cahier 11

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  • 8/13/2019 Cahier 11

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    Jacques Henri PREVOST

    Petit Manuel dHumanit

    CAHIER 11 Psychologie et Religiosit

    MANUSCRIT ORIGINALTous droits rservs

    N 00035434

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    en erreur. La physique dit seulement quil ny avait alors ni matire ni nergie manifestes dans le milieuoriginel do celles-ci devaient sortir. Cependant, le contenu pr-nergtique et les conditions oscillatoiresqui devaient conduire la production de lunivers spatio-temporel existaient, puisque celui-ci est apparu.

    Quelle que soit lappellation, (culturelle), quon leur donne, ces conditions constituent lorigine primordiale,la cause premire, de toutes les productions ultrieures de lunivers, des particules, des atomes, des toiles,

    des plantes, et des tres vivants, donc celle de lHomme en gnral, et de chacun dentre nous en particulier.Comprenons bien que les relations qui relient cette origine primordiale lexistence actuelle, y compris lHomme, sont sens unique.

    Elles sont constitues dmergences successives, dans lesquelles le hasard imprvisible, la ncessit lie auxcomptitions vitales, et la poursuite de la ralisation de lidiomorphon, ont pu jouer un rle. Le prsentsexplique par le pass, mais le pass ne dterminait pas plus le prsent que lactuel ne dtermine lavenir.

    Nous constatons que la caractristique vidente du Rel est limpermanence, car le pass est continuellementdtruite pour engager louvrage actuel. A chaque phase, une structure nouvelle apparat, comme lunivers amerg du vide originel. Ces nouveauts sont des mergences, des crations originales. A chaque instant delternel prsent, la chose passe est transforme en la chose nouvelle maintenant cre. A tout moment,nous pouvons voir de nos yeux cet acte, la fois destructeur et crateur, cette expression immanente du Zo-ran, fonctionner dans la simplicit de son oeuvre permanente.

    Nous avons prcdemment tabli que les particules lmentaires, qui constituent cet univers indfinimentvariable, taient ternelles, et que les protocellules vivantes, partir desquelles est bti notre corps prissa-

    ble, taient immortelles. On doit en dduire un fait personnel trs important.

    Chacun habite continment cet univers depuis son origine.

    A partir du vide originel, et pendant limmense dure du temps pass, chacun de nous a chemin, traversdes tats divers et successifs, depuis la particule jusqu ltat humain conscient actuel, lequel constitue au-

    jourdhui mme la mmoire matrielle, (incessamment mortelle), de cette exprience exploratoire.

    Depuis lorigine primordiale, nous avons quitt lancien tat mystrieux, le Zoran non manifest, tel quildemeure avant que fussent la matire, le temps, et la conscience, et nous sommes entrs, linstant blouis-sant de lexplosion originelle, dans lunivers indfiniment variable o nous existons maintenant et trs provi-soirement. La vie installe en nous aux origines ne sest jamais interrompue. Pendant des milliers de millionsdannes, elle a poursuivi sa course prilleuse, de gnration en gnration, de germen en germen, jusquedans lactuel soma. Par un hasard extraordinaire, traversant tous les dangers et les piges accumuls, cettemcanique physiologique, ce corps que nous habitons aujourdhui, na encore jamais connu la mort que nousallons prochainement exprimenter et qui reste donc un grand mystre.

    Comprenons bien que chacune des mergences qui nous ont conduits pas pas la condition actuelle consti-tuait un cheminement double sens, un processus double effet.On peut le concevoir comme un progrs, une monte, partant de lindfini originel au fini actuel, mais on

    peut tout aussi bien y voir une descente, une chute, une limitation croissante pose par les contraintes exis-

    tentielles du rel par rapport aux potentialits indfinies de ce qui aurait pu tre idalement possible. Cesenfermements dans des contraintes de la matire constituent les premiers des servages dont il est ici question.

    Le tout premier esclavage est li au pass de lunivers. Il est impos par la condition matrielle, limite auxralits de lexistence physique asservies aux lois de lespace-temps. Dautres limitations sont lies notrelocalisation spatio-temporelle dans lespace. Nous utilisons les composs chimiques actuellement possiblessur notre plante terrestre, en raison de son pass, et nous sommes soumis aux contraintes qui contrlentleurs combinaisons.Un autre esclavage se rapporte la lointaine origine cellulaire de notre corps vivant, dont les lois ont tvoques dans un prcdent chapitre. Parce quils sont enfouis au plus profond de notre corps, nous navons

    pas conscience de la puissance cache des mcanismes originels qui aujourdhui encore assurent la surviedes cellules, ni mme de celle des composants primitifs des protocellules qui ont construit ces cellules.

    Notre structure corporelle nest pas alatoire ni librement choisie. Elle est dfinie par un schma impos parles chromosomes ports dans notre bagage gntique. Dautres imprialismes rglent les faons de vivre,

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    telles la civilisation, la socit, et la totalit de notre histoire personnelle. Et comme cela a t dit lorsquenous avons expos les thories de Dawkins, voici quapparaissent des dictatures dides, impitoyables pourles individus.

    La premire question, trs proccupante, qui se pose lHomme est celle du sens vritable que suitlorientation actuelle de ce cheminement de notre tre au sein profond de la matire.

    Progressons-nous ou rgressons-nous ?

    Cest une trs grande et trs difficile question. Rappelons-nous le jeu du singe et du miroir, et combien on peut sillusionner avec des grands mots sans signification. Dans ce chapitre, nous allons essayer de regarderrellement, sans illusion et sans truquage, limage renvoye par le miroir de notre conscience lorsque nous ycontemplons le reflet de nos actions vritables. Pour engager cette introspection, cette descente lintrieurde nous-mmes vers les profondeurs obscures, nous allons faire un bref appel aux mythes dont nous avonsdit quils transmettaient des enseignements travers les vicissitudes du temps.

    Nous pourrions utiliser la lgende de la Belle au bois dormant, dans laquelle nous voyons le Prince vaillant,(et charmant), traverser la fort dpines et venir veiller sa Belle, endormie depuis cent ans. (Les contes

    pour enfants transportent trs souvent ce genre de mythe). Mais je vous propose plutt le mythe dOrphe etdEurydice, encore bien plus ancien, et qui finit beaucoup plus mal puisque Orphe ne russit pas sa qutedifficile.

    Orphe, cest lhomme actuel et dchu, souffrant de la ressouvenance du paradis perdu. Il cherchedEurydice, son me originelle et divine, oublie, engloutie dans lenfer de lexistence matrielle. Il dsireperdument la rappeler du plus profond de cet enfermement jusque la vie, dans le vrai monde des humains.Pour cela Orphe devra rencontrer, affronter, matriser et charmer les puissances infernales. Mais il cdera la tentation de contempler son me immortelle. Hlas, il se retournera vers elle, sattardera, oubliera un ins-tant les dmons qui lentourent. Eurydice sera renvoye en Enfer et Orphe la perdra jamais. Errant, dses-

    pr, il sera dchir par les Bacchantes exaltes quil ddaigne.

    Nous allons ensemble chercher notre Eurydice, donc descendre dans ces enfers intrieurs de lme et delexistence humaine.

    Il nous faudra faire face tous les dmons qui hantent notre commun pass inconscient, les amener et lesgarder jamais dans notre mmoire consciente. Nous admettons assez facilement la prsence en lhommedes pulsions vitales ordinaires, des dmons animaux classiques, des apptits de nutrition, de reproduction, dedomination qui conduisent notre pense ordinaire.

    Les anciens Thrapeutes du 4me sicle considraient que ces moteurs de la pense taient des affections delme, des cancers psycho-spirituels qui agissaient sur la libert humaine, et empchaient lHomme de rali-ser sa vritable nature.

    Evagre le Pontique distinguait les maladies spirituelles suivantes.

    Gastrimargia. Gourmandise, et tous apptits. (pathologies orales).

    Philargutia. Avarice et autres restrictions. (pathologies anales).

    Porneia. Exagration et dviations des pulsions gnitales.

    Org. Colre et pathologies dirascibilit.

    Lup. Envie, frustration, dpression, tristesse et mlancolie.

    Ascedia. Dgot, dsespoir, pulsions de suicide et de mort.

    Kenodoxia. Vanit, stupidit, inflation de lego.

    Uperphania. Orgueil, dlire paranoaque, schizophrnie.

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    Ultrieurement, sous linfluence de la religion chrtienne devenue dominante, on identifia ces obstacles auxdiabolos, (dia, ce qui divise), aux dmons, et on fit des symptmes de ces maladies du libre arbitre, les sept

    pchs capitaux, qui sont les sources de tous les dsordres du comportement.

    Outre ces pulsions ordinaires, ces dmons presque familiers que nous reconnaissons au quotidien, on trouveaussi dans lHomme des dchanements beaucoup plus destructeurs et bien moins avouables.

    Nous les refoulons habituellement dans les sombres profondeurs de linconscient, mais nous pouvons cepen-dant les sentir monter en nous lorsquelles sont sollicites.

    Nous devons donc aussi prendre conscience que nous sommes tous atteints par ces terribles maladies psychi-ques caches. En un autre langage, nous devons maintenant faire face ces princes infernaux qui inspirentnos actions, et parfois les gouvernent.

    Souvenez-vous bien que lorsque le chemin est pris, on ne peut faire marche arrire sans tout perdre. Sachezdonc que les pages qui suivent seront trs dsagrables car les ralits karmiques caches sont horribles. Jai

    pourtant coup lindicible, et jai tent dpargner votre sensibilit, autant que faire se pouvait.

    Amis, il nous faut donc cheminer, ou renoncer ici mme.

    Orphe doit maintenant descendre aux enfers, ne jamais oublier, mais ne pas sy complaire.

    Malheur qui sattarde l-bas.Que celui qui est trop lger sabstienne. (C. Rosenkreutz)

    Nous allons explorer lhistoire crite de trente ou quarante sicles de sauvage comportement humain et d-couvrir toutes les consquences des actions gouvernes par lexagration des pulsions de pouvoir, de posses-sion, de violence, et de meurtre, lhorrible ralit permanente de dmons despotes, avides et sanguinaires.

    Ce que les hommes appellent civilisation, cest ltat actuel des moeurs et ce quils appellent barba-rie, ce sont les tats antrieurs. Les moeurs prsentes, on les appellera barbares quand elles seront desmoeurs passes . (Anatole France).

    Voici ce que lon trouve en dchiffrant lcriture cuniforme des tablettes de terre cuite assyriennes qui nousracontent lhistoire du roi Assournasipal II, il y a 3000 ans. (10me sicle av. JC).

    Jai bti une tour prs de lentre de la ville. Jai corch tous les hommes de quelque rang, et jairecouvert la tour de leurs peaux. Jai fait empaler dautres chefs au sommet de la tour. Jai fait couperles membres aux officiers. Jai brl un grand nombre de mes captifs. Jai fait couper les mains ou lesdoigts, dautres le nez ou les oreilles, ou jai fait crever les yeux dun grand nombre. Jai fait brlertous leurs jeunes gens et leurs jeunes filles. Jai rempli de cadavres les places et les maisons et la villeentire. Jai dtruit des fondations jusquaux toits. Jai tout dvast, dtruit par le feu. Jai fait creuserdes canaux partir de lEuphrate et jai submerg les lieux, transformant ce site en prairie. Jai tu

    beaucoup de captifs de mes propres mains . Et aussi, Jai mis dans mon palais de grandes quantitsdor, dargent, dtain, de bronze et de fer, butins des territoires que jai placs sous mon contrle .

    Lorsque Ezchias, roi de Jude, se soumet, il nest pas trs pargn. Au tribut prcdent jai ajout 30 talents dor, 800 talents dargent, des joyaux, de lantimoine, deslits et des fauteuils divoire, des peaux et des dfenses dlphant, et ses propres filles, et tout son ha-rem, et tous les chanteurs et danseuses de son palais .

    Il ny a pas que lAssyrie, et les Hbreux ne sont pas que victimes. (1-Chroniq, 20). David, le grand roi bi- blique, est horrible.

    Joab la tte dune forte arme alla ravager le pays des fils dAmmon et assiger Rabba. Mais Davidresta Jrusalem. Joab battit Rabba et la dtruisit. David enleva la couronne de dessus la tte de sonroi, et la trouva du poids dun talent dor. Elle tait garnie de pierres prcieuses. On la mit sur la ttede David, qui emporta de la ville un trs grand butin. Il fit sortir les habitants, et il les mit en picesavec des scies, des herses de fer, et des haches. Il traita de mme toutes les villes des fils dAmmon.Puis David retourna Jrusalem avec tout le peuple.

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    Laissons passer deux mille ans. Rien ne change. Les Romains conduisaient sans merci leurs oprations mili-taires. Ils massacraient les chefs vaincus et envoyaient leurs ttes Rome. Les guerriers survivants, les fem-mes et les enfants taient spars et rduits en esclavage. Les rvoltes desclaves taient sauvagement rpri-mes. Plusieurs milliers dentre eux furent parfois simultanment crucifis le long des voies romaines .

    La crucifixion tait trs utilise par les Romains comme par tous les peuples antiques. Elle consistait

    suspendre le condamn par les bras, et le clouer sur un support quelconque, trs souvent un arbre,trs rarement une croix vritable. On en a une reprsentation valable dans un tableau dAntonello daMessina. Le mot latin crux nimplique pas lide moderne de croisement, (Snque). Il est driv dugrec stauros, dsignant originellement tout support vertical destin ce supplice infamant. Lecondamn mourrait lentement, asphyxi par la contracture de ses muscles pectoraux. Les Juifs, trs at-tachs aux aspects sanitaires de la Thora, achevaient les supplicis avant la fin du jour pour enterrerimmdiatement le cadavre souill. Afin de ne pas entacher le prestige de Rome, les citoyens romainsntaient jamais crucifis ni mme flagells.

    Les premiers chrtiens avaient une connaissance pratique des aspects dgradants et de lhorreur de lacrucifixion. Ils y faisaient donc trs rarement rfrence, et ne reprsentaient jamais le Christ sur lacroix. Ce nest que bien plus tard, au-del du 4me sicle, aprs la disparition complte de cette forme

    juridique dexcution des criminels, que limage en fut magnifie et reprsente dans les glises.

    La croix symbolique est maintenant prsente partout o lEvangile a t diffus, mais le symbole lui-mme est bien antrieur au christianisme, et fut galement utilis dans dautres traditions pendant sondveloppement. (Exemple : Orpheos Bakkikos du Muse de Berlin, cachet orphique du 3me siclereprsentant un crucifi).

    Les Romains imaginrent aussi de donner en spectacle la souffrance et la mort. Dans les cirques bonds, le peuple assistait aux combats mortels des gladiateurs et parfois, (comme les tricoteuses de la Rvolution de-vant la guillotine), au martyre des condamns excuts, torturs, ou livrs aux btes.

    Encore deux mille ans. Venons-en au le Moyen Age, poque de grandes invasions et de guerres innombra- bles. Les affrontements au corps corps taient terribles.

    Par exemple, en 451, les Uns, allis aux Wisigoths, envahirent la Gaule. Ils rencontrrent les troupesdu gnral romain Aetius et des rois germaniques aux champs Catalauniques, prs de Troyes. Cette

    bataille froce fit cent soixante-cinq mille morts en une seule journe, (contraignant dailleurs Attila rebrousser chemin). Ce chiffre norme mit alors fin la lutte.Il correspond, hlas, aux pertes quotidiennes des guerres actuelles.

    Les traitements infligs aux vaincus ne changrent gure au fil du temps.

    Autre exemple, parmi tant dautres. Charlemagne, le grand empereur, ninventa seulement lcole.Aprs avoir cras les tribus du nord-est de la Germanie, il fit massacrer plus de quatre mille captifs etdporter dix mille Saxons.

    Avanons de mille ans. Cest la Rvolution franaise.

    En France, partir de 1792, et pendant deux ans, la Rvolution franaise prit un tournant sanguinaire.Dans plusieurs prisons, Paris, o il y a 1 200 victimes, et en province, beaucoup de prisonniers fu-rent massacrs dans des conditions pouvantables.La Terreur sinstalla. Les tribunaux rvolutionnaires commencrent envoyer lchafaud de trsnombreux suspects. 17 000 personnes furent guillotines aprs un procs sommaire et sous le lazzi dela foule. Puis cest la Grande Terreur qui fit excuter 25 000 personnes de plus sur simple constatdidentit.

    Ensuite, on passera lcrasement de la Vende et aux grandes guerres napoloniennes. Dans le mme tempsque la rvolution clatait en France, une autre rvolution avait lieu aux Antilles en 1791, celles des esclavesnoirs, fomente par Toussaint Louverture. Lesclavage fut supprim par la Convention en 1794, mais Napo-lon le rtablit en 1802, et il subsista dans nos institutions jusquen 1848, date laquelle il fut enfin aboli

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    dans toutes les possessions franaises, (particulirement en raison des risques de rvoltes dans les plantationsde canne sucre).

    La rduction en esclavage des populations africaines est un vnement effroyable de lhistoire hu-maine. On estime que vingt millions dAfricains ont subi ce sort au cours des temps historiques. Lesesclavagistes achetaient aux potentats locaux les esclaves procurs par les expditions guerrires sp-

    cialises, dpeuplant des rgions entires. Ils les acheminaient ensuite vers les marchs desclaves, au prix de trs lourdes pertes.La dportation des hommes enchans vers le Maghreb, se faisait pied, en caravanes, travers lesforts vierges et les dserts torrides.La dportation vers lAmrique utilisait des flottes de navires spcialement amnags, avec des entre-

    ponts multiples, de faible hauteur. Les conditions de transport taient pouvantables, et ne peuventtre compares qu celles du transport ferroviaire des dports juifs vers les camps nazis.Les esclaves noirs voyageaient couchs, ou assis, continuellement enchans cote cote, par centainesdans un espace extrmement rduit, manquant deau et de nourriture, dchans tour de rle pour les

    besoins indispensables.Le voyage tait long, et beaucoup mourraient en route. Les corps taient jets en mer. Les survivantstaient rafrachis dans les Iles avant dtre mis sur le march. Ils travaillaient ensuite dans les plan-tations de canne ou de coton, o la discipline tait impitoyable.

    Plus tard, ce furent les conqutes coloniales. Pour mettre fin la piraterie des Arabes et des Turcs en Mdi-terrane, larme franaise entreprit la conqute de lAlgrie vers 1830, du Maroc vers 1850, puis de la Tuni-sie vers 1880. LAlgrie tait sous domination turque. Au dbut, les soldats furent bien accueillis, mais lesexactions auxquelles ils se livrrent provoqurent la guerre avec les Arabes. Les armes combattirent sansmerci. Sur les comptes-rendus dpoque de larme franaise, on lit ceci .

    Le 6 Avril 1932, un corps de troupe du 1er Chasseur et du 3me de la Lgion, venant dAlger, surpritau point du jour une tribu endormie sous ses tentes, et gorgea tous ces malheureux sans quun seulchercha se dfendre.Tout ce qui vivait fut massacr, sans distinction dge ni de sexe. Au retour de cette expdition, noscavaliers portaient des ttes au bout de leurs lances, et lune delles servit, dit-on, un horrible festin.Tout le btail enlev fut vendu au consul du Danemark.Le reste du butin de cet effroyable carnage fut expos au march de la porte Bab-Azoun. On y voyaitavec horreur des bracelets de femmes encore attachs des poignets coups, et des boucles doreilles

    pendant des lambeaux de chair. Un ordre du jour du 8 Avril proclama la haute satisfaction du gn-ral pour lardeur et lintelligence que les troupes avaient montres.A la prise de Constantine, pendant que lassaut se livrait, et avant mme quil commena, un mouve-ment dmigration extraordinaire se manifestait autour de la place. On voyait la foule inonder les talusentre la ville et les prcipices, soumise des flux et des reflux quoccasionnaient les difficults et lesdsastres de la fuite. Cest vers les pentes que convergeaient toutes les longues files dhommes armset dsarms, de vieillards, de femmes et denfants. Deux pices de montagne, amenes sur la lisiresuprieure, lancrent des obus au milieu de cette nappe mouvante de ttes et de burnous. Les frmis-sements qui suivaient la chute de chaque projectile indiquaient quels effets cruels ils avaient produit.

    Les Turcs ne sont pas en reste .

    Lagha dAdmed-Bey savana en Novembre jusqu Talaha, et exera contre les Arabes des cruautsinoues. Un grand nombre dhommes furent gorgs. Les femmes et les jeunes filles furent mutilesde la manire la plus cruelle. On leur brla les mamelles et les genoux. (Terrible supplice mdivalconnu sous lappellation dnervement).

    La conqute du Maroc fut marque par lpouvantable sige et la rduction par incendie des grottes dOuled-Rhia. Je renonce vous faire part des horribles rapports relatant le sort affreux des rfugis dans les grottes.Sachez que la population franaise, informe par la presse, en fut cependant particulirement indigne.

    Lorsque la France quitta lAlgrie devenue indpendante, elle laissa derrire elle de nombreux auxiliairesindignes, les harkis.

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    Entre 1962 et 1964, presque hier, les populations locales massacrrent alors entre 60 000 150 000dentre-eux, leurs compatriotes, dans des conditions particulirement atroces. Aujourdhui mme, les

    populations des villages algriens sont victimes dhorribles massacres. Chaque jour, des hommes, desfemmes et des enfants sont gorgs au couteau et mutils la hache. Des jeunes filles sont enleves,violes rptition puis horriblement acheves par cartlement entre deux arbres.

    Depuis le dbut du sicle, le Monde a connu des guerres meurtrires. Avant la premire guerre mondiale, de1914 1918, la France comptait trente-neuf millions dhabitants. Deux millions et demi sont morts ou dispa-rus, et six millions ont t blesss. La moiti de la population active a donc subi dans son corps les cons-quences de ce conflit. Celui-ci a dpeupl, en raison des conditions de recrutement, tous les petits villages dela montagne franaise qui ne sen sont jamais remis et qui finissent lentement den mourir.

    La seconde guerre mondiale fut encore plus terrible. Nous savons tous lnorme importance des gnocidesnazis, pendant la dernire guerre. Six millions de dports, surtout juifs, ont pri dans les campsdextermination. Dans les pays occups, beaucoup de rsistants ont t torturs par les inspecteurs de laGestapo, avant dtre excuts. Au seul fort du Mont Valrien, 4500 rsistants franais ont t fusills par lesAllemands.

    Cette guerre, la plus importante de lHistoire, a provoqu la mort de soixante millions de personnes.Beaucoup ont t perces par les balles, dchiquetes par les bombes, crases sous les immeubles ef-fondrs, noyes dans les soutes des navires couls, brles par le phosphore, vaporises par le souffleatomique, mortes de faim, de froid, ou dans les tortures. Chaque mois, un million de personnes ont ttues. Chaque jour, en moyenne, plus de trente mille pauvres gens comme vous et moi, sont morts demort violente. Cela a dur cinq longues annes. En Fvrier 1945, au cours des bombardements incen-diaires de Dresde, 250 000 personnes prirent, brles vives. Le 6 Aot 1945, la premire bombe ato-mique dtruisit Hiroshima, faisant 130 000 victimes. Le 9 Aot, Nagasaki fut anantie, avec 80 000morts. LHomme dtenait le pouvoir de sautodtruire.

    Mais les guerres ne sont pas le seul moyen de provoquer de grandes quantits de morts. Les idologies et lesconflits politiques sont galement trs efficaces. Dans les seuls territoires de lUnion Sovitique, on estime 80 millions le nombre des morts provoqus par le communisme. Tout cela est encore frais dans nos mmoi-res, et dj, dautres gnocides, dautres massacres, ensanglantent la plante et chargent le Karma humain.

    Au Cambodge, deux millions de civils meurent en quelques mois, tus au pistolet, ou coups de pio-che ou de bche. Citons encore lIran, lIrak, la Palestine, et tant dautres conflits, dautres guerres,comme en Serbie, dautres massacres ou gnocides comme au Rwanda, o huit cent mille personnesfurent dcoupes la machette en quelques semaines, et laisses pourrir sur place.

    Heureusement, il y a les glises et le Bon Dieu.

    Hlas, les grandes religions monothistes issues des antiques traditions smitiques ont trs longtemps identi-fi le pouvoir politique et lautorit religieuse. Leurs codes judiciaires punissaient donc avec la mme ex-trme svrit les crimes effectifs de droit commun et les erreurs ou manquements moraux et religieux.

    Comme lassassinat, lindocilit hrtique, et mme ladultre, taient punis par la torture et par la mort. Le pape Urbain VIII rforma enfin le code catholique partir de 1637, et la peine de mort pour sorcellerie futsupprime en 1731. Le code islamique na pas encore t rvis. En consquence, on voit encore au-

    jourdhui, en Algrie, la ralisation de tueries trs sanglantes qui sont en fait des punitions collectives. Ellessont infliges la population sur la base dun code judiciaire religieux labor au 12me sicle.

    Prenons dabord la Bible. Jai dit quelle contenait de terribles passages. Voyons quelques rfrences, maissachez auparavant que les mots dvouer par interdit signifient massacrer au nom de Dieu . Voicilhistoire des Hbreux prenant possession de la Terre Promise. (Josu 6).

    LEternel dit Josu. Vois, je livre entre tes mains Jricho et son roi, ses vaillants soldats, etc.La muraille scroula. Le peuple monta dans la ville chacun devant soi. Ils semparrent de la ville.Ils dvourent par interdit, au fil de lpe, tout ce qui tait dans la ville, hommes et femmes, enfantset vieillards, jusquaux boeufs, aux brebis et aux nes. Ils brlrent la ville et tout ce qui sy trouvait.

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    Cependant ils mirent dans le trsor de la maison de lEternel largent, lor, et tous les objets dairain etde fer.

    Regardez aussi concernant le pardon des fautes. (Achan, fils de Carmi, avait dtourn un trs beau manteauet quelques pices dor. LEternel demanda sa condamnation).

    On prit donc Achan, ses fils et ses filles, ses boeufs, ses nes, sa tente, et tous ses biens. Tout Isralles brla au feu et on leva sur leurs corps un grand monceau de pierres qui subsiste encore au-

    jourdhui. Alors lEternel revint de lardeur de sa colre.

    Et la conqute put reprendre ses innombrables massacres.

    Tous les gens dA furent massacrs et dvous par interdit.

    Aprs A, toutes les autres villes subirent le mme sort effroyable, et furent aussi dvoues lEternel, parinterdit. LEternel est galement impitoyable envers ceux qui ne respectent pas le repos du Sabbat. (Nom-

    bres, 15,32).

    Comme les enfants dIsral taient dans le dsert, on trouva un homme qui ramassait du bois le jourdu sabbat.LEternel dit Mose. Cet homme sera puni de mort, toute lassemble le lapidera hors du camp.Toute lassemble le fit sortir du camp et le lapida, et il mourut comme lEternel lavait ordonn Mose.

    Mais il arrive aussi quIsral se tourne contre les siens, comme on le voit dans la quasi-destruction des Ben- jamites. (Juges 21).

    Le nombre total des Benjamites qui prirent ce jour-l fut de vingt-cinq mille hommes, tous tirantlpe, tous vaillants. Les hommes dIsral revinrent vers les fils de Benjamin, et ils les frapprent dutranchant de lpe, depuis les hommes des villes jusquau btail, et tout ce quon trouva. Ils mirentaussi le feu toutes les villes qui existaient.

    Parmi les Benjamites, quelques hommes avaient survcu au massacre. Ils navaient plus de femmes. Lesautres tribus avaient jur de ne pas leur donner leurs filles pour pouses. On trouva vite une solution.

    Alors lassemble envoya douze mille soldats contre la ville de Jabs en Gallad, avec cet ordre. Allezet frappez du tranchant de lpe les habitants de Jabs avec les femmes et les enfants. Vous dvoue-rez par interdit tout mle et toute femme qui a connu la couche dun homme. Ils trouvrent parmi leshabitants de Jabs en Gallad quatre cents jeunes filles vierges qui navaient point connu dhommes, etles amenrent au camp, Silo, en Canaan. Et on donna ces femmes aux Benjamites survivants.

    On trouve parfois lvocation dhommes pieux sacrifiant Dieu leurs propres enfants. (Juges, 11,30/39).

    Japht fit un voeu lEternel. Si tu livres entre mes mains les fils dAmmon, quiconque sortira de ma

    maison mon retour sera consacr lEternel, et je loffrirai en holocauste. Et voici, sa fille sortit au-devant de lui avec des tambourins et des danses. Ctait son unique enfant. Il navait point de fils et point dautre fille. Ds quil la vit, il dchira ses vtements etc.(Japht laisse sa fille un sursis de deux mois, puis il la tue). Au bout de deux mois, elle revint versson pre, et il accomplit sur elle le voeu quil avait fait.

    Cest rellement effrayant. La Bible contient pourtant aussi le trs beau Cantique des Cantiques, probable-ment sotrique, et la Thora, dont quelques trop courts passages parlent de pardon et de misricorde. Celasoulage un peu. Il tait grand temps de parler damour et de pardon, aux Juifs, et aux Gentils que nous som-mes, et de proposer un nouveau comportement aux hommes.

    Il tait grand temps de prcher lEvangile de misricorde.

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    Dans les premiers temps du Christianisme, qui tait alors une simple secte juive, les Chrtiens taient rebel-les aux pratiques des religions en place. Ils taient souvent perscuts et martyriss. Puis les temps chang-rent et aprs la victoire de Constantin et les dits de Milan, la religion chrtienne devint dominante.

    Les bourreaux et les victimes changrent leurs rles. A partir du 4me sicle aprs JC, les grandsconciles dfinirent les dogmes de la foi catholique, et srigrent progressivement en thocratie r-

    gnante et en tribunaux suprmes.

    Les non-croyants et les tenants dautres religions furent des paens ou infidles. Les opposants devin-rent des hrtiques. Tous devaient tre convertis ou punis par la torture et la mort. Les gibets furentdresss et les premiers bchers sallumrent. Pendant plus de mille ans, le feu, dit purificateur, dvorales hommes, leurs livres, et leurs oeuvres. Pour convertir ces infidles et reconqurir le Saint Spul-cre, le tombeau vide du Christ, dnormes expditions militaires, les croisades, furent organises, enterre lointaine, au Moyen-Orient. Les batailles et les carnages furent terribles, en particulier contre Sa-ladin. Les croisades furent gnralement dtournes de leurs buts et aboutirent en fait des actions deconqutes. Elles permirent toutefois la mise en place de nouveaux royaumes et ltablissement de re-lations de commerce et dchange entre lOrient et lOccident.

    Sous limpulsion du pape Innocent III, on lana ensuite en Europe, et surtout en France, des expditionsmilitaires, puis de vritables croisades contre divers hrtiques, en particulier contre les Cathares. (Croisadedes Albigeois).

    De nouveau, il y eut de terribles massacres, des mutilations, des enfermements vie comme Carcas-sonne, des condamnations sans nombre. Dans Bziers, mise sac, tous les habitants, mme les catho-liques furent massacrs. Dieu reconnatra les siens . La loi ecclsiastique en vigueur lpoque esttrs prcise. Tout hrtique doit tre t de la face de la Terre. Il sera dabord livr au Tribunal Ec-clsiastique afin que celui-ci le retranche de lEglise du Christ et de la Communaut des croyants,

    puis il sera livr au Bras Sculier, qui le fera mourir et le retranchera du Monde.

    Les bchers brlaient partout. Sur les places des villes, les foules catholiques sassemblaient pour contemplerles excutions et voir les condamns dans la douleur, passer directement des flammes du bcher celles delEnfer .On dterrera mme des cadavres dhrtiques pour les brler. Des dizaines de milliers de pauvres gens fu-rent torturs, mutils, trangls, ou brls vifs, et tous leurs biens furent confisqus.

    En 1233, pour lutter contre les hrsies, le pape Grgoire IX organisa lInquisition, qui existait djen fait depuis les mesures prises par les conciles de Vrone (1184), et de Latran (1215). Elle futconfie aux Dominicains et remplit son rle avec frocit en utilisant la mise la question et en pro-nonant des condamnations.Les peines taient le port de signes infamants, la flagellation, la prison, lobligation de plerinage, et

    bien sur, la confiscation des biens. Les rfractaires taient livrs au bras sculier qui les envoyait au bcher.

    LInquisition fut rorganise en 1542 et devint la Congrgation de la Suprme Inquisition, qui prit en 1908 le

    nom de Congrgation du Saint Office, la charge de lIndex, et la rgence des consciences. Elle fut rformeen 1965 et devint la Congrgation pour la Doctrine de la Foi. Il faudra attendre 1980 pour quelle soit enfindfinitivement supprime, (dans les textes mais certainement pas dans les ttes). Aprs les hrtiques, on

    brla ensuite tous ceux quon accusait de sorcellerie. Cela dura jusquau 18me sicle.

    Pendant son pontificat, dans quatre-vingt-quatorze textes divers, le pape Jean-Paul II reconnat enfin que deserreurs, et des fautes historiques ont t commises. Il nonce prudemment, que certains fidles ont commisau sein de lEglise des actes que lvangile rprouve . Il demande aussi pardon pour la part prise par lescatholiques en ce qui concerne les croisades, le schisme dOrient, lInquisition, la mort de Jean Huss, lacondamnation de Luther, les guerres de religion, et dautres vnements tragiques. Ces dclarations scandali-sent une partie de son entourage.

    Je regrette personnellement que le pape renvoie vers les fidles, indment me semble-t-il, la responsabilitindividuelle des ces actes, sans mettre rellement en cause le rle institutionnel de lEglise catholique. Les

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    fidles ont parfois driv par rapport aux missions qui leur taient confies, mais ils ont agi originellementdans le cadre disciplinaire o ils taient placs par les conciles.

    Cest donc lEglise, en tant quinstitution, qui est en cause, et cest cette institution qui doit demander pardon pour le mal fait aux hommes, en son nom. On ne pourra croire la totale sincrit de ces regrets que lors-qu'ils seront rpts canoniquement, dans chaque messe, face aux fidles, pour les prvenir instamment

    contre la tentation toujours persistante du retour lintolrance.

    Tout en remarquant bien nettement, cest important, que les actions de guerre et de violence sont gnrale-ment accompagnes dactes arbitraires de spoliation, de vols, et dappropriation, nous allons enfin arrter icices rcits pouvantables.

    Au fond de lenfer, Orphe, comment ragissez-vous ?

    Devant ces actes terribles, on ne peut que frmir dhorreur.

    Hlas, il apparat quils sont le fait dhommes ordinaires, que vous croisez chaque jour dans la rue. Sur leslieux dun massacre, une femme, dput algrien, tmoignait de son dsarroi lorsque elle reconnut le corpsdun assassin abattu pendant lattaque. Elle le connaissait trs bien car il la saluait poliment chaque jour. Sagandoura tait rouge du sang des enfants quil venait dgorger.

    Moi-mme, bloqu sur lautoroute par un accident qui venait de mutiler un pauvre motard, jai vu un jeuneconducteur surexcit franchir les barrires, en disant. Il a un bras arrach. Il faut que je voie cela ! . Unhomme trs ordinaire, un voisin de palier.

    The snake was the snake, no more no less then they he tempted.Le serpent tait le serpent, ni plus ni moins que ceux quil tentait.

    Le tentateur nest ni plus ni moins fort que lHomme, nous disait Lord Byron, ni plus ni moins mchant quelui, car il est dans lHomme, lhomme-animal lui-mme. Mais lindividu nest pas tout lHomme. Il y a unedimension plus globale de lHumanit qui fonctionne de faon gnrale et solidaire. A ce niveau, il faut pro-

    bablement crire le Tentateur avec une majuscule.

    Lorsque Orphe est descendu jusquen ces horribles bas-fonds, et quil a compris que le froce Homme-animal intrieur secret est le prdateur instinctif et lennemi mortel de lHomme-me ordinaire, rellement,

    pratiquement, et quotidiennement, il sait alors quil est vraiment devant le miroir et quil regarde sans com- promission son reflet vritable. Cest pour approfondir un peu cela que je vous propose douvrir un nouveauthme de travail.

    Nous allons maintenant rflchir sur le thme du mal.

    Telle quelle vous est dabord propose, cette rflexion est un travail de rationalisation qui ne fait pas rf-rence immdiate aux matriaux fournis par la mditation. Cest donc une synthse thorique, et elle na pasdautre ambition que de proposer un thme de rflexion. Comme toutes les thories, elle peut tre remplace

    par une autre. Elle utilise cependant les clairages apports par louverture du mental lIntelligence Univer-

    selle.

    Les sociologues ont valu vingt milliards environ, le nombre total des hommes qui ont habit la Terredepuis lorigine de lHumanit. Ce chiffre peut paratre faible, mais les hommes ne se sont rpandus que trslentement. Les mmes spcialistes estiment que six milliards de ces hommes, au moins, ont t tus dans lesguerres qui ont ravag la plante depuis six ou huit mille ans, cest--dire le tiers de cette population. Cestun chiffre absolument norme qui recouvre une ralit pouvantable. Vous savez maintenant quil est trsdifficile de reprsenter mentalement des chiffres aussi levs, et que nous ne pouvons pas nous faire une ideexacte de l'effroyable ralit.

    Six milliards de victimes, le tiers de tous les hommes, cela veut galement dire six milliards de tueurs, ou de bourreaux, un autre tiers de tous les hommes, qui ont t les auteurs de ces meurtres. Par dfinition les tueurssurvivent toujours aux victimes. Un tiers des hommes a t tu, deux tiers des hommes ont survcu. Adam aeu trois fils, Abel, Can et Seth. En vrit, Can a tu Abel.

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    Bien videmment, on peut contester ces chiffres et cette quivalence arbitraire entre le nombre des victimeset celui des meurtriers. Rappelons que les vaincus taient gnralement excuts ou rduits lesclavage, lexception des jeunes femmes, temporairement pargnes pour le plaisir des vainqueurs.

    Statistiquement parlant, ceux qui se sont reproduits et qui ont t favoriss par la slection naturelle compre-naient donc pour moiti ce groupe meurtrier. Homo homini lupus. Un de nos anctres sur deux a tu un autre

    homme.

    La moiti des hommes survivants a tu un autre homme.

    Les hommes arms tirent un trs grand avantage de leur agressivit, contrairement ce qui se passe chez lesanimaux. Mme chez les loups, qui ne sont pas particulirement pacifiques, le chef de meute limine rapide-ment les individus trop agressifs. Habituellement, la slection naturelle travaille lentement, en favorisantseulement un peu les plus forts, avec des effets statistiques long terme. Les espces voluent trs progressi-vement en sadaptant aux variations du milieu. Nous savons bien que le parangon animal des vertus est letueur, mais il fonctionne dans des conditions modres de comptition et daffrontement vital.

    Chez lHomme, linvention des outils, favorisant fortement les plus habiles, puis celle des armes humaines,extrmement meurtrires et beaucoup plus efficaces que les griffes et les dents, ont chang les choses. Dansles conditions nouvelles de comptition et dvolution des populations humaines, la slection naturelle de-vient rapidement un moyen beaucoup trop puissant et efficace. Elle limine dfinitivement un nombre extra-ordinairement lev dindividus, qui sont tus dans une priode extrmement courte lchelle des tempsgologiques.

    La slection naturelle drape.

    Elle dveloppe trs rapidement une sous-espce nouvelle, dote daptitudes tout fait particulires essentiel-lement fondes sur les capacits de violence et de meurtre, et adaptes lexploitation des semblables, et leur destruction. Dans le mme mouvement, la slection naturelle transforme les pacifiques en proies, et faitdes rebelles des ennemis dtruire. La nouvelle sous-espce prdatrice est lactuelle race humaine. Ces fa-cults violentes sont hlas, les vtres et les miennes.

    Nos tendances froces sont gntiquement programmes.

    Elles rsident dans le patrimoine spcifique, le bagage chromosomique de chaque homme. En langage sot-rique, nous dirons quelles constituent des dmons intrieurs, toujours prt laction et la mise en oeuvre.La moindre menace les alerte, la peur les excite, la foule les dchane. Nous avons vu les consquences terri-

    bles de ces pulsions meurtrires quand elles se librent dans des conflits de pouvoirs et des situations deguerre. Nous devons aussi voir sans indulgence les dgts quelles provoquent dans les personnalits indivi-duelles de chacun.

    On se trompe en situant la chute dAdam au dbut de lhistoire de lhumanit. La chute dAdam nestni antrieure ni postrieure quoi que ce soit; elle est ternelle. Chaque fois quun esprit descend poursincarner dans une forme quelconque, il commet le pch originel, et la chute dAdam saccomplit en

    lui, infime sous-multiple dAdam. (Stanislas de Guata - Le problme du mal).

    Dans la socit humaine ordinaire, mme en temps de paix, nous constatons que les pulsions prdatrices etcriminelles des individus dominants dsquilibrent lorganisation conomique et sociale, et provoquent lasurexploitation des ressources, la croissance rapide de la pauprisation, ainsi que lapparition dun servage envoie de gnralisation lchelle mondiale.

    Il y a dautres idoles que celles construites par les religions ou les dictatures didologies. Il y a Mammon etson cortge, la domination du profit, la primaut de largent, lasservissement de la connaissance,linstauration progressive et systmatise de lesclavage conomique. Je lisais rcemment lapologie dun

    prince de la finance dont les insatiables apptits rglent la marche du Monde. Son revenu gale, parat-il,celui de 400 000 familles ordinaires (dOccident). Comment ne pas sinterroger sur les dsordres qui natrontinvitablement de ces disparits et de ces asservissements. Rappelons ces quelques jugements.

    Le profit de lun est le dommage de lautre. (Montaigne).

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    Le capital est du travail vol. (Auguste Blanqui).

    Toute tyrannie et toute inquisition sont impardonnables, mais tous les tyrans et inquisiteurs ne sont pas re-connus. Tout intgrisme est hassable, mais tous les intgrismes ne sont pas religieux. Ils peuvent tre, parexemple, idologiques, scientifiques, politiques, culturels, ou conomiques.

    En ce qui concerne la biosphre elle-mme, nous observons galement chaque jour que laction humaine provoque une rduction progressive du nombre des espces vivantes ainsi que des espaces au sein desquelselles vivent. Les mcanismes autorgulateurs jouent de moins en moins librement. Les risquesdemballement progressent en fonction de lnorme accroissement des populations des quelques espcesleves et cultives en masse, aprs avoir t slectionnes pour leur seule utilit conomique. La nature

    porte cependant en elle-mme les puissants mcanismes correcteurs ncessaires au rtablissement delquilibre. Lhistoire de la vie nous en donne les exemples vidents. LHomme occupe la Terre depuis peude temps. Son action na pas encore dur assez longtemps pour que les mcanismes de correction soiententrs en action. Ils se dclencheront un jour. La pression de la prdation humaine sur la plante est tellementforte que lon peut vraiment craindre la mise en marche de ces quilibrages.

    Nous avons vu que le systme social actuel constitue galement un feed-back positif, qui entretien et aug-mente les effets pervers du dvoiement des mcanismes naturels de slection.

    On voit bien que la socit ne se corrige gure.

    Puisqu'elle na pas chang pendant ces cent sicles, au cours desquels sest droul lessentiel de son dve-loppement, il apparat vident que la socit humaine, dgrade par lemballement de lvolution, nesamliorera probablement jamais.Si les mcanismes slectifs automatiques, qui ont donn aux hommes leurs facults malfiques, continuentde fonctionner, la situation ne peut quempirer au bnfice des prdateurs, jusqu ce que le retour lquilibre se fasse de lui-mme. Malgr lapparition de lhumanisme temprant leurs excs, les systmes

    politico-conomiques corrompus nont pas rellement transform les structures globales de la socit prda-trice primitive. Tout en professant la charit, les religions dvoyes ont rpandu des fleuves de sang, sanstransformer le coeur des individus.

    Le seul constat actuel que nous pouvons faire est celui de lchec.Demain, qui la Terre ? Aux rats !

    Courage, amis, souvenez-vous dEurydice!

    Chaque homme est dot dune double nature, et peut individuellement et librement changer son propre des-tin. Chacun peut se rvolter contre son servage existentiel et corporel, se retourner vers son origine essen-tielle, et chercher le chemin dvasion qui mne de ce Monde indfiniment variable et prissable, lternitde son tre immortel.

    Dans la ralit de ltre, il y a le seul mystre du Zoran, sur lequel nous nous penchons. Nous y avons djtrouv lenfer et ses dmons. Il nous faut maintenant dcouvrir lme originelle et divine, et la ramener la

    vie. Dans cette dmarche libratoire, la science et loutil ne serviront gure, car cette dimension rvolution-naire mystrieuse sapproche avec la comprhension du coeur, (La dflation de lego et louverture du men-tal lattouchement de lIntelligence extrieure).

    Seul de tous les tres qui vivent sur terre, lhomme est double, mortel de par son corps, immortel depar lHomme essentiel. (Hermes Trismegiste - Corpus Hermeticum).

    Nanmoins, notre mental humain fonctionne ici-bas avec ses outils symboliques et ses mcanismes concep-tuels, et il nest pas rellement possible dlargir notre champ de mditation sans construire pralablementdes images et formuler rationnellement nos acquisitions, car cest comme cela que nous oprons.

    Comprenant que nous sommes tombs progressivement dans une servitude croissante, et postulant ici quenous dsirons ardemment en sortir, nous allons devoir tablir et formuler consciemment un projet personneldvasion conduisant la libration. La premire condition de cette vasion est donc une position mentale, le

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    refus conscient des conditionnements, des ides imposes, des dogmes et des fausses certitudes. Cest ceretournement conscient qui engage le processus de la liquidation des karmas.

    Les systmes politiques, conomiques, et sociaux avaient pour objectif la transformation de la socit hu-maine. Nous savons maintenant quils ont chou. Les progrs importants raliss dans les domaines scienti-fiques et techniques ont certainement modifi le mode et le confort de la vie, mais il suffit douvrir un poste

    de tlvision pour constater que la nature prdatrice primitive demeure constamment identique elle-mme.

    Cela montre bien quil nous faudra rflchir srieusement et travailler constamment pour contrler nosconditionnements violents et prdateurs.

    Sans que nous en soyons vraiment conscients, notre pense actuelle est galement et communment marque par des influences philosophiques majeures, dont le marxisme et lexistentialisme. L aussi, nous avons liminer les marques mentales de ces conditionnements idologiques modernes.

    Lexistentialisme pouss dans ses conclusions ultimes, dbouche sur la philosophie du nant et sur le dses- poir absolu, ce qui peut partiellement expliquer les dsarrois actuels de la socit et des hommes qui la com- posent. Mais rien nest si simple dans le Zoran. Nous pouvons paradoxalement nous appuyer un instant surcette double parole de Sartre, destructrice de foi traditionnelle, mais intressante car porteuse dune dimen-sion cache que nous allons explorer.

    1 - La premire dmarche de lexistentialisme est de mettre tout homme en possession de ce quil est,et de faire reposer sur lui la responsabilit totale de son existence.

    2 - Quest-ce que signifie ici que lexistence prcde lessence. Cela signifie que lhomme existedabord... et quil se dfinit aprs. (Sartre)

    En un sens relatif, lexistentialisme affirme, dans une formulation autre que celles des religions, quelHomme est libre et responsable, et quil contient en son tre deux composantes ou aspects ncessaires,conscutifs, et complmentaires.

    Lexistentiel est ce que lindividu accepte consciemment dtre et de demeurer. Lessentiel est dfini par cequil refuse librement et rejette volontairement hors de son existence.

    Creusons un peu.

    Je prends maintenant conscience que ma nature est animale et que je suis gntiquement un terrible prda-teur.

    Existentiellement, je suis ce dont je suis conscient, donc un animal froce, et rien dautre, et je demeure telquel.

    Je refuse consciemment cette programmation gntique naturelle et je dcide librement dy mettre un termedfinitif. Japparais alors, par ce seul refus conscient, sur un plan nouveau qui est le plan de lessence. Ce

    plan immatriel est complmentaire du plan existentiel.

    Ce qui est t lexistentiel est ajout lessentiel.

    Comme par magie, tout ce qui est t lun est ajout lautre.Si rien nest t l'existentiel, rien napparat dans lessentiel.

    Par le refus conscient, les deux plans sont soudain changs.Je suis dornavant un ex-animal froce qui a domin librement, consciemment, et volontairement les servitu-des lies son programme gntique de violence. Etonnamment, cette transformation, affectant les deux

    plans, remonte tout le cours du temps.

    La gense de loutil mental de ma dcision, consciente et volontaire, prend sa source dans lvolution hu-maine, jusqu lorigine mystrieuse de la cration, et la justifie linstant. Des chanes tombent qui mereliaient au pass. Une partie du karma que je portais en moi en raison de mon origine naturelle est liquid.

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    Le pass na pas de valeur. (Krisnamurti).

    Nous avons fait ensemble quelques pas avec Eurydice, mais on ne peut faire marche arrire lorsque le che-min est pris.

    Venons-en donc un dconditionnement dlicat concernant nos convictions et nos croyances religieuses.

    Nous avons constat qu travers lespace et le temps, les hommes ont invent dinnombrables mythes pourdonner un support rationnel llan mystrieux qui montait dans leurs coeurs. Bien videmment, toutes cesfables, toutes ces histoires si diffrentes ne peuvent pas tre toutes un reflet fidle de la ralit. Cependant, lasimultanit de leur existence sur toute la Terre, travers les ges, les civilisations, et les continents, dmon-tre quune ralit secrte est cache dans le Zoran, derrire ces fictions.

    Tout se rsume en ces phrases.Sur le plan des mythes compars, les religions sont les branches dun tronc commun,

    lignorance humaine.Sur le plan des religions compares, elles sont les branches dun tronc commun,

    la sagesse divine.(Annie Besant - Le Christianisme sotrique).

    Je crois intressant de citer ici quelques paroles de la seconde prsidente de la Socit Thosophique, petitgroupe trs actif qui marqua profondment la libre pense au dbut du sicle, en Europe comme aux Indes.Elle influena lun de ses proches, le mahatma Gandhi, et contribua lindpendance de lInde. Ellesimpliqua nergiquement dans le mouvement dmancipation fministe. Par la promotion publique de lalibert de la pense philosophique, et malgr de srieux errements dans sa petite histoire, la Socit contribua la rouverture de champs de rflexion sotriques orientaux, momentanment oublis ou interdits.

    Cependant, puisque notre culture actuelle est communment fonde sur la tradition chrtienne, nous nous baserons sur le message des Evangiles pour explorer le contenu des messages sotriques ports par les reli-gions traditionnelles. Utilisons-le pour vrifier la valeur des exemples exposs par les comportements desfidles.

    Gardez-vous des faux prophtes.Ils viennent vous en vtements de brebis, mais en dedans ce sont des loups ravisseurs.

    Vous les reconnatrez leurs fruits.Cueille-t-on des raisins sur les pines et des figues sur les chardons.

    Tout bon arbre porte de bons fruits,mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits.Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits,

    ni un mauvais arbre porter de bons fruits.Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits est coup et jet au feu.

    Cest leurs fruits que vous les reconnatrez . (Matt 7-18).

    Outre la profession damour, dont nous avons vu quelle navait pas empch les glises traditionnelles derpandre des fleuves de sang, et dengendrer dimmenses souffrances, les grandes religions actuelles, issuesdes antiques traditions smitiques, professent toutes le monothisme. Paradoxalement, et comme nous allonsle voir, leurs thories globales semblent pourtant polythistes en arrire-plan.Au niveau de la raison, elles impliquent plusieurs postulats inconciliables qui aboutissent au moins unerelative dualit. Ds que l'on entre dans le dualisme, mme relatif, on est dans une forme de polythisme,explicite ou implicite.

    La profession religieuse de monothisme est base sur des postulats. Elle nest pas actuellement une dmar-che rationnelle tablie partir lexamen critique et raisonnable de la thorie professe. Elle est un pur acteirrationnel de foi concernant les dogmes, et de soumission obligatoire lautorit de la doctrine. Si un rai-sonneur se rebelle, il ny a aucune solution rationnelle prsenter pour le convaincre. Faute dargumentraisonnable, et pour sauver la face et lordre tabli, on lisole, on le critique, on le condamne, on lgorge

    parfois, ou on le brle.

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    Le premier postulat irrationnel consiste attribuer arbitrairement des qualits absolues la divinit. Cet ab-solutisme, uniquement conceptuel, bloque les possibilits d'analyse objective du rel, et paralyse le raison-nement. Il conduit une division dualiste entre l'absolu divin thorique et le relatif objectif observ.

    Le second postulat, conscutif au premier et tout aussi arbitraire, consiste dfinir un crateur parfaitement bon et bienveillant, peu conforme la ralit objective d'une cration souvent cruelle, (par rapport nos

    critres humains de bont et de bienveillance). Cela aboutit une seconde construction dualiste sparant le bien du mal, la lumire des tnbres, etc.

    La raison humaine est aujourdhui incapable d'expliquer le processus de l'apparition d'un seul dieu, ou sanature. Comment pourrait-elle expliquer un dieu bon et un dieu mauvais, ou un dieu la fois bon et mauvais.C'est bien de cela qu'il s'agit, mme sil est dit que le mauvais dieu fut cr bon l'origine par le dieu parfait,et que le malheur universel vient dune rvolte contre cette perfection.

    Dans cette conception simpliste du Monde, lide de la rvolte et celle de la chute aboutissent logiquement une sparation conceptuelle entre un Dieu parfait extrieur et une Cration distincte et imparfaite. Implicite-ment cette logique renvoie Dieu l'origine de l'imperfection de la cration, donc la responsabilit du mal etde la chute, invitable, et dlibrment voulue. Bien videmment, on trouve l une contradiction avec lesqualits suprmes de bont et de perfection dogmatiquement attribues Dieu. Elle ne peut tre contourneque par la rjection du mal sur une autre entit. On ne peut pas considrer cette seconde entit cre sansramorcer logiquement la mme contradiction. Il faut postuler qu'elle est incre, donc de nature divine, cequi aboutit invitablement la dualit conceptuelle, puis au polythisme.

    Leibniz a tent dquilibrer la contradiction en mettant lide quen dpit de la toute puissance et de la per-fection de Dieu, ce monde tait le meilleur possible, (parmi tous les possibles). Il ny aurait alors aucunespoir damliorer les choses .

    Mais lEglise condamna cette ide.

    En fait, on ne peut contourner la contradiction quen abandonnant le postulat dabsolu dans la dfinition desqualits attribues Dieu. Cette limitation conceptuelle est pose par le seul homme moderne occidental quirduit la dit aux champs qualitatifs de perfection et de bont, considrs du seul point de vue humain. Lesmultiples images attrayantes, ou effrayantes, de reprsentation de la Dit ont t cres aux modles de lavie terrestre et des hommes. Ces images, anthropomorphes au sens gnral du terme, sont des idoles. Elles nesont pas la ralit de lEtre Total mais seulement son reflet dans le mental humain.

    Pouvons-nous admettre simplement que notre Dieu conceptuel, triqu aux dimensions humaines, nexiste pas sous cette forme, ni ses anges, ni Satan, ni ses diables. Tout cela est le produit de limagination des hom-mes et la projection de leurs phantasmes dans une dimension imaginaire de lunivers. Il en est de mme des

    pratiques rituelles ou magiques. Vous savez que nos grandes religions traditionnelles prtendent gnrale-ment condamner la magie et les magiciens. Pouvons-nous comprendre que la plupart de leurs cultes font

    pourtant purement et simplement appel des pratiques quasi-magiques, appeles dune autre faon. Les ritessont des paroles, des incantations, et des actes pratiques, raliss sur notre plan existentiel terrestre. Lorsquilles met en oeuvre, lofficiant escompte rompre les lois ordinaires du Monde, soit ce mme plan existentiel,

    soit sur le plan suprieur, essentiel, ou divin. Cest donc bien de la magie. Dailleurs, dans les religions anti-ques, la magie et la religion taient officiellement mles. On trouve encore la marque dans la prsence desMages autour de la crche de Nol.

    Ds que nous portons sur les rites et les dogmes un regard un peu critique et indpendant, nous entamons ladcouverte des excs ou des anomalies des enseignements doctrinaux.A partir de l, nous commenons nous dgager de nos chanes conceptuelles et culturelles, et de notre anti-que Karma religieux artificiel. Nous pouvons alors tenter de nous relier directement lIntelligence totale etlibratrice qui rside au sein du Zoran.

    Reprenons un instant la thorie de la Socit Thosophique.

    Lhomme est soumis la rincarnation, et cela par une loi immuable, le Karma, en vertu de laquelletoute cause cre par le dsir, par la pense, ou par lacte, gnre certains effets qui deviennent causes leur tout. Si bien que, sous laction de cette loi immuable, la conscience volue pas pas. Revtue

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    tout dabord dune forme minrale primaire, elle commence slever et ne sarrte que lorsquelledevient, dans sa puissance qui rien nchappe, la conscience que nous appelons divine. (Annie Be-sant - La Thosophie et son oeuvre dans le Monde).

    On trouve aussi en Angleterre ancienne, dans la mythologie galloise, tout un imaginaire celte qui se rattacheindniablement une thorie de transmigration des mes et de rincarnation.

    Je suis vieux, je suis jeune, je suis Gwyon la parfaite connaissance, je suis universel, je suis dou du pntrant esprit, je suis un bon musicien, je suis acier, je suis druide, je suis architecte, je suis savant, je suis serpent, je suis amour, etc.Jai aussi t un poisson bleu dans le torrent, jai t un chien, jai t un chevreuil sur la montagne,

    jai t un tronc darbre, jai t une biche dans les bois, jai t une hache dans une main, etc. (Le li-vre de Talieslin).

    Au-del des comportements mcaniques du monde vivant, merg depuis des milliards d'annes, et rgi parles lois comportementales des gnes aux commandes de leurs machines de survie, nous dcouvrons des fa-cults nouvelles et indites. Au-del des tyrannies de la pense, des fantasmagories du monde mental consti-tues dans les cerveaux humains il y a trois millions d'annes, et rgi par les lois culturelles de conservationdes structures sociales et de soumission aux ides imposes, nous apercevons des possibilits neuves et exal-tantes. Il apparat maintenant une nouvelle mergence, celle de la prise de conscience de ces enfermementsdans les prisons de la matire, de la nature, et les illusions de l'existence. Un choix librateur devient possi-

    ble, qui doit sexprimer par un acte volontaire de refus et de retournement.

    Cette capacit passe dabord par la comprhension, puis s'exerce rebours du chemin temporel de la des-cente dans l'enfermement. Il faut dabord reconnatre et cerner les servages successifs, dterminer les in-fluences des idologies collectives, ces goules nourries des souffrances humaines, celles des convictions

    personnelles, acceptes et ranges dans lego, puis celles des gnes ancestraux, inscrites et fixes dans leschromosomes, puis celle des lois naturelles et physico-chimiques, figes dans les mcanismes de la vie etceux du fonctionnement de la plante et du cosmos. Alors l'esprit humain conscient peut librement participer laction cratrice que nous appelons divine. Il ne dcide plus de ce qui est bien ou mal en fonction de ses

    propres dsirs existentiels, mais choisit daccomplir les actes qui raliseront lunit et lharmonie au sein duZoran.

    De lusage fait de la libert consciente rsulte la nouvelle qualit du monde existentiel. Seul lacte accompli par le vivant peut agir sur le rel dans le champ de lexistence. Le refus conscient des caractres existentielsactuels est un premier acte mental qui modifie aussi ltre total sur lautre plan qui est celui de lessence.Par mes actes, jagis sur le Monde existentiel, et je le transforme en mieux ou en pire. Par mes refus, je cons-truis un nouveau Moi essentiel, en le transformant de la mme faon.

    A travers lacquisition des connaissances quapporte la science actuelle, et aprs nous tre librs descontraintes culturelles qui bloquaient notre libert dexamen, nous dcouvrons de nouveaux points fonda-mentaux. Nous suivons habituellement les ordres de nos pulsions inconscientes, mme lorsque nous lesavons transformes et travesties pour les rendre acceptables notre raison. En refusant, dans notre cons-cience puis dans nos actes, de nous comporter comme les pires animaux, nous dgageons enfin notre nature

    humaine essentielle, consciemment diffrente et clarifie, et nous modifions par l mme, le rel existentiel.

    Dune certaine faon, nous pouvons dire que notre conscience merge actuellement de la matire inerte, ou bien que notre esprit touche aujourdhui le fond de la chute dans cette matire. Aprs sa rupture progressiveavec les thosophes, dans les annes vingt, Krisnamurti leur conseilla de librer leur pense pour dgagerleur propre spiritualit. Il leur reprochait de trop sattacher la connaissance des mondes suprasensibles etdaccorder trop dimportance lenseignement des Matres.

    La grande nouveaut du message de Krisnamurti est labsence totale de thorie et denseignement.

    Il ny a pas dorthodoxie.Seule compte la libert qui permet de se raliser.Soyez votre propre guide, votre propre flambeau.

    Krisnamurti condamna galement lsotrisme et loccultisme.

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    La vraie libert, dit-il, cest celle de la pense. Lhomme vritable est celui qui dpasse ce quil sait par leslivres, par les Matres, par la tradition, qui rcuse sa mmoire, se met penser par lui-mme, construit sa

    propre philosophie, sa propre vrit. La libration spirituelle doit saccompagner de la libration lgard dumoi. Lhomme qui fait de lui-mme une statue devient ftichiste. La vie spirituelle doit tre en nous commeune source deau vive, et non comme un marais deau stagnante.

    Les morales humaines sont contradictoires. Les bonnes sont celles qui respectent ltre humain.Il ny a pas dautre Dieu que lhomme devenu parfait.Les religions sont des erreurs. Aucun rituel nest ncessaire la connaissance spirituelle.

    Pour prparer la clture de ces propos concernant les attitudes humaines et la libert de pense, je citerai uncourt logion tir de lEvangile de Thomas, le seul qui nous soit parvenu, semble-t-il, dans sa forme initiale etdonc probablement authentique, en traversant les sicles au fond des grottes de Nag-Hammadi, en Haute-Egypte. Il fut dterr en 1945 par un paysan. Au fond dantiques amphores de terre cuite on trouva cin-quante-trois manuscrits, crits en copte, dont un seul Evangile. Celui-ci ne contient ni lhistoire de Jsus, niaucun rcit de miracles, mais seulement cent quatorze logia, ou paroles attribues Jsus, qui auraient trecueillies par Thomas Didyme, (Le Jumeau).

    Jsus disait : Malheureux les Pharisiens.Ils ressemblent au chien couch dans la mangeoire des boeufs.

    Il ne mange, ni ne laisse les boeufs manger.(Thomas - Logion 102)

    Que le lecteur veuille bien excuser les redondances de textes et dextraits cits. On ne peut gure explorerlme humaine sans rapporter les rcits de son histoire tragique et cruelle et le contenu de ses ides, de sesconvictions ou de ses rves, et de ses dmarches sotriques ou mystiques. Il semble fondamentalementncessaire que chacun prenne conscience des tyrannies sanguinaires exerces par les pulsions humaines,ainsi que par les idologies qui les portent. Elles rpandent la souffrance et souvent la mort.

    Quel que soit le critre de leur constitution, les groupes humains se hirarchisent naturellement, engendrant par l mme la guerre aux trangers, loppression des opposants, ou lexploitation des individus. Ltre hu-main tant un animal social, il accepte facilement, consciemment ou inconsciemment, de se soumettre. Lareconnaissance des despotismes idologiques est cependant assez aise, puisquils promettent toujours le

    bonheur pour ailleurs ou pour plus tard au prix de lactuelle souffrance et du sacrifice daujourdhui. Le plussouvent, mais pas toujours, la dnomination des ides quils transportent se termine par le suffixe isme .Tous les x-ismes sont extrmement suspects, peu importe leur contenu, politique, conomique, ou religieux.Ils devraient toujours tre abords avec une trs grande circonspection.Les idologies tyranniques sattaquent prioritairement la libert de pense des opposants. Puis la pensetout court apparat dangereuse. Aussi cherchent-elles occuper sans cesse le cerveau des hommes avec desfutilits. Voyez lusage actuellement fait des mdia publics, presse, radio, et surtout de la tlvision dont lerle essentiel semble tre labtissement gnral. Les religions ne sont pas en reste quoiquelles utilisent desmoyens diffrents. Richard Dawkins a peut-tre raison lorsquil imagine que les ides oeuvrent pour leur

    propre compte et se nourrissent de nos malheurs.

    On tente toujours dchapper cette cruaut sociale. On a essay en vain la soumission, mais le Monde etlHomme sont rests froces. On a essay la compassion, mais les bourreaux compatissants sont rests des bourreaux. Alors, le temps de la rbellion semble arriv, car lHomme conscient de ce qui se passe ne peut plus accepter les terribles lois de violence gnralise et de dvoration universelle qui lui sont imposes.Vous dciderez ce que vous voudrez. Pour ma part, je me refuserai, maintenant et jamais, par complaisanceou par indiffrence, ou par lchet, de continuer satisfaire ces goules effrayantes, afin quelles meurentenfin, comme sont dj mortes beaucoup de civilisations, de thories, et de croyances qui, dans le pass, lesalimentrent.

    Dornavant, je suis un rebelle.

    Curieusement cette prise de position presque blasphmatoireme soulage et me libre.

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    Au fond du Zoran, tait-elle tait attendue ?

    Je laisserai un libertaire aux ides gnostiques le soin de conclure ce chapitre difficile.

    ..Mais cest fini, jen sors et je lutte, terribleEt joyeux comme un vad...

    Prtres, vous navez pu mengloutir dans vos songes;Dieu ne ma pas laiss noyer par vos mensonges,

    Javance, et je fais signe aux ples matelots;Je rapporte des mers les perles quon y trouve,

    Je vis ! Lvasion du naufrage se prouve,Par la tte au-dessus des flots .

    Victor Hugo.(Toute la lyre - Echapp lerreur - 4/5/1878)

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