ambi- tieuse et durable.

Une telle adhésion nécessite une vision claire de l'objec- tif et de ses raisons d'être comme de l'itinéraire proposé pour l'atteindre. Est-ce évident aujourd'hui pour l'ensemble des populations concernées ? Avec l'approche de l'échéance de 1993, chacun tente de mesurer ce qu'il peut gagner et ce

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qu'il risque de perdre. Arithmétique inévitable bien sûr, mais calcul insuffisant pour mesurer la véritable dimension des enjeux sous-tendus par la construction européenne. Qu'avons-nous à perdre ensemble... et qu'avons-nous ensem- ble à gagner dans une démarche commune ?

L'idée européenne a progressé durant près d'un demi-siècle face à des défis extérieurs voire contre une menace ou une hégémonie externe. Dans les années cinquante, l'Europe de l'Ouest face au bloc de l'Est, dans les années soixante, l'Europe gaullienne face à l'hégémonie anglo-saxonne... Dans ce schéma, nous pouvons affirmer déjà que l'Europe constitue la seule alternative possible à la mondialisation des échanges. Une mondialisation dominée par une conception prétendument libérale qui masque mal le rapport de forces dominé par les États-Unis et le Japon. Aucune nation euro- péenne aujourd'hui, à l'exception de l'Allemagne, ne peut, seule, peser d'un poids conséquent dans l'organisation des rapports économiques et industriels. Au niveau politique aucune. Compte tenu des évolutions démographiques mon- diales, en 2005, la France ne pèsera pas plus lourd dans le monde que la Hollande aujourd'hui... Faut-il rester prison- niers du passé ou tenter de peser sur l'avenir ? La vraie manière de résister au libéralisme forcené modèle « thatché- rien » ou à sa variante japonaise, comme à la domination des grandes puissances, passe certainement par un rééquili- brage des rapports de force internationaux. L'existence d'un pôle européen suffisamment cohérent et ouvert sur l'extérieur peut être l'instrument de ce rééquilibrage. Bien sûr, il reste à préciser ce que peut être cette Europe.

Les enjeux de l'Europe sociale

La Communauté européenne ne peut se contenter d'être seulement économique, financière et monétaire, un espace d'échanges ouvert à tous les vents d'une concurrence sau- vage, sans règles du jeu ni contrepoids. Plus d'Europe, oui, mais nous devons dire aussi quelle Europe nous voulons. Ne rêvons pas sur les vertus magiques du seul grand marché, cherchons à construire l'Europe de la croissance et de la soli- darité. Le recul des outils nationaux de « pilotage » et d'« intervention » sur les politiques industrielles, budgétaires,

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monétaires doit être compensé et renforcé — puisque ces outils ont perdu leur efficacité dans l'environnement inter- national — par des moyens d'intervention au niveau com- munautaire. Sans cela, certaines activités stratégiques disparaîtront de l'espace européen et rendront les industries européennes dépendantes de leurs concurrentes japonaises (le risque est particulièrement grand dans certains secteurs de l'électronique). Si elle renonçait à ces moyens de pilotage, l'Europe apporterait des réponses insuffisantes aux problè- mes du chômage et de l'exclusion. L'efficacité d'un pôle européen nécessite une direction politique et des outils dans les domaines monétaire, budgétaire et industriel. Des inter- ventions, sélectives bien sûr, car il ne s'agit pas de bureau- cratiser la vie économique, sont nécessaires pour corriger les déséquilibres régionaux, soutenir la croissance par l'investis- sement public, coordonner les grands programmes de recher- che, etc. Au niveau social, des règles du jeu doivent être clairement définies : le dumping social ne peut être le ressort de la compétitivité européenne.

En ce domaine, le retard accumulé est devenu tel aujourd'hui qu'il n'est plus acceptable. La construction euro- péenne est parvenue à une butée au-delà de laquelle le défi- cit social, s'il n'est pas rapidement comblé, deviendra un obstacle à l'achèvement de l'édifice. Nous sommes à un tour- nant ; si l'Europe ne se fait pas maintenant, elle se défera. Une chance se présente dans cette période avec les discussions sur l'union économique et monétaire et sur l'union politique. La nécessité, l'urgence et l'opportunité du calendrier consti- tuent donc autant de raisons pressantes pour mettre en selle l'Europe sociale.

Depuis 1985, à l'initiative de Jacques Delors, les partenai- res sociaux européens se réunissent périodiquement. Mais le bilan de ce qu'il est convenu d'appeler « le dialogue social de Val-Duchesse » se révèle bien mince. Certains représen- tants du patronat reconnaissent d'ailleurs eux-mêmes la fai- blesse des résultats.

Cette insuffisance correspond, bien sûr, à un état des rap- ports de force au niveau européen et à la manière dont le social est géré dans l'espace communautaire: priorité aux systèmes nationaux (Belgique, Allemagne) et faiblesse de cer- tains systèmes de relations sociales (France par exemple). Ce bilan est aussi le fruit acide des luttes menées avec acharne-

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ment par les forces conservatrices : d'un côté, l'UNICE (le patronat européen) qui dans sa majorité bloque toute avancée du dialogue social, d'un autre côté, le gouvernement britan- nique qui a fait dans un passé récent un usage immodéré de son droit de veto pour s'opposer aux « directives minima- les contraignantes ». Le contexte libéral facilite la tâche de ceux qui veulent cantonner l'Europe à une zone de libre- échange et neutraliser l'impact des outils de régulation.

De l'autre côté se trouvent toutes les forces qui refusent de construire une économie de marché sur la base du « dum- ping social ». Pour avancer, un premier obstacle — institu- tionnel — doit être levé, qui nécessite la révision du traité de Rome : jusqu'à présent en matière sociale la majeure par- tie des décisions devaient être prises à l'unanimité ! Malgré le départ de Margaret Thatcher, les conservateurs trouveront toujours « un » veto quelque part en Europe. Il est donc urgent de passer de la règle de l'unanimité à la règle de la majorité qualifiée dans le domaine social comme dans les autres.

C'est un premier enjeu politique, mais ce n'est pas le seul, car la dimension sociale de l'Europe passe aussi et surtout par des changements culturels profonds. Toutefois, cette révi- sion et l'affichage d'une volonté politique constituent des élé- ments décisifs pour aiguillonner le dialogue social.

Il ne s'agit pas de reporter sur la Commission, ou sur le Conseil, ou sur le Parlement, la responsabilité de faire vivre un système de relations sociales européen. Que les Français, marqués par un contexte particulier, ne s'imaginent pas qu'il est question d'édifier un « code du travail européen ». Cela, personne ne le réclame ! Le syndicalisme européen, la C E S en tout cas, vise avant tout l'avancée du social par la voie contractuelle. Mais l'une ne peut se développer sans l'autre : il y a besoin d'un cadre de référence fixé ou du moins impulsé par l'instance politique.

Ce cadre fixerait les conditions minimales en dessous des- quelles aucune loi, aucun accord ne pourrait être valable. Elles pourraient porter, par exemple, sur l'utilisation de la main-d'œuvre (durée maximale du travail, travail de nuit et de fin de semaine) sans rigidifier les règles qui varient selon les pays (congés payés, jours fériés, durée moyenne, etc.). Le

* Confédération européenne des syndicats.

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cadre devrait aussi porter sur les moyens de représentation et d'intervention des salariés dans les entreprises européen- nes : droit à l'information, à la consultation, moyens de for- mation, etc.

« Pourquoi accepterions-nous de négocier quand rien ne nous y pousse ? » reconnaissent certains interlocuteurs patro- naux, eux-mêmes choqués par les blocages de Val-Duchesse.

Faire mûrir un modèle européen ?

Si les instances politiques peuvent faire évoluer les règles du jeu et donner un cadre aux relations sociales, l'essentiel du contenu doit être produit par les acteurs sociaux eux- mêmes. Pour cela, il faut stimuler une démarche de fond s'appuyant sur le pragmatisme, la réflexion, la discussion, les échanges, les évolutions dans les systèmes nationaux. Là aussi, il faut secouer l'attentisme et faire bouger les conser- vateurs.

Les problèmes structurels ont été trop souvent occultés ou camouflés par une langue de bois unanimiste. Osons dire les choses clairement : l'Europe économique ne pousse pas spon- tanément à un effacement des systèmes nationaux de rela- tions sociales qui, au contraire, constituent un facteur de compétitivité. Là où les systèmes nationaux se sont révélés les plus performants se manifestent un attachement (patro- nal et syndical) à ces systèmes et une crainte : « Il ne faudrait pas que l'uniformisation européenne mette en cause un système qui a fait ses preuves. » La construction d'un modèle européen ou d'une harmonisation européenne ne peut donc être envisageable sans prise en compte des spécificités natio- nales. L'articulation entre le champ national et le champ communautaire constitue un enjeu important mais sans doute complexe et délicat à prendre en compte.

Les faiblesses structurelles du dialogue social ne peuvent être occultées : l'UNICE et la CES n'ont pas été conçues pour conduire de vraies négociations européennes. L'UNICE n'en a ni la volonté ni la structure professionnelle adaptée. La CES débat d'ailleurs de réformes internes et certains diri- geants syndicalistes comme Bruno Trentin, le leader de la CGIL, réclament une réforme importante insistant sur la nécessité de construire de véritables « fédérations européen-

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nes » car les problèmes à traiter relèvent du champ fédéral. D'autres, au sein du patronat français par exemple, parlent aussi des « régions » comme lieu possible de traitement de certaines questions sociales. Autrement dit, la réflexion sur la gestion du social au niveau supranational se prolonge par des interrogations sur l'adaptation des acteurs au champ de la négociation.

Autre sujet de réflexion : le contenu lui-même des négo- ciations européennes. On voit mal — pas du tout même — la possibilité de discuter d'une grille de salaires ou de mini- mums qui seraient à la fois applicables à la Grèce et à la RFA... En revanche de nouveaux enjeux pourraient susci- ter des négociations : la mobilité, les changements technolo- giques, l'évolution des métiers, les besoins de polyvalence, les problèmes de langue et de communication, la formation, les conditions de travail.

Partout, la crise et les mutations suscitent des changements dans la manière de traiter le social ; des changements aussi chez les acteurs eux-mêmes qui tentent, avec plus ou moins de succès, de s'adapter à une époque nouvelle : de nouveaux enjeux de négociations apparaissent, les instances de négo- ciations et de concertation demandent à être adaptées à une nouvelle dimension des entreprises, les organisations syndi- cales prennent la mesure des évolutions intervenues au sein du salariat. Ces évolutions poussent à un réexamen des systè- mes de relations sociales, et plus encore à une redéfinition des rapports entre le salarié et son travail.

Une première raison pousse à un réexamen du concept « travail » : elle relève de l'économique. C'est plutôt bon signe, car les raisons économiques ont, il faut bien le recon- naître, même s'il est permis de le regretter, plus de force que les valeurs morales, plus de poids que les choix idéologiques ! L'efficacité économique requiert, dans le contexte actuel en tout cas, une mobilisation des ressources humaines, de la créativité, de l'intelligence des salariés. Les comparaisons internationales montrent nettement que l'avantage revient aux entreprises et aux pays qui ont su se doter de « systèmes de relations sociales » performants. Systèmes contractuels à l'allemande, systèmes de relations directes à la japonaise, par- tout reconnaissance du travail humain comme facteur d'effi- cacité.

Cette recherche incessante de compétitivité n'est d'ailleurs

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pas sans poser des problèmes de finalité. Jusqu'où l'accom- pagner si elle se résume à faire gagner aux plus forts ce que perdent les plus faibles ? Mais elle est acceptable si elle s'ins- crit dans une politique générale de croissance, de création d'emplois et de richesses, de coopération et de solidarité, et elle peut être assumée socialement si elle débouche sur des logiques d'emploi et de qualité du travail. Précisément plu- sieurs exemples nous montrent que l'efficacité économique ne repose pas forcément sur l'affaiblissement du social. Au contraire...

Si Volkswagen a remporté le marché que Renault convoi- tait en Tchécoslovaquie, c'est bien justement parce que cette firme réunit la quintessence du modèle social allemand : une efficacité économique indiscutable et des conditions de tra- vail très favorables pour les salariés (durée du travail réduite, salaires élevés, qualification, garantie de l'emploi). Les sala- riés tchèques ont fait très vite la différence. Ils ont fait pres- sion pour que Volkswagen emporte le marché.

On rejoint là une autre raison, à mes yeux tout aussi importante, de repenser les relations de travail : les aspira- tions des salariés. C'est un point bien sûr très sensible à la majorité des syndicalistes européens, plus particulièrement des syndicalistes italiens toujours soucieux de chercher des réponses adaptées aux évolutions du salariat et aux exigen- ces de la démocratie.

Cette seconde raison est d'ailleurs à elle seule suffisante pour repenser le travail et les relations de travail en donnant au « travailleur » les possibilités d'exprimer son savoir-faire et ses capacités créatrices. La question du « sens » du tra- vail et de l'activité humaine est au cœur de tout projet éman- cipateur. Les « performances » du marché ne peuvent faire accepter par qui que ce soit l'aliénation par le travail, la muti- lation des intelligences, la réduction du salarié à n'être dans l'économie qu'une « force de travail ». Le taylorisme réduit le travailleur à n'être qu'un « appendice de la machine ». Le recours, aujourd'hui nécessaire, à l'intelligence humaine dans le travail restitue à chaque salarié un rôle d'acteur. Certes, le taylorisme suscitait une conscience collective qui a fait la force des mouvements sociaux pendant les « trente glorieu- ses ». Mais la nécessité d'impliquer et de mobiliser chaque salarié peut être l'amorce d'une reconnaissance sociale et,

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de formation continue. Il est vrai que l'on voit mal comment une même entreprise pourrait produire un cadre unique pour définir des espaces de qualification qui intègrent à la fois la multiplicité des catégories françaises, l'espace fermé des métiers à l'anglaise ou la professionnalité des qualifications au sein de la branche, à l'allemande. La question est rendue plus complexe si l'on décide d'appréhender les espaces de qualification dans leur dimension dynamique et en fonction des itinéraires professionnels, ce qui dans des pays comme l'Allemagne, ne peut pas se concevoir autrement.

Des convergences spontanées se dessinent

Cependant quelques indices laissent entrevoir les prémices de premières convergences. Il faut reconnaître que les échan- ges d'expériences, et la meilleure connaissance de ce qui se passe dans les différents États commencent à produire des fruits, sans aller jusqu'à parler de pleine récolte ! Quelques grandes tendances finissent par se dégager. On en citera trois.

1) L'alternance tend à se développer dans des pays comme la France où, jusqu'à une époque récente, l'enseignement res- tait très scolaire. Certes, on est encore loin de ce que ce con- cept recouvre en Allemagne, notamment en termes d'intégration à la fois du rôle formateur de l'organisation du travail et des filières professionnelles, et donc de l'implica- tion des entreprises. Mais c'est une voie qui s'ouvre et qui peut être bénéfique dans la mesure où elle participe d'une démarche d'ensemble qui prend en compte la totalité des relations entre formation, qualification et organisation du travail.

2) On observe un début de renforcement du rôle de l'État dans le domaine de la formation, y compris dans les pays où il était traditionnellement faible comme en Grande-Bretagne.

3) L'exigence en termes de validation est posée partout plus fortement.

Ces éléments sont les premiers signes, timides encore, que la construction européenne peut apporter ses propres

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inflexions aux systèmes nationaux et favoriser l'émergence d'un processus de rapprochement des systèmes éducatifs. Le temps est peut-être venu de parier sur l'espèce de féconda- tion réciproque de ces traditions éducatives en multipliant les échanges et en favorisant une meilleure connaissance de ce qui se fait chez le voisin. Le recensement des réussites insti- tutionnelles dans les douze États membres permettrait peut- être de repérer et, en quelque sorte, de déboîter les segments qui paraissent transférables sans déstabiliser les systèmes en place, mais en leur apportant un enrichissement. L'Allema- gne s'appuie sur la force de son système dual mais gagnera à développer plus encore les apports de la formation géné- rale. La France et la Grande-Bretagne ont tout à gagner d'une responsabilisation plus grande des entreprises à la manière allemande qui intègre l'alternance dans un espace de qualification fondé sur la complémentarité et les itinéraires professionnels. Cette évolution spontanée qui s'annonce pourrait être encore renforcée par les premiers effets d'un début de régulation européenne.

Des régulations européennes s'ébauchent

Si des rapprochements apparaissent tout à coup comme étant de l'ordre du possible, quel moyen y a-t-il de les impul- ser et de les mettre en œuvre, compte tenu de la diversité des systèmes de régulation sociale ? Jusqu'à une époque récente, il paraissait hors de question qu'il y ait la moindre tentative de prise en compte au niveau supranational au-delà des dis- cussions sur les équivalences de diplômes. Récemment quel- ques brèches semblent s'être ouvertes à différents niveaux.

• Tout d'abord, l'avis commun émis par les partenaires sociaux européens réunis à Val-Duchesse sur la formation professionnelle constitue l'ébauche d'un consensus, même si le cadre qu'il trace reste à peine esquissé.

• L'accord-cadre à dominante interprofessionnelle, signé entre le CEEP et la CES constitue également une avancée. Le fait qu'il soit baptisé « accord-cadre » et non plus « avis » est significatif d'un engagement plus fort des deux signataires. Il trace les lignes directrices pour un dialogue

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social plus décentralisé concernant la formation. Dans une première étape, deux secteurs sont concernés, le transport fer- roviaire et la distribution d'énergie. La même démarche devrait être développée dans d'autres secteurs ultérieurement.

• Un quasi-accord de branche au niveau européen entre l'Eurofiet (fédération syndicale européenne des services) et la CECD (regroupement des employeurs européens du com- merce de détail) a été signé en 1988. Cet accord, s'il n'en est pas encore vraiment un du fait de l'absence de représentati- vité des signataires (il est donc baptisé mémorandum), for- mule des recommandations précises pour la formation des salariés dans ce secteur. Il s'agit là du premier dispositif de négociation un peu concret mis en place au niveau d'une branche. Le résultat de cette négociation va déjà plus loin qu'un simple « avis », terme officiel pour désigner le résul- tat du dialogue entre l'UNICE et la CES. L'accord prévoit un processus de mise en place de formations débouchant sur une validation sous forme d'une sorte de passeport. Un cur- riculum de base doit être mis au point pour être ensuite adapté à chaque pays. L'accord prévoit l'organisation de tables rondes réunissant les partenaires dans chaque État membre pour discuter de sa mise en œuvre concrète.

Ces deux accords présentent un intérêt stratégique. Ils montrent la possibilité d'une ouverture plus grande de la voie contractuelle, mais en font en même temps apparaître les freins. L'UNICE n'est en effet pas partie prenante (la CECD n'y est pas affiliée) et s'est même élevée contre la conclusion de ces deux accords. Par contre, elle se retrouve isolée. D'autres secteurs du tertiaire pourraient également s'enga- ger dans cette voie qu'ils considèrent comme un moyen d'échapper à l'hégémonie des entreprises industrielles incar- nées par l'UNICE.

• Enfin, on observe dans quelques entreprises européen- nes, encore trop peu nombreuses (une vingtaine dont Péchi- ney, Thomson, Bull, Rhône-Poulenc, BSN, Volkswagen...), la volonté d'organiser des échanges et de mettre en place de nouveaux lieux d'information et de discussion avec les orga- nisations syndicales. Réalisations menées à l'initiative des syndicats dans quelques cas, comme chez Volkswagen, ou, le plus souvent, à l'initiative des directions, mais donc

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fragiles puisque dépendant uniquement de la bonne volonté des uns et des autres. Cependant le projet de directive actuel- lement en discussion sur la création d'un comité d'entreprise européen dans les firmes ou les groupes de dimension com- munautaire pourrait diffuser et systématiser ces pratiques en fixant un cadre minimal pour l'organisation de tels comités.

Un dispositif de mise en œuvre s'impose

A partir du moment où des ouvertures apparaissent du côté contractuel, se pose le problème de l'absence de cadre pour qu'elles puissent se mettre en œuvre. Ce point apporte une illustration concrète des questions soulevées dans les par- ties 1 et 2 car il renvoie à la nécessaire révision du traité de Rome.

Favoriser la voie conventionnelle, augmenter la portée des accords ainsi conclus implique un minimum d'encadrement fourni par la réglementation communautaire et passe obli- gatoirement par l'étape de la suppression de la règle de l'una- nimité, car plusieurs veto s'élèveraient à coup sûr. Notamment celui du gouvernement conservateur britannique qui s'est attaché au cours des dernières années à faire sau- ter tous les mécanismes incitatifs en matière de formation et accepterait difficilement de se voir imposer par la législation européenne ce qu'il s'est acharné à supprimer.

Un minimum de volontarisme devient nécessaire pour constituer ce cadre et donner l'impulsion, le coup de pouce de départ. Ce pourrait être, par exemple, la décision d'éten- dre tel ou tel accord à l'ensemble de la branche au niveau européen, le Conseil entérinant en quelque sorte l'accord des partenaires sociaux.

Pourquoi ne pas envisager aussi une directive ou un accord-cadre interprofessionnel qui instituerait l'obligation de négocier sur un certain nombre de points dont on s'accorde à penser qu'ils échappent au principe de subsidia- rité. Après tout, le P-DG de Saint-Gobain lui-même décla- rait au cours d'un débat sur l'Europe sociale, en octobre 1990 : « Il faudrait une directive sur l'obligation de résultat contractuel. » Ainsi, faire de l'organisation du travail qua- lifiante un thème central de la négociation sociale, envisager une organisation de la production qui intègre la dimension

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formatrice, la définition de passerelles, d'itinéraires profes- sionnels. Il s'agirait d'organiser la mise en œuvre de quel- ques grands principes tels que la reconnaissance de l'entreprise comme lieu d'acquisition de compétences, l'inté- gration au sein même de l'entreprise du temps de l'adapta- tion. En somme, définir les thèmes centraux qui fixent les règles de la concurrence.

On pourrait, pour des étapes ultérieures, imaginer d'intro- duire des prescriptions telles que l'obligation d'affecter à la formation un certain pourcentage, variable selon les pays, de la masse salariale. C'est d'ailleurs une revendication mise en avant par le Parti travailliste au Royaume-Uni et inspi- rée du système français. Les conditions de cette obligation pourraient être adaptées aux spécificités nationales : obliga- tion de négocier ou recours à la réglementation.

Il est certain qu'en matière de formation les mesures contraignantes risquent d'être d'un effet limité dans la mesure où c'est aussi un état d'esprit qu'il s'agit de modi- fier ; c'est pourquoi il importe d'associer à la contrainte les vertus de l'exemple et des échanges d'expériences. A cet égard, les entreprises transnationales ont un rôle particulier à jouer (cf. supra I I partie). Le fait que Bosch tente l'expé- rience de mettre en œuvre en Grande-Bretagne et au Portu- gal son système de formation constitue en quelque sorte une greffe à suivre de près.

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Conclusion

Les comparaisons internationales et les exemples évoqués ont permis de tracer les contours de ce que pourrait être un modèle à valoriser. L'analyse des exemples offerts par dif- férents pays a montré clairement que l'avantage en termes d'efficacité économique revient aux pays et aux entreprises qui fondent leur organisation productive sur des systèmes de relations sociales performants, sur la mobilisation et la valo- risation des ressources humaines. Ils ne sont donc pas pro- ducteurs d'exclusion et mettent les salariés en situation de s'adapter plus facilement aux mutations.

Le débat a montré l'importance de la prise en compte des différences de logique temporelle : différence entre le temps économique, le temps de l'échange marchand, qui est un temps court, et le temps qu'exige l'acquisition de nouveaux savoirs et une nouvelle culture, ce temps qui prend du temps, celui de l'adaptation en profondeur. Comment gérer ces contradictions, comment faire coexister, se rapprocher des temporalités sociales aussi mal accordées ? Le taylorisme a su les réduire au plus simple, presque à l'instant, en mettant en place une organisation du travail déqualifiante et en rédui- sant les temps d'exécution. En revanche, en déqualifiant la main-d'œuvre, il a allongé considérablement les temps

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d'ajustement au changement de production et les a fait assu- mer par la société sans se préoccuper de son coût social défi- nitif. Plus l'entreprise fonctionne avec du personnel non qualifié, plus le temps d'ajustement de la production s'allonge. C'est l'exemple britannique. A l'inverse, le système allemand permet des temps plus courts puisque les salariés se situent, de façon générale, à un plus haut niveau de qua- lification.

Ce sont à la fois le besoin de réduire ce temps d'ajuste- ment et la nécessité d'anticiper en conséquence les change- ments qui ont amené l'entreprise Manducher à transformer complètement l'organisation de sa production et à former les salariés afin de mettre en place un système fondé sur la poly- valence où gestion de la production, contrôle de la qualité et maintenance sont assurés par l'équipe.

Réduire le temps de l'ajustement ne veut pas dire l'exté- rioriser de l'entreprise et le transférer à des institutions spé- cialisées situées hors du système productif, comme cela se passe en France. Les racines de l'exclusion se situent autour de ces deux points : l'extériorisation du temps d'adaptation à l'emploi et l'absence d'anticipation. Sans remise en cause profonde de ces pratiques l'exclusion continuera de pro- liférer.

La gestion prévisionnelle de l'emploi ne se décrète pas. Elle n'est opératoire que pour les entreprises ayant une conscience claire de leur responsabilité à l'intérieur de l'espace social. Il y faut plus qu'une visée de rentabilité économique au coup par coup. Bref, la gestion prévisionnelle de l'emploi n'a de sens que pour une entreprise qui s'est forgé une stratégie.

Le problème en France se complique du fait que les freins au changement, la mauvaise préparation des mutations trou- vent aussi leur origine dans l'incapacité du management à imaginer les mécanismes sociaux qui permettraient d'y par- venir. En Allemagne, la tendance est inverse, loin de se contenter d'un simple mot d'ordre sur la nécessité du chan- gement, les responsables associent plus souvent d'entrée de jeu l'ensemble des salariés à toutes les étapes du processus. L'efficacité économique repose de plus en plus — sauf à se spécialiser dans des créneaux d'activité à faible valeur ajoutée — sur l'innovation conjointe à une véritable gestion des mutations.

A chaque palier de l'innovation technologique l'efficacité économique incorpore une part croissante de ressources

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humaines, c'est-à-dire de créativité et de mobilisation des acquis dans le temps précédant la mutation. Cette culture de l'anticipation est étroitement dépendante de la place et du rôle de la formation dans l'entreprise. Partout où l'antici- pation est le véritable régulateur de la gestion, la formation est considérée comme l'outil essentiel pour maintenir en per- manence le potentiel de qualification des salariés, pour déve- lopper leurs capacités d'adaptation, les ajuster aux exigences nouvelles, les renouveler, les élargir. Cet état d'esprit anti- cipatif suppose aussi bien le souci de définir les évolutions à long terme que l'aptitude à transférer des connaissances. L'organisation du travail acquiert alors une dimension for- matrice, elle devient elle-même en quelque sorte la continua- tion de la formation. Cet aspect très spécifique qui sous-tend le modèle allemand n'est d'ailleurs pas toujours compris par ceux qui, tout en chantant les mérites de l'alternance à l'alle- mande, n'en reprennent en fait qu'un aspect, le fait que la formation se déroule au sein même de l'entreprise.

Gérer l'inadaptation de la main-d'œuvre française

Le débat, la confrontation avec les expériences étrangères ont permis de mettre le doigt sur les effets pervers de cette espèce d'idée reçue, en France, que toutes les solutions pas- sent obligatoirement par une élévation systématique et méca- nique du niveau de formation. A vouloir toujours élever le niveau formel, on court le risque d'accélérer les phénomè- nes d'exclusion en éloignant les jeunes d'une formation réel- lement en prise sur les impératifs du monde d'aujourd'hui.

Cependant, des perspectives favorables à la lutte contre l'exclusion pourraient s'ouvrir et accélérer la prise de conscience qu'il est urgent de changer le cours des choses : l'expérience nous apprend que les conjonctures peuvent se retourner et inverser leurs signes. Ainsi, la pénurie de main- d'œuvre qualifiée, ou tout au moins son inadaptation, qui semble être un des freins à la poursuite de la croissance en Europe, peut constituer une chance historique pour les exclus. Une démarche qu'il sera possible de mettre en œuvre pour peu que les entreprises rencontrent en leur sein et dans le système éducatif qui les environne des acteurs porteurs et des partenaires prêts à faire de la compétence, de l'expertise et de la qualification non pas le signe d'une supériorité indi- viduelle, mais bien les valeurs de référence propres aux sala- riés dans leur ensemble.

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Bibl iographie

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BIBES Geneviève et MOURIAUX René, Les Syndicats euro- péens à l'épreuve, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, Paris, 1990.

BOULIN Jean-Yves, « La durée du travail en Europe », Tra- vail et Emploi, n° 42, 1991.

CAIRE Guy et DELORME Robert, Europe: quel espace social ?, Les Cahiers de la FEN, coll. « Recherches », Paris, 1987.

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DUFOUR Christian et REHFELDT Udo, « Existe-t-il un modèle européen de représentation des salariés dans l'entre- prise? », Travail et Emploi, n° 48, novembre 1990.

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JALLADE Jean-Pierre, La Formation professionnelle à l'étranger: quels enseignements pour la France ?, Commis- sariat général du Plan, juin 1988.

JONCKHEER Pierre, « Charte sociale : une parenthèse refer- mée », Nota Bene, n° 53, OSE, Bruxelles, décembre 1989.

LYON-CAEN Antoine et SCIEBERRAS Jean-Christophe, « Pra- tiques et perspectives de la négociation européenne », Europe et Travail, n° 22, mai 1989.

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RIFFLETY Raymond, « Réflexions sur l'espace social euro- péen », Europe et Travail, n° 4, mai 1989.

VENTURINI Patrick, « La dimension sociale du marché inté- rieur », Futuribles, décembre 1988.

WAGNER Karin, « Les rapports entre l'enseignement, l'emploi et la productivité et leur impact sur les politiques de l'enseignement et du marché de l'emploi : comparaison Grande-Bretagne/Allemagne », CEDEFOP, Berlin, 1986.

• « Formation-emploi, entreprise, État et formation en Europe », numéro spécial : Allemagne, France, Grande- Bretagne, Italie, Revue du CEREQ, juin 1988.

• Les contributions des représentants de l'UNICE (Z.J.A. Tyszkievicz) et de la CES (Jean Lapeyre) sur la Charte com- munautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs publiés dans Europe sociale, janvier 1990.

• Les contributions présentées dans l'ouvrage collectif de l'Observatoire social européen : Europe, le défi social, publié par les Éditions CIA, Bruxelles, 1989.

• Les publications de l'IRES, notamment Notes de l'IRES et, surtout, Chronique internationale.

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Annexe : liste des pe r sonnes consultées

Les personnes suivantes ont été consultées ou associées aux réflexions préliminaires à la rédaction de cet ouvrage* :

AREIAS TAVEIRA Manuel, conseiller en relations sociales, Lisbonne.

AGLIETTA Michel, CEPII. ALECIAN Serge, cabinet Innovence. AMATO Andrea, syndicaliste, CGIL, Italie. ANNANDALE Denise, cabinet Bernard Brunhes. APPAY Béatrice, chercheur au CNRS. AUBRY Martine, directeur général adjoint de Péchiney. AUER Peter, chercheur au Wissenschaftszentrum, Berlin.

BAER Jean-Michel, Bureau de représentation de la CEE en France.

BALMARY Dominique, délégué à l'Emploi. BARISI Giusto, expert international, Italie.

* Les fonctions de ces personnes indiquées ici sont celles qu'elles avaient en novembre 1990.

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BECHET Marc, CFDT-ARES. BEIRNAERT Wilfried, FEB. BENOIT-GUILBOT Odile, chercheur au CNRS. BERNARD Michel, directeur Ressources humaines de la

Snecma. BODIN Raymond-Pierre, directeur Affaires sociales de Man-

ducher. BOULIN Jean-Yves, chercheur au CNRS, université Paris IX-

Dauphine. BOUSSAT Bernard, CNPF. BOYER Robert, chercheur au CEPREMAP. BRENDER Anton, directeur adjoint du CEPII, Paris. BRUNHES Bernard, cabinet Bernard Brunhes. BRUNO Sergio, professeur à l'université de Rome. BURON Martine, député français au Parlement européen.

CAMPINOS-DUBERNET Myriam, chercheur au CEREQ. CARTON Albert, CSC, Belgique. CASSINA Giacomina, CISL, Rome. CASTELLUCCI Lucilla, professeur à l'université de Rome. CLERC Denis, professeur à l'université de Bourgogne. COLIN Jean-François, directeur général adjoint SNCF,

CEEP. COOPER John, chercheur à l'université d'Édimbourg. CORNEROTTE André, syndicaliste FGTB, Belgique. COT Jean-Pierre, député au Parlement européen. CRETIN Michel, Cour des comptes. CYPRES Claudine, FTGB, Bruxelles.

DEBRINAY Gérard, cabinet ALGOE, Lyon. DEILLE Alain, directeur adjoint du Travail. DOMINJON Paul, P-DG Chimio-Technique, président du

Conseil économique et social Rhône-Alpes. DUFOUR Christian, directeur adjoint IRES, Paris. DURAFOUR Michel, ministre d'État, ministre de la Fonction

publique. DUTHEILLET DE LA MOTTE Olivier, directeur des Relations du

travail, Paris.

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FERIGO Toni, syndicaliste CISL, Italie. FONTENEAU Gérard, directeur du BIT à Bruxelles. FOUCHER Michel, directeur de l'Observatoire européen de

géopolitique, Lyon. FRACHON Martine, Conseil économique et social, Paris. FREMEAUX Philippe, Alter Eco. FREYSSINET Jacques, directeur de l'IRES, Paris.

GINSBURGER Francis, ministère de la Recherche et de la Technologie.

GOETSCHY Jeanine, sociologue, CNRS. GOUEL Philippe, syndicaliste, Comité d'information

européen-Bull. GRANDO Jean-Marc, ADEP, Paris. GUICHARD Antoine, P-DG du groupe Casino, Saint-Étienne. GUILLAUME Régis, ministère de l'Education nationale. Guiu Jacques, directeur Ressources humaines du groupe

Saint-Gobain. GURISETTI P., IRES, Italie.

HEGE Adelheid, IRES. HYVERNAT Gilbert, directeur de la Formation Rhône-

Poulenc, Paris.

IRIRBANE Alain D', CNRS.

JAEGER Rolf, syndicaliste allemand, IG Chemie. JALLADE Jean-Pierre, Institut européen d'éducation, univer-

sité Paris IX-Dauphine. JEAMMAUD Antoine, CERCRID/CNRS, université Saint-

Étienne. JEANNENEY Jean-Marcel, OFCE. JOBERT Annette, Centre d'études de l'emploi. JUILLET François, directeur scientifique, Lyonnaise de

Banque.

KRIEGER Hubert, chargé de recherches, Fondation euro- péenne Dublin.

LAMY Pascal, cabinet du président CCE, Bruxelles. LAPEYRE Jean, secrétaire de la Confédération européenne

des syndicats.

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LICHTENBERGER Yves, directeur du CEREQ, Paris. LUTZ Burckhart, chercheur à l'ISF, Munich.

MAGAUD Jacques, professeur à l'université de Lyon. MARTINET Gilles, ambassadeur de France. MOREAU Jacques, secrétaire du Comité économique et social européen. MOULARD Henri, président de la Lyonnaise de Banque. MOYNOT Jean-Louis, président du GIP, Paris.

OLINI P., CISL, Italie.

PISANI-FERRY Jean, CEE. POCHET Philippe, Observatoire social européen.

REHFELDT Udo, GIP Mutations industrielles, Paris. REMY Pierre-Louis, directeur de l'ANACT. ROMANI Claudine, CEREQ. RUE Paul, mission Nouvelles qualifications.

SAGLIO Jean, chercheur au GLYSI, Lyon. DE SANTIS Gustavo, directeur adjoint des Études à l'ENI. Rome. SA VOINI Carlo, CEE, DG-V, Bruxelles. SEIDENECK Peter, secrétaire confédéral DGB. STAEDELIN François, président du Comité économique et social européen. STEEDMAN Hilary, chercheur au National Institute of Eco- nomic and Social research, Londres. SYLVESTRE Jean-Jacques, LEST, Aix-en-Provence.

TOUBHANS Jean-Pierre, GISEL, groupement syndical euro- péen Gillette. TRENTIN Bruno, secrétaire général de la CGIL, Italie.

VANOYE Jean, syndicaliste CFDT, président de la commis- sion économique du CESR Rhône-Alpes. VAUGHAN WHITEHEAD Daniel, chercheur, programme FAST DG12, Bruxelles. VENTURINI Patrick, conseiller au cabinet du président de la Commission de Bruxelles.

ZINGONE Gaetano, CEE DG-V, Bruxelles.

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Composition Facompo, Lisieux (Calvados) Achevé d'imprimer en août 1991 sur les presses de la SEPC, Saint-Amand (Cher) Dépôt légal : septembre 1991 Numéro d'imprimeur : 2039 Premier tirage : 3 000 exemplaires ISBN 2-7071-2071-5