ça viendra à vous…

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Marc Adamus BIO : Je suis un photographe professionnel à plein temps spécialisé dans les paysages et basé au Nord-Ouest des Etats- Unis. Je passe presque toute l’année à voyager à l’occasion de longues expéditions dans diverses régions sauvages et en menant les Photographic Adventure Tours. Mon travail a été publié dans des centaines de livres et de magazines dans le monde, dont National Geographic, Outdoor Photographer, Sierra Club et bien d’autres. Je compte parmi mes clients des entreprises classées au Fortune-500, et j’ai remporté un grand nombre de premiers prix dans divers concours. Ma passion dans la vie, c’est partir à l’aventure dans la nature. Ça viendra à vous… vision créative 1 présenté par whytake.net “Cold and Alone” Ran- donnée en raquettes dans la partie canadienne des Rocheuses

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Ce n'est pas tous les jours qu'un article de Marc Adamus est publié... et encore moins qu'il l'est fait en Français!! A dévorer lentement... vraiment quelques des mots les plus profonds d'un photographe hors du commun... En exclusive chez Whytake - La Communauté Globale des Photographes de la Nature

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Page 1: Ça viendra à vous…

Marc Adamus

BIO : Je suis un p h o t o g r a p h e professionnel à plein temps spécialisé dans les paysages et basé au Nord-Ouest des Etats-Unis.

Je passe presque toute l’année à voyager à l’occasion de longues expéditions dans diverses régions sauvages et en menant les Photographic Adventure Tours.

Mon travail a été publié dans des centaines de livres et de magazines dans le monde, dont National Geographic, Outdoor Photographer, Sierra Club et bien d’autres. Je compte parmi mes clients des entreprises classées au Fortune-500, et j’ai remporté un grand nombre de premiers prix dans divers concours.

Ma passion dans la vie, c’est partir à l’aventure dans la nature.

Ça viendra à vous… vision créative

1présenté par whytake.net

“Cold and Alone” – Ran-donnée en raquettes dans la

partie canadienne des Rocheuses

Page 2: Ça viendra à vous…

Ma carrière de photographe de la nature n’a pas commencé par une passion pour l’art ni pour les appareils photos.

Mon intérêt pour la photographie est né de la passion qui allait finalement influencer ma vie entière : partir à l’aventure et explorer la nature.

Là-bas Je m’y sens résolument et profondément lié avec tout ce qui m’entoure. Plus je vais loin, plus j’y reste longtemps, et plus ce lien est profond. Souvent, quand j’explique cela aux gens, ils ne comprennent pas.

Je leur dis qu’on ne peut pas traiter les régions sauvages comme une autre étape de ses vacances. On ne peut pas les traiter comme une attraction de plus au bord de la route parce que dans ce cas on passe totalement à côté de cette forme de communication qui nous est offerte.

Je dis qu’il faut s’en imprégner au point de se perdre, jusqu’à voir ses défenses brisées, jusqu’à faire tomber les barrières construites dans notre vie quotidienne pour regarder le monde sous un jour nouveau, jusqu’à voir quelle est notre place dans tout ça, car c’est une leçon d’humilité. Il faut s’aventurer à l’intérieur de la nature pour en faire partie, et pour qu’elle fasse partie de nous.

Nous sommes bombardés d’informations en permanence, toujours à chercher l’attention des autres, et soumis à tant d’impératifs sociaux. Partir en pleine nature me permet de faire une vraie pause dans mon emploi du temps, en dehors des bousculades, voire du temps lui-même.

Même lorsque je me préparais pour de tels voyages, passer des centaines d’heures à rêver en regardant les cartes et à régler tout un tas de détails ne me divertissait que jusqu’au moment précis où j’embarquais pour le voyage, quel qu’il fut et où qu’il prit place, moment à partir duquel tout ce que j’avais planifié était invariablement écarté par ce qui était devant moi à cet instant.

“Under the Lights” - Aurore d’une randonnée de deux semaines à travers les étendues sauvages du Yukon

Page 3: Ça viendra à vous…

Dans la nature et en tant qu’artiste, mes plans évoluent en permanence, ils changent, et parfois ils disparaissent même complètement.

C’est en particulier cette absence de plans qui rend la nature belle. La nature est une fusion de moi-même et de tout ce qui m’entoure. C’est hors du temps.

C’est la liberté.

Nous passons notre temps à courir après l’information, à chercher l’attention des autres, et nos vies sont régies par tout un tas d’impératifs sociaux.

Partir en pleine nature me permet de faire une vraie pause dans mon emploi du temps, en dehors des bousculades, voire du temps lui-même.

Même lorsque je me préparais pour de tels voyages, passer des centaines d’heures à rêver en regardant les cartes et à régler tout un tas de détails ne me divertissait que jusqu’au moment précis où j’embarquais pour le voyage, quel qu’il fut et où qu’il prit place, moment à partir duquel tout ce que j’avais planifié était invariablement écarté par ce qui était devant moi à cet instant.

Tout juste adolescent, mon désir d’explorer le monde extérieur semblait un moyen de m’évader de la vie quotidienne dans laquelle je devais lutter à bien des sens. J’ai fini par préférer de loin séjourner là où je n’avais pas de responsabilités, hors du carcan de la société, en forêt.

Mais à vingt ans passés, tandis que je trouvais le temps de voyager de plus en plus souvent dans la nature, luttant pour canaliser mes ambitions de jeunesse, j’ai cherché à définir ces voyages à travers quelque chose de plus élevé.

“Sound of Thunder “ – Prise pendant un trek de deux semaines à travers les chaînes côtières de la Colombie Britannique

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L’alpinisme en particulier est devenu un de mes centres d’intérêt majeurs, je voulais toujours grimper au sommet.

J’étais parti pour échapper aux contraintes du monde, et pourtant je me trouvais maintenant en train d’en créer encore davantage.

Il est vrai que L’alpinisme est certes préférable aux épreuves que d’autres nous imposent, mais ça reste néanmoins la poursuite d’un but précis.

Un grand nombre de mes voyages tournèrent bientôt autour de ce but, et même si je prenais du plaisir à surmonter les obstacles qui se dressaient devant moi, la liberté que j’avais éprouvée disparut sous la pression.

A vingt-quatre ans, j’ai eu la chance de découvrir l’œuvre du regretté Galen Rowell en étant confronté à ses exploits de niveau mondial en escalade, au demeurant très bien documentés.

La manière dont il parvenait à capturer avec une grande sensibilité beaucoup des environnements difficiles auxquels les grimpeurs s’exposent m’a beaucoup plu.

Ses images racontaient tout autant la beauté que la difficulté, ce qui donnait une raison d’être et une justification plus profondes à cette poursuite autrement froide et souvent solitaire.

Ses images étaient attachantes et évocatrices. Elles révélaient l’essence de ce qui fait qu’on aime l’alpinisme, ou du moins pourquoi on a commencé.

A travers sa vision, je me suis senti obligé d’adopter une approche plus contemplative de mes aventures dans le monde sauvage, et de faire de cet art de l’expression, de la photographie, un moyen de franchir pour les autres le fossé entre ce que j’aime et pourquoi j’ai toujours désiré m’éloigner.

“Kingdom of the Wind” – Le spectacle du vent et des vagues dignes d’une tempête nous rend humble face à la puissance de la

nature

Page 5: Ça viendra à vous…

“Paradise Forest” – Prise pendant un trek de deux semaines en dehors des sentiers battus dans la forêt humide de l’Etat de Washington

Je sentais que je pouvais capturer la beauté et la puissance de la nature comme il l’avait fait, je pouvais aider les autres et moi-même à expliquer pourquoi j’aimais autant les régions sauvages.

J’étais revigoré par l’exutoire que l’art m’a fourni, et j’ai regardé la nature de nouveau comme une entité dans laquelle je me fondais, plus seulement comme un but à conquérir.

Pendant les premières années j’ai été exclusivement un photographe de “nature” , je cherchais à documenter la plupart de mes aventures grandioses loin des gens, des routes, et normalement même des sentiers battus.

J’ai toujours pensé que la vraie liberté au sein des étendues sauvages implique de se séparer autant que possible des “mains de l’homme “, car on ne peut pas décemment se résigner à ne rien faire d’autre que suivre ce genre de choses.

Mon intérêt pour l’art a été grandement alimenté par ces moments et ces lieux isolés, parce que je cherchais à me connecter au reste du monde par mon art, de la meilleure et parfois de la seule façon que je connaissais.

A ma grande surprise et pour mon plus grand plaisir, la plupart des gens avec qui je partageais mes photographies ont immédiatement ressenti en eux beaucoup des émotions que je cherchais à susciter.

J’étais capable de décrire beaucoup plus efficacement les merveilles, la beauté et la puissance que je trouvais dans les lieux les plus reculés.

Je me sentais à nouveau comme un enfant, mon désir de voir et d’explorer au lieu simplement de me déplacer d’un point à un autre s’en est trouvé renouvelé.

Plus tard dans ma vie, par contre, je me suis perdu. Je passais d’un travail à un autre ; éternel rêveur, mes pensées étaient toujours tournées vers la liberté offerte par la nature.

Car voyez-vous, dans la nature, même dans les conditions les plus rudes et les plus impardonnables, la vie est purement et simplement réduite à l’essentiel.

Page 6: Ça viendra à vous…

J’ai très mal vécu le temps que j’ai passé à n’être qu’un rouage de plus de la machine parce que j’ai toujours dû tout interpréter et expérimenter par moi-même, en laissant les conséquences retomber là où elles pouvaient.

J’ai toujours dû tracer ma propre voie. La nature m’a donné cette opportunité. L’art également m’a donné cette opportunité. Les deux allaient très bien ensemble. Peut-être trop bien.

Face à la nécessité de faire des choses aussi importantes que payer les factures et rassembler les fonds nécessaires pour m’échapper dans l’aventure suivante, j’ai décidé de vendre mes photographies ainsi que mes services dans ce domaine, ne serait-ce qu’à distance avec les banques d’images. Il s’est avéré qu’après quelques efforts de ma part au début, les choses se sont plutôt bien passées.

Au cours des deux premières années, quatre agences différentes ont choisi à tour de rôle mes collections, et c’est ainsi que j’ai commencé à gagner ma vie grâce à Internet. (pour la première fois de ma vie, dites-vous, et ce n’était pas avant 2004 !).

J’ai commencé à publier et à partager mes photographies sur Internet quand je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas de moyen plus efficace de le faire, et je me suis mis à penser que je pourrais arriver à en faire une sorte de carrière qui serait en accord avec ma vie.

Un an plus tard, j’ai laissé tomber mon dernier “vrai” travail, et après seulement quelques années, mon œuvre a été présentée dans des dizaines de publications majeures.

Dans un sens, ce fut un succès absolu que d’être reconnu pour quelque chose que j’aimais autant faire.

“So Long For This Moment” – Prise pendant un trek de cinq semaines en solo dans le Chaînon

Boundary entre la Colombie Britannique et l’Alaska

On finit par y sentir que tout jugement qui tombe sur nous est juste. La vie en revient à son noyau fondamental, tel que j’imagine qu’elle a été il y a si longtemps.

Comme Galen l’a dit un jour : “ Plus je vais haut, plus la vie devient simple.”

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Mais au fil des années j’ai eu de plus en plus l’impression que mon art m’avait poussé à poursuivre le même genre de but qu’avant, c’était le genre de contrainte que j’avais ressentie avec l’alpinisme.

En tant que photographe, au fur et à mesure que mes compétences et mes portfolios grandissaient, je poursuivais lors de chaque voyage une série d’objectifs très précis visant à me mettre aux endroits exacts aux moments où je sentais que les conditions seraient les meilleures. Un proverbe dit :

“ Le débutant voit des possibilités infinies quand le maître n’en voit que très peu”, or j’avais commencé à voir comme un maître.”

Je passais des semaines entières au même endroit, et je retournais dans les mêmes lieux une demi-douzaine de fois pour prendre une photo précise. Même si je ne m’étais jamais autant consacré à un travail dans ma vie, c’était bel et bien du travail, incompatible avec la liberté des étendues sauvages.

De plus, cela contribue implicitement à aliéner l’essence de la fusion entre son for intérieur et le monde naturel, parce que dans sa forme la plus pure et la plus authentique, la nature est un lien qui devient plus fort avec le temps, et on n’arrive à le comprendre qu’avec l’exploration, pas en atteignant un point spécifique.

Se laisser aller à de tels objectifs spécifiques mène à l’étroitesse d’esprit, ou du moins crée un filtre au travers duquel toute expérience de la nature doit passer, et pousse à une certaine superficialité qui entrave l’interprétation et les sens.

Aujourd’hui quand je vais sur Internet, je vois un nombre incroyable de forums et de lieux pour partager ses photos, et là-bas j’y vois une majorité de gens en quête de reconnaissance pour leur “art”.

“Rage Against The Frozen” – Egalement prise pendant le trek de cinq semaines en solo dans le Chaînon Boundary

L’art concerne l’expression personnelle, il doit venir de l’intérieur et il est unique, il est au-dessus de tout.

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En s’efforçant d’obtenir ceci, ils cherchent souvent à prendre exemple sur ce qui est “populaire” (et c’est si souvent vrai dans la vie aussi…)

Si cela peut être utile pour le débutant qui cherche à apprendre, à long terme ça pousse l’esprit à la conformité ; et pire, se trouver à “cet” endroit précis à ce moment précis huit fois d’affilée jusqu’à ce que “cela” se produise peut grandement aliéner notre expérience de la nature.

Ce n’est pas cela, l’art. Aller à un endroit précis que l’on a vu photographié par tant d’autres avant soi, et y retourner huit fois afin d’en tirer la photo qu’on désirait n’est pas de l’art, pas plus que cette attitude ne prouve la moindre passion pour la nature ou les aventures qu’on peut y vivre.

C’était cela qui avait une fois de plus coupé court à la sensation de liberté et à la passion que me procurait la vie au grand air.

J’étais frustré à nouveau et j’ai arrêté de prendre mon appareil dans beaucoup de mes voyages.

Quand je regarde mes plus grands succès en tant que photographe et artiste, les images qui m’ont le plus ému, ce sont presque exclusivement celles que j’ai réalisées quand je me sentais le plus fortement et le plus profondément lié à la puissance sauvage d’un lieu.

Ce sont rarement des photographies préconçues, et elles n’ont pas été prises dans des conditions ou dans des lieux que j’avais déjà vus photographiés.

Quand je repense à ces rares moments où j’ai réussi à réaliser ces imag-es qui éveillent mes sens à un niveau plus profond, plus émotionnel, je me rends compte que c’était dans ces moments-là que j’avais laissé le lieu venir à moi, plutôt que d’aller à lui.

On ne peut trouver dans la nature que ce qu’on laisse venir à soi.

Ça vient à vous quand votre esprit est ouvert à toutes les possibilités, quand vous goûtez à son infinitude, à sa splendeur et à la liberté.

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http://www.marcadamus.comWhytake.net - the global community of Nature Photographers

traduit par Adrien Sautier