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CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE 9. Les traitements

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Page 1: CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE - Essilor Academy · cation de Matériaux variés avec des Traitements spécifiques dont l’intégr ation ... Figure 1 : Un verre organique traité est

CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE

9.Les traitements

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Nécessité du traitement antireflet 21

Technologie du traitement antireflet 27

Traitement anti-salissure 33

INTRODUCTION 2

COLORATION, PHOTOCHROMISME ET FILTRES SPÉCIAUX

I

SOMMAIRE

II

III

Généralités 6

Verres à teinte fixe 8

Verres à teinte variable 10

Filtres spéciaux 13

AB

C

D

LA PROTECTION ANTI-ABRASION

Nécessité d’une protection anti-abrasion 14

Anti-abrasion et traitement antireflet 14

Technologie des traitements anti-abrasion 17

A

B

C

C

LE TRAITEMENT ANTIREFLET

A

B

1

CONCLUSION 35

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INTR

OD

UCT

ION

INTRODUCTION

2

Ce Cahier d’Optique Oculaire est consacréà l'étude des Traitements appliqués surles verres ophtalmiques. L’appellation“Traitements” recouvre l’ensemble desprocédés techniques de transformation -et les produits résultants - susceptiblesde conférer au verre ophtalmique desperformances supplémentaires, indé-pendantes de la correction dioptrique. Ilcomprend trois parties :

I - la coloration au sens large intégrant lephotochromisme et les filtres spéciaux,

II - la protection anti-abrasion,

III - le traitement antireflet et le traitementanti-salissure associé.

Chaque partie comprend une analyse dela fonction propre de chaque traitementet une description des technologies misesen œuvre pour atteindre les objectifs.

Au demeurant, il sera bon de garder àl’esprit une vision synthétique du verreophtalmique. C’est en effet un produit deplus en plus élaboré du fait de l’imbri-cation de Matériaux variés avec desTraitements spécifiques dont l’intégrationdans la chaîne de fabrication globale tendà se généraliser (figure 1). Les Traitementsperdent progressivement leur caractèrede “suppléments” optionnels pour devenirdes éléments constitutifs du verre à partentière, ce qui entraîne une interaction deplus en plus marquée de chacun de sesconstituants sur les performances finales.

LES TRAITEMENTS

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LES TRAITEMENTS

3

Figure 1

LES

TRA

ITEM

ENTS

Figure 1 : Un verre organique traité est un système complexe.

STRUCTURE DU VERRE TRAITÉ

REVÊTEMENTHYDROPHOBE

AR

COUCHEDURCISSANTE

REVÊTEMENTANTI-CHOC

COLORATION

SUBSTRAT

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COMPLÉMENTRAPPELS SUR LA NATURE

DE LA LUMIÈRE

4

La description des Traitements qui va suivre utilisequelques notions de “structure de la matière” exposéesdans le Cahier d’Optique Oculaire sur les “Matériaux”.Elle fait également référence à certains aspects relatifsà la nature de la lumière dont il a semblé utile derappeler ici les principales caractéristiques.

A la fin du XIX e siècle, le physicien Maxwell a établi que,d’une manière générale, les objets matériels présentsdans l’univers peuvent exercer entre eux des influencesphysiques variant comme l’inverse de la distance quiles sépare, et donc susceptibles de se manifester danstout l’espace.

Ces phénomènes ont été décrits comme le résultatd’une oscillation extrêmement rapide des électronsprésents dans les atomes. Cette oscillation, appeléeonde électromagnétique, est susceptible de se propagerdans le vide ou dans un milieu matériel et d’exercerdes effets électriques et magnétiques par excitationdes électrons présents dans les atomes de corpssitués à grande distance les uns des autres (c’est ainsique les oscillations des électrons de l’Étoile Polaire ontassez d'influence pour exciter les électrons dans notrerétine...).

L’ensemble de ces deux phénomènes - oscillation desélectrons dans les atomes et propagation des ondesélectromagnétiques à longue distance - est appelé lerayonnement électromagnétique.

Une onde est une perturbation de l’espace dont lescaractéristiques reviennent périodiquement à la mêmevaleur au cours de son déplacement, elle est carac-térisée par :- sa longueur d’onde l en m (ou multiples...) : c’est ladistance parcourue entre deux états identiquessuccessifs,- sa fréquence n en Hertz (Hz) : c’est le nombre depassages au même état par seconde,- sa vitesse (en m.s-1), dans le cas des ondesélectromagnétiques la vitesse - dans le vide - est c =300 000 km/s = 3 108 m.s-1.Ces trois grandeurs sont reliées entre elles par laformule fondamentale : l5 c/n.

La matière qui remplit l’univers est constituéed’atomes dont les électrons vibrent et émettent enpermanence des ondes électromagnétiques. Lesfréquences de ces ondes varient, en fonction de latempérature atomique, sur une échelle gigantesque(rapport de 1 à environ 1020) appelée spectre électro-magnétique, ou spectre des ondes électromagnétiques.Il est composé de domaines aux appellations historiques,définis essentiellement par leur fréquence/longueurd’onde (cf. figure 2).

Le rayonnement électromagnétique émis par le Soleilest en grande partie absorbé par l’atmosphèreterrestre, ainsi le rayonnement solaire qui atteint lasurface de la Terre comprend :- des rayons ultraviolets, comprenant l’ “UV-A” (315 à380 nm) responsable du bronzage, et l’ “UV-B” (280 à315 nm) responsable des brûlures de la peau, tousdeux pouvant être à l’origine de troubles oculaires(cécité des neiges par exemple). Il existe dans l’espaceun troisième domaine, l’ “UV-C” (200 à 280 nm), trèsdangereux mais arrêté par la couche d’Ozone quientoure l’atmosphère,- de la lumière visible constituée des ondes qui, aprèstraversée des milieux intra-oculaires, déclenchent lastimulation des récepteurs rétiniens et dont lalongueur d’onde s’étend de l = 380 nm (violet) à l = 780 nm (rouge),- des rayons infrarouges de longueur d’onde compriseentre l = 780 nm et l= 2000 nm. Le rayonnementinfrarouge se prolonge jusqu’à l = 1 mm, mais il estalors arrêté par la vapeur d’eau présente dansl’atmosphère.

La lumière visible est un tout petit domaine d’ondesremarquables dans la grande famille du spectreélectromagnétique qui inonde l’univers, remarquablespar le fait qu’elles interagissent avec notre œil et nouspermettent de voir le monde.

CO

MP

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COMPLÉMENTRAPPELS SUR LA NATURE

DE LA LUMIÈRE

5

200 315280 400380 500 600 700 780 800

UVAUVBUVC

10 -12 10 -1010 -14 10 -8 10 -6 10 -4 10 -2 10 0 10 2 10 4

lumièrevisible

La lumière naturelle émise par le soleil, et perçue parle cerveau comme étant blanche, se compose d’unensemble continu de radiations dont chacune estl’objet d’une perception colorée. Ces radiations sontvisibles dans un arc-en-ciel et caractérisées par leurlongueur d’onde l (cf. figure 2). Figure 2 : Ondes électromagnétiques et lumière.

Figure 2

RAYONSCOSMIQUES

RAYONSg

RAYONSX

ULTRA-VIOLET

RADARINRA-ROUGE

FAISCEAUXHERTZIENS

MICRO-ONDES

TV FM POOC GO

Fréquence nen HZ

lumièrevisible

ULTRA-VIOLET

INFRA-ROUGE

LUMIÈREVISIBLE

Longueur d’onde len nanomètres

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6

A/ GénéralitésL’œil humain possède un certainnombre de défenses naturelles detypes anatomiques ou physio-

logiques qui lui permettent de se protéger contre lalumière. Par exemple : l’obturation réflexe des paupières,la constriction de la pupille, la filtration des milieuxtransparents (larmes, cornée, humeur aqueuse,cristallin), l’adaptation rétinienne au niveau lumineuxetc. Mais cette protection naturelle peut s’avérerinsuffisante et il est alors fait appel à la protectionsupplémentaire d’un verre filtrant, soit de manièrepermanente, pour améliorer le confort du porteur, soitde manière spécifique, pour protéger d’un rayon-nement lumineux de forte intensité. Ce verre filtrant aune double mission : réduire le niveau d’intensité de la lumière qui atteint l’œil et éliminer, en lesabsorbant, les radiations nocives. Il peut être de teintefixe c’est-à-dire unicolore (uniforme ou dégradé) ou deteinte variable c’est-à-dire photochromique.

Tout filtre de la lumière peutêtre caractérisé par ses pro-priétés physiques de trans-mission de la lumière - facteurde transmission τ, courbe de

transmission et coupure UV - et par ses propriétésphysiologiques qui en découlent : facteur relatif detransmission dans le visible τv. Ce dernier facteurrépond à une définition internationale normalisée etest utilisé pour la classification des verres en cinqcatégories de transmission lumineuse : de 0 pour lesverres les plus clairs à 4 pour les plus foncés (tableau 1).Les critères de classification portent non seulementsur les propriétés de transmission du verre dans le visible mais aussi dans les domaines de l’UV-A et de l’UV-B. Ils sont établis pour des verres plansd’épaisseur 2.0 mm éclairés sous incidence normale.

Tableau 1 : Classification des verres selon leur transmission lumineuse.

1/ Principe de la protection

2/ Classificationdes verres selonleur transmissionlumineuse

CO

LOR

ATIO

N, P

HO

TOC

HR

OM

ISM

E ET

FIL

TRES

SP

ÉCIA

UX

I

I COLORATION, PHOTOCHROMISMEET FILTRES SPÉCIAUX

Catégorie Domaine spectral Domaine spectral Ancienne classificationdu filtre ultraviolet visible française

Valeur maximale Valeur maximale de la transmission de la transmission Intervalle de Transmission dans

solaire UV-B solaire UV-A transmission lumineuse le visible τVτSUVB τSUVA

280 nm - 315 nm 315 nm - 380 nm de à de àUV-B UV-A Intensité

% % % % % %

0 τV 80,0 100,0 A 78,1 90,0

1 τV 43,0 80,0 AB 61,0 78,1

2 0,125 τV 18,0 43,0 B 32,2 61,0

30,5 τV

8,0 18,0 C 16,15 32,2

4 1,0 3,0 8,0 D 5,0 16,15

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La teinte d’un verre est déterminéepar la composition chromatiquede la lumière qu’il transmet(excepté dans le cas des verres

miroités). Elle résulte de la sommation, par l’œil del’observateur, des radiations visibles qu’il reçoit.

A partir de la seule teinte d’un verre, il est difficiled’évaluer avec précision ses propriétés de trans-mission. Néanmoins, certains principes générauxpeuvent être dégagés (voir figure 3a) :- la teinte grise transmet les radiations visibles le plusuniformément,- la teinte brune absorbe plus dans le bleu-vert quedans l’orange-rouge,- la teinte verte absorbe plus dans l’orange-rouge quedans le bleu-vert,- l’intensité de la teinte traduit l’importance del’absorption dans le visible,- la teinte ne renseigne en rien sur l’absorption dansl’ultraviolet ou l’infrarouge.

Il est également difficile, à l’inverse, de prédire la couleurd’un verre à partir de sa courbe de transmission.

Le choix de la teinte se fera en fonction des propriétésd’absorption recherchées, de l’éventuelle tendanceamétropique du porteur qui pourra lui faire préférer lebrun s’il a une tendance myopique ou le vert s’il a unetendance hypermétropique mais aussi en fonctiondes goûts personnels du porteur.

Figure 3 : Courbes de transmission.

COLORATION, PHOTOCHROMISME ET FILTRES SPÉCIAUX

3/ Teinte ettransmission d’un verre

τ (%)

l(nm)

100

80

60

40

20

0

380400 450 500 550 600 650 700 780750

τ(%)

λ(nm)

100

80

60

40

20

0

380400 450 500 550 600 650 700 780750

a) pour différentes teintes :grisbrunvert.

b) pour différentes intensités :transmission τ : 15 %, 30 %, 60 %, 70 %.

Figure 3

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8

B/ Verres à teinte fixeLes propriétés filtrantes et les caractéristiques desdifférentes teintes venant d’être décrites, nous nousfocaliserons dans cette partie sur les technologiesmises en œuvre pour la coloration des verres mi-néraux et organiques et sur leurs propriétésspécifiques respectives.

Coloration dans la masseLes verres minéraux teintés massesont fabriqués directement à partirde palets de matériaux teintés

fournis par l’industrie verrière. Ils présentent l’incon-vénient, dès que les verres ont une puissancesignificative, d’offrir une coloration non uniforme surtout le verre. En effet, l’absorption étant expo-nentiellement proportionnelle à l’épaisseur dumatériau (loi de Lambert), les verres concaves sontplus foncés en périphérie qu’au centre et, inver-sement, les verres convexes sont plus foncés aucentre qu’en périphérie. Cet inconvénient a limitél’extension de ce type de verre coloré au profit de lacoloration par traitement de surface (cf. § suivant). Laseule application encore importante concerne lesverres afocaux solaires.

Coloration par traitement de surface

La coloration en surface des verres minéraux con-siste en un dépôt sur une face du verre d’unrevêtement de composés métalliques absorbant lalumière. Les verres sont chauffés à 200-300°C et le revêtement est déposé par évaporation sous videpoussé (10-5 mbar) de matériaux tels que les oxydesde Chrome, de Molybdène, ou de Titane mélangés àde la silice, du monoxyde de Silicium ou du fluorurede Magnésium. Selon les matériaux mis en œuvre etla couleur recherchée le revêtement peut êtreconstitué d’une seule couche épaisse et continue, oude l’empilement d’un grand nombre de couchesminces alternées, l’épaisseur totale étant de l’ordredu micron (10-6 m). L’intensité de la coloration estdéterminée par l’épaisseur de la couche déposée, sacouleur est définie par les matériaux utilisés : lesoxydes produisent généralement des teintes brunesalors que la teinte grise est plutôt obtenue à partird’un mélange de métal et de composés transparentstels que la silice. Les couches déposées sont équi-épaisses afin de procurer toujours une teinte uniformeau verre. La palette des teintes réalisables resterelativement limitée. La technologie mise en œuvrepour la coloration des verres minéraux est trèssophistiquée ; elle s’apparente à celle utilisée pour letraitement antireflet qui sera décrite dans la troisièmepartie de ce cahier.

COLORATION, PHOTOCHROMISME ET FILTRES SPÉCIAUX

1/ Les verresminéraux à teinte fixe

CO

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N, P

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I

I

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Coloration dans la masse

Les verres organiques teintés massesont le plus souvent des verresafocaux solaires. Ils sont obtenus

par polymérisation d’un monomère dans lequel ontété incorporés des pigments colorés. Par ailleurs, desagents chimiques absorbant les ultraviolets sontajoutés dans la formulation du monomère pourrenforcer la protection contre ces radiations.

Coloration par traitement de surface

La coloration des verres organiques consiste enl’imprégnation de ses surfaces par des pigmentscolorés. Elle est réalisée par immersion des verresdans une solution contenant les pigments et diversadjuvants favorisant la coloration. Les pigmentspénètrent dans la matière sur une épaisseur de l’ordrede 6 à 10 microns. La coloration est réalisée avant unéventuel traitement anti-abrasion, ou après celui-ci,en fonction de la faculté du revêtement durcisseur àabsorber les pigments.

L’intensité de la teinte est déterminée par la nature et la concentration du pigment et par la duréed’immersion du verre : celle-ci est de l’ordre de 1 minute pour les teintes les plus claires et peutatteindre jusqu’à 2 heures pour les plus foncées. Lacouleur de la teinte est déterminée par lesconcentrations relatives des trois pigments primairesbleu, jaune, rouge : une palette illimitée de nuancesest donc réalisable. Par ailleurs, la coloration peut êtreuniforme sur tout le verre, dégradée du haut vers lebas, bi-dégradée à partir du haut et du bas et mêmetricolore par la combinaison d’un double dégradé surun fond de coloration uniforme ! Le dégradé estobtenu par déplacement du verre par rapport au bainde coloration : maintenu dans une pince, le verre esttotalement immergé (la tête en bas) puis retiré trèslentement : sa partie inférieure, séjournant pluslongtemps dans le bain, s’imprègne plus fortement dupigment que sa partie supérieure.

La coloration des verres organiques offre de multiplespossibilités. Sa mise en œuvre est relativement facile :les verres peuvent être colorés à la pièce, par pairesou par lots (par copie de verres étalons). Le “coupd’œil” et l’expérience du coloriste sont très impor-tants : la coloration des verres organiques est unmétier pour ne pas dire un art !

Figure 4 : Coloration par traitement de surface et coloration dansla masse.

9

2/ Les verresorganiques à teinte fixe

Figure 4

a) verre convexe coloré dans la masse

b) verre concave coloré dans la masse

c) verre convexe ou concave coloré en surface

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C/ Verres à teinte variable Les principes fondamentaux des matériaux photo-chromiques minéraux et organiques ayant été décritsdans le Cahier d’Optique Oculaire sur les Matériaux,cette partie sera consacrée à l’analyse des propriétésdes verres photochromiques minéraux et organiques.

Les propriétés de transmissionde la lumière d’un verrephotochromique sont précisé-ment décrites par ses courbes

de transmission et coefficients τV mesurés à l’étatclair et à l’état assombri. Les exemples de la figure 5présentent les courbes de transmission d’un verreminéral et d’un verre organique mesurées avant leuractivation et après une stimulation lumineuse de 15minutes. La variation de transmission créée par lephénomène photochromique y apparaît clairement.D’autre part il faut noter que la coupure UV du verreorganique (390 nm) est supérieure à celle du verreminéral photochromique (345 nm).

Figure 5 : Courbes de transmission à l’état clair et assombri.

10

τ (%)

λ(nm)

100

80

60

40

20

0

380 400 450 500 550 600 650 700 780750

l(nm)

100

80

60

40

20

0

380 400 450 500 550 600 650 700 780750

τ (%)

COLORATION, PHOTOCHROMISME ET FILTRES SPÉCIAUX

CO

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N, P

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I

I

1/ Transmission à l’éclat clair et assombri

b) état assombriminéral (IsorapidE15)organique (OrmexT TransitionsT III)

Figure 5

(1) OrmexT est une marque déposée par Essilor International(2) TransitionsT est une marque déposée par Transitions Optical Inc.

a) état clairminéral (IsorapidE15)organique (OrmexT TransitionsT III)

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Les propriétés photo-chromiques sont géné-ralement représentées parles courbes d’assombris-

sement et d’éclaircissement du verre. Celles-ciprésentent l’évolution du taux de transmission τv duverre en fonction du temps dans les phasesd’assombrissement et de ré-éclaircissement du verre.Sur les exemples considérés en figure 6 a) et b),chaque courbe décrit dans sa partie gauchel’assombrissement du verre sur une durée de 15 minutes et dans sa partie droite son ré-éclair-cissement sur une durée de 20 minutes. On voit quela valeur de τv y décroît, à la température de 20°C d'une valeur proche de 90% à environ 30%après 15 minutes d’assombrissement. De la mêmemanière, on constate que τv croît ensuite jusqu'àenviron 75% après 20 minutes d’éclaircissement. Lapente des courbes montre que l’assombrissement estsignificativement plus rapide que l’éclaircissement.Enfin,il apparaît que les performances photochromi-ques des verres minéraux et organiques sont aujour-d’hui sensiblement équivalentes. Figure 6 : Cinétiques d’assombrissement et d’éclaircissement.

11

(%)

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20mn

100

90

80

70

60

50

40

30

20

10

0

τ

20°C / 68°F

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15mn

100

90

80

70

60

50

40

30

20

10

0

(%)

35°C / 95°F

20°C / 68°F

-11°C / 12°F

τ

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15mn

100

90

80

70

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35°C / 95°F

20°C / 68°F

-11°C / 12°F

(%)τ

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 mn

100

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30

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0

(%)τ

20°C / 68°F

a) verre photochromique minéral

Assombrissement

Assombrissement Éclaircissement

Éclaircissement

b) verre photochromique organique

COLORATION, PHOTOCHROMISME ET FILTRES SPÉCIAUX

2/ Cinétiquesd’assombrissementet d’éclaircissement

Figure 6

Page 13: CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE - Essilor Academy · cation de Matériaux variés avec des Traitements spécifiques dont l’intégr ation ... Figure 1 : Un verre organique traité est

12

Le photochromisme d’un verre estobtenu par l’introduction dans lamatière minérale ou organique de

substances photosensibles réagissant à la stimulationdes ultraviolets. Pour les photochromiques minéraux,une seule substance est utilisée et le verre conserveune teinte sensiblement constante tout au long duphénomène. Pour les photochromiques organiquesplusieurs substances photosensibles interviennent :elles ont chacune pour propriété d’absorber unepartie spécifique du spectre visible. Ces substances neréagissant pas forcément à la même vitesse, lacombinaison de couleurs - qui donne au verre sateinte - peut changer au cours du phénomène photo-chromique. Cela explique la sensible variation decouleur parfois observée dans les premiers verresphotochromiques organiques, phénomène en trèsgrande partie éliminé dans les matériaux de dernièregénération.

La chaleur est le stimulateurnaturel de l’éclaircissement duverre et assure la réversibilitédu phénomène photochromique.

Il y a donc antagonisme entre l’effet des ultraviolets etl’effet de la chaleur ambiante : à rayonnement UV égalle verre photochromique a tendance à devenird’autant plus foncé que la température est plus basse.Pour décrire cet effet on mesure la capacité des verresà s’assombrir dans différentes simulations de

conditions climatiques. Ainsi, sur la figure 6, la courbeinférieure simule un hiver rigoureux (Montréal en hiverpar -11°C), la courbe intermédiaire un été tempéré(Paris par + 20°C) et la courbe supérieure un ététropical (Miami par+35°C). Ces trois courbes mon-trent, par leur écart, l’effet réel des conditions clima-tiques sur le phénomène photochromique des verresminéraux et organiques.

Toutes ces propriétés des verres photochromiquessont mesurées, en laboratoire, au moyen d’uneinstrumentation sophistiquée qui vise à recréerartificiellement les conditions climatiques réelles deleur utilisation. Le dispositif (figure 7) comprend deuxlampes à arc (A) reproduisant le spectre de la lumièresolaire, une enceinte climatique (B) reproduisant lesconditions de température, un spectrophotomètre (C)mesurant en permanence les caractéristiquesd’intensité et de colorimétrie de la lumière transmisepar le verre et un ordinateur (D) traitant les infor-mations recueillies.

Figure 7 : Dispositif de mesure des propriétés photochromiques.

COLORATION, PHOTOCHROMISME ET FILTRES SPÉCIAUX

3/ Stabilité de la couleur

4/ Sensibilité aux conditionsclimatiques

Figure 7

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13

D/ Filtres spéciaux L’objectif de ces filtres est de transmettre sélective-ment certaines radiations et d’en absorber d’autrespartiellement ou totalement. Ces filtres peuvent jouerdeux rôles différents :- un rôle de protection en réduisant ou annulant lanocivité de certaines longueur d’onde et/ou atténuantl’énergie lumineuse pénétrant dans l’œil,- un rôle de stimulation en transmettant sélectivementcertaines longueurs d’onde propres à améliorer laperception du porteur.

Il existe de nombreux filtres parmi lesquels on peutciter et décrire les quelques filtres suivants :

Des filtres améliorant l’absorptionnaturelle des UV offerte par lesmatériaux minéraux et organiquesblancs peuvent être utilisés pour

renforcer la protection contre ces radiations. Pourpermettre le port permanent de ces verres, onrecherche des filtres n’atténuant que légèrement latransmission du spectre visible. En verre minéral onutilise des matériaux teintés masse offrant unemeilleure coupure UV : par exemple un matériau fil-trant de légère teinte brune (figure 8a), permet deporter la coupure UV du minéral 1.5 traditionnel - de280 nm pour les matériaux classiques et de 330 nmpour les plus récents - à 350 nm. De même, la cou-pure UV de l’Orma® (1) (355 nm) peut être renforcéepar l’application d'un traitement de surface, l’ “UVX”(figure 8b), qui est un filtre UV associé à une colorationambre rosé permettant d’éliminer la totalité des UV-Bet UV-A en coupant les radiations jusqu’à 400 nm. Defaçon générale les matériaux organiques sont demeilleurs filtres UV que les matériaux minéraux etparmi les organiques les photochromiques et hautsindices - y compris le polycarbonate - sont demeilleurs filtres UV que le CR 39 (2).

(1) Orma® est une marque déposée par Essilor International.

(2) CR 39 est une marque déposée par PPG Industries..

Ces filtres absorbent les ultra-violets et les bleus et trans-mettent spécifiquement la partiecentrale du spectre visible. Par

exemple, le filtre “Kiros” (figure 8c), de couleur jauneclair, élimine la diffusion des bleus et transmetspécifiquement les longueurs d’onde proches dumaximum de sensibilité de l’œil. Il permet d'améliorerla perception des contrastes par temps couvert ettrouve, par exemple, son utilité auprès des conduc-teurs, montagnards et chasseurs. De la mêmemanière, le filtre “Lumior” de couleur jaune-orangéplus intense filtre les UV et le bleu jusqu’à 400 nm ettransmet spécifiquement la zone centrale du spectre.Il peut être utilisé pour l’amélioration de la vision et duconfort des amblyopes et des aphaques. Ces filtressont réalisés par traitement de surface des verresorganiques Orma®.

Ces filtres absorbent les UV et lapartie inférieure du spectre visible etne transmettent que sa partiesupérieure. Par exemple, le traitement

“UV-Max” (figure 8d), de couleur marron-jaune foncéassocié à un miroitage argenté, doré ou bleuté sur laface convexe, coupe toutes les longueurs d’ondejusqu’à 435 nm éliminant ainsi tous les UV et la partiela plus énergétique du spectre visible ; sa tonalitéjaune vise à améliorer les contrastes. Il est destiné àêtre utilisé dans des conditions de forte illuminationtelles que la neige ensoleillée. Le traitement “RT” quicoupe toutes les radiations jusqu’à 420 nm ettransmet sélectivement la partie inférieure du spectrevisible, permet de réduire la stimulation des cellulesrétiniennes à bâtonnets et de mettre au repos lesystème scotopique tout en maintenant l’acuitévisuelle centrale. Ces filtres sont réalisés partraitement de surface sur tout verre en Orma®.

Figure 8 : Courbes de transmission de quelques filtres spéciaux.

τ(%)

λ(nm)

100

80

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40

20

0

380 400 450 500 550 600 650 700 780750

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τ(%)

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τ (%)

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380 400 450 500 550 600 650 700 780750

COLORATION, PHOTOCHROMISME ET FILTRES SPÉCIAUX

a) b) c) d) Minéral 1.5 Orma® Lumior UV-Max filtre brun UVX Kiros RT

1/ Filtres coupant les ultraviolets

2/ Filtres améliorantles contrastes

3/ Filtres à haute absorption

Figure 8

Page 15: CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE - Essilor Academy · cation de Matériaux variés avec des Traitements spécifiques dont l’intégr ation ... Figure 1 : Un verre organique traité est

14

B/ Anti-abrasion et traitementantirefletLe phénomène de base reste le même, mais les effetsdes particules abrasives sont considérablementamplifiés de par la nature et la géométrie dutraitement antireflet. En effet, le traitement antirefletest constitué de matières minérales déposées encouches très minces (inférieures au micron) sur lasurface du verre organique. La minceur des couchesdéposées ne leur confère pas la rigidité d’un verreminéral, et, sous la pression locale d’un grain depoussière, elles subissent les déformations dumatériau dominant en volume, à savoir le polymère.Cependant, le comportement mécanique de cescouches minces reste celui d’un matériau minéral :quand les flexions de grande amplitude subies par lepolymère les entraînent à se déformer au-delà de leurlimite de résistance à la rupture elles craquentbrutalement en créant un sillon plus ou moinséchancré à la surface du verre (voir figure 9).

Cet effet prend des proportions catastrophiques surun verre organique non traité anti-rayure. De même,lorsque le traitement antireflet est déposé sur unverre revêtu d’un vernis polysiloxane classique,l’empilement résultant présente une résistanceréduite à l’abrasion, car les déformations du coupleverre / vernis peuvent avoir une amplitude supérieureau seuil de résistance à la rupture de l’antireflet.

Le phénomène est aussi amplifié par la visibilité desrayures : le contraste entre le fond de raie, brillant, etla surface mate de l’antireflet est plus fort que sur unverre non traité (notons que ce phénomène estégalement visible, à plus faible échelle, sur le verreminéral).

Nous allons voir, cependant, que ce problème difficilea été un moteur puissant pour le développementd’une nouvelle génération de revêtements durcisseursspécifiques, les vernis nanocomposites qui procurentdes performances remarquables aux verres orga-niques traités antireflet.

Figure 9 : Résistance à la rayure d’un substrat dur - d’un substratmou.

Figure 9

LA P

RO

TECT

ION

AN

TI-A

BR

ASI

ON

II

II

A/ Nécessité d’une protection anti-abrasion Parmi les ennemis quotidiens du verre de lunettes, lesagressions par le frottement d’objets divers et par lesparticules abrasives de poussière (constituée essen-tiellement de silice) entraînées par l’essuyage sontcertainement les plus redoutables. Ceci concerne tousles verres, minéraux et organiques, mais, en général,le verre minéral est perçu comme beaucoup plusrésistant aux rayures que les matériaux organiques.C’est pourquoi ce chapitre concernera essentiellementla résistance à l’abrasion du verre organique.

L’observation de verres “rayés” suggère, au premierexamen, l’existence de deux phénomènes :- l’abrasion par frottement de particules “fines”,responsables de petites raies ténues et pratiquementinvisibles par le porteur,- la rayure par des particules de “grosse” taille,donnant lieu à des éclats visibles et gênants pour leporteur.

Cependant l’analyse physique des phénomènesd’abrasion-rayure révèle des mécanismes plus com-plexes qui sont essentiellement régis par les propriétésmécaniques de dureté et de réponse à la déformationdes matériaux concernés.

Le propos de ce Cahier se limite généralement àdécrire, du point de vue du porteur, les raisons qui ontconduit à développer tel ou tel traitement, mais, enl’occurrence, une description plus approfondie dumécanisme de l’abrasion-rayure est proposée, ci-après,sous forme de “complément”.

LA PROTECTIONANTI-ABRASION

SUPPORT RIGIDE

SUPPORT MALLÉABLE

Page 16: CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE - Essilor Academy · cation de Matériaux variés avec des Traitements spécifiques dont l’intégr ation ... Figure 1 : Un verre organique traité est

15

Caractérisation du phénomène de l’abrasion-rayure

Le mécanisme mis en jeu peut être décrit en considérant uneparticule abrasive comme une pointe qui exerce localementune pression - appelée contrainte - sur la surface du verre.Cette surface réagit à la contrainte, en fonction de sescaractéristiques mécaniques. Lorsque la contrainte estsupprimée, il y a rémanence d’une empreinte, de formevariable, qui est en quelque sorte la signature del’interaction grain abrasif/surface du verre. Ce mécanismeévoque la contribution simultanée de deux propriétésmécaniques - dureté et déformation - propres à chaquematériau. En effet, nous pouvons imaginer d’appliquer avecune pointe abrasive une contrainte identique :- sur un bloc de caoutchouc : il va se déformer de façoncomplètement élastique et revenir à son état initial aprèsretrait de la pointe,- sur un bloc de verre minéral : il va se déformer très peu puisse fracturer si la contrainte dépasse un certain seuil d’où uneempreinte rémanente très visible,- sur un bloc d’aluminium : il va se déformer plus que le verre,par fluage de la matière (comportement plastique) etl’empreinte aura la forme acquise au moment de ladéformation maximale, sans fracture ni éclats.

On peut ainsi parler d’une “loi de comportement”, propre àchaque matériau.

Les mécaniciens la représentent sur un graphique, enportant :- sur l’axe des abscisses : le % de déformation par rapportà l’état initial,- sur l’axe des ordonnées : la valeur “s” de la contrainteappliquée (en Pascals, c’est-à-dire qu’une contrainte est as-similable à une pression).

Pour tout matériau la loi de comportement est représentéepar une courbe partant de O et se terminant en un point R,où se produit la rupture.

L’abscisse X R de R s’appelle la déformation à la rupture.

L’ordonnée sR de R s’appelle la contrainte de rupture.

La courbe peut avoir : - une pente constante (ligne droite) - le matériau a uncomportement purement élastique : retour à la forme initialeaprès suppression de la contrainte,- une pente variable - le matériau a un comportementplastique dénommé “visco-élastique” : rémanence d’uneempreinte après suppression de la contrainte.

Sur la figure 10, sont représentées les lois de comportementdu verre minéral et d’un polymère (type CR 39).

Le polymère peut se trouver rayé, par suite de rupture, pourdes contraintes notoirement plus faibles que cellessupportées par le verre minéral. De même, en deçà de sonseuil de déformation à rupture, le polymère peut subir unedéformation permanente importante, sans rupture ni éclats.

Pour vérifier le bien-fondé de ces explications théoriques,l’observation de nombreux verres réellement portés estindispensable. Mais elle nécessite des outils puissants, ainsile “microscope électronique à balayage” permet d’observer,par exemple, des rayures avec arrachement de matière etéclats, responsables de la diffraction qui gêne le porteur(figure 11).

Figure 10 : Loi de comportement d’un verre minéral et d’un polymère.

COMPLÉMENTLA PROTECTIONANTI-ABRASION

Figure 10

CO

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PR

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POLYMÈRE

Déformation

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Contrainte Domaine élastique

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R’=rupture

Page 17: CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE - Essilor Academy · cation de Matériaux variés avec des Traitements spécifiques dont l’intégr ation ... Figure 1 : Un verre organique traité est

Figure 11 : Rayure vue au microscope électronique à balayage.

Le “microscope à force atomique”, lui, met en jeu des forcesd’attraction entre atomes pour dresser en 3D la carte d’unesurface à l’échelle du nanomètre (1 nm = 10-9 m). Une tellecarte montre les défauts sous un aspect très différent etpermet de mieux comprendre les mécanismes d’ar-rachement de matière (figure 12).

Figure 12 : Rayure vue au “microscope à force atomique”.

L’observation et l’analyse des phénomènes impliqués dans larayure sont exploitées pour concevoir, puis mettre au pointdes prototypes de traitement anti-abrasion dont il faut alorspouvoir caractériser les performances.

La caractérisation consiste à mesurer avec précision ladureté et la résistance à la déformation du verre traité dansson ensemble mais aussi du traitement lui-même. Cela sefait, par exemple, avec un appareillage qui permet de faireune “indentation” : une pointe de diamant de dimensionsconnues est appliquée à la surface sous une chargedéterminée “P”, et on mesure l’empreinte résiduelle “A”(figure 13). La pointe peut également être déplacée à unevitesse déterminée pour générer une rayure en faisant varierla charge appliquée.

Figure 13 : Principe de l’indentation.

La figure 14 montre les empreintes d’indentation obtenuessous une charge de 300 mN, pour une sous-couche épaisseà base de silice évaporée, à gauche, et, à droite, pour unvernis “nanocomposite” (voir plus loin).

Figure 14 : Photos d’indentation - couche durcissante minérale àgauche - couche nanocomposite à droite.

COMPLÉMENTLA PROTECTIONANTI-ABRASION

16

P

Figure 11

Figure 12

Figure 13

Figure 14

EMPREINTE RÉSIDUELLE

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C/ Technologie des traitementsanti-abrasion

La première génération detraitements (1970) était basée

sur la seule notion de dureté : le verre organique seraye parce qu’il est tendre, le verre minéral est“inrayable” parce qu’il est dur. Le principe consistaitdonc à déposer par évaporation sous vide unrevêtement minéral sur la surface du polymère. Cerevêtement était constitué de silice et fut souventdénommé “quartzage”.

Dès 1975 l’analyse plus fine du comportement desmatériaux a fait apparaître la dualité “dureté /déformation” et les progrès concomitants de la Chimieont permis de déposer à la surface du polymère desmatériaux organiques de dureté plus élevée et aptesà suivre les déformations sans rupture. Ce futl’avènement des vernis durcisseurs - composés poly-siloxanes ou acryliques déposés en phase liquide - quiconstituent la deuxième génération de traitements,encore largement répandue aujourd’hui.

Plus récemment, la résolution du problème particulierdes verres traités antireflet a donné naissance à unetroisième génération de revêtements durcisseurs. Leprincipe en est le suivant : il s’agit de combler l’écartentre les propriétés mécaniques des polymères etcelles des couches minces antireflet en intercalantentre les deux une structure présentant une loi decomportement intermédiaire. Les vernis nanocom-posites ont apporté une réponse vers la fin desannées 80. Leur structure originale a pour effetd’assurer une transition mécanique - en quelque sorteun effet “amortisseur” - entre l’antireflet, dur etcassant, et le polymère, souple et déformable.

Il existe aussi sur le marché des solutions alternativesqui interposent des couches dures minérales, à basede silice déposée sous vide, entre le polymère et letraitement antireflet.

Le procédé du Quartzage,apparu au début des années

70, consistait à déposer sur le verre organique de laSilice (“Quartz”) par évaporation sous vide (méthodequi sera exposée au cours du chapitre III consacré autraitement antireflet). Le mariage entre Quartz etpolymère s’avéra difficile car le coefficient dedilatation du CR 39 est presque 20 fois plus élevé quecelui du Quartz, ce qui induit des tensions qui fontapparaître des craquelures dans la couche en cas dechoc thermique. Et si, pendant l’essuyage, un grain depoussière exerce une forte pression, ponctuelle, sur lasurface du verre quartzé, il peut y avoir rupture de lacouche, et apparition de rayures très visibles. Ceprocédé n’a donc pas connu, à l’époque, un grandessor.

Il fait un retour sur le marché dans les années 90, entant que réponse au défi particulier de la protectiondes verres traités antireflet : il s’agit de déposer sur lepolymère une couche épaisse et dure qui doit servirde substrat peu déformable pour recevoir letraitement antireflet. Ces sous-couches ont géné-ralement une structure voisine de celle de la silice,elles sont déposées par évaporation ou par “plasma-polymérisation” (cf. § 4 ci-après). La résistance auxagressions faibles et moyennes est bonne, mais lerisque de rupture sous forte charge existe et lesperformances globales ne semblent pas aussisatisfaisantes qu’attendu.

1/Historique 2/ Le quartzage

LA PROTECTIONANTI-ABRASION

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3/ Le vernissage

LA PROTECTIONANTI-ABRASION

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II

II

a) Les vernis classiques

L’avènement des vernis polysiloxanes représente unedes nombreuses applications de la chimie dessilicones.

Nous savons que les matières organiques sontessentiellement constituées des éléments Carbone (C),Hydrogène (H), Oxygène (O) et Azote (N), alors queles matières minérales sont composées d’élémentsvariés, dont, en particulier, le Silicium (Si). La chimiedes silicones est une branche de la chimie organiquequi s’est développée grâce aux propriétés extraor-dinaires de composés chimiques au sein desquelsl’atome de Carbone a été remplacé par l’atome deSilicium. Ces composés, les silicones, constituent enquelque sorte, grâce au Silicium, un pont entre lesmatières organiques et les matières minérales (fig.15).

Ainsi les vernis polysiloxanes présentent-ils d’extraor-dinaires performances pour renforcer la surface desmatériaux organiques :- la présence du Silicium confère une dureté desurface intermédiaire entre celle de la silice et celle dupolymère pur,- l’existence de longues chaînes hydrocarbonéesmaintient l’élasticité et le cœfficient de dilatation néces-saires à la cohésion de l’ensemble “couche / polymère”.

L’application de ces vernis fait appel à des technologiesspécifiques (décrites dans le complément ci-après) :- le vernissage par trempage ou “dip coating”,- le dépôt par centrifugation ou “spin coating”.

b) Les vernis nanocomposites

Comme nous l’avons vu plus haut, l’application d’unvernis polysiloxane sous un traitement antireflet neprocure pas un “soutien” mécanique assez résistant pourl’empêcher de craquer. Il a donc fallu chercher un moyenpour rigidifier, du cœur vers la surface, le soubassementsur lequel serait édifié le traitement antireflet.

Certains fabricants se sont alors intéressés aux recherches menées pour mettre au point des matières

composites transparentes à la lumière visible. Ainsisont apparus les nanocomposites, matériaux nouveauxconstitués d’une matrice organo-siliciée dans laquellesont dispersées des nanoparticules, autrement dit desparticules sub-microscopiques dont la taille - de 10 à20 nm - est inférieure aux longueurs d’onde de lalumière. La taille de ces particules élimine tout risquede diffusion de la lumière, et leur nature minéraleconfère les propriétés mécaniques extraordinairesd’un composite au matériau ainsi constitué. Il s’agitessentiellement de particules de silice colloïdale trèsstables.

Le principe du pont construit entre matièresminérales et organiques grâce à l’atome de Siliciums’applique encore, mais à une toute autre échelle : eneffet si les molécules de vernis polysiloxanescontiennent quelques % (en poids) de radicaux Si-O,les molécules des nanocomposites comportent prèsde 50% de silice.

Les nanoparticules de silice sont mises en suspensiondans un liquide de structure analogue aux poly-siloxanes, pour former un mélange homogène, qui ales propriétés d’un vernis, et qui est déposé sur lesverres soit par “dip coating” soit par “spin coating”(voir complément). Le film liquide est ensuitepolymérisé par une cuisson aux alentours de 100°C,pour donner naissance à un polymère organo-silicié,dans lequel des nanoparticules minérales “flottent” enquelque sorte dans une matrice organique. Cerevêtement nanocomposite possède des propriétésremarquables :- grande résistance à l’enfoncement qui empêchera letraitement antireflet déposé par dessus de sedéformer au-delà de sa limite de rupture,- souplesse assez élevée pour suivre, sans rupture, lepolymère dans ses déformations,- cœfficient de frottement extrêmement bas,procurant un accroissement de la résistance àl’abrasion : les particules anguleuses n’ont pas de“mordant” sur une telle surface.

Figure 15 : Structure minérale (en bas à gauche) - organique (enhaut à gauche) - silicone (à droite).

Figure 15

Page 20: CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE - Essilor Academy · cation de Matériaux variés avec des Traitements spécifiques dont l’intégr ation ... Figure 1 : Un verre organique traité est

19

Les technologies du vernissage

Le dépôt de vernis par trempage (“dip coating”)

C’est un processus de trempage, au cours duquel lesverres reçoivent une couche de vernis simultanémentsur les deux faces. Les verres sont nettoyés parultrasons, puis immergés dans le bain de vernis liquided’où ils sont extraits à vitesse constante afin decontrôler l’épaisseur du revêtement final, régieégalement par la viscosité du liquide. Le vernis estensuite polymérisé par cuisson à une températurevoisine de 100°C. Il se transforme alors en un filmsolide et dur qui procure au verre ainsi revêtu desperformances de résistance à la rayure plus ou moinsélevées selon sa composition et son épaisseur.

Toutes ces opérations sont effectuées dans uneatmosphère propre (salle blanche), à température etdegré hygrométrique contrôlés.

Le dépôt par centrifugation (“spin coating”)

Ce procédé est simple et son principe le destineparticulièrement à de petites pièces ayant unesymétrie de révolution : la pièce est fixée sur un

support rotatif à vitesse contrôlable, une goutte duvernis liquide à étaler est déposée au centre de lapièce dont on accélère la vitesse de rotation jusqu’àobtenir, par centrifugation, le recouvrement par un filmuniforme.

Il peut être adapté facilement à la fabrication en petitesérie et devrait permettre, grâce à une durée de miseen œuvre très courte, de déposer des vernis moinsstables et plus complexes qu’avec le procédé “dipcoating”.

Il est aussi utilisé pour le vernissage de la faceconcave dans les laboratoires de surfaçage aux Etats-Unis, à cause de sa simplicité et de sa rapidité de miseen œuvre (la polymérisation y est souvent effectuéepar quelques minutes d’exposition à un rayonnementultraviolet). Mais les performances anti-abrasion desrevêtements ainsi déposés sont souvent médiocres.

Figure 16 : Principe du vernissage par trempage.

Figure 17 : Principe du dépôt par centrifugation.

COMPLÉMENTLA PROTECTIONANTI-ABRASION

CO

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Figure 16

Figure 17

Page 21: CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE - Essilor Academy · cation de Matériaux variés avec des Traitements spécifiques dont l’intégr ation ... Figure 1 : Un verre organique traité est

La technologie mise en œuvreest complètement différente dece que l’on a vu jusqu’ici. On

crée dans une cloche à vide un plasma, c’est-à-direune décharge électrique dans un gaz sous faiblepression (comme dans un tube néon), puis on yintroduit un monomère gazeux (de la famille “HMDS”- “hexaméthyldisilazane”) riche en siloxanes, qui sepolymérise sous l’effet de l’énergie apportée par leplasma pour former par condensation un film solidesur les verres présents dans la cloche. Il existeplusieurs façons de générer le plasma : courantcontinu, micro-ondes, radio-fréquence ...

Le prix de revient reste très élevé et le contrôle de lafabrication est complexe. De plus, ce type de dépôtamplifie les défauts de surface. Certains fabricantsutilisent ce procédé pour revêtir les double foyersorganiques. D’autres ont cherché à le combiner avecle traitement sous vide classique pour réaliser unesous-couche durcissante ou un revêtement hydro-phobe sur l’antireflet. Il semble que la fiabilité ne soitpas facile à maîtriser.

Le contrôle de la perfor-mance de résistance à l’abra-sion d’un verre traité estdifficile, il doit être rapide

de mise en œuvre et simple à interpréter : lesfabricants ont mis au point des méthodes de test quiconsistent à faire subir à des échantillons repré-sentatifs d’un lot de fabrication des simulationsd’abrasion ou de rayure.

Voici quelques-uns des tests les plus utilisés :

- test Bayer : le verre est agité d’un mouvementalternatif déterminé dans un bac contenant unepoudre abrasive (sable) de granulométrie définie. Lamesure de diffusion “avant / après” d’un verre étalonet du verre échantillon sont comparées ;

- test de l’abrasimètre : un ruban incrusté de finesparticules abrasives (Carborundum par exemple) estpassé un certain nombre de fois, sous une chargedonnée, sur l’échantillon. La lumière diffusée entransmission est comparée à celle d’un étalon ;

- test de la laine d’acier : il existe plusieurs méthodespour frotter - de façon mécanique et reproductible oumanuelle et démonstrative - un verre avec un tamponde laine d’acier fine. On compare échantillon et étalonvisuellement ou à l’aide d’un appareil normalisé demesure de la diffusion ;

- test “Taber” : on applique avec une certaine chargeune roue en gomme de type “Taber” formée à lacourbure du verre. Mesure de diffusion en compa-raison avec un étalon ;

- test du tonneau : les verres sont mis en mouvementdans un tonneau rempli d’ingrédients variés préci-sément spécifiés et calibrés, la diffusion en trans-mission est mesurée à intervalles réguliers (il existeplusieurs types similaires).

Figure 18 : Exemple de machine à vernir.

20

4/ La plasma-polymérisation

5/ Le contrôle des performancesanti-abrasion

Figure 18

LA PROTECTIONANTI-ABRASION

L’avenirUne des tendances les plus profondes du marché desverres ophtalmiques à la fin du XXe siècle réside dansla substitution progressive et inexorable des verresorganiques aux verres minéraux. Il en résulte unerecherche croissante de nouvelles performances dansla grande famille des matériaux organiques, et enparticulier les polymères à moyen indice (n ≤ 1,56) età haut indice (n > 1,56) connaissent déjà un essor

impressionnant grâce aux gains en épaisseur, et doncen esthétique, qu’ils procurent aux verres. Or il ap-paraît que la résistance à l’abrasion des polymères àmoyen et haut indice est plus faible que celle du CR 39 :il en résulte que TOUS les verres organiques fabriqués àl’aide de ces matériaux doivent être revêtus d’untraitement anti-abrasion... Nous pouvons donc penserque dans ce domaine les progrès vont aller s’accélérant !

LA P

RO

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II

II

Page 22: CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE - Essilor Academy · cation de Matériaux variés avec des Traitements spécifiques dont l’intégr ation ... Figure 1 : Un verre organique traité est

A/ Nécessité du traitementantireflet

Les effets parasitesdus à la réflexionphysique de la lu-

mière sur les faces du verre sont variés et plus oumoins bien connus (voir figure 19).

Le plus évident est l’effet “vitrine” perçu par l’inter-locuteur d’un porteur de lunettes : les reflets lumineuxqui apparaissent sur des verres non traités fontobstacle à la perception du “regard de l’autre”, et sontperçus comme gênants et inesthétiques (voir figures19 et 20). Mais cet effet est négligeable en regard desinconvénients très réels qu’engendrent les réflexionsparasites pour le porteur de lunettes.

Figure 19 : Effet “vitrine” d’un verre non traité antireflet.

Figure 20 : Reflets sur un verre de lunettes.

21

1/ Effets de la réflexionde la lumière sur le verre

Figure 20

Figure 19

LE T

RA

ITEM

ENT

AN

TIR

EFLE

T

III

IIILE TRAITEMENTANTIREFLET

Page 23: CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE - Essilor Academy · cation de Matériaux variés avec des Traitements spécifiques dont l’intégr ation ... Figure 1 : Un verre organique traité est

22

LE TRAITEMENTANTIREFLET

Figure 21 : Formation des images de points séparés sur la rétine.

Figure 22 : Effet d’un reflet parasite.

Examinons donc ce qui se passe lors de la formationdes images sur la rétine. Comme tout appareild’optique, l’œil présente des imperfections et l’imageque l’œil donne d’un point sur la rétine n’est pas unpoint mais une tache (figure 21-1). Aussi la vision dedeux points se présente-t-elle comme la juxtapositionde deux taches plus ou moins confondues. Tant que ladistance qui sépare les deux points est suffisante,l’image formée restitue effectivement la perception dedeux points (figure 21-2), mais lorsque les deuxpoints se rapprochent les deux taches tendent à seconfondre, et la perception devient fausse : visiond’un seul point (figure 21-3).

Ce phénomène peut être quantifié à partir de larelation, appelée contraste, entre les hauteursmaximale et minimale de la tache formée sur la rétine(figure 21 : segments “a” et “b”), et définie par :

C = a - ba+b

Ce rapport doit être supérieur à une certaine valeur(seuil de détection, correspondant à un angle de 1 à 2°)pour que l’œil puisse distinguer deux points voisins.

Figure 21

Figure 22

LE T

RA

ITEM

ENT

AN

TIR

EFLE

T

III

III

a

1

b

2 3

Page 24: CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE - Essilor Academy · cation de Matériaux variés avec des Traitements spécifiques dont l’intégr ation ... Figure 1 : Un verre organique traité est

23

LE TRAITEMENTANTIREFLET

Examinons maintenant la situation suivante : unautomobiliste porteur de lunettes roule de nuit etdistingue nettement au loin deux cyclistes venant à sarencontre. Survient alors derrière lui une voiture dontles phares se reflètent sur la face arrière de ses verres :les reflets parasites créent sur la rétine une tached’intensité uniforme (figure 22) qui vient s’additionnerà l’intensité des deux points observés (c’est-à-dire lesphares des cyclistes). Il en résulte que la longueur dessegments “a” et “b” augmente, entraînant unediminution de la valeur de C puisque le dénominateur(a+b) croît alors que le numérateur (a-b) resteconstant. D’où une diminution du contraste, qui peutaller jusqu’à faire fusionner en une image unique lavision des deux cyclistes que le conducteur avaitauparavant, exactement comme si l’angle qui lesséparait diminuait brusquement.

Les études cliniques menées sur ce thème consistentà faire observer des mires de contraste normaliséespar des porteurs de lunettes équipés alternativementde verres nus et de verres traités antireflet et àmesurer leur sensibilité au contraste. La figure 23représente la sensibilité normale (courbe rouge), enl’absence d’éblouissement, la diminution du contrastecausée par l’éblouissement avec les verres nus(courbe mauve), et la restauration de contraste obte-nus grâce au traitement antireflet dans des conditionsd’éblouissement identiques (courbe bleue).

De même on a pu établir que, sous des conditionsd’éblouissement déterminées, l’aire du champ visueld’un porteur de lunettes est sensiblement plus largeavec des verres antireflet qu’avec des verres nus.Autre facteur de gêne : les “images fantômes”engendrées par la double réflexion sur les deux facesd’un verre correcteur (figure 24).

Cet effet est illustré par la scène nocturne de la figure 25, vue avec un verre NON traité (photo duhaut), puis avec un verre traité AR (photo du bas) : ladouble image parasite des ampoules de lampadaireest nettement visible sur la photo (a).

Dans ce domaine des études menées en conditionsde conduite de nuit, ont montré qu’un traitementantireflet procurait, par rapport à des verres nus, ungain de 2 à 5 secondes sur le temps de récupérationd’une vision normale après éblouissement.

Figure 23 : Sensibilité au contraste sous éblouissement avec etsans traitement antireflet.

Figure 24 : Image fantôme par double réflexion sur les faces duverre.

.1

10

1

100

1000

1.0 10 20

Figure 23

Figure 24

sanséblouissement

avecéblouissement

avec Antireflet

avecéblouissementsans Antireflet

Fréquence spatiale

Sens

ibili

té a

u co

ntra

ste

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LE T

RA

ITEM

ENT

AN

TIR

EFLE

T

III

III

24

LE TRAITEMENTANTIREFLET

Il est fondé sur la natureondulatoire de la lumière et lephénomène des interférenceslumineuses. Considérons deux

ondes sinusoïdales et faisons la somme de leursamplitudes (segment AB) dans les deux cas suivants :à gauche les amplitudes s’additionnent : il y a inter-férence “constructive”, obtenue lorsque les ondes ontla même position sur l’axe des x - on dit qu’ellessont en phase - à droite les amplitudes s’annulent -interférence “destructive” - on dit que les ondes sonten opposition de phase.

Le principe du traitement antireflet consiste àdéposer sur le verre nu une couche telle que les ondesréfléchies sur la couche et à l’interface “couche / verre”soient en opposition de phase afin de supprimer lalumière réfléchie par interférence destructive (figure 26).

Pour cela il faut que les deux ondes se retrouventdécalées de l/2 après réflexion : on en déduitfacilement que l’épaisseur de la couche doit être del/4 du point de vue de l’onde. Mais pour obtenirl’épaisseur physique réelle, il faut tenir compte de ceque la vitesse de l’onde change en passant de l’airdans la couche antireflet, en introduisant l’indice deréfraction qui est le rapport entre ces deux vitesses.On a alors :

e = l ,4n1

n1= indice de réfraction de la couche antireflet, ouautrement dit :

n1=c, vitesse de la lumière dans le vide

v, vitesse de la lumière dans la couche

2/ Principedu traitementantireflet

Figure 25

©ph

oto

Dan

iel R

obin

10,5

0-0,5

-1A

B

10,5

0-0,5

-1

1

1,5

2

0,5

0

-0,5

-1

-1,5

-2

10,5

0-0,5

-1

10,5

0-0,5

-1

0,60,8

1

0,40,2

0-0,2-0,4-0,6-0,8

-1

Figure 25 : Scène nocturne vue avec verre non traité et traité.

Page 26: CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE - Essilor Academy · cation de Matériaux variés avec des Traitements spécifiques dont l’intégr ation ... Figure 1 : Un verre organique traité est

λ/2

n1

n

1

25

LE TRAITEMENTANTIREFLET

De plus, pour que l’extinction soit totale, il faut que les amplitudes (segment AB ci-dessus) des deuxondes réfléchies soient égales. Le calcul effectué àpartir d’équations dites “de Maxwell” aboutit à unecondition supplémentaire qui fixe l’indice de réfrac-tion de la couche :

n1 =√ n , n= indice de réfraction du verre

Exemple : antireflet monocouche sur verreminéral “crown” :

L’indice du verre crown est n = 1,523, le calcul fournitl’indice de la couche : n1 = 1,235, mais il n’existe pasde matériau solide ayant cet indice. On utilise alors lematériau qui a l’indice le plus proche, c’est-à-dire lefluorure de magnésium, MgF2, dont l’indice est n1 = 1,38.

La couche antireflet étant définie pour la longueurd’onde centrale du spectre visible, l = 550 nm, le calcul donne une épaisseur réelle de la couche : e =100 nm.

Remarque importante : le principe de la conser-vation de l’énergie induit que, si l’intensité réfléchiesur chacune des deux faces d’un verre traité est plusfaible que sur celles d’un verre nu, l’intensitétransmise T s’en trouve augmentée d’autant. Latransmission d’un verre dont chaque face présenteune réflexion r, a pour valeur T = (1-r)2. Par exemple le verre crown de l’exemple ci-dessus, dont laréflexion naturelle est r = 4,3%, présente à l’état nu une transmission T = 91,6% - avec un traitementantireflet simple la réflexion chute à r'= 1,6% et latransmission devient T = 97%.

Figure 26

Figure 26 : Schéma de principe de l’antireflet.

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c) Caractérisation de la couleur résiduelle d'un antireflet

L’examen de la figure 27 montre que l’intensité réflé-chie est plus importante dans les longueurs d’onde dubleu (400 nm) et du rouge (700 nm). Il subsiste doncune réflexion résiduelle colorée constituée essen-tiellement de bleu et de rouge, donnant une teinte“pourpre” bien connue.

Sur la figure 28 on a représenté deux courbes quin’ont pas rigoureusement la même allure surl’ensemble du spectre mais dont l’intensité réfléchieest très faible : dans ces conditions la couleur rési-duelle ne serait-elle pas sensiblement la même ? Enfait il n’en est rien : les verres correspondant à cesdeux courbes réelles ont été montés sur une paire delunettes (figure 29) qui révèle un aspect cosmétiqueinacceptable, les deux verres n’étant réellement pasappariables.

LE T

RA

ITEM

ENT

AN

TIR

EFLE

T

III

III

Type d'antireflet Réflexion Transmission, τpar face, r

Efficacité standard 1,6 à 2,5 % 95 à 97 %

Efficacité moyenne 1,0 à 1,8 % 96 à 98 %

Haute efficacité 0,3 à 0,8 % 98 à 99 %

4

3

2

1

0

350 400 450 500 550 600 650 700 780750

b) Optimisation des performances.

On constate que l’antireflet représenté à la figure 27n’abaisse pas la réflexion à zéro. De plus il laisse seréfléchir une quantité de lumière d’intensité variable :minimale au voisinage de 460 nm, elle est beaucoupplus forte aux deux extrémités du spectre. Pouraméliorer l’efficacité des traitements antireflet lesphysiciens ont optimisé le principe des interférencesénoncé plus haut, en calculant l’épaisseur et l’indicede réfraction de plusieurs couches empilées (jusqu’à7,8...) de telle façon que les interférences multiplesdes ondes réfléchies sur ces couches prises 2 à 2produisent une réduction importante de la réflexionen plusieurs points du spectre.

L’efficacité de ces systèmes multicouches est spec-taculaire (voir figure 28) et leur application sedéveloppe à grande allure malgré la complexité deleur mise en œuvre. Les traitements antirefletprésents sur le marché peuvent être classés, de façontrès générale, en trois catégories :

a) Caractérisation del'effet antireflet.La fonction antireflet estreprésentée par une courbetracée sur un graphique qui

donne l’intensité de réflexion (axe des ordonnées) enfonction de la longueur d’onde (axe des abscisses).L'ensemble est appelé “spectre de réflexion” ou “spectrogramme R (l)”. La courbe de réflexion d’unverre non traité sert de référence et permet d’évaluerl’efficacité antireflet par le rapport des aires situéessous chacune des deux courbes.

Figure 27 : Spectre de réflexion d’un traitement antireflet.

26

LE TRAITEMENTANTIREFLET

3/ Caractérisation et performances du traitementantireflet

Figure 27

longueur d’onde en nm

réfle

xion

(%

)

Page 28: CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE - Essilor Academy · cation de Matériaux variés avec des Traitements spécifiques dont l’intégr ation ... Figure 1 : Un verre organique traité est

27

LE TRAITEMENTANTIREFLET

La couleur résiduelle représente donc une descaractéristiques importantes du traitement antirefletdans la présentation du produit par l’opticien et dansle choix final qu’en fait son client. Il a fallu développerdes moyens adaptés pour la caractériser, pendant laphase de conception des produits et lors du contrôlede la qualité de fabrication. Ainsi, un logiciel de calculscientifique associé à un spectrophotomètre tra-vaillant en réflexion, permet-il d’effectuer, à partir duspectrogramme R(l), une mesure de la couleur,définie dans un système de références colorimétriques donné, tel que, par exemple le système “CIE L*a*b*”,décrit dans le complément page 28.

B/ Technologie du traitementantireflet

La technologie de fabri-cation du traitement anti-reflet consiste à empiler descouches minces, dont les

propriétés conditionnent la nature des matériaux àutiliser :- indice de réfraction spécifié,- transparence absolue,ainsi que la méthode mise en œuvre pour obtenir laconfiguration requise :- épaisseur constante de très grande précision,- adhérence aussi forte que possible sur le verre,- face extérieure aussi polie que le verre,- qualités optiques égales à celle du support : pas dedéfauts ponctuels causés par des poussières(“piqûres”), absence de “voile” dû à la diffusion, ou delacunes de matière (“bulles”), etc.

Seule la technologie de l’évaporation sous viderépond jusqu’à présent à l’ensemble de ce cahier descharges :- elle permet de transférer sur les verres, parcondensation, un matériau très pur, dont lacomposition chimique peut être rigoureusementcontrôlée, - elle autorise la construction des couches avec uneprécision d’épaisseur appropriée à leur minceur (± 5 Å),- le vide garantit une adhérence optimale grâce à uninterface verre / couche dépourvu de contaminationrésiduelle.

1/ L'évaporationsous vide : raisons d’un choix

Figure 29

4

3

2

1

0

380 400 450 500 550 600 650 700 780750350

τ

Figure 28

Figure 28 : Spectre de réflexion de traitements multicouches à haute efficacité.

Figure 29 : Différence d’aspect de deux verres traités (verre droit = courbe rouge, verre gauche = courbe verte)

réfle

xion

(%

)

longueur d’onde l (nm)

Page 29: CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE - Essilor Academy · cation de Matériaux variés avec des Traitements spécifiques dont l’intégr ation ... Figure 1 : Un verre organique traité est

28

Système colorimétrique “CIE L*a*b*”Dans un plan on trace à partir d’un point O un axedes x, dénommé “a*”, qui mesure la variation durouge au vert, et un axe des y, dénommé “b*”, quimesure la variation du jaune au bleu. Une couleur estdéfinie par un point P de coordonnées “a* , b*”, lanuance “h*” étant l’angle de OP avec l’axe des a*, etla saturation “C*” étant égale à la longueur dusegment OP.

- la nuance “h*” traduit la sensation de couleur,

- la saturation “C*”, ou Chroma, exprime la sensationde pureté chromatique, autrement dit la position surune échelle qui va du noir/blanc, “achromatique”,dépourvu de toute tonalité, à la couleur saturée,“monochromatique”, de tonalité complètement pure. Figure 30 : Système colorimétrique L*a*b*.

Figure 30

COMPLÉMENTLE TRAITEMENT

ANTIREFLET

CO

MP

LÉM

ENT

:LE

TRA

ITEM

ENT

AN

TIR

EFLE

T

Jauneb*

VertRouge

a*

Bleu

P

C*

h*

O

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LE TRAITEMENTANTIREFLET

29

a) Mise en œuvre

L’évaporation sous vide consisteà porter un corps à l’état gazeux par chauffage dansune atmosphère raréfiée. La vitesse d’évaporation estrégie par la température atteinte par le corps. Dans lecas des matériaux utilisés pour le traitementantireflet, l’obtention de couches de bonne qualiténécessite de les chauffer à des températurescomprises entre 1000 et 2200°C. Pour les atteindre,on dispose les matériaux dans un creuset où lachaleur est créée selon deux procédés fondamenta-lement différents :

- chauffage par effet Joule :c’est l’effet régi par la loi d’Ohm U = RI, qui est à labase du fonctionnement d’un radiateur électrique. Uncreuset en métal réfractaire (tungstène ou tantale) ouen carbone est rempli de matériau solide puis estparcouru par un courant électrique intense qui leporte à haute température : le matériau fond, puiss'évapore en direction des verres,

- bombardement électronique :un “canon à électrons” - basé sur le même principeque le tube cathodique des postes TV - émet unfaisceau d’électrons qui est focalisé par des électro-

aimants sur le matériau à évaporer, disposé dans unecavité de forme appropriée. Les électrons sont arrêtéspar le matériau cible et lui cèdent leur énergie sousforme de chaleur, le portant à la températured’évaporation (voir figure 31).

b) Mesure et contrôle des couches mincesévaporées

Il est nécessaire de mesurer en temps réel l’épaisseurde la couche qui est en train de croître sur les verres :une des méthodes les plus répandues consiste à peserle dépôt à l’aide d’une microbalance.

Un quartz piézo-électrique est un cristal de quartzcapable de vibrer avec une fréquence très précise(exemple : la montre à quartz). La valeur de cettefréquence peut être modifiée par le dépôt d’unemasse sur l’une de ses faces. C’est ce que l’on fait endéposant la couche mince sur un cristal de quartzdisposé dans la cloche au même niveau que les verres :grâce à un traitement électronique, la variation defréquence est transformée en une mesure précise del’épaisseur et de la vitesse de déposition de la couchemince.

Figure 31 : Schéma d’une cloche d’évaporation sous vide.

2/ L’évaporationsous vide

LE T

RA

ITEM

ENT

AN

TIR

EFLE

T

III

III

Figure 31

MICROBALANCEA QUARTZ

PYROMÈTRE

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Des nouveautés pour les verres organiques

Les progrès réalisés dans les années 90 parl’industrie électronique dans le domaine dubombardement par faisceaux d’ions ont permisd’intégrer dans les cycles de fabrication dutraitement antireflet des opérations complé-mentaires susceptibles d’améliorer l’adhérence descouches minces entre elles et sur le substrat ou biend’accroître leur densité ou encore de modifier leurindice de réfraction. Cela consiste, par exemple, àoptimiser la propreté de la surface des verres parl’action d’un “bombardement ionique” - qui ressembleun peu au décapage d’un mur par un jet d’eau à haute pression - juste avant d’entreprendre ledépôt du traitement antireflet (procédé “IPC” : IonPre-Cleaning). Ou encore à “tasser” la couche minceavec des ions lourds, pendant qu’elle est en train de

se déposer, afin d’en accroître la densité (procédé“IAD” : Ion Aided Deposition).

Ces opérations sont effectuées au moyen d’uncanon à ions installé dans la cloche - les ions sontdes particules constituées d’atomes de gaz (parexemple l’Argon) dont on a extrait un électron.

Dans un autre registre, celui de la chimie desmatériaux, les progrès réalisés dans la fabricationdes composés minéraux ultra-purs, permettentd’élaborer des empilements qui résistent mieux à lacorrosion chimique et aux chocs thermiques. Onpeut citer, par exemple, le pentoxyde de Tantale(Ta2O5), la zircone (ZrO2), l’oxyde de Titane (TiO2),les mélanges d’oxydes de Néodyme et dePraséodyme (Nd2O5 et Pr2O5), etc.

Qu’est-ce que le vide ?

Dans un récipient rempli de gaz, les molécules sontanimées d’un mouvement constant composé detrajectoires rectilignes et de chocs (avec leurssemblables ou les parois). Le libre parcours moyendésigne la longueur moyenne parcourue par toutemolécule entre deux chocs successifs.

L’énergie cinétique due à la vitesse des molécules estresponsable de la pression exercée sur les parois.

A la surface de la Terre la pression atmosphérique, quirésulte de l’action de la pesanteur sur la couche d’airatmosphérique, correspond à la présence de 2,5.1013

molécules d’azote et d’oxygène par cm3.

Le vide n’a pas d’existence physique réelle : ce n’estqu’une appellation des basses pressions. Par exempleà la surface de la Lune on dit généralement qu’il y a levide, mais en fait il s’agit d’une atmosphère raréfiéedans laquelle il n’y a que 3.105 molécules par cm3 !...

Reprenons notre récipient de gaz : si l’on diminue lenombre des molécules présentes (“faire le vide”), ilarrive un moment où leur rareté les conduit à ne plusrencontrer que les parois et non plus leurs semblables.A ce moment le libre parcours moyen devientsupérieur aux dimensions du récipient.

Une cloche d’évaporation sous vide c’est une enceinteétanche dans laquelle des pompes à vide abaissent lenombre de molécules de gaz à une valeur telle que lelibre parcours moyen soit supérieur aux dimensions dela cloche (vide “secondaire”). Les molécules présentess’y propagent donc sans choc avec d’autresmolécules, jusqu’à rencontrer une paroi ou... un verrede lunette. Ce qui est le cas des molécules du matériauévaporé qui viennent directement se condenser à lasurface des verres : ainsi naît la couche mince.

Le traitement antireflet s’élabore dans des enceintesd’environ 1m3, évacuées à un vide de l’ordre de 1.10-6 mbar, ce qui correspond à 32000 moléculespar cm3. Le libre parcours moyen y est alors de 50m.Le temps de pompage avant évaporation se situeautour d’une demi-heure, un cycle total d’évaporationdure environ une heure.

Figure 32 : Pression atmosphérique - Vide secondaire.

32 molécules

30

COMPLÉMENTLE TRAITEMENT

ANTIREFLET

PRESSION ATMOSPHÉRIQUE

VIDE SECONDAIRE

25 000 000 000 molécules

Figure 32

CO

MP

LÉM

ENT

:LE

TRA

ITEM

ENT

AN

TIR

EFLE

T

10 mm

10 mm

Page 32: CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE - Essilor Academy · cation de Matériaux variés avec des Traitements spécifiques dont l’intégr ation ... Figure 1 : Un verre organique traité est

Les technologies les plus élaboréessont ainsi mises au service de la

réalisation des traitements antireflet dont le rôle estde procurer une transparence optimale et durable auporteur de verres correcteurs.

LE TRAITEMENTANTIREFLET

31

Les propriétés descouches minces sontfortement conditionnéespar celles du substratsur lequel elles sont

déposées, et plusieurs caractéristiques propres auxpolymères ont imposé la mise au point de traitementsspécifiques pour le verre organique. Les deuxexemples suivants l’illustrent parfaitement :

- Si le verre minéral peut être chauffé jusqu’à 300°C,en revanche il est impossible de porter les matièresorganiques au-delà de 100°C : elles jaunissent puis sedécomposent très rapidement. Or le fluorure demagnésium MgF2, matériau idéal grâce à son très basindice de réfraction, et universellement employé pourtraiter le verre minéral, devient friable et nonadhérent dès qu’il est déposé en dessous de 200°C :le traitement du verre organique requiert alors desempilements plus complexes, dont les couches à basindice sont constituées de silice, et dont la durée defabrication est plus longue.

- Le cœfficient de dilatation thermique de l’organique,environ 20 fois supérieur à celui des matériauxutilisés pour les couches minces, entraîne l’apparitionde contraintes de cisaillement à l’interface, et il peuten résulter des craquelures, voire des décollementsde la couche, lorsque le verre traité est soumis à deschocs thermiques (chaufferette de montage, séjoursur le tableau de bord d’une voiture au soleil). Aussifaut-il contrôler la température de surface des verres,pendant le dépôt des couches, avec une plus grandeprécision que lors du traitement des verres minéraux,par exemple avec un thermomètre à rayonnementinfrarouge appelé “pyromètre optique”.

Avant de déposer les cou-ches minces du traitementsur les verres, il est néces-saire d’en nettoyer la surface

afin d’éliminer tous les résidus des étapes defabrication antérieures et d’obtenir une surface d’unepureté quasi-parfaite à l’échelle moléculaire. Cenettoyage est réalisé dans des cuves de produitsdétergents activés par des ultrasons (leur actionrepose sur le phénomène de cavitation, qui consiste àfaire varier fortement et à haute fréquence, lapression du liquide, ce qui revient un peu au mêmequ’un brossage énergique).

Le chargement dans la cloche de ces verres ultra-propres s’effectue en “atmosphère blanche” afind’éliminer tout dépôt de poussières qui feraientécailler le traitement, créant ainsi un point brillant.

3/ Caractéristiquesdes couches antirefletspécifiques aux matériaux organiques

4/ Préparation des verres avantévaporation

Conclusion

Enfin un nettoyage de finition est effectué sous vide,juste avant le dépôt, grâce à un “effluvage” (déchargeélectrique dans un gaz sous faible pression) ou à unbombardement ionique (“Ion Pre-Cleaning”ou “IPC”voir complément “Des nouveautés pour les verresorganiques”).

C’est un aspect déterminantcar les perturbations supportéespar les verres ophtalmiques en

utilisation normale sont sévères et nombreuses :- abrasion (essuyage, pose sur les meubles, frottementdans le sac à main, ...),- corrosion (sueur, humidité, atmosphère marine, pro-duits de nettoyage, ...),- chocs thermiques (voiture au soleil).

A la différence de la puissance dioptrique du verre quireste constante, si elle est bonne à l’instant zéro, lestraitements peuvent avoir un aspect parfait aumoment de la fabrication et se révéler défectueuxaprès un délai de plusieurs mois. Il faut donc incluredans la mise au point d’un procédé de traitement, destests de fatigue accélérée que l’on cherche à corréleravec des essais au porter, en temps réel. Les tests devieillissement accéléré et artificiel sont nombreux,variés et propres à chaque fabricant. Cependant ilsconsistent généralement à soumettre des verreséchantillons à des tests physico-chimiques pratiquésdans l’industrie optique :- eau salée bouillante,- eau salée froide,- vapeur d’eau,- eau désionisée froide,- eau désionisée bouillante,- abrasion par balle de feutre, laine d’acier, gomme ...- immersion dans l’alcool, et autres solvants- choc thermique,- enceinte climatique UV - humidité,- etc.

5/ Fiabilitédes traitements

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32

LE TRAITEMENTANTIREFLET

Figure 33

Figure 33 : Vue d’artiste sur une cloche en pleine action.

LE T

RA

ITEM

ENT

AN

TIR

EFLE

T

III

III

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LE TRAITEMENTANTIREFLET

33

Si O2

F

F

F

F

F

C/ Traitement anti-salissure

Un traitement antireflet multi-couches peut être sensible à l’en-

crassement du fait qu’une trace de graisse constitueune couche supplémentaire qui perturbe le fonc-tionnement du système antireflet.

Comment réduire cet inconvénient ?

L’analyse de la structure microscopique des couchesminces montre qu’elles sont relativement poreuses (àcette échelle) et il est donc possible que les pollutionsgrasses et impuretés qui se déposent sur le verretraité s’incrustent dans les porosités de la dernièrecouche : il est alors difficile de nettoyer la saleté quien résulte. Pour pallier à cet inconvénient leschercheurs ont mis en œuvre les techniques utiliséesdans la fabrication des composants pour l’élec-tronique et qui consistent à enduire la surface avec unrevêtement qui lui donne des propriétés oléophobe ethydrophobe, c’est-à-dire qu’il réduit considéra-blement l’adhérence des corps gras et de l’eau. Cerevêtement est ultra-mince (quelques nanomètres) etreste donc sans action sur l’effet antireflet. Figure 34 : Structure schématique du traitement anti-salissure.

1/ Principe

Figure 34

Page 35: CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE - Essilor Academy · cation de Matériaux variés avec des Traitements spécifiques dont l’intégr ation ... Figure 1 : Un verre organique traité est

LE TRAITEMENTANTIREFLET

34

Ce revêtement est réalisé à l’aidede composés chimiques conte-

nant des chaînes fluorées ou hydrocarbonées. Onpeut citer, par exemple, les polysilazanes fluorés, dontles molécules ont une structure assez complexe (figure 34). Elles possèdent des radicaux qui agissentcomme des “crochets” en donnant une très bonneadhérence sur la Silice, qui constitue la dernièrecouche du traitement antireflet. Et, d’autre part, ellespossèdent des radicaux riches en Fluor qui sontdoués d’une forte répulsion chimique vis-à-vis de l’eauet des graisses. Ces revêtements sont déposés dedeux façons différentes :

- par un procédé de trempage, similaire à celui qui estutilisé pour le vernissage anti-abrasion, maisbeaucoup plus simple ;

- par évaporation sous vide à partir d’un creusetchauffé par effet Joule, et disposé dans la cloche detraitement antireflet. Le dépôt est alors effectuéimmédiatement sur la dernière couche de l’empile-ment antireflet.

Le revêtement superficiel ainsi constitué agit de deuxfaçons complémentaires :

- le colmatage des porosités de la surface empêche lagraisse de s’infiltrer et d’y subsister,

- la composition du revêtement modifie la forme desgouttelettes superficielles d’eau et de graisse au pointque leur surface de contact est réduite d’un facteur2,5, ce qui facilite leur essuyage.

Grâce à ce traitement anti-salissure il est devenu faciled’essuyer les verres traités antireflet avec un chiffonsec, tandis qu’un nettoyage régulier à l’eau et ausavon permet de maintenir la transparence del’équipement à un niveau optimal.

Figure 35 : Angle de contact d’une goutte d’eau sur un verretraité “hydrophobe”.

2/ Réalisation

Figure 35

LE T

RA

ITEM

ENT

AN

TIR

EFLE

T

III

III

Page 36: CAHIERS D’OPTIQUE OCULAIRE - Essilor Academy · cation de Matériaux variés avec des Traitements spécifiques dont l’intégr ation ... Figure 1 : Un verre organique traité est

35

CONCLUSION

Le traitement antireflet est désormaisreconnu par le porteur de lunettes commeun facteur éminent de confort et d’esthé-tique. De même il apparaît que lestraitements anti-salissures apportent unprogrès sensible dans l’entretien des verrestraités, même si des recherches approfondiesdoivent encore être menées pour supprimerradicalement cet inconvénient. D’autre part,l’augmentation de la consommation desverres à haut indice ouvre des perspectivesde croissance importante aux revêtementsanti-abrasion. Enfin les études de marchémontrent de façon éclatante l’intérêt suscitépar les verres “tout-en-un”, ou à “traitementsintégrés”, offerts de façon globale avectraitements anti-abrasion, antireflet et anti-salissure compris. En effet ces verrescorrespondent à l’attente du porteur par laproposition de bénéfices multiples tout ensupprimant le dilemme des options.

La conjonction positive de ces tendancespermet donc de conclure par une visionoptimiste de l’avenir des traitements : ilsdeviennent progressivement des cons-tituants du verre à part entière et ren-contrent dans le monde entier un succès,certes encore inhomogène d’un pays àl’autre, mais partout croissant, auprès desporteurs de lunettes. Aussi sont-ils appelés àprendre une place de plus en plus éminentesur le marché de l’optique ophtalmique.

© Essilor International avril 1997

Tous droits de reproduction, de traduction et d’exécution réservés pour tous pays.

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mieux voir le monde

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