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SCÉNARIOS PROSPECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DE LA VALLÉE DE SEINE À L’HORIZON 2040 RAPPORT DE PRÉSENTATION DES SCÉNARIOS ET STRATÉGIES PROSPECTIVES Cahier I Le champ des possibles : les variables prospectives influant sur la démographie et l’emploi en Vallée de Seine à l’horizon 2040 STRATYS 6 JUILLET 2014

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SCÉNARIOS PROSPECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DE LA VALLÉE DE SEINE À L’HORIZON 2040 RAPPORT DE PRÉSENTATION DES SCÉNARIOS ET STRATÉGIES PROSPECTIVES

Cahier I

Le champ des possibles : les variables prospectives

influant sur la démographie et l’emploi en Vallée de Seine à l’horizon 2040

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LE CHAMP DES POSSIBLES Le devenir de la Vallée de Seine à l’horizon 2040, aussi incertain et pluriel soit-il,

dépendra en premier lieu de la capacité des acteurs locaux à porter un projet de développement du territoire. Ce développement de la Vallée peut et prendra plusieurs formes, empruntera divers chemins, visera sans doute une palette assez large d’objectifs; dans tous les cas, il devra tenir compte des grands changements exogènes, qui s’imposeront à lui, comme ils s’imposeront à un grand nombre de territoires en France et en Europe.

En prospective, le premier travail porte sur l’identification des questions-clé : quels sont les facteurs (ou variables) de changement, à examiner, car ils véhiculent un fort potentiel de changement - positif ou négatif - du territoire, susceptible de nourrir, d’orienter, d’altérer, d’accélérer, ou de handicaper, le développement de la Vallée de Seine. Le schéma conceptuel consiste alors à réduire à un nombre fini de questions (d’objets de réflexion) l’exploration du champ des possibles, pour aboutir pas à pas à la définition d’un système prospectif du développement de la Vallée de Seine. Ces questions-clé portent sur deux grands types de facteur :

- les facteurs de changement dits endogènes, c’est-à-dire, les facteurs pour lesquels les acteurs territoriaux ont des marges de manoeuvre et des leviers d’actions pour le futur; ce sont les variables de stratégies et de politiques publiques,

- les facteurs exogènes sont ceux qui impactent le devenir du territoire, sans pour autant que ce dernier puisse agir significativement dessus ; ce sont les variables du contexte qui constituent des données de cadrage, dessinent une toile de fond dans laquelle le territoire va évoluer dans les 30 prochaines années

La réflexion de l’atelier prospectif a abouti à identifier et caractériser 41 questions-clé. Elles sont présentées en 7 grappes ci-après : ★ la transition économique ★ la transition énergétique ★ les modes de vie ★ le vieillissement de la population ★ la ville de demain ★ la gestion des risques ★ la gouvernance, la métropolisation, les identités

Cette première partie peut se lire de manière autonome et indépendante des autres parties qui portent sur les scénarios et les stratégies. Plus encore, chaque question traitée peut également se lire indépendamment des autres, grâce à la description analytique, question par question, qui en est faite. Par conséquent, ces « briques de base  » portant sur les facteurs majeurs à prendre en compte pour le développement de la Vallée de Seine, peuvent être réutilisés, réinvestis et réinjectés, par les acteurs qui le souhaitent, dans les différentes réflexions territoriales, prospectives et stratégiques, en cours ou à venir.

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Grappe : la transition économique La période économique actuelle invite à la plus grande prudence concernant toute

hypothèse ou prévision économique à court, moyen et long terme. Les changements envisagés par l’atelier doivent donc être compris comme des pistes de réflexion, pointant des potentiels de développement économique pour le futur et des menaces auxquelles le territoire pourrait avoir à faire face. C’est donc à la fois, dans une logique d’anticipation des mutations économique, d’innovation sur des gisements émergents de valeur, de recherche de ruptures possibles, que le travail en atelier s’est effectué. Il va sans dire, que la nature des idées est strictement exploratoire, sans aucune portée souhaitable, normative ou scientifique.

L’atelier a identifié 9 questions-clé pour caractériser les trajectoires possibles pour une transition économique de la Vallée de Seine à l’horizon 2040. Elles ne prétendent pas à l’exhaustivité du questionnement économique pour la Vallée de Seine ; elles se contentent de mettre en lumière des changements - potentiellement lourds et structurants - susceptibles d’infléchir les trajectoires économiques possibles pour le territoire.

De ces 9 questions-clé, trois concernent en particulier l’usage du fleuve et interrogent la capacité de la Vallée à tirer profit d’une position géographique avantageuse pour s’imposer dans le secteur ultra-concurrentiel de la logistique. Sur le papier, la Vallée présente des atouts indéniables : proximité immédiate de la première région économique de France et une des toutes premières en Europe, bonne accessibilité routière, possibilité de développer les dessertes terrestres multimodales, qualité des infrastructures portuaires du Havre, de Rouen et de Paris, position stratégique sur le Range nord, génération importante de flux de marchandises dans l’hinterland (industrie, agroalimentaire, matières premières).

(1) Source : Atlas Weastflows project 2013

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Pourtant, si la croissance des activités portuaires a bien été au rendez-vous des vingt dernières années, elle a plus été portée par une croissance du commerce international et du transport maritime sans équivalent depuis la Révolution industrielle, que par un avantage compétitif particulier de la Vallée de Seine.

Derrière les indicateurs qui démontrent la puissance du secteur portuaire et logistique pour le territoire, tant en nombre d’emplois, de revenus, de tonnes de marchandises transportées, de position dans les classements internationaux, se cachent une réalité dure à admettre : la Vallée de Seine est en retard par rapport aux grands territoires industrialo-portuaires de l’Europe du Nord, que sont Anvers; Rotterdam, Brême et Hambourg.

(2) Source : European Sea Ports Organisation, « Traffic data of year 2012 »

(3) Evolution du trafic de toutes marchandises confondues des Grands Ports Maritimes français comparés aux autres ports européens (2006-2010). Source : Ministère de l'écologie et du développement durable, 2010, bilan annuel des ports maritimes et voies navigables

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Les causes de cette perte de terrain par rapport aux grands ports du Range nord sont multiples ; certaines relèvent directement de la responsabilité des acteurs du territoire, d’autres sont de nature plus générale et concernent en particulier le contexte réglementaire, fiscal et social de la France. Parmi les facteurs communément admis comme posant des freins au développement portuaire et logistique de la Vallée de Seine, la gouvernance arrive en tête de liste. Sans être réellement en concurrence sur les activités de transport, car positionnées sur des segments de marché différents, les trois grands ports de la Vallée de Seine - Le Havre, Rouen et Paris - ont peu tiré parti des synergies et complémentarités potentielles entre leurs trois offres de services respectives. Partageant ce constat et s’appuyant sur la création récente d’HAROPA, l’atelier prospectif a formulé cette première question.

(4)Perspectives des trafics maritimes des ports de l'Axe Seine à l'horizon 2030 en millions de tonnes. Source : Haropa 2030

Si la question porte sur le développement effectif d’HAROPA, on voit à travers les hypothèses prospectives formulées, que ce développement est très dépendant de la stratégie logistique de la Vallée de Seine. Autrement dit, le développement des ports est fortement conditionné par les évolutions du territoire, en ce qui concerne les grandes dessertes terrestres de transports, le dynamisme de la production industrielle locale et le positionnement logistique. Ainsi, si l’hypothèse 1 se passe de commentaire, les hypothèses 2 et 3 posent une alternative structurante pour l’évolution future des filières logistiques territoriales. L’hypothèse 2 table sur un couplage entre développement portuaire, développement logistique,

Question exogène Domaine : transition économique

Quel développement d’HAROPA ?

1/ Une mésentente des acteurs conduit à la fin de l'organisation HAROPA et à une baisse significative des performances

2/ Dans un environnement porteur (hausse des flux logistiques, dessertes terrestres améliorées, gouvernance performante), Haropa connaît une croissance forte de ses activités avec de fortes retombées pour la Vallée de Seine

3/ Le développement d'HAROPA se poursuit, mais son positionnement sur les flux de transit vers le BP et sur les fonctions de hub maritime (transbordement) limitent la création de valeur ajoutée pour la Vallée de Seine

4/ HAROPA dépasse ses objectifs et rattrape les Ports de la mer du Nord (combinant les hypothèses 2 et3 )

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développement économique et création d’emplois pour le territoire, en faisant le pari d’une imbrication forte entre les activités économiques de l’hinterland - en particulier dans les secteurs industriels et agricoles - et les activités portuaires de Paris au Havre. La valeur ajoutée des services portuaires procure un avantage compétitif aux entreprises implantées en Vallée de Seine, ou qui décident de s’y implanter pour bénéficier de cette offre de services logistiques. De manière sinon opposée, en tout cas décalée, l’hypothèse 3 décrirait un choix stratégique d’HAROPA centré sur ses intérêts premiers, avec la recherche avant tout d’une croissance des flux portuaires, même si elle est peu ou moins génératrice de valeur ajoutée et d’emplois pour le territoire. Les deux hypothèses apparaissent vraisemblables tant le volontarisme politique et la volonté stratégique d’HAROPA convergent pour maximiser les effets d’entraînement entre les activités industrialo-portuaires et les activités logistiques, mais dans le cas d’une perte de vitesse industrielle, on imagine mal les acteurs portuaires persévérer indéfiniment dans le sens d’une intégration Ports - Territoire.

(5) L'ouverture maritime de la vallée de la Seine. Source : AURH, Seine Gateway 2012

D’autres tendances lourdes vont affecter les chaînes de valeur logistique et leur répartition territoriale. La massification des flux, opérée largement sur les longues distances par le commerce international, devient également la norme pour les flux de moyenne distance, comme par exemple les flux entre Le Havre et l’Ile-de-France. Cette massification oblige à concentrer les flux et les fonctions logistiques sur un nombre limité de plate-formes, « en entrée ou en sortie des tuyaux ». La volonté d’accroître les parts modales du fer et du fleuve accentuent cette massification des flux. Dès lors, avec la question du développement d’HAROPA, c’est toute la structuration territoriale des activités logistiques qui est concernée, car les stratégies portuaires, pour être efficaces et cohérentes, vont pousser à une forte rationalisation des activités et flux logistiques, ce qui revient à dire qu’une hiérarchisation et spécialisation des zones logistiques est en marche. En outre, la massification en amont des

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marchandises en provenance de l’international amène avec elle une hausse du cabotage et des pratiques de transbordement maritime. Le Grand Port Maritime du Havre dispose d’atouts certains sur ce segment de marché d’irrigation des ports secondaires de l’Atlantique nord au sud d’Anvers.

(6) L'avant-pays maritime du Havre en 2006

(7) Comparatif entre la route maritime Nord et la route royale. Source : Mémoire C.Grigentin, 2008 Groupe ENOES-EST

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Cette recomposition des grandes routes maritimes va être fortement impactée par l’ouverture de la route du nord à moyen terme (2020-2030), poussant vers la périphérie la façade maritime normande sur la carte du commerce international, étant dit que le coeur du Monde se situait dorénavant sur les rivages du Pacifique. Dès lors, l’atelier pose une 2e question prospective :

Les trois hypothèses prospectives formulées pour le modèle logistique résonnent avec les évolutions envisagées pour le développement d’HAROPA. L’hypothèse 1 correspond à la vision d’un découplage entre un développement logistique, qui serait principalement alimenté par des flux externes au territoire d’une part, et un développement économique dont les bases ne seraient pas fondées sur les atouts logistiques de la Vallée de Seine d’autre part.

L’hypothèse 3, bien que très négative et pas du tout souhaitable, ne fait que retranscrire les doutes que certains peuvent émettre sur le véritable potentiel de développement logistique de la Vallée de Seine, ou à tout le moins, l’importance trop grande selon ces mêmes détracteurs, accordée aux filières logistiques, comparativement à d’autres filières économiques, notamment dans le secteur des services. L’hypothèse 2 reflète le point de vue d’une synergie et d’un imbrication forte entre les activités logistiques et les autres activités économiques, avec en ligne de mire un avantage comparatif dans la bataille du verdissement de l’économie, par rapport à d’autres régions industrielles en France et en Europe.

Dans cette transition pour le verdissement de l’économie européenne, française et de la Vallée de Seine, le fleuve apparaît comme un mode de communication privilégié, assorti d’un grand potentiel de développement. Les trafics fluviaux de marchandises sont relativement faibles si on se compare aux flux partant et traversant les zones industrialo-portuaires

Question exogène Domaine : transition économique

Quel modèle logistique pour la Vallée de Seine ?

1/ La logistique concerne principalement des flux de transit sans réelle captation de valeur ajoutée sur le territoire

2/ Les activités logistiques sont très liées au dynamisme des filières économiques de l’Hinterland des ports de la Vallée de Seine

3/ Les activités logistiques déclinent dans la Vallée de Seine

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Question exogène Domaine : transition économique

Quel devenir pour les sites industriels des filières traditionnelles ?

1/ Les activités pétrochimiques ont été délocalisées, mais les autres secteurs traditionnels ont limité la casse. Les friches industrielles laissées sont indépolluables.

2/ La désindustrialisation de la France a fait des ravages en Vallée de Seine. L'action publique permet une reconquête des friches urbaines

3/ Suite aux mutations des industries traditionnelles, une grande vague de relocalisations industrielles s'est opérée sur les portes d'entrée de l'Europe. De nouveaux projets économiques permettent une reconquête de ces friches industrielles (chimie verte, agrocarburants, biomatériaux, pharmacie/cosmétique, etc.). Les outils fonciers développés dans le cadre de la vallée de Seine ont accru la réactivité des territoires dans la reconversion des sites en déprise.

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d’Anvers, Rotterdam et de Brême. Pourtant, la Seine est un corridor écologique qui supporte des usages intensifs de ses ressources et milieux. Le territoire fait donc face à un paradoxe difficile à contourner et pour lequel il est et sera contraint à composer avec ce problème : comment exploiter tout le potentiel économique de la Seine (transport, tourisme, aménités résidentielles, ressource en eau) et contribuer à rétablir les fonctionnalités écologiques du fleuve et des milieux aquatiques , justement mises à mal par les usages économiques du fleuve ? Dès lors, quand l’atelier prospectif pose la question de l’importance du transport fluvial sur la Seine, il aborde en même temps la question de la régulation des usages du fleuve et de la hiérarchisation des aménagements qui le touchent.

(8)Source : Axe Seine, une vision partagée 2012

Dans cette recherche d’équilibre entre les usages de la Seine et le maintien d’une qualité écologique de premier ordre, trois hypothèses ont été schématiquement formulées par l’atelier. La première hypothèse est sous-tendue par une stratégie territoriale qui donne la priorité au développement économique et relance les investissements pour améliorer la navigabilité de la Seine, le développement et la diversification des usages « transports » le long du fleuve. Cette volonté est également motivée par les gains environnementaux générés par le report modal de

Question exogène Domaine : transition économique

Quel importance du transport fluvial sur la Seine ?

1/ Le fleuve est un mode majeur pour le fret et pour les passagers; les aménagements sont faits pour soutenir la croissance des flux

2/ Face aux conflits d'usages liés à la croissance des flux sur la Seine, les usages "loisirs et tourisme" sont prioritaires

3/ Pour préserver les milieux et écosystèmes aquatiques de la Seine, les flux sont limités

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la route vers le fleuve, ainsi qu’en soutien au secteur du tourisme, qui forme une sorte de pierre angulaire du projet territorial Vallée de Seine. La 2e hypothèse nuance la véhémence volontaire de l’hypothèse 1, en affichant clairement la mise en place d’un système de régulation des flux de transports sur le fleuve, pour garantir un coexistence raisonnable entre les usages usages économiques et la valeur écologique du fleuve. L’hypothèse 3 bascule le raisonnement en faveur des enjeux environnementaux liés à la Seine ; si la Seine est un vecteur majeur pour le développement de logistique, elle n’en demeure pas moins une continuité écologique indispensable aux équilibres des écosystèmes naturels régionaux. Dans cette perspective, tout nouveau développement des flux est strictement encadré et ne doit pas affecter le fonctionnement naturel du fleuve.

Ces trois premières questions-clé placent d’emblée la Seine, en tant qu’infrastructure de communication et en tant que richesse écologique, au coeur de la transition économique du territoire. Au delà du caractère emblématique, symbolique et identitaire, la configuration géographique avec ce grand fleuve qui relie Paris à sa façade maritime, marque profondément la manière dont les acteurs pensent le développement, focalisant les attentes et concentrant d’un même trait les tensions entre la préservation des activités économiques existantes, mais fragilisées, et la conquête de nouvelles positions économiques, incertaines mais prometteuses et indispensables à la relance économique de la Vallée de Seine.

Autre symbole qui s’appuie sur une réalité profonde de la Vallée de Seine, l’industrie concentre également tous les regards, mêlés d’inquiétude et d’espoir. Si la logistique ne génère pas encore les retombées à la hauteur des ambitions légitimes des acteurs du territoire, l’industrie a porté le développement après-guerre de la Vallée de Seine. Dès lors, la vulnérabilité de ce pilier économique, dans toute sa diversité, sème le doute sur les perspectives futures sur le front de l’emploi. L’actualité récente n’a pas épargné le territoire, avec une série de restructurations, voire de faillites d’entreprises industrielles. C’est donc tout naturellement que l’atelier prospectif pose cette 4e questions-clé :

De manière schématique, trois hypothèses contrastées balisent les trajectoires possibles pour l’industrie de la Vallée de Seine. La première hypothèse met en scène une rupture forte pour le territoire, avec la délocalisation des filières pétrochimiques, liée à des stratégies des grandes firmes mondiales, mettant la priorité sur les pays émergents et l’intégration des chaînes de production dans les pays producteurs. Grand donneur d’ordre local, le secteur pétrochimique entraîne dans sa chute tout son réseau de sous-traitants et de fournisseurs, avec des conséquences fortes sur les zones portuaires (Gonfreville, Port-Jérôme, Grand-Couronne). Les autres filières industrielles déclinent mais parviennent à survivre, en grande partie grâce à l’acharnement thérapeutique des acteurs publics qui les subventionnent à fonds perdus.

La deuxième hypothèse n’est pas spécifique à la Normandie, même si le tissu productif de la Vallée de la Seine, relativement ancien et positionné sur des marchés matures, est particulièrement sensible aux mutations internationales de l’industrie, provoquant des destructions massives d’emplois, dans la lignée des années 1990-2010, où un lent et inexorable

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mouvement s’est enclenché, sans coup férir. Du point de vue de l’aménagement de l’espace, les fermetures d’usines ont laissé une multitude de friches industrielles, petites et grandes, toutes polluées. En réaction, on imagine, qu’à défaut de réussir à sauvegarder un tissu industriel dynamique, la puissance publique se mobilise pour reconvertir ces espaces industriels et limiter les friches et autres espaces en déshérence.

(9) Les plus grands établissements industriels de la Vallée de la Seine (plus de 500 salariés). Source : AURH, Seine Gateway 2012

En décalage à ces deux premières hypothèses, la troisième hypothèse parie sur l’existence d’un avenir industriel pour la Vallée de Seine, qui valoriserait à la fois ses atouts productifs, en s’appuyant sur un vivier de compétences, de savoir-faire, une culture industrielle et une compétitivité logistique basée sur le corridor fluvio-maritime de la Seine. La rupture s’effectue également dans l’approche des pouvoirs publics face aux mutations industrielles, qui touchent les secteurs traditionnels ; dans cette hypothèse, on accompagne ces mutations, voire on les devance, plus qu’on ne les combat ou cherche à les atténuer. Les acteurs du territoire ne prétendent pas peser sur les dynamiques industrielles internationales ; ils ont intégré le jeu de la mondialisation et consacrent leurs efforts à spécialiser la Vallée de Seine sur des segments et filières économiques porteuses pour l’avenir. L’outil foncier est massivement mobilisé, pour créer les conditions d’une relance des implantations industrielles, en lien et place des anciens sites déclassés. Aussi, le renchérissement des coûts de l’énergie et les politiques européennes de lutte contre le changement climatique, modifient les arbitrages

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économiques des entreprises industrielles, qui relocalisent une partie significative de leur production (ou évitent de la localiser dans les pays à bas coûts).

La question de l’évolution des chaînes de valeur des industries normandes arrive donc naturellement sur la table des discussions (prospectives). Sans rentrer dans les détails de l’organisation de chaque filière, l’atelier a posé plusieurs hypothèses sur le modèle de production industrielle, en explorant en particulier les conséquences d’une diffusion rapide et d’une généralisation des technologies d’imprimante 3D à des pans entiers de l’industrie.

(10) Source: extrait du rapport de l’OCDE sur la compétitivité portuaire de la Vallée de Seine - 2008

La valeur ajoutée de l’industrie du territoire dépend à la fois des segments de marché des entreprises et de leur positionnement sur les chaînes de valeur associées. Comme énoncé ci-avant, le territoire dispose d’atouts réels et variés sur le plan industriel, mais sa capacité à utiliser ses atouts peut s’avérer très différenciée. 4 hypothèses ont été explorées sur le positionnement industriel de la Vallée de Seine. La première hypothèse, la plus simple à identifier et décrire, consisterait à opérer un ajustement radical de la compétitivité-prix des entreprises industrielles locales, dans une logique du moins-disant social et environnemental, avec pour seul priorité le maintien et la création d’emploi, fussent-ils précaires, instables, avec des conditions sociales et salariales inférieures aux régions concurrentes. Certains diront que c’est une stratégie d’alignement vers le bas, de déclassement et de chantage à l’emploi, d’autres verront plutôt cet ajustement comme un mal nécessaire, un avant-goût des réformes structurelles du marché de l’emploi à l’allemande. Pour autant, cela ne signifie pas que la

Question exogène Domaine : transition économique

Quelle évolution du positionnement des industries de la Vallées sur les chaînes de valeur ?

1/ La Haute-Normandie devient un atelier low-cost de l’Europe

2/ La coopération européenne pour la réindustrlisation du continent fait revenir et se développer les activités de production en Europe. Des réseaux industriels se tissent entre de grandes régions de production (comme sur le principe du jumelage)

3/ Des ruptures technologiques (dont imprimante 3D) ouvrent l’ère du local-made

4/ La poursuite de la désindustrialisation de l’Europe de l’Ouest et de la Vallée de Seine se poursuit au même rythme

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production locale est une production low-cost, comprendre par là bas de gamme. Le low-cost, ce sont les coûts de production, pas la qualité des produits. En revanche, si cette bouffée d’air pour les entreprises peut contribuer à une relance de l’activité, sur le long terme, elle apparaît faire long feu en raison d’une incapacité ou d’un refus des pouvoirs publics à subventionner ce modèle. Le low-cost coûte éventuellement moins cher à l’entreprise, mais a un coût financier réel pour les pouvoirs publics.

(11) Les activités portuaires et la création d’emplois. Source : OCDE 2011, Compétitivité des villes portuaires, le cas de l'Axe Seine

En écho à ce refus, une 4e hypothèse, très négative et pessimiste, simule la poursuite de la désindustrialisation du territoire, en faisant l’hypothèse que les politiques actuelles restent impuissantes, comme l’ont été celles des années 1980-2000, à contre-carrer la crise des secteurs industriels matures (automobile, métallurgie/sidérurgie, pétrochimie, chimie lourde, agroalimentaire, papeterie, électronique grand public, matériaux de construction, etc.).

Face à ces deux hypothèses de déclin industriel, le groupe a posé une autre alternative de redressement de l’industrie axé sur une recherche de valeur ajoutée, soit par la voie partenariale à l’échelle européenne, soit grâce à une rupture technologique comme l’imprimante 3D. Ainsi, dans l’hypothèse 2, la Vallée de Seine noue des relations étroites avec d’autres régions industrielles en Europe, pour mieux intégrer et optimiser les chaînes de valeur que ces territoires ont en commun ; ces coopérations industrielles portent sur de multiples champs : R&D, programmes de développement, mutualisation d’outils, partenariats

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commerciaux, approvisionnement, etc. Le profil de place portuaire et de porte d’entrée du Bassin Parisien intéresse particulièrement les partenaires européens. Ces réseaux industriels trans-européens fournissent un levier majeur de montée en gamme pour les industriels de la Vallée de Seine et une puissance supplémentaire pour viser les marchés export du Grand International (Chine, Inde, Mexique, Amérique du Sud, Moyen-Orient).

L’hypothèse 3 mobilise le levier technologique pour transformer l’industrie locale et ses chaînes de valeur. Avec l’imprimante 3D, c’est tout un nouveau modèle industriel qui émerge, produisant un foisonnement des modèles économiques autour de la personnalisation et l’individualisation des produits. La production s’effectuerait sur le territoire, pour être vendue en Europe ; la relation entre conception et fabrication se resserrerait, en rendant possible à un même acteur la maîtrise de ces deux fonctions. La vitalité des PME-PMI industrielles et artisanales dynamiserait l’économie de la Vallée de Seine, avec des entreprises positionnées sur un portefeuille de niches à haute valeur ajoutée économique, sociale et environnementale. Au delà du local-made, rendu possible par l’imprimante 3D, c’est bien la liberté d’entreprendre et de produire sur place, en petites séries, pour répondre à une demande spécifique, qui constitue la rupture majeure de cette 3e hypothèse.

Dans la transition économique de la Vallée de Seine, les incertitudes les plus fortes portent effectivement sur le devenir, la capacité de rebond, ou de résistance, des activités industrielles historiquement implantées sur le territoire. D’une certaine manière, la réflexion prospective se focalise sur la gestion de l’affaiblissement relatif de l’industrie traditionnelle dans le poids total de l’économie régionale. Plus que la sauvegarde de l’existant, c’est l’accompagnement des mutations économiques et ses conséquences sociales, qui occupent les esprits des acteurs. Le pendant de cette approche amène donc à se poser également la question des gisements de développement économique, qui prendront le relais des secteurs historiques en déclin ou appelés à se restructurer en profondeur. Deux gisements sont apparus comme présentant un potentiel pour le futur : les filières agro-industrielles et les filières relevant de l’économie verte.

L’importance des secteurs agricoles et agroalimentaires en font des secteurs majeurs et structurants pour l’économie du territoire et son aménagement. Dans un contexte global où les denrées alimentaires constituent un enjeu géostratégique premier, la Vallée de Seine et la Normandie dans son ensemble possèdent des arguments sérieux pour prétendre gagner des positions concurrentielles ambitieuses sur le marché national, européen et mondial. Le fait, que de toutes les filières traditionnelles, l’agriculture et l’agroalimentaire, soient considérées comme des filières d’avenir, est à lui seul un indice, sinon une preuve, du crédit que lui accordent les acteurs locaux, sur leur potentiel de développement à exploiter et concrétiser. Cependant, si la Vallée de Seine affiche une puissance de feu remarquable, elle ne peut faire l’économie de concentrer cette puissance de feu sur quelques priorités, c’est-à-dire le positionnement sur des marchés industriels et de consommation, offrant des débouchés à valeur ajoutée pour les entreprises locales. Cette question-clé, abordée avec une portée stratégique, caractérise les orientations dominantes à donner au développement agricole et agro-industriel de la Vallée de Seine.

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(12) Une filière agroalimentaire haute-normande plus résistante à la crise que les tendances nationales. Source: Agreste, Mémento Agricole 2012

Les filières agri-agro peuvent être considérées comme des filières économiques comme les autres ; c’est le sens de la première hypothèse où les politiques de soutien aux filières industrielles sont entièrement tournée l’amélioration de leur compétitivité : investissements sur la productivité agricole, flexibilité sociale sur l’emploi saisonnier, plan d’adaptation au changement climatique, soutien à l’innovation technique et commerciale. Peu importe ce qui est produit, du moment que cela se vend et en grande quantité. Le lien au territoire est faible; les productions sont avant tout tournées vers les marchés extérieurs.

Le miroir de cette orientation serait une politique qui pousserait les entreprises locales à se positionner massivement sur les marchés locaux et régionaux, telle que l’hypothèse 2 la stipule. Dans une logique de circuits courts et d’économie circulaire, la production agricole et

Question exogène Domaine : transition économique

Quelle stratégie de soutien aux filières agricoles et agro-industrielles ?

1/Les politiques soutiennent la compétitivité des filières agri-agro sur les marchés alimentaires d’échelle industrielle

2/La priorité est d’orienter la production vers la marché local-régional (Vallée de Seine et grand bassin parisien)

3/ La stratégie se concentre sur la montée en puissance des filières agri-agro positionnées sur les marchés des co-produits industriels alimentaires et non alimentaires

STRATYS !20 JUILLET 2014

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agroalimentaire normande vise en premier lieu à satisfaire la demande du grand bassin parisien.

L’hypothèse 3 contraste elle fortement avec les deux autres hypothèses, qui sont centrées sur les marchés alimentaires. Elle met l’accent sur les valorisations non alimentaires des produits agricoles, notamment pour approvisionner des filière bio-sourcées : chimie du végétal, éco-matériaux, agro-carburants, pharmacie. En rupture donc avec la vocation nourricière de l’agriculture, cette 3e hypothèse marque un tournant pour les filières locales, historiquement tournées vers les marchés extérieurs de produits agricoles et alimentaires.

(13) Une agriculture normande entièrement tournée vers les grandes cultures, les filières viande et lait. . Source : Agreste, Mémento Agricole 2012

(14) Un poids relatif des secteurs agricoles et agroalimentaires plus important en Vallée de Seine par rapport au reste de la France. Source : Agreste, Mémento Agricole 2012

STRATYS !21 JUILLET 2014

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Cette hypothèse 3 renvoie à une autre question-clé, tout aussi structurante et capitale pour la transition économique de la Vallée de Seine : quel développement de l’économie verte ?

(15) Constat sur le domaine des énergies dans la Vallée de la Seine. Source : Commissariat général pour le développement de la Vallée de la Seine, 2012

Pour être en mesure d’explorer plusieurs futurs possibles, l’atelier considère que cette question-clé traite d’une variable exogène, sur laquelle les acteurs s’ajustent et s’adaptent, plus qu’elles n’orientent ou fabriquent. La réalité est évidemment composite, de manière générale sur les leviers publics face aux mutations économiques, et encore plus sur cet enjeu majeur de l’économie verte.

Ainsi, le groupe énonce trois hypothèses très contrastées, tant sur l’ampleur du verdissement de l’économie de la Vallée, que sur les territoires les plus concernés, ou encore sur les filières qui portent ce développement. L’hypothèse 1 dresse une vision optimiste de l’avenir, en dessinant une Vallée de Seine, à la pointe en matière d’économie verte, tant sur les filières à haute valeur ajoutée avec de grands projets énergétiques sur l’éolien offshore et les biocarburants, et aussi à travers une lame de fond très puissante sur la rénovation énergétique du bâtiment. Autres filières en fort développement, le recyclage, l’écologie industrielle et l’économie circulaire, tirent la croissance des secteurs industriels et des services aux entreprises. L’économie verte en Vallée de Seine sous-tendrait une véritable transformation écologique du territoire et ne se limite pas à l’implantation d’activités industrielles « vertes », mais bien à une croissance des activités rendant possibles cette transition écologique : mobilité durable, agro-écologie, réduction de la vulnérabilité aux risques naturels dans la Vallée et sur le littoral, résilience aux risques industriels et technologiques, dépollutions des sites à restructurer, énergies nouvelles, optimisation du fonctionnement urbain (déchets, économie circulaire), performance énergétique du bâtiment.

En contrepoint total, l’hypothèse 3 acte l’échec de la Vallée de Seine dans le domaine de l’économie verte ; le territoire n’accueille pas de nouvelles filières, ni n’arrivent à alimenter le moteur « vert » du territoire, comme dans l’hypothèse 1, où la transition écologique tirait

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l’économie locale. Par conséquent, le défi du verdissement de l’économie est raté, ne réussissant pas à capter les flux d’investissements sur les grands projets énergétiques et peinant à mobiliser les acteurs locaux sur une refonte de leur modèle productif et urbain. Ces deux hypothèses décrivent deux trajectoires radicalement opposées, mais partagent un tronc commun avant de bifurquer. En 2013, la Vallée de Seine présente un potentiel de développement d’activités économiques dites « vertes » : dans l’hypothèse 1, ce potentiel est concrétisé par des créations d’emplois dans ces nouvelles filières, un effet d’entraînement sur l’ensemble de l’économie régionale, un levier pour la transformation écologique de la Vallée de Seine ; a contrario, dans l’hypothèse 3, ce potentiel reste à l’état de potentiel, avant de disparaître tout simplement, sous l’effet des restructurations touchant les sites industriels normands et l’érosion des avantages compétitifs, en matière de compétitivité logistique et portuaire, de fuite des cerveaux, de dégradation de la qualité de vie.

L’hypothèse 2 différencie les différents secteurs géographiques de la Vallée de Seine, en distinguant le secteur de l’estuaire, du reste du corridor Baie de Seine - Ile de France. Ainsi, le complexe industrialo-portuaire situé sur l’Estuaire récolte les fruits de sa stratégie volontariste sur l’écologie industrielle et les projets énergétiques ; la forte concentration industrielle facilite les échanges et les économies d’échelles entre les acteurs : des écosystèmes productifs se structurent et s’appuient sur des infrastructures logistiques - fluviales, maritimes et terrestres - pour conquérir les marchés du Bassin Parisien, de l’Europe continentale et à l’international via la voie maritime. Cependant, si les atouts productifs et la position géographique avantageuse de l’Estuaire ont permis au territoire de se positionner sur des filières émergentes et les faire monter en puissance, le reste de la Vallée de Seine accuse un retard à l’allumage sérieux. L’idée que le dynamisme de l’Estuaire puisse entraîner le reste de la Vallée de Seine dans son sillage se révèle inopérante dans la pratique, ce qui revient à dire que les secteurs en amont ou au sud doivent trouver un positionnement propre en matière d’économie verte ; sans être indépendantes des activités implantées sur l’Estuaire, l’économie verte des agglomérations caennaise et rouennaise fonde certainement sa spécificité sur autre chose que l’accès à la mer, l’accès au fleuve, la congruence des flux qui font de l’Estuaire à la fois un hub logistique et un carrefour industriel.

La transition économique de la Vallée de Seine est sous-tendue par le rebond et la poursuite de la croissance de ces filières considérées comme stratégiques : logistique, activités portuaires, économie verte, agriculture, agro-industries, énergie, industries traditionnelles. Le

Question exogène Domaine : transition économique

Quel développement de l’économie verte ?

1/La Vallée de Seine devient une terre d’excellence pour la croissance verte (énergies nouvelles, performance énergétique, recyclage, sobriété des ressources, économie circulaire, …)

2/ La dynamique des territoires est disparate sur le sujet de l’économie verte : l’estuaire (projet éolien offshore, écologie industrielle, …) tire son épingle du jeu. A contrario, les autres secteurs géographiques déclinent et ne parviennent pas à s’inscrire dans la nouvelle dynamique.

3/ Le territoire passe à côté des opportunités offertes par ces nouvelles filières y compris sur les projets d’envergure nationale (nouvel échec de l’AO du Tréport, abandon du projet de Fécamp…)

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territoire dispose de nombreux atouts productifs, même si certains apparaissent aujourd’hui vulnérables, ils peuvent tout autant servir de base à une diversification ou reconversion sur des filières d’avenir. Si les incertitudes sont réelles sur le devenir économique du territoire, il est toutefois certain que le système productif en Vallée de Seine jouera un rôle clé dans la montée en gamme environnementale du territoire, son attractivité démographique, l’organisation de l’espace tout au long du corridor Paris-Rouen-Le Havre.

P o u r t a n t , d e m a n i è r e r é t ro s p e c t i ve, l ’ é vo l u t i o n économique des 20 dernières années, montre clairement, le poids croissant du secteur des services, à la fois en ter mes d’emplois, mais également de PIB. Deux questions-clé sont apparues nettement : quelle politique touristique ? quel développement de l’économie résidentielle ?

(16)Des profils économiques proches entre les 2 Normandie, qui conservent des spécificités respectives. Source: INSEE, 2008.

(17) Un secteur des services dominé par les emplois publics et non-marchands. Source: INSEE.

STRATYS !24 JUILLET 2014

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L’enjeu touristique est largement partagé par les acteurs du territoire, qui considèrent volontiers qu’il s’agit d’un champ de coopération privilégié à l’échelle de la Vallée de Seine, en cohérence avec le schéma régional de développement du tourisme voté en 2006. Le tourisme, c’est un peu plus de 45 000 emplois salariés en 2009 (source: CRT Normandie / DADS), ce qui place la Normandie au 8e rang des régions françaises. L’atelier a choisi d’aborder la question du tourisme en Vallée de Seine sous l’angle de la constitution d’une offre touristique globale et de ses retombées économiques et sur l’image et l’identité du territoire. Trois hypothèses sont caractérisées pour la politique touristique. Dans la première hypothèse, le territoire n’arrive pas s’organiser et l’offre touristique reste morcelée à la fois tout au long de la Seine et aussi entre les différents types de publics et de pratiques touristiques ; la Vallée de Seine continue de vivre sur ses acquis, nombreux, mais on ne peut pas considérer que le secteur touristique soit un secteur moteur de l’économie du territoire, ou même qu’il exploite son potentiel de manière optimale.

A contrario, l’hypothèse 2 met l’accent sur le volontarisme et l’ambition du territoire en matière de développement touristique : l’offre de tourisme, de loisirs et au sens large l’offre récréative structure des activités économiques en fort développement, qui cumulées, deviennent le premier employeur de la Vallée de Seine (emplois directs et indirects). La dynamique touristique est profonde et structurante pour le territoire, son économie, son aménagement, son image et son identité. Le principe de bouquets communs d’activités entre les différents territoires tout au long de la Vallée, en lien avec le nouveau Grand Paris, est largement partagé et mis en oeuvre. La conquête de la clientèle francilienne est un succès, ainsi que la clientèle historique de la Grande-Bretagne ; les populations locales bénéficient également fortement de la diversification et l’élargissement de la gamme des activités touristiques et récréatives.

La 3e hypothèse se place aussi dans une trajectoire de dynamisme économique du secteur touristique, en insistant davantage sur les grands sites présents en Vallée de Seine. Si dans l’hypothèse 2, on assiste à un mouvement de fond, où l’ensemble du territoire est concerné par le tourisme, ici dans l’hypothèse 3, on mise uniquement sur les destinations à très fort potentiel, dans une logique de champions territoriaux. Cette politique de très g rands s i te s profite sur tout aux destinations déjà bien installées dans le paysage normand et où les équipements touristiques sont présents. La cohérence entre l’offre de ces grands sites n’est pas recherchée particulièrement ; on s’assure tout au plus qu’ils ne se fassent pas concurrence entre eux. (18)Une concentration impressionnante de destinations touristiques dans la Vallée.

STRATYS !25 JUILLET 2014

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Enjeu majeur pour la Vallée de Seine, la croissance du secteur touristique et la structuration d’une offre touristique intégrée à l’échelle du territoire dans son ensemble, démontre en même temps la diversité des atouts économiques de ce grand territoire. A côté des défis productifs - et plus particulièrement de la relance de l’industrie et de la montée en puissance de moteurs métropolitains sur l’économie de la connaissance - la Vallée de Seine regorge de richesses résidentielles, qui sont largement sous-exploitées. La question que pose l’atelier concerne l’équilibre entre les piliers productifs et résidentiels dans la transition économique de la Vallée de Seine. Du fait de son histoire et d’une réalité du développement marqué par une industrialisation du territoire, la Vallée semble toujours donner la priorité à sa base industrielle, avec une perception parfois que cela se fait au détriment de l’économie résidentielle. Alors que les secteurs industriels traditionnels traversent actuellement des turbulences majeures, allant jusqu’à mettre en péril leur existence, tous les gisements d’emploi sont bons à prendre, même ceux qui génèrent peu de valeur ajoutée.

La question est alors de savoir si les acteurs du territoire souhaitent ou sont capables de porter une politique économique visant à exploiter les ressources résidentielles du territoire, notamment l’attractivité par les aménités, la montée en gamme des services proposés, la capture de la valeur créée par les territoires voisins, et notamment l’Ile-France. La Vallée de Seine est-elle prête à fonder son mode de développement sur les secteurs d’emplois soutenus par la consommation des ménages ? Trois hypothèses sont mises sur la table.

Hypothèse 1, le territoire et toutes ses parties placent l’enjeu du développement de l’économie résidentielle, comme une priorité absolue et veulent en faire le moteur et le poumon de l’économie normande. En sus des emplois « classiques » liés au fonctionnement des territoires, les acteurs se concentrent sur deux segments de population à fort potentiel (de consommation) : les jeunes et les seniors. Cela se traduit par des politiques d’attractivité spécifiques en direction de ces publics, en travaillant sur les parcours résidentiels et sur le cadre et la qualité de vie.

Une autre hypothèse exprime un positionnement radicalement opposé, en faisant valoir la primauté de l’industrie et des activités productives en général sur tout autre mode de

Question endogène Domaine : transition économique

Quelle politique touristique pour la Vallée de Seine ?

1/ La Vallée de Seine est un territoire passif et subi; pas de réelle politique touristique

2/Le secteur du tourisme et des loisirs devient le premier employeur de la Vallée de Seine.

3/La politique touristique se concentre sur la promotion et la montée en puissance de quelques très grands sites sur la Vallée de Seine

Question endogène Domaine : transition économique

Quel développement de l’économie résidentielle en Vallée de Seine ?

1/ L’économie résidentielle devient le principal moteur de l’économie normande en s’orientant vers certains secteurs (jeunes, personnes âgées, …)

2/ Le potentiel industriel est privilégié au détriment du résidentiel (approche sur des temporalités différentes)

3/ Les territoires se spécialisent, certains sur le résidentiel, d’autres sur l’industrie

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développement, notamment résidentiel. Les activités de services à la population ne sont pas négligées en soit, mais sont considérées comme non prioritaires et subalternes ; l’essentiel de l’effort des acteurs du territoires portent sur le soutien aux filières productives. L’imaginaire du redressement normand passe inexorablement par une réindustrialisation. Les territoires emblématiques de la Vallée de Seine conservent une forte identification à l’industrie et projettent leur identité future à travers le prisme des usines et des ateliers. Une autre raison de cette focalisation sur les activités productives s’explique par une conjonction d’intérêts et d’évènements, qui font de la sauvegarde des sites productifs implantés en Vallée de Seine, un enjeu majeur et mobilisateur, au delà des clivages partisans. Dès lors, toute stratégie résidentielle s’inscrivant forcément dans la durée apparaît justement décalée par rapport à l’urgence de l’emploi et du déclin des territoires industrieux.

Enfin, une troisième hypothèse nuance le propos, en considérant les territoires de la Vallée de Seine, non pas comme un «  tout » homogène et devant s’aligner sur une même stratégie économique, mais comme une multiplicité d’entités, chacune avec ses spécificités. Cette vision circonstanciée laisse alors la place à une spécialisation choisie ou subie de chaque territoire, selon son projet, ses atouts ou ses possibilités réalistes de développement. Ainsi, la Vallée de Seine serait décomposée de territoires optant pour un mode de développement productif, d’autres pariant davantage sur sur une dominante résidentielle. Cette répartition spatiale et territoriale des modes de développement économique renforce les liens entre les territoires, sans qu’on ne sache pour autant s’il s’agit de relations équilibrées entre les territoires « productifs » et les territoires « résidentiels ».

(19) Seine-Normandie, une renommée mondiale

STRATYS !27 JUILLET 2014

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(20) Une sphère présentielle proche de la moyenne nationale pour le Calvados et la Seine-Maritime, sauf pour l’Eure dont la sphère productive est très supérieure

Ce balayage du champ des possibles des grandes évolutions économiques, provoquées, subies ou inattendues, met en évidence une large palette de possibilités pour un territoire comme celui de la Vallée de Seine. Alors qu’on aurait pu réduire le devenir économique à quelques considérations sur la logistique, les filières agri-agro, le secteur automobile, la chimie lourde ou la pétrochimie, ce premier temps d’investigation prospective montre l’existence de gisements nouveaux de valeur pour le territoire : énergies nouvelles, agro-industries, chimie verte, cosmétologie-pharmacie, pour n’en mentionner à nouveaux que quelques-uns.

Grappe de changements : transition énergétique

Le point commun de tous ces relais de croissance identifiés par l’atelier porte sur la présence actuelle d’atouts réels de Vallée de Seine, pour se positionner sur ces nouveaux filons ; dans cette prospective, les acteurs de la réflexion ne se sont pas projetés sur le développement de filières ex nihilo.

L’atelier s’est cantonné à rêver raisonnablement, en formulant des hypothèses lui apparaissant des pistes plausibles à poursuivre pour le territoire. Par exemple, dans le domaine de l’énergie, il est resté dans ce que la Vallée et la Baie de Seine semblent pouvoir faire : énergies marines, nucléaire de nouvelle génération, agro-carburants de nouvelle génération. Le développement des gaz de schistes, du solaire thermique ou de l’hydrogène n’ont pas été «  retenues », non pas parce qu’elles apparaissaient ubuesques ou sans intérêt, mais parce que la Vallée de Seine n’est pas a priori en mesure de rivaliser sérieusement avec les territoires qui qui se positionneront eux aussi sur ces segments de marché. Le gaz de schiste, pour des raisons réglementaires a été mis hors jeu. Le solaire thermique, le potentiel

STRATYS !28 JUILLET 2014

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local et les savoir-faire industriels manquent sur place. L’hydrogène, en revanche, est en partie considérée et forme le coeur de la 3e hypothèse à la question-clé « quel positionnement de la Normandie sur le marché de l’énergie ? ». Il s’agit d’envisager si la Vallée de Seine - élargie, en incluant le Cotentin - est à même de jouer un rôle, d’une part dans la transition énergétique de la France à long terme (2030-2050), et d’autre part, si le territoire parvenait à exister dans le paysage énergétique national et européen, avec quelle offre et quelle création de valeur pour sa population et ses entreprises.

Ainsi, l’hypothèse 3 parie sur une rupture technologique, économique, organisationnelle et urbaine, emmenée par le développement de l’énergie hydrogène et la structuration d’un écosystème urbain et productif, autour de ce nouveaux système énergétique. D’inspiration « Rifkinienne », la Vallée de Seine miserait pleinement sur l’hydrogène pour enclencher et soutenir une IIIe révolution industrielle, alimentée par une énergie propre et abondante. Le raisonnement est semble tout assez classique, et l’analogie historique évidente avec le charbon, le pétrole, l’électricité… Pour autant, l’avantage compétitif qu’aurait la Vallée de Seine, en bénéficiant d’une énergie bon marché explique seulement une partie de ce renouveau industriel. En effet, pour rendre possible et viable ce système énergétique axé sur l’hydrogène, c’est le fonctionnement de l’ensemble de la ville qui est revisité : smart grids pour optimiser la consommation énergétique, et l’adéquation entre l’offre et la demande, isolation des bâtiments, cogénération des bâtiments qui deviennent des centres de production énergétique, généralisation des systèmes d’énergies renouvelables (éolien, solaire, méthanisation). La Vallée de Seine vise clairement l’autonomie énergétique et soutient le développement des filières industrielles qui la rendent possibles : boom de la rénovation et la construction avec des standards énergétiques volontaristes, fabrication des équipements de stockage, de production et de distribution, mise en relation des acteurs de l’énergie à travers les smart grids. Une autre condition de cette alternative énergétique consiste dans sa dimension collaborative et son organisation décentralisée. Dans ce système, la production d’énergie n’est plus quasi exclusivement centralisée, comme elle est l’est aujourd’hui, mais répartie entre de grands sites de production et un ensemble de petites unités, localisées au plus proche des bassins de consommation, voire au point de consommation même. Les TIC jouent un rôle central dans l’émergence de ce nouveau système et contribuent à la construction d’une ville intelligente, non pas parce que la technique l’a envahit et l’automatise, mais parce qu’elle permet un ajustement en temps réel de besoins des habitants et de l’offre de services apportée par la collectivité et les entreprises. Cette 3e hypothèse constituerait une véritable rupture, au sens où elle bouscule le fonctionnement du territoire, les bases de sa compétitivité, l’organisation entre les acteurs, les modes de vie, la morphologie de la ville et ses temporalités.

(21)Les 5 piliers (interdépendants) de la 3e révolution industrielle selon J.Rifkin

STRATYS !29 JUILLET 2014

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Une autre alternative est également posée, en décalage fort avec cette hypothèse 3. Elle est constituée des deux faces d’une même pièce, qui serait le modèle dominant actuel, axé sur un système énergétique national très centralisé et des réseaux de distribution performants, hiérarchisés et maillant efficacement le territoire. Dans l’hypothèse 1, la vision du futur est optimiste avec le maintien de la Vallée de Seine comme un territoire grand producteur d’énergie, avec la poursuite des bases historiques autour du nucléaire, le maintien du hub hydrocarbures avec les ports, le développement des énergies marines prenant la forme de grands parcs éoliens offshore et de fermes hydroliennes, la massification d’une filière agro-énergie et des systèmes d’appoint de production thermique d’électricité (charbon, gaz, pétrole).

(22) Haute-Normandie : une région, des énergies ! (2013)

STRATYS !30 JUILLET 2014

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La Normandie poursuit donc son développement dans le secteur de l’énergie, diversifie ses modes de production (énergies marines, nucléaire nouvelle génération), sécurise son approvisionnement en amont (routes maritimes, partenariats géopolitiques), augmente ses capacité de stockage (hydrocarbures) et investit dans ses réseaux de distribution vers le bassin parisien (pipelines, dessertes terrestres, hub énergie à l’entrée du Bassin Parisien). Cette stratégie consolide la stature mondiale de la Vallée de Seine sur la scène énergétique. Cette course à la taille donne la belle part aux grands acteurs et renforce le caractère centralisé du système énergétique : grands sites de production massifiés et grands tuyaux pour acheminer l’énergie, pour amortir les infrastructure, générer des économies d’échelles et conserver les positions de la Vallée de Seine envers les territoires clients, situés dans la mégalopole parisienne. Voilà pour le côté pile. Pour le côté face, la baisse relative du poids du nucléaire dans le mix énergétique français, puis la décision européenne de « sortir » progressivement du nucléaire, ont fragilisé les activités de production d’électricité de la Normandie, au point qu’elle devienne importatrice nette d’électricité à l’approche du basculement dans la seconde moitié du siècle. A cela se combine un déclin rapide des filières pétrolières, à la fois en raison du manque de compétitivité de l’appareil industriel pétrochimique de la Vallée de Seine et d’une réorganisation mondiale des marchés des hydrocarbures conventionnels, orientés massivement vers les économies « émergées » des BRICS ; le bloc Amérique du Nord étant devenu autonome énergiquement grâce aux gaz et pétrole de schistes aux Etats-Unis, au Canada, aux nouveaux gisements offshore dans le Golfe du Mexique et dans l’Arctique. Dans le même temps, derrière la façade de quelques opérations d’envergure nationale sur les énergies marines, les puissances installées des énergies renouvelables pèsent à peine 10% du mix énergétique global, trop peu pour faire levier et permettre à la Vallée de Seine d’exister dans ces filières vertes porteuses.

Ces trois positionnements sur le marché de l’énergie se croisent avec l’évolution générale du marché mondial, dont l’indicateur de référence est le coût de l’énergie. A cette question-clé sur les coûts, l’atelier a identifié quatre hypothèses possibles, qui portent à la fois sur le prix in fine de l’énergie pour le consommateur, sur les déterminants de ces coûts et sur la stabilité des prix. La première hypothèse, relativement conventionnelle, envisage une hausse sensible mais progressive du coût de l’énergie, impulsée par une régulation publique volontariste. Cette fiscalité écologique jouerait sur les prix de consommation, pour envoyer un «  signal  » aux agents économiques - ménages et entreprises - afin de les stimuler dans l’adaptation de leurs comportements ; l’augmentation régulière du prix des carburants inciterait à des pratiques plus vertueuses en matière de mobilité, l’augmentation du prix de

Question endogène Domaine : transition énergétique

Quel positionnement de la Normandie sur le marché de l’énergie ?

1/ La Normandie devient un pôle mondial des énergies nouvelles dans un modèle centralisé et massifié ((production-stockage-distribution)

2/ La Vallée de Seine devient importatrice nette d’énergie en raison d’une sortie du nucléaire et d’un faible développement des énergies renouvelables

3/ L’autonomie énergétique est à la base d’une IIIe révolution industrielle (RIFKIN) avec le développement des énergies renouvelables, de l’hydrogènes, des smart grids, des bâtiments intelligents …

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l’électricité ou du gaz rendrait plus ‘rentables’ les investissements relatifs à la performance énergétique.

(23) Part budgétaire du carburant selon le niveau de vie (1985-2006). Source : CGDD 2011, Enquêtes Budget de Famille 1985, 1989, 1995, 2001 et 2006.

Cette hypothèse s'appuie sur les idées des partisans d’une taxe carbone ou contribution climat-énergie, visant à internaliser les coûts indirects des énergies émettrices de gaz à effet de serre et orienter les agents vers des pratiques vertueuses. Des premiers signes crédibilisent en partie cette hypothèse dès aujourd’hui, avec l’instauration d’un système de quotas d’émissions de CO2 pour le secteur énergétique en Europe, l’extension de ce système au transport aérien en Europe, la mise en place d’une fiscalité carbone en Chine, la mise en place d’une contribution climat-énergie en France à partir de 2015, l’effectivité de cette taxation «  carbone  » dans les pays scandinaves ou encore l’Allemagne. De nombreuses questions restent toutefois en suspens, notamment sur les paramètres économiques et financiers d’une telle fiscalité, avec en particulier la question du prix du carbone. Même si ce prix est variable et a vocation à évoluer dans le temps, selon une logique de marché ou un volontarisme du régulateur, les économistes, les acteurs politiques, les acteurs économiques et sociaux ne parviennent pour l’instant pas à converger sur cette question. Aussi, l’enjeu de la gouvernance continue de diviser, d’autant plus que cette fiscalité écologique est perçue par l’opinion et le monde de l’entreprise, comme une taxe supplémentaire, qui viendrait s’ajouter à une pression des prélèvements obligatoires, où la France est déjà en tête des pays de l’OCDE.

(24)La France, championne des prélèvements obligatoires des pays de l’OCDE.

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Ainsi, si l’hypothèse d’une «  maîtrise des prix  » de l’énergie peut être accueillie favorablement, l’ampleur de la refonte fiscale demeure très incertaine ; deux chemins s’offrent aux gouvernants : des ajustements successifs dont la cohérence serait difficile à maintenir, mais qui ont le mérite de laisser l’opinion s’acclimater à ce changement progressif, ou une remise à plat plus ambitieuse pour convertir la fiscalité sur des fondements beaucoup plus environnementaux. Cette première hypothèse, bien que traduisant une hausse sensible - multiplication de 2 à 3 des prix - est néanmoins une hypothèse qu’on peut qualifier d’optimiste, dans la mesure où le régulateur public garde une certaine marge de manoeuvre et peut encadrer ou tout du moins agir sur le processus d’évolution des prix, via le levier fiscal.

Les hypothèses 2 et 3 relèvent d’un tout autre registre. L’hypothèse 2 dessine une perte de contrôle totale des acteurs publics sur les prix de l’énergie. Dans l’hypothèse 2, une crise énergétique mondiale démarre dès 2020, déclenchée par des tensions géopolitiques, des tensions liées à aux difficultés des pays producteurs à suivre la croissance effrénée des BRICS et de l’Afrique. Le baril franchit durablement le seuil des 200$, qui devient rapidement un plancher ; le choc est brutal, se produit en une année à peine, sans retour en arrière. Toutes les énergies s’alignent sur les prix du pétrole, entraînant une flambée des prix du gaz, de l’électricité, en raison des logiques de marché et d’une poursuite de la libéralisation du secteur de l’énergie, tant en Europe que partout dans le Monde. C’est une hypothèse qui mettrait la Vallée de Seine dans une position ambivalente. D’un côté, son tissu industriel et logistique, son système urbain, tous deux très sensibles aux variations du coût de l’énergie, subiraient les effets directs de cette hausse des coûts énergétiques. D’un autre côté, avec un niveau de baril au dessus de la barre des 200$, la rentabilité des pétroliers apparaît vertigineuse et ferait plus qu’assurer la viabilité des installations pétrochimiques existantes. Avec ce prix du pétrole, la pertinence des énergies renouvelables est renforcée, et les flux d’investissements vers ce secteur garantis. D’une certaine manière, la Vallée de Seine est certes très sensible aux variations du coût de l’énergie, mais présente une vulnérabilité moindre par rapport à d’autres territoires, qui n’ont pas de potentiel pour rebondir sur cette vague de renchérissement.

La 3e hypothèse poursuit les tendances telles qu’on peut les lire aujourd’hui ; le fonctionnement du marché de l’énergie est mondialisé, libéralisé, traversés par des soubresauts conjoncturels et mus par une évolution structurelle liée à la nécessité de diversifier le mix énergétique mondial et de poursuivre l’exploration de nouvelles ressources d’hydrocarbures dans les régions devenues accessibles comme l’Arctique ou les fonds océaniques. Cette hypothèse, jugée comme tendancielle, ne modifie donc rien aux grands

Question endogène Domaine : transition énergétique

Quelle évolution du coût de l’énergie ?

1/ Le prix de toutes les énergies augmente fortement mais progressivement et sur la durée, avec une forte régulation publique (fiscalité écologique) : x3 pour le kwh électrique, x2 pour le kwh gaz, x3 pour le litre à la pompe)

2/ Crise énergétique majeure et brutale en raison d’une flambée des cours du pétrole, avec un baril qui a franchi la barre des 200$ dès 2020.

3/ Le marché énergétique mondial garde plus ou moins les mêmes équilibres, mais la volatilité des prix est extrême (baril entre 50 et 350$)

4/ Une rupture technologique et la maîtrise de la demande stabilise l’évolution des coûts de l’énergie au même rythme que l’inflation

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équilibres économiques et géopolitiques du marché de l’énergie. La différence par rapport à la période post-chocs pétroliers (1974 et 1979) tient au fait que la volatilité du cours du baril n’aura jamais été aussi forte, avec un cours oscillant entre 50$ et 350$. Il est difficile de dire si l’hypothèse 2 d’explosion « durable » du cours au delà de la barre des 200$ est préférable à cette hypothèse 3 de volatilité extrême des prix. On conviendra que ni l’une ni l’autre ne sont souhaitables.

Enfin, la quatrième hypothèse de cette question-clé peut être perçue comme un changement providentiel. Elle met en scène une rupture technologique majeure, qui réglerait d’un même tenant les problèmes de coût et de pollutions. Le progrès technique sauve le Monde. Pour compléter le tableau, une politique volontariste de maîtrise de la demande porte ses fruits, permettant de réduire la consommation de moitié à l’horizon 2040-2050.

(25)Evolution du prix du baril de pétrole en dollars constants (1861-2012). Source : BP Statistical Review, 2013

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Grappe : modes de vie

Dans toute prospective, les changements liés aux modes de vie sont intégrés dans la réflexion, malgré plusieurs difficultés : les conservatismes inconscients des participants ou les exagérations, le peu de documentation fiable sur ces sujets, la difficulté de discerner les spécificités d’un territoire, par rapport à des évolutions de fond de la société. Tenant compte de ces limites, l’atelier aboutit à formuler cinq questions-clé, auxquelles on peut également associer deux questions traitant de l’habitat, davantage sous l’angle des usages et pratiques, que sous un angle fonctionnel, programmatique ou urbanistique.

Le champ semble infini quand on touche aux modes de vie…Pour cadrer la réflexion, on peut organiser les questions autour de trois pivots : la famille, le travail, le temps.

« Quelle évolution de la famille ? », à cette première question, le groupe formule trois hypothèses, non totalement exclusives les uns des autres, parce qu’elles expriment davantage des dominante et peuvent désigner des états dans une vie, plus que des modèles permanents valables pour toute la population. L’hypothèse 2, qui pourrait apparaître réactionnaire pour certains, au vu de l’observation des moeurs des 30 dernières années, est celle où la famille nucléaire demeure le modèle de référence : un couple, des enfants, un même toit, pour toute une vie durant. Le retour en grâce de ce modèle traditionnel s’expliquerait autant par une résurgence de valeurs morales plaçant la famille comme l’élément essentiel de toute une vie, que par des raisons «  pratiques  » justifiées par une situation économique et sociale qui fragilise les individus seuls ou l’instabilité. L’individu se réfugie donc dans sa famille, autant par nécessité, voire plus que par désir. Une autre hypothèse qui partage l’importance de la famille dans la construction de l’individu et sa vie sociale avec cette première hypothèse, acte la généralisation des familles recomposées : un individu a plusieurs familles. En 2011, selon l’enquête Familles et Logements de l’INSEE, près de 30% des enfants vivaient dans une famille recomposée ou monoparentale.

A l’échelle de la France, on comptait plus de 730 000 familles recomposées, soit 9% des familles avec un enfant mineur. Ainsi, dès aujourd’hui, on approche la grandeur d’une famille sur trois appartenant à un modèle différent de la famille traditionnelle, même si celle-ci représente toujours une très large majorité des familles existantes. L’hypothèse 3 tranche avec ces deux premières hypothèses, qui prennent comme invariant une place centrale de la famille, quelque soit sa forme. Elle ne dit rien sur les formes familiales, traditionnelles, recomposées, monoparentales, ou sur les unions entre hétérosexuels, homosexuels, des mixités

Question exogène Domaine : Modes de vie

Quelle évolution de la famille ?

1/ Les politiques publiques favorisent l’émergence de communautés d’habitation qui deviennent de « nouvelles familles »

2/ Des factures économiques et des raisons morales poussent vers un retour d’un modèle familial plus traditionnel

3/ Les familles recomposées se généralisent : un individu a plusieurs familles

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ethniques ou sociales. Elle pointe un tout autre phénomène, où le dicton populaire qui dit « qu’on ne choisit pas sa famille (ou belle-famille, variante…) s’avère daté. L’individu choisit dans cette hypothèse, une communauté d’habitation, c’est-à-dire une forme d’habitat participatif, où les occupants partagent les mêmes valeurs et un même projet d’habitat. En quelque sorte, cette communauté d’habitat devient la nouvelle «  famille  » de cet individu, dans le sens où il vit et participe à l’aventure de cette collectivité humaine. La communauté d’habitation n’est qu’un exemple visant à montrer l’existence de nouvelles formes de vie collective, qui n’ont rien à voir avec les attaches familiales, et qui répondent aux aspirations de certains à rompre l’anonymat ou l’individualisme de la société. Les valeurs d’entraide et de solidarité, ainsi que l’écologie fondent souvent ce type de communautés ouvertes (ce ne sont pas des sectes ! ). Le terme communauté doit se comprendre très distinctement du phénomène communautariste, qui est exclu de cette hypothèse.

(26) Rappel des faits : près de 30% des familles sont des familles recomposées ou monoparentales.

Deuxième pivot, le travail ? Alors que les formes et sources de création de valeur pour la société (et les territoires) ne cessent de se diversifier, le travail ou plutôt l’emploi, continue de former une valeur cardinale du fonctionnement de la société. Entre ceux qui ont un emploi et ceux qui n’en ont pas, la différence de situation sociale est indéniable. Entre ceux qui ont un emploi stable et celui qui ont un emploi précaire, la différence est notoire. Entre ceux qui ont un emploi rétribué à sa juste valeur et permettant de satisfaire dignement aux besoins élémentaires et ceux qui sont cantonnés à des emplois peu rémunérés leur permettant à peine de survivre. Une grande variété de lignes de démarcation existe entre les « in » et les « out ». Ceux qui sont rentrés durablement sur le marché du travail et s’y frayeront un chemin, et ceux qui essayent d’y rentrer, sont laissés à la porte, y mettent un pied, en sont éjectés, y reviennent par la petite porte, tout un monde les sépare.

Dans un contexte de crise économique et sociale, le monde du travail génère plus qu’inquiétudes qu’il ne suscite d’espérance auprès de la population. Ainsi, à la question de l’évolution des parcours professionnels, l’atelier pose trois réponses possibles.

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La première hypothèse, résolument optimiste, parie sur l’efficacité des actions rendant effective une gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC). Cette gestion se ferait à l’échelle territoriale du grand marché de l’emploi de la Vallée de Seine, en liaison avec les grands bassins voisins. Elle permettrait aux actifs de construire des parcours professionnels diversifiés, tout en restant sur le territoire, et en fonction de leurs compétences. Les entreprises disposent par ce biais d’un vivier de personnel, formé, compétent, productif, pour soutenir l’activité. La sécurisation des parcours professionnels devient également une réalité, avec un appareil de formation continue, réactif et adapté, aux besoins de reconversion des personnes, d’accompagnement des branches et filières devenant se repositionner sur de nouveaux métiers ou segments de marché. Cette GPEEC territoriale entraîne une mobilité géographique plus importante qu’aujourd’hui, mais la différence tient au fait qu’il s’agit désormais de flux inter-territoires internes à la Vallée de Seine, et non vers l’Ile-de-France ou d’autres régions françaises. Cette hypothèse recueille évidemment l’assentiment de tous les acteurs, à la fois parce qu’elle répond à un double enjeu de compétitivité des entreprises et de cohésion sociale pour la population.

Toutefois, les modalités de cette GPEEC territoriale restent encore à définir : doit-elle se faire de manière globale à l’échelle du territoire en inter-branches ? à l’échelle de chaque bassin d’emploi ? par branche ou filière professionnelle ? L’articulation avec l’appareil de formation initiale doit-elle resserrée, orientant de fait les filières de formation vers les besoins des entreprises locales ? Quelle attitude adopter face aux filières déclinantes et « perdues » à terme ? Si le principe d’un parcours sécurisé pour tous est unanimement partagé, l’écart entre le voeu pieu et une vraie politique dans ce domaine semble encore très tenu.

A défaut de cette GPEEC territoriale ou de GPEEC à l’échelle de chaque entreprise, c’est la logique du marché et de la loi du plus fort qui l’emporterait. C’est le sens de l’hypothèse 2, qui postule d’une instabilité chronique du marché du travail et d’une GRH qui s’apparente davantage à de la gestion de main d’oeuvre qu’à une gestion des personnes et de leur compétence. La précarité devient la norme, alors que les accidents de parcours sont parcours. Le territoire se retrouve avec des groupes d’actifs dont les compétences se trouvent en inadéquation avec les besoins des entreprises locales. La concurrence sur le marché du travail aligne les pratiques vers le moins-disant social et pèsent sur les salaires et le pouvoir d’achat des ménages. Cette spirale infernale est entretenue par une conjoncture économique défavorable et surtout une structure économique de la Vallée de Seine très exposée aux fluctuations du marché national et international ; un bon nombre de secteurs économiques de la Vallée de Seine arrive en fin de cycle et le manque d’anticipation des acteurs met un nombre croissant d’ouvriers, d’employés et de techniciens sur le carreau. Les politiques d’accompagnement de ces publics sont faibles et ne réussissent pas à les reconvertir vers de nouveaux types d’emplois. Les personnels qualifiés adoptent leur stratégie résidentielle et

Question endogène Domaine : Modes de vie

Quelle évolution des parcours professionnels ?

1/ L’amélioration de la GPEEC et de la GRH permettent des parcours professionnels diversifiés et sécurisés sur le territoire

2/ Sous l’effet de la précarité économique et en l’absence de stratégie locale, les parcours professionnels deviennent de plus en plus hachés

3/ L’hypermobilité géographique et professionnelle est devenue la norme

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émigrent vers d’autres régions plus dynamiques ou se relocalisent sur les secteurs géographiques où l’accès à l’Ile-de-France est performant. La Vallée de Seine entre sur une pente plus ou moins douce, glissante vers le bas et n’arrive pas à sortir de ce mécanisme perdant.

(27) Des situations départementales très contrastées du marché de l’emploi, qui semblent toutefois relativement synchrones avec les grands cycles nationaux

Dès lors, si cette 2e hypothèse affiche un visage sombre de la situation de l’emploi en Vallée de Seine et de ses conséquences sur les parcours professionnels, elle ne simule en réalité que le résultat d’une incapacité à suivre la trajectoire tracée par la première hypothèse autour de la GPEEC territoriale. On anticipe, on planifie, on accompagne le changement ou on laisse le marché faire. En période de croissance, le marché gaspille, mais le gâteau étant plus grand, un plus grand nombre de personnes en profite ; en période de crise, l’allocation par le marché des ressources est très efficace et efficiente à tout point de vue, mais la gestion sociale des emplois n’est pas à l’ordre du jour.

Pour sortir de cette vision manichéenne opposant la « gentille régulation au méchant marché », une 3e hypothèse replace la focale sur l’individu, qui reprendrait en main sa liberté et l’exercerait entièrement en matière d’emploi. La loyauté à une entreprise devient un concept suranné, alors que les individus passent d’entreprise en entreprise, construisant eux-même leur parcours professionnel.

La mobilité professionnelle est encouragée et normalisée : en 10 ans, un individu doit avoir occupé trois à quatre postes, soit plus de vingt postes différents pour une carrière de 45 ans ! Le fait nouveau porte également sur le fait que cette mobilité n’est plus uniquement professionnelle, mais tout autant géographique. L’ancrage territorial d’un actif se révèle tout relatif et la problématique des couples bi-actifs devant choisir leur localisation résidentielle se généralise. La régulation du marché du travail s’effectue donc de manière très libérale, avec des salariés et des entreprises habituées à se séparer à l’amiable…Cette flexibilité du marché du travail modifie profondément les habitudes des personnes, habituées à organiser leur vie autour de leur habitat, de leur famille et de leur travail. Dans cette hypothèse, la mobilité professionnelle rejaillit sur la mobilité résidentielle, qui rejaillit elle-même sur la vie sociale des

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personnes, amenées régulièrement à se reconstituer des réseaux de relations à chaque déménagement-emménagement.

En complément de cette lecture sociale et économique du travail, une autre interpellation prospective porte sur l’organisation du travail et aborde des notions autant culturelles que techniques sur le mode de management à la française. Cette question, c’est celle du télé-travail, vieux serpent de mer du monde des organisations, ou remises sur le devant de la scène à travers l’omniprésence des technologies de l’information et de la communication, qui teintent d’ubiquité une part croissante des sphères privées et publiques de la vie des personnes.

Est-ce qu’en 2040, le travail, ce sera toujours un ouvrier posté sur une chaîne, un cadre derrière son bureau, un conducteur de bus derrière son volant, un instituteur devant ses élèves, une infirmière à l’hôpital ou encore un bucheron dans sa forêt ? En effet derrière le télé-travail, ce n’est pas seulement l’organisation du travail dont il est question, mais bien du degré de dématérialisation ou plus largement des formes alternatives d’interactions sociales s’émancipant d’une situation de co-présence. Les travailleurs ont-ils besoin d’être ensemble à temps plein pour mieux travailler ? Ont-ils intérêt à se travailler dans un tiers lieu même quand les conditions techniques ne l’exigent pas ?

(28) Part des habitants natifs de leur région de résidence en 2007

L’atelier expose quatre possibilités contrastées sur l’ampleur du télé-travail dans la société.

Question exogène Domaine : Modes de vie

Quelle importance du télé-travail ?

1/ Le télé-travail devient la norme dominante du monde professionnel avec plus de la moitié des actifs travaillant au moins 1 jour par semaine et plus du quart plus de 3 jours

2/ Le télé-travail reste marginal pour des raisons autant culturelles qu’organisationnelles (manque de place à domicile)

3/ Le télé-travail est très développé, mais seulement dans certains secteurs, certaines fonctions et certains métiers (les entrepreneurs, les cadres du tertiaire plus que les employés et ouvriers)

4/ Les centres de télé-travail se généralisent dans tous les territoires et compte un quart de la population active comme usages réguliers

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L’hypothèse 1 fait du télé-travail le modèle dominant et la norme dans le monde professionnel, avec plus de la moitié des actifs montrant des pratiques et usages relevant du télé-travail. Ce serait une véritable rupture par rapport à une situation actuelle au moins d’un salarié sur dix peut être qualifié de télé-travailleur. Cette rupture illustrerait les changements profonds dans les styles de management des organisations, avec un niveau de délégation et un degré d’autonomie, sans comparaison aucun avec la situation actuelle. L’individualisation du travail pose un défi à la cohésion d’équipe, tout comme elle stimule de nouvelles formes collaboratives et d’interaction entre les personnes, encouragées à prendre des initiatives et à gérer leur travail. Les conséquences sur les déplacements domicile-travail de ce type de changement sont énormes, avec un actif sur deux en situation de télétravail au moins un jour de semaine, c’est comme si on enlevait 50% du trafic un jour de semaine, ou 10% tous les jours de semaine, matin et soir.

(29) Diffusion du télétravail dans les pays de l'OCDE en 2008. Source : Centre d'Analyse Stratégique 2009, d'après plusieurs organismes (SIBIS, Gartner...)

Deux autres hypothèses vont dans le sens d’un développement du télé-travail mais dans des proportions moindres. L’hypothèse 3 réserve le télétravail à certains métiers, professionnels et niveaux hiérarchiques, arguant du fait qu’avec des personnes parfaitement autonomes dans leur travail, l’entreprise disposait d’un gage de productivité plus fiable, qu’avec des salariés subordonnés hiérarchiquement. On observerait une grande disparité entre les actifs sur ce critère du télétravail, avec les catégories socioprofessionnelles supérieurs ayant plus l’usage du télétravail, les employés, ouvriers, techniciens et agents de maîtrise poursuivant des formes d’organisation du travail plus conventionnelles et hiérarchiques. Dans cette hypothèse, le télé-travail devient un marqueur de statut social, à la différence de l’hypothèse 4 où le télétravail concerne toutes les catégories d’emplois et tous les secteurs. En revanche, contrairement à l’hypothèse 1 où le télé-travail s’effectuait à domicile, les actifs

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iraient dans des tiers lieux pour exercer leur activité, en dehors de leur domicile et du lieu d’implantation de leur entreprise. Plus d’un quart de la population active utiliserait régulièrement ces centre de télé-travail.

La dernière hypothèse (n°2) tranche avec ces trois premières qui installaient durablement le télé-travail dans le paysage professionnel, puisque cette forme d’organisation resterait tout simplement marginale, voire anecdotique. Les raisons de ce désamour pour le télétravail sont tout à la fois culturelles, organisationnelles, techniques et juridiques ; tout concoure à discréditer le télétravail ou travail à distance comme une forme compatible avec la vie des entreprises, le travail collaboratif et le travail de groupe.

Enfin, 3e pivot des modes de vie, le rapport au temps. Les individus courent-ils après le temps, maîtrisent-ils leur emploi du temps, sont-ils encerclés par des contraintes de temps ? La journée s’organise-t-elle autour du travail, des loisirs, des affaires personnelles ? Les journées se ressemblent-elles ? Cette question-clé de l’organisation du temps des individus pose en filigrane celle du fonctionnement de la société.

Dans l’hypothèse 1, c’est la collectivité qui en fixant des règles optimales pour le fonctionnement des services rendus (petite enfance, établissements d’enseignement, administration, transports, services de santé, équipements sportifs, etc.) définit par conséquent un cadre commun à tous les habitants du territoire, qui n’ont d’autre choix que de rentrer dans le cadre et d’y inscrire le déroulé de leur journée de manière compatible. Les rythmes scolaires séquencent l’organisation de la journée, de la semaine et de l’année des familles par exemple.

L’hypothèse 2 contrebalance totalement cette vision où la société régirait les temporalités individuelles et collectives. Les individus disposerait d’une totale maîtrise de leur emploi du temps, de la gestion de leur temps. La journée est toujours de 24h, mais les individus sont en mesure de choisir comment occuper ces 24h et l’ordonnancement de leurs activités. C’est une vision plutôt idyllique et sans doute utopique ; l’idée à retenir tient surtout à une reprise en main des individus et un refus de s’aligner sur des règles collectives qui seraient orthogonales à leurs usages individuels.

L’hypothèse 3 aborde la question sous un autre angle, par le trébuchement des TIC, qui bouleverseraient le rapport au temps des individus ; la césure entre la sphère privée et la sphère professionnelle disparaîtrait peu à peu, pour fusionner à terme, tant les outils et les nouvelles d’organisation du travail, ont transformé les individus en des agents économiques

Question exogène Domaine : Modes de vie

Quelle organisation du temps des individus ?

1/ la journée des individus est régie par l’organisation collective des temps

2/ les individus ont une maîtrise totale de la gestion de leur temps

3/ Il n’y a plus de distinction entre temps personnel et temps professionnel (en raison des TIC notamment)

4/ L’amélioration de la compétitivité économique force les employés/salariés à augmenter leur disponibilité (concurrencialité)

STRATYS !41 JUILLET 2014

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pouvant produire partout à tout moment, mais libre de le faire à leur façon, tant que le résultat est garanti dans les délais. L’individu est donc à la fois plus libre de la gestion de son temps, avec une contrepartie d’assujettissement à des règles de productivité et de performance mesurée par les résultats. La maîtrise du temps est déléguée à l’individu, sans augmentation du contrôle, mais les obligations sont renforcées quant au respect des règles de la collectivité : « faites comme bon vous semble, du moment que cela ne perturbe pas le fonctionnement de l’ensemble ».

L’hypothèse 4 abandonne toute idée de progrès social ou de changement sociétal sur ce rapport au temps. L’impératif de performance force les individus à se rendre totalement disponible pour «  la cause », que celle-ci soit marchande, économique, sociale ou culturelle. L’individu est à la disposition de son employeur, du groupe auquel il adhère, de son quartier, de sa famille, de son réseaux de relations ; son temps ne lui appartient plus réellement, ce sont les autres et ses engagements envers les autres qui déterminent l’utilisation de ce temps et son organisation.

La famille, le travail, le temps. Les modes de vie dans cette prospective peuvent se lire à travers ces trois valeurs pivot et leurs conséquences sur le fonctionnement des territoires. Il est certes difficile de tracer un lien direct entre des valeurs, des modes de vie, des goûts, des habitudes, des préférences, des désirs, des aspirations, et des politiques publiques sensées être rationnelles et objectives. Pourtant, même si le balayage du champ des possibles sur cette thématique des modes de vie est très loin d’être exhaustif, il montre indubitablement l’extraordinaire complexité des phénomènes sociaux, des choix individuels et du vivre-ensemble.

La question-clé suivante est endogène. Elle formule plusieurs postures de la puissance publique face à la diversité des modes de vie de la population de la Vallée de Seine (comme de tout autre grand territoire). Elle interroge la capacité et la volonté des politiques territoriales, de s’adapter au mieux à l’individualité de chaque cas - individu ou entreprise - et de leur proposer des solutions sur-mesure à leurs besoins et attentes. Sans tomber dans un raisonnement caricatural, on aurait d’une part une approche globalisante, homogène, rationalisée, cherchant à apporter une réponse satisfaisant au plus grand nombre, puis à gérer au mieux les cas non alignés sur la norme, d’autre part, une approche différenciée, spécifique, circonstanciée à chaque cas particulier, dans le but d’apporter une réponse optimale, mais au

D'après l'ouvrage de Jean Viard "Eloge de la mobilité" (2006)

L'auteur, un sociologue, indique que le temps hors travail a considérablement augmenté. En un siècle, il est passé de 12% de la vie éveillée d’un homme à 40%. Parallèlement, le temps de travail a chuté, passant de 200 000 heures dans une vie en 1900 à 67 000 heures aujourd’hui tandis que l’espérance de vie s’est considérablement accrue. Le temps libre a été multiplié par 5, représentant 15 années de la vie d’un individu contre 3 années en 1900. Le temps de sommeil moyen est passé quant à lui de 9 heures par nuit en 1900 à 7h30 heures actuellement.  NB : Ce ne sont bien évidemment que des moyennes.

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risque de ne pas être en mesure de répondre au plus grand nombre (pour des raisons organisationnelles et financières).

Quatre hypothèses tentent de baliser les positionnements politiques possibles pour les acteurs du territoire.

Première hypothèse, les politiques territoriales se calent sur un modèle dominant. Elles identifient les besoins majeurs de la population dans son ensemble et calibrent leurs politiques pour toucher ces publics majoritaires, les accompagner dans leurs choix, dans leurs modes de vie. Les politiques ne discutent pas du caractère vertueux du modèle dominant de société ; les politiques suivant, donnent à la population ce qu’elle demande et souhaite. La population aspire à devenir propriétaire en dehors des grands centres urbains ? Les politiques territoriales soutiennent la construction dans les espaces ruraux et périurbains. La population veut la semaine des 4 jours pour les écoliers, si les pouvoirs locaux en ont la compétence, ils distingueront la Vallée de Seine des autres régions françaises. La population exprime des craintes sur sa sécurité et exige une présence policière accentuée ; un grand programme de vidéo-protection est engagé. Dans cette hypothèse, la puissance publique ne véhicule pas de message moral particulier ; elle ne cherche plus à influencer les pratiques, les usages ou les modes de vie. Elle vise à optimiser, réguler, organiser, améliorer, encadrer, l’existant, pour éviter les dérives, qu’elle n’a de prétention à changer les mentalités ou faire adhérer à un modèle de société alternatif. Dans une certaine mesure, c’est une société de la loi du plus fort, des lobbies et autres groupes de pression, qui savent se faire entendre des pouvoirs publics, pour leur faire adopter des politiques servant les intérêts du modèle dominant.

Les hypothèses 3 et 4 poursuivent les mêmes logiques de définition des politiques territoriales, mais se démarquent radicalement sur leurs fondements et finalités. Dans l’hypothèse 1, on suit la masse. Or, dans l’hypothèse 3, on s’aligne sur un modèle de référence volontariste porté par la puissance publique à l’échelle de la Vallée de Seine. Par exemple, si dans le modèle de référence, le télé-travail est généralisé, les politiques territoriales mettront en oeuvre des actions et dispositifs, pour inciter les entreprises et les actifs à opter pour cette forme d’organisation du travail. Cela dans un premier temps, puis les politiques commenceront à pénaliser les pratiques en marge de ce modèle de référence ; à titre d’illustration, les entreprises avec moins de 30% de télé-travailleurs seront montrées du doigt, puis sanctionnées. Autre exemple, si le maintien à domicile des personnes âgées rentre dans le modèle de référence, les politiques territoriales investiront dans les emplois de services à la population, plus que dans des EHPAD et porteront des messages moralisateurs, stigmatisant les familles qui « abandonnent » leurs aînés (cf. communication post-canicule de 2003). Autre

Question endogène Domaine : Modes de vie

Quelle prise en compte de la diversité des modes de vie dans les politiques territoriales ?

1/ Les politiques territoriales se calent sur un modèle dominant

2/ Les politiques territoriales sont différenciées pour s’adapter à la diversité des modes de vie

3/ Les politiques territoriales portent et proposent un modèle de référence

4/ Les politiques territoriales suivent le modèle de référence national

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exemple, la mobilité du trait de côte rentre dans le modèle de référence, où l’adaptation au changement climatique ou l’attitude face aux risques en général, doit se faire dans une logique donnant la primauté aux enjeux environnementaux. Dans ce cas, les politiques territoriales se montreraient beaucoup plus volontaristes en matière de retrait stratégique, et a minima investiraient davantage dans la connaissance et l’évaluation des risques de submersion marine sur le littoral de la Baie de Seine, jusqu’au Tréport. Ce raisonnement peut s’appliquer à l’infini et à quasiment tous les champs de politique territoriale.

Dans l’hypothèse 4, on ne parle pas de modèle dominant, ni de modèle de référence, mais du modèle national (ou supra-national). On décharge les politiques territoriales de la responsabilité de faire de choix politiques ; on positionne les acteurs du territoire comme des opérateurs bien placés pour décliner intelligemment le modèle de référence national. Sous couvert de décentralisation, la gouvernance n’en devient pas moins intégrée et verticale, reléguant les collectivités à un simple rôle d’exécutant.

Ces hypothèses - 1, 3 et 4 - postulent toutes trois d’un besoin pour la puissance publique de s’organiser autour d’une vision repère de la société et des modes de vie de la population. Dans un monde idéal, les territoires doivent pouvoir être organisés et il en revient aux acteurs publics de poursuivre ce dessein. L’hypothèse 2 rentre en totale contradiction avec cette logique et ce système de pensée. Les politiques territoriales et de manière générale la puissance publique, ne cherchent pas à aligner leur action sur un modèle, fut-il dominant, de référence, normatif ou imposé par l’extérieur. Les politiques sont différenciées selon les publics, les situations, les problématiques, les attentes, les territoires, les finalités, et cherchent à construire une solution sur-mesure pour chaque individu ou groupe d’individu. Le contenu des politiques s’en révèlent radicalement différent. Dans l’hypothèse du modèle dominant, les politiques de transports agrandiraient les infrastructures routières des pénétrantes des agglomérations et de leurs contournements, pour fluidifier la circulation et augmenteraient le nombre de places de stationnements au point de destination. Dans le modèle de référence de la mobilité durable, les politiques territoriales chercheraient à massifier les flux de déplacements, pour que l’offre de TC puisse les capter efficacement; elles rendraient moins compétitives dans le même le véhicule individuel, par le biais des niveaux de services et des coûts. Dans un modèle national, on pénaliserait la circulation automobile de manière indifférenciée, en instaurant une taxe carbone, touchant tous les territoires et tous les publics.

Dans l’hypothèse d’une politique territoriale tenant compte des modes de vie et des spécificités des territoires, on chercherait à qualifier davantage les niveaux de services des dessertes de transports en fonction de leur véritable usages. De manière schématique, les autoroutes seraient réservées aux destinations moyenne et longue distance, l’offre de transports collectifs en priorité développé dans les zones urbains, les dessertes ferroviaires fléchées sur les liaisons inter-cités et non les trafics périphérie-centre, le stationnement réservé aux publics captifs des véhicules individuels (familles nombreuses, PMR, professions particulières), etc. Le péage urbain trouverait sa place dans cette politique territoriale, car il permettrait de trier les flux selon les usages : le poids lourd qui contourne Rouen, venant du Havre pour aller à Beauvais passe, un autre poids lourd qui part de Sotteville pour aller à Lyon, paie plus cher, pour inciter au ferroutage. L’hypothèse 2 de politiques territoriales à la carte ou sur mesure, accroît la complexité de la gestion publique, en contrepartie de gains espérés sur l’adéquation des solutions aux besoins des populations. L’offre publique est repensée dans sa globalité, pour transiter vers un système modulaire, laissant la possibilité aux

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opérateurs et aux individus de construire leur offre ou parcours, en assemblant différentes pièces du mécano.

Avec cette question-clé en apparence anodine, c’est le mode de territorialisation des politiques publiques qui est en jeu, avec des résonances sur la gouvernance territoriale, sur fond de nouvelle phase de la décentralisation, sur laquelle nous reviendrons plus tard.

Les deux prochaines questions-clé sont relatives à l’habitat, croisant une dimension fonctionnelle et d’aménagement-urbanisme et une dimension plus sociétale et sociale, d’où cette insertion dans la grappe « modes de vie ». Dans cette prospective de la Vallée de Seine centrée sur la démographie et les emplois, l’atelier a jugé essentiel de proposer plusieurs visions contrastées du marché de l’habitat sur ce territoire. Plusieurs notions se sont entremêlées dans cette réflexion : la répartition entre habitat individuel et habitat collectif, le statut de l’occupant du logement entre locataire et propriétaire, la stabilité dans l’habitat ou sa mobilité. Quatre hypothèses sont formulées croisant ces différentes notions.

La première hypothèse renforce le fonctionnement du marché tel qu’il existe aujourd’hui, avec une prédominance de la maison individuelle et de l’accès à la propriété. C’est ce que l’on observe aujourd’hui dans la Vallée de Seine, avec une majorité d’occupants propriétaires (56% en Haute-Normandie en 2010). Si dans les zones urbaines, le marché des maisons est saturé, le produit appartement reste convoité et dynamique en Vallée de Seine. Cette hypothèse irait vraisemblablement à l’encontre des politiques de maîtrise de la consommation foncière, mais on suppose ici que le marché l’emporte sur la régulation publique.

En revanche, dans l’hypothèse 2, on pourrait attribuer à la réussite des politiques de revitalisation et redynamisation de zones urbaines, le basculement en faveur de l’habitat collectif. Pour des raisons multiples, notamment la planification territoriale, les ménages optent massivement pour la vie en appartement, dans des résidences collectives, tant dans les agglomérations, dans les couronnes périurbaines, que dans les bourgs-relais qui maillent l’espace rural. Les villes intermédiaires et les villes moyennes sont particulièrement attractives pour ce type de produit, en raison de marges de manoeuvre foncières plus importantes que dans les grandes villes et d’une plus grande accessibilité financière du marché de l’immobilier. En apparence, cette hypothèse contribue à l’objectif de densification du tissu urbain et périurbain, mais on ne dit rien de la qualité des logements, ni de la cohérence des implantations de ces nouveaux programmes (dessertes TC, risques, mixité sociale ?).

Question endogène Domaine : Modes de vie

Quelle évolution du marché de l'habitat ?

1/ Un modèle dominant : propriétaire de maison individuelle

2/ La vie en résidences collectives est majoritaire (privatif/collectif)

3/ Nomadisme total - le logement n'est plus qu'un ensemble de fonctionnalités

4/ La location devient une aspiration et la demande dominante

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Les deux autres hypothèses sont plus tournées sur le rapport des individus à leur habitat. L’hypothèse 3 décrit une situation où l’individu deviendrait un être ultra-rationnel et ne verrait son logement que comme un ensemble de fonctionnalités, répondant à des besoins précis. Le marché de l’habitat serait dans cette hypothèse une marché « très liquide » dans le sens où les transactions immobilières - achat et location - seraient très courantes. L’individu n’’est plus attaché à son logement, la relation affective s’est très nettement affaiblie. Cette hypothèse 3 dépeint en fond une société où le « nomadisme » est rentré dans les moeurs, non pas au sens premier du terme à l’instar des Touaregs, mais comme un mode de vie, où les déménagements sont monnaie courante et l’ancrage dans un territoire un concept plus qu’une réalité. Enfin l’hypothèse 4 questionne le rapport à la propriété individuelle.

Les ménages, pour des raisons multiples de souplesse, d’amortissement financier, d’incapacité à accéder à la propriété, opteraient massivement pour la location. C’est tout à la fois un choix économiquement rationnel, mais aussi, un peu comme dans l’hypothèse 3 du nomadisme, un signe d’une priorité sur l’usage, plus que sur la possession. Ce changement, s’i se produit, aurait des conséquences beaucoup plus large sur le secteur de l’habitat ; c’est toute une économie territoriale de la rente, basée sur la valeur des biens immobiliers, qui serait, peut-être pas remise en cause, mais questionnée et poussée à s’adapter. L’offre d’habitat et le choix réel d’habitat sont sans nul doute des critères de l’attractivité résidentielle d’un territoire. En explorant ces 4 hypothèses, l’atelier de prospective a voulu pointer tout un ensemble de phénomènes émergents relatifs à l’habitat, qui tendent à casser une approche trop traditionnelle, marquée par une répartition quantitative des logements, selon une typologie bien précise (taille, social, intermédiaire, privé, locatif, propriété). Le dynamisme démographique de la Vallée de Seine sera dans tous les scénarios, très dépendant de l’attractivité de son offre d’habitat, dont l’adéquation dépendra en partie de la capacité des acteurs locaux à proposer des parcours résidentiels, ou en tout cas des modalités d’accès à l’habitat, qui soit sécurisent les ménages ou, a contrario, leur laissent les mains relativement libre, en leur permettant de changer facilement de logement, sans trop de de perte financière ou sociale.

(30) Une part croissante de propriétaires dans tous les départements normands, y compris dans les villes

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L’autre question-clé de l’habitat porte sur l’évolution des formes de logement. Dans une première hypothèse, le logement deviendrait modulaire et évolutif, pour répondre aux différents âges de la vie et à la diversité des situations familiales. Son insertion paysagère serait plus grande qu’elle ne l’est aujourd’hui. Cette approche modulaire, tant dans la rénovation que la construction neuve, permet de réduire les coûts et une mies à nouveau du parc de logements plus rapide et accessible à un population plus large.

L’hypothèse 2 se décale de cette approche modulaire, en maintenant un modèle intégré du logement, et jouant la carte d’une maison «  augmentée  » d’un point de vue environnemental, domotique, ergonomique. C’est la maison que nous connaissons aujourd’hui mais plus économe, plus pratique et plus efficace ; d’une certaine manière, c’est une hypothèse tendancielle qui prolonge les progrès techniques à l’horizon 2040. Elle se différencie nettement de l’hypothèse 1 modulaire dans la mesure où le logement reste un objet figé, peu malléable et difficile à faire évoluer.

A l’opposé, l’hypothèse 3 dessine un logement mobile, que les propriétaires peuvent déplacer avec eux. On ne serait propriétaire que du bâti, qu’on poserait sur un terrain loué. Dans cette hypothèse, il y aurait un découplage total de l’actif immobilier entre la localisation géographique (la parcelle de terrain) et le bâtiment. Cette nouvelle forme de logement déstructure fortement les paysages urbains, périurbains et ruraux.

L’hypothèse 4 est composite; elle traite de la forme du logement, modulaire ou intégré, et de l’évolution du parc de logements dans sa globalité. La tendance serait ici de développer le logement modulaire, en transformant en priorité le parc existant. Cela peut s’apparenter à du recyclage urbain, avec dans un premier temps, la destruction d’un parc ancien de logements inadaptés, notamment les espaces périurbains, mais aussi dans les coeurs de ville, suivi de programmes neufs de construction de logements modulaires.

(31) Une mobilité résidentielle comparable à la moyenne nationale; une rotation plus importante dans le zones urbaines

Question exogène Domaine : Modes de vie

Quelle évolution des formes de logement ?

1/ L'amélioration et la rénovation des logements existants se fait à travers une approche modulaire du bâtiment et en veillant à l'insertion paysagère

2/ Les tendances sur la construction de maisons individuelles "améliorées" se poursuivent (normes BBC, ergonomie du logement, etc.)

3/ L'habitat mobile se développe fortement et modifie les paysages

4/ La destruction d'un parc de logements inadaptés précède la reconstruction d'un nouveau parc de logements modulaires

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(32) Une densité d’habitations proportionnelle à la pression foncière

Ces interrogations sur l’évolution des modes de vie nous ont permis d’ouvrir le champ des possibles en matière de modes d’habiter, de comportements de mobilité, de rapport au temps. Ces différents paramètres influent fortement sur le fonctionnement urbain au sens large et c’est dans cette optique, que les modes de vie ont été regardés de près. Ce n’est pas tant l’évolution de la famille ou du rapport à la propriété individuelle, qui nous intéressent, mais leurs conséquences sur les arbitrages des ménages sur leurs choix résidentiels, leur vie quotidienne, leur ancrage dans le territoire Modes de vie et démographie sont deux dimensions intimement liées et c’est pour cette raison, que cette prospective accorde une place importante à l’énoncé d’hypothèses contrastées sur cette thématique.

Grappe Vieillissement de la population

Trois questions-clé sont abordées dans cette grappe, qui traite les liens entre le vieillissement de la population et l’évolution du territoire Vallée de Seine. La première question n’est pas territoriale; elle porte sur l’évolution de l’espérance de vie. La 2e question n’est pas territoriale non plus; elle explore les évolutions en matière de modes de vie des Seniors. Enfin, la 3e question, elle, est totalement territorialité et doit se lire comme une réponse aux deux premières : quelle politique territoriale d’accueil des Seniors ?

La Vallée de Seine, comme tous les territoires français, va connaître un vieillissement marqué de sa population dans la prochaine période 2015-2040. Dès lors, au-delà de l’enjeu d’attirer une population de Seniors, pour soutenir une économie résidentielle en développement, l’enjeu est de répondre à une demande sociale en forte croissance, par le volume des publics concernés, et par la diversité de cette demande sociale. Autrement dit, est-

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ce que le fait d’avoir plus de 30% de la population ayant plus de 60 ans en 2040, change fondamentalement le fonctionnement du territoire, sa gouvernance, son identité, son vivre-ensemble ?

La première question-clé «  quelle évolution de l’espérance de vie  » propose trois hypothèses très contrastées, volontairement, pour placer le territoire dans des situations inédites.

La première hypothèse, qu’on peut qualifier de tendancielle, dans l’état des connaissances actuelles, postule une poursuite de l’allongement de l’espérance de vie, grâce au progrès médical et sanitaire en particulier. L’espérance de vie moyenne à la naissance des femmes serait alors de 90 ans en 2040 . Cela correspond à l’hypothèse haute de l’INSEE à 1

l’horizon 2040 pour la France entière. C’est une hypothèse plutôt optimiste et il est difficile à ce stade d’envisager les conséquences de cet allongement, certes progressif, mais tout de même très substantiel sur cette période.

(33)Hypothèses sur l’espérance de vie dans les estimations de la population de 2007 à 2060. Source : INSEE

La 2e hypothèse marque une rupture avec un allongement de la durée de la vie frôlant les 150 ans en 2050 ! Plusieurs signaux faibles rendent plausibles cette rupture. Tout d’abord, les progrès technologiques dans le domaine des sciences du vivant, notamment des biotechnologies, croisés avec les découvertes et applications dans les nanotechnologies, ont ouvert un vaste champ de recherche pour un nombre croissant de laboratoires dans le monde entier, portant sur le processus de vieillissement. En effet, deux écoles s’opposent avec

Question exogène Domaine : Modes de vie

Quelle évolution de l'espérance de vie ?

1/ L'allongement de l'espérance de vie se poursuit sur le même rythme qu'à la fin du XXe siècle (3 mois pour un 1 an) - 90 ans en 2040

2/ Le progrès scientifique allonge spectaculairement l'espérance de vie en bonne santé (150 ans !)

3/ La pollution environnante et de nouvelles maladies apparaissent, l'espérance de vie stagne.

L’INSEE fait varier cette hypothèse d’espérance de vie à la naissance dans ces projections. Dans le dernier 1

exercice de projections de population à l’horizon 2050, ce paramètre était compris entre 89 et 91 ans pour les femmes.

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Espérance observée Espérance projetée (haute-centrale-bassse)

Femmes

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niveau de 2009

niveau de 2009

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SCÉNARIOS PROSPECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DE LA VALLÉE DE SEINE À L’HORIZON 2040 RAPPORT DE PRÉSENTATION DES SCÉNARIOS ET STRATÉGIES PROSPECTIVES

virulence sur l’évolution de l’espérance de vie. La première école considère que le progrès médical a déjà apporté l’essentiel des gains en traitant mieux un nombre croissant de pathologies, notamment les cancers et les maladies cardio-vasculaires.

Dès lors, l’espérance de vie serait moins liée à une mortalité due à ce type de pathologie, mais plus à des maladies liées à l’âge, pour lesquelles le progrès médical contribuera à l’amélioration des conditions de vie, plus qu’à « une guérison » de ces maladies liées à l’âge. En définitive, l’espérance de vie continuerait de progresser, mais marginalement, grâce aux avancées médicales, de nature incrémentale. L’autre école, part du même constat, qui est celui d’un progrès médical qui ne soignera pas mieux les maladies liées à l’âge. Là où les deux écoles divergent et s’opposent, c’est sur la capacité de jouer sur le processus de vieillissement, et donc d’éviter ou de retarder l’apparition des maladies liées à l’âge. De nombreuses expérimentations à travers le monde ont déjà démontré la possibilité de le faire sur des cellules, sur des vers de terre… Pourquoi pas sur des cellules humaines ? Le secret de notre longévité résiderait donc dans notre génome ; le médecin deviendrait une sorte « d’ingénieur du vivant  » utilisant les nanotechnologies pour réparer et modifier les cellules dysfonctionnantes, pour des raisons liées à l’âge ou pour d’autres raisons. Cette vision « transhumaniste » est très en vogue aux Etats-Unis, où cet axe de recherche sur la longévité et le processus de vieillissement est pris très au sérieux, et pas comme de la science-fiction.

(34)Visuel du coeur artificiel bioprothétique de la société Carmat, dont l’implantation a eu lieu le 18 décembre 2013 à l’Hôpital Georges Pompidou de Paris

Toutefois, pour relativiser ces progrès, les experts reconnaissent tous que 3/4 des facteurs influant sur le processus de vieillissement sont liés à l’environnement et aux modes de vie, de quoi nous rappeler que la science et le progrès technologique ne déchargeront pas la société et les individus de

leurs responsabilités. L’hypothèse 3 se place justement dans cette perspective, où les maladies liées à l’environnement ou de nouvelles pathologies diverses apparaissent et freinent, voire stoppent l’allongement de l’espérance de vie. Dans les maladies liées à l’environnement, toutes les pathologies respiratoires arrivent en tête, liées aux pollutions de l’air atmosphérique et de l’air intérieur ambiant (contribuant à 50% des pollutions de l’air auxquelles un individu est exposé). Cet enjeu est clairement identifié dans les politiques publiques, même si les mesures semblent encore très en deçà d’un véritablement traitement de cet enjeu de santé publique. Dès lors, la réalisation de cette hypothèse de stagnation de l’espérance de vie, dessinerait en creux, un échec des politiques publiques sur l’état général de l’environnement, qui serait source de nouvelles menaces sanitaires pour les populations. Cette hypothèse comprend également l’arrivée de nouvelles pathologies ou le développement de pathologies déjà existantes mais peu prévalantes. On aurait par exemple toutes les pathologies liées au changement climatique, une hausse des maladies tropicales liées aux flux de population, de

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nouveaux risques sanitaires liés aux technologies (nanotechnologies, ondes électromagnétique, substances chimiques), les perturbateurs endocriniens, etc.

(35) Espérance de vie et espérance de vie "en bonne" santé à la naissance en France de 1995 à 2011. Sources : INSEE et Eurostat

Cette question-clé sur l’espérance de vie ne jouera pas réellement sur le vieillissement de la population en Normandie à l’horizon 2040, étant donné que tous ceux qui auront au moins 60 ans à cet horizon, sont nés au plus tard avant 1980. Les sexagénaires de demain sont en fait des trentenaires aujourd’hui. Ainsi, les modes de vie de cette génération seront-ils semblables à la génération actuelle de Seniors ?

L’atelier a formulé deux hypothèses qui tournent autour du rapport au temps, de la place du travail dans la vie des Seniors et par ricochet de la place des Seniors dans la société. L’hypothèse 1 décrit une situation où les Seniors sont des retraités avant tout, libre de toute contrainte, utilisant leur temps comme bon leur semble. C’est la société du temps libre, des loisirs, où le travail devient une variable secondaire dans l’organisation de la vie quotidienne ; les activités personnelles dimensionnent la vie quotidienne et le vivre-ensemble. Les retraités symbolisent à merveille cette société du temps libre. Néanmoins, cette société du temps libre ne signifie pas qu’il s’agit d’une société de l’oisiveté. Les Seniors continuent d’avoir une vie sociale, de contribuer activement à la vie de la société, à travers leur implication associative, leur pouvoir d’achat, leur rôle familial. En revanche, ils le font par choix, et non par nécessité; il s’agit d’un engagement volontaire. C’est la grande différence avec l’hypothèse 2, qui dessine un tout autre portrait des Seniors en 2040. Ceux-ci ne pourraient être qualifiés « d’heureux retraités », profitant d’un repos bien mérité après une carrière longue.

Question exogène Domaine : Modes de vie

Quelle évolution des modes de vie des Seniors ?

1/ Vive la société du temps libre, pour les loisirs...

2/ Vive la société du temps libre, pour les loisirs...

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(36) La France dans le peloton de tête de l’OCDE sur le niveau de vie moyen des plus de 65 ans

Pour de multiples raisons, le niveau des pensions se révèle largement insuffisant pour la majorité de la population Senior. Une part croissante vit des minimas sociaux, tandis qu'on ne compte plus ceux qui sont contraints de travailler pour vivre décemment. Les seniors continuent donc de travailler non pas par choix mais par nécessité. L'adage « la santé c'est le travail » n'aura jamais été autant vrai. Les inégalités sociales entre les seniors s'accroissent en raison d'une faillite du système de retraites par répartition. Par conséquent, derrière cette hypothèse qui traite uniquement des modes de vie des seniors, se cache un portrait général de la société française, qui considère les seniors comme une catégorie active à part entière. Plus encore, cette défaillance d'un système de retraite, vu comme tous comme un des grands

acquis de la résistance marque la fin d'une é p o q u e . L e s populations plus jeunes nées dans les années 80 et 2000 ont perdu toute c o n fi a n c e d a n s c e système collectif. Le modèle social français est clairement remis en question à l'orée de la deuxième moitié du vingt et unième siècle. (37)Sur 15 ans, un croisement inquiétant des courbes d’évolution du taux de pauvreté des actifs et des retraités. Source: Sénat

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(38) Les dépenses de retraite captent une part croissante de la richesse nationale, avec de 14% du PIB en 2012. Source : Cour des comptes 2012.

(39)Une croissance de la population inactive beaucoup plus rapide que celle des actifs - quel avenir pour le système par répartition ? Source: Cour des comptes

A partir de ces premières questions clés qui nous permettent d'appréhender à la fois quantitativement et qualitativement des phénomènes sociodémographiques liés aux phénomènes du vieillissement. La question qui se pose alors aux acteurs de la Vallée de Seine est la suivante : voulons nous attirer des seniors dans nos territoires et si oui comment?

L'atelier a envisagé quatre hypothèses sur une éventuelle politique territoriale d' accueil des seniors.

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(40) Population âgée de 60 à 74 ans dans la population totale en 2010 (INSEE)

L'hypothèse 1 se traduit par le développement volontariste d'une offre de services répondant aux besoins et aspirations des seniors. Les publics visés sont en priorité les retraités du Bassin parisien qui historiquement s'installent en grand nombre dans les territoires normands. L'effort est pas particulièrement porté sur l'offre de logements, sur l'offre de soins, sur l'offre de loisirs, sur les services de transport. En réalité les territoires qui optent pour cette stratégie visent en priorité les seniors à fort pouvoir d’achat. » des seniors. Faire revenir des seniors n'est pas un objectif mais un moyen pour stimuler l’économie résidentielle dans ces territoires majoritairement périurbains et ruraux.

Un autre aspect doit également être pris en compte, celui de la place des seniors en particulier des nouveaux arrivants dans ces territoires encore peu habitués ou préparés, à avoir plus du tiers de la population ayant plus de 60 ans. la deuxième hypothèse met en scène une société relativement paisible, mais fortement fragmentée et segmentée. En effet, les seniors s’auto-organiseraient dans des associations et coopératives, centrées autour de leurs besoins; ils ne chercheraient pas à s’insérer ou s’intégrer dans la société, mais plutôt à se protéger de la société. Grâce à leur pouvoirs financier les retraités s'accaparent l'immobilier

Question endogène Domaine : Modes de vie

Quelle politique territoriale d'accueil des Seniors ?

1/ Certains territoires misent économiquement sur le développement d'une offre de services pour les personnes âgées

2/ Les seniors s'organisent dans le cadre d'associations ou de coopératives, la collectivité subit le vieillissement. Les centres villes sont préemptés par les seniors qui acquièrent des immeubles entiers à restaurer.

3/ les retraités veulent venir en Haute-Normandie pour profiter du climat (post réchauffement climatique, le sud est invivable....et des paysages), cette population est rejetée par la population locale HN.

4/ Un certain rejet des personnes âgées, la priorité est d'attirer des jeunes et des actifs

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des centre-villes ; la gentryfication urbaine s’accélère et la mixité inter-générationnelle s’évapore. Dans les grandes villes et les villes moyennes de la vallée de Seine, il n'est plus rare de tomber sur un immeuble habité uniquement par des seniors quoi cette nouvelle forme d’habitat communautaire préfigure un entre-soi plus généralisé à l’échelle de la ville. Pourtant, cette deuxième hypothèse bien que peu réjouissante, serait presque un bon présage, quand on voit l'hypothèse trois de lutte et de tensions intergénérationnelles. Les retraités viendraient s'installer en masse sur les côtes normandes, repoussés par le climat devenu invivable sur les rives méditerranéennes. Cette nouvelle population à laquelle les Normands ne sont pas habitués est très mal perçue et accueillie. Plus qu'une segmentation socio-spatiale, on assiste ici à une fragmentation générationnelle des territoires. Dès lors, une politique d'accueil qui viserait ces publics privilégiés prends le risque de se couper de la population locale. En même temps, des régions comme le Languedoc-Roussillon ou la Côte d'Azur montrent bien que l'afflux continu de retraités venant chercher le soleil pour leurs vieux jours, a fortement contribué à générer et stimuler une économie résidentielle dynamique.

(41) Les résidences secondaires dans le total des logements en 2010 (INSEE)

Enfin, l’hypothèse 4 ne considère pas l’accueil des Seniors comme une priorité ou un facteur de développement démographique souhaitable. La Vallée de Seine axerait alors sa politique d’attractivité sur les publics d’actifs et chercherait à limiter l’évasion des jeunes, notamment des plus qualifiés, vers les régions voisines.

En conclusion de ce chapitre consacré au vieillissement, on peut souligner le caractère structurant du positionnement de la Vallée de Seine par rapport aux publics de Seniors. Comment va-t-elle adapter son offre territoriale aux populations vieillissantes ? Va-t-elle mettre en oeuvre une politique volontariste d’accueil des Seniors venant du Bassin Parisien ? Est-elle prête à remodeler profondément un modèle de vivre-ensemble, faisant une part pleine aux Seniors, en évitant les phénomènes de ségrégation à la fois spatiale et symbolique.

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Grappe : Villes, urbanités, services et mobilités

(42) La Vallée de Seine: trois grandes villes, quelques villes moyennes et beaucoup de campagnes

Si cette prospective ne porte pas exclusivement sur le devenir des villes normandes, ces dernières sont toutefois au coeur de la réflexion. En schématisant, le questionnement tourne autour du potentiel de construction et d'organisation d'une ville structurée le long de la vallée.

C'est l'objet de la première question clé « quelle structuration urbaine pour la Vallée de Seine  ? ». Trois modalités sont envisagées. Elles font varier entre elles plusieurs formes urbaines, plusieurs options relatives aux dessertes de transport, les évolutions de l'appareil commercial et des hypothèses sur l'offre de soins.

Ainsi, l’hypothèse 1 décrit le développement rapide d'une conurbation entre Paris et Rouen qui absorberait donc le chapelet de villes intermédiaires de la Vallée. Cette ville continue ne part pas de zéro; Elle se construit de proche en proche et agrège les unités

Question endogène Domaine : Ville

Quelle structuration urbaine pour la Vallée de Seine ?

1/ Une conurbation continue se structure de Paris à Rouen

2/ Un chapelet de villes à intervalle de 20 km desservi par des axes de TC à forte fréquence

3/ Un maillage avec une structuration à partir des pôles urbains et de pôles de proximité, reliés par des transports collectifs "efficaces"

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urbaines les unes après les autres. Ce mouvement est autant impulsé par la métropole francilienne, que par l'agglomération rouennaise en plein essor. ce n’est donc pas une évolution forcément négative pour l’environnement. On pourrait tout à fait imaginer un mode de conurbation qui optimiserait l'usage de l'espace sur l’axe séquanien, qui préserverait de facto les zones périphériques à l’axe.

L'hypothèse 2 reprend l'idée de structurer la ville le long de l'axe de la Seine. Toutefois il n'est pas question ici de conurbation mais de l'organisation d'un chapelet de villes à intervalles de 20 km. Cette trame urbaine réticulaire serait desservie et maillée finement par des réseaux cadencés de transports collectifs le long de l’axe. Comme pour l'hypothèse de la conurbation, il existe d'ores et déjà des germes de cette possible transformation ; les pôles urbains de cette armature pourraient être : la conurbation Paris-Mantes, Vernon, Louviers, Gaillon, Val-de-Reuil, Elboeuf, Rouen, Barentin, Yvetot, Bolbec, Gonfreville, Le Havre, Honfleur, Deauville-Trouville. Cette vision urbaine correspond à celle du projet de Grumbach pour le Grand Paris Maritime.

L’hypothèse 3 garde comme les deux autres hypothèses une volonté d’organiser le territoire à partir d’une armature urbaine, mais contrairement à la conurbation ou à ce chapelet de villes, l’armature ne serait pas linéaire, mais plutôt multipolaire et radioconcentrique. Les politiques publiques ne chercheraient pas structurer une trame urbaine le long de la Seine. Elles renforceraient en priorité les agglomérations existantes, en leur permettant de structurer leur système urbain autour d’elles. On aurait donc deux niveaux : un premier niveau de polarisation centré sur les agglomérations comme Rouen, Le Havre, Caen, Evreux, Dieppe et Mantes ; un deuxième niveau qui relierait ces agglomérations entre elles, pour constituer un réseau urbain multipolaire à l’échelle de la Normandie. Les systèmes urbains prendraient plus ou moins les contours des aires urbaines de 2010. Cependant, si les périmètres urbains restent comparables, leur morphologie différerait fortement d’aujourd’hui, où l’étalement urbain et la diffusion spatiale l’emportent sur la polarisation et l’affirmation des centralités. Dans cette hypothèse 3, les agglomérations seraient fortement polarisées par un noyau central et une armature urbaine de pôles secondaires, le tout maillé par des réseaux de transports individuels et collectifs favorisant les échanges entre ces différents pôles. Les espaces en périphérie et dans les interstices auraient une vocation non urbaine : terres agricoles, espaces naturels, dominantes rurales. Le tissu périurbain serait peu à peu intégré à la trame urbaine. Cette troisième hypothèse donne un poids plus important aux agglomérations, qui sont à la fois des réceptacles du développement et des relais de ce développement vers les espaces sous leur influence.

Ces trois hypothèses de structuration urbaine de la vallée de Seine montre à l'horizon 2040 trois visages véritablement contrastés du territoire. Pourtant, ces trois modèles de structuration urbaine partent tous du même point de départ. Aucune création de pôle n’est envisagée, sans parler de ville nouvelle. En cela, il appartient donc aux acteurs du territoire de choisir vers quelle organisation urbaine ils souhaitent tendre. L'enjeu n'est pas de dire que tel ou tel modèle serait préférable dans l’absolu. L’enjeu, c’est de construire un système urbain où chaque pôle selon sa taille, son histoire; son potentiel, puisse trouver une place à la hauteur de son ambition et dans le respect de son identité.

Pour chacune de ces trois formes urbaines, un effort volontariste devra être fait pour aligner le système de transports. Trois échelles de mobilité sont à considérer et sont traitées dans 3 questions-clé distinctes.

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La première d'entre elles concerne l'offre de mobilité urbaine dans les grandes agglomérations. Les quatre hypothèses envisagées par l’atelier croisent des objectifs et des mesures, portant sur le niveau de service de l'offre de transports publics, que ce soient pour les modes collectifs ou individuels, la régulation de la place de la voiture dans la ville, l'évolution des comportements des individus en matière de mobilité, l'articulation entre les politiques de déplacement, d’urbanisme et d’aménagement.

(43) La part des actifs utilisant les transports en commun pour leur trajet domicile-travail en 2010 (INSEE)

La première hypothèse répond davantage à une logique de couverture territoriale, et moins à une recherche d'efficacité et d’efficience des dessertes de transport collectif. L'enjeu est autant de montrer aux espaces périurbains qui viennent d'être intégrés à l'agglomération leur pleine prise en compte, et de faire preuve d'une équité de traitement envers ces nouveaux territoires, aux territoires anciennement intégrés à la communauté d'agglomération d'un point de vue institutionnel. On peut y voir un artefact du droit à la mobilité pour tous, mais les inégalités entre les zones urbaines denses et ces nouveaux quartiers en périphérie sont probantes. Cette hypothèse présente un compromis entre un élargissement effectif de l'offre

Question endogène Domaine : Ville

Quelle offre de mobilité urbaine dans les grandes agglomérations ?

1/ L'élargissement des agglomérations est suivi d'une extension géographique du réseau des transports collectifs urbains (logique de couverture territoriale vs niveau de service des dessertes)

2/Les agglomérations portent un développement volontariste de l'offre de transports collectifs massifiés (TCSP), des modes doux, de l'autopartage et du covoiturage dans une logique d'intermodalité ; mise en place d'un péage urbain

3/ L'action porte davantage sur la maîtrise de la demande de mobilité pour réduire le nombre de déplacements (par ex: télétravail, mais aussi couplage habitat-travail-activités-services)

4/ L'offre urbaine reste dominée et structurée par le mode routier individuel, encouragé par une baisse des coûts du carburant

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de transports publics et une simplicité de mise en oeuvre liée au fait que la gouvernance est

unifiée au sein de l’agglomération. (44) La part des actifs utilisant une voiture ou un camion pour leur trajet domicile-travail en

2010 (INSEE)

L'hypothèse 2 cherche à aller plus loin ; il ne s' agit plus d' optimiser l’existant et de l'améliorer à la marge, mais de repenser en profondeur le système de transports, autour des modes collectifs, des modes doux et non plus autour de la voiture. Pour autant, l'automobile n'est pas stigmatisée; elle reste un élément central de la mobilité quotidienne des personnes. On cherchera donc avant tout à améliorer la productivité de ce mode, en jouant sur le taux d'occupation des véhicules : covoiturage dynamique, autopartage, système de location, mutualisation des flottes de véhicules, constituent des leviers privilégiés pour optimiser l'usage de l’automobile. En parallèle, une politique volontariste d'investissement et de développement se concentre sur les dessertes à haut niveau de service : transports en commun en site propre, cadencement des liaisons ferroviaires desservant les territoires périurbains, développement de pôles d’échanges multimodaux. En sus, pour redonner la priorité aux alternatives à l’autosolisme, un péage urbain est mis en place dans les agglomérations caennaise, havraise, rouennaise et parisienne. Cette deuxième hypothèse prend donc le contre-pied d’une régulation libérale des transports. En effet, on sort du paradigme de compétitivité des modes, où les critères de temps de parcours et de coût du déplacement prédominent. Dans cette politique volontariste, la puissance publique agit directement sur cette compétitivité comparative entre les modes; elle n'hésite pas à pénaliser les usages objectivement moins efficient en terme de charge des réseaux et d'impact sur l’environnement. Elle assume également une hiérarchie des usages, en fonction à la fois des publics et des motifs de déplacement. Toutefois, cette politique se fonde toujours sur la croyance qu'un développement de la mobilité est toujours le signe de la vitalité économique et sociale de la cité. Ce n'est pas le cas de l’hypothèse trois.

Alors que les deux premières hypothèses proposaient de variantes de politique de l’offre, on a affaire avec cette troisième hypothèse véritable politique axée sur la demande. On part du principe qu'il n'est pas réaliste ni souhaitable d'investir dans une offre, qui serait toujours en retard, par rapport une croissance débridée et continue des transports. Il s'agirait donc de

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travailler en amont et de réduire la génération de transports. Pour cela, les politiques encouragent les usages et pratiques permettant de substituer les déplacements ou a minima d'en diminuer la distance. Tout le potentiel de dématérialisation des activités et services est particulièrement visée: télétravail, e-commerce, enseignement à distance, télémédecine, télé-services, administration en ligne. Cette politique de demande poursuit l'objectif de mieux coupler les lieux d'habitat, de travail, d'activité, de services. À travers cette mixité fonctionnelle, on espère en théorie réduire les temps de parcours des individus. Cette politique interventionniste, dans la mesure où elle concerne les comportements, les modes de vie et les pratiques, se place résolument sur le long terme, et apporte peu de solutions à court terme. Ce travail de fond, pertinent sur la durée, expose particulièrement les pouvoirs publics à une montée des mécontentements, se matérialisant in fine en une grogne sociale et économique. Si elle apparaît moins frontale que l’hypothèse 2 qui encadre strictement l’usage des transports et déploie l’épouvantail du péage urbain, cette 3e hypothèse ose inciter les individus à adopter certains usages et pratiques, qui relèvent normalement des arbitrages privés et ne devraient pas concerner la collectivité. Par exemple, encourager des malades à préférer la consultation en ligne de leur médecin généraliste, plutôt que d’aller en cabinet, peut être tout à fait perçu comme une intrusion dans la vie privée des gens. Autre exemple, un développement de l’enseignement à distance sera compris par certaines générations comme une régression et une perte de qualité globale du système scolaire. Dans un sens, répondre à la demande de transports apparaît, certes pas forcément plus aisé, mais en tout cas beaucoup moins risqué, que de tenter d’influer collectivement sur les choix individuels de chacun.

Enfin, la 4e hypothèse fait fi de ce volontarisme public qui prétendrait réguler la mobilité et les transports. Grâce à une rupture technologique, le transport routier maintient sa suprématie et s’impose de fait à la puissance publique, qui n’a ni les moyens financiers et politiques de proposer une alternative crédible à court et moyen terme, ni réellement la volonté, étant donné la foultitude de problèmes auxquels elle fait face par ailleurs. Le raisonnement est simple ; l’automobile reste accessible à tous, les réseaux routiers existent, la population ne réclame pas de bouleversement majeur dans ce domaine : pourquoi aller contre ? La technologie vient sauver le peuple et ses gouvernants, ils auraient bien tort de ne pas profiter de cette offrande du ciel.

La 2e question-clé relative à la mobilité porte sur l’échelle inter-urbaine entre les grands pôles de la Vallée de Seine. Plus précisément, l’atelier a choisi de s’intéresser aux niveaux de service des dessertes de transports collectifs entre ces grands pôles, qui reflètent en écho une vision des relations entre les territoires normands.

Les trois premières hypothèses poursuivent trois objectifs, qui peuvent être vus comme complémentaires ou concurrents ; il s’agit de savoir si les grandes villes normandes privilégient les connexions entre elles, ou vers l'Île-de-France, ou encore vers les pôles secondaires de la Vallée. L’hypothèse 1 renforce les liaisons entre les pôles du tripode normand Caen-Rouen-Le Havre, en privilégiant une augmentation de la vitesse. L’objectif est de mettre à moins de 30 mn les trois agglomérations entre elles, ce qui implique des liaisons directes ville à ville (inter-cités) et moins de liaisons avec cabotage pur desservir les pôles intermédiaires. Les investissements sur les transports inter-urbains seraient donc massivement captés par l’amélioration de ces liaisons au sein du tripode.

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(45) Des flux inter-urbains domicile-travail principalement sur l’axe Seine

(46) Temps de parcours actuels entre les pôles du tripode normand

Meilleur temps de parcours en train

(47) Temps de parcours en train des pôles du tripode normand vers Paris

L’hypothèse 2 choisit une stratégie d’investissement différente, en ne misant pas tout sur l’amélioration des liaisons directes, mais en répartissant les crédits sur un ensemble de dessertes sur les grands axes existants. L’enjeu est ici de mieux relier les pôles secondaires aux trois agglomérations du tripode, dans un objectif de maillage fin du territoire. Les échanges métropolitains entre les agglomérations sont relégués en second rang, considérant que les relations de proximité sont vitales pour les territoires périurbains et ruraux. Dans cette hypothèse, les villes moyennes comme Evreux, Lisieux, Dieppe ou Bernay, bénéficient d’une

Trajets En voiture En train

De Rouen à Caen 1h20 1h32

De Rouen au Havre 1h 51 min

Du Havre à Caen 1h05 2h33

Trajets En 1928 En 1978 En 2013

Paris à Rouen 1h30 1h07 1h08

Paris au Havre 3h36 1h50 1h47

Paris à Caen 2h45 1h50 2h02

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amélioration sensible de leurs dessertes ferroviaires et en transports collectifs routiers, vers l’ensemble du réseau maillé de la Vallée de Seine : axe ferroviaire Paris - LH, axe ferroviaire Paris-Caen, CHNS sur les grands axes routiers (A13, A28, A29, RN).

Contrairement à l’hypothèse 1 où la vitesse était recherchée à tout prix, l’objectif de ce réseau maillé et régulier est d'offrir aux voyageurs un service fiable et régulier; c'est pourquoi la mise en place du cadencement constitue une priorité des politiques de transports inter-urbaines à l’échelle de la Vallée de Seine. L’ambition est d’effacer les limites géographiques entre les pôles du système urbain Vallée de Seine, de sorte à ce qu’il devienne effectivement possible pour tous les habitants d’accéder aux services et à l’emploi de l’ensemble de la Vallée. Incidemment, cela contribue également à polariser davantage le territoire, étant donné que cette offre de services de transports collectifs desservira en priorité et exclusivement les pôles nodaux de ce réseau. Ainsi, si le système inter-urbain est plus maillé, il devient également de facto beaucoup plus hiérarchisé, pour maintenir un niveau de service acceptable aux pôles desservis. Certaines haltes ferroviaires éloignées des pôles ruraux et intermédiaires sont fermées. En contrepartie, un effort très important est consacré à la création de services de rabattement vers les pôles desservis par ce réseau maillé de transports collectifs.

Les hypothèses 1 et 2 poursuivent des finalités différentes, qui expliquent une approche divergente de ce que serait la performance de l’offre de transports inter-urbains. La performance des liaisons directes du tripode se mesure au gain de temps que ces liaisons proposent, par rapport à d’autres solutions de transports ; le fait que les territoires périphériques soient ignorés ne constitue pas en soi un problème, étant donné qu’on affiche clairement une priorité au développement métropolitain des agglomérations. La performance du système maillé se mesure autant sur des critères transports - régularité, finesse de la desserte, tarification solidaire, transparence et lisibilité de l’offre - que sur des critères de cohésion territoriale et sociale : les villes moyennes et intermédiaires font partie du système et ne sont pas placées hors jeu, en les priant de rentrer dans le giron des agglomérations.

Face à ce dilemme entre structuration d’un tripode et maillage fin de la Vallée de Seine, l’hypothèse trois prend une position radicalement décalée. Elle postule que les agglomérations ont plus intérêt à travailler avec Paris qu’entre elles. La politique de transports inter-urbains à l’échelle de la Vallée de Seine n’existe pas, chaque agglomération jouant sa carte pour obtenir une amélioration de son accessibilité vers l’Ile-de-France, de préférence uniquement pour elle, sans bénéfice pour les 2 autres agglomérations. L’arbitrage entre les dessertes internes à la

Question endogène Domaine : Ville

Quel niveau de service des dessertes TC entre les grands pôles urbains ?

1/ Les investissements se focalisent sur la réduction des temps de parcours entre Caen, Rouen et le Havre

2/ Structuration d'une armature urbaine avec des pôles secondaires forts - Le développement de l'offre de TC vise un maillage fin des villes de la Vallée de Seine + mise en place du cadencement sur toutes les lignes

3/ Les dessertes TC internes à la Normandie ne sont pas prioritaires. Les moyens sont concentrés sur l'accessibilité à Paris depuis les grandes agglomérations

4/Les investissements massifs sur les grandes infrastructures de transports sont reportés vers l'offre de services (repli des territoires sur eux-mêmes, mobilisation des fonds pour une optimisation des réseaux urbains)

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Normandie et les dessertes vers Paris penche clairement pour Paris. La maturité collective de la Vallée de Seine se révèle insuffisante pour faire le pari du tripode ou toute autre structuration régionale.

Enfin, la quatrième hypothèse consiste à prioriser les investissements sur l’offre de transports sur les agglomérations. L’urgence de répondre aux problèmes de la mobilité quotidienne l’emporte sur les besoins de déplacements inter-urbains, qu’ils soient à destination des autres pôles normands ou vers l’Ile-de-France. Cela peut aussi se comprendre comme un repli sur soi des agglomérations, qui craignent d’être perdant dans l’éventualité d’une trop grande facilité de se déplacer entre les agglomérations.

(48) Les tracés des scénarios pour la Ligne Nouvelle Paris Normandie. Source : Dossier d'enquête publique de la LNPN 2012

La relation à Paris constitue un fil rouge de la réflexion prospective de cet atelier sur la Vallée de Seine. Les nombreux débats à l’occasion du projet LNPN ont été plus que ravivés dans les échanges entre les membres du groupe. A l'horizon 2040, quatre hypothèses sont formulées en matière d'accessibilité de Vallée de Seine vers Paris. La première est résolument pessimiste; elle postule qu’aucune amélioration notable n’est intervenue dans les trente prochaines années. Les temps de parcours et la qualité des liaisons ferroviaires n’ont pas bougé. Les incidents divers et variés sur les lignes Paris-Rouen-Le Havre et Paris-Caen continuent de se produire à répétition. Les trois autres hypothèses dessinent trois variantes d'une nouvelle infrastructure ferroviaire entre Paris et la Normandie.

STRATYS !63 JUILLET 2014

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Les deux questions suivantes traitent deux types de services et d’équipements particuliers, qui qualifient souvent le niveau de fonction d’une ville ou d'un territoire. La première question porte sur l’appareil commercial ; la seconde traite de l’offre de soins.

Pour l’appareil commercial des villes, les trois hypothèses imaginent trois lieux privilégiés de consommation. La première hypothèse remet les centres-villes sur le devant de la scène commerciale, pour des raisons pratiques de proximité, alors que les citadins cherchent à éviter les déplacements en voiture. Le désamour des consommateurs pour les grands centres commerciaux explique aussi le retour des investisseurs dans les centres urbains. On peut également y voir les effets des politiques d’urbanisme, de maintien d'un tissu local de commerces. Toutefois, compte tenu des montant financiers en jeu, ce sont surtout des grands groupes de distribution qui ont les moyens de réinvestir et de développer des points de vente en ville. Le risque d'une banalisation des centre-ville, telle que la France l’a vécue durant les 30 dernières années est réel.

L’hypothèse 2 décrit une autre forme de consommation et de commerce, en se plongeant dans un futur où les magasins en ligne captent l’essentiel des ventes. Les enjeux de logistique urbaine s’en retrouveraient renforcés, avec la généralisation des livraisons à domicile, en point relais ou dans les tiers-lieux.

La 3e hypothèse insiste sur les mutations du commerce, à la fois sur les pratiques commerciales, l’offre des points de vente et les comportements des consommateurs. Si les deux premières hypothèses renvoient à une approche fonctionnelle et utilitariste, où ce qui est recherché, c'est le côté pratique et le meilleur prix, dans cette hypothèse 3, on met en avant les aspects sensibles liés à l’acte d’achat : les conseils du vendeur, le test des produits, la personnalisation de la relation, le plaisir de l'expérience de consommation.

Question endogène Domaine : Ville

Quelle accessibilité à Paris depuis la Vallée de Seine ?

1/ Ni gain de temps, ni fiabilité : Paris-LH et Paris-Caen en 2h

2/ Ligne Nouvelle Vallée de Seine (LNVS) : Le Havre Paris en 1h15

3/ Tout pour Rouen : La Défense-Rouen St Sever en "45 mn" Rien ne bouge pour LH et Caen

4/LNPN maillée Paris-Mantes-Evreux-Rouen-LH-Caen-Lisieux-Deauville

Question exogène Domaine : Ville

Quelle évolution de l'appareil commercial des villes ?

1/ Les centres-villes sont devenus le nouvel eldorado des grandes enseignes

2/ Le e-commerce, c'est 70% du marché de la consommation et la livraison à domicile devient la norme.

3/ Les commerces de centre-ville s'adaptent. Ils deviennent des lieux de test ou d'essais des produits vendus en ligne. Lieux de partage et de convivialité, ils répondent également à un besoin social d'échange. Les marques rémunèrent les commerçants pour que leurs produits soient promus.

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L'offre commerciale à laquelle accèdent les habitants d'un territoire donné en forme un élément tangible d’attractivité. L’accès aux services, notamment dans les espaces périurbains et les zones rurales, constitue un enjeu fort de la cohésion territoriale; la question suivante sur l’offre de soins aborde cet enjeu, avec 4 modalités d’évolution. Comme pour l’appareil commercial, l’offre de soins se concentre sur les principaux marchés, qui sont essentiellement urbains et dans des zones à forte densité de ménages à revenus aisés, comme le littoral. Les 4 modalités agissent toutes ou cherchent à agir sur cette répartition inégale de l'offre de soins. L’hypothèse 1 met en place des actions de recrutement et d'aide à l’installation de médecins, dans les zones en déficit de professionnels de santé. L’hypothèse 3 acte la situation de pénurie locale et développe la télé-médecine. L’hypothèse 4 apparaît trop belle pour être crédible.

Les inégalités territoriales sont nombreuses et multiples. Dans le cas de l’offre de soins, les politiques locales peuvent mener des actions ciblées et ponctuelles, mais pour lutter contre la ségrégation sociospatiale, l’approche doit être plus systémique et dans la durée.

Question endogène Domaine : Ville

Quelle évolution de l'offre de soins ?

1/ Les acteurs renforcent leur coordination sur les contrats et stratégies favorisant la formation et l'implantation locale

2/ Le déclin de l'offre notamment libérale se poursuit, compensée en partie par des actions ponctuelles au niveau local

3/ Pour pallier l'incapacité de faire évoluer l'offre locale, la télé-médecine et les outils d'auto-diagnostic sont fortement développés

4/ La décision nationale pour l'équilibrage de l'offre de soins sur le territoire est appliquée

Question endogène Domaine : Ville

Quelle politique de lutte contre la ségrégation socio-spatiale ?

1/ Une politique volontariste de l'habitat est appliquée : toute nouvelle opération comporte une part de logements sociaux

2/ Pas de volontarisme en faveur de la mixité...La spécialisation sociale des espaces s'accentue

3/ Les politiques d'urbanisme, d'habitat et de déplacements font de la mixité sociale une priorité : pluralité de l'offre de logements dans un secteur, carte scolaire, équipements collectifs, liaisons inter-quartiers, etc.

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Grappe « Risques »

4 questions forment cette trappe de changements relatifs à la thématique risques. Les deux premières portent sur les risques climatiques, la 3e sur les risques technologiques et la 4e sur les risques liés à la qualité de l’eau. Ces questions abordent les risques, sur les conséquences en matière d'aménagement et de prévention, que leur prise en compte génère ; l'évolution du risque lui-même n’est pas véritablement regardée.

Nous reprenons ici des extraits d’une étude sur l’adaptation au changement climatique en Normandie, que nous avons mené pour le compte des deux SGAR Haute- et Basse-Normandie en 2013. La Vallée de Seine constitue un territoire prioritaire pour le développement économique national et régional. La présence des complexes industrialo-portuaires, des agglomérations rouennaise et havraise, d'un tissu historique d'industries lourdes, d'un chapelet de villes et de bourgs dessinant un maillage de la vallée depuis Paris, du pôle touristique d'envergure internationale du Nord Pays d'Auge, d'espaces écologiques de grande valeur comme l'Estuaire de la Seine, font de ce territoire, un territoire à la fois singulier et emblématique. La Seine-Aval, de Rouen jusqu'à l'estuaire, constitue un corridor "habitué" à vivre avec les risques majeurs, qu'ils soient d'ordre technologique avec les nombreux sites SEVESO ou naturels avec les inondations par ruissellement liées au relief particulier de la Vallée ou aux risques de submersion marine. Le changement climatique va accentuer ces risques, en jouant sur une fréquence plus grande des épisodes extrêmes et une intensité plus forte des aléas, notamment en raison de la montée des niveaux marins et de l'augmentation des températures extrêmes en été. Ces risques ne sont donc pas nouveaux, mais leur élévation continue tout au long du XXIe siècle va aggraver la vulnérabilité générale du territoire, en fragilisant directement les piliers de son développement économique, les zones où la majorité de la population régionale habite et un patrimoine écosystémique de très grande valeur. Les impacts du changement climatique sur la Seine-Aval ne sont pas anecdotiques ou mineurs; ils pèseront sur l'avenir du territoire.

Les territoires littoraux font partie de ces territoires, auxquels on pense tout de suite lorsqu'on veut regarder les impacts du changement climatique, au même titre que les territoires de haute-montagne ou les territoires très forestiers; la montée des niveaux marins, la diminution des chutes de neige, l'arrivée d'espaces invasives dans les massifs forestiers, sont des conséquences du changement climatique dont on peut dire que le grand public en a au moins une vague idée et en a déjà entendu parler. Pour autant, si cette partie immergée de l'iceberg est connue de tous, on est très loin du consensus entre les différents acteurs du territoire sur la trajectoire d'adaptation à adopter et à suivre. L'intensité des impacts du changement climatique sur le littoral, par une accentuation généralisée des risques côtiers sur les populations, les activités économiques, le patrimoine bâti, les

Question endogène Domaine : Risques

Quelles conséquences du changement climatique dans la Vallée (hors littoral)?

1/ L'élévation du niveau de l'eau (7 m lors des hautes eaux !) entraîne une fermeture/délocalisation de certaines usines (Renault, Pétrochimie) et un déplacement de l'habitat

2/ On protège à tout prix : les activités économiques et l'habitat sont maintenus dans les zones à risques en fond de Vallée

3/ La population et les entreprises apprennent à vivre avec le risque : robustesse du bâti, bonnes pratiques en cas d'aléa, moindre attractivité des zones très vulnérables

4/ La décision nationale pour l'équilibrage de l'offre de soins sur le territoire est appliquée

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infrastructures de communication, la ressource en eau, l'évolution de milieux et espaces naturels, fait que le sujet de l'adaptation au changement climatique sur le littoral est un sujet éminemment sensible et très compliqué à aborder avec sérénité et objectivité. Si en plus de cette puissance des impacts, on y rajoute une ampleur géographique majeure, autrement dit, que la totalité des territoires littoraux sont concernés, et donc que tous devront intégrer la hausse des risques côtiers dans leur projet de territoire, cela explique les tensions éventuelles lorsqu'on se risque à évoquer une alternative à la protection lourde du littoral par la consolidation des ouvrages. Un autre aspect de l'adaptation des territoires littoraux, aussi valable pour l'ensemble des territoires bas-normands, est celui des solidarités entre les territoires pour deux raisons principales :

• les montants financiers en jeu pour adapter le littoral font que certains territoires très impactés par le changement climatique, n'auront pas les moyens pour assumer les efforts d'adaptation, alors même que des enjeux forts s'y trouveront (ex de la Baie des Veys)

• le littoral n'est pas une succession de séquences de bandes littorales indépendantes les unes des autres; ce qui se fera fait sur un site, une commune, un espace, un territoire aura des répercussions sur les espaces et territoires littoraux voisins ou plus lointains (logique et cohérence de la façade maritime)

La Vallée de Seine est un territoire doté d’une grande expérience et expertise dans le domaine

des risques technologiques (comme dans le Rhône ou l’Etang de Berre). L'interrogation prospective est de savoir si cet acquis constitue

un atout pour réconcilier développement industriel et qualité du cadre de vie, ou si

l’évolution de la société, fait qu'il sera de plus en plus difficile d’implanter de nouveaux sites à risques, en raison de l’opposition des populations. (48)Carte des PPRT en Haute-Normandie.

Source : SPPPI.

Question endogène Domaine : Risques

Quelle politique d'adaptation de l'habitat au changement climatique des territoires littoraux ?

1/ Les documents d'urbanisme autorisent les formes d'habitat sur le littoral (sur pilotis, habitat lacustre). L'adaptation passe donc une plus grande résistance du bâti...

2/ Toute nouvelle construction est interdite sur une bande littoral de 1 km de profondeur, en attendant d'engager un repli stratégique en temps voulu. La montée des niveaux marins rend inéluctable une gestion intégrée des zones côtières, qui

3/ Les zones habitées et zones remarquables sont protégées par des digues

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Dernière question de la grappe « risques », la qualité de l’eau de la Seine est porteuse d’inquiétude, au vu des enjeux majeurs pour les populations, les activités économiques et les écosystèmes naturels. Dans une perspective de fort développement industriel, agricole, urbain et logistique, les conflits d’usage de l’eau vont augmenter, en même temps que les pressions anthropiques vont s’accroître sur la qualité (rejets divers).

La Vallée de Seine est un territoire vulnérable, en raison de la conjonction de multiples risques. Les contraintes sur son développement sont objectives, car ces risques sont localisés dans les espaces d'intérêt stratégique pour le développement économique, pour le développement résidentiel et touristique (aménités), pour le développement urbain (principales villes en bords de Seine). L’enjeu d’un renforcement de la résilience du territoire prend donc une tournure particulière pour ce territoire.

Grappe « Gouvernance, métropolisation, enseignement/recherche, identités »

Cette dernière grappe de changements aborde les problématiques de gouvernance et de métropolisation, et leur articulation avec la thématique identitaire du territoire et de ses habitants.

Commençons par la question de la gouvernance du grand territoire de la Vallée de Seine, pour laquelle trois hypothèses sont évoquées. La première se traduit par l’annexion de la Vallée de Seine au projet du nouveau Grand Paris. Une forme de dirigisme du pouvoir central se mettrait en place dans la métropole du Grand Paris Maritime Une métropole unique de Paris à la mer serait créée, avec un pouvoir central fort et intégrateur, avec la suppression des échelons intermédiaires des intercos et des départements. La 2e hypothèse positionne la Vallée de Seine comme une métropole d'équilibre à l'ouest du Grand Paris. Une métropole regroupe tous les territoires de Mantes au Havre sur les deux rives (Mantois,

Question exogène Domaine : Risques

Quelle culture du risque (technologique) dans les territoires ?

1/ Le territoire et ses habitants n'acceptent plus l'exposition aux risques : les entreprises sont contraintes au déménagement, à la fermeture et ont des difficultés pour trouver de nouvelles implantations "acceptées"

2/ Les industriels développent une culture du risque en termes de procédures et d'insertion territorial

3/ Les collectivités travaillent au développement d'une culture du risque auprès de la population individuellement (puis en réseau)

Question exogène Domaine : Risques

Quelle évolution de la qualité de l'eau de la Seine ?

1/ La qualité de l'eau permet d'en faire une ressource pour l'économie locale : loisirs, tourisme, AEP, voie de transport, etc.

2/ La dégradation continue des eaux de surface et souterraines entraîne des impacts sanitaires importants

3/Les conflits d'usages sur l'accès à une ressource de qualité déclenchent une intense série d'expérimentations ambitieuses et innovantes en Vallée de Seine

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Franges franciliennes, Val de Reuil, bassin Rouennais, Estuaire, Pays d'Auge, Plaine de Caen). La stratégie est définie par l’autorité métropolitaine, mais des Conseils de territoire seraient chargés de décliner les orientations sur les territoires vécus et les territoires de projet.

A l'inverse, l’hypothèse 3 ne crée pas de structure «  chapeau  » et cherche plutôt à renforcer la gouvernance propre de chaque pôle, pour qu'il soit capable de dialoguer avec les autres. La coopération métropolitaine est la méthode de gouvernance de la Vallée.

La question suivante, toujours dans la grappe « Gouvernance » se focalise sur le mode des financements de grands projets, en replaçant le jeu d’acteurs entre le secteur public et le secteur privé. En période de tensions budgétaires, les décisions d’investissement sont souvent revues à la baisse, rabotées et la tentation de «  faire du saupoudrage » est forte. Même en période de prospérité, ces grands projets sont difficiles à financer: souvent, on se demande comment on ferait si on devait aujourd’hui se lancer à nouveau dans l’aventure du tunnel sous la Manche, ou de ce genre d’infrastructure pharaonique, dont la rentabilité financière, n’est pas équilibrée commercialement. L’atelier a posé trois hypothèses sur la financements des futurs grands projets pour la Vallée de Seine, qui mettent en scène trois situations radicalement différentes, à la fois sur les motivations apparentes et cachées de ces projets et sur les compromis, que les acteurs normands et leurs partenaires parviennent à trouver ou non. La première hypothèse fait appel au marché, dans un partenariat poussé avec le secteur public, pour financer les grands projets : partenariats publics-privés (PPP), co-investissements, prises de participation, les modalités sont nombreuses et l’imagination sans limites. L’objet de cette hypothèse consiste principalement en un basculement de l’idéologie politique, que le «  tout public  » réduirait les risques de conflits d’intérêts, pour que l’intérêt général soit toujours la préoccupation centrale des grands projets. Ainsi, dans cette hypothèse où le secteur privé investit aux côtés des acteurs publics, l’enjeu sera de rester fidèle à l’intérêt des territoires concernés par le projet, et pas uniquement de rentrer dans une approche trop financière, centrée sur la rentabilité des projets, au lieu de prendre en compte les bénéfices globaux pour les territoires. Dès lors, la question sera de voir si les méthodes d’évaluation de l’opportunité des grands projets sauront diversifier les critères, sur des bases globales, au lieu de se cantonner à la seule analyse socio-économique traditionnelle, même si les méthodes ont beaucoup progressé en la matière ; mais il restera toujours des limites à la monétisation des valeurs immatérielles et humaines, comme le bien-être, la beauté des paysages, la santé.

L’hypothèse 2 décrit la situation actuelle en quelque sorte, où l’importance des montants en jeu et la complexité des grands projets, tant dans leurs objectifs, leur mise en oeuvre que le jeu d’acteurs associé, obligent à des financements croisés et monter dessinant

Question exogène Domaine : Gouvernance

Quelle gouvernance pour la Vallée de Seine ?

1/ La métropole du Grand Paris intègre la Vallée de Seine et supprime les échelons intermédiaires (intercommunalités, départements)

2/ Une métropole Vallée de Seine est créée et regroupe les territoires de Mantes au Havre sur les deux rives

3/La gouvernance est décentralisée et s'appuie sur des grands pôles coopérants ensemble : pôle métropolitain de l'estuaire, métropole rouennaise, pôle caennais, pôle eurois, etc.

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plates-formes partenariales pour porter ces grands projets : les grands projets d’infrastructures rentrent souvent dans cette catégorie.

En revanche, l’hypothèse 3 constaterait une situation d’enlisement ou de blocage, financier et institutionnel, qui empêcherait les grands projets de se monter, faute de financements. Dans le cas de la Vallée de Seine, cela signifierait que le développement ne pourrait pas se faire à travers une politique de relance par les grands travaux, comme la LNPN et les nouvelles gares associées ou les énergies marines. Cela ne signifierait pas forcément un arrêt d’une trajectoire de développement; mais à coup sûr une réorientation tactique vers des modes de développement moins dépendant des grandes infrastructures et misant davantage sur les projets auto-financés, comptant moins sur l’argent public pour les lancer.

La prochaine question-clé porte autant sur l’image que sur l’identité de la Vallée de Seine. Elle est normalement la traduction d’un choix tactique en matière de marketing territorial, sur la manière dont les territoires de la Vallée veulent se présenter et être vus de l’extérieur. La première hypothèse marque le choix de l’unicité entre la Vallée de Seine et la Normandie, les deux entités n’en formant qu’une en termes d’image et de promotion auprès des territoires extérieurs. L’intérêt pour la Vallée de Seine est de pouvoir capitaliser sur la marque Normandie, qui bénéficie déjà d’une notoriété établie nationale et internationale, avec une diversité de facettes. C’est aussi un signe fort du volontarisme régional en direction du développement de la Vallée de Seine, qui s’affiche comme étant un des leviers de la Normandie pour nourrir son développement. Cette hypothèse ne serait envisageable que dans le cas d’un fort et large consensus entre les acteurs, qui accepteraient de se présenter sous cette bannière commune, de la mettre en avant et par conséquent de diluer en termes d’image, la présence de leur territoire. L’hypothèse 2 essaye donc de contourner cette exigence consensuelle, pour proposer un compromis pragmatique, permettant à chacun de conserver ses prérogatives territoriales en termes d’image, tout en investissant dans une marque commune « Vallée de Seine », qu’il appartiendrait à chacun de faire vivre et faire valoir dans leurs réseaux respectifs. Cette marque « ombrelle » offre l’avantage de donner une visibilité globale à tous les territoires de la Vallée de Seine, tout en conservant une réelle flexibilité, car les acteurs garderaient la possibilité d’adapter la communication de manière plus spécifique. En outre, l’appellation Vallée de Seine apparaît complémentaire de celle due la métropole du Grand Paris. Dès lors, les acteurs du territoire bénéficiaire à la fois des retombées en termes d'image liée à la Vallée de Seine et au rayonnement de la ville monde qu’est Paris.

La troisième hypothèse décrit une toute autre situation. Il n’est pas question ici d’engager une stratégie commune de promotion internationale de la Vallée de Seine. Les

Question exogène Domaine : Gouvernance

Quel mode de financement des grands projets ?

1/ Le secteur privé se rend indispensable et pèse dans l'émergence des grands projets

2/ Les acteurs publics territoriaux et sectoriels parviennent à une convergence et des participations croisées pour financer les grands projets

3/ Une panne des grands projets s'est installée en raison d'une incapacité publique et privée à les financer

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acteurs restent libres et indépendants dans leur stratégie de développement à l’international; il n’existe de volonté de coordonner ou d’harmoniser les politiques territoriales dans ce sens. Il ne s’agit pas d’un non-choix ou le signe d’un manque d’ambition ; cette décision est motivée par le souci de rester pragmatique, de se concentrer sur l’objectif d’internationalisation de l’économie de la Vallée de Seine et moins sur les moyens. Ainsi, les politiques consistent en grande partie à créer un climat favorable à l’exportation, en soutenant les entreprises désireuses d’aller se positionner sur des marchés à l’international, en encourageant les partenariats divers et variés, dans tous les domaines - culturels, scientifiques, sportifs, éducatifs, citoyens, touristiques, environnementaux, économiques - de manière à poursuivre le tissage, pas à pas, de réseaux de relations pour les acteurs normands. En apparence, on pourrait croire à une stratégie du chacun pour soi, et même si les acteurs normands ne « chassent pas en meute  », comme on aime à dépeindre le comportement des firmes allemandes à l’international, cette politique réaliste est plus accessible à court terme ; elle constitue une première étape à une structuration plus intégrée de la composante internationale dans le projet Vallée de Seine.

Cette stratégie de développement à l’international se définit en fonction du positionnement métropolitain de la Vallée de Seine, dans sa dimension régionale qu’est le grand bassin parisien, sa dimension nationale et sa dimension européenne. 4 hypothèses sont formulées en ce qui concerne le rayonnement métropolitain de la Vallée de Seine. La première hypothèse dessine un prolongement du nouveau Grand Paris vers la mer, dans la vision populaire qu’Antoine Grumbach a remis au goût du jour dans ses propositions dans le cadre de l’atelier international du Grand Paris. Le rayonnement de la Vallée de Seine est dans cette hypothèse très fort, décuplé par la puissance de la métropole francilienne. Cependant, on aurait dans cette vision, une Vallée de Seine spécialisée sur certaines fonctions productives, maritimes et logistiques, et par conséquent un rayonnement surtout économique et dans le champ industriel. Plus encore, l’interrogation subsiste sur la nature des relations métropolitaines que la Vallée de Seine entretiendrait avec d’autres territoires autre que l’Ile-de-France. Serait-elle en relation directe, ou les centres de décision parisiens monopoliseraient le dialogue et utiliseraient la Vallée de Seine comme un sous-traitant comme un autre ? Si l’insertion dans la mondialisation et les dynamiques métropolitaines sont très poussées dans cette hypothèse, le doute est permis sur le caractère réellement métropolitain de la Vallée de Seine, au sens où cette puissance industrielle et logistique, permette d’attirer et de développer d’autres leviers de puissance - scientifique, culturel, résidentiel, touristique, financier - qui caractérisent une métropole de « plein droit ».

Question endogène Domaine : Métropolisation

Quel développement international de la Vallée de Seine ?

1/Vallée de Seine - Normandie, une marque unique pour les deux Normandie ("taille critique")

2/ La Vallée de Seine structure les acteurs autour d'une marque commune qui s'insère dans les réseaux globaux

3/ Selon ses atouts, chaque acteur et territoire de la Vallée de Seine cherche à s'inscrire dans des réseaux internationaux, sans réelle cohérence d'ensemble

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Les trois questions suivantes portent sur ce qu’on appelle l’économie de la connaissance, même si on ne peut circonscrire celle-ci au seul secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dans les différentes ruptures possibles pour l’économie de la Vallée de Seine, l’enjeu d’une montée en gamme et d’une recherche de la valeur ajoutée est transversal; le territoire bénéficie d’une géographie avantageuse et d’une histoire industrielle, mais son avenir économique passe certainement par un travail de spécification plus nette de son offre, sur quelques marchés porteurs. Les effets de la concurrence internationale et nationale obligent la Vallée de Seine à choisir un positionnement assumé de son offre économique.

L’atelier a tout à fait pris la mesure de l’importance de l’innovation et de la capacité des acteurs normands à créer, porter et diffuser cette innovation. Le sens de la question sur l’évolution de la Recherche et Développement (R&D) ne discute pas cette évidence ; la question aborde les orientations et les modes d’organisation de cette R&D en Normandie, en croisant plusieurs aspects. Tout d’abord, l’enjeu ou la nécessité du retour sur investissement des dépenses de R&D. Devons-nous investir en priorité dans des domaines de recherche, qui amèneront des innovations, exploitables par les acteurs et les entreprises locales à court et moyen terme ? Ou pouvons-nous permettre de déployer des moyens sur des disciplines scientifiques éloignées de nos filières économiques (si tant est qu’une «discipline » puisse être sectorisée, où mettrions-nous les mathématiques ? le latin ? la géographie ?). Dans un contexte de forte rationalisation des efforts de R&D dans la sphère publique, voire d’interrogations sur l’organisation des activités de R&D, la Vallée de Seine peut réussir à constituer un réseau performant de R&D, en rapprochant les différentes entités - universités, entreprises, associations, collectivités, laboratoires de recherche - dans des projets et programmes communs de travail. On ne fait pas référence à une éventuelle fusion des acteurs pour peser; on pense plutôt à la structuration d’écosystèmes, fonctionnant sur le mode du partenariat, de l’émulation, de la coopétition. C’est le sens de l’hypothèse 1.

Toutefois, la fragmentation du monde de la recherche en France constitue un frein réel aux rapprochements et aux collaborations. Avec la proximité du géant parisien, la tentation beaucoup être grande de faire cavalier seul et de rentrer dans l’orbite d’une université parisienne, plutôt que se regrouper à l’échelle de la Normandie. Cette hésitation et cette inertie pourraient bien sonner l’échec de tout projet majeur d’organisation de la R&D en Vallée de Seine, du moins du côté de la sphère publique. L’hypothèse 2 serait la résultante d’un plus ou moins lent mouvement de désengagement de la puissance publique dans le domaine de la R&D pour diverses raisons : manque de financements, désorganisation, lutte de pouvoirs, querelles idéologiques, pénurie de talents. Les laboratoires publics de recherche poursuivent leurs travaux, mais leurs logiques sont complètement déconnectées des

Question exogène Domaine : Métropolisation

Quel rayonnement métropolitain de la Vallée de Seine ?

1/ Le Grand Paris jusqu'à la mer (« Grumbach")

2/ Un grand espace Manche - Rouen/Caen/LH - Angleterre se construit pour gagner en visibilité à l'international

3/ Une métropole estuarienne de taille européenne Rouen Caen Le Havre se constitue

4/ Les agglomérations de la Vallée de Seine sont concurrentes entre elles et accroissent leur dépendance à la métropole du Grand Paris

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applications concrètes que les territoires et les entreprises pourraient développer. Le secteur privé prendrait donc le relais, en reprenant la main sur les efforts de R&D de manière plus assumée qu’auparavant. En effet; dans les processus de R&D, l’aval se situait déjà davantage dans le monde des entreprises, qui sont beaucoup plus tournées vers les clients et les usagers, que ne le sont les entités amont plus centrées sur la recherche fondamentale ou la recherche appliquée mais encore non opérationnelle.

Dans cette hypothèse 2, le secteur privé se serait lassé de ne pouvoir infléchir les stratégies de recherche amont et déciderait en conséquence de définir lui-même les grandes orientations de recherche. Néanmoins, on imagine mal les acteurs marchands investir dans des travaux pouvant bénéficier à une large communauté. Ainsi, si la recherche devenait plus opérationnelle dans cette hypothèse, le paysage deviendrait également plus fragmenté et les avancées scientifiques seraient captées en priorité par les acteurs qui ont financés les travaux y contribuant. Cette privatisation de la connaissance et des activités de R&D en découlant pose non seulement une question éthique sur l’intérêt général d’une diffusion inégalitaire et propriétaire de la connaissance, mais aussi une question sur la performance globale de ce système, où l’optimum économique pour la société serait difficile à trouver ou à cerner. C’est aussi avoir une grande confiance dans la capacité des acteurs privés, concurrents entre eux, de s’allier pragmatiquement pour mutualiser certaines dépenses de R&D, avant de s’affronter en aval sur les phases de commercialisation sur les marchés. Enfin, si on pousse le raisonnement un peu plus loin, l’hypothèse 3 apparaît presque naturelle ; pour amortir aux maximum les dépenses de R&D, seuls les projets «  rentables » à court terme seraient financés. Ce serait donc clairement la loi du marché qui l’emporterait, avec l’avantage d’un pilotage opérationnel à court terme beaucoup plus efficace, et en même temps un vrai risque de rater les grandes évolutions de fond du territoire et les transformations profondes des marchés.

En plein débat et controverse sur les réformes successives de l’enseignement supérieur, le statut des Universités, l’organisation de l’offre, les conditions d’accès, l’atelier a posé trois hypothèses simples sur l’évolution de l’enseignement supérieur en Normandie à l’horizon 2040. Une hypothèse 2 qui se traduit par la réussite des politiques actuelles et futures, visant à constituer un pôle universitaire normand, regroupant les Universités et établissements d’enseignement et de recherche de toute la Normandie. Cette fusion s’expliquerait par une volonté de mutualiser les ressources, de gagner en taille critique du point de vue de la visibilité nationale et internationale, de la diversification de l’offre de formations. Cette vision d’une Normandie autonome et puissante dans le domaine de l’enseignement supérieur enverrait un signal clair au monde de l’entreprise et aux ménages réticents à s’installer en Normandie,

Question exogène Domaine : Enseignement / Recherche

Quelle évolution de la R&D en Normandie ?

1/ Des écosystèmes R&D se forment avec un rapprochement étroit entre l'Enseignement supérieur, les laboratoires de recherche et les Acteurs économiques locaux

2/ La recherche est laissée à la sphère privée...

3/ L'abandon de la recherche fondamentale ! Tout ce qui n'est pas rentable à court-moyen terme 'n'intéresse plus" les acteurs de la recherche

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SCÉNARIOS PROSPECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DE LA VALLÉE DE SEINE À L’HORIZON 2040 RAPPORT DE PRÉSENTATION DES SCÉNARIOS ET STRATÉGIES PROSPECTIVES

faute d’une offre compétitive pour les étudiants. Toutefois, cette vision est loin d’être unanimement partagée; c’est l’objet de l’hypothèse 1 qui décrit une Normandie divisée, avec une logique du « chacun pour soi » de la part des établissements d’enseignement supérieur. Les Universités et les grandes écoles ne se parlent pas entre elles et s’affrontent même avec férocité, luttant pour attirer les meilleurs étudiants et enseignants. La concurrence pour les financements externes également rude, compte tenu d’une volonté nationale de répartir territorialement les crédits sur l’ensemble des régions, dans un objectif de maillage et d’aménagement du territoire. Cette hypothèse 1 n’apparaît pas invraisemblable même si d’aucuns ne la souhaitent réellement.

Enfin, la 3e hypothèse reflète un choix cornélien pour les acteurs normands. Soit ils conservent leur autonomie (ou un semblant de celle-ci) et restent un acteur de taille moyenne et de rayonnement régional, soit ils décident de s’allier à une grande université parisienne, perdent leur indépendance, avec la contrepartie d’un rayonnement national, voire international sur certaines filières de formation. Cependant, les bénéfices respectifs des universités normandes et franciliennes excèdent-ils les risques de désorganisation et de déséquilibre de la gouvernance entre Paris et la Province ? En outre, les territoires de la Vallée de Seine et de l’Ile-de-France (bien que ces 2 entités ne forment déjà pas un ensemble territorial homogène) sont très différents, tant dans leur population, leur histoire, leur géographie, leur profil économique, qu’il serait très difficile d’organiser une offre de formation supérieure à cette échelle de manière pertinente.

La question suivante explore deux voies possibles sur la carte des formations supérieures en Normandie. Une première voie faisant le choix de spécialiser l’offre de formation aux besoins en compétences de l’économie locale; les filières porteuses ou éprouvant des difficultés à recruter, comme la santé, la logistique, l’énergie, la chimie verte, par exemple, On aurait dans cette hypothèse un appareil de formation très tourné vers la réponse aux enjeux économiques territoriaux. L’autre hypothèse, sans récuser l’intérêt d’une formation plus fléchée sur les besoins en ressources humaines du territoire, assume le fait de maintenir une offre large et généraliste d’enseignement supérieur, dans l’objectif de former le plus grand nombre d’étudiants et de leur donner à tous une qualification. L’offre d’enseignement supérieur, sans être déconnectées des réalités économiques territoriales, poursuit des finalités plus larges que la «  fournitures de compétences » aux employeurs normands. Cette 2e voie répond également à la demande sociale d’un accès de proximité à un portefeuille large de formation supérieures, au moins jusqu’au niveau licence.

Question endogène Domaine : Enseignement / Recherche

Quelle organisation de l'enseignement supérieur en Normandie ?

1/ Les Universités et les grandes écoles développent des stratégies indépendantes

2/ Le pôle universitaire Normand

3/ Une antenne de Paris

Question endogène Domaine : Enseignement / Recherche

Vers quoi s'oriente l'offre d'enseignement supérieur en Normandie ?

1/ Des contenus articulés au(x) territoire(s) : santé, énergie, logistique, motorisations, etc.

2/ Des contenus "généralistes" pour l'enseignement et la recherche

STRATYS !75 JUILLET 2014