c. facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux...

108
116 RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013 La section précédente a montré que l’avenir du commerce et de la croissance économique dépend de plusieurs facteurs. Les prévisions peuvent changer en fonction de l’évolution de chacun de ces facteurs. Cette section examine comment les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie, l’investissement, la technologie, l’énergie et les autres ressources naturelles, les coûts de transport et le cadre institutionnel – sont susceptibles d’évoluer dans les années à venir. C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le commerce international

Upload: dangdat

Post on 10-Sep-2018

215 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

116

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

La section précédente a montré que l’avenir du commerce et de la croissance économique dépend de plusieurs facteurs. Les prévisions peuvent changer en fonction de l’évolution de chacun de ces facteurs. Cette section examine comment les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie, l’investissement, la technologie, l’énergie et les autres ressources naturelles, les coûts de transport et le cadre institutionnel – sont susceptibles d’évoluer dans les années à venir.

C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le commerce international

Page 2: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

117

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

Sommaire 1 Évolutiondémographique 118

2 Investissement 138

3 Technologie 156

4 Énergieetautresressourcesnaturelles 170

5 Coûtsdetransport 183

6 Institutions 196

7 Conclusions 211

Appendice 221

Faits saillants et principales constatations

• L’évolution démographique influe sur le commerce par son impact sur l’avantage comparatif des pays et sur la demande d’importations. Le vieillissement de la population, les migrations, l’amélioration de l’éducation et la participation des femmes à la vie active seront des facteurs importants dans les années à venir, tout comme l’émergence d’une classe moyenne mondiale.

• L’investissement dans l’infrastructure physique peut faciliter l’intégration de nouveaux acteurs dans les chaînes d’approvisionnement internationales. L’accumulation de capital et le développement des connaissances et des technologies liées à l’investissement, en particulier l’investissement étranger direct, peuvent aussi permettre aux pays d’avancer dans la chaîne de valeur en modifiant leur avantage comparatif.

• De nouveaux acteurs sont apparus parmi les pays qui sont les moteurs du progrès technologique. En 1999, des pays représentant 20 % de la population mondiale totale étaient à l’origine de près de 70 % des dépenses de recherche développement, contre seulement 40 % environ en 2010. Les retombées technologiques ont essentiellement une dimension régionale et sont plus importantes entre les pays liés par des réseaux de production. Outre les secteurs manufacturiers qui ont traditionnellement une forte intensité de R‑D, les services aux entreprises à forte intensité de savoir sont en train de devenir des moteurs de l’accumulation de connaissances.

• La révolution du gaz de schiste laisse présager de profonds changements dans la production et le commerce de l’énergie, l’Amérique du Nord devenant autosuffisante en énergie. La rareté croissante de l’eau dans une grande partie du monde en développement pourrait stopper ou même inverser la tendance à la baisse à long terme de la part des produits alimentaires et agricoles dans le commerce international.

• Les gouvernements ont de nombreuses possibilités d’agir, aux niveaux national et multilatéral, pour réduire les coûts de transport et compenser l’effet de la hausse des prix du carburant dans l’avenir, notamment en améliorant la quantité et la qualité des infrastructures de transport, en menant à bien les négociations sur la facilitation des échanges dans le cadre du Cycle de Doha, en renforçant la concurrence sur les routes de transport et en encourageant l’innovation.

• L’amélioration de la qualité des institutions, notamment pour ce qui est de l’exécution des contrats, peut réduire les coûts du commerce. Les institutions sont aussi une source d’avantage comparatif ; le commerce et les institutions ont une forte influence mutuelle.

Page 3: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

118

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

Diverses théories économiques utilisent les facteurséconomiquesfondamentauxpourexpliquerpourquoilespaysfont du commerce et comment la structure des échangesévolue. Dans la théorie de David Ricardo, par exemple, lesdifférences technologiques entre les pays déterminentl’avantage comparatif. Dans le modèle d’Heckscher‑Ohlin, ladotation relative en facteurs de production (main‑d’œuvre,capital et ressources naturelles) détermine la structure deséchanges. La nouvelle théorie du commerce prédit que lespays dont l’économie est plus grande – du fait del’augmentation de la dotation en facteurs et des revenus –bénéficieront d’un avantage à l’exportation pour les produitsconsommés en quantités relativement importantes sur lemarché intérieur. La «nouvelle» théorie du commerceconsidèrelescoûtscommerciauxcommeunobstaclemajeurà la participation au commerce. D’autres font valoir que laqualité des institutions politiques et économiques d’un payspeut être un déterminant essentiel de l’avantage comparatif.Cette section examine aussi les effets rétroactifs ducommercequionteux‑mêmesuneincidencesurlesfacteurséconomiques fondamentaux déterminant les échanges. Lecommerce peut avoir des retombées technologiques, parexemple en permettant aux pays ayant moins deconnaissances techniques d’acquérir le savoir‑faireindispensable.Le faitdeparticiperauxéchangespeutaussiaideràrenforcerlesinstitutionspolitiquesetéconomiques.

Cettesectionmontrecomment l’évolutionde ladémographie,de l’investissement, de la technologie, de l’énergie et desressources naturelles, des coûts de transport et de la qualitédesinstitutionspeutmodifier lanatureglobaledeséchanges:le rôledesdifférentspaysdans le commerce international, lamanièredontilsfontducommerce,etcequ’ilséchangent,avecquietpourquoi.Elleétudieplusieursscénariospossiblespourchaque facteur et, en conclusion, décrit leurs incidencespotentielles sur les tendances des échanges observéesactuellement,quiontétéexaminéesdanslasectionB.L’analyselaisseentrevoirdesquestionsquipourraientdeveniressentiellespourl’OMCetpourlacoopérationinternationaledansl’avenir–sujetquiseraétudiéplusendétaildanslasectionEdurapport.

1. Évolutiondémographique

La population mondiale devrait atteindre 8,3 milliardsd’individus en 2030 et 9,3 milliards en 2050. Cetteaugmentationauralieuprincipalementdanscertainspaysendéveloppement qui en sont aux premiers stades de leurtransitiondémographiqueetquiconnaîtrontuneaugmentationimportantede leurpopulation jeuneenâgede travaillerdesdeuxsexes.Danslesautrespaysendéveloppementetdanslaplupartdespaysdéveloppés,latransitiondémographiqueestdéjà au stade le plus avancé. Les taux de fécondité sontfaibles,cequisetraduitparlevieillissementdelapopulationetladiminutiondelapopulationactive.Danscertainsdecespays,l’immigrationseraprobablementleprincipalfacteurdelacroissancedémographiquedansl’avenir.Enoutre,l’instructionet l’urbanisation progressent partout dans le monde. Cettesection a pour but de montrer comment ces tendancesdémographiquesà longtermesontsusceptiblesd’affecter lastructureducommerceinternationaldufaitdeleurincidencesurl’avantagecomparatifetsurleniveauetlacompositiondelademanded’importations.

(a) Transitiondémographiqueetvieillissement

Le monde connaît actuellement de profonds changementsdans la taille et la composition de sa population. C’est le

résultatdecequ’onappellela«transitiondémographique»–processus consistant d’abord en la baisse des taux demortalitésuivieparlabaissedelafécondité.Lespayssontàdifférents stades de leur transition démographique. Lesdonnéesprésentéesdanslapremièrepartiedecettesectionmontrent que certains pays vieillissent rapidement, tandisqued’autresbénéficientd’un«dividendedémographique»dufait d’une population plus jeune. Il est probable que cestendances auront une incidence sur la structure deséchanges, principalement à travers deux facteurs: lamodification de l’avantage comparatif, et la modification duniveauetdelacompositiondelademanded’importations.Ladeuxièmepartiedecettesectionexaminecesdeuxfacteursdefaçonplusdétaillée.

Commel’aexpliquéLee(2003),latransitiondémographiquecomporte quatre phases. Dans la première, la mortalitécommence à baisser tandis que la fécondité reste élevée.Dans cette phase, la baisse de la mortalité concerneprincipalement lapopulationenbasâgeet résultesurtoutdureculdesmaladiescontagieusestransmisesparl’airoupar l’eau et de l’amélioration de l’alimentation. Comme lamortalité diminue, la population augmente et devientrelativementplusjeune.

Ladeuxièmephasede la transitionestcaractériséeparunebaissede la féconditéetuneaugmentationde lapopulationenâgedetravailler,lesplusjeunesayantatteintl’âgeadulte.1Dans cette phase, l’augmentation de la main‑d’œuvre etl’accroissementdel’épargnepeuventpotentiellementstimulerla croissance économique, générant un «dividendedémographique». Ensuite, le vieillissement entraîne uneaugmentation rapidedunombredepersonnesâgées, tandisquelafaibleféconditéfreinel’accroissementdelapopulationenâgedetravailler,cequisesoldeparuneaugmentationdesratiosdedépendancedesjeunesetdespersonnesâgées.2Latransition démographique se termine quand le ratio dedépendance total revient au niveau antérieur à la transition,tandis que le ratio de dépendance des jeunes est faible etceluidespersonnesâgéesestélevé.

La transition démographique mondiale est illustrée par lafigureC.1,quimontrelestauxdeféconditéetl’espérancedeviepassésetprévus.Labaissedelaféconditétotaleapparaîtnettement.D’aprèsThe Economist (2012),prèsde lamoitiédelapopulationmondiale–3,2milliardsd’individus–vitdéjàdansdespaysoùletauxdeféconditéestinférieurouégalà2,1. À l’inverse, l’espérance de vie à la naissance suit

FigureC.1:Indice de fécondité et espérance de vie au niveau mondial, 1800-2050

0

2Enf

ants

par

fem

me

4

6

1

3

5

7

0

20

Ann

ées

40

60

10

30

50

80

70

1800 1900 1950 2000 2050

Indice synthétique de fécondité (axe de gauche)Espérance de vie à la naissance (axe de droite)

Source :Lee(2003).

Page 4: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

119

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

clairement une courbe ascendante. Cette évolution indiquequelemondedanssonensembleabénéficiéd’undividendedémographique pendant 40 ans jusqu’à 2010 (The Economist, 2012). En 1970, on comptait 75 personnes àcharge pour 100 adultes en âge de travailler. En 2010, lenombredepersonnesàchargeest tombéà seulement52.Des améliorations considérables ont été enregistrées, nonseulement en Chine mais aussi en Asie du Sud‑Est et enAfriqueduNordoùlesratiosdedépendanceontdiminuéde40points.Àlafindelapériode,mêmel’Europeetl’Amériquecomptaientmoinsdepersonnesàchargequ’audébut.

Toutefois,depuis2010,lapopulationmondialeacommencéinexorablementàvieillir(voirlafigureC.2).Ellevacontinueràaugmenter,maisàunrythmepluslentqu’auXIXesiècleetaudébutduXXesiècle,commelemontrelafigureC.3.

Les pays sont à différents stades de leur transitiondémographique (Eberstadt, 2012). Les économies

développées ont amorcé la transition au XIXe siècle. Maisdans la plupart des pays en développement, la transition acommencé près d’un siècle plus tard. Elle a cependantprogressébeaucoupplusrapidement,cequisignifiequelestaux de fécondité et de croissance démographiqueconvergentrelativementviteauniveaumondial(voirlafigureC.4). Lee (2003) note que le processus de convergencedémographiquemondialeaucoursdes50dernièresannéescontraste de façon marquée avec l’accroissement desdisparitéséconomiquespendantlamêmepériode.

Toutefois, ces tendances générales masquent desdifférences considérables dans chaque groupe de pays,notammentencequiconcernelestauxdefécondité.Parmilespaysdéveloppés,laplupartdespayseuropéensontdestaux de fécondité très faibles (par exemple, 1,36 enAllemagne, 1,38 en Italie et 1,41 en Espagne en 2010),maisd’autresontdes tauxplusélevés (parexemple,1,83au Royaume‑Uni et 1,93 en France). Alors que le taux de

FigureC.3:Taille et taux de croissance de la population mondiale, 1800-2050

0

0.4Taux

de

croi

ssan

ce (%

)

1

1.4

0.2

0.8

1.2

2

0.6

1.6

1.8

0

3

Mill

iard

s

5

7

2

4

6

10

1

9

8

1800 20501950 20001900

Taux de croissance de la population (axe de gauche)Taille de la population (axe de droite)

Source :Lee(2003).

FigureC.2:Structure par âge de la population mondiale, 1800-2050 (pourcentage)

0

15

% d

e la

pop

ulat

ion

tota

le

25

35

10

20

30

40

5

1800 1900 1950 2000 2050

Population de moins de 15 ans

Population de plus de 65 ans

Source :Lee(2003).

FigureC.4:Indice synthétique de fécondité et espérance de vie par groupe de pays, 1950-2050

0

2

4

Enf

ants

par

fem

me

6

7

1

3

5

0

40

60

Ann

ées

80

90

30

20

10

50

70

Indice synthétique de fécondité,pays plus développés (axe de gauche)

Indice synthétique de fécondité, pays moins développés (axe de gauche)

Espérance de vie, pays plus développés (axe de droite)

Espérance de vie, pays moins développés (axe de droite)

1950 1960 1970 1980 1995 2005 2015 2025 2035 2045

Source :Divisiondelapopulationdel’ONU,basededonnéesWorld Population Prospects: The 2010 Revision database.

Page 5: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

120

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

fécondité au Japon est extrêmement bas à 1,32, il est de2,07 aux États‑Unis. Parmi les pays en développement, laplupart des pays d’Afrique subsaharienne ont des taux deféconditéélevés,avecunemoyennede4,8en2010;c’estlarégiondumondeoùlacroissancedelapopulationestlaplus rapide. Le taux de fécondité est aussi relativementélevéenInde(2,73).Maisd’autrespaysendéveloppementtrès peuplés ont des taux de fécondité inférieurs à 2,comme la République de Corée (1,29), la Fédération deRussie (1,44), la Thaïlande (1,63), la Chine (1,64), l’Iran(1,77)etleBrésil(1,90).

Une des conséquences des différences de dynamiquedémographique entre les pays est que la répartition de lapopulation mondiale va continuer à s’orienter vers leséconomies en développement et les économiesémergentes. Comme le montre la figure C.5, la part de lapopulationmondialevivantdansceséconomiespasserade85%en2010à88%en2050.LaChinecesserad’êtrelepays le plus peuplé du monde en 2050; sa part de lapopulationmondiale tomberade20%à14%,etelleseradépasséeparl’Indequireprésentera18%delapopulationmondialeen2050.3

L’une des conséquences les plus frappantes de latransition démographique est le changement de larépartition de la population par âge dans les dernièresphases de la transition. Deux variables particulièrementintéressantessontleratiodedépendanceetl’âgemédian.Ils sont indiqués, dans la figure C.6, pour certains paystrèspeuplés (Chine, IndeetÉtats‑Unis)etpourplusieursrégions (Afrique subsaharienne, Moyen‑Orient, Amériquelatine et Union européenne) afin de mettre en évidencecertaines tendances. On voit que, dans certains pays etrégions, la population vieillit rapidement et le ratio dedépendance augmente. C’est le cas notamment de laChineoùl’âgemédiann’étaitquede22ansen1980,maisatteindra le niveau des États‑Unis (environ 38 ans) en2020et leniveaude l’Europe (environ46ans)en2040.En outre, le ratio de dépendance de la Chine vacommencer à augmenterpourpasserd’unniveaubasde37,5 en 2015 à un niveau relativement élevé de 64 en2050–soit laplus fortehaussedumonde (voir la figureC.6).SelonLiet al. (2012), ladiminutionde lapopulationactive en pourcentage de la population totale entraînerades pénuries de main‑d’œuvre et contribuera àl’augmentationdessalairesenChine(voir lasectionD.1).

Pourlediredefaçonplusdirecte,selonlestermesdeThe Economist , cela «mettra fin brutalement aux activitésmanufacturières employant une main‑d’œuvre bonmarché»(The Economist ,2012).4

Dans les pays dotés de systèmes de protection socialerelativement généreux, l’accroissement des ratios dedépendancecréederedoutablesdéfispour lessystèmesde retraite et de santé qui reposent sur les recettesfiscalesprovenantdelapopulationactive.Lespaysayantdes taux de fécondité moyens, comme les États‑Unis,aurontmoinsdemalàrelevercesdéfisquelespaysayantun faible taux de fécondité et un vieillissement accéléré,comme le Japon. À l’inverse, il y a des pays où lestendances démographiques offrent des possibilitésconsidérables, notamment l’Inde et les pays d’Afriquesubsaharienne et du Moyen‑Orient. La figure C.6 montreque dans les prochaines décennies, ces paysenregistrerontunâgemédian faibleetunediminutionduratio de dépendance. Comme l’a indiqué The Economist(2012), l’Afrique, le Moyen‑Orient et l’Inde pourraientdevenir, en une dizaine d’années, les parties les plusdynamiques de l’économie mondiale, s’ils parviennent àaméliorer leurs institutions publiques, à conserver despolitiques économiques ouvertes sur l’extérieur et àinvestir davantage dans l’éducation, comme cela a été lecasenAsiedel’Est.5

(i) Vieillissement et avantage comparatif

Les différences internationales dans la dynamiquedémographique sont considérées comme un facteurdéterminant l’avantage comparatif et la composition deséchanges.Certainesétudesthéoriquesmontrentque,dansunpaysayantunecroissancedémographiquepluslente,lecapital devient relativement abondant au cours du temps,tandis que, dans un pays ayant une croissancedémographique plus rapide, c’est la main‑d’œuvre quidevient relativement abondante, ce qui se traduit par unebaissedu ratiocapital/travail (phénomèneappelé«capitalshallowing»).Ils’ensuitdesdifférencesdanslesprixrelatifsd’autarcie6, étayant le théorème d’Heckscher‑Ohlin, selonlequel lepremierpayssespécialisedans lesbiensà forteintensité de capital et le second dans les biens à forteintensité de main‑d’œuvre (Sayan, 2005; Naito et Zhao,2009).7

FigureC.5:Répartition de la population mondiale par groupe de pays, 2010 et 2050 (pourcentage)

20502010

Économies développées, 12 %

Congo, 2 %

Indonésie, 3 %

Autres pays endéveloppement, 38 %

Économies endéveloppement et émergentes, 88 %

Inde, 18 %

Philippines, 2 %

Bangladesh, 2 %

Autres pays développés, 8 %

États-Unis, 4 %

Nigéria, 4 %

Chine, 14 %

Chine, 20 %

Pakistan, 3 %

Brésil, 2 %

Autres pays développés, 8 %

Brésil, 3 %

Autres pays endéveloppement,33 %Fédération de Russie, 2 %

États-Unis, 4 %

Japon, 2 %

Indonésie, 3 %

Inde, 18 %

Pakistan, 3 %Nigéria, 2 %

Bangladesh, 2 %Économies développées, 15 %

Économies endéveloppement et émergentes, 85 %

Source :Divisiondelapopulationdel’ONU,basededonnéesWorld Population Prospects : The 2010 Revision.

Page 6: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

121

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

Toutefois, Yakita (2012) montre que les pays ayant unepopulation vieillissante ne sont pas nécessairement desexportateurs nets de biens à forte intensité de capital.L’allongement de la retraite incite les individus à investirdavantagedanslecapitalhumainetàavoirmoinsd’enfants.En outre, il fait baisser la demande de biens deconsommation(supposésàforteintensitédemain‑d’œuvre)pendant la période d’activité, ce qui réduit leur prix relatifd’autarcie. Si ce prix relatif est inférieur au prix relatif delibre‑échange,l’économievieillissantefinitparexporterdesbiens à forte intensité de main‑d’œuvre et à importer desbiensàforteintensitédecapital.

L’évolution démographique a aussi des effets importantssur les flux de capitaux et sur la balance commerciale.8Toutefois, la littérature ne formule pas de conclusionsclaires sur la direction de ces effets. Certaines étudessoulignent que les pays qui sont à un stade relativementplus avancé de la transition démographique sontcaractérisés par des sorties nettes de capitaux et unexcédent commercial. Ces études montrent qu’uneespérance de vie plus longue s’accompagne d’uneaugmentation de l’épargne pour la retraite, ce qui poussel’économie à exporter des capitaux vers les économies

«plus jeunes». De même, un taux de fécondité plus faibleréduit la taille de la population active et la demanded’investissement,cequientraînelàencorel’exportationdecapitaux.Parailleurs, lespaysquisontauxstades initiauxde la transition démographique et qui ont une croissancedémographique relativement élevée enregistreront desentréesnettesdecapitauxetundéficitcommercial.9

Toutefois,d’autresétudesontmontréqueleséconomiesoùle ratiodedépendancedespersonnesâgéesest élevéetcroissant peuvent enregistrer des entrées nettes decapitaux et un déficit commercial. Par exemple, Higgins(1998) étudie l’effet des variables démographiques surl’épargne, l’investissement et la balance des opérationscourantes. Une importante population de jeunes à chargefait baisser l’offre d’épargne tout en augmentant lademande d’investissement. L’épargne et l’investissementsonteux‑mêmesaffectésnégativementparlevieillissementde lapopulation.Par conséquent, un ratiodedépendanceélevé des jeunes et des personnes âgées influenégativement sur la balance des opérations courantes.Lührmann (2003) constate aussi qu’une proportionimportantedepersonnesâgéesde65ansouplusdanslapopulation est associée à des entrées de capitaux. Cela

FigureC.6:Ratio de dépendance et âge médian, certains pays et régions, 1950-2050 (pourcentageetannées)

Afrique subsaharienne Moyen-Orient

Inde Amérique latine

Afrique subsaharienne Moyen-Orient

Inde Amérique latine

0

10

19

50

19

60

19

70

19

80

19

90

20

00

20

10

20

20

20

30

20

40

20

50

20

30

40

50

60

80

100

(a) Ratio de dépendance (b) Âge médian

70

90

UE-27 Chine États-Unis

0

5

19

50

19

60

19

70

19

80

19

90

20

00

20

10

20

20

20

30

20

40

20

50

10

15

20

25

30

40

50

35

45

UE-27 Chine États-Unis

0

10

19

50

19

60

19

70

19

80

19

90

20

00

20

10

20

20

20

30

20

40

20

50

20

30

40

50

60

80

100

70

90

0

5

19

50

19

60

19

70

19

80

19

90

20

00

20

10

20

20

20

30

20

40

20

50

10

15

20

25

30

40

50

35

45

Source :Divisiondelapopulationdel’ONU,basededonnéesWorld Population Prospects : The 2010 Revision.

Page 7: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

122

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

peut s’expliquer par la diminution de l’épargne et lerapatriement de capitaux à des fins de consommationpendantlavieillesse.10

Engénéral,onnepeutguèreseprononcerclairementsurles effets prospectifs du vieillissement sur l’avantagecomparatif.S’ilestassociéàunediminutiondelapartdelamain‑d’œuvre dans la population, le vieillissement peutentraîner une érosion de l’avantage comparatif dans lesproduits manufacturés à forte intensité de main‑d’œuvre,comme on le prévoit pour la Chine. En conséquence duvieillissement, lespaysayantunavantagecomparatifdansles secteurs à forte intensité de capital peuvent voir cetavantageserenforcer,maiscen’estpasunrésultatgénéral.Enfin, pour évaluer l’incidence globale sur le commerce, ilest important d’examiner les effets sur la demande, enparticulierlamanièredontlevieillissementaffecteleniveauetlacompositiondelademande.C’estl’objetdelasectionsuivante.

(ii) Changements démographiques et composition de la demande

Les changements démographiques affectent à la fois leniveauet lacompositionde laconsommation,cequiadeseffets ultérieurs sur les flux commerciaux. Les étudesthéoriques et empiriques sur la consommation pendant lecycle de vie fournissent un cadre utile pour comprendrel’incidence probable de la démographie sur la structurefuturedelaconsommationetdeséchanges.

L’hypothèse du cycle de vie part du principe que lesindividuspréfèrentlisserleurconsommationtoutaulongdeleur vie.11 Par conséquent, ils épargnent pendant leur vieactive, quand leur revenu est plus élevé, et désépargnentpendant leur retraite, quand leur revenu est plusfaible. Toutefois, les données sur la consommationet le revenucontredisent àplusieurségards les scénariosde consommation et d’épargne prédits par le modèlede base du cycle de vie. Tout d’abord, il existeclairement une relation en bosse entre la consommationtotale des ménages et l’âge. Cela s’expliqueprincipalement par les effets de la composition desménages, qui font que les dépenses des ménagesaugmentent avec le nombre d’enfants (Attanasioet al., 1999; Browning et Ejrnæs, 2009). En outre, lesdonnées empiriques montrent que l’épargne despersonnesâgéesnediminuepasautantque lemodèleducycle de vie (dans sa formulation la plus simple) le prédit.Celadépendsurtoutdesmotifsd’héritage(Hurd,1989),oude l’épargne de précaution, accumulée pour faire faceà des chocs de santé ou à des chocs économiquesimprévus (Caroll, 1994; 1997).12 Les contraintes deliquidité peuvent aussi induire un mode de consommationanalogue à celui qui résulte de l’épargne de précaution,les individus accumulant des ressources pour lisserleur consommation lorsqu’ils sont confrontés à des chocséconomiques et à l’impossibilité d’emprunter (Deaton,1991).13

Leseffetsde lacompositiondesménagessontpertinentspour évaluer l’impact de l’évolution démographique sur lastructure de la demande. En particulier, comme lesdépenses de consommation des ménages augmententaveclenombred’enfants,onpeuts’attendre,touteschoseségalesparailleurs,àuneaugmentationdelaconsommationdans les pays où la fécondité et la croissancedémographiquesontimportantes,notammentdanslespaysd’Amérique latine et d’Afrique subsaharienne. Toutefois, la

capacité de financer la croissance de la consommationdans ces pays dépend essentiellement de leur croissanceéconomique,quireposeelle‑mêmeengrandepartiesur lacréation d’emplois (voir la section D). En outre, l’évolutiondelademandeintérieureetdesimportationsdépendaussid’autres facteurs économiques et institutionnels, tels quel’intégration financière et la sécurité sociale, qui sontsusceptibles d’affecter la capacité de dépense desménages.

Pour les pays les plus avancés dans la transitiondémographique, les groupes plus âgés représenterontla part la plus importante de la consommation.14 Leseffets du vieillissement sur la consommation globale (etdonc sur la demande d’importations) dépendrontprobablement de l’ampleur de la baisse de laconsommationaprèslaretraite,cequiestaussiappeléle«puzzledelaconsommationàlaretraite».15Toutefois, leseffets de la composition sont plus pertinents queles effets du niveau. Les dépenses pour certainescatégories de produits, tels que la nourriture,l’ameublement et les vêtements et les accessoires,diminuent sensiblement à la retraite, tandis que lesdépenses pour d’autres catégories de produits restentconstantesouaugmentent (Hurst,2008).Lesétudesquiprévoient les modes de consommation futurs dans leséconomies avancées sur la base des tendancesdémographiques, économiques et sociales actuellesconcluent que les services et les secteurs de hautetechnologie seront ceux où les gains de consommationseront les plus élevés dans les prochaines décennies(CBI,2012;Desvauxet al. ,2010;DeutscheBank,2007;Lührmann, 2005; Oliveira Martins et al., 2005). Enparticulier, laconsommationaugmenterasurtoutdans lesservicesdecommunication,detransportetdesanté,dansles services financiers, dans les services de tourisme,dans les services de spectacles et dans les servicescollectifs qui visent le marché du troisième âge. Commeces secteurs ne sont pas tous exportateurs, l’incidencesur le commerce international dépendra aussi del’évolution de la demande de services échangeables parrapportauxservicesnonéchangeables.

La convergence progressive des niveaux de revenu parhabitant entre les pays, documentée dans la section D,entraîneunautrephénomèneimportant,àsavoirl’expansiondelaclassemoyennemondiale.SelonlaBanquemondiale(2007),pendantlapériode2000‑2030,laclassemoyennemondiale devrait passer d’environ un demi‑milliardd’individusàprèsde1,2milliard,soitde7,6%à16,1%dela population mondiale. Toutefois, sa part dans le revenumondial restera stable à environ 14%, signe d’une baissedes inégalitésentre lespays.16En raisonde lacroissanceinégale de la population entre les pays, la répartitiongéographique de la classe moyenne changeraconsidérablement dans les prochaines décennies. Lesrégionsoùlestauxdecroissancedémographiqueprojetéssont relativement plus élevés, telles que l’Asie du Sud etl’Afrique subsaharienne, verront leur part de la classemoyennemondialeaugmenter, tandisqued’autres régionsverrontcettepartdiminuer(KharasetGertz,2010;Banquemondiale,2007).

L’expansiondelaclassemoyenneentraîneraprobablementuneaugmentationdelademandedebiensetdeservices,tels que les automobiles, les téléphones portables, leséquipementsde loisiret lesservices récréatifs, ainsiqueles produits alimentaires. Certaines entreprisesagroalimentaires occidentales ont déjà modifié leursproduits,soitpoursatisfairelesgoûtsdesconsommateurs

Page 8: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

123

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

asiatiques (The Economist , 2013) soit pour fabriquer desproduitsplusélaborés.Àmesureque lesconsommateursasiatiques s’enrichissent, ils demandent des produits demeilleure qualité et plus sains (Atsmon et al. , 2012). Onobserve déjà une diminution de la part des importationsde produits à faible valeur ajoutée, comme les produitsagricoles, et une augmentation de la part des produits àplus forte valeur ajoutée, tels que les automobiles et lematériel de bureau et de télécommunication, dans legroupe des BRIC (Brésil, Fédération de Russie, Inde,Chine)(Yamakawaet al. ,2009).17

Le commerce reste essentiel pour soutenir la croissanceéconomiqueetdoncl’expansiondelaclassemoyenne.CelaestparticulièrementvraipourdespayscommelaChine,oùla part de la consommation intérieure dans le PIB estencorerelativementfaible.18Lespolitiquesvisantàcorrigerles inégalités de revenus peuvent aussi être importantespour élargir la classe moyenne et donc stimuler lacroissanceéconomique(KharasetGertz,2010).19

La hausse des niveaux d’instruction est une autretendance importante dans les économies endéveloppement et les économies émergentes. Lademandecroissanted’éducation,combinéeauxavancéestechnologiques, alimente l’essor du commerce desservices d’éducation. Selon Lim et Saner (2011), lesexportations de services d’éducation ont augmenté de12%, en moyenne, entre 2002 et 2007. Les États‑Unis,l’Australie,leRoyaume‑UnietleCanadaétaientparmilesprincipaux exportateurs et la République de Corée, lesÉtats‑Unis, l’Allemagne et l’Inde parmi les principauximportateurs. Les marchés de l’éducation sont aussi enexpansionenAmériquelatineetauMoyen‑Orient(LimetSaner,2011).Defaçongénérale,lamobilitéinternationaledesétudiants,quicorrespondaumode2(consommationàl’étranger) de l’Accord général sur le commerce desservices (AGCS),est leprincipalmodeducommercedesservicesd’éducation.Toutefois,l’enseignementàdistance(mode 1 – fourniture transfrontières) et la création desuccursales étrangères d’établissements d’enseignement(mode3–présencecommercialeàl’étranger)progressentégalement.20

En bref, les changements démographiques affecteront lecommerceàtraversleurincidencesurl’avantagecomparatifetsur lastructurede lademande.Onpeuts’attendreàceque les pays où le ratio de dépendance des personnesâgées est élevé et croissant passent du statutd’exportateursnetsàceluid’importateursnetsdeproduitsàforteintensitédecapital,ousubissentuneérosiondeleuravantagecomparatifdanslesproduitsmanufacturésàforteintensité de main‑d’œuvre. Il est probable que levieillissement sera associé aussi à une augmentationrelativede lademandedesbiensetdes servicesqui sontconsommés de façon disproportionnée par les groupesâgés. L’émergence d’une classe moyenne mondiale auraégalementuneincidencesurlacompositiondelademandemondiale. Le nombre croissant de consommateursrelativement aisés dans les économies émergentes et leséconomies en développement créera de nouvellespossibilités commerciales et favorisera l’essor ducommerce.

(b) Changementsdanslacompositiondelamain‑d’œuvre

Deux autres tendances notables concernant lamain‑d’œuvre, liées toutes les deux à la transition

démographique, sont susceptibles d’affecter les fluxcommerciaux: l’augmentation de la proportion detravailleursinstruits,etl’augmentationdutauxd’activitédesfemmes. La section suivante examine ces tendances plusendétail,puisétudieparquelsbiaisellespeuventaffecterl’avantagecomparatifetlastructuredeséchanges.

(i) Qualifications

Pendantles60dernièresannées,lesniveauxd’instructionont sensiblement augmenté dans la plupart des pays.Sur la base de données concernant 146 pays, Barroet Lee (2010) montrent que, pendant la période1950‑2010, le nombre moyen d’années de scolarité desindividus âgés de 15 ans ou plus est passé de 2,1 à7,1dans lespaysendéveloppement,etde6,2à11dansles pays développés (voir la figure C.7). Les taux decroissance les plus élevés ont été enregistrés auMoyen‑Orient et en Afrique du Nord, en AfriquesubsaharienneetenAsieduSud.21

SurlabasedesdonnéesfourniesparBarroetLee(2010),Fouré et al. (2012) font des projections des taux descolarisationdansl’enseignementsecondaireetsupérieurpour la population en âge de travailler à l’horizon 2050.Leursprojectionsmontrentque leniveaud’instructiondelapopulationactivecontinuerades’améliorer,notammentdans les pays en développement, entraînant uneconvergence des niveaux d’instruction entre les pays endéveloppementetlespaysdéveloppés(voirlafigureC.8).LamêmeconclusionestformuléeparKCet al. (2010),quiexpliquent aussi les causes sous‑jacentes de cetteconvergence.22Dans lespaysoù le ratiodedépendancedespersonnesâgéesdevraitaugmenter,commelaChine,les progrès seront définis en fonction de la compositionde lapopulationenâgedetravailler.Dans lespaysoùceratio devrait diminuer, comme l’Inde, les progrèsconsisterontessentiellementenl’augmentationdunombredepersonnestrèsqualifiéess’ajoutantà lamain‑d’œuvrepotentielle.

FigureC.7:Niveau d’instruction de la population totale de plus de 15 ans par groupe de pays, 1950-2010 (années)

0

4

19

50

19

90

(a) Pays en développement (b) Pays développés

19

70

20

00

20

10

19

50

19

90

19

70

20

00

20

10

8

12

2

6

Nom

bre

moy

en d

'ann

ées

de s

cola

rité 10

Primaire Secondaire Supérieur

Source :BarroetLee(2010).

Page 9: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

124

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

FigureC.8:Projections des taux de scolarisation dans l’enseignement secondaire et supérieur, 1990-2050 (pourcentage)

États-Unis Fédération de Russie Union européenne ChineMoyen-Orient Amérique du Sud Inde Afrique subsaharienne

0

10

19

90

19

95

20

00

20

05

20

10

20

15

20

20

20

25

20

30

20

35

20

40

20

45

20

50

20

30

40

50

60

80

100

Taux de scolarisation dans l'enseignement supérieurTaux de scolarisation dans l'enseignement secondaire

70

90

0

10

19

90

19

95

20

00

20

05

20

10

20

15

20

20

20

25

20

30

20

35

20

40

20

45

20

50

20

30

40

50

60

80

100

70

90

Source :Fouréet al.(2012).

En plus de mettre en évidence la convergence mondialeen matière d’éducation, ces études révèlent destendancesrégionalesspécifiques.SelonKCet al. (2010),l’Amérique latine enregistrera les améliorations les pluspertinentes du niveau d’instruction, en raisonprincipalement de l’interaction entre les dynamiques del’éducation et de la fécondité. Dans plusieurs paysd’Amérique latine, l’accroissement de la scolarisationa précédé la baisse de la fécondité, si bien que lessegments de la population les plus jeunes et les plusinstruits sont aussi plus importants. Cette augmentationde la population de jeunes instruits est observéedans plusieurs pays d’Asie, comme le Népal, le Pakistanet le Cambodge, et dans les pays du Moyen‑Orient,commelaJordanieetleRoyaumed’Arabiesaoudite.

En Afrique subsaharienne, la situation est plus complexe.Bienquelestauxd’instructiondespersonnesâgéesde20à64anssoientcenséss’améliorer sensiblement, certainspays,commel’Éthiopie,leMali,leNigeretleBurkinaFaso,partentd’unniveausibasque,à l’horizon2050,despansentiersde lapopulationenâgede travailler (parexemple,40%enÉthiopieet35%auBurkinaFaso)n’aurontencoreaucune instruction malgré l’amélioration sensible desmoyennesnationales(KCet al.,2010). Ilsepeutdoncquecespaysaientbeaucoupderetardparrapportaurestedumonde en termes de niveau d’instruction de la populationactiveàl’horizon2050.

L’amélioration des taux de scolarisation dansl’enseignement supérieur nécessitera des efforts et desressources considérables, notamment dans les pays quipartentd’unniveautrèsbasetdansceuxoù lapopulationjeunedevraitaugmentersensiblement(KCet al.,2010).Unautre défi majeur dans le domaine de l’éducation estd’améliorer la qualité de la scolarisation qui reste inégale,même parmi les pays ayant des niveaux d’instructionsimilaires (Barro et Lee, 2010; Hanushek et Woessmann,2009).Pourcréersuffisammentd’emploisdans lespaysàforte croissance démographique, il sera aussi importantd’adapter l’offre à la demande dans le domaine de

l’enseignement, par exemple en créant des partenariatspublic‑privé efficaces entre les entreprises et lesétablissementsd’enseignement.

Ces tendances en matière d’éducation sont susceptiblesd’affecter la structure des échanges en raison de leurincidence sur l’avantage comparatif. Selon le modèled’Heckscher‑Ohlin, les pays ont un avantage comparatifdans les secteurs qui utilisent de façon plus intensiveleursfacteursrelativementabondants(voirlasectionB.2).Plusieurs études récentes ont montré que la dotation encapital humain (par rapport au travail) est un importantdéterminant de l’avantage comparatif et de la structuredes échanges.23 S’appuyant sur ces observations,Costinot (2009) avance que l’avantage comparatif estinfluencé par la dotation des travailleurs en unitésd’efficience du travail. Lorsque les travailleurs sont plusinstruits, ils consacrent moins de temps à la formation.Comme les coûts d’apprentissage sont relativement plusélevés dans les secteurs plus complexes, un pays où lestravailleurs sont instruits a un avantage comparatif danscessecteurs.24

L’avantage comparatif peut aussi dépendre de larépartition du capital humain entre les travailleurs. SelonGrossman et Maggi (2000), par exemple, il peut y avoirdes échanges entre des pays ayant des dotationsagrégéessimilairesenfacteurs,àconditionquelecapitalhumain soit plus largement dispersé dans un pays quedans l’autre. Le pays ayant une population relativementhomogène en termes de niveau d’instruction exporte leproduit dont la technique de production est caractériséepar des complémentarités entre les travailleurs. Le paysayant une population plus diverse exporte, quant à lui, leproduit dont la technique est caractérisée par lasubstituabilité entre les employés.25 Grossman et Maggi(2000) donnent des exemples à l’appui de leur théorie.Des pays comme le Japon et l’Allemagne, qui ont uneréserve de travailleurs relativement similaires, ont unavantage comparatif dans des secteurs, commel’automobile, qui nécessitent de l’attention et de la

Page 10: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

125

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

précision pour accomplir une longue série de tâches deproduction.Àl’inverse,despayscommelesÉtats‑Unisoul’Italie,quiontuneréservedetravailleursplusdiversifiée,ont tendance à avoir un avantage comparatif dans lessecteursoùl’apportdequelquesindividustrèstalentueux(parexemple,desgrandscouturiersdanslecasdel’Italie)estcequicompteleplus.26

Les changements démographiques qui entraînent unehausse du niveau général d’instruction affectent ladotationrelativeenfacteursdeproductionetcontribuent,par les diverses voies évoquées plus haut, à déterminerl’évolution de l’avantage comparatif et de la structuredes échanges. Des pays en développement, comme laChine, exportent déjà des produits sophistiqués vers lespays de l’OCDE (Rodrik, 2006; Schott, 2008).Cela explique les chevauchements observés dans lastructure et le contenu de qualification des exportationsen provenance de Chine et des pays à revenu élevé,évoqués dans la section B. Ce phénomène résulte enpartie de la transformation pour l’exportation(sous‑traitance de la fabrication de produits conçusailleurs) dans les secteurs qui peuvent être considéréscommedesindustriesdepointe.27Toutefois,WangetWei(2010) indiquent que l’amélioration du capital humain(conjuguée aux politiques gouvernementales en faveurdes zones de haute technologie bénéficiant d’avantagesfiscaux) semble contribuer le plus à la sophisticationcroissantedesexportationsde laChine.L’exportationdeproduits à forte intensité de qualification vers les paysriches peut être un facteur de croissance pour les payspauvres (Mattoo et Subramanian, 2009a). L’intégrationd’un plus grand nombre de travailleurs qualifiés dans lamain‑d’œuvre (et l’adoption des technologies quiaméliorent le plus la productivité de la main‑d’œuvrequalifiée)estdoncuneoptionprometteusepour lespaysendéveloppement.

(ii) Emploi des femmes

La transition démographique est aussi associée àdes changements dans les taux d’activité.28 Ceschangements dépendent des caractéristiques des pays,tellesquelesautoritésresponsablesdumarchédutravailet les normes sociales, et des caractéristiques desindividus,tellesquel’âgeet lesexe.Entre1980et2008,le taux d’activité global des hommes est tombé de 82%de à 77,7%, principalement en raison de la moindreparticipationdeshommesjeunesquifontdesétudespluslongues.Letauxd’activitéglobaldesfemmesaaugmentédans les années 1980, passant de 50,2% à 52,2% en1990,mais ilaensuitediminuéentre1990et2008pours’établir à 51,7% (OIT, 2010). Cette faible haussepeut s’expliquer, entre autres, par l’augmentation del’instruction des femmes, qui réduit le taux d’activitédesfemmesjeunes.

Cesdonnéesmontrentl’importancedel’éducationcommedéterminant du taux d’activité des femmes. D’autresfacteursdémographiquesetéconomiquesjouentaussiunrôle.Par exemple,Galor etWeil (1996)montrent que lesprogrès technologiques et l’accumulation de capitalphysique rendent la main‑d’œuvre plus productive etaugmentent le coût d’opportunité de l’éducation desenfants, ce qui a des effets négatifs sur la fécondité etdes effets positifs sur la participation des femmes aumarché du travail.29 En outre, Soares et Falcão (2008)soulignentl’influencedel’augmentationdel’espérancede

vie des adultes sur le taux d’activité des femmes. Enparticulier, labaissedelamortalitédesadultesaccroît lerendement de l’éducation pour les femmes et réduit lesavantages liés aux familles nombreuses, ce qui aboutit àunediminutionde la féconditéetàuneaugmentationdutauxd’activitédesfemmes.

Le tauxd’activitédesfemmesdépendaussiprobablementduniveaudedéveloppementdupays.Larelationentre lesdeux variables semble être en forme de U (Goldin, 1995;MammenetPaxson,2000).Cetauxestplusélevédansleséconomies de subsistance. Ainsi, au stade initial dudéveloppement, l’instruction et les salaires augmententrelativementpluspourleshommesquepourlesfemmes.Àmesurequelerevenudesménagesaugmente,lesfemmesréduisent leurparticipationaumarchédu travail (l’effetderevenuprévaut).30Àunstadeultérieurdudéveloppement,l’éducationestaussiunesourcedegainspourlesfemmes,ce qui augmente le coût d’opportunité de l’éducation desenfants et accroît la participation des femmes au marchédutravail.31

Outre les facteurs démographiques et économiques,les autres déterminants importants de la participationdes femmes au marché du travail sont l’accès àl’éducation,lesnormesreligieuses,culturellesetsociales,et le cadre institutionnel (BIT, 2010). L’incidencede l’évolution démographique peut être réduiteou annulée par les normes culturelles et sociales. Parexemple,enanalysant lesdéterminantsdu tauxd’activitédesfemmesdansunéchantillonde160paysentre1960et 2008, Tsani et al. (2012) ont constaté que, touteschoses égales par ailleurs, les pays du sud de laMéditerranée ont des taux d’activité des femmesnettement plus bas que les autres pays. Les auteursconsidèrent que ces résultats peuvent refléter desfacteurssociauxouinstitutionnelsspécifiquesàlarégionqui créent des obstacles à la participation des femmesaumarchédutravail.

La figure C.9 présente des données passées et desprojections (pour 1990 et 2020, respectivement)concernant le taux d’activité des femmes dans certainspaysetrégions.Cesdonnéesfontressortirdestendancesintéressantes, qui peuvent s’expliquer par les facteursdémographiques, économiques et culturels évoquésplushaut.Dans l’Unioneuropéenne,enChineeten Inde,il y aura une diminution notable du taux d’activitédesfemmesjeunes,dueprincipalementàl’accroissementde la scolarisation.32 En outre, dans l’Union européenne,il y aura une augmentation du taux d’activité desfemmes plus âgées, ce qui tient principalementà l’augmentation de l’espérance de vie, au report del’âge de la retraite et à l’adoption de lois contre ladiscrimination fondée sur l’âge et le sexe (Jaumotte,2003). À l’inverse, le taux d’activité de la populationféminineplusâgéenedevraitaugmenterque légèrementdans le cas de la Chine. En Inde, les taux d’activitédes femmes devraient diminuer pour presque tous lesgroupes d’âges. Plusieurs facteurs peuvent expliquerces projections. Premièrement, le développementéconomiquecontinuentraîneraunemoindreparticipationdes femmes dans les ménages à faible revenu.33Deuxièmement, du fait des caractéristiques spécifiquesdu processus de croissance économique en Inde durantla dernière décennie, l’accroissement de la productivitédu travail est associé à une moindre croissance del’emploi (BIT, 2012). Troisièmement, d’après Kingdon

Page 11: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

126

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

et Unni (2001), les normes culturelles et socialesspécifiques, selon lesquelles le travail des femmes estmoins acceptable socialement dans les castes plusélevées, peuvent faire baisser le taux d’activité desfemmesayantunniveaud’instructionmoyen.

Lesnormesculturellesetsocialespeuventaussiexpliquerles faibles taux d’activité observés actuellement – etprojetés dans l’avenir – au Moyen‑Orient (BIT, 2012).34 Àl’inverse,lespaysd’AmériqueduSudetd’Amériquecentraleconnaîtrontuneforteaugmentationdestauxd’activitépourtous les groupes d’âges. Cela s’explique par l’évolutiondémographiquefavorabledécriteplushaut,notammentparla diminution des taux de fécondité. En Afriquesubsaharienne, la participation augmente aussi,principalementdufaitdel’augmentationdelapopulationenâgedetravailler.Toutefois,lafigureC.9montrequelestauxd’activitédes femmesétaientdéjàélevésen1990, cequitientaufaitqueplusieurspaysdelarégionavaientuntrèsfaibleniveaudedéveloppementéconomique.

L’augmentation de l’activité des femmes peut être unfacteur d’avantage comparatif si les femmes sontemployées de façon disproportionnée dans certainssecteurs. Dans la plupart des pays en développement,

l’emploi des femmes est concentré dans les secteursexportateurs à forte intensité de main‑d’œuvre. LaCNUCED(2004)indiquequelaparticipationdesfemmesdans les industries d’exportation, comme les textiles, lesvêtements, les produits pharmaceutiques, l’industriealimentaire, l’électronique et la fabrication de jouets,représente en moyenne entre 53% et 90% de lamain‑d’œuvredans lespaysendéveloppementd’Afrique,d’Asie et d’Amérique latine. En Asie du Sud‑Est, lesprincipales industries d’exportation, comme les textileset l’électronique, s’appuient fortement sur unemain‑d’œuvre féminine relativement peu qualifiée maisgénéralement instruite (Korinek, 2005). Entre 1970 et1995, la part des femmes dans la population activeen Indonésie, en Malaisie et à Singapour, qui étaitinitialement comprise entre 26% et 31%, est passée à37%‑40%. Dans la République de Corée, la part desfemmes actives dans le travail rémunéré régulier estpassée de 65% en 1965 à 81% en 1992, et, dans lesindustriesextractivesetmanufacturières,letauxd’emploidesfemmesparrapportauxhommesestpasséde0,37à0,68(Banquemondiale,2001).35

L’étude de Busse et Spielmann (2006) est la seule étudeempirique qui analyse l’effet de diverses mesures de

FigureC.9:Taux d’activité des femmes dans certaines économies, 1990 et 2020 (enpourcentageetpargrouped’âge)

0

20

40

60

80

100

15

-19

20

-24

25

-29

30

-34

35

-39

40

-44

45

-49

50

-54

55

-59

60

-64

65

+

Union européenne

1990 2020

0

20

40

60

80

100

15

-19

20

-24

25

-29

30

-34

35

-39

40

-44

45

-49

50

-54

55

-59

60

-64

65

+

Chine

1990 2020

0

20

40

60

80

100

15

-19

20

-24

25

-29

30

-34

35

-39

40

-44

45

-49

50

-54

55

-59

60

-64

65

+

Moyen-Orient

1990 2020

0

20

40

60

80

100

15

-19

20

-24

25

-29

30

-34

35

-39

40

-44

45

-49

50

-54

55

-59

60

-64

65

+

Inde

1990 2020

0

20

40

60

80

100

15

-19

20

-24

25

-29

30

-34

35

-39

40

-44

45

-49

50

-54

55

-59

60

-64

65

+

Afrique subsaharienne

1990 2020

0

20

40

60

80

100

15

-19

20

-24

25

-29

30

-34

35

-39

40

-44

45

-49

50

-54

55

-59

60

-64

65

+

Amérique du Sud et centrale

1990 2020

Source :OIT,Economically Active Population, Estimates and Projections(EAPEP),2011.

Page 12: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

127

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

l’inégalitédessexessur l’avantagecomparatif.Enutilisantdesdonnéesdepanelconcernant29payspour6annéesdistinctes (1975, 1980, 1985, 1990, 1995 et 2000), ilsmontrent qu’une réduction de l’inégalité dans laparticipation à la population active (c’est‑à‑dire un tauxd’emploi des femmes par rapport aux hommes plus élevé,ouuntauxd’activitédesfemmesplusélevé)estassociéeàuneaméliorationdel’avantagecomparatifdanslessecteursà forte intensité de main‑d’œuvre.36 Toutefois, lasignificationstatistiquedecetterelationdiminuesilespaysà revenu élevé sont exclus de l’échantillon, ce qui estsurprenant car, comme on l’a vu plus haut, c’est surtoutdans les pays en développement que les femmes sontemployées de façon disproportionnée dans les secteursexportateursàforteintensitédemain‑d’œuvre.

Dansdenombreuxpaysendéveloppement,ilestprobableque le taux d’activité accru des femmes s’accompagned’un meilleur niveau d’instruction. KC et al. (2010)indiquent que, dansdespays comme leChili, laChineetl’AfriqueduSud,lesfemmesâgéesde20à39ansaurontsouventunniveaud’instructionsecondairequasiuniverselà l’horizon 2050. En Inde et au Pakistan, le niveaud’instruction secondaire des femmes de 20 à 39 ansdevraitpasserd’environ40%en2010àplusde80%en2050. D’un point de vue théorique, la réduction del’inégalité hommes‑femmes dans le niveau d’instruction(qui indiqueunemoindre inégalitédes sexesengénéral)peut affecter positivement ou négativement l’avantagecomparatif dans les biens à forte intensité demain‑d’œuvre. Les résultats empiriques de Busse etSpielmann (2006) indiquent que la réduction desinégalitésenmatièred’accèsàl’éducation(c’est‑à‑direletauxd’alphabétisationplusélevédesfemmespar rapportauxhommes,ouuneplusfortescolarisationdesfemmes)vadepairavecuneaugmentationdel’avantagecomparatifdanslessecteursàforteintensitédemain‑d’œuvre.

Toutefois, le lien de causalité pourrait jouer dans lesdeuxsens.Commel’amontréVijaya(2003),danscertainspays en développement, les emplois liés au commercepeuvent avoir pour effet que les femmes sont moinsincitées à investir dans les études supérieures queles hommes. Par conséquent, les disparités entrehommes et femmes qui existent en matière d’éducationpeuventêtrerenforcéesetmêmeamplifiéesparuneplusgrande ouverture des échanges. Cette constatations’explique par le fait que la demande de main‑d’œuvreféminine reste concentrée dans les emplois peuqualifiés, peut‑être parce que la discrimination exclutles possibilités d’emplois plus qualifiés, réduisantl’incitation à investir dans des études supérieures.37 Or,uneréductiondeladiscriminationpermettraitauxfemmesd’accéderàdesemploisplusqualifiés,cequidéplaceraitl’avantage comparatif des secteurs à forte intensité demain‑d’œuvre vers les secteurs à forte intensité dequalification.

En conclusion, la proportion croissante de travailleursinstruits et l’augmentation du taux d’activité des femmesontl’uneetl’autreuneincidencesurl’avantagecomparatif.En particulier, une main‑d’œuvre plus instruite accroît lecontenu de qualification et la sophistication desexportations, ce qui a été un important facteur decroissance pour un certain nombre de pays endéveloppement, en particulier en Asie de l’Est. On peutespérerqued’autrespaysendéveloppement,notammenten Afrique, pourront aussi récolter dans l’avenir les

bénéfices d’une meilleure éducation en rapport avec lecommerce. La participation des femmes à la populationactiveestintimementliéeàlabaissedestauxdeféconditéet à la hausse de l’espérance de vie, mais aussi àl’améliorationdespossibilitésd’éducation.L’inclusiondesfemmes dans la population active a des effets surl’avantagecomparatifetpeutavoirdeseffetspositifssurla demande d’importations et générer des gains debien‑être.

(c) Migrations

Lesmigrationsinternationalesontunimpact importantsurl’évolution démographique. Elles peuvent influer sur lacroissancedémographiquedirectementenaugmentantouen réduisant lapopulation (dans lespaysd’originecommedans les pays d’accueil), et indirectement en affectant lestaux de fécondité (ONU, 2011a). En outre, les migrantsinternationaux ont tendance à constituer un groupe depopulation unique en termes d’âge et d’instruction. Cettesectionsuggèrequelesmigrationsinternationalespeuventavoirune incidencesur l’avantagecomparatifenmodifiantles profils d’éducation et d’âge dans les pays d’origine etdanslespaysd’accueil.Elleexamineenoutrelalittératurethéoriqueetempiriquesur la relationdesubstituabilitéoude complémentarité entre le commerce et les migrations.Enfin, elle étudie les effets sur le commerce del’urbanisation qui est une conséquence, entre autres, desmigrationsintérieures.

Le stock mondial de migrants internationaux a augmentéde 38% entre 1990 et 2010. Toutefois, les migrantsinternationauxreprésententtoujoursunetrèsfaiblepartdelapopulationmondiale,seulement3,1%(213,9millionsdepersonnes) en 2010. Les migrants sont concentrés dansquelques pays d’accueil: en 2010, dix pays accueillaientplus de la moitié du stock mondial de migrantsinternationaux.38 La majorité d’entre eux se trouvent enEurope,enAsieetenAmériqueduNord.En2010,l’Océanieet l’AmériqueduNordavaient le plus fort pourcentagedemigrantspar rapportà lapopulation totale (voir le tableauC.1).39

Lesmigrationssefontsurtoutàpartirdespaysetrégionsmoinsdéveloppésverslespaysetrégionsplusdéveloppés.De 1990 à 2010, le stock de migrants résidant dans leNord (Europe et Amérique du Nord, plus Australie,Nouvelle‑ZélandeetJapon)maisnésdansleSud(touslesautrespaysetrégions)aaugmentéde85%,plusdedeuxfois plus que le stock mondial de migrants (38%) (ONU,2012a).

Dans les pays d’immigration traditionnels, commel’Australie, le Canada, la Nouvelle‑Zélande et lesÉtats‑Unis, les entrées de migrants ont nettementaugmenté entre 1980 et 2008.40 Toutefois, le taux decroissance a été fluctuant et fortement influencé par lesmodifications des politiques d’immigration.41 AuxÉtats‑Unis, principal pays d’accueil des migrants dumonde entier, environ 1,1 million de permis de résidencepermanente ont été délivrés entre 2005 et 2010 (ONU,2011a). Les immigrants aux États‑Unis sont surtoutoriginaires d’Asie, et d’Amérique latine et des Caraïbes(cesdeuxrégionsreprésentant40%dutotaldesentréesd’immigrants en 2010). Le Mexique et la Chine ontaccueilli, respectivement, 13% et 7% des migrants en2010. L’Asie est aussi la principale région d’origine desmigrants vers l’Australie (avec une part de 60% du total

Page 13: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

128

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

des entrées d’immigrants en 2008) et le Canada (avecune part de 58% du total des entrées d’immigrants en2009).EnEurope,l’Allemagneestlaprincipaledestinationdes migrants d’Europe centrale et orientale, notammentdepuisl’élargissementdel’Unioneuropéenneen2004et2007.42 La majorité des immigrants dans les payseuropéens pendant la période 2000‑2008 venaient

d’autres pays d’Europe. Toutefois, dans certains paysd’accueileuropéens,commelaFrance,leRoyaume‑Unietl’Espagne, les immigrants venaient principalement derégions en développement.43 Une analyse plus détailléedes flux migratoires à l’intérieur des régions (migrationsintrarégionales) et entre les régions (migrationsextrarégionales)estprésentéedansl’encadréC.1.

TableauC.1:Migrants internationaux par région (stocks), 1990-2010 (enmillionsetenpourcentage)

Nombre de migrants internationaux (en millions)

Migrants internationaux en % de la population

1990 2000 2010 1990 2000 2010

Monde 155,5 178,5 213,9 2,9 2,9 3,1

Régionsplusdéveloppées 82,4 104,4 127,7 7,2 8,7 10,3

Régionsmoinsdéveloppées 73,2 74,1 86,2 1,8 1,5 1,5

Afrique 16 17,1 19,3 2,5 2,1 1,9

AmériqueduNord 27,8 40,4 50 9,8 12,7 14,2

AmériquelatineetCaraïbes 7,1 6,5 7,5 1,6 1,2 1,3

Asie 50,9 51,9 61,3 1,6 1,4 1,5

Europe 49,4 57,6 69,8 6,9 7,9 9,5

Océanie 4,4 5 6 16,2 16,1 16,8

Source :Divisiondelapopulationdel’ONU,basededonnéesWorldMigrantStock.

Note :Pourladéfinitiondesrégions,voir:http://esa.un.org/MigAge/index.asp?panel=3.

EncadréC.1: Les migrations se sont-elles régionalisées ?

DanslasectionBdurapport,ilestquestiondelatendanceàlarégionalisationaccruedeséchangesdemarchandises.Ya‑t‑ilunetendancesimilairepourlesmigrations?Iln’estpasfacilederépondreàcettequestionenraisondel’insuffisancedesdonnées.DanslafigureC.10, lesdonnéeshistoriquessurlesstocksdemigrantscollectéesparlaBanquemondialesontutiliséespourlesannées1990et2000.44Ilenressortcertainsfaitsintéressants.

Premièrement, les migrants venus d’Afrique, d’Asie et de la Communauté d’États indépendants (CEI) résidentprincipalement dans leur région d’origine respective. À l’inverse, la majorité des migrants résidant en Amérique duNord et au Moyen‑Orient viennent de pays extérieurs à la région. L’Europe se situe entre les deux, avec une partd’environ60%demigrantsvenantd’Europe.

Deuxièmement,entre1990et2000,lapartdesmigrantsintrarégionauxaconsidérablementaugmentéenAmériqueduSudetenAmériquecentrale (de55%à64%),et,dansunemoindremesure,enAmériqueduNord (de28%à31%)etenAfrique(de85%à87%).Àl’inverse,cettepartestrestéestableenEuropeetalégèrementdiminuédanstouteslesautresrégions(de32%à31%auMoyen‑Orient;de95%à93%danslespaysdelaCEI;de85%à84%enAsie).

LapartimportantedesmigrationsintrarégionalesenAfrique,enAsieetdanslaCEIpeuts’expliquerprincipalementparlesmouvementsdemigrantsàtraverslesfrontièresd’Étatsvoisins.SelonRathaetShaw(2007),cesmigrationstransfrontièreslimitéesgéographiquementreprésentaient80%dustockdemigrantsSud‑Suden2007.LamêmeétudemontreaussiquelesmigrantsduBurkinaFasoenCôted’Ivoirevoisinereprésententlaplusforteproportionde migrants Sud‑Sud en Afrique, tandis que les migrants du Bangladesh en Inde représentent la plus forteproportiondemigrantsSud‑SudenAsieduSud.DanslarégiondelaCEI,lesmigrantssedéplacentprincipalemententrelaFédérationdeRussieetl’Ukraine,etentrelaFédérationdeRussieetleKazakhstan.D’autrespaysoùlesmigrations transfrontièressont importantessont l’AfriqueduSud,principaledestinationdesmigrantsduLesotho,duMozambiqueetduZimbabwe,etlaThaïlande,principaledestinationdesmigrantsduCambodge,delaRDPlaoetduMyanmar(OIM,2008).

L’importancedesmigrations transfrontièresentre lespaysendéveloppement reflète le faibleniveaude richesseetd’instructiondelapopulationd’origine,qui limite lacapacitédesindividusetdesménagesàsupporter lecoûtd’unemigration lointaine. Étant donné que les migrations transfrontières se font surtout sur une courte distance et sonttemporaires,ellespeuventêtreassimiléesauxmigrationsinternes.

Page 14: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

129

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

Toutefois, comme elles ont lieu entre des régions qui ont à peu près les mêmes niveaux de revenus, elles sontprobablement motivées davantage par le désir de réduire les risques et de diversifier les revenus que par lesdifférencesderevenusentrezonesgéographiques(RathaetShaw,2007).45

Les facteurs institutionnels, comme l’existence d’accords commerciaux préférentiels (ACPr) ou de processusconsultatifs régionaux sur les migrations, peuvent aussi expliquer les migrations intrarégionales par opposition auxmigrationsextrarégionales.46UneétuderécentedeOrefice(2012)montrequelesACProntétéundéterminantdesentréesdemigrantsdans29paysdel’OCDEpendantlapériode1998‑2008.Enparticulier,lesdispositionsdesACPrrelativesauxvisas,àl’asileetaumarchédel’emploi,encouragentlesfluxmigratoiresbilatéraux.Toutefois,danscetteétude,aucunedistinctionn’estfaiteentrelesACPrintrarégionauxettransrégionauxenraisondumanquededonnées.Il faudrait effectuer des recherches supplémentaires pour discerner les effets des facteurs institutionnels sur lesmigrationsintrarégionalesparrapportauxmigrationsextrarégionales.

FigureC.10:Migration intrarégionale et extrarégionale (stocks) dans les régions de l’OMC, 1990 et 2000 (milliersetpourcentage)

Amérique du Nord

28 %31 %

72 %

69 %

1990 2000 Europe1990 2000

Moyen-Orient1990 2000

CEI1990 2000

Asie1990 2000

Afrique1990 2000

Amérique du Sudet centrale

1990 2000

28 484

5 213 5 509

41 299

55 % 64 %

85 % 87 %

60 %

40 %

68 %

95 %

85 % 84 %

93 %

32 %

69 %

31 %

33 658

60 %

40 %

40 551

27 36924 805

23 929 26 292

10 030 12 173

13 17416 438

Migration extrarégionale Migration intrarégionale

Source :Banquemondiale,GlobalBilateralMigrationDatabase(GBMD).

Note :Lesdiagrammespourlesrégionssontàl’échelle,saufpourl’AmériqueduSudetcentraleetl’Afrique,pourlesquellesl’échelleestdifférente.Lesfrontièresetlescouleursn’impliquentaucunjugementdelapartdel’OMCquantaustatutjuridiquedesfrontièresoudesterritoires.

Comme on l’a dit plus haut, les migrations peuventinfluencer directement la croissance démographique enaugmentant ou en réduisant la population des paysconcernés. Ilya50ans, l’incidencedesmigrationsnettessurlacroissanceglobaledelapopulationétaitnégligeabledanspresquetouslespaysetrégions.Plusrécemment,lesmigrationsnettessontdevenuesplusimportantespourlespays développés en raison des faibles taux de fécondité.Comme le montre la figure C.11, pendant la période1990‑2000, lesmigrationsnettesétaientdéjà leprincipalmoteur de la croissance démographique dans les paysdéveloppés.47Cettetendancevasepoursuivre.Entre2010et 2050, le nombre net de migrants internationaux allantdans les régions plus développées devrait être de 87millions.Commelenombrededécèsdevraitêtresupérieurde 11 millions au nombre de naissances, la croissanceglobalede lapopulationserade76millionsdepersonnes.Entre 2050 et 2100, le nombre net de migrantsinternationaux allant dans les régions plus développéesdevraitêtrede49millions.Avecunexcédentdesdécèssur

lesnaissancesde24millions,lacroissanceglobaleserade25millionsdepersonnes(ONU,2011b).

Les migrations ont aussi un impact indirect sur l’évolutiondémographiquecarelles influentsur lestauxdeféconditédans lepaysd’origineet dans lepaysd’accueil. Toutefois,desdonnéesrécentesindiquentquelesmigrantss’adaptentavec le temps aux normes de fécondité du pays d’accueil(Kulu, 2005).48 Il est donc probable que, si les migrationsinternationales en provenance de pays à forte féconditéversdespaysàfaibleféconditéontuneffetsurlaféconditédu pays d’accueil, cet effet sera temporaire. L’adaptationdesmigrantsauxnormesdupaysd’accueilinflueégalementsur les taux de fécondité du pays d’origine, parce que lesnormes de fécondité du pays d’accueil sont, dans unecertaine mesure, transférées au pays d’origine. Parexemple, Bertoli et Marchetta (2012) montrent que lescouples égyptiens ont beaucoup plus d’enfants quand lemari retourne en Égypte après avoir émigré dans un paysarabeoùletauxdeféconditéestélevé.Enoutre,l’incidence

Page 15: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

130

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

de la migration sur le taux de fécondité ne concerne passeulement les migrants et leur ménage, mais peut aussiavoirdesrépercussionssur l’ensemblede lapopulationdupaysd’origine.Surlabasededonnéesmacroéconomiquesconcernant environ 150 pays d’accueil en 2000, Beine etal. (2012) estiment qu’une baisse de 1% du taux deféconditédanslepaysd’accueilréduitde0,3%letauxdeféconditédanslepaysd’origine.

Les migrants sont généralement plus jeunes que lapopulation autochtone. Par exemple, l’âge médian desimmigrants dans les pays de l’UE en 2009 allait de 24,9ans (auPortugal)à33,7ans (enLettonie),alorsque l’âgemédian de la population de l’UE‑27 était de 40,9 ans.49Plus important encore, les personnes en âge de travaillersont surreprésentées parmi les migrants internationaux,commelemontrelafigureC.12pourlespaysdel’UE.50

Enconséquence, lesmigrationsdevraient fairebaisser lesratiosdedépendancedansuncertainnombred’économies,commel’indiqueletableauC.2.51L’incidencedesmigrationsesttrèsnettedanslespaysduMoyen‑Orientexportateursdepétrole,commelesÉmiratsarabesunis,leQataretl’Étatdu Koweït, mais elle est importante aussi à Hong Kong(Chine), en Suisse et dans les pays d’Europe méridionale.Toutefois, malgré un impact relativement plus importantdans certaines économies, l’incidence globale desmigrations sur la structure par âge de la populationmondiale est probablement faible, notamment dans lespaysoùleprocessusdevieillissementesttrèsavancé,telsqueleJapon.L’ONU(2011a)conclutquelesmigrationsnepeuvent pas inverser la tendance au vieillissement de lapopulation.

L’incidence des migrations sur le pays d’origine et le paysaccueil dépend essentiellement de la répartition desqualificationsentrelesmigrantsetlapopulationautochtone.LetableauC.3présenteunecomparaisonentrelesniveauxd’éducationdelapopulationautochtoneetdesimmigrants

dans les pays de l’OCDE. La dernière colonne du tableaumontre que, en moyenne, entre 1990 et 2000, lesimmigrants étaient plus instruits que la populationautochtone.L’immigrationestdoncassociéeàungainnetde cerveaux dans les pays d’accueil. Toutefois, il y a desdifférences importantes entre les pays. Par exemple, lesimmigrantssontplusqualifiésquelapopulationautochtonedans lespaysoù leniveaud’instructiondesressortissantsest faible (comme le Mexique et la Turquie), ou dans lespays où la politique d’immigration favorise l’arrivée depersonnes très instruites (comme l’Australie, le Canada etlaNouvelle‑Zélande).Parcontre,lesimmigrantssontmoinsqualifiésque lapopulationautochtonedans lespaysoù leniveau d’instruction des ressortissants est élevé, commelesÉtats‑UnisetlaFrance.

Le tableau C.3 montre aussi que, pendant la période1990‑2000, la part globale des immigrants hautementqualifiés dans les pays de l’OCDE est passée de 30% à35%. Pendant la même période, le nombre d’immigrantshautementqualifiésaaugmentéde64%(passantde12,6à20,7millions), et lenombred’immigrantspeuqualifiésaaugmenté de 22% (passant de 20,1 à 25,7 millions).Toutefois, la plupart des immigrants dans les pays del’OCDEsontmoyennementoupeuqualifiés(Docquieret al.,2009). Comme l’ont souligné Widmaier et Dumont (2011),cela s’explique en grande partie par les besoins demain‑d’œuvredanslesecteurdesemploissales,dangereuxet difficiles et dans les secteurs à bas salaires, commel’agriculture,laconstructionetlesservicesdomestiques.Làaussi, il y a une grande hétérogénéité entre les pays del’OCDE. En Europe méridionale, les migrants sont surtoutdes personnes peu qualifiées, alors qu’au Canada, enAustralie et en Nouvelle‑Zélande, ce sont pour la plupartdespersonnesayantunniveaud’instructionélevé.

L’émigration des personnes qualifiées («exode descerveaux») est depuis longtemps une préoccupation despouvoirspublicsdansleurspaysd’origine(voirladiscussion

FigureC.11:Contribution de l’accroissement naturel et de la migration nette à la variation nette de la population dans les pays développés, de 1950-1955 à 2045-2050 (pourcentage)

-2

0

2

4

6

8

10

12

141

95

0-1

95

5

19

55

-19

60

19

60

-19

65

19

65

-19

70

19

70

-19

75

19

75

-19

80

19

80

-19

85

19

85

-19

90

19

90

-19

95

19

95

-20

00

20

00

-20

05

20

05

-20

10

20

10

-20

15

20

15

-20

20

20

20

-20

25

20

25

-20

30

20

30

-20

35

20

35

-20

40

20

40

-20

45

20

45

-20

50

Taux de variation nette Taux d'accroissement naturel Taux de migration nette

Source :Divisiondelapopulationdel’ONU,basededonnéesWorld Population Prospects : The 2010 Revision.

Page 16: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

131

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

dansDocquieretRapoport,2012).LetableauC.4contientdesdonnéessurlesstocksd’émigrantshautementqualifiésetlestauxd’émigrationhautementqualifiéeparrégionpourles années 1990 et 2000. Le tableau montre que, à ladifférencedesstocksd’émigrantshautementqualifiés, lestaux d’émigration hautement qualifiée sont restésrelativement stables pendant cette période.52 Dans cesdeux années, on observe une grande variation entre lespaysàl’intérieurdesrégions.

Parexemple,enAsiede l’Estetdans lePacifique, le tauxest de 3% en Australie mais il passe à 15% en Asie duSud‑Est et à environ 47% dans les îles du Pacifique. EnAmérique du Sud et centrale, le taux va de 18% enAmériqueduSudà27%enAmériquecentraleet à65%aux Caraïbes (dans cette sous‑région, les pays ayant lestauxlesplusélevésd’émigrationqualifiéesontlaJamaïqueet Haïti, avec des taux de 85% et 83%, respectivement).Certains pays africains ont aussi des taux d’émigrationqualifiée beaucoup plus élevés que la moyenne régionale.C’estlecas,entreautres,delaGambie(68%),delaSierraLeone (49%), du Ghana (45%) et du Kenya (40%).53 Laquestion de savoir si l’émigration de personnes qualifiéesest préjudiciable ou bénéfique aux pays d’origine seraanalyséeci‑aprèsdefaçonplusdétaillée.

(i) Migrations et commerce

Les migrations de main‑d’œuvre peuvent avoir des effetsdistincts à court terme et à long terme dans le paysd’accueil.54 Les effets à court terme sont plus faciles àcomprendre dans un cadre de facteurs spécifiques.Considéronsuneéconomieavecdeuxsecteurs,l’agricultureetl’industriemanufacturière,ettroisfacteursdeproduction:la main‑d’œuvre, la terre et le capital. La main d’œuvre estmobile entre les secteurs, mais la terre et le capital sont

spécifiquesausecteuragricoleetausecteurmanufacturier,respectivement.Àprix relatifsconstants,uneaugmentationde la dotation en main‑d’œuvre (due à l’immigration) setraduit par une augmentation de la production des deuxsecteursparcequ’unplusgrandnombredetravailleurssontemployés.55Étantdonnéquelecapitaletlaterrenepeuventpas se déplacer entre les secteurs, l’intensité demain‑d’œuvre (laquantitédemain‑d’œuvrepar rapportà laquantitédufacteurspécifique)danslaproductionaugmentedanslesdeuxsecteurs,cequientraîneunebaissedestauxdesalaires(ensupposantquelesmarchéssontparfaitementconcurrentiels et que les salaires sont fonction de laproductivité marginale). Comme la production des deuxsecteurs augmente de manière symétrique, il n’y a pas dechangementdanslacompositionglobaledelaproductionnidansl’avantagecomparatif.

Les effets à long terme de l’immigration sont cependantdifférentsenraisondelamobilitéintersectorielledesfacteursdeproduction.Considéronsuneéconomieavecdeuxsecteurs,les chaussures et les ordinateurs, et deux facteurs deproduction: la main‑d’œuvre et le capital. Les deux facteurspeuventsedéplacerlibremententrelessecteurs,etlesecteurdes chaussures emploie relativement plus de main‑d’œuvreque le secteur des ordinateurs. Le théorème de Rybczynskiprédit que, à prix relatifs constants, une augmentation de ladotationenmain‑d’œuvredueà l’immigrationentraînerauneaugmentation de la production de chaussures et unediminutiondelaproductiond’ordinateurs.Leraisonnementestle suivant: à long terme, le ratio capital/travail resterainchangé dans les deux secteurs. Par conséquent, nonseulement la main‑d’œuvre additionnelle sera entièrementabsorbéepar lesecteurdeschaussures,mais ilyauraaussiunecertaineredistributiondelamain‑d’œuvreetducapitaldusecteur des ordinateurs vers celui des chaussures. Parconséquent, la production augmentera dans le secteur deschaussuresmaisdiminueradanslesecteurdesordinateurs.56Silepaysd’accueilaunavantagecomparatifdanslesecteurdes chaussures, cet avantage sera renforcé. Mais s’il a unavantagecomparatifdanslesecteurdesordinateurs,celui‑cidiminueraetserapeut‑êtremêmeinverséparl’immigration.

FigureC.12:Structure par âge des populations nationales et non nationales, UE, 2010 (pourcentage)

0

25

50

75

3 % 2 % 1 % 0 % 1 % 2 % 3 %

Nationaux Non-nationaux

Hommes Femmes

Âge

100+

Source :Eurostat,Statistiquessurlamigrationetlapopulationmigrante.

Note :Lastructureparâgeestbaséesurl’ensembledespaysmembresdel’Unioneuropéenne.Touslesmigrants,qu’ilssoientoriginairesdepaysdel’UEounon,sontconsidéréscommedesnon‑nationaux.

TableauC.2:Pays dont le taux de dépendance augmente le plus dans un scénario de migration zéro, 2050

Taux de dépendance

en 2010

Taux de dépendance en 2050

Rang PaysVariante moyenne

Scénario de

migration zéro

1Émiratsarabesunis

25 37 104

2 Qatar 20 38 95

3HongKong,Chine

32 78 108

4Koweït,Étatdu

34 57 79

5 Suisse 48 72 88

6 Espagne 47 87 98

7 Canada 44 70 80

8 Grèce 48 82 92

9 Autriche 48 77 86

10 Italie 53 88 96

Source :ONU(2011a).

Page 17: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

132

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

TableauC.3:Pourcentage d’immigrants et de nationaux qualifiés dans les pays de l’OCDE, 1990-2000

1990 2000

% de personnes qualifiées parmi les nationaux

% de personnes qualifiées parmi les

immigrants

Rapport immigrants/

nationaux

% de personnes qualifiées parmi les nationaux

% de personnes qualifiées parmi les

immigrants

Rapport immigrants/

nationaux

AfriqueduSud 3,8% 16,0% 4,27 10,3% 22,0% 2,13

Allemagne 21,8% 16,9% 0,78 25,5% 21,8% 0,85

Australie 31,1% 34,6% 1,11 34,0% 40,3% 1,19

Autriche 11,2% 8,4% 0,75 14,4% 12,7% 0,88

Belgique 20,8% 12,7% 0,61 27,5% 19,8% 0,72

Canada 43,8% 50,7% 1,16 51,5% 58,8% 1,14

Corée,Rép.de 13,4% 33,1% 2,48 25,8% 38,1% 1,48

Danemark 19,6% 13,8% 0,71 21,6% 17,3% 0,80

Espagne 9,5% 16,7% 1,76 12,2% 18,5% 1,51

États‑Unis 39,2% 41,2% 1,05 51,3% 42,7% 0,83

Finlande 20,2% 16,0% 0,79 26,3% 23,8% 0,91

France 21,9% 9,9% 0,45 21,9% 16,4% 0,75

Grèce 10,9% 15,1% 1,39 15,2% 15,0% 0,99

Hongrie 10,1% 7,6% 0,75 12,0% 11,6% 0,97

Irlande 14,6% 26,5% 1,82 19,4% 41,1% 2,12

Islande 11,0% 24,0% 2,17 15,5% 31,4% 2,02

Italie 6,3% 15,4% 2,45 8,7% 15,4% 1,78

Japon 21,2% 22,5% 1,06 24,0% 28,1% 1,17

Luxembourg 20,8% 17,1% 0,82 27,5% 21,7% 0,79

Mexique 9,1% 33,8% 3,70 11,2% 44,9% 3,99

Norvège 15,7% 25,2% 1,60 21,8% 28,7% 1,32

Nouvelle‑Zélande 23,3% 43,6% 1,87 25,9% 40,9% 1,58

Pays‑Bas 16,2% 17,3% 1,07 22,0% 22,0% 1,00

Pologne 7,9% 12,0% 1,53 11,1% 14,0% 1,26

Portugal 6,5% 20,1% 3,08 8,8% 18,6% 2,10

Républiqueslovaque 9,5% 7,7% 0,81 11,6% 15,2% 1,31

Républiquetchèque 8,5% 5,6% 0,66 10,8% 11,5% 1,06

Royaume‑Uni 13,9% 20,3% 1,46 17,8% 34,9% 1,96

Suède 20,5% 17,7% 0,86 27,5% 25,7% 0,93

Suisse 17,2% 15,1% 0,88 17,2% 18,6% 1,08

Turquie 5,0% 11,4% 2,30 8,5% 21,5% 2,54

OCDE 21,6% 29,7% 1,37 27,1% 34,8% 1,29

Source :Docquieret al.(2009).

L’exemplepeutêtrelégèrementmodifiépourcomprendreleseffets des migrations avec un biais de qualification. Si lesmigrants sont relativement plus qualifiés, le taux de salairedelamain‑d’œuvrequalifiéediminueraàcourtterme,tandisque,àlongterme,laproductiondessecteursàforteintensitéde main‑d’œuvre qualifiée augmentera aux dépens dessecteursàforteintensitédemain‑d’œuvrenonqualifiée.Lemême raisonnement s’applique lorsque les immigrants sont

non qualifiés. La recherche empirique sur l’ajustement à lamarge en fonction de la quantité est limitée, mais lesquelques études existantes confirment les prévisionsthéoriques. Hanson et Slaughter (2002), par exemple,analysent la croissance rapide, en Californie, des secteursdes vêtements, des textiles, des produits alimentaires etd’autres industries à forte intensité de main‑d’œuvre aprèsl’arrivéedemigrantsmexicainsrelativementpeuqualifiés.57

Page 18: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

133

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

TableauC.4:Stocks d’émigrants qualifiés et taux d’émigration par région, 1990 et 2000

1990 2000

Stock d'émigrants qualifiés

(en milliers)

Taux d'émigration qualifiée

Stock d'émigrants qualifiés

(en milliers)

Taux d'émigration qualifiée

Afrique 742 11,5% 1407 10.6%

AmériqueduNord 1085 1,4% 1900 1.7%

AmériqueduSudetAmériquecentrale

1559 10,0% 2735 10.1%

Asie 3349 4,9% 6304 5.7%

Communautéd'Étatsindépendants(CEI)

226 1,0% 681 2.0%

Europe 4843 9,2% 6535 9.2%

Moyen‑Orient 479 12,3% 769 9.8%

Source :Docquieret al.(2009).

Note :Pourunerégiondonnée,letauxd’émigrationqualifiéeestdéfinicommelapartd’émigrantsinstruitsdanslapopulationtotaled’émigrantsetdenationauxinstruitsdelarégion.

Unequestionvoisineestcelledesavoirsilecommerceetles migrations sont des substituts ou des compléments.Onprésumeengénéralquecesontdessubstituts,commele prédit le modèle standard du commerced’Heckscher‑Ohlin‑Samuelson (HOS).Considérons lecasde deux pays, deux produits et deux facteurs. Comme lemontreMundell(1957),ilexisteunerelationdirecteentreles prix relatifs des produits et les prix relatifs desfacteurs. Cette relation est identique pour les deux paysenraisondel’hypothèsedel’égalitétechnologique.Si,dufaitdu libre‑échange, lesprixdesproduits sontégalisés,lesprixdes facteurs leserontaussi.Demême,si,du faitdelalibremobilitédesfacteurs,lesprixdesfacteurssontégalisés,lesprixdesproduitsleserontaussi.Lesprixdesfacteurs et les prix des produits doivent être les mêmes,commedanslecasdulibre‑échange.58Parconséquent,lecommerceetl’immigrationsontdessubstituts.

Toutefois,sil’ons’écartedeshypothèsesquidéfinissentlemodèle HOS, la nature de la relation change, et lecommerce et la mobilité des facteurs peuvent être descompléments. Gaston et Nelson (2013) modifientlégèrement l’exemple examiné plus haut, en supposantque le pays d’accueil a une technologie supérieure pourproduireleproduitàforteintensitédemain‑d’œuvre.Cettesupériorité technologique lui confère un avantagecomparatif pour le produit à forte intensité demain‑d’œuvre (pour un ratio salaire/loyer donné, le prixd’autarcie de ce produit est moins élevé dans le paysd’accueil que dans le pays étranger). Si, du fait dulibre‑échange, lesprixdesproduitssontégalisés, le ratiosalaire/loyer sera plus élevé dans le pays d’accueil quedans le pays étranger. Cela incitera à migrer du paysétranger vers le pays d’accueil. Si cette migration estpermise, la main‑d’œuvre ira dans le pays d’accueil,augmentant son avantage comparatif pour le produit àforte intensité de main‑d’œuvre, à travers les effetsRybczynski. La migration et le commerce sont donccomplémentaires.Supposonsmaintenantque,dufaitdelalibre mobilité des facteurs, les prix des facteurs sontégalisés. Le prix relatif du produit à forte intensité demain‑d’œuvreseramoinsélevédanslepaysd’accueilqu’àl’étranger. Si le commerce est permis, la production du

produitconférantunavantagecomparatifaugmentera.Lamigrationetlecommercesontdonccomplémentaires.59

En définitive, la question de savoir si le commerce et lamigrationsontdessubstitutsoudescomplémentsestunequestion empirique. La plupart des données empiriquespointent en direction de la complémentarité. Sur la basede données concernant les États‑Unis entre 1948 et1983, Wong (1988) estime que le commerce est uncomplément quantitatif de l’immigration. Sur la base dedonnées concernant le Royaume‑Uni pour la période1975‑1996, Hijzen et Wright (2010) montrent que lesimmigrantsqualifiéssontdescomplémentsquantitatifsducommerce. Les travailleurs non qualifiés sont dessubstitutsquantitatifs,maislerésultateststatistiquementnonsignificatif.60L’abondantelittératuresurleseffetsdesréseauxdemigrantssur lecommerce(voir l’encadréC.2),mêmesiellenefournitpasdetestrigoureuxfondésurlesmodèles d’équilibre général, pointe également vers lacomplémentarité de la migration et du commerce. Celasignifie qu’une politique migratoire restrictive peutrestreindrenonseulement les fluxmigratoiresmaisaussileséchanges.

L’immigration ne bouleverse pas seulement l’offre demain‑d’œuvre; elle influe aussi sur la productivité totaledes facteurs, et donc sur le commerce international. Peri(2012) montre de façon convaincante que l’immigrationauxÉtats‑Unisauneffetpositif sur laproductivité totaledesfacteursetuneffetnégatifsurlebiaisdequalificationdes techniques de production (c’est‑à‑dire qu’elleencourage l’adoption de techniques efficientes sansmain‑d’œuvre qualifiée). Ces effets peuvent s’expliquerconjointementpardeuxmécanismes.

Premièrement, la théorie d’Acemoglu (2002) duchangement technique dirigé prédit que la disponibilitéd’un facteur de production conduit les entreprises àadopterdestechniquesplusefficientesutilisantdavantagece facteur.61 Deuxièmement, Peri et Sparber (2009)montrent que l’immigration peut encourager laspécialisation en fonction de l’avantage comparatif auniveau des tâches. Ils affirment que les travailleurs

Page 19: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

134

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

autochtonesetlesimmigrantssontdessubstitutsimparfaitsdans laproduction,mêmes’ilsontdesniveauxd’instruction(limités) similaires. Étant donné que les immigrants ontprobablement des capacités de communication imparfaitesmaisontdescompétencesmanuellesanaloguesàcellesdestravailleursautochtones,ilsontunavantagecomparatifdansles activités manuelles, tandis que les travailleursautochtonesmoinsinstruitsontunavantagecomparatifdansles activités exigeant des aptitudes en matière decommunication.L’immigrationencouragedonclestravailleursà se spécialiser, ce qui entraîne des gains de productivité.

PerietSparber(2009)présententdesdonnéesempiriquesà l’appui de cette hypothèse, en utilisant des données desÉtats‑Unis.Leurprincipaleconclusionestque,du faitde laspécialisation dans des tâches différentes, il se peut quemême les travailleursautochtonesmoins instruitsnevoientpasleurssalairesaffectésparl’immigrationpeuqualifiée.

L’immigration a aussi un impact sur l’innovation dans lespays d’accueil. Comme on l’a dit plus haut, la part desmigrants très qualifiés dans le nombre total de migrantsdanslespaysdel’OCDEaconsidérablementaugmentéau

EncadréC.2: Réseaux de migrants et commerce

L’existencederéseauxdemigrantspeutencourager lecommerceentre lepaysd’origineet lepaysd’accueild’aumoinsdeuxfaçons.Premièrement,cesréseauxpeuventaideràsurmonterlesobstaclesinformationnelsaucommerceinternationalliésàlalangue,àlacultureouauxinstitutions;ilspeuventfaciliterl’établissementderelationscommercialesetilspeuventfournirdeprécieuses informationssur lesventeset lespossibilitésd’approvisionnementà l’étranger.Deuxièmement, lesmigrantsstimulentlecommerces’ilsdériventuneutilitéplusgrandedesbiensproduitsdanslepaysd’accueil.FelbermayretToubal (2012) parlent, dans le premier cas, de l’«effet des coûts commerciaux», et dans le second, de l’«effet despréférences».62

Depuis l’article fondateur de Gould (1994), plusieurs études ont essayé de quantifier la corrélation positiveentre l’immigration et le commerce.63 L’«effet de réseau professionnel et social» des migrants a été largementcorroboré par des données empiriques (voir, par exemple, Rauch et Trindade, 2002). Dans un article récent,Aleksynska et Peri (2012) examinent, en tant que mesure du réseau professionnel des immigrants, la partdesimmigrantsdanslesemploisdegestion/devente.Lesimmigrantsjouentunrôleessentieldansl’établissementde relations professionnelles importantes. Leur part dans les activités de réseau professionnel a un effetimportant et significatif sur les exportations (mais beaucoup moins sur les importations), comme l’indiquentles études antérieures. En particulier, la valeur des échanges générée par chaque immigrant faisant partied’un réseau professionnel est plus de dix fois supérieure à celle que génère un immigrant hors réseauprofessionnel. Aleksynska et Peri (2012) montrent que les réseaux professionnels augmentent particulièrementle commerce de produits différenciés et le commerce entre des pays ayant des systèmes juridiques différents,alors que les similarités culturelles (linguistiques, d’origine coloniale) atténuent les effets des réseaux sur lecommerce.64

Lelienentrel’immigrationetlecommerceparlebiaisdesréseauxestaussiinfluencéparlacompositiondelabased’immigrants, comme l’ont récemment montré Egger et al. (2012). Une forte concentration de migrants qualifiésou non qualifiés produit plus d’échanges qu’une base d’immigrants dont la composition est équilibrée. Celapeuts’expliquerpar le faitque lesmigrantsayant lesmêmesqualifications formentdes réseauxplussolidesqueceux qui ont des qualifications différentes. Les auteurs constatent aussi que la polarisation des migrants (qu’ilssoient qualifiés ou non) produit plus d’échanges de produits différenciés que de produits non différenciés.Celarevientàdirequel’effetdecréationdeconnaissancesdesréseauxdemigrantsestplusfortquandcesréseauxsontpolarisés.

Lesréseauxdemigrants(enparticulierlesréseauxd’étudiantsdiplômés)peuventaussiavoiruneffetplusindirectsurlecommerceàtraversladiffusiond’idéespolitiquessimilaires.Parexemple,Spilimbergo(2009)constatequ’ilexisteune corrélation positive entre les régimes politiques des pays d’origine et des pays où les étudiants ont fait leursétudes.Étantdonnéquelesformesdegouvernementetlecommercepeuventêtrecorrélés(Yu,2010;voirlasectionC.6pourplusdedétails),lesréseauxdemigrantspeuventaussiinfluencerindirectementlecommerceparleurimpactsurlesystèmepolitique.

Jusqu’àunepérioderécente,lesdonnéessurlerôledespréférencesétaientrares.Lespremièresétudessupposaientqueleurrôleétaitimportantenraisondeladifférenceentrel’élasticitédesimportationsetl’élasticitédesexportationsliées aux immigrants – étant donné que le canal des coûts commerciaux affecte à la fois les importations et lesexportations, tandis que le canal des préférences affecte seulement les exportations. Récemment, des donnéessupplémentairesontétéobtenues.

Bronnenberg et al. (2012) montrent que les migrants intérieurs aux États‑Unis ont tendance à consommerde la même manière que dans leur État d’origine. La même constatation est faite pour l’Inde par Atkin (2010),qui montre que les migrants entre États conservent leurs goûts alimentaires et préfèrent les aliments quiressemblentplusàceuxdeleurÉtatd’originequ’àceuxdeleurÉtatd’accueil.Enfin,MazzolarietNeumark(2012)montrent que, en Californie, l’immigration est associée à une plus grande diversité ethnique des restaurants, enpartieparceque les immigrantssontdesconsommateursdont lademandeadescaractéristiquespotentiellementdifférentesetenpartieparcequ’ilsontunavantagecomparatifdans laproductiondesproduitsethniquesde leurpaysd’origine.

Page 20: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

135

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

coursdesdeuxdernièresdécennies.AuxÉtats‑Unis,entre1995et2006,lesétrangersétaientàl’originede67%del’augmentation nette du nombre de scientifiques etd’ingénieurs (près d’un demi‑million de travailleurs).65 Lesmigrantstrèsqualifiéspeuventaussicontribuerauprogrèstechnologique, du fait de l’augmentation du nombre debrevets, ce qui assure un avantage comparatif dans lessecteurs à forte intensité de technologie. Cette idée estétayéepardesétudesempiriquesfondéessurdesdonnéesconcernant les États‑Unis et l’UE.66 Toutefois, certainesdonnées donnent à penser que l’immigration perturbe lascolarisation de la population autochtone dans certainspaysd’accueil.67

Dans les pays d’origine, les migrations ont des effetsimportants sur les incitations à accumuler du capitalhumain, qui affectent à leur tour l’avantage comparatif.Comme cela est dit plus haut, les personnes instruites,dans certains pays en développement, sontparticulièrementsusceptiblesd’émigrer.C’estnotammentle cas dans certaines économies à revenu intermédiaireoù les personnes ont à la fois des incitations et desmoyens pour émigrer (Docquier et Rapoport, 2012).Traditionnellement, ce type de migration est jugépréjudiciable au pays d’origine en raison des retombéespositives de l’apprentissage.68 Toutefois, dans certainescirconstances, il se peut aussi que l’émigration se soldeparunaccroissementnetdel’offredecapitalhumaindansles pays d’origine, créant un «gain de cerveaux» net.Comme l’ont expliqué en premier Stark et Wang (2002),cela tient à ce que la perspective d’émigrer accroît lerendement de l’éducation, et donc l’incitation à investirdans la formation de capital humain. Toutefois, si unepetite partie seulement des migrants potentiels réussit àémigrer, le résultat est un accroissement net du capitalhumaindanslepaysd’origine.

Beine et al. (2001) montrent que l’accumulation decapital humain additionnel dans le pays d’origine peutcompenser largement la perte de compétences due auxsorties de migrants.69 Récemment, d’autres ont faitvaloir que l’augmentation de la possibilité de migrerpeut affecter non seulement le niveau mais aussi lacomposition du capital humain, en incitant à délaisserles activités de recherche de rente, qui sont moinspropices à l’émigration, pour des activitésentrepreneuriales, qui sont plus propices à l’émigration(Mariani, 2007). La migration des personnes instruitespeut aussi entraîner un transfert de connaissancesbénéfique, parce que les migrants reviennent dans leurpays d’origine pour y séjourner, établir une doublerésidence, créer des entreprises ou des universités, etparfois y rester (migration de retour). Ils rapportent desidéesetdescompétencesnouvelles,quisontimportantespour lacroissanceéconomique(Freschi,2010;NyarkoetEasterly,2009;The Economist ,2011).70

Commeon l’avuplushaut, lamigrationpeutmodifier lesdécisionsconcernantlaféconditédanslepaysd’origineetdans le pays d’accueil. Mountford et Rapoport (2011)proposentuncadrethéoriquedanslequellamigrationdespersonnesqualifiées, l’investissementdans l’éducationetla fécondité sont analysés conjointement. Dans le paysd’accueil, la migration de personnes qualifiées a l’effetstatique de réduire la proportion de personnes quichoisissentdedevenirdestravailleursqualifiés(parcequelesalaired’équilibredestravailleursqualifiésdiminue),cequi entraîne une augmentation du taux de fécondité.

L’effetdynamiqueest inverse. Intuitivement, laproportionde main‑d’œuvre qualifiée dans l’économie augmente dufait de l’immigration qualifiée, ce qui entraîne uneaugmentation du taux de croissance et, à terme,unebaissedelafécondité.Sil’effetdynamiquel’emporte,le pays d’accueil accumule du capital humain et le tauxde fécondité baisse (et vice versa si c’est l’effet statiquequi l’emporte). Dans le pays d’origine, il y a uneaccumulation de capital humain due à l’effet de l’exodedescerveaux (lapossibilitéd’émigrer renforce l’incitationà accumuler du capital humain, ce qui fait plus quecompenser lapertedecapitalhumaindueà l’émigration).Cetteaccumulationdecapitalhumainaboutitàunebaissedutauxdefécondité.71

(ii) Urbanisation et commerce

L’urbanisation est l’une des tendances démographiquesmondiales les plus importantes. Comme le montre letableauC.5, letauxd’urbanisationaaugmentéde77%aucours des 60 dernières années, passant de 29,6% (0,75milliarddepersonnes)delapopulationmondialeen1950à52,1% (3,6 milliards) en 2011. On s’attend à ce quel’urbanisation augmente encore pour atteindre 67,1% en2050. Les régions développées devraient voir leur niveaud’urbanisationpasserde77,4%à86,3%pendantlamêmepériode. Dans les régions moins développées, le tauxd’urbanisationdevrait passerde46,6%en2011à64,1%en 2050. Dans ces deux groupes de pays, les zonesurbaines seront à l’origine de la totalité de la croissancedémographique prévue. En conséquence, la populationrurale mondiale diminuera d’environ 0,3 million depersonnesd’icià2050(ONU,2012b).

Malgrélatendancecommuneàl’urbanisation,ilyaencoredes différences importantes entre les régions. En 2011,l’Amérique du Nord, l’Amérique latine et les Caraïbes etl’Europeavaientlepourcentageleplusélevédepopulationurbaine (82,2%, 79,1% et 72,9%, respectivement). Àl’inverse, l’Afrique et l’Asie avaient le pourcentage le plusfaible(39,6%et45%,respectivement).Danslesdécenniesà venir, la croissance de la population urbaine seraparticulièrement concentrée dans ces deux régions. En2050, l’Afrique et l’Asie devraient atteindre des tauxd’urbanisation de 57,7% et 64,4%, respectivement (ONU,2012b).

Outre la modification de la répartition de la populationmondiale avec un déplacement des zones rurales vers leszones urbaines, une autre tendance majeure estl’émergencedevillesplusgrandes.En2011,lamajoritédela population urbaine mondiale vivait dans des villes demoins d’un demi‑million d’habitants. Mais, dans lesprochaines décennies, la population urbaine seraprincipalement concentrée dans des villes de plus d’undemi‑milliond’habitants.Lenombredemégapoles,définiescomme étant les villes de plus de 10 millions d’habitants,passera de 23 à 37 pendant la période 2011‑2025.Néanmoins, les mégapoles représenteront encore unpourcentageassezfaibledelapopulationurbainemondiale(13,6% en 2025, contre 9,9% en 2011). Les taux decroissance de la population des mégapoles seront trèsvariables, les plus élevés étant prévus pour Lagos auNigéria,DaccaauBangladeshetShenzhenenChine,etlesplusfaiblespourTokyo,Osaka‑KobeetMoscou.

La croissance de la population dans les zones urbainespeut être due à l’accroissement naturel (taux de natalité

Page 21: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

136

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

supérieur au taux de mortalité) ou aux migrationsintérieures nettes. Des études concernant l’Europe duXIXe siècle (Williamson, 1988), ainsi que les pays d’Asiede l’Est au cours des dernières décennies, donnent àpenserquel’urbanisationacoïncidéavecl’industrialisationet a résulté des migrations hors des zones rurales.Toutefois, dans un certain nombre de pays endéveloppement,notammentenAfriquesubsaharienne,lestauxd’urbanisationontaugmentéavant l’industrialisation,ou parfois en l’absence d’industrialisation. Selon Dyson(2011), cela peut s’expliquer par le fait que, pendant latransition démographique, le principal ressort del’urbanisationn’estpaslamigrationdeszonesruralesversles zones urbaines, mais la croissance naturelle descentresurbains.72

L’urbanisation est l’une des manifestations les plusfrappantes du phénomène de «concentration» –situationdans laquelle les facteurs de production (terre, capital,ressourcesnaturellesetdiverstypesdemain‑d’œuvre)sontinégalement répartis dans un pays (Banque mondiale,2009;Puga,2010).73Dansunarticlefondateur,CourantetDeardorff (1992) montrent que la concentration peut êtreune source d’avantage comparatif et donc un déterminantdu commerce distinct des autres déterminants plustraditionnelscommelesdifférencesdedotationenfacteursetdetechnologies.Eneffet,unpaysatendanceàexporterleproduitutilisantdefaçonrelativementintensivelefacteurqui est réparti plus inégalement entre ses régions.Considéronsunpayscomposédedeux régions.Dansunesituationoùlesfacteurssontrépartisdefaçonégaleentreles deux régions, une redistribution suffisammentimportante d’un des facteurs – par exemple, lamain‑d’œuvre – entre les régions se traduira par unespécialisation complète. À ce point, une nouvelleredistribution de la main‑d’œuvre dans le même sens nepeutqu’accroître laproductionduproduità forte intensitéde main‑d’œuvre dans la région qui le produit, faisantbaisser son prix relatif d’autarcie. Cela crée un avantagecomparatif pour le produit à forte intensité demain‑d’œuvre.74

Diversesétudesempiriquesontessayédedéterminersilaconcentration affecte la structure des échanges. Lalittérature antérieure avait tendance à ignorer lephénomène de concentration, mais des études récentesmontrentqu’ellepeutêtreunfacteurpertinent.Laplupartdes études sont des tests indirects qui tentent dedéterminersila«conditiondelalentille»(«lenscondition»)

deDeardorff (1994)n’estpas respectée.Cetteconditionexigequelesdotationsenfacteursvarientmoinsentrelespays que les intensités d’apports factoriels varient entreles biens. Si l’ensemble de points (lentille) défini parl’abondance des facteurs régionaux est à l’extérieur del’ensemble de points défini par l’intensité factorielle desbiens,l’égalisationdesprixdesfacteursestimpossible,etlaconcentrationpeutaffecter lastructuredeséchanges.Debaere (2004) constate que la condition de la lentillen’estpasvioléepourleJapon,leRoyaume‑Unietl’Inde,etDebaereetDemiroglu(2003) leconstatentpour lespaysdel’OCDE.

Toutefois, des travauxplus récentsutilisant desdonnéesau niveau des villes (et non au niveau des régions)montrentquelaconditiondelalentilleestvioléedanssixpays européens (Allemagne, France, Italie, Pays‑Bas,Portugal et Suède), ce qui indique que la concentrationurbainepourraitêtreundéterminantmajeurdelastructuredes échanges (Brakman et van Marrewijk, 2013).75Bernard et al. (2010) fontvaloirque laconcentrationdesfacteurs est également importante dans le cas duMexique.Ilsmontrentquelaconcentrationrégionaledelamain‑d’œuvre qualifiée conduit les régions où lamain‑d’œuvre qualifiée est abondante à offrir à cettemain‑d’œuvre des salaires relativement bas et à sespécialiserainsidanslaproductiondebiensàintensitédequalification relativement élevée. De ce fait , le paysdevientunimportateurnetdeproduitsàforteintensitédemain‑d’œuvre. En ce sens, l’abondance globale demain‑d’œuvre dans le pays est compromise parl’hétérogénéitérégionale.

L’urbanisation ou, plus généralement, l’agglomération peutaussi influencer indirectement la structure des échangesparsoneffetsurlaproductivité.76Denombreusesdonnéesdonnentàpenserquelestravailleursetlesentreprisessontplusproductifsdans lesgrandesvillesplusdenses (Puga,2010). Les gains d’agglomération estimés diffèrent selonles pays, en grande partie du fait des différences demobilité des facteurs entre les pays (Au et Henderson,2006;Combes,2000),etilssontgénéralementplusélevéspour le secteur des services que pour l’industriemanufacturière. L’innovation dans les secteurs à forteintensitédeconnaissancesestparticulièrementinfluencéeparlaconcentrationgéographiquedel’activitééconomique(AudretschetFeldman,2004).Enconséquence,l’avantagecomparatif dans ces secteurs dépend aussi del’agglomération.

TableauC.5:Population urbaine et population rurale, par groupe de développement, 1950-2050 (milliardsetpourcentage)

1950 1970 2011 2030 2050

Populationmondiale 2,53 3,70 6,97 8,32 9,31

Urbaine(%) 29,6 36,5 52,1 59,9 67,1

Rurale(%) 70,4 63,5 47,9 40,1 32,9

Populationdesrégionsplusdéveloppées 0,81 1,01 1,24 1,30 1,31

Urbaine(%) 54,3 66,3 77,4 81,5 86,3

Rurale(%) 45,7 33,7 22,6 18,5 13,7

Populationdesrégionsmoinsdéveloppées 1,72 2,69 5,73 7,03 7,99

Urbaine(%) 17,4 25,3 46,6 55,8 64,1

Rurale(%) 82,6 74,7 53,4 44,2 35,9

Source :Divisiondelapopulationdel’ONU,basededonnéesPerspectives de l’urbanisation mondiale : révision de 2011.

Page 22: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

137

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

EncadréC.3: Démographie et commerce : une relation complexe

Larelationentreladémographieetlecommerceestcompliquéepardenombreuxfacteurs.Premièrement,ilpeutyavoirdesvariablesquiaffectentàlafoisladémographieetlecommerce.Onpeutciter,parexemple,laqualitédesinstitutions(commelemontrelasectionC6).77Les institutionspeuventaussiavoiruneffet indirectsur ladémographieà traversleurincidencesurledéveloppementéconomique(Rodriket al. ,2004;BloometCanning,2004).

Deuxièmement,leliendecausalitépeutfonctionnerdanslesdeuxsens.GaloretMountford(2006;2008)affirmentque le commercepermetd’expliquer ledécalagede la transitiondémographiqueentre lespays technologiquementavancésetlespaysquilesontmoins.Danslespremiers,lecommercearenforcélaspécialisationdanslaproductionde produits industriels à forte intensité de qualification, augmentant la demande de main‑d’œuvre qualifiée et lesincitations à investir dans le capital humain – ce qui a entraîné une baisse des taux de fécondité. Mais, dans lesseconds,lecommerceaencouragélaspécialisationdanslaproductiondeproduitsnonindustrielsàforteintensitédemain‑d’œuvre non qualifiée, augmentant la demande de main‑d’œuvre non qualifiée et réduisant les incitations àl’accumulationdecapitalhumain–cequiaentraînéunehaussedestauxdefécondité.

LesexpériencesdémographiquescontrastéesduRoyaume‑Unietde l’IndeauXIXesiècle fournissentdesdonnéesempiriquesà l’appuidecette théorie (Galor,2012).Pendantcettepériode, leRoyaume‑Uniaéchangédesproduitsmanufacturéscontredesproduitsprimairesenprovenancedel’Inde.Leprocessusd’industrialisationauRoyaume‑Uniaentraînéuneforteaugmentationdelademandedemain‑d’œuvrequalifiéedanslasecondephasedelarévolutionindustrielle,cequiadéclenchéunetransitiondémographiquedanslesannées1870.Parcontre,l’absencededemandedemain‑d’œuvrequalifiéeenIndearetardélatransitiondémographiquejusqu’àlasecondemoitiéduXXesiècle.GaloretMountford (2008) fournissentdesdonnées transversales indiquantque lecommerce (mesuréenpartduPIBen1985)afaitbaisserlestauxdefécondité(moyennedestauxentre1985et1990)danslespaysdel’OCDE,tandisqu’ilaaugmentélestauxdeféconditédanslespaysnonmembresdel’OCDE(voirlafigureC.13).

Par ailleurs, Do et al. (2012) montrent que l’avantage comparatif a une incidence sur les taux de fécondité. Enparticulier, lespaysayantunavantagecomparatifdans lesproduitsàforte intensitédemain‑d’œuvrefémininesontcaractériséspardestauxdeféconditéplusfaibles.Eneffet,lessalairesdesfemmes,etdonclecoûtd’opportunitédel’éducationdesenfants,sontplusélevésdanscespays.78

Leliendecausalitépeutaussifonctionnerdanslesdeuxsenspourcequiestdelarelationentrelecommerceetlesmigrations,car les immigrantssedéplacentgénéralementvers lespaysoùdes liens formelsou informelssontdéjàétablisetoù lecommerceavec leurspaysd’origineexistedéjà (Briantet al., 2009).79Enutilisant la techniquedesvariables instrumentales, Briant et al. (2009), Peri et Requena‑Silvente (2010) et Bratti et al. (2012) montrent quel’immigrationentraînedeséchanges,bienqueleursanalysesn’excluentpaslacoexistenceducircuitinverse.80

Danslecasdel’urbanisation,l’accentaétémissurleseffetsdela«concentration»–répartitioninégaledesfacteursdeproductiondansunpays–sur l’avantagecomparatifet lastructuredeséchanges.Maisunegrandepartiede lalittératureexamineleliendecausalitéinverseetétudielesconséquencesducommercesurl’urbanisation.81Unsujetde recherche important est la question de savoir si l’ouverture des échanges encourage la concentration ou ladispersiondel’activitééconomiquedansunpays.Enthéorie,l’effetestambigucarildépenddel’importancerelativedes forces d’agglomération et de dispersion.82 Des données empiriques montrent que la répartition de l’activitééconomiqueavantl’ouverturedeséchangesaffectelesrésultatsdemanièredécisive.Engénéral,lesrégionsayantunmeilleuraccèsauxmarchésétrangersenbénéficient.Si,avantl’ouverturedeséchanges,cesrégionsétaientenretard,l’ouvertureentraîneuneconvergencegéographique.Mais, si ces régionsétaientdéjà lesplusavancées, l’ouverturedeséchangessetraduitparunedivergencegéographique(Brülhart,2010).

FigureC.13:Effet du commerce sur l’indice de fécondité, par groupe de pays (milliersetpourcentage)

AUS

AUT

BEL

CAN

CHEDEU

DNKESP

FIN

FRA

GBR

GRC

IRL

ISL

ITA

JPN

LUX

NLD

NOR

NZL

PRT

SWE

TUR

USA

-5

0

5

Indi

ce s

ynth

étiq

ue d

e fé

cond

ité 1

98

5-1

99

0

-1 1.5Logarithme de la part du commerce dans le PIB 1985

(a) Pays de l'OCDE

AGOARG

BDI BENBFA

BGD BGR

BHR

BHS

BLZ

BOL

BRA BRB

BTN

BWA

CAFCHL

CHN

CIVCMR

COG

COL

COM

CPV

CRI

CYP

CZE

DJI

DOMEGYETH FJI

GHA

GIN

GMBGNB

GTM

GUY

HKG

HND

HTI

HUN

IND

ISR

JAM

JOR

KEN

KOR

LAOLBR

LCA

LKALSOMAR

MDGMEXMLI

MLT

MMR

MNG

MOZ

MRT

MUS

MWI

MYS

NAM

NER

NIC

NPL

OMN

PAK

PANPER

PHLPNG

POLPRI

PRY

ROMRUS

RWA

SDN

SEN

SGP

SLB

SLE

SLVSOM

SUR

SWZ

SYR

TCD

TGO

THA

TON

TTOTUNTZA

UGA

URY VCT

VUTWSM

YEM

ZAFZAR

ZMB

ZWE

-4

4

Indi

ce s

ynth

étiq

ue d

e fé

cond

ité 1

98

5-1

99

0

-1.5 1.5Logarithme de la part du commerce dans le PIB 1985

(b) Pays non membres de l'OCDE

Source :GaloretMountford(2008).

Page 23: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

138

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

En résumé, la structure des migrations récentes estcaractérisée par l’augmentation sensible des migrationsqualifiées. Cela a des effets sur l’innovation dans le paysd’accueiletsurlaformationdecapitalhumaindanslepaysd’origine qui peuvent rendre les migrations qualifiéesavantageusespourlesdeuxpays.Lesmodèlestraditionnelsducommerceprédisentquelesmigrations(mouvementdesfacteurs)et leséchanges(mouvementdesbiens)sontdessubstituts. Toutefois, avec de légères modificationsintroduisant, par exemple, des différences technologiquesentre les pays, le commerce et la migration deviennentcomplémentaires. Les effets favorables des réseaux demigrants sur le commerce sont un bon exemple de cettecomplémentarité. Enfin, la migration interne, et enparticulierl’urbanisation,peuventaussiavoirdeseffetssurle commerce. D’après des théories récentes, laconcentration géographique d’un facteur de productiondansunpayspeutconférerunavantagecomparatifpourleproduit qui utilise ce facteur de manière relativementintensive. Les données empiriques sont peu nombreuses,maisdesétudes récentes indiquentquecelapourraitêtreplus qu’une possibilité théorique. Enfin, l’agglomérationpeutaffecterindirectementlecommerceparsonincidencesurlaproductivité.

(d) Conclusions

Cettesectionamontréquel’évolutiondémographiqueest,et restera,undéterminantducommerce international.Levieillissement, lesmigrations, laconvergencedesniveauxd’éducationetlaparticipationcroissantedesfemmesàlavieactive–facteurstousliésàlatransitiondémographiquesous‑jacente – contribuent à déterminer l’avantagecomparatifd’unpays.Enoutre,avec l’augmentationde lapopulation en âge de travailler dans certains pays et sadiminutiondansd’autres,etavecl’émergenced’uneclassemoyenne mondiale, le volume et la composition de lademande d’importations changent également, ce qui aaussi des effets sur les courants d’échanges. Il estprobable, par exemple, que le commerce de services,comme les soins de santé et l’éducation, ira enaugmentant.

Lespolitiquesadoptéesparlespayspourtenircomptedesdéfis et des possibilités engendrés par l’évolutiondémographiqueaurontaussideseffetssurlastructuredeséchanges. Considérons, par exemple, les diverses optionsqui se présentent aux pays d’Asie de l’Est, comme laRépublique de Corée ou la Chine, qui sont confrontés auvieillissementde leurpopulation (BIT,2012): élaborerdespolitiques de formation appropriées pour une populationvieillissante; inciter les femmes et les travailleurs âgés àparticiper davantage à la vie active; accélérerl’accroissement de la productivité du travail pourcontrebalancer les faibles taux de croissance prévus del’emploi et de la main‑d’œuvre; améliorer la gestion desrégimesdemigrationdelamain‑d’œuvrepourremédierauxpénuriesdemain‑d’œuvre;etmettreenplacedessystèmesde protection sociale budgétairement soutenables. Par lebiaisdesdiversmécanismesexaminésdanscettesection,laplupartdecespolitiquespeuventaffecter l’évolutiondel’avantagecomparatif,etdonclecommerce.

En outre, l’amélioration des taux de scolarisation et de laqualitédusystèmeéducatiffaciliteral’intégrationdespaysdans les chaînes d’approvisionnement mondiales etaugmentera la sophistication de leurs exportations. Lespolitiques d’éducation sont particulièrement importantes

danslecontexteafricain,oùlatailledelapopulationjeuneaugmenteraconsidérablement.

Alors qu’il peut être relativement simple de prévoir lestendances démographiques futures, les nombreusesvariables théoriques et empiriques examinées dans cettesectionmontrentqu’ilestplusdifficiledeprévoirleseffetsdecestendancessurlecommerce.Enbref,larelationentrela démographie et le commerce est complexe. Pourconclure, l’encadréC.3apportequelqueséclaircissementssurlescausesdecettecomplexité.

2. Investissement

L’accumulationdecapitalphysiquepeutinfluerdediversesmanières sur la nature du commerce international. Desinvestissements accrus dans les infrastructures publiquespeuvent faciliter la participation d’un pays aux marchésmondiaux,parexempleenréduisantlescoûtscommerciauxet, donc, en augmentant la capacité d’offre. Cetinvestissement dans le capital physique peut conduire àl’émergence de «nouveaux acteurs» du commerceinternational.Lesinvestissementsdanslesroutes,lesportset les autres infrastructures de transport peuvent aussirenforcerlecommercerégionaletlesinvestissementsdansl’infrastructure des technologies de l’information et de lacommunication (TIC) peuvent permettre à un plus grandnombre de pays de participer au commerce internationaldesservicesenconstanteexpansion.Aucoursdutemps,eten fonction du rapport entre le taux de croissance del’accumulation de capital et le taux de croissance de lamain‑d’œuvre,ilsepeutquel’investissementdanslecapitalphysique,qu’ils’agissed’infrastructuresounon(commelesusines,lesmachinesetleséquipements),modifiel’avantagecomparatif d’un pays déjà très engagé dans le commerceinternational.

Dansuneéconomieoùlesfacteursdeproduction,commelecapital,nepeuventpassedéplacerd’unpaysà l’autre,l’investissement doit être financé par des ressourcesnationales. Mais, aujourd’hui, les flux de ressources sontinternationaux.Lacomptabilitédurevenunationalmontrequ’un pays qui ne génère pas assez d’épargne pourfinancersespropresinvestissementsdoitattirerl’épargneétrangère excédentaire sous la forme d’entrées decapitaux. Ce pays est alors emprunteur net auprès durestedumonde.Inversement,unpaysinvestitàl’étrangerquand son épargne intérieure suffit largement pourfinancer l’investissement intérieur. Il envoie son épargneexcédentaireà l’étrangersous laformed’investissementsétrangers directs (IED) ou d’investissements dans desactions, des obligations ou des biens immobiliersétrangers. Ce flux d’épargne excédentaire, sous la formedesortiesdecapitaux,faitdupaysunprêteurnetaurestedu monde. Les flux de capitaux étrangers sont ainsi laprincipale source de financement pour combler l’écartentre l’investissement et l’épargne intérieure. Ces fluxcomprennent l’IED, les investissements de portefeuille etles prêts bancaires de l’étranger. Les autres flux deressources extérieures, comme l’aide publique audéveloppement(APD)etlesenvoisdefondsdesmigrants,jouentaussiunrôle.

Lesfluxdecapitauxenprovenancedel’étrangerpeuventaussiinfluersurlecommerceautrementqueparleureffetsur l’investissement intérieur. Par exemple, l’IED peutstimuler le commerce des biens intermédiaires en

Page 24: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

139

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

facilitant la formation de chaînes d’approvisionnementmondiales. Il peut aussi influer sur l’avantage comparatifd’un pays en facilitant le transfert de technologie. Lesinvestissements de portefeuille et les prêts bancairesinternationaux peuvent renforcer les échangescommerciaux en réduisant les asymétries d’informationentre les exportateurs et les importateurs. Les flux deressources extérieures peuvent, plus généralement,influencer lesexportationsd’unpaysenagissantsursontauxdechange.

Cette section montre d’abord comment l’investissementpeut influencer lanatureducommerce, indépendammentde la façon dont l’investissement est financé. Elle décritensuite d’autres voies par lesquelles les différentessources de financement de l’investissement peuvent agirdirectement sur le commerce. Enfin, elle analyse lefinancement de l’investissement d’un point de vueempirique, en examinant la relation entre les ressourcesintérieuresetl’investissementintérieurpourlesdifférentspays et groupes de pays. Elle évalue en outre l’ordre degrandeuretladirectiondesfluxderessourcesextérieuresdanslemonde.L’objectifestdedéterminercomment–etsi – les différents pays peuvent – ou doivent – accroîtreleur taux d’investissement et utiliser les différents fluxd’investissement pour augmenter leur capacité d’offre,modifier leur avantage comparatif et renforcer leursrelationscommerciales.

(a) Effetdel’investissementsurlanatureducommerceinternational

Les sous‑sections (i) et (ii) décrivent deux mécanismespar lesquels l’investissement influe sur la nature ducommerce,indépendammentdelasourcedefinancementutilisée. Les ressources nationales sont naturellementimportantes, mais il en va de même de certains flux definancement extérieurs qui sont susceptibles d’avoir surl’investissement intérieur un effet quantitativement plusimportantqued’autres.C’estcequenousexpliquonsplusloin. Les sous‑sections (iii), (iv), (v) et (vi) examinent lesvoies par lesquelles les différents flux de ressourcesextérieures peuvent influer directement sur le commerce(c’est‑à‑dire autrement que par leur incidence surl’investissementintérieur).

(i) Investissement public dans l’infrastructure

Il convientdenoterque l’accumulationdecapitaldans ledomaine de la création d’infrastructures a probablementun lien étroit avec l’investissement public, en particulierdans les économies en développement (Jimenez, 1994).Le financement de cet investissement repose doncessentiellement sur les ressources de l’État. Dans lamesure où l’aide publique au développement, les prêtsbancaires de l’étranger et l’IED sont dirigés vers lessecteurs appropriés, comme les télécommunications, ilspeuvent aussi contribuer à l’investissement dansl’infrastructure. Il faut également souligner l’influence del’investissementpublicdanslecapitalphysiqueethumainsur la structure du commerce. La section C.1 a examinécomment l’investissement dans les compétences et lesressourceshumainespeut influer sur le commerce.C’estpourquoi la présente section ne traite que del’accumulationdecapitalphysique.

Les investissements dans le capital physique, comme leréseauroutier,lesportsetl’infrastructuredesTIC,peuventréduire les coûts commerciaux et accroître ainsi laparticipation des pays au commerce. De cette manière,l’accumulation de capital rend possible l’émergence de«nouveaux acteurs» dans le commerce mondial. Ce pointest particulièrement important dans le contexte deschaînesd’approvisionnementmondiales,oùlesentreprisesayant leur siège dans les pays avancés délocalisent dansles pays en développement certaines tâches liées à laproductiond’unproduitfinal.Étantdonnéqueladécisiondedélocaliser dépend de la possibilité de trouver dans lemonde des fournisseurs efficients pour ces tâches, lescoûts salariaux ne sont pas la seule variable prise enconsidération. L’existence d’un minimum d’infrastructuresdequalité, crééesgrâceà l’investissementdans le capitalphysique, joue aussi probablement un rôle important(BaldwinetLopez‑Gonzalez,2012;Kimura,2009;Hewet al., 2009). Les réseaux de production, par exemple, ontbesoinque la transmissionde l’informationsoitfluide,peucoûteuse et sûre. Aussi est‑il essentiel de disposer d’unsystème de télécommunication de qualité (Grossman etHelpman,2005).

L’amélioration de l’infrastructure de transport réduit lescoûts du transport et, de ce fait , elle est associée àl’accroissement du volume des échanges. Utilisant desdonnéessurunéchantillondepays,lafigureC.14montrecette corrélation positive entre la modification de ladensitédu réseau routieret lamodificationde lapartducommerce dans le PIB. Avec des méthodes statistiquesplus rigoureuses, Nordas et Piermartini (2004) estimentque le doublement du nombre de kilomètres de routesgoudronnées pour 100 kilomètres carrés accroît lecommerce de 13%. Ils montrent de même, qu’avec deuxfois plus de pistes d’atterrissage goudronnées parkilomètre carré, un pays accroît le commerce de 14%.L’investissement dans une infrastructure des TIC plusfiableetdemeilleurequalitéentraîneaussiunediminutiondes coûts commerciaux en réduisant les obstacles quientravent les échanges économiques sur de longuesdistances(Finket al. ,2005).OntrouveradanslessectionsC.5 et C.3, respectivement, un examen plus détaillé dela relation entre les infrastructures de transport et desTIC, d’une part, et les flux commerciaux internationaux,d’autrepart.

Lemanqued’infrastructuresdetransportadéquatesréduitindéniablement la capacité de l’Afrique de participer àl’économiemondiale.D’aprèsNkuepo(2012),lecontinenta aujourd’hui moins de kilomètres de routes qu’il y aquelques décennies, et près de 70% de la populationrurale habitant à plus de 2 kilomètres d’une routepraticableentoutesaison.LafigureC.15montrequ’entre1990 et 2005, le réseau routier de l’Inde a presquedoublé,cequireprésentel’accroissementenpourcentageleplusélevédumonde.Pendantcettepériodede15ans,l’augmentation de la densité routière de certains paysafricainsaégalementété importante.Onpeut voir sur lafigure C.15 que l’augmentation du réseau routier duNigéria, du Niger et de la Gambie a été d’environ 60%entre1990et2005.Ilestprobablequ’aveclahaussedestauxdecroissanceéconomique83etlesdiversesréformesprévues, l’augmentation des ressources publiques et laplus grande efficacité des investissements publicspermettront à un plus grand nombre de pays africainsd’accroître leur densité routière et, partant, leur capacitéd’offre.

Page 25: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

140

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

FigureC.14:Réseau routier total et ouverture des échanges, 1990-2005 (variationenpourcentagedunombredekmetratioducommerceauPIB)

Acc

rois

sem

ent d

e la

par

t du

com

mer

ce

Accroissement du réseau routier-100 %

-50 %

150 %

250 %

200 %

300 %

350 %

-20 % 100 % 120 %0 % 40 % 80 %60 %20 %

0 %

50 %

100 %

Source :Banquemondiale,Indicateurs du développement dans le monde.

Note :Desdonnéesplusrécentessurlesréseauxroutierssontdisponibles,maisellesneconcernentqu’unsous‑ensemblebeaucoupplusrestreintdepays.

FigureC.15:Accroissement du réseau routier total – dix premiers pays, 1990-2005 (variationenpourcentagedunombredekm)

0 %

120 %

100 %

80 %

60 %

40 %

20 %

Inde

Cor

ée, R

ép. d

e,

Om

an

Mac

édoi

ne, E

RY

Ara

bie

saou

dite

,R

oyau

me

d'

Nig

éria

Nig

er

Gam

bie

Pak

ista

n

Bol

ivie

, Éta

t P

lurin

atio

nal d

e

Source :Banquemondiale,Indicateurs du développement dans le monde.

Note :LesvaleursrelativesauNigériaetàlaGambieontétéextrapoléespouruneannéedelapériodeconsidérée.Plusgénéralement,desdonnéesplusrécentessurlesréseauxroutierssontdisponibles,maisellesneconcernentqu’unsous‑ensemblebeaucoupplusrestreintdepays.Pouréviterdefairedesextrapolationsàgrandeéchelle,nousavonschoisi2005commefindepériode.

Enoutre,laplupartdespaysafricainsontdumalàsoutenirlaconcurrencesurlemarchémondialenraisondeservicesde télécommunication insuffisants, inefficaces et trèscoûteux.C’estcequemontrelafigureC.16,quimontrequ’ily a un écart important, en termes d’investissements dansles télécommunications, entre l’Afrique du Sud et les dixpays suivants du continent. Même par rapport au nombred’habitants, elle montre que l’Afrique du Sud et les autresmembres de l’Union douanière d’Afrique australe –

Botswana,NamibieetSwaziland–fontpartie,avecquatreéconomiesinsulaires,desdixpaysafricainsquiinvestissentle plus dans les télécommunications. La capacité d’attirerl’IEDenaméliorantlesorganismesderéglementationetlespolitiques pourrait dans l’avenir jouer un rôle important àcetégard.Enfait,Djiofack‑ZebazeetKeck(2009)montrentquel’existenced’organismesderéglementationsolidesestun facteur clé pour la performance du secteur destélécommunications.

L’investissement dans l’infrastructure peut aussi influerdansl’avenirsurlarégionalisationducommerce.Prenonslecasdel’Afrique.LimaoetVenables(2001)montrentquelefaibleniveauducommerceentrelespaysafricainsdanslesannées 1990 s’explique dans une large mesure parl’insuffisance de l’infrastructure. Même aujourd’hui, letransport de marchandises par la route est plus onéreuxdans la région que dans les autres parties du monde. Letransportaériend’unpaysàl’autreestcheretlescheminsdeferrelientrarementlespaysafricainsentreeux(Nkuepo,2012).L’insuffisancedesinfrastructuresdecommunicationreste aussi un obstacle majeur au commerce en Afrique(MupelaetSzirmai,2012).

L’encouragement de la coopération dans les projetsrégionaux de développement de l’infrastructure–parexempledanslestélécommunications,lestransports,la production d’énergie ou l’approvisionnement en eau –faciliteral’accèsàcesinstallations,cequiréduiralescoûtsde transaction et stimulera le commerce entre les paysafricains (Dupasquier et Osakwe, 2006). Un futur accordcommercialpréférentiel(ACPr)tripartiteentreleCOMESA,laSADCet laCAE(Marchécommunde l’Afriqueorientaleet australe, Communauté de développement de l’Afriqueaustrale et Communauté de l’Afrique de l’Est), voire unACPr panafricain, pourraient donc stimuler fortement lecommerceintra‑africain.

De plus, l’investissement dans l’infrastructure des TICpeutdonnerunélansupplémentaireàl’essorducommerce

Page 26: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

141

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

FigureC.16:Investissement annuel moyen dans les télécommunications en Afrique, 1986-2005 (millionsde$EU,et$EUparhabitant)

0

1 200

800

1 000

600

400

200

Afr

ique

du

Sud

Égy

pte

Mar

oc

Alg

érie

Ken

ya

Nig

éria

Tuni

sie

Côt

e d’

Ivoi

re

Sén

égal

Cam

erou

n

0

120

80

100

60

40

20

Sey

chel

les

Mau

rice

Afr

ique

du

Sud

Bot

swan

a

Cap

-Ver

t

Gab

on

Tuni

sie

Nam

ibie

Sao

Tom

é-et

-Prin

cipe

Sw

azila

nd

Source :Banquemondiale,Indicateurs du développement africain.

Note :L’Angolaaétéexcluparcequelesdonnéesdisponiblesétaientinsuffisantes.Ondisposededonnéesplusrécentesdel’Unioninternationaledestélécommunications(UIT),maisellesconcernentmoinsd’untiersdespaysindiquésci‑dessus,soitparcequeaucunedonnéen’estdisponible,soitenraisondeproblèmesd’harmonisation.

des services. Le commerce transfrontières des services(mode 1 de l’Accord général sur le commerce desservices), par exemple, dépend largement destélécommunications pour la réalisation des transactions.Freund et Weinhold (2004) constatent que l’accès àInternetpourlespartenairescommerciauxaeuunimpactimportantsurlesimportationsdeservicesauxentrepriseset de services professionnels et techniques desÉtats‑Unis. Les pays en développement qui neparticipaient guère, jusqu’ici, au commerce des servicespeuvent tirer parti des investissements dansl’infrastructure des TIC pour faire leurs premiers pas surce marché mondial de plus en plus important. Ainsi, lespays africains anglophones pourraient devenir des sitesd’externalisationpourlescentresd’appeletlesprocessusd’entreprise.L’AfriqueduSuds’estdéjàengagéesurcettevoie grâce à la qualité de son infrastructure detélécommunication, bien que les coûts élevés restent unproblème.84 Maurice, autre pays gagnant, a pris desmesuresderéglementationdirectepourfaireensortequelescoûtsnesoientpasunobstacleaudéveloppementdel’externalisationdeservices.85

(ii) Accumulation de capital et modification de l’avantage comparatif

Siunsecteurparticulierestplussensibleque lesautresàla qualité de l’infrastructure, l’investissement public dansl’infrastructure peut influer sur l’avantage comparatif d’unpays.Parexemple,YeapleetGolub(2007)constatentquel’infrastructure routière est toujours un facteur importantpour la croissance de la productivité totale des facteurs(PTF)d’un secteuret, partant, pour la spécialisationde laproduction d’un pays. Les auteurs montrent quel’infrastructureroutièresembleparticulièrementimportantepour l’augmentation de la productivité dans le secteur dumatériel de transport et pour la spécialisation dans laproduction de textiles et de vêtements. L’existence deservicesdetélécommunicationdequalitépeutaussiinfluersur l’avantage comparatif et, donc, sur la structure de laspécialisationinternationale.

L’infrastructuredesTICauneimportanceparticulièrepourles secteurs à forte intensité d’information. Il s’agitgénéralementdessecteursquiproduisentdesbiensayant

un cycle de vie court, où les goûts des consommateurschangent rapidement, où l’évolution technologique estrapide et où la fragmentation verticale internationale estcourante.Parexemple,l’électroniquegrandpublicprésentetoutes ces caractéristiques. Le prêt‑à‑porter est unexempledesecteuroùlesgoûtschangentrapidementetlesecteur automobile est un exemple de secteur où lafragmentation de la production au niveau mondial estimportante(Organisationmondialeducommerce,2004a).

L’investissement dans le capital physique sans créationd’infrastructure,effectuéengrandepartiepardesacteursprivés,peutaussiavoirunegrandeinfluencesurl’avantagecomparatif.SelonlemodèleHeckscher‑Ohlinducommerce,les pays devraient produire et exporter des biens dont laproduction utilise de façon intensive des facteursrelativement abondants. Si un pays dispose d’unemain‑d’œuvre non qualifiée abondante par rapport aucapital, le commerce fondé sur l’avantage comparatifl’amènera à se spécialiser dans la production de biens àforteintensitédemain‑d’œuvrenonqualifiée.

Toutefois, le théorème de Rybczynski montre qu’à prixrelatifs constants des biens, une augmentation de ladotation d’un pays dans un facteur donné entraîne uneaugmentationplusqueproportionnelledelaproductiondubienquiutiliseintensivementcefacteuretunediminutionabsoluedelaproductiondel’autrebien.Ainsi,mêmedansuneéconomierelativementintensiveenmain‑d’œuvrenonqualifiée, un accroissement de l’offre de capital peutentraîner une augmentation de la production du bienrelativement intensif en capital. À moyen et long termes,l’accumulationdecapitalpeutêtresuffisantepar rapportà la croissance de la main‑d’œuvre pour modifierl’avantage comparatif d’un pays, ce qui réduit laspécialisation des pays (comme on l’a vu dans la sectionB.2(c)). La transformation du Japon d’économierelativement intensive en main‑d’œuvre en unerelativement intensive en capital en est un bon exemple(voirl’encadréC.4).

La figure C.17 montre qu’entre 1990 et 2009 plusieurséconomies intensives en main‑d’œuvre non qualifiée ontconnuuneforteaugmentationdeleurratiocapital‑travail.LaChine, leVietNamet l’Indefigurenten tête, leur ratiocapital‑travailayantétémultiplié, respectivement,parsix,

Page 27: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

142

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

par quatre et par trois. Ces trois pays, ainsi que d’autrespays à revenu intermédiaire, présentent des tauxd’investissementrelativementélevés.Enfait , lesdonnéesmontrentquedeséconomies intensivesenmain‑d’œuvrenon qualifiée comme la Chine, le Viet Nam et l’Indefaisaientpartiedesdixpaysayantlestauxd’investissementmoyens les plus élevés entre 2000 et 2010.86 Toutefois,bon nombre de ces pays ont aussi un fort taux decroissancedémographique.Latransformationdecespaysen économies relativement abondantes en capitaldépendradelacroissanceducapitalphysiqueparrapportàcelledelamain‑d’œuvre.Dansuneéconomieémergentecomme la Chine, où la croissance de la population s’estralentiemaisoù l’investissementdans lecapitalphysiquereste soutenu, cela peut entraîner dans l’avenir unemodificationdel’avantagecomparatif.

La littérature sur le commerce semble indiquer quel’accumulation de capital dans une économie et,partant,sonavantagecomparatif,sontétroitementliésautaux d’épargne intérieure – en d’autres termes, un paysayant un taux d’épargne élevé exporte des biensrelativement intensifs en capital (Oniki et Uzawa, 1965;Stiglitz, 1970; Galor et Lin, 1997; Hu et Shimomura,2007; Chen et al. , 2008). Le cas du Japon valide cettethéorie. Si les ressources intérieures sont naturellementimportantes pour l’investissement intérieur en capitalphysique, et donc pour l’avantage comparatif, il convientde noter que les flux de ressources étrangères peuventaussi jouer un rôle (voir l’encadré C.5 où l’on examinelequel de ces flux est susceptible d’influer fortement surl’investissementintérieur).

Par exemple, dans le cas du Costa Rica, l’IED effectuéà grande échelle d’un certain nombre de multinationalesa permis de créer des unités de production dansplusieursbranchesdel’électroniquedehautetechnologie,Intel ayantouvert la voiedans ledomainedesdispositifsà semi‑conducteur (Rodríguez‑Clare, 2001). Le paysa pu ainsi se spécialiser dans des activitéstechnologiquement plus complexes que les exportationsde vêtements. Les investissements dans la créationd’uncentredecompétencespourdévelopperdeslogicielset contribuer au processus de conception d’Intelont encore renforcé le processus de modification del’avantage comparatif. Le Costa Rica disposed’institutions politiques et économiques favorables aux

entreprises et d’une main‑d’œuvre éduquée, ce qui alargementcontribuéàattirercetIED(Sanchez‑Ancochea,2006).

(iii) Imbrication du commerce et de l’IED

Lesthéorieséconomiquesducommerceinternationaletdel’IEDonteu tendanceàsedévelopperséparément.Decefait, le modèle classique du commerce, dans lequell’avantage comparatif est fondé sur les différences dedotationrelativeenfacteurs,87supposequelesfacteursnesont pas mobiles entre les pays. En d’autres termes, lecommerce et la mobilité des facteurs sont des substituts.Parexemple,aulieud’envoyerdescapitauxverslepaysquienmanque,lepaysabondantencapitalexporteversl’autredesbiensintensifsencapital.

Toutefois,cettehypothèseestquelquepeudissociéedelaréalité économique, qui est caractérisée par une plusgrandemobilitéinternationaledesfacteurs,principalementsous la forme de flux d’IED qui financent l’investissement(larelationentrecommerceetmobilitéinternationaledelamain‑d’œuvre est examinée dans la section C.1). Lesentreprises multinationales ayant leur siège dans un paysétablissent dans un autre pays des activités qu’ellescontrôlent et qu’elles gèrent.88 Étant donné que les deuxtiers des exportations mondiales sont le fait de cesmultinationales,déciderdulieuoùinvestirrevientàdéciderdulieuàpartirduquelexporter(CNUCED,2012).

Danslamesureoùlaproductionlocaledupays«d’accueil»remplace lesexportationsdupays «d’origine», l’IEDet lecommerce peuvent être des substituts. Cela est vrai enparticulier dans le casde l’IED «horizontal», qui consisteeninvestissementsdansdesinstallationsdeproductionàl’étranger pour produire les biens et services produitsdanslepaysd’origineafindedesservirlemarchédupaysd’accueil (Markusen, 1984). Toutefois, l’IED et lecommerce sont de plus en plus considérés commecomplémentaires (Helpman, 1984). Pour l’IED horizontal,cela peut être dû au fait que les filiales ou les sociétésaffiliées sont utilisées comme des «plateformesd’exportation»–c’est‑à‑direquel’investissementdanslescapacitésdeproductiondonnelieuàdesexportationsdecepaysvers lesmarchésdepays tierssituésàproximité(Grossmanet al.,2006).

Par exemple, les données semblent indiquer que lehaut niveau de l’IED dans l’industrie automobile agrandement contribué à la capacité d’offre de laRépublique tchèque et, partant, à ses exportations verslespaystiersjusqu’en2008(EconomistIntelligenceUnit,2010). De même, Tunea (2006) constate que lesinvestissements étrangers dus à l’ALENA (Accord delibre‑échange nord‑américain) dans le secteurmanufacturier duMexiqueont étéattiréspar lepotentieldu pays comme plateforme d’exportation pour les paysvoisins. En l’absence d’IED, ces marchés seraientpeut‑être restés inexploités parce que l’exportationdirecte dans ces pays depuis le pays d’origine auraitimpliquédescoûtsdetransporttrèsélevés.

En même temps, les opérations de la société mèredans le pays d’origine peuvent être liées aux opérationsdans le pays d’accueil via l’IED «vertical», qui impliquela fragmentation du processus de production le longde chaînes d’approvisionnement mondiales. Dans cecontexte(voirlasectionB.2(e)),lespossibilitésd’exporter

FigureC.17:Ratios capital-travail, 1990-2009 (variationenpourcentage)

0 %

600 %

400 %

300 %

200 %

100 %

Chi

ne

Viet

Nam Inde

Cor

ée,

Rép

. de

Thaï

land

e

Chi

li

Sri

Lank

a

Turq

uie

Hon

g K

ong,

Chi

ne

Ban

glad

esh

500 %

Source :Fouréet al.(2012).

Note :SeulslespaysdontlePIBestsupérieurà10milliardsde$sontprisenconsidération.

Page 28: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

143

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

EncadréC.4: Investissement et modification de l’avantage comparatif – le cas du Japon

Depaysabondantenmain‑d’œuvre,leJaponestdevenuungrandexportateurdeproduitsintensifsencapitalaprèslaSecondeGuerremondiale.Heller(1976)observeque lestauxd’investissementélevés,dusà l’augmentationdel’épargneintérieureetàl’aideaméricaine,ontfaitduJaponunpaysrelativementabondantencapitalentre1956et1969.Utilisantdesdonnéesstatistiquessurlecommercedesproduitsdebase,ilconstatequel’avantagecomparatifduJaponavaitchangé,sesexportationsdupaysétantdevenuesplusintensivesencapital(voirlasectionC.1).Dansune étude ultérieure, Balassa et Noland (1988) constatent que le taux d’investissement du Japon est resténettementplusélevéqueceluidesautrespaysindustrielscommelesÉtats‑Unisentre1973et1985.Enexaminantl’évolution de la structure du commerce, ils concluent que, par rapport à la période de 1967 à 1983, l’avantagecomparatifrévéléduJapondanslessecteursintensifsenmain‑d’œuvrenonqualifiée,commelesvêtementsetlescuirs, avait diminué. En revanche, le pays avait développé un avantage comparatif dans les secteurs intensifs enmain‑d’œuvrequalifiéeetenhautetechnologie.OntrouvedesrésultatssimilairesdansBalassaetNoland(1989)etLee(1986).

LafigureC.18montrequ’ilyaunefortecorrélationentrelamodificationdelapartdesmachinesetdumatérieldetransport–considérécommel’undessecteurslesplusintensifsencapital–danslesexportationstotalesduJaponet l’évolution de son ratio capital‑travail entre 1960 et 1990. Ces éléments montrent que le Japon est un bonexempledepaysoùl’investissementamodifiéladotationrelativeenfacteursetl’avantagecomparatif.

FigureC.18:Ratio capital-travail du Japon et part des exportations de machines et de matériel de transport dans ses exportations totales, 1960-1990

0,2

0,4

0,6

0,8 180

160

140

120

100

80

60

40

0,3

0,5

0,7

20

0

Stock de biens d'équipement par habitant

Part des exportations de machines et de matériel de transport dans les exportations totales

19

60

19

62

Varia

ble

Sto

ck d

e bi

ens

d'éq

uipe

men

t par

hab

itant

19

64

19

66

19

68

19

70

19

72

19

74

19

76

19

78

19

80

19

82

19

84

19

86

19

88

19

90

Sources :UNComtrade,etFouréet al.(2012).

mondial. Les intrants intermédiaires sont importés enMalaisiedepuislepaysoùsiègel’entreprisemère.Danslemême temps, la Malaisie se situe parmi les premiersexportateursmondiauxdedispositifsàsemi‑conducteuretde matériel audiovisuel vers les pays d’origine de l’IED etvers d’autres marchés (Malaysian Industrial DevelopmentAuthority, 2006). Il en va de même pour l’industrieautomobile, où l’IED a permis l’accroissement desexportationsdelaThaïlandeverslespaysdéveloppésainsiqueverslespaysvoisins(Naget al.,2007).

Que se passe‑t‑il si une entreprise produit non pas unproduit final, mais plusieurs? Il en résulte d’autres voiesde complémentarité entre l’IED et les exportations àtraverssoneffetsurlademande.Premièrement,encréantdansunpaysétrangeruneunitédeproductionpourundesesproduits,l’entrepriseassoitlaréputationdesamarque.Cela peut accroître la demande et, partant, les

depuis le pays d’origine des biens intermédiaires,notamment des équipements et des services deconception et de recherche‑développement augmentent.Parallèlement, le pays d’origine importe des variétésde produits finis depuis le pays d’accueil grâce à lacapacité d’offre créée par l’IED. Ainsi, Arnold et Javorcik(2009)constatentquelesfluxd’IEDentrantsontrenforcél’intégration des usines indonésiennes dans l’économiemondiale grâce à l’accroissement de l’intensitéd’exportationetaurecoursaccruàl’importationd’intrantsintermédiaires. De plus, les marchés des pays tierspeuventaussicommenceràimporterdesproduitsdupaysd’accueil.

Prenons l’exemple de l’industrie électronique, où les fluxd’IED entrants, en particulier en provenance d’entreprisesde pays développés et de pays «nouvellementindustrialisés»,ontfaitdelaMalaisieunpôledeproduction

Page 29: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

144

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

EncadréC.5: Contribution des flux de ressources extérieures à l’investissement intérieur

Entrées de capitaux

L’IEDpeut influersur l’investissement intérieurencontribuantdirectementà lacréationd’usinesetd’équipements(investissements entièrement nouveaux) ou en permettant l’acquisition d’entreprises locales (ou la fusionavec celles‑ci). L’IED peut aussi avoir des effets d’entraînement au‑delà de l’augmentation directe du stockde capital. Par exemple, il peut «attirer» l’investissement intérieur du pays hôte grâce à l’établissement deliens entre entreprises: les sociétés multinationales peuvent acheter des intrants spécialisés à des fournisseurslocaux, encourageant ainsi les entreprises locales à investir (Mileva, 2008). Selon Borenzstein et al. (1998),l’IEDpeutaussistimuler l’investissement intérieuren réduisant lescoûtsde l’adoptiondenouvelles technologies.Sur un échantillon comprenant dix pays de la CEI et l’Albanie, Mileva (2008) montre que les flux d’IED attirentl’investissement intérieur. Il se peut cependant que l’IED «évince» l’investissement intérieur en augmentant laproductivitéetdonclessalaires.

Les entrées d’investissements de portefeuille et les prêts bancaires de l’étranger peuvent s’ajouter à l’épargneintérieurepour favoriser l’investissement intérieuren réduisant lecoûtducapital (LevineetZervos,1998;Manova,2008a).89Parexemple,dansuneétudeportantsuronzepaysendéveloppement,Henry (2000)constateque–enmoyenne–l’investissementprivéintérieuraugmentede22pointsdepourcentagedeplusdanslapériodequiasuivilalibéralisationdumarchéboursier.Dansuneétudeportantsurunplusgrandnombredepays,Henry(2003)confirmeses observations précédentes en estimant que le taux d’investissement intérieur augmente d’environ 1 point depourcentagechaqueannéesuivantlalibéralisationdesopérationsencapital.

Parcontre,Pal(2006)etMileva(2008)trouventqu’ilyaunefaiblerelationentrelesinvestissementsdeportefeuilled’origineétrangèreetl’économieréelledanslecasdel’Indeetdeséconomiesentransition.Celapeuts’expliquer,enpartie, par le fait que les investissements de portefeuille sont, par nature, des investissements à relativement pluscourtterme.Deplus,silescapitauxétrangerssontdestinésuniquementàl’achatd’actionssurlemarchésecondaire,lesplacementsenactionsaugmentent leprixdesactionsmaispas l’apportdefondsauxentreprisesquisouhaitentinvestirdavantage (KraayetVentura,1999).SelonModyetMurshid (2005), lesmultinationaless’intéressentplusàl’acquisition d’actifs existants qu’à l’achat d’actions nouvellement émises. Ces entrées de capitaux peuvent quandmêmecontribueràl’accumulationdecapitalsilesacquéreursétrangersmodernisentoudéveloppentleursacquisitionseninvestissantdansdenouvellestechnologies(Mileva,2008).

Enanalysantunéchantillonde58paysendéveloppemententre1978et1995,BosworthetCollins(1999)montrentque,sil’IEDsembleentraîneruneaugmentationd’environunpourundel’investissementintérieur,iln’yapratiquementpasderelationdiscernableentre les investissementsdeportefeuilleet l’investissement,et lesprêtsbancairesn’ontqu’uneffetmineur.SelonModyet al. (2003),celapeutêtreattribuéàunavantage informationneldes investisseursétrangersdirects(fondésurleurconnaissancetechniquespécialiséeetleurexpériencedesmarchés),quileurpermetdel’emportersurlesautrestypesd’investisseurspoursaisirlespossibilitéslesplusproductives.Danslespaysoùlesmarchéssontinexistantsouinefficients,lesinvestisseursétrangerspréfèrentopérerdirectementaulieudecomptersurlesmarchésfinancierslocaux.

L’importancedesfluxdecapitauxentrantspourl’investissementintérieurdépendaussidesdécisionsultérieuresdesinvestisseursnationaux.Silespossibilitésd’investissementintérieurrésiduellessontpeurentables,notammentparceque lesnouvellesentréesdecapitauxpeuvent réduire indirectement le rendement sans risque, l’épargne intérieurepeutenfaitsortirdupaysàlarecherchedemeilleursrendementsouderisquesmoindres(ModyetMurshid,2005).Cettesortiedecapitauxpeutréduire lesressourcesdisponiblespour l’investissement intérieur. Ilestprobableaussique les pays ayant des politiques et des institutions de meilleure qualité (comme on l’a vu dans la section C.6)réussiront mieux à absorber les entrées de capitaux étrangers au profit de l’investissement intérieur en créant desconditions favorables à la diffusion des nouvelles technologies et en réduisant le risque lié à la détention d’actifsnationaux.

Autres flux de ressources extérieures

Dans la littérature empirique sur le sujet, les avis sur l’effet de l’aide publique au développement (APD) surl’investissement sont partagés, les résultats étant souvent fonction du choix de l’échantillon de données et de laméthoded’estimation.Parexemple,Boone(1996)etHansenetTarp(2001)constatentque l’APDauneffetpositifstatistiquementsignificatifsur l’investissement,maiscen’estpas lecasdeDollaretEasterly(1999)nideCollieretDollar(2001).Cesauteursfontvaloirquel’argentdel’aidedestinéàl’investissementestsouventutilisépourfinancerdesrecoursencasdecatastrophes(DollaretEasterly,1999),oudesbaissesd’impôts(Devarajanet al.,1999)oupoursoutenirlaconsommation(Boone,1994).

Denombreusesétudesconstatentqu’ilyaunecorrélationpositiveentrelesenvoisdefondsdesmigrants,d’unepart,etl’entreprenariatetl’investissementdanslespetitesentreprises,d’autrepart,dansleséconomiesendéveloppement(WoodruffetZenteno,2007;Mesnard,2004).Parexemple,encomparantlesdépensesdesménagesmexicainsavecetsansmigrantsinternationaux,TayloretMora(2006)constatentque,àniveauderevenuégal,lespremiersdépensentplusquelessecondspourinvestiretmoinspourconsommer.

Page 30: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

145

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

Adams(2005)présentedesrésultatssimilairespourleGuatemala.Ilyacependantdesétudesquimontrentquelesenvois de fonds contribuent principalement à l’augmentation de la consommation (Brown et Ahlburg, 1999). Unproblème méthodologique central à cet égard est que toute relation observée entre les envois de fonds etl’investissement des ménages peut refléter simplement l’influence de facteurs tiers non observés. Dans une étuderécente, Yang (2008) constate que les chocs exogènes sur les revenus des ménages migrants philippins, qui semanifestent en partie par des changements dans les envois de fonds, ont des effets importants sur les activitésentrepreneuriales relativement intensives en capital, comme l’activité manufacturière et les services de transport.L’auteursoutientquelesenvoisdefondsreçuspermettentdesinvestissementsquiétaientauparavantimpossiblesenraisondumanquedecrédits.

exportations d’autres produits finals vers ce marché(LipseyetWeiss,1984).Deuxièmement, lescapacitésdecommercialisation, de distribution et d’acheminementcréées par l’IED pour un produit peuvent permettre aupays d’origine d’exporter tous ses produits finis qui neparviendraient pas aux consommateurs sur le marchéétranger en l’absence d’IED (Blonigen, 2001).Troisièmement,lademandeétrangèredesautresproduitsfinis de l’entreprise peut être stimulée par l’offre deservices après‑vente de qualité grâce à l’IED, ce quireprésente un engagement permanent envers les clientsdumarchédupaysd’accueil (HeadetRies,2001).Enfin,les exportations du pays d’origine vers le pays d’accueilpeuventaussiaugmenterparcequel’IEDaccroîtlepouvoird’achat du pays d’accueil et lui permet d’importer desproduits intermédiaires et des produits finis du paysd’origine.

En somme, il ressort de la théorie que l’augmentation del’IEDpeutse traduireparunaccroissementducommerce.Mais lecommercepeut‑il luiaussistimuler lesfluxd’IED?D’après les analyses, il semble que oui. Les exportationspeuvent être une source d’information sur le pays hôte etaccroître ainsi les flux de capitaux (Portes et Rey, 2005).L’IEDpeutaussisuivrelesexportationspourpréserverdes

marchés obtenus grâce à celles‑ci (Obstfeld et Taylor,2004). Le commerce associé à l’intégration verticaletransfrontières, en particulier, peut stimuler l’IED enassurant à la fois les avantages de la propriété et unmarché.

Les données montrent qu’il existe une relation positivesystématiqueentrelecommerceetl’IED,mettantainsienévidence leurcomplémentarité (voir la figureC.19).Cetteconstatation est corroborée par les faits observés danscertains secteurs et certains pays. L’orientation de l’IEDfavorableaucommerceestbien illustréepar l’expériencedu développement de la Chine, où les entreprises àcapitauxétrangers représentaient58%desexportationstotalesen2005(OMC,2010).D’autresexemplesillustrentbiencetteorientation.Dansl’industrietextile,parexemple,l’IEDprovenantdeHongKong(Chine)etduTaipeichinoisdomine la production pour l’exportation au Lesotho, àMadagascaretàMaurice;ilenvademêmepourl’IEDdesÉtats‑UnisenRépubliquedominicaine(McNamara,2008).Quiplusest,plusieursétudesempiriquesindiquentquelacréationdefilialesà l’étrangergrâceà l’IEDestassociéeà une augmentation, non à une diminution, desexportations de la société mère depuis le pays d’origine(Bergstenet al.,1978;LipseyetWeiss,1981;Blomstrom

FigureC.19:Commerce et investissement étranger direct (IED) au niveau mondial, 1980-2011 (milliardsde$EU)

0

19

80

19

81

19

82

19

83

19

84

19

85

19

86

19

87

19

88

19

89

19

90

19

91

19

92

19

93

19

94

19

95

19

96

19

97

19

98

19

99

20

00

20

01

20

02

20

03

20

04

20

05

20

06

20

07

20

08

20

09

20

10

20

11

5 000

10 000

15 000

20 000

25 000

Ent

rées

d'IE

D a

u ni

veau

mon

dial

Exp

orta

tions

mon

dial

es d

e m

arch

andi

ses

et d

e se

rvic

es c

omm

erci

aux 2 500

1 500

2 000

1 000

500

0

Exportations mondiales de marchandises et de services commerciaux Entrées d'IED au niveau mondial

Sources :Secrétariatdel’OMC,CNUCED.

Page 31: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

146

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

et al. , 1988; Buiges et Jacquemin, 1994). Cettecomplémentarité a été conformée en particulier dans lecasdesexportations intragroupe,soulignant l’importancedes relations verticales entre différentes filialesinternationales(Pearce,1990).

(iv) IED, diffusion de la technologie et modification de l’avantage comparatif

Lapositiond’unpaysdansunechaîned’approvisionnementmondiale est généralement corrélée à son avantagecomparatif. Les pays en développement exécutent destâchesàforteintensitédemain‑d’œuvrenonqualifiéeetàfaible valeur ajoutée parce qu’ils disposent d’unemain‑d’œuvre non qualifiée relativement abondante. Àl’inverse,lestâchesàforteintensitédequalificationsetdecapitauxsontexécutéesdanslespaysavancés.Cependant,dans les économies modernes, l’avantage comparatif estdans une large mesure façonné par l’homme. Alors, est‑ilpossible qu’un pays ayant aujourd’hui un avantagecomparatif dans un secteur à forte intensité demain‑d’œuvre non qualifiée ait demain un avantagecomparatif dans un secteur à forte intensité de hautetechnologie?

EnAsie, plusieursentreprises japonaisesont commencé,dans les années 1970, à délocaliser les activitésmanufacturières à forte intensité de main‑d’œuvrenon qualifiée vers la République de Corée, le Taipeichinois, Hong Kong, Chine et Singapour (Baldwin,2012a). Ces pays sont ainsi entrés dans les chaînesd’approvisionnement mondiales en se spécialisant danslafabricationdecomposantsetl’assemblagedeproduits.À mesure qu’ils se sont industrialisés, ils ont commencéà produire les intrants intermédiaires qu’ils importaientauparavant des économies avancées. Ces nouveauxpays industrialisés ont aussi élargi leurs activités en selançant dans la conception et la distribution desproduits, ce qui leur a permis de capter une plus grandepartdelavaleurajoutéetotale(Wood,2001).

Il est probable que l’investissement dans l’enseignementsupérieura jouéunrôle important,mais ladiffusiondelatechnologie et des connaissances associée à l’IED afortement contribué à la progression de ces pays.Parexemple, dansuneétudeportant sur105paysentre1984 et 2000, Harding et Javorcik (2012) constatentune relation positive entre l’IED et la qualité desexportations des pays en développement. Les chaînesd’approvisionnement mondiales ont rendu la technologieplus mobile au plan international en délocalisant lesavoir‑faire technique propre à l’entreprise, en particulierpar l’investissement des multinationales dans la créationde filiales à l’étranger. Cela a aidé des pays endéveloppement comme Hong Kong, Chine, la Républiquede Corée, Singapour et le Taipei chinois à monter engamme en termes d’intensité de capital, de contenutechnologique,deconceptionetdequalité.Dessignesdemodernisation technologique et de réorientation desexportations, facilitées par l’IED, sont déjà visibles enChine, le pays ayant commencé à produire des biens etdes services intermédiaires sophistiqués qu’il auraitimportés auparavant, et cela va certainement aller ens’intensifiant(Rodrik,2006).

Les mécanismes par lesquels l’IED, «horizontal» et«vertical», peut favoriser la diffusion de la technologie

sontexaminésdanslasectionC.3.Onentrouveraci‑aprèsquelques exemples. On a observé un transfert detechnologiedirectentredes filialesdemultinationalesetdes fournisseurs locaux, ou une modernisationtechnologique des fournisseurs locaux sous l’effetd’exigencesplusstrictesenmatièredequalitédesintrantsintermédiaires, dans le cas des flux verticaux d’IED enLituanie et en Indonésie (Javorcik, 2004; Blalock etGertler,2008).

Iacovone et al. (2011) constatent qu’après l’arrivée deWalmex (filiale mexicaine de Walmart), les distributeursmexicains locaux ont commencé à adopter destechnologiesavancées,comme lachaînedufroid (chaîned’approvisionnementavecrégulationdetempérature)pourse mettre à niveau. Cela indique un transfert detechnologie indirect. Des retombées de la connaissanceont aussi été mises en évidence dans le cas de l’IEDd’Intel au Costa Rica. Intel a beaucoup investi dans laformation de ses employés, ce qui a permis unapprentissage par la pratique et même la création deplusieurs entreprises «dérivées». Intel a aussi collaboréavecdesuniversitéspubliquespouraméliorerlecursusetla formation des enseignants dans les domainestechniques(Rodríguez‑clare,2001).

(v) Information, flux de capitaux étrangers et commerce international

Ilaétéavancéque les investissementsdeportefeuilleetles prêts bancaires internationaux peuvent générer desflux d’information qui conduisent à l’accroissement ducommerce bilatéral (Lane et Milesi‑Ferretti, 2008;JeanneauetMicu,2002;PortesetRey,2005).Eneffet,larelationentrelesprêteursétrangersetlesemprunteursnationaux, ou vice‑versa, peut améliorer l’échanged’informationsentre lesexportateurset les importateurs,et encourager ainsi le commerce international. En mêmetemps, les relations commerciales existantes peuventpermettre aux investisseurs et aux banques à l’étrangerd’obtenirdesrenseignementssurlepaysdedestinationetcontribuer ainsi l’augmentation des investissements deportefeuille et des prêts bancaires dans le pays. Cettecomplémentaritéentre,d’unepart,lesinvestissementsdeportefeuilleetlesprêtsbancairesdel’étranger,et,d’autrepart, les flux commerciaux, est illustrée par les figuresC.20etC.21.

Desdonnéesempiriquesobtenuesgrâceàdesméthodesstatistiques rigoureuses corroborent aussi cette idée decomplémentarité. À partir de données sur lesinvestissements de portefeuille internationaux de 67pays d’origine (comprenant tous les grands investisseursinternationaux) et 200 pays de destination, Lane etMilesi‑Ferretti (2008) constatent qu’il existe uneforte corrélation entre les participations internationalesbilatérales et le commerce bilatéral. Cela indiquequ’il existe une relation basée sur l’information entreles flux commerciaux et les flux de capitaux, quiestparticulièrementfortequandlacollected’informationsest simplifiée. Les auteurs constatent, par exemple,qu’une langue commune augmente de 50% lesprises de participation. De même, Portes et Rey (2005)montrent qu’une équation de gravité explique 70%de la variation des investissements de portefeuillepour un échantillon de pays développés. Ils testentexplicitement les asymétries d’information, au moyen devariables supplétives comme le trafic téléphonique, pour

Page 32: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

147

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

démontrer l’importance de ce paramètre. Ils incluent enoutre ces variables supplétives dans des équations ducommerce et montrent que les résultats s’améliorentconsidérablement.

Certaines études emploient des techniques statistiquesplus complexes pour mettre en évidence un lien decausalitédanslarelationentrelesfluxcommerciauxetlesflux de capitaux entre les pays. Par exemple, Aviat et

Cœurdacier (2007) constatent qu’un accroissement de10%ducommerceentraîneuneaugmentationde6%desinvestissements de portefeuille; le lien de causalitéinverseestplus faiblemais toutdemêmesignificatif.Demême, Jeanneau et Micu (2002) montrent que lecommercebilatéralauneffetsignificatifettrèspositifsurlastructuredesprêtsbancairesdeséconomiesavancées(États‑Unis, Japon, Royaume‑Uni, Allemagne, France,Italie et Espagne) aux économies asiatiques et

FigureC.20:Commerce mondial et investissements de portefeuille étrangers, 2003-2010 (milliardsde$EU)

Exp

orta

tions

mon

dial

es d

e m

arch

andi

ses

et d

e se

rvic

es

Ent

rées

d'in

vest

isse

men

ts d

e po

rtef

euill

e ét

rang

ers

au n

ivea

u m

ondi

al

0

10 000

25 000

5 000

20 000

15 000

1 400

1 200

1 000

800

600

400

200

0

2003 2008 2009 20102005 2006 20072004

Exportations mondiales de marchandises et de services commerciaux

Entrées d'investissements de portefeuille étrangers dans le monde

Sources :Indicateurs du développement dans le mondedelaBanquemondiale,Secrétariatdel’OMC.

FigureC.21:Commerce mondial et prêts bancaires de l’étranger, 1999-2011 (milliardsde$EU)

Exp

orta

tions

mon

dial

es d

e m

arch

andi

ses

et d

e se

rvic

es c

omm

erci

aux

Cré

ance

s su

r l'é

tran

ger t

otal

es d

e to

utes

les

banq

ues

fais

ant r

appo

rt

0

10 000

25 000

5 000

20 000

15 000

40 000

35 000

30 000

25 000

20 000

15 000

10 000

5 000

0

1999 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 20112001 2002 20032000

Exportations mondiales de marchandises et de services commerciaux

Créances sur l'étranger totales de toutes les banques faisant rapport

Sources :Banquedesrèglementsinternationaux,Secrétariatdel’OMC.

Note :Lescréancessurl’étrangerreprésententlesprêtsaccordésàdesrésidentshorsdupaysoùlesbanquesontleursiège.

Page 33: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

148

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

latino‑américaines (Argentine, Brésil, Chili, Indonésie,République de Corée, Malaisie, Mexique, Philippines,ThaïlandeetRépubliquebolivarienneduVenezuela),maisqu’ilexisteaussiunliendecausalitéinverse.

(vi) Flux de capitaux, taux de change et commerce international

Les entrées de capitaux peuvent provoquer uneappréciationdutauxdechangedanslespaysbénéficiaireset nuire ainsi à la compétitivité de leurs exportations(CordenetNeary,1982;Agenor,1998;Lartey,2008).Lesentrées de devises entraînent une augmentation de lademande de biens échangeables et non échangeablesproduits dans une économie. Dans une petite économieouverte, l’augmentation de la demande de bienséchangeables n’influe pas sur leurs prix car ils sontdéterminés sur les marchés mondiaux. En revanche,l’augmentationde lademandedebiensnonéchangeablespousse leurs prix à la hausse, et entraîne ainsi uneappréciation du taux de change réel. Dans un régime dechange flexible, le taux de change nominal et le taux dechange réel augmentent sous l’effet de la hausse du prixrelatif des biens non échangeables. Dans un régime dechange fixe, l’accroissement de la masse monétaireentraîne une hausse des prix intérieurs, et ainsi uneappréciationde lamonnaieen termes réels. Il convientdenoterquedanslaplupartdespays,l’appréciationdutauxdechangeestsporadique,volatileetdecourtedurée.Ellenesemaintientsurunepériodepluslonguequedansdescasrelativementpeunombreux(SyetTabarraei,2010).

Silesresponsablespolitiqueschoisissentd’atténuerl’effetde la hausse du taux de change réel en stérilisant lesressourcesentrantesaumoyend’opérationsd’openmarket,cela entraîne une augmentation de la dette intérieure, et,éventuellement,unehaussedutauxd’intérêtintérieur.Celapeut ensuite attirer davantage de capitaux étrangers etcréeruncerclevicieuxdedévaluationattendueetdefuitedecapitaux,cequiaffecteraultérieurementl’investissementetlecommerce(Calvoet al.,1993).

Plusieurs études ont établi que l’afflux de capitaux avaitentraînéuneappréciationdutauxdechangedanscertaineséconomies en développement (Corden, 1994; Lartey,2007; Edwards, 1998). Par exemple, dans plusieurs paysd’Amérique latine et d’Asie (notamment l’Argentine, laRépubliquedeCorée,leMexiqueetlesPhilippines),letauxde change a augmenté au début des années 1990 à lasuite d’une forte augmentation des entrées de capitauxprivés (Corbo et Hernandez, 1994). D’après une étuderécente de la BAsD (2007), les taux de change effectifsréels dans les grandes économies émergentes d’Asie del’Est se sont appréciés depuis 2004 par rapport au dollarEU du fait de l’augmentation des entrées de capitauxprivés.

En ce qui concerne les pays les moins avancés (PMA),surtout en Afrique, plusieurs études empiriquestransnationales indiquentque lesentréesd’aideétrangèresontassociéesàuneappréciationdu tauxdechange réel(Lartey, 2007; Elbadawi, 1999). C’est ce qui ressortégalementd’étudesnationalesportantsurleBurkinaFaso,la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Togo (Adenauer etVagassky,1998), leCap‑Vert (Bourdet etFalck,2006), leGhana(Opoku‑Afariet al.,2004)etleNigéria(Ogun,1998).Ilenvademêmepourplusieurspaysrichesenpétrole,où

la hausse du taux de change a été associée à l’afflux depétrodollars(The Economist,2007).

Néanmoins, d’autres études viennent contredire cesrésultats. Par exemple, dans plusieurs pays d’Amériquelatine et d’Asie (Chili, Indonésie et Malaisie) qui ont reçules plus importants flux de capitaux entrants (enpourcentageduPIB),enmoyenne,entre1989et1992, iln’y a pas eu d’augmentation significative du taux dechange réel (Corbo et Hernandez, 1994). De même, desdonnéesempiriquesmontrentquelesfluxd’aideétrangèresont souvent associés à une dépréciation du taux dechange, comme l’ont constaté Mongardini et Rayner(2009) pour 36 pays d’Afrique subsaharienne, Issa etOuattara (2008)pour laSyrie,LietRowe(2007)pour laTanzanieetSackey(2001)pourleGhana.

Il a été avancé que les entrées de capitaux associées àune augmentation de la consommation font davantagepressionsur leprix relatif desproduits intérieursque lesentrées de capitaux associées à une hausse del’investissement (Saborowski, 2009). Par conséquent, enfaisantensorteque lesentréesdecapitauxaugmententla capacité de production de l’économie, un systèmefinancierquifonctionnebienpeutatténuerlapressionàlahausse sur le prix relatif des biens non échangeables etdonc sur le taux de change. En revanche, les flux decapitauxprocycliquesdestinésàl’investissementpeuventaggraverlasurchauffemacroéconomiqueetentraîneruneplus forte appréciation du taux de change réel. Danscertaineséconomiesendéveloppement,parexemple, lesenvoisdefondsprocycliquesinvestisdansl’immobilierontentraînél’essordelaconstruction.C’estpourquoilespaysont souvent eu recours à une politique budgétairerestrictive pour contrecarrer l’effet des entrées decapitaux étrangers sur le taux de change (Corbo etHernandez, 1994). La nature des flux de capitaux peutaussi influencer leur effet sur les taux de change. Parexemple, on peut s’attendre à ce que l’appréciation dutaux de change réel soit moindre avec l’IED qu’avec desfluxdecapitauxplus volatils, comme les investissementsdeportefeuille(Lartey,2007).

(b) Financementdel’investissement

(i) Ressources intérieures

Les entreprises qui souhaitent investir utilisent souventleursbénéficesnondistribuésoud’autresfondsdesourceinterne. Même si leurs perspectives de croissance sontbonnes, elles auront probablement une demanded’investissement relativementélevéepar rapport aux fluxde trésorerie et elles devront recourir à un financementextérieur.L’offredefondsprêtablesreposeprincipalementsur l’épargne des ménages (pour un aperçu desdéterminants de cette épargne, voir l’encadré C.6). Parailleurs,lesbanquescentralespeuventacheterdestitres,souvent des obligations d’État, sur le marché libre enpayantavecdelamonnaiequ’ellescréent.Parconséquent,un système financier qui mobilise ces ressources et lesaffecte,avecunfaiblecoûtdetransaction,auxusageslesplus productifs est essentiel pour promouvoirl’investissement (pour une analyse plus détaillée, voirl’encadré C.6). Il faut noter que l’investissement publicpeut être financé par l’épargne publique, définie commel’excédentdesrecettesfiscalesparrapportauxdépensestotales.

Page 34: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

149

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

Feldstein et Horioka (1980) sont ceux qui ont lemieux appréhendé la relation entre l’épargne intérieureet l’investissement, en termes quantitatifs. Analysantunéchantillonde16paysdel’OCDEentre1960et1974,ils ont constaté que la corrélation entre les moyennesà long terme du ratio épargne‑production et du ratioinvestissement‑production était très proche de 1.Cesrésultatsontétévalidésparplusieursétudesutilisantdes données chronologiques (Coakley et al., 1999;Coakley et al., 1996; Mamingi, 1997; Miller, 1988;Obstfeld, 1986; Tesar, 1993) et par plusieurs étudestransnationales (Artis et Bayoumi, 1992; Coakley et al. ,1996; Feldstein, 1983; Feldstein et Bacchetta, 1991;Golub, 1990; Obstfeld, 1986, 1995; Penati et Dooley,1984;Tesar,1991).

D’après Murphy (1984), la corrélation épargne‑investissementétaitnettementplusfaible(0,59)pour lesdix pays les plus petits de son échantillon que pour lessept pays les plus grands (0,98). De même, Dooley,Frankel et Mathieson (1987) signalent que l’estimationmoyenne était nettement plus faible dans les économieshors OCDE que dans les économies de l’OCDE. Desétudes empiriques plus récentes analysant les variationsentre pays et dans le temps indiquent que la corrélationépargne‑investissement est proche de 1 pour leséconomies de l’OCDE mais plus faible pour les pays endéveloppement (Cadoret, 2001; Coakley et al., 2004;Coakleyet al.,1999;Kim,2001).

LafigureC.22montreégalementqu’enmoyennelestauxd’épargne des pays à revenu intermédiaire ont dépasséceuxdespaysàrevenuélevéaucoursdesdeuxdernièresdécennies.En2010,lespaysàrevenuintermédiaireavaituntauxd’épargnede30%,soitpresqueledoubledutauxdes pays à revenu élevé. De fait , le tableau C.6 montre

que, parmi les 15 pays qui avaient les taux d’épargnemoyenslesplusélevésentre2000et2010,presquetoussontdespaysà revenu intermédiaire.Lespays richesenressources du Moyen‑Orient et d’Afrique du Nord (Libye,Qatar, l’État du Koweït et Algérie) occupent les quatrepremièresplaces.Dansl’avenir,lacroissanceéconomiquedevrait resterfortedanscespays. Ilenvademêmepourles économies asiatiques à forte intensité demain‑d’œuvre,puisque laChine,Singapour, laMalaisieetle Viet Nam faisaient partie des 15 pays ayant les tauxd’épargnelesplusélevésaucoursdeladernièredécennie.Comptetenudelacroissancedémographiquerapidedanscertains de ces pays, la population active devrait aussiaugmenter. Les taux d’épargne élevés devraient donccontinuer à assurer des sources de financementsuffisantes pour soutenir le développement des marchésde capitaux et l’investissement dans le capital physique.Onnepeutpasendireautantdespaysàrevenufaibleoudespaysàrevenuélevé.

Parexemple, letableauC.6montrequedespaysàfaiblerevenu, comme la Côte d’Ivoire, et des économiesavancées, comme les États‑Unis et le Royaume‑Uni,étaientparmiles15paysayantletauxd’épargnemoyenleplusbasentre2000et2010.Silacroissanceéconomiquen’apasunebasesuffisammentlarge,ilyapeudechancesde voir émerger dans un proche avenir une classemoyenne susceptible d’accroître le taux d’épargne dansles pays à faible revenu. Dans certaines économiesavancées, comme les États‑Unis, la faiblesse des tauxd’intérêt, les perspectives d’inflation, la stagnation desrevenus due à la crise et les facteurs culturels risquentd’empêcher l’augmentation des taux d’épargne dansl’avenir.

FigureC.22:Taux d’investissement et d’épargne, 1991-2010 (pourcentageduPIB)

19

91

19

92

19

93

19

94

19

95

19

96

19

97

19

98

19

99

20

00

20

01

20

02

20

03

20

04

20

05

20

08

20

07

20

06

20

09

20

10

20

11

0 %

5 %

10 %

15 %

20 %

25 %

30 %

35 %

% d

u P

IB

Investissement des pays à revenu élevé

Épargne des pays à revenu élevé

Investissement des pays à revenu intermédiaire

Épargne des pays à revenu intermédiaire

Épargne des pays à faible revenu

Investissement des pays à faible revenu

Source :Banquemondiale.

Page 35: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

150

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

EncadréC.6: épargne intérieure et investissement

Déterminants de l’épargne des ménages

Le revenu est le principal déterminant de l’épargne. Les personnes pauvres ont généralement juste assez deressourcespouratteindreleniveaudeconsommationminimum.Enrevanche,lespersonnesplusrichespeuvents’offrirle luxed’épargnerpourassurer leur consommation future.Plusieursétudesempiriques indiquentque la croissanceréelledurevenu,mesuréeparlePIB,auneffetpositifetsignificatifsurl’épargne(Fry,1978;1980;Giovannini,1985;1983;Mason,1988;1987).L’épargnepeutaussidépendredesfluctuationsdurevenu.

Comptetenudesprédictionsdel’hypothèse«durevenupermanent»(expliquéedanslasectionC.1)etdescontraintesdecréditauxquellessontconfrontéslesménagesàfaiblerevenu,uneaugmentationdurevenurapidemaistransitoirepeut relever le taux d’épargne moyen si elle est concentrée dans les ménages relativement riches ayant un tauxd’épargneélevé(Collins,1991).L’accroissementdelarichesse90atendanceàréduirel’épargneprélevéesurlerevenuactuel parce qu’il augmente la capacité d’un individu d’obtenir un revenu ultérieurement (Schmidt‑Hebbel, 1987;BehrmanetSussangkarn,1989).

Lacompositiondémographiqued’unménageetd’unpaysaaussiunegrandeinfluencesurlestauxd’épargne.D’après«l’hypothèseducycledevie»,décritedanslasectionC.1,unpourcentageplusélevédepersonnesâgéesetd’enfants(populationsansrevenu)réduitlacapacitéd’épargned’unpays.Plusieursétudesempiriquesindiquentqueleratiodedépendance,définicommelaproportiondepersonnesdemoinsde15ansetdeplusde65ansdans lapopulationtotale,auneffetnégatifmarquésurl’épargne(Leff,1969;Mason,1988;1987;Collins,1991;Rossi,1989;WebbetZia,1990).

Quand les taux d’intérêt augmentent, les individus commencent à substituer l’épargne à la consommation, carcelle‑ci devient relativement plus coûteuse. C’est l’«effet de substitution». En même temps, pour un épargnantnet, la hausse du taux d’intérêt signifie l’augmentation de son revenu relatif (escompté), ce qui induit uneaugmentationde laconsommationactuelleetdoncunediminutionde l’épargne.C’estcequ’onappelle l’«effetderevenu».Étantdonnéque l’effetderevenuet l’effetdesubstitutiondestauxd’intérêtplusélevésfonctionnentensens inverse, l’effet du taux de rendement sur épargne est ambigu. Par ailleurs, les taux d’intérêt peuvent aussiinfluersurl’épargneparl’effetderichesse.Destauxd’intérêtréelsplusélevésréduisentlavaleuractuelledesfluxde revenu futurs provenant d’avoirs financiers à taux fixe. L’épargne est donc encouragée même si l’effet desubstitution et l’effet de revenu s’annulent (Schmidt‑Hebbel et al., 1992). De nombreuses études empiriquesmontrentque le tauxd’intérêt réelauneffetpositif sur le tauxd’épargne (McKinnon,1973;Shaw,1973;Gupta,1987;Balassa,1990).91

L’incertitudequantàlavaleurfuturedesavoirsdueàl’inflationpourraitencouragerl’épargnedeprécaution.Cependant,si la hausse du taux d’inflation dépasse celle du taux d’intérêt nominal, le taux de rendement réel baisse, ce quidécouragel’épargne.Lesdonnéesempiriquesnesontpasconcluantes(Gupta,1987;Lahiri,1988).

Lesmodificationsdelapolitiquebudgétairequiontpoureffetd’accroîtrel’épargnepubliquepeuventaussiaffecterles taux d’épargne privée. D’après le théorème «de l’équivalence ricardienne, reformulé par Barro (1974),l’augmentation de la dette publique équivaut à une augmentation des impôts dans le futur. Par conséquent, unemodificationdel’épargnepubliquedevraitêtrecompenséeparunemodificationégaleetinversedel’épargneprivée.Cette hypothèse a été rejetée dans de nombreuses études empiriques, qui voient dans l’omniprésence descontraintesenmatièred’empruntlaprincipaleraisonpourlaquellelecomportementdeconsommationetd’épargnedes ménages n’est pas réparti uniformément tout au long de la vie (Haque et Montiel, 1989; Rossi, 1988;Schmidt‑HebbeletCorbo,1991).

Lesfacteursculturelspeuventaussiavoiruneincidenceimportantesurletauxd’épargne.Enanalysantdesdonnéestransnationales,ShohametMalul(2012)constatentqueleniveaudel’épargneintérieureaugmenteaveclatendanceàéviterl’incertitudeetavecledegrédecollectivisme.

De l’épargne à l’investissement

Lesecteurbancaireestleprincipalvecteurdel’épargneetdel’investissementsurlaplupartdesmarchésfinanciersetiljouedoncunrôlecentraldanslamobilisationdesressourcesintérieurespourledéveloppement.Malheureusement,il ne répond pas toujours très bien aux besoins d’investissement des petites et moyennes entreprises (PME) et dusecteur informel,surtoutdans lespaysendéveloppement (Zeldes,1989).Parexemple, lescinqpremièresbanquesdesservantlesPMEdanslespaysnonmembresdel’OCDEnetouchentque20%desmicroentreprisesformellesetdesPME,etseulement5%enAfriquesubsaharienne(Dalberg,2011).Lesbanquespubliques,lesystèmepostaletlesmécanismesdemicrofinancejouentunrôledanslamobilisationderessourcespour lesgroupesquinepeuventpasdonnerdegaranties.

L’épargne intérieure peut aussi stimuler l’investissement des entreprises par l’acquisition d’actions, d’obligations etd’instrumentsfinanciersconnexes.Danslaplupartdespaysendéveloppement,cesmarchéssontencorerelativementrestreintsenraisondesinsuffisancesducadrejuridiqueetdelafaibleparticipationdesinvestisseursinstitutionnels

Page 36: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

151

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

TableauC.6:épargne annuelle moyenne, 2000-2010 (pourcentageduPIB)

15 premiers pays 15 derniers pays

Libye 59,81 Serbie 10,15

Qatar 55,81 Islande 10,38

Koweït,Étatdu 48,36 Côted'Ivoire 11,64

Algérie 47,88 ElSalvador 12,07

Chine 46,90 Chypre 12,12

Singapour 42,27 Liban 12,46

Républiqueislamiqued'Iran 40,34 Grèce 12,87

Arabiesaoudite,Royaumed’ 36,92 Bosnie‑Herzégovine 13,05

Malaisie 35,55 Portugal 13,88

Azerbaïdjan 35,51 Guatemala 14,29

Norvège 35,32 États‑Unis 14,61

Trinité‑et‑Tobago 34,27 Cameroun 14,67

Venezuela,Rép.bolivariennedu 33,92 Royaume‑Uni 14,72

Oman 32,93 Républiquedominicaine 14,89

VietNam 32,70 Lituanie 15,15

Source :Fondsmonétaireinternational,basededonnéesdesPerspectivesdel’économiemondiale,octobre2012.

Note :LespaysdontlePIBmoyen,entre2000et2010,étaitinférieurà10milliardsde$EUcourantsontétéexclus.

(ii) Ressources extérieures

Aide publique au développement et envois de fonds des migrants

La figure C.22 montre que l’écart entre le taux d’épargneintérieureetletauxd’investissementintérieurdanslespaysà faible revenu a toujours été important dans le passérécent, et s’est nettement creusé entre 2002 et 2010. En2010, le taux d’épargne des pays à faible revenureprésentait, en moyenne, environ un tiers du tauxd’investissement.LafigureC.23montrequel’aidepubliqueau développement (APD) a sans doute contribué aufinancement de l’écart entre épargne et investissementdanslespaysàfaiblerevenu.

Lepotentieldecroissancedel’APDétantlimitédufaitdelarécession dans plusieurs économies avancées, il ne fautpas sous‑estimer l’importance future des autres flux deressourcesétrangèrespouraccroîtrel’investissementdanslespaysà faible revenu.Parmicespays, leMyanmaret leKenya faisaient partie des dix pays ayant les plus faiblestauxd’investissementmoyensentre2000et2010.Certainspays en développement à revenu intermédiaire, comme laCôted’Ivoire, l’Angola, leCameroun, l’ÉtatPlurinationaldela Bolivie et le Yémen, faisaient également partie de cegroupe.92Celadonneàpenserque lesfluxde ressources

extérieures privées seront importants pour accroîtrel’accumulation de capital physique aussi dans les pays àrevenuintermédiaire.

FigureC.23:Aide publique au développement (APD) et investissements dans les pays à faible revenu, 1990-2009 (milliardsde$EU)

O

O 10 20 30 40 50

20

40

60

80

100

120

Inve

stis

sem

ent

Entrées d'aideSource :Banquemondiale.

(fondscommunsdeplacement,fondsdepensionouassurances).Leséconomiesentransitionsontunexempletypique(Mileva,2008).Toutefois,grâceàdesmesuresrécentesdedéréglementationetdelibéralisation,lesmarchésd’actionset d’obligations sont en train de devenir d’importants moyens de mobilisation des fonds dans plusieurs économiesémergentes,notammentlesPMEàfortpotentieldecroissance(BRI,2012;Dalberg,2011).

Ilfautnoterque,danslamesureoùlesactionssontachetéessurlemarchésecondaireetoùilnes’agitpasdetitresnouvellementémis,ilestpeuprobablequel’augmentationdesprisesdeparticipationsaugmentelesfluxdecapitauxvers les entreprises qui souhaitent investir (Kraay et Ventura, 1999). Au cours de la récente crise financière, lesentrepriseslesplusgravementtouchéesontétélesentreprisescotéesayantunepetitecapitalisationboursière–quisouffrentdumanqued’intérêtdesinvestisseurs–etlesPME,lesbanqueshésitantàleuraccorderdenouveauxprêtsouàrenouvelerleslignesdecréditexistantes(OCDE,2012c;Dalberg,2011).LasectionD.3montrequecelaestvraiaussidanslecasdufinancementducommerce.

Page 37: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

152

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

Les envois de fonds officiellement comptabilisésdes migrants en direction des pays en développement,estimés à 406 milliards de dollars EU en 2012,représentent aujourd’hui plus de trois fois le montant del’APD.Par rapport auxautres fluxdecapitauxprivés, lesenvoisdefondssesontrévélésparticulièrementrésistantspendant la récente crise financière (Banque mondiale,2012a).

En 2012, les grandes économies émergentes commel’Inde, laChine, lesPhilippines, leMexique, l’Égypteet leViet Nam figuraient parmi les dix premiers destinatairesdesenvoisdefondsdesmigrantsdanslemonde(Banquemondiale,2012a).La figureC.24 indiquecependantque,en pourcentage du PIB, certains pays à faible revenu,comme le Tadjikistan, Haïti, la République kirghize et leNépal, faisaient partie des dix premiers destinatairespendant la dernière décennie. Aucun pays d’Afriquesubsahariennenefiguredanscetteliste.Celapeutêtredûau coût élevé de l’envoi des fonds. Par exemple d’aprèsRathaet al.(2008),àlami‑2006,lecoûtmoyendel’envoide 200 dollars EU de Londres à Lagos (Nigéria)représentait environ 14% du montant. D’après leursestimations,si lecoûtdesenvoisdefondsentreLondresetLagosétaitramenéde14%à7%,lesenvoisdefondsaugmenteraientde11%.

Pour réduire le coût des envois de fonds, il faudraitabaisser les tarifs d’envoi et améliorer l’accès desexpéditeurs et des destinataires au système bancaire.Celaestimportantauvudesprévisionsquitablentsuruneplus forte augmentation des envois de fonds dans unproche avenir, en particulier dans les régions tributairesdes envois de fonds provenant des États‑Unis, de laFédération de Russie et du Moyen‑Orient (Banquemondiale,2012a).Ilfautcependantnoterque,sicesfondspeuvent permettre d’investir dans l’équipement d’unepetiteentreprisefamiliale, ilsnepeuventpassuffirepourfinancer les investissementsencapitald’entreprisesplusgrandes.

Investissements de portefeuille et prêts bancaires étrangers

Quand une économie libéralise les mouvements decapitaux, il se produit une augmentation desinvestissementsdeportefeuilleetdesprêtsbancairessilerendementmarginaldescapitauxestélevépar rapportaureste du monde. En général, cela voudrait dire que lescapitaux vont des pays où ils sont abondants et où lerendementestfaibleverslespaysoùilssontpeuabondantset où le rendement est élevé. L’afflux de capitaux privésdansleséconomiesémergentesquiacommencédanslesannées 1990 s’explique en partie par cet écart derendement. Toutefois, le risque (réel et perçu) pourraitréduire cet écart en termes effectifs. C’est pourquoil’augmentation des entrées d’investissements deportefeuille et des prêts de banques commerciales peutaussi être attribuée à des facteurs qui réduisent le risque(Mody et Murshid, 2005): réformes, modifications de laréglementation et politiques macroéconomiques plusstables.

La figure C.25 montre que les dix premiers bénéficiairesd’investissements de portefeuille parmi les économies endéveloppement au cours de la dernière décennie étaientpresque tous des pays d’Asie ou d’Amérique latine. Lafigure C.26 montre que cela est vrai aussi pour les prêtsbancaires étrangers. L’importance de ces fluxd’investissementsdansl’avenirdépendrasansaucundoutede la santé des marchés financiers mondiaux et de lacapacité des pays bénéficiaires de renforcer leurréglementation indépendante, d’accroître la transparenceet de se conformer aux règles internationales pertinentesen matière de comptabilité et d’audit. Pour les pays endéveloppement d’Afrique, par exemple, il faudraitcommencer par établir un cadre juridique solide et utiliserdavantage lesméthodesd’évaluationducrédit baséessurle marché pour mettre en place des marchés de capitauxsusceptiblesd’attirerlesinvestissementsdeportefeuilleetlesprêtsbancairesétrangers.

FigureC.24:Dix premiers bénéficiaires d’envois de fonds de migrants en part du PIB, 2000-2010 (pourcentage)

0 %

60 %

70 %

50 %

40 %

30 %

20 %

10 %

Tadj

ikis

tan

Tong

a

Haï

ti

Rép

ubliq

ueki

rghi

ze

Mol

dova

,R

ép. d

e

Guy

ana

Jord

anie

Alb

anie

Bos

nie-

Her

zégo

vine

Nép

al

Source :Banquemondiale,Indicateurs du développement dans le monde.

FigureC.25:Moyenne annuelle des investissements de portefeuille étrangers dans les pays en développement — dix premiers bénéficiaires, 2001-2010 (milliardsde$EU)

0

300

250

200

150

100

50

Hon

g K

ong,

Chi

ne

Mex

ique

Bré

sil

Rép

. de

Cor

ée

Sin

gapo

ur

Chi

ne

Inde

Afr

ique

du S

ud

Taip

ei c

hino

is

Fédé

ratio

nde

Rus

sie

Source :Fondsmonétaireinternational,Enquête coordonnée sur les investissements de portefeuille .

Note :LespaysdontlePIBmoyen,entre2000et2010,étaitinférieurà10milliardsde$EUcourantsontétéexclus.

Page 38: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

153

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

Investissement étranger direct (IED)

Traditionnellement,l’IEDconsisteenfluxd’investissementsintrasectoriels entre pays développés similaires (Forte,2004). Selon la dernière enquête sur les perspectives del’investissement dans le monde (World Investment Prospects Survey), l’Union européenne et l’Amérique duNordresterontàmoyentermeparmilesprincipalesrégionspour l’IED des entreprises multinationales (CNUCED,2012).Aucoursdesannées1990, l’IEDdestinéauxpaysen développement a commencé à augmenter fortement(voir la figure C.27). Il s’agissait principalementd’investissements effectués par des entreprises de paysavancés qui délocalisaient leurs activités de production àforteintensitédemain‑d’œuvrenonqualifiéedanslespaysen développement afin de profiter des coûts plus bas(Helpman, 1984).93 En plus de cet IED «vertical», les

entreprises des pays avancés considéraient les pays endéveloppementayantdegrandsmarchésetdesobstaclesau commerce importants comme des destinationsappropriéespourl’«IEDhorizontal»(Dunning,1980).

À l’instar des investissements de portefeuille et des prêtsbancaires étrangers, les flux d’IED vers les pays endéveloppement étaient limités dans une large mesure àl’Asie et à l’Amérique latine. Le tableau C.7 montre que, àl’exception de la Turquie, les 15 premiers pays endéveloppement bénéficiaires des flux d’IED au cours desdeux dernières décennies se trouvaient sur ces deuxcontinents. L’Asie de l’Est était particulièrement bienplacée,avecsixpaysparmiles15premiers,laChinevenantentête.Celapeuts’expliquerenpartieparl’existenced’uneinfrastructure de soutien adéquate et par la qualité desinstitutions, qui réduisent les coûts de transaction (voir lasectionC.6).

Certains pays d’Asie du Sud‑Est, par exemple, ontconcentréleursressourcespubliquessurledéveloppementdes infrastructures, notamment des routes, des ports etdesservicesd’électricitéetdetélécommunication(AndoetKimura, 2005). L’enquête World Investment Prospects Survey metenévidencel’importancequecontinuentd’avoirl’Asie et l’Amérique latine, les répondants ayant cité laChine, l’Inde, l’Indonésie et le Brésil parmi les cinqpremières destinations les plus probables de leurs IED àmoyenterme(CNUCED,2012).

Même en Afrique, où l’investissement dans lesinfrastructures publiques est relativement inefficient,l’améliorationde l’infrastructureaun impactpositifsur lesentrées d’IED (Asiedu, 2002; Morrisset, 2000). Il a aussiétéavancéqu’untauxd’investissementprivéintérieurélevéest signe d’un rendement élevé du capital, ce qui attirel’investissement étranger. Par exemple, en analysant unéchantillonde38paysd’Afriquesubsaharienneentre1970et 2005, Ndikumana et Verick (2008) constatent quel’investissementprivéintérieuraunimpactpositifimportantsur lesentréesd’IED.Celadonneàpenserque leseffortsfaits pour encourager davantage l’investissement privé enaméliorant la qualité des institutions amèneront lesinvestisseursétrangersàavoirdansl’aveniruneimageplusfavorable des pays africains. L’enquête World Investment

FigureC.26:Dix premiers pays en développement bénéficiaires de prêts bancaires de l’étranger, 2001-2010 (milliardsde$EU)

0

350

400

300

250

200

150

100

50

Hon

g K

ong,

Chi

ne

Mex

ique

Bré

sil

Rép

. de

Cor

ée

Sin

gapo

ur

Chi

ne

Inde

Turq

uie

Taip

eich

inoi

s

Fédé

ratio

nde

Rus

sie

Source :Banquedesrèglementsinternationaux.

Note :LespaysdontlePIBmoyen,entre2000et2010,étaitinférieurà10milliardsde$EUcourantsontétéexclus.

FigureC.27:Entrées d’investissements étrangers directs, 1980-2010 (milliardsde$EU)

19

80

19

82

19

84

19

86

19

88

19

90

19

92

19

94

19

96

19

98

20

00

20

02

20

04

20

06

20

08

20

10

0

200

400

600

800

1 000

1 200

1 400

Économies en développement Économies développées

Source :CNUCED.

Page 39: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

154

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

Prospects Survey montre d’ailleurs que l’IED en Afriquedevraitaugmenteràmoyen terme,grâceàunecroissanceéconomique plus forte, aux réformes en cours et au prixélevédesproduitsdebase(CNUCED,2012).

Récemment, les tauxd’épargneélevés, l’accroissementdel’intensité de capital et le progrès technologique ont faitquecertaineséconomiesendéveloppementsontdevenuesaussidessourcesd’IED.LafigureC.28montrequel’IEDenprovenance des économies en développement arégulièrement augmenté entre 2003 et 2010. La majeurepartie de cet IED va des économies émergentes vers despaysàfaiblerevenu,contribuantàl’augmentationdestauxd’investissementdanscespays(Banquemondiale,2011a).

LetableauC.7montrequelescinqpremièressourcesd’IEDparmi les pays en développement au cours des deuxdernières décennies se trouvent en Asie de l’Est (HongKong, Chine et la Chine étant en tête). Parmi les autressources importantes figurent l’Inde et certains paysd’AmériquelatineetduMoyen‑Orient.Enoutre,unegrandepartie de l’IED entre pays en développement estintrarégional(Banquemondiale,2011a).L’IEDinterrégionalentre économies en développement va principalement del’Asieàl’Afrique.LaChineet laMalaisiesontparmilesdixprincipalessourcesdel’IEDenAfrique(CNUCED,2006).

D’après l’enquête World Investment Prospects Survey,contrairement aux réponses obtenues dans les paysdéveloppés,prèsduquartdesrépondantsdanslespaysendéveloppement s’attendaient à une baisse de leur budgetd’IED en 2013 et 2014 (CNUCED, 2012). Cela peuts’expliquer par le fait que les entreprises multinationalesdeséconomiesendéveloppementontcontinuéàinvestiràdes niveaux presque record pendant la crise et vontpeut‑être chercher à rationaliser leurs investissements àmoyenterme.Néanmoins,àlongterme,lafortecroissanceattendue dans les économies émergentes, la familiaritéavec des environnements politiques similaires et lerenforcement global des liens commerciaux entre leséconomies en développement devraient accroître les fluxd’IEDentrecespays.

(c) Conclusions

L’investissementdanslesinfrastructurespourraitentraînerdans l’avenir l’émergence de «nouveaux acteurs» ducommerce mondial. Cela pourrait être particulièrementimportantpour lespaysafricainsàfaiblerevenu, jusque‑làmoinsimpliquésdanslesréseauxdeproductionmondiaux.Celapourraitaussimodifierlanatureducommerced’autresfaçons.L’améliorationdel’infrastructuredetransportentrepays voisins, notamment des liaisons routières, pourraitrenforcer le commerce régional en Afrique. Ledéveloppementdel’infrastructuredesTICpourraitaccroîtredavantage le commerce des services et modifier lesschémasdespécialisationinternationale.Lespaysafricainsanglophones, par exemple, pourraient se faire une placedans le domaine de l’externalisation des processusd’entreprise.

Lesgouvernementsdecespaysdoiventdoncs’attacheràdévelopper et améliorer les infrastructures publiques,éventuellement en augmentant le taux d’épargneintérieure. L’application de stratégies de croissance quiaugmentent les revenus des ménages serait essentiellepour promouvoir l’épargne. Il pourrait être utile aussi demodifierlafiscalitéetlespolitiquesmacroéconomiques.Ilseraprobablementtoutaussiimportantdeveilleràcequel’épargne se traduise par des investissements enaméliorant l’efficience des marchés de capitaux. Lesgouvernements pourraient utiliser l’aide publique audéveloppement, l’IED et les prêts bancaires étrangerspour accroître l’investissement dans l’infrastructure.L’initiativeAidepourlecommercedel’OMCenfaveurdespays en développement est également importante à cetégard, car elle peut permettre d’augmenter la capacitéd’offre d’un pays et donc sa participation au marchémondial(voirlasectionE).

L’augmentation de l’investissement public et privé dans lecapitalphysique,financéparl’épargneintérieureoulesfluxde capitaux étrangers, peut aussi avoir une incidence surl’avantage comparatif des pays. Certaines économies àforte intensité de main‑d’œuvre non qualifiée, comme leChili, la Chine et la Turquie, pourraient devenir des

TableauC.7:Moyenne annuelle des flux d’IED des 15 premiers pays en développement, 1990-2011 (millionsde$EU)

IED entrants IED sortants

Chine 55253 HongKong,Chine 33146

HongKong,Chine 28758 Chine 15473

Brésil 20635 Singapour 10435

Singapour 19113 Corée,Rép.de, 7423

Mexique 16378 Taipeichinois 5899

Inde 10370 Inde 4922

Arabiesaoudite,Royaumed’ 7872 Malaisie 4291

Chili 6537 Brésil 3660

Argentine 6089 Mexique 3121

Turquie 5578 Chili 2986

Thaïlande 5286 Émiratsarabesunis 2621

Malaisie 5055 Koweït,l'Étatdu 2135

Corée,Rép.de, 4463 Thaïlande 1551

Colombie 4262 Colombie 1446

Émiratsarabesunis 3843 Panama 1392

Source :CNUCED.

Note :LespaysdontlePIBmoyen,entre2000et2010,étaitinférieurà10milliardsde$EUcourantsontétéexclus.L’Indonésieaétéexclueenraisondelacunesimportantesdanslesdonnées.

Page 40: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

155

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

économies à forte intensité de capital à moyen ou longterme. Le taux d’épargne dans bon nombre de ceséconomiesestdéjàélevé.

Par conséquent, pour monter en gamme (en termesd’intensitédecapitaletdetechnologie),lesgouvernementsdoivent se concentrer sur la création de possibilitésd’investissement adéquates à la fois pour les capitauxnationauxetpourlescapitauxétrangers.C’estpeut‑êtrelemanque de possibilités d’investissement qui expliquel’augmentation des flux d’IED sortant de certaineséconomiesendéveloppement–commelaChine,Singapour,la République de Corée et l’Inde – et allant vers d’autreséconomiesendéveloppementetmêmeversdeséconomiesdéveloppées. Bien entendu, il faut souligner que ces fluxsortants d’IED sont associés à l’émergence d’entreprisesmultinationales implantées dans les économies endéveloppement,qui,enaugmentantl’intensitédecapitaletdetechnologie,peuventelles‑mêmesinfluersur l’avantagecomparatif.

Il est difficile de prévoir l’évolution des flux de capitauxentrelespays(et,partant,leurcontributionàl’accumulationde capital). D’après l’enquête World Investment Prospects Survey, par exemple, les flux d’IED devraient augmenter àunrythmemodérémaisrégulieràmoyenterme(CNUCED,2012). Toutefois, ce scénario de référence ne tient pascompte de la possibilité de chocs macroéconomiquesnégatifs.

Il se peut que la fragilité de l’économie mondiale, lavolatilitéduclimatdesaffairesetlesincertitudesliéesàlacrisedeladettesouveraineaientunimpactnégatifsurlesflux d’IED à moyen terme. Néanmoins, le développementet le renforcement des institutions, notamment du cadrejuridique, seraient sans aucun doute importants pourattirer l’IED. Les accords commerciaux préférentielscontenant des dispositions d’«intégration profonde»peuvent jouer un rôle important à cet égard. La mise en

place de marchés de capitaux suffisamment développésest cruciale aussi pour attirer des sources additionnellesde financement de l’investissement, comme lesinvestissements de portefeuille et les prêts bancairesétrangers. Cela est vrai pour les pays à faible revenucommepourlespaysàrevenuintermédiaire.

Lesréformesdusecteurbancairedoiventencourager lesinstitutions financières à adopter des méthodesrigoureuses pour l’évaluation du crédit. Dans le mêmetemps, les marchés d’actions et d’obligations peuventjouer un plus grand rôle dans la mobilisation desressources intérieures. Il faudrait pour cela un cadrejuridique solide, des obligations en matière detransparence et des règles de comptabilité et d’audit deniveau international.Lacapacitédemettreenœuvreuneréglementationindépendantedevraitaussiaideràréduirele risque systémique et à protéger les intérêts desinvestisseurs.

Il est intéressant de noter que les flux de ressourcesextérieures influent sur la nature du commerce, nonseulement du fait de leur impact sur l’investissementintérieurmaisaussidirectement.Parexemple,lalittératuresur le commerce indique que les investissements deportefeuilleet lesprêtsbancaires internationauxpeuventaccroîtrelesfluxcommerciauxenréduisantlesasymétriesd’information entre exportateurs et importateurs. Demême,lesfluxd’IEDcomplètentlecommerceenfacilitantles chaînes d’approvisionnement mondiales, augmentantles exportations de biens et services intermédiaires dupaysd’origineetlesexportationsdeproduitsfinisdupaysbénéficiaire.Deplus,lesexportationsdupaysbénéficiairevers les marchés de pays tiers sont susceptiblesd’augmenter. Les flux d’IED peuvent aussi avoir uneincidence sur l’avantage comparatif des économies endéveloppement en facilitant le transfert de technologieentre pays. La Chine est un exemple de cettemodernisationtechnologique.

FigureC.28:Sorties d’investissements étrangers directs, 1980-2010 (milliardsde$EU)

19

80

19

82

19

84

19

86

19

88

19

90

19

92

19

94

19

96

19

98

20

00

20

02

20

04

20

06

20

08

20

10

0

200

400

600

800

1 000

1 200

1 400

1 600

1 800

2 000

Économies en développement Économies développées

Source :CNUCED.

Page 41: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

156

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

En réalité, dans la mesure où l’investissement et lecommercesontcomplémentaires,unsystèmeinternationalde règles en matière d’investissement peut accroître lesfluxd’investissementsétrangersenfavorisantlaprévisibilitéetlasécuritéd’accèspourlesinvestisseursétrangers(voirlasectionE).Celaestvraiaussidesaccordsbilatérauxourégionaux, qui sont utilisés de plus en plus pour régirl’investissement international. Cependant, ces accordsrisquentdenuiredansl’aveniràl’«égalitédesconditions»94encréantdesdivergencesréglementaires.Unensemblederèglesmultilatéralesenmatièred’investissementassureraitunerépartitioninternationaledesressourcesplusefficiente(l’investissementn’étantpasréorientépourdesraisonsdetraitement préférentiel), ce qui devrait favoriser leséchanges commerciaux. Cela pourrait aussi atténuer lesdisparitésentre lespetitset lesgrandspays,en réduisantledéséquilibredupouvoirquipeutsurvenirquandungrandpaysnégocieunaccordbilatérald’investissementavecunpetitpays.

3. Technologie

Les différences technologiques entre les pays ont uneinfluencedéterminantesur lesniveauxde revenuetsur lecommerce. Des recherches empiriques ont montré quel’accumulationdecapitalphysiqueetdecapitalhumainnepeut expliquer qu’en partie les écarts de revenu entre lespays (Easterly et Levine, 2001; Prescott, 1998) et lesdifférences dans la structure des échanges. Le reste estcouramment attribué aux différences technologiques, latechnologie étant définie comme l’information ou le savoirnécessairespourproduire.

Le progrès technologique est sans nul doute le principalfacteur expliquant la croissance rapide des revenus auXIXe et au XXe siècles. L’électrification, le téléphone, lemoteur à combustion interne et d’autres avancéesmajeures ont radicalement modifié le mode defonctionnementdumonde(voirlasectionB.1).Leprogrèstechnologiquejoueraaussiunrôlemajeurdansl’évolutionfuture des échanges et de la croissance. Commel’indiquent les simulations sur l’avenir du commercemondial examinées dans la section B.3, les hypothèsessur le sentier futur du progrès technologique sont cellesquiinfluentleplussurlesrésultatsglobaux.

Le niveau technologique d’un pays est déterminé nonseulement par l’innovation intérieure, mais aussi par ladiffusion de la technologie provenant de l’étranger. Engénéral, lapremièreestparticulièrement importantepourlespaysàrevenuélevé,tandisquelasecondeinfluesurleprogrès technologique surtout dans les pays à revenuintermédiaire ou à faible revenu. Cette section examined’abord les schémas d’innovation et de transfert detechnologie.Elleexamineensuitecommentlechangementtechnologique influe sur le commerce.Puis, elleexamineles déterminants du progrès technologique. Et enfin, elletentededéterminercequecestendancesimpliquentpourl’avenirducommerceetdespolitiquescommerciales.

(a) Schémastechnologiques

La section B a montré qu’il y a d’importants acteursémergents sur les marchés internationaux, que lecommerce se régionalisedeplusenpluset qu’il est trèsconcentré entre les mains de quelques grandesentreprisesmondiales.Cettesectionexamine laquestion

de savoir si l’innovation et le transfert de technologiepeuventaideràexpliquercesphénomènes.Enparticulier,elletentededéterminersilesfaitsconfirmentl’émergencedenouveauxpays (ayantamélioré leurcapacitéd’innoveroud’absorberlestechnologiesexistantes)etdenouveauxsecteurs (où les connaissances technologiques ontprogressé plus rapidement), si l’innovation et le transfertde technologie sont plus localisés, régionalisés oumondialisésquepar lepasséets’ilexisteunecorrélationentre ces tendances et la délocalisation. Enfin, elleexamine le rôle des grandes entreprises multinationalesdans leprogrès technologique,par rapportauxpetitesetmoyennesentreprises.

(i) Mesure du progrès technologique

La mesure du progrès technologique est difficile etimparfaite.Elleestgénéralementfondéesurlaproductivitétotale des facteurs, les dépenses derecherche‑développement(R‑D)etlesdemandesdebrevet(Keller, 2010). Mais, chaque mesure donne une imagedifférenteetincomplèteduprogrèstechnologique.

Laproductivitétotaledesfacteurs(PTF)mesurel’efficienced’une économie dans la transformation des intrants enextrants. De manière empirique, elle est définie comme laproductionparunitéd’intrants combinés (généralement lasommepondéréeducapitaletdutravail)etellecorrespondà ladifférenceentre lePIBd’unpayset lacontributionducapital et du travail. La production résiduelle qui n’estexpliquée ni par le capital, ni par le travail est considéréecomme la «technologie». Cette approche souffre delimitations importantes dues à la fois au manque dedonnées et à leur qualité médiocre. Par exemple, uneestimationdelaPTFpeutattribueràlatechnologiecequidevrait être expliqué par le capital ou le travail (capitalphysique et capital humain) si les données étaient demeilleurequalité.

Les dépenses de R‑D mesurent la contribution à l’activitéd’innovation technologique. Un inconvénient de cetteapprocheestquelesinvestissementsdanslarecherchenegénèrentpastousdesinnovations;95etmêmelorsqu’ilsengénèrent, le rendement peut varier considérablement enfonction de l’investisseur et de la manière dontl’investissementesteffectué.Parexemple,lerendementdela R‑D à financement public est généralement inférieur àceluidelaR‑Dàfinancementprivé(Keller,2010).Deplus,commelesdonnéessontgénéralementcollectéessurunebasegéographique,ilarrivesouventqu’ellesnefassentpasde distinction entre les investissements en R‑D effectuésdans les entreprises nationales et dans les filialesd’entreprisesétrangères.

Lamesuredesdemandesdebrevetsremédieàplusieurslimitations des autres approches. Contrairement à lacomparaison des dépenses de R‑D, les données sur lesdemandesdebrevetsmesurentlesproduitsduprocessusd’innovation (l’invention) plutôt que les intrants (larecherche).96Deplus,cetteapproche faitunedistinctionentrelesinnovationsdesrésidentsetdesnon‑résidents.97Toutefois, un simple décompte des brevets peut donnerune indication trompeuse du niveau technologique d’unpays,etcelapourplusieursraisons.Premièrement,iln’yapas nécessairement de corrélation directe entre lesinventions et les innovations. Toutes les innovations nesont pas brevetées. Par exemple, les brevets neconcernent généralement pas les innovations dans les

Page 42: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

157

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

services ou les méthodes d’organisation. De plus, lesinventions ne sont pas toutes brevetées dans le pays oùellesontétéproduites.

Uneinventionproduitedansunpaysendéveloppement,parexemple, peut ne pas être brevetée dans ce pays s’il estprobable que la technologie sera fabriquée ou produiteailleurs. De plus, la valeur scientifique des brevets estgénéralement très différente de leur valeur commerciale,un nombre de brevets assez restreint représentant unelargepartdelavaleurdustockdebrevets98,desortequelelienentre lenombredebrevetsd’unpaysetsaproductiontechnologiqueestassezténu.

S’agissant du transfert de technologie, deux aspectspeuvent être mesurés: les achats de technologie (voirl’encadré C.7)99 et les retombées technologiques. Lamesure des achats de technologie prend en compte lespaiements de redevances, le commerce des services deR‑D, le commerce des produits à fort contenutechnologique, la part de l’emploi étranger dans l’emploitotal,etl’investissementétrangerdirect.Danschaquecas,unecertainetechnologieestmiseàladispositiondupaysimportateur moyennant un paiement – droit de licence,salaire,prixduproduit.Cettemesuresupposedemanièreimpliciteque lesproducteursnationauxnedisposentpasen permanence de la technologie incorporée dans cesimportations. Si l’importation du produit ou du servicecessepouruneraisonquelconque,ousilalicencearriveàexpiration, les gains de productivité sont censésdisparaître car le pays importateur est incapable deproduire par lui‑même les connaissances incorporéesdansleproduit,leserviceoulalicence.

La mesure du transfert de technologie sur la base de lavaleurmonétairedestransactionscommercialesestlimitéepar le fait qu’elle ne tient pas compte des retombéestechnologiques – technologie que le pays importateurabsorbe sans paiement. Cela peut se faire de diversesfaçons, notamment par la formation des travailleurs,l’interaction avec les fournisseurs et la rétro‑ingénierie.Lorsqu’un pays importateur acquiert une technologie decette façon, les connaissances sont conservées même sil’importationcesseouestinterrompue.

Ilestdifficilededistinguerempiriquementlesretombéestechnologiqueset les fluxdeconnaissances,mais il y aau moins deux différences conceptuelles. D’une part ,contrairementauxretombées, lesfluxdeconnaissancesn’engendrent pas nécessairement des externalités; etd’autrepart ,ilsimpliquentuneinteractionbidirectionnelleentre les acteurs et non un transfert de technologie àsens unique d’un acteur à un autre. Pour estimer lesretombéestechnologiques,onétudiesouventl’impactdelaR‑Détrangèresurlaproductivitéoubienl’impactdelatechnologie développée à l’étranger sur le tauxd’innovation dans le pays qui la reçoit . Les données surles retombées technologiques sont examinées plus loindanslasection.

(ii) Géographie du progrès technologique

Nouveaux chefs de file

Aucoursdesdernièresannées,ilyaeudeschangementsimportants dans la géographie de l’innovation. L’écarttechnologiqueentre lespaysàrevenuélevéet lespaysà

faible revenupersiste,mais l’investissementenR‑Ds’estdavantagemondialisé (FuetSoete,2010;Lundvallet al. ,2009).

LafigureC.29montre larépartitionde laR‑Dd’entreprisedansunéchantillonde37payspour1999et2010.100Onvoit que, pendant la période de l’échantillonnage, lesdépenses de R‑D sont devenues moins concentrées. Parexemple, alors qu’en 1999, ces pays qui représentaient20% de la population totale étaient à l’origine d’environ70%desdépensesdeR‑D,ilsn’enreprésentaientplusque40%environen2010.

Un point très important est que certains pays qui étaientauparavant de simples plates‑formes de production pourles économies développées fondent de plus en plus leurcroissanceéconomique sur leur propre capacité à innoveretàcontribueraustocktechnologique(MahmoodetSingh,2003).Parexemple,letableauC.8indiquelenombretotaldedemandesdebrevetselonlepaysd’originedurequérant.Il montre que la contribution de la Chine et d’autres paysasiatiques, tels que Singapour, l’Inde et la République deCorée, au «stock» d’innovation technologique aconsidérablementaugmentéentre1985et2010.101

L’importance croissante de ces pays asiatiques dansl’innovation peut s’expliquer par la relocalisation d’unegrande partie de la capacité manufacturière sur leurterritoire (y compris le développement de nouvellesindustries nationales ou d’industries existantes etl’implantationdefilialesétrangères).CommelesoulignentPisano et Shih (2012), les producteurs tirent profit del’interaction avec les innovateurs, et inversement. Lepassagede laR‑Dà laproductionpeutêtrecomplexeetexige une bonne coordination entre ceux qui conçoiventunproduitetceuxquilefabriquent.Demême,ilpeutêtredifficile de concevoir un produit si le concepteur necomprend pas comment fonctionne la production. Il fautdoncs’attendreàcequelesavoir‑faire, larechercheet,àterme,l’innovationsedéplacentversl’Asie,danslesillagedel’activitémanufacturière.

Cependant,laplacegrandissantedespaysasiatiquesdansl’innovation ne tient pas uniquement aux entreprisesmultinationales.Parexemple,enChine, lagrandemajoritédes brevets et des activités de R‑D sont générés par desentitéschinoises.LaR‑Ddesfilialesétrangèresreprésenteencore une part assez modeste.102 Comme le montre lafigure C.30, le nombre de demandes de brevet déposéespardesrésidents103augmentesensiblementenAsiedepuis1995, tout comme les demandes de non‑résidents dansl’OCDE.

Internationalisation du progrès technologique

Comme on l’a vu plus haut, le progrès technologique estdéterminé non seulement par l’innovation intérieure, maisaussi par les retombées technologiques internationales.Danslespaysendéveloppement,oùl’innovationintérieureest faible, les retombées technologiques ont uneimportancerelativementplusgrande.Pourdéterminer leurnature et leur impact, il est essentiel d’en appréhender laportée géographique – localisée ou mondiale. En effet, laprévalence des retombées technologiques internationalesest un déterminant majeur de la répartition du revenumondial. Les retombées technologiques mondialesfavorisentlaconvergencedesrevenusdanslemonde,maiscen’estpaslecasdesretombéeslocales.

Page 43: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

158

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

EncadréC.7: Limites des mesures traditionnelles du transfert de technologie basées sur le marché et la propriété intellectuelle : perspective statistique

L’évolutiondesconditionséconomiquesetdespratiquescommercialesexigel’adaptationdescadresstatistiques.Larechercheméthodologiqueapermisdeclarifieruncertainnombredequestionsconceptuelleslaisséesdecôtéparlescadresstatistiquesantérieurs.C’estpourquoileSystèmedecomptabiliténationalede1993etlacinquièmeéditionduManueldelabalancedespaiements(MBP5)ontétéréviséstouslesdeuxen2008pourmieuxrendrecomptedelastructure de l’économie et des échanges. Par la suite, le Manuel des statistiques du commerce international desservicesaluiaussiétérévisépourassurersacompatibilitéaveclesprincipauxcadresetpourclarifierdesaspectsquin’avaientpasétépleinementdéveloppésdanslaversionprécédente,parexemplelamesuredel’offreinternationaledeservicesparmodedefourniture.

Lesnouvelleslignesdirectrices–sixièmeéditionduManueldelabalancedespaiements(MBP6)etédition2010duManuel des statistiques du commerce international des services (MSCIS 2010) – donnent aussi des indicationsconceptuelles plus claires sur à la manière de classer et de mesurer les transactions relatives à la propriétéintellectuelle et en particulier au transfert de technologie. La catégorie «redevances et droits de licence» a étéremplacéeparlacatégorie«fraispourusagedepropriétéintellectuellenoninclusailleurs»,etlarubrique«servicesderecherche‑développement»aétédécomposéeencatégoriesadditionnellespourpermettreunemesureconceptuelleplusprécise.

Lestransactionsliéesaudroitd’utiliserlesrésultatsdelarecherche‑développement104relèventdelacatégorie«fraispour usage de propriété intellectuelle n.i.a». Les transactions liées aux services de recherche‑développement ainsiqu’àlaventepureetsimplededroitsdepropriétédécoulantdelarecherche(parexemple,brevets,procédés,dessinset modèles industriels, droits d’auteur découlant de la recherche‑développement) sont classées sous la rubrique«services de recherche‑développement». Le MSCIS 2010 propose de décomposer cette rubrique en deuxsous‑rubriques:«travailmenédefaçonsystématiquepouraccroîtrelesconnaissances»(reflétantletraitementdelarecherche‑développement dans la comptabilité nationale) et «autres». La première sous‑rubrique est elle‑mêmedécomposée en deux éléments: «fourniture de services de recherche‑développement personnalisés et nonpersonnalisés»et«ventededroitsdepropriétédécoulantdelarecherche‑développement»,cettedernièrecomprenantelle‑même deux parties: «brevets, droits d’auteur découlant de la recherche‑développement, procédés, dessins etmodèlesindustriels»et«autres».

Lacollectedesdonnéescorrespondantesexigedesdirectivesappropriéespourlessystèmesdecollecte,telsquelesystèmedecommunicationdestransactionsinternationalesetlesenquêtesgénéralessurlecommercedesservices.Parexemple,danslecasdesentreprisesmultinationales,bonnombredestransactionsdetransfertdetechnologieontlieuauseindugrouped’entreprises,desortequel’évaluationdeséchanges(transactions)peutêtrefaussée,carlesprixutiliséspeuventêtrefortementinfluencésparlespolitiquesfiscalesenvigueuràl’endroitoùlesmultinationalesont établi des filiales et par conséquent, ces prix peuvent être très différents de la valeur des transactions sur lemarché«réel».Lapropriétééconomiquedesactifsdepropriété intellectuellepeutêtreunobstacleadditionnelà lamesure appropriée des transactions. En effet, une multinationale peut choisir de déposer un brevet ou un procédéindustrieldansunpaysplutôtquedansunautre,sur labased’unestratégied’«évasionfiscale».Parconséquent, lepaysdedépôtn’estpasnécessairementceluidupropriétaireéconomiquedel’objetdepropriétéintellectuelle–etlamême inventionpeut êtrebrevetéedans denombreux pays. Par exemple, d’après les statistiquesde l’Organisationmondialedelapropriétéintellectuelle(OMPI),environ40à50%desbrevetssontenfaitdes«dépôtssecondaires».

Dans d’autres cas, il se peut que les entreprises ne soient pas affiliées mais qu’une entreprise cliente délocalisecomplètement la production d’un bien (fabrication virtuelle) fournissant au fabricant toutes les connaissancesnécessairespourlaproductiondecebien.Làencore,onnesaitpastrèsbiencommentlestransactionspertinentesdevraientêtrecomptabilisées,enparticuliercellesquirelèventdutransfertdeconnaissances,carilpeutyavoirdesdifférencesconsidérablesenfonctiondutyped’arrangementadopté.

Autrementdit,mêmesileslignesdirectricesinternationalesclarifientlaclassificationconceptuelledestransactions,ellesnefontpasderecommandationsclairessurlamanièredecompilerlesstatistiquesrespectives.LadirectivedecompilationélaboréeactuellementparleGrouped’expertsdel’ONUsurlacompilationdesstatistiquesducommercedesservices105devraitcependantaideràclarifier lasituation.Enoutre, laConférencedesstatisticienseuropéensaétabli une équipe spéciale sur la production mondiale qui est chargée d’élaborer des directives plus précisesconcernant les accords de production mondiale du point de vue des comptes nationaux et des statistiques ducommercedesservicesetdelabalancedespaiements.

Après l’établissementdecesdirectivesplusprécises,desenquêtescibléesdevraientaideràaméliorer la situation,notammentencequiconcernelesdonnéesplusdétailléesquel’onsouhaiteobtenir.Néanmoins,denombreuxpaysetcompilateurs ne seront probablement pas en mesure de collecter convenablement ces données détaillées, souventpourdesraisonsbudgétaires.Unesolutionpourraitêtredecompléterleurssystèmesdecollecteplusgénérauxaveclesdonnéescollectéesetdiffuséespar lespaysquiadopterontunsystèmedecollectededonnéesplusdétailléetplus perfectionné (probablement les pays qui ont un intérêt particulier dans ces renseignements en raisond’importantesactivitésderecherche‑développement).Cependant,cettesolutionnepeutfonctionnerques’ilyaunecoopérationefficaceentrelescompilateursdesdifférentspays.Ilfaudra,enoutre,quelespaysquientreprendrontlacollectededonnéesdétailléespublientdesdonnéesbilatéralesdétaillées.

Page 44: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

159

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

Dansl’ensemble,lesdonnéesempiriquescorroborentl’idéequelesretombéessontgénéralementlocales–c’est‑à‑direqu’ellessontplusfortesàl’intérieurdespaysqu’entreeux.En utilisant la citation de brevets comme mesure desretombées technologiques, Jaffe et al. (1993) constatentque les brevets américains sont plus souvent cités dansd’autresbrevetsaméricainsquedansdesbrevetsétrangers(Branstetter,2001;EatonetKortum,1999).Examinantunpluslargeéventaildepays,Keller(2002)constateluiaussique les retombées technologiques internationalesdépendent de la distance géographique. En mesurantl’impact des dépenses de R‑D dans cinq pays de l’OCDEsur la productivité industrielle de neuf autres pays del’OCDE,ilconstatequecetimpactdiminueavecladistance.Toutefois, le degré de localisation diminue au cours dutemps. Pour la période 1973‑1983, Keller (2002) estimequ’àunedistancede2000kilomètresentrel’émetteuretle

récepteur de connaissances technologiques, seulement5%desconnaissancessonteffectivementabsorbées.Maisilconstateque,pourlapériode1986‑1995,cepourcentagepasseà50%.106

Une explication possible de l’élargissement du rayongéographique des retombées technologiques estl’internationalisationduprocessusd’innovation,notammentla mobilité croissante des experts et des compétences,l’augmentation de la corédaction internationale et la partcroissante des brevets déposés par des inventeurs deplusieurs pays (OMPI, 2011). Comme le montre la figureC.31, l’une des évolutions récentes les plus intéressantesest la fréquence accrue de la corédaction entrescientifiquesetchercheursdepaysdéveloppésetdepaysendéveloppement.

TableauC.8:Demandes de brevets par pays d’origine, 1985-2010 (30premierspays)

Nombre de demandes de brevets Rang mondial

Office des états-Unis

uniquement

Office des états-Unis

uniquement

Origine 2010 2010 1985 2010 2010 1985

Japon 468320 84017 274404 1 2 1

États‑Unisd'Amérique 432911 241977 64308 2 1 3

Chine 308318 8162 4066 3 9 10

Corée,Rép.de, 178644 26040 2703 4 4 15

Allemagne 173532 27702 32574 5 3 4

France 65623 10357 12240 6 8 6

Royaume‑Uni 50865 11038 19846 7 7 5

Suisse 39393 4017 3344 8 13 13

Pays‑Bas 33388 4463 1994 9 11 20

FédérationdeRussie 32835 606 3 10 26 71

Italie 27910 4156 2137 11 12 18

Canada 24209 11685 2110 12 6 19

Suède 22443 3840 3871 13 14 12

Inde 14862 3789 982 14 15 27

Finlande 13046 2772 1732 15 17 23

Belgique 11804 2084 807 16 18 30

Australie 11556 3739 21 17 16 54

Danemark 11233 1773 872 18 19 29

Autriche 11062 1661 2282 19 20 16

Israël 10928 5149 800 20 10 31

Espagne 10733 1422 2163 21 22 17

RépubliquepopulairedémocratiquedeCorée

8055 ‑ ‑ 22 ‑ ‑

Norvège 5595 936 928 23 24 28

Singapour 4229 1540 4 24 21 69

Brésil 4212 568 1954 25 27 22

Turquie 4211 150 132 26 36 38

Irlande 4102 796 730 27 25 32

Pologne 4061 185 5124 28 35 8

Nouvelle‑Zélande 3223 541 1010 29 28 26

Ukraine 3038 64 ‑ 30 48 ‑

Source :CalculsdesauteurssurlabasedesStatistiquesdelapropriétéintellectuelledel’OMPI,disponiblesàl’adressesuivante:http://ipstatsdb.wipo.org/ipstatv2/ipstats/patentsSearch,consultéesenmars2013.

Page 45: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

160

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

FigureC.29:Répartition de la recherche-développement, 1990-2010 (partscumulées)

% d

es D

IRD

E to

tale

s

% de la population totale (37 pays)

Dépenses de recherche-développement des entreprises, 1999Dépenses de recherche-développement des entreprises, 2010

50

60

70

80

90

100

40

30

20

10

0

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Source :Calculsdesauteurssurlabasedesdonnéesrelativesàlarecherche‑développementprovenantdesStatistiquesdelascience,delatechnologieetdelaR‑Ddel’OCDE«http://www.oecd‑ilibrary.org/fr/science‑and‑technology/data/statistiques‑de‑l‑ocde‑de‑la‑science‑et‑technologie‑et‑de‑la‑r‑d_strd‑data‑fr»etdesdonnéessurlapopulationprovenantdesIndicateursdudéveloppementdanslemonde(http://databank.worldbank.org).

FigureC.30:Demandes de brevet des résidents et des non-résidents, 1995-2010

0

20

10

19

95

19

96

19

97

19

98

19

99

20

00

20

01

20

02

20

03

20

04

20

05

20

06

20

07

20

08

20

09

100 000

200 000

300 000

400 000

500 000

600 000

700 000

800 000

900 000

R OCDE NR OCDE R AsieNR Asie NR LACR LAC

Source :Calculsdesauteurssurlabasedesdonnéesstatistiquesdelapropriétéintellectuelledel’OMPI(http://ipstatsdb.wipo.org/ipstatv2/ipstats/patentsSearch).

Note :Leslignescontinuesreprésententlesrésidents(R),leslignesenpointilléslesnon‑résidents(NR).L’Italieestexcluedugroupedel’OCDEenraisondumanquededonnées.Larégiondel’Asieestreprésentéeparlesprincipauxdéposantsdedemandesdebrevet.EllecomprendlaChine,leJaponetlaRépubliquedeCorée;l’AmériquelatineetlesCaraïbes(LAC)comprennentleBrésil,leChilietleMexique.

L’importance accrue des réseaux de production est unautre facteur pouvant expliquer l’élargissement du champdes retombées de la R‑D. La fragmentation internationaledu processus de production accroît les interactionstransfrontalières, ce qui entraîne une augmentation desretombées technologiques. Suivant l’approche suggéréeparKeller(2002)etparBottazzietPeri(2003),leprésentrapport tenteaussidedéterminercomment les retombéesde la R‑D diminuent avec la distance, mais il fait unedistinction entre les pays qui sont fortement intégrés etceuxquinelesontpas.107

Comme l’indique la figure C.32, les retombées de la R‑Dprovenant de pays verticalement intégrés restent plusimportantes sur de plus longues distances que lesretombées provenant de pays qui sont en moyenne moinsintégrésverticalement.Plusprécisément,uneaugmentationde 10% des dépenses de R‑D étrangères dans des payséloignésde300kilomètressetraduit,enmoyenne,paruneaugmentationde0,04%desdemandesdebrevetsdanslepays concerné. Mais ce chiffre est plus élevé pour lespaires de pays intégrés verticalement, pour lesquelles onestimeà0,08%l’augmentationdesdemandesdebrevets’ilyaune forte intégrationverticaleentre lesdeuxpays (lesdétailsdelaméthodefigurentdansl’encadréC.8).

Les réseaux de production ont peut‑être aidé à élargir lerayon des retombées technologiques, mais ces réseaux

sontgénéralement régionauxplutôtquemondiaux–c’est‑à‑direqu’ilsonttendanceàaccroîtrelesfluxd’échangesetd’investissements entre des lieux proches plutôt qu’entredes lieux éloignés. Il se peut donc que la diffusion de latechnologie soit plus régionalisée que mondialisée –observation corroborée par les conclusions du présentrapport. Comme le montre la figure C.33, les retombéestechnologiques sont beaucoup plus importantes entre lespaysd’unemêmerégion.

La structure observée du commerce des produits de haute technologie étaye aussi l’idée que les retombéestechnologiques sont peut‑être régionalisées. La figureC.34 indique la part en pourcentage des échangesde produits de haute technologie à l’intérieur d’unerégion, par rapport aux échanges entre régions. Si l’onconsidèrequ’uneaugmentationdeséchangesdeproduitsde haute technologie indique des retombéestechnologiques plus importantes, l’augmentation ducommerce de ces produits à l’intérieur d’une région peutindiqueruneintensificationdeladiffusiondetechnologieauniveaurégional.

La régionalisation des retombées technologiques a pourconséquence l’émergence possible de «clubs deconvergence», c’est‑à‑dire de groupes de pays quideviennentdeplusenplussemblablesentermesdeniveautechnologique,quicommercentplusentreeux,quiontdes

Page 46: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

161

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

FigureC.31:Corédaction internationale d’articles scientifiques et techniques, 1995-2010 (milliers)

1995 2010

En développement-en développement

1,511,3

17,5

70,3

6,6

22,5

Développés-en développement

Développés-développés

Source :Calculsdesauteurssurlabasedesdonnéesdutableau5‑41del’appendicedeScience and Engineering Indicators 2012,NationalScienceFoundation(NSF).Disponibleàl’adressesuivante:http://www.nsf.gov/statistics/seind12/append/c5/at05‑41.xls.

intérêtséconomiquessimilairesetquipeuvents’employeràconstruiredesinstitutionsrégionalesplussolides.

(iii) Nature évolutive du progrès technologique

Répartition sectorielle

LesdépensesdeR‑Dsontfortementconcentrées.Prèsde90%des investissementsenR‑Dont lieudans lesecteurmanufacturier, et dans ce secteur, plus de 90% desinvestissements sont concentrés dans seulement quatre

sous‑secteurs: les produits chimiques, les machinesélectriquesetnonélectriques (ycompris les technologiesdel’informationetdelacommunication–TIC)etlematérielde transport (voir le tableau C.9 et le tableau C.1 del’appendicepourplusdeprécisionssurlacomposition).

Bien que la R‑D ait lieu principalement dans le secteurmanufacturier, c’est dans le secteur des services qu’elleaugmente le plus rapidement depuis le début des années1990. Le tableau C.9 montre que les dépenses de R‑Ddans les services sont passées de 6,7% de la R‑D totaledesentreprisesentre1990et1995àprèsde17%entre2005et2010.Danslesecteurdesservices,lesdépensesde R‑D ont augmenté surtout dans les services auxentreprises pendant la période (voir le tableau C.2 del’appendice). En général, les services aux entreprises àforte intensité de connaissances (SEFIC) apparaissentcomme les principaux vecteurs de l’accumulation deconnaissances,etilsepeutqu’àlongtermeilssupplantentle secteur manufacturier comme moteur de l’innovationmondiale. L’enquête communautaire sur l’innovation 2008d’Eurostat108 révèle que le pourcentage d’entreprisesinnovantes dans certaines catégories de SEFIC – parexemple 59% dans l’information et la communication et52%danslafinanceetlesassurances–estplusélevéquedanslesecteurmanufacturier(51%)(Meliciani,2013).

Les données sur les demandes de brevets mettent enévidencel’importantecontributiondesTICàl’innovationaucours des trois dernières décennies. Le tableau C.10montre lesdixdomaines technologiquesoù lesdemandesde brevet ont augmenté le plus rapidement pendant lapériode1980‑2010.Parmicesdixdomaines,cinqsontliésaudéveloppementdesTIC–àsavoirméthodesdegestiondesTI,communicationnumérique,technologieinformatique,semi‑conducteursettélécommunications.

FigureC.32:Retombées de la recherche-développement par rapport à la distance et au degré d’intégration verticale

Pays intégrés verticalement Tous les pays

0 Km

0,02

0,04

0,06

0,08

0,1

0,12

0

20

0

60

0

1 0

00

1 4

00

1 8

00

2 2

00

2 6

00

3 0

00

3 2

00

3 4

00

3 6

00

3 8

00

4 0

00

4 2

00

4 4

00

40

0

80

0

Varia

tion

en %

du

nom

bre

de b

reve

ts d

ue à

une

var

iatio

n

de 1

0 %

des

dép

ense

s de

rech

erch

e-dé

velo

ppem

ent

1 2

00

1 6

00

2 0

00

2 4

00

2 8

00

Source :CalculsdesauteurssurlabasedeR.PiermartinietS.Rubinova(2013).Pourplusdedétails,voirl’encadréC.8.

Note :Les«paysintégrésverticalement»sontdéfiniscommeétantlespairesdepaysdontlapartducommercedesbiensintermédiairesestsupérieureàlamédiane.

Page 47: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

162

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

EncadréC.8: Réseaux de production et géographie des retombées technologiques : méthodologie

LesestimationsdesretombéesinternationalesdelaR‑DprésentéesdanslesfiguresC.31etC.32ontétéobtenuesaumoyend’unmodèleéconométrique(PiermartinietRubinova,2013).Suivantlalittératureéconomique(Keller,2002;etBottazzietPeri,2003),lesdemandesdebrevetd’unpaysontétémisesencorrélationavecsesdépensesdeR‑DetaveclaR‑Deffectuéeàl’étranger. Intuitivement,si leniveaudelaR‑Détrangèrecomptepourl’innovationnationale,unepartiedelatechnologiecrééeàl’étrangerdoittraverserlesfrontièresinternationales.

Plusprécisément,enutilisantunpanelde41payspourlapériode1996‑2007,onaformulél’équationsuivante:

ln(Patents)it=α+β∙ln(R&D)it+γ∙PoolR&D it+Xit ∙δ+t+e it

oùPatentsdésignelenombrededemandesdebrevetsdupaysiaumomentt,R&DdésignelesdépensesdeR‑DdesentreprisesnationalesetPoolR&D désignelestockdeR‑Ddisponiblepourlepaysderéférenceetgénéréàl’étranger.Toutes lesvariablessonten logarithmes(ln).Enparticulier, lavariablePoolR&D correspondà lamoyennepondéréedesdépensesdeR‑Ddel’ensembledespaysétrangers,lefacteurdepondérationétantladistanceentrelepaysderéférenceetchaquepaysétranger.La formuleutiliséepourconstruirecettevariableestPoolR&D it=∑j≠i ln(R&D)jt ∙exp(‑distance ij)

Unesériedevariablesdecontrôle(dénotéesparXdansl’équationci‑dessus)ontaussiétéintroduites.Cesont,entreautres, lapopulationet lePIB réelparhabitantpour tenircomptede la tailledumarchéd’unpays, laproportiondediplômésde l’enseignementsupérieurdans lapopulationtotale,pour tenircomptede lacapacitédupaysàgénérerl’innovation,et leniveaude laprotectionparbrevetainsique l’originedusystème juridique,pour tenircomptede laqualitédesinstitutions,quiestundéterminantimportantdel’incitationàinnover.

Lecoefficientd’intérêtestγ.Ilindiquelavariationenpourcentagedel’activiténationaleenmatièredebrevetsdueàune augmentation de 1% du stock de R‑D étrangère. Une valeur positive de ce coefficient dénote l’existence deretombéestechnologiquesinternationales.

Pourtesterl’influencedesréseauxdeproductionsurlesretombéesinternationales,lavariablePoolR&Daétédiviséeendeuxcomposantes.L’uneestlestockdeR‑Dprovenantdepaysétrangersverticalementintégrésaveclepaysderéférence.L’autreest lestockdeR‑Dprovenantdurestedumonde.La liaisonverticaleaétédéfiniesur labasedupourcentagedepiècesetcomposantsdemachinesquelepaysiimportedupaysj parrapportauximportationstotalesdemachinesdupaysi.Ainsi,lepaysj estidentifiécommeunpaysfortementintégréverticalementaveclepaysisisesexportationsdebiensintermédiairesverslepaysisontsupérieuresàlamédiane.

LadivisiondustockdeR‑D,apermisdeconstaterqueseules lesdépensesdeR‑Ddespaysquisontd’importantsfournisseursd’intrantsontuneffetpositifetsignificatifsurl’activitédebrevetdupaysderéférence.

Du faitde l’importancedesTICdans l’innovationaucoursdes dernières décennies, beaucoup considèrent larévolutiondesTICcommelatroisièmepérioded’innovationindustrielle. Cette révolution débute en 1960, après deuxvagues d’innovation. La première, entre 1750 et 1830, acréélemoteuràvapeur,lesfilaturesdecotonetlecheminde fer. La deuxième, entre 1870 et 1900, a produitl’électricité, le moteur à combustion interne et l’eaucouranteavecplomberieintérieure.Jorgensonet al. (2005)ont étudié en profondeur la contribution des TI à laproductivitéetàlacroissance.Selonleursestimations, lesindustries productrices de TI prises ensemble ont pluscontribué à la croissance de la productivité totale desfacteurs entre 1977 et 2000 que toutes les autresindustriescombinées.

Toutefois, d’autres économistes se sont demandé sil’innovation liée aux TIC avait eu un impact aussi profondsur la croissance économique que les avancéestechnologiques antérieures telles que la vapeur oul’électrification. Dans un article récent, Gordon (2012) faitvaloirque la révolutiondesTICn’apas fondamentalementtransformélesniveauxdevieetquesonimpactéconomiquediminue déjà. Pour étayer cet argument, il note que lacroissancedelaproductivitéauxÉtats‑Unisralentitdepuislesannées1970.

D’autres économistes expliquent différemment leralentissement de la productivité aux États‑Unis et sontplus optimistes quant à l’impact potentiel de la révolutiondesTICsurlacroissance.Premièrement,leschocsdesprixdel’énergiedanslesannées1970et2000peuventmieuxexpliquer le ralentissement de la productivité, qui s’estamorcé dans les années 1970 et s’est progressivementétendu à l’économie en général à travers les secteursconsommant le plus d’énergie. Deuxièmement, il se peutque larévolutiondesTICensoitencoreàsesdébuts,sesprincipalesretombéeséconomiquesrestantàvenir.Ilafalluprèsd’unsièclepourquel’impactdesdeuxgrandesvaguestechnologiques antérieures, au début du XIXe et du XXesiècle,sediffusepleinementdansl’ensembledel’économie.

Enoutre,l’influencedelatechnologieetdel’innovationsurl’économie peut être cumulative. Le doublement de lacapacité technologique ne change peut‑être pasgrand‑chose lorsque leniveaudedépartest faible,mais ilpeut avoir une incidence énorme lorsque le niveaus’élève.109 La croissance exponentielle d’Internet au coursdesdeuxdernièresdécennies,àmesurequelessynergiesentre les technologies de l’information et de lacommunicationexistantesontétéreconnuesetexploitées,illustrebienceteffetcumulatif.

Page 48: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

163

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

FigureC.33:Retombées technologiques dans une région par rapport aux retombées dans les autres régions

0

0,2

0,1

UE-27 CEI Amérique du Nord Amérique du Sud Asie de l’Ouest Asie de l’Est

0,3

0,4

0,5

Varia

tion

en %

du

nom

bre

de b

reve

ts d

ue à

une

var

iatio

n d

e 10

% d

es d

épen

ses

de re

cher

che-

déve

lopp

emen

t ét

rang

ères

dan

s un

rayo

n de

300

km

0,6

0,7

0,8

0,9

Retombées intrarégionalesRetombées extrarégionales, flux sortantsRetombées extrarégionales, flux entrants

Source :CalculsdesauteurssurlabasedeR.PiermartinietS.Rubinova,2013.Pourplusdedétails,voirl’encadréC.8.

FigureC.34:Exportations de produits de haute technologie à l’intérieur d’une région et entre les régions, 1998-2011 (milliardsde$EUetpourcentage)

1998 2011

Amérique du Nord

150 155

28 %

72 %

34 %

66 %

1998 2011

Europe

221

564

62 %

38 %

58 %

42 %

74%

Exportations extrarégionalesExportations intrarégionales

1998 2011

Amérique du Sud et centrale et les Caraïbes

4,3

16,3

33 %67 %

32 %

68 % 1998 2011

Afrique

0,9

2,2

70 % 35 %65 %

1998 2011

Moyen-Orient

3,3

6,9

99,7 % 97 %

1998 2011

Communauté d'États indépendants

2,6

5,4

81 % 27 %

73 %

1998 2011

Asie

140

540

46 %

54 %

59 %

41 %

Source :CalculsdesauteurssurlabasedesdonnéesduWorldIntegratedTradeSolution(WITS)delaBanquemondiale(http://wits.worldbank.org/wits).LadéfinitiondesproduitsdehautetechnologieretenueestcelleduGroupedetravaildel’OCDEsurlesstatistiquesducommerceinternationaldebiensetdeservices(2008).

Note :Letracédesfrontièresn’impliqueaucunjugementdelapartdel’OMCquantaustatutjuridiquedesfrontièresoudesterritoires.

Rôle des multinationales et des PME

LamajeurepartiedesdépensesdeR‑Dsonteffectuéespar

desentreprises implantéesdans lespaysde l’OCDE,eten

particulier par les entreprises.110 Les données disponiblespour1999montrentqu’auxÉtats‑Unislessociétésmèresdemultinationalesétaientàl’originede83%dutotaldelaR‑Ddanslesecteurmanufacturier(NSF,2005).

Page 49: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

164

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

TableauC.9:Recherche-développement des entreprises par secteur, 1990-2010Secteur Moyenne 1990-1995 Moyenne 2005-2010

ValeurPart dans la DIRDE

totaleValeur

Part dans la DIRDE totale

Agriculture,chasseetsylviculture 578,5 0,4 606,1 0,2

Industriesmanufacturières 126442,8 88,9 200273,1 81,0

Services 9470,8 6,7 41703,0 16,9

Source :Calculsdesauteurs,surlabasedesStatistiquesdelascience,delatechnologieetdelaR‑Ddel’OCDE,disponiblesàl’adressesuivante:http://www.oecd‑ilibrary.org/science‑and‑technology/data/statistiques‑de‑l‑ocde‑de‑la‑science‑et‑technologie‑et‑de‑la‑r‑d_strd‑data‑fr.

Note:Totalde24pays;valeursenmillionsde$EU,ajustéesenPPA,prixconstantsde2005,parten%.Àdesfinsdecohérenceetdecomparabilité,le total de la DIRDE (dépenses intérieures en recherche‑développement des entreprises) par secteur est calculé uniquement à partir des paysdisposantdedonnéespourl’ensembledestroissecteurs,pourlesdeuxpériodes1990‑1995et2005‑2010.Parconséquent,l’échantilloncomprend24 pays: Allemagne, Autriche, Canada, République de Corée, Danemark, Espagne, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Japon, Mexique,Norvège,Nouvelle‑Zélande,Pays‑Bas,Portugal,Républiquetchèque,Roumanie,Républiqueslovaque,Singapour,Slovénie,SuèdeetTurquie.

TableauC.10:Publication de brevets par domaine technologique (dix progressions les plus rapides), 1980-2010 (pourcentage)

Domaine technologique

Taux de croissance

moyen 1980-2010

Part de la publication

mondiale totale de brevets en

2010

Technologiedesmicrostructures,nanotechnologies

98 0,17

MéthodesTIpourlagestion 58 1,31

Communicationnumérique 39 4,27

Informatique 26 7,37

Biotechnologie 24 2,28

Semiconducteurs 22 4,35

Technologiemédicale 20 4,41

Télécommunications 18 3,20

Analysedematérielsbiologiques

17 0,67

Technologieaudiovisuelle 16 4,57

Source : Calculs des auteurs, sur la base des Statistiques de lapropriété intellectuelle de l’OMPI,disponibles à l’adresse suivante:http://ipstatsdb.wipo.org/ipstats/patentsSearch.

Jusqu’ici, les petites et moyennes entreprises (PME) ontétédépasséesparlesgrandesentermesdedépensesdeR‑Detd’innovation.DansunrécentrapportsurlesPMEetl’innovation, l’OCDE (2010a) fait observer que «les PMEgénèrent moins d’innovation que les grandes entreprisesdans différentes catégories dont l’innovation de produit,l’innovation de procédé, l’innovation non technologique,l’innovation de produits nouveaux pour le marché et lacollaborationàdesactivitésd’innovation».L’écartobservépersisteencoremêmeaprèsajustementpourtenircomptede la taille des entreprises – autrement dit , les PME ontdes taux d’innovation par employé inférieurs à ceux desgrandes entreprises (Audretsch, 1995). Toutefois, cetécart statistique masque le fait qu’il y a une importanteinteractionentrelesgrandesentreprisesetlesPMEdansle domaine de l’innovation. Il arrive souvent que les PMEtrès innovantes soient rachetées par de grandesentreprises qui développent et commercialisentl’innovationinitiale.

IlyalieudepenserquelesPMEjouerontunrôledeplusenplusimportantdanslepaysagemondialdel’innovation.L’évolution récente des techniques de production et desgoûts des consommateurs donnent à penser que leséconomies d’échelle et de portée dans la R‑D et la

production – avantage concurrentiel des grandesentreprises – deviendront moins importantes et moinsavantageusesdansl’avenir.L’OCDE(2010a)signaledeuxtendances particulières qui sont susceptibles d’amoindrirl’importancedeséconomiesd’échelleetdeportéeetquipourraient conférer davantage de poids aux PME.Premièrement,certaines innovations,comme l’impressionen 3D, permettront aux PME de différents secteurs deproduireàpetiteéchelleaussiefficacementqu’onproduità grande échelle. Deuxièmement, à mesure que lesrevenus des consommateurs mondiaux augmentent, leurdésirdevariétéaugmenteluiaussi,cequidonneauxPMElapossibilitéd’occuperdesmarchésdeniche.

Cestendancessignifientquel’avantagedesmultinationales,quiproduisentàgrandeéchelledesproduitsstandardisésàfaiblecoût,diminuerapeut‑êtredansl’avenir.Onpeutdoncs’attendre à ce que les petites entreprises innovantessoient plus susceptibles de commercialiser leurs propresinnovations et d’investir davantage dans des nouvellesinnovations.

(b) Technologieetcommerce,unerelationàdoublesens

Dans la théorie économique classique, le niveautechnologique d’un pays est une variable explicativeexogèneducommerce–autrementdit, la technologieestconsidérée comme un facteur donné qui détermine lesautresvariableséconomiques,ycomprislesexportationsetles importations. Toutefois, dans le monde réel, lechangement technologique n’est pas le produit aléatoired’un stock mondial d’innovation, mais c’est plutôt larésultante de plusieurs forces économiques. Lorsqu’uneentreprisedéterminecombieninvestirdanslaR‑D,elletientcomptedurendementéconomiqueattendude l’innovation.PluslerendementescomptépourchaquedollardedépenseenR‑Destgrand,plusl’incitationàinvestirdansl’innovationaugmente.

Plusieursfacteursinfluentsurl’incitationdesentreprisesàinnover, l’un étant le commerce. Par conséquent, pourcomprendrecommentleprogrèstechnologiqueinfluerasurles structures futures du commerce, il importe égalementdecomprendrecomment lecommerce lui‑même influesurleprogrèstechnologique.

Cette section examine d’abord comment le progrèstechnologique influe sur le commerce, puis elle analysecomment le commerce et d’autres facteurs influent sur leprogrèstechnologique.

Page 50: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

165

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

(i) Comment la technologie influe‑t‑elle sur le commerce ?

Détermination de l’avantage comparatif

Lathéorieéconomiqueconsidèrelatechnologiecommeunfacteurquidéterminelastructuredeséchanges.D’aprèslathéorie classique, le commerce a lieu parce que les payssont différents, l’une de ces différences étant liée à latechnologie. En déterminant l’avantage comparatif, lesdifférences technologiques entre les pays contribuentégalement à façonner la structure des échanges. Dans lemodèlericardienleplussimple,unpaysexportelebienqu’ilpeut produire de manière relativement plus efficiente quesonpartenairecommercial–autrementdit, lebiendont lecoûtd’opportunitéestleplusbas.

Jusqu’à une date récente, la théorie du commerce faisaitabstraction des différences entre les entreprises, et lesmodèlesducommerceinternationalsupposaientquetoutesles entreprises d’un pays disposaient de la mêmetechnologie. Toutefois, ces modèles n’expliquaient pas lefait que toutes les entreprises n’exportent pas et que lesentreprisesqui exportent sontgénéralementplusgrandeset plus productives que les autres. Dans les nouveauxmodèles du commerce, le savoir technologique d’uneentrepriseestconsidérécommeunfacteurquidéterminesielle exportera ou si elle desservira uniquement le marchéintérieur(Melitz,2003).

La productivité relative d’une entreprise détermineégalement si elle exportera ses produits ou si elle lesvendrapar l’entremised’unefilialeétrangère–ceque l’onappelle l’IED «horizontal» (Helpman et al., 2004).L’hypothèse est que l’exportation entraîne des coûts fixesinférieurs à ceux de l’IED, tandis que l’IED entraîne descoûtsvariablesinférieursàceuxdel’exportation.Enraisondescoûtsfixesde l’exportation, seules lesentreprises lesplusproductivesexporteront,etparmielles,seuleslesplusproductivess’engagerontdansl’IED.

Dansunmondeoùlesentreprisesproduisentdesproduitsfinals en assemblant divers biens intermédiaires, latechnologie détermine aussi dans une large mesure si laproduction d’un intrant ou l’exécution d’une tâche aurontlieulocalementpourl’exportationouserontdélocalisés.Engénéral, les modèles de commerce des entreprisesintégréesverticalementsupposentquelatechnologiepeutêtre transférée de la société mère à la filiale (notammentles modèles récents du commerce des tâches, lequeldépend de l’avantage comparatif dans les facteurs deproduction).

Toutefois, quand le transfert de technologie est coûteuxpour un marché donné, les intrants technologiquementcomplexes seront produits localement puis exportés, etseuls les intrants plus standardisés seront produits àl’étranger.Celatientàceque,danslecasdesintrantspluscomplexes, il peut être plus coûteux de transférer lestechnologies nécessaires à la production délocalisée. Deplus, si le transfert de la technologie nécessaire pour laproduction de biens intermédiaires nécessite unecommunication face à face, la complexité technologiquedes intrants qu’une filiale importe de sa société mèreaugmentera avec la distance entre la société mère et safiliale. De fait, les exportations des États‑Unis montrentqu’il y a une relation positive entre la complexité des

exportations(mesuréeparleurcontenumoyenenR‑D)etladistance géographique par rapport aux marchés dedestination(KelleretYeaple,2009et2012).

Les modèles ricardiens classiques du commerce, et lesmodèles des entreprises hétérogènes, ne tiennent pascompte des retombées technologiques. Les importationsincorporent la technologie étrangère, mais elles nemodifientpaslesavoir‑fairetechnologiquedel’importateur.De même, dans le modèle classique des entreprisesintégrées verticalement, il n’y a pas de retombéestechnologiques entre la filiale et les entreprises locales.Pourtantlesdonnéescorroborentclairementl’existencederetombéesdesconnaissances.

Quelles en sont les implications pour la structure deséchanges? Si les pays avaient le même accès à latechnologie, en d’autres termes, si la diffusion de latechnologie était parfaite et universelle, les échanges seferaient uniquement sur la base de l’abondance relativedes facteurs plutôt que sur la base des différencestechnologiques(théoriedeHeckscher‑Ohlin).Cependant,la diffusion de la technologie n’est ni parfaite, niuniverselle. Ilestdoncessentieldecomprendre laportéegéographique et l’impact des transferts de technologiepour savoir quels facteurs façonnent le commerce –l’abondance relative des facteurs ou les différences deniveautechnologique.

Les concepts associés à la nouvelle géographieéconomiquepeuventdonnerdes indications fortutilessurlamanièredontladiffusiondelatechnologieinfluesurlesstructures de la production et du commerce (Krugman,1991;HeadetMayer,2004;Krugman,1998).Étantdonnéque les retombées technologiques sont plus importantesentre des entreprises géographiquement proches, ce quileur permet de réduire leurs coûts de production et d’êtreplus compétitives sur les marchés internationaux, cesretombéescréentindirectementdesforcesd’agglomérationqui façonnent le commerce. Pour profiter des retombéestechnologiques, les industries auront tendance à seconcentrerdanscertains lieux,enparticulierdansunpaysayant un vaste marché intérieur pour le produit concerné.L’implantation sur un vaste marché profitera aussi auxentreprisesenréduisantlescoûtsdetransportetlescoûtscommerciaux. Il s’ensuitque,danscesconditions,unpaysexporteraleproduitpourlequelilpossèdeunavantagesurlemarchéintérieur–c’estàdireleproduitpourlequelilalaplusfortedemandeintérieure.111

Réduction des coûts commerciaux

Les coûts commerciaux sont généralement considéréscomme un plus grand obstacle au commerce que lesbarrières liées aux politiques. En 2004, par exemple, lesdépenses globales liées à l’expédition ont représenté àellesseulesletripledumontantglobaldesdroitsdedouaneacquittés (Anderson et Van Wincoop, 2004). Touteévolutiondescoûtscommerciauxpeutdoncavoiruneffetimportantsurlecommerce.

L’innovationtechnologiqueaeuunfortimpactsurlescoûtscommerciaux. L’avènement de la conteneurisation et dumoteur à réaction a considérablement réduit les coûts dutransport maritime et aérien. Plus récemment, l’utilisationdesradiofréquences,despucesRFIDetd’Internetapermisauxentreprisesdesuivreunproduitàtoutmoment,cequiaconsidérablement amélioré les services logistiques et

Page 51: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

166

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

permis le développement d’un système de transportmultimodalplusefficace.CommeonleverradanslasectionC.4, la réduction des coûts de transport a un impactimportantsurlevolumeetlacompositiondeséchanges.

Les avancées technologiques ont aussi réduitconsidérablement les coûts de communication. Lesexportateurs ont besoin d’informations sur les possibilitéscommerciales rentables. Les importateurs ont besoind’informationssurlesfournisseursdebiensintermédiaires,surlesspécificationsdesproduitsetsurlaprogrammationdesprocessusdeproduction.Letéléphoneresteunmoyende communication essentiel, mais Internet est un outil decommunicationdeplusenplus important, versatileetpeucoûteux.Letéléphonemobileestdeplusenplusutilepourlecommerce,notammentdanslespaysendéveloppement,car ilexigemoinsd’infrastructureetn’estpas liéàun lieuparticulier.

La baisse des coûts de communication influe de diversesfaçons sur le commerce. Premièrement, elle peut réduireles coûts commerciaux variables et contribuer ainsi àl’augmentationdu volumedeséchanges, à peuprèsde lamême manière que l’abaissement des droits de douane.Deuxièmement, elle peut réduire les coûts commerciauxfixes en améliorant l’accès des exportateurs ou desimportateursàl’information–del’intelligencecommercialeà l’informationsur lespartenairescommerciauxpotentiels.Commeon l’a vuplushaut, quand lescoûtsd’entréefixessont élevés, seules les entreprises les plus productivespeuvent exporter; on peut donc s’attendre à ce qu’unebaissedescoûtsdecommunicationencourage lespetitesentreprises moins productives à entrer sur les marchésinternationaux.

EnexaminantlestransactionseffectuéessureBay,Lendleet al. (2012) montrent dans une étude récente que, si laplupartdesvendeurs«horsligne»exportentunseulproduitvers un seul marché, la plupart des vendeurs sur eBayexportentplusdecinqcatégoriesdeproduitsversplusdecinq marchés, ce qui donne à penser qu’Internet asensiblementréduitlescoûtsducommercetransfrontièrespour les petites entreprises, notamment les coûts liés àl’appariement des acheteurs et des vendeurs.Troisièmement,labaissedescoûtsdecommunicationpeutinfluer sur la composition des échanges. Comme certainssecteursexportateurs–notammentceuxquiontdescyclesdeproduit court (parexemple, l’électroniquegrandpublic)ou ceux qui s’insèrent dans des chaînes de productioncomplexes (par exemple, les pièces d’automobile) – sontplussensiblesàl’informationqued’autres,ilstirerontdelabaissedecescoûtsunavantagedisproportionné.Fink et al. (2003) montrent que l’impact de la baisse des coûts decommunication est jusqu’à trois fois plus élevé sur lecommerce de biens différenciés (comme les produitsmanufacturés technologiquement avancés) que sur lecommerce de produits homogènes (comme les produitsagricolesoulesproduitsmanufacturésstandardisés.

TIC et commerce

LedéveloppementetladiffusiondesTIConteuunimpactparticulièrement marqué sur le commerce – y comprisen augmentant l’importance du commerce des biensintermédiairesetdesservices,ducommerceélectroniqueet du commerce des pays en développement. LesTIC étaient une condition essentielle pour la croissancerapide des chaînes d’approvisionnement mondiales car

elles ont facilité la coordination transfrontalière de laproduction.Lefonctionnementdeschaînesdeproductionexige une coordination étroite et constante des activitésdu siège et des filiales. Le partage de renseignementsentre les opérateurs de terminaux, les expéditeurs, lescourtiers en douane et divers autres acteurs revêt uneimportancecrucialepourlagestionefficientedesréseauxde production, où la livraison juste à temps est unimpératif.L’unedesretombéesdelarévolutiondesTICestque, depuis le début des années 1990, le commercemondial des pièces et composants augmente beaucoupplus rapidement que le commerce total desmarchandises.112

L’évolution des TIC a aussi favorisé la croissance ducommerce des services, y compris la délocalisation decertaines activités, comme le traitement des données, larecherche‑développement et les processus d’entreprise,danslespartiesdumondeoùlescoûtssontplusbas.Desservices qui n’étaient pas exportables dans le passé – ouquil’étaientseulementàuncoûttrèsélevé–sontdevenustout à fait exportables aujourd’hui. Cela vautparticulièrement pour les services aux entreprises à forteintensité de connaissances (SEFIC): services juridiques,services comptables, conseil fiscal, études de marché,audit,conseilengestion,architecture,ingénierieetconseiltechnique,essaisetanalysestechniques,publicitéetautresservicesauxentreprises.

LapartdesSEFICdanslecommercemondialaaugmentéde8%paranentre1990et2000etde10%paranentre2000et2010(NationalScienceBoard,2012),cequitientengrandepartieaudéveloppementdesTIC(voirlasectionB). La croissance des SEFIC a été particulièrement fortesur les marchés émergents. Depuis 1990, la part de laChine, de l’Inde, de l’Indonésie et de la Fédération deRussiedanslavaleurajoutéemondialedesSEFICconnaîtuneaugmentationparticulièrementforte.CelledelaChineaatteint5,5%en2010,contre1,6%en1990,etcelledel’Inde est passée à 2% en 2010, contre 0,8% en 1990(Meliciani,2013).

Le développement des TIC a aussi modifié la nature desproduitséchangés–onestpasséducommercedesbiensphysiquesàceluidesbiensnumériques,ducommercedes«atomes»àceluides«octets».Lesmarchésdelamusiqueet des films ont été métamorphosés par le commerceélectronique et le téléchargement, de sorte que lecommercedesCDetdesDVDphysiquestombepeuàpeuen désuétude. Selon Blinder (2006), à mesure ques’estompera la distinction entre biens et serviceséchangeablesetnonéchangeables,ilenirademêmedesprédictions de la théorie du commerce reposant sur ladotationfactorielleclassiqueenmain‑d’œuvrequalifiéeetnon qualifiée. En particulier, à mesure que l’économies’orienteplusaxéeverslesservices,lanouvellethéorieducommercedevraitsefocalisersurlesservicespersonnelspar opposition aux services impersonnels comme sourced’avantage comparatif, les seconds pouvant être plusfacilementdélocalisésquelespremiers.

Compte tenu des tendances actuelles, il est probableaussi que l’infrastructure des TIC sera de plus en plusimportante à l’avenir en tant que facteur déterminantlesfluxcommerciaux.113Parexemple,lacapacitédespaysen développement de passer directement au prochainniveau de l’infrastructure des TIC – comme beaucouple font déjà dans le cas de la téléphonie mobile – peut

Page 52: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

167

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

constituer une source d’avantage comparatif vis‑à‑visdes pays développés, qui doivent supporter les coûtsirréversibles des infrastructures de communicationtraditionnelles. La «fracture numérique» entre les paysàrevenuélevéetlespaysàfaiblerevenuestencorelarge,mais elle se rétrécit manifestement (voir la figure C.35et le tableau A.3 de l’appendice). Au cours des deuxdernières décennies, le nombre de connexions fixes etmobiles et d’hôtes Internet a augmenté plus rapidementdans les pays en développement que dans lespays développés. Cela tient, entre autres, au fait que lescommunications par ligne fixe nécessitent uninvestissement considérable dans l’infrastructure, tandisque l’investissement initial dans les réseaux mobiles estrelativementmodeste.

Influences indirectes

Les avancées technologiques influent aussi indirectementsurlecommerce,àtraversleurimpactsurd’autresfacteursdéterminants.

La révolution des TIC illustre clairement les multiplesdimensionsde l’impactde latechnologiesur lecommerce.L’utilisation d’Internet pour les services bancaires, pourl’achatet laventedebiens,pour l’organisationdevoyageset pour la recherche d’hébergement n’est qu’un desnombreuxexemplesde la façondont lesTICrenforcent laconcurrence internationale, réduisent les coûtscommerciaux et créent de nouveaux marchés. Cependant,leseffetsdelarévolutiondesTICvontbienau‑delàdesonimpact direct sur le commerce des services et sur laconcurrencesurlesmarchésdeproduits.

Premièrement, les TIC ont profondément modifié lefonctionnement du marché du travail. Internet réduit le

coût de la recherche d’un nouvel emploi et en élargitconsidérablement la portée géographique, ce qui permetunmeilleurappariementdesemployeursetdesemployésetréduitletauxdechômagefrictionnel.Celapermetausside travailler hors des bureaux ou des locaux del’entreprise. Des formes d’emploi nouvelles et plusflexibles font leurapparitionetaméliorent l’employabilité,notamment pour les personnes désavantagées sur lemarchédutravail (commelestravailleursplusâgéset lesfemmes).114Lesdiversimpactsdel’offredemain‑d’œuvresur lecommercesontexaminésdemanièreplusdétailléedanslasectionC.1.

Deuxièmement, les TIC influent sur l’accumulation decapital humain. Par exemple, les universités en ligneoffrent un plus large éventail de cours – allant de laformationprofessionnelleà la formationpost‑éducative–et élargissent l’accès à distance aux connaissancesspécialisées. Les effets de l’accumulation de capitalhumainsurlecommercesontanalysésdanslasectionC.1.

D’une manière générale, les changements technologiquesetletransfertdetechnologieontunimpactimportantsurlarépartition des revenus et les inégalités. Les effets desinégalitésderevenussur lecommercesontanalysésdanslasectionD.1.

En résumé, on peut s’attendre à ce que la diffusionmondiale des TIC modifie profondément le commerceinternational.Nonseulement la tendanceà labaissedescoûts de communication et à l’augmentation du volumedes échanges se poursuivra vraisemblablement, mais il se produira aussi des changements inévitables dans lastructure et la nature des échanges. Premièrement,l’importance du commerce électronique par rapportaux autres formes de commerce continuera de croître.Deuxièmement, on peut s’attendre à ce que lesPME jouent un plus grand rôle dans les exportations.Troisièmement, à mesure que le réseau des TICse développera, de nouveaux acteurs apparaîtront dansles secteurs à forte intensité d’information,comme l’électronique grand public et l’automobile, etl’importance relative des facteurs d’avantage comparatifseramodifiée.

(ii) Comment le commerce influe‑t‑il sur le progrès technologique ?

Pour comprendre comment le progrès technologiqueinfluera sur le commerce dans l’avenir, il est important deconnaître les facteurs qui déterminent le progrèstechnologique. L’un d’eux est le commerce lui‑même. Lecommerce influe de deux manières sur le progrèstechnologique:parsoneffetsurl’incitationàinnoveretparlebiaisdutransfertdetechnologie.

Commerce et innovation

Lecommerceinfluesurl’incitationdesentreprisesàinnoverpar soneffet sur la tailledumarchéoùopère l’entreprise,ainsi que par son effet sur la concurrence, le transfert detechnologieetlesinstitutions.LesentreprisesinvestissentdanslaR‑Dpouraccroîtreleursprofitsoupoursoutenir laconcurrence des autres entreprises innovantes. Touteschosesétantégalesparailleurs,plus lemarchéestvaste,plusl’entreprisecomptetirerdesbénéficesdel’innovation.Enaugmentantlatailledeleurmarché,lecommercedonneaux entreprises la possibilité d’augmenter leurs profits;

FigureC.35:Croissance annuelle de l’infrastructure de télécommunication par groupe de revenu, 1995-2011

-5 %

5 %

15 %

25 %

35 %

45 %

55 %

65 %

75 %

Lignes fixes Abonnements de téléphonie

mobile cellulaire

Utilisateursd’Internet

Pays à faible revenu

Pays à revenu intermédiaire

Pays à revenu élevé

Source :CalculsdesauteurssurlabasedesdonnéesdelaBanquemondiale,Indicateurs du développement dans le monde.

Page 53: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

168

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

augmentant ainsi l’incitation à investir dans la R‑D et,partant, la probabilité d’innovation – d’où des effetsd’échellepositifs.

Lecommercerenforceaussilaconcurrence.Leseffetsdela concurrence sur l’innovation sont cependant moinsclairs.D’unepart,enréduisant lesrentesdemonopole115associées à l’innovation, la concurrence est censéeréduire l’incitation à innover (Schumpeter, 1942). D’autrepart,uneconcurrenceplusfortepeut inciterdavantageàinnover, car siunconcurrentest lepremierà innover, lesentreprises rivales risquent de perdre des parts demarché, de subir des pertes et, éventuellement, d’êtreévincéesdumarché.

Le commerce peut aussi influer sur les incitations àl’innovationenagissantsur les retombées technologiques.Làencore, leseffetsdesretombéestechnologiquessur letauxd’innovationnesontpasàsensunique.L’imitationpeutameneruneentrepriseà investirdans laR‑Dpours’éleverau‑dessus de ses concurrents (Helpman, 1993), mais labaissedurendementdel’innovationpeutréduirel’incitationàinvestirdanslaR‑D–autrementdit,leseffetsd’imitationsontambigus.

Enfin, le commerce façonne le cadre institutionnel, quifaçonne lui‑même les incitations économiques desentreprises.CommeonleverradanslasectionC.6,ilexisteunecorrélationpositiveentrelecommerceetlaqualitédesinstitutions,etlespaysquiontdemeilleuresinstitutionsonttendanceàinvestirplusdansl’éducationetl’infrastructure.Il y a aussi une relation positive entre le commerce et lerendement de l’innovation, ce qui renforce l’incitation desentreprisesàinvestirdanslaR‑D.

La relation empirique entre le commerce et le progrèstechnologique fait l’objet d’une abondante littératureéconomique qui comprend à la fois des études au niveaudespaysetauniveaudesentreprises.Dansl’ensemble,lesdonnées empiriques au niveau des pays confirmentl’existence d’une corrélation entre le commerce etl’innovation.116 Toutefois, une critique générale de cesétudes est qu’elles ne font pas pleinement la distinctionentrelacauseetl’effet.Celatientàcequ’ilestdifficilededistinguer les changements de politique commerciale desautres changements de politique intérieure qui influentsimultanément sur la croissance (Rodriguez et Rodrik,2001).

Des études plus récentes, basées sur des données auniveaudesentreprises,corroborentellesaussil’idéequelecommerce accroît l’incitation à innover. En analysantprincipalement l’ouverture des échanges entre l’Argentineet le Brésil durant la période 1992‑1996, Bustos (2011)constate que les entreprises argentines opérant dans lessecteursayantamélioréleplusl’accèsauxmarchésavaientplus de chances d’augmenter leurs dépensestechnologiques que les entreprises opérant dans lessecteurs où l’ouverture commerciale était moinsambitieuse.117

Commerce et transfert de technologie

Lesconnaissancestechniquesincorporéesdansunproduitvoyagentavec lui.Autrementdit, l’importationd’unproduittechnologiquementavancédonneauxentreprisesl’accèsàlatechnologieincorporéedansceproduit.L’entreprisepeutainsi augmenter la productivité, soit en utilisant le produit

dans le processus de production, soit en pratiquant la«rétro‑ingénierie»– c’est‑à‑direenapprenant comment leproduitimportéestfabriquéetenl’imitant.Étantdonnéqu’ilest moins coûteux de pratiquer la rétro‑ingénierie que deconcevoir une technologie de manière autonome, le paysimportateur tire un gain de l’importation – ou de sesretombéestechnologiques.

En outre, le commerce international est un moyen decommunicationqui favorise l’apprentissage transfrontièresdes méthodes de production, de la conception de laproductionetdesconditionsdumarché.Enexportant, lesentreprises interagissent avec les clients étrangers, quipeuvent imposer des normes de qualité plus élevées queles clients nationaux, tout en fournissant des informationssur la manière de respecter ces normes. L’exportationdevientainsiunefilièredetransmissionde la technologie;c’estl’«apprentissageparl’exportation».

Plusieursétudesempiriquesconfirmentque l’importationestunimportantmoyendediffusiondelatechnologie.Enparticulier, l’ampleur des retombées technologiquessemble être liée à la composition des importations. Letransfert de technologie est plus important quand lesimportations proviennent de pays industriels et sontvraisemblablementcaractériséesparunplusfortcontenutechnologique incorporé que les importations provenantde pays en développement (Coe et Helpman, 1995; Coeet Hoffmaister, 1999; Keller, 2000). En outre, lesretombées technologiques sont plus importantes dans lecasdesimportationsdebiensd’équipement,demachinesetdeproduitsdesTIC(Coeet al. ,1997;Geraet al. ,1999;XuetWang,1999;AcharyaetKeller,2009;VanMeijletvanTongeren,1998).Uneétuded’AmitietKonings(2007)montreégalementqueletransfertdetechnologieestplusimportantdanslecasdesimportationsd’intrantsquedanslecasdesimportationsdeproduitsfinis.

Les données empiriques étayant l’existence d’un effetd’apprentissagepar l’exportationsontmoinsnombreuses.Cela tient en partie au fait que les études qui tententd’évaluer cet impact se heurtent à deux obstaclesméthodologiques.Lepremierestdesavoircommenttenircompte de l’autosélection des entreprises les plusproductives sur les marchés d’exportation. L’exportation,et l’apprentissage par l’exportation, rendent‑ils lesentreprises plus productives, ou est‑ce uniquement lesentrepriseslesplusproductivesquiexportent?Lesecondobstacle est de savoir comment faire la distinction entrelesgainsdeproductivité résultant de l’apprentissageparl’exportation et les gains résultant des profits élevésgénérésparl’exportationetdesincitationsplusgrandesàinvestir dans la technologie (effet d’échelle). Il estamplementprouvéque lesentreprisesexportatricessontgénéralement plus productives que les entreprisesdesservant uniquement le marché intérieur (Bernard etJensen, 1999), mais cela pourrait être dû simplement aufait que seules les entreprises les plus productivesexportent(autosélection).

Cependant, certaines données microéconomiquescorroborentl’hypothèsedel’apprentissageparl’exportation.Parexemple,sur labasededonnées recueilliesauniveaudes entreprises du secteur manufacturier en Slovénie, DeLoecker (2007) constate que la productivité desentreprises exportatrices augmente dès qu’ellescommencentàexporteretquel’écartdeproductivitéentrelesexportateursetlesentreprisestournéesverslemarché

Page 54: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

169

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

intérieursecreuseavecletemps.118Toutefois,bienquecesdonnées tiennent compte de l’autosélection, elles nepermettent toujours pas de savoir si les gains deproductivité résultent principalement du transfert detechnologieoudeplusgrandesincitationsàinnover.

(iii) Quels autres facteurs influent sur le progrès technologique ?

L’un des déterminants du progrès technologique est lasolidité des droits de propriété intellectuelle (DPI). Lesarguments théoriques sur la relation entre la protectiondes DPI et le progrès technologique sont mitigés.119 Lestenants d’une protection plus forte font valoir qu’elleencouragera l’innovationenaugmentant lesbénéficesdela recherche pour les entreprises. En outre, même si larecherche a lieu en grande partie dans les économiesavancées, une protection accrue des DPI facilitera letransfert de technologie en encourageant l’IED,notamment de la part des entreprises de hautetechnologie.120D’autresfontvaloirqu’uneforteprotectionapoureffetderéduireletransfertdetechnologieetpeutmêmefreinerl’innovationenconsolidantlesmonopoleseten réduisant l’incitation à innover liée à la menace de laconcurrence.

Les données empiriques sont également mitigées. Parexemple, Coe et al. (2009) constatent qu’une solideprotectionparbrevetestassociéeàuneaugmentationdelaproductivitétotaledesfacteurs,durendementdelaR‑Dnationale et des retombées internationales de la R‑D. Àl’aide de données sur les multinationales des États‑Unis,Branstetter,FismanetFoley(2006)soutiennentaussiqu’ilyauneaugmentationdu transfertde technologievers lespaysqui renforcent leur régimedepropriété intellectuelle.Enrevanche,plusieursétudes,commecellesdeBessenetMaskin (2000), Lerner (2002a, 2002b), Sakakibara etBranstetter (2001) et Scherer et Weisburst (1995),suggèrent qu’il y a une corrélation négative entre lerenforcementdelaprotectiondesDPId’unepartet,d’autrepart,l’accroissementdel’innovationoudeladiffusiondelatechnologie.

Le transfert de technologie a d’autres déterminantsimportants, comme les flux d’IED, le mouvement despersonnes physiques121 et le commerce direct desconnaissances par l’achat de technologie ou les licences.Lespolitiquesquiinfluentsurcesvoiesdetransmissionontuneincidencesurletransfertdetechnologie.Parexemple,Hovhannisyan et Keller (2012) montrent que les voyagesd’affaires jouent un rôle important dans la diffusion del’innovationetfontvaloirquelasuppressiondes limitesaumouvement transfrontières des personnes physiques et lalibéralisationdutransportaérieninternationaldepassagerspourraient prouver des avantages additionnels enaugmentantl’innovation.

Les retombéespotentiellesde l’IEDsont analyséesdansdenombreusesétudes.L’IEDpeutaccroîtreletransfertdetechnologieenfavorisantl’interactionentrelesentreprisesnationalesetétrangères,notammentparlesretombéesdel’IEDvertical.Lesliensentrelesproducteursenamontetenavalpeuventfavoriserletransfertdirectdetechnologiede la multinationale vers l’acheteur local. De même, lesexigencesdequalitéimposéesauxfournisseursd’intrantsintermédiaires peuvent conduire à des transferts detechnologie. Les retombées de l’IED horizontal sont une

autrevoiedetransmission.Laproximitégéographiquedemultinationalespeut réduire lescoûtsd’apprentissageoule coût de l’adoption d’une nouvelle technologie dans lemême secteur. Des études empiriques plus anciennessemblent indiquer que les retombées technologiquesétaientassociéesplusàl’IEDverticalqu’àl’IEDhorizontal,mais des travaux empiriques plus récents montrent quel’IED horizontal a aussi des retombées technologiquesimportantes(KelleretYeaple,2009).122

Ilestimportantdenoterqueladiffusioninternationaledela technologie n’est pas automatique. Le transfert detechnologie est non seulement une question d’«offre»,maisaussiunequestionde«demande»–et,enparticulier,decapacitéd’«absorption»del’entrepriseoudupays.Parexemple, pour que la technologie soit transférée parl’utilisation de machines spécialisées et avancéesinventéesàl’étranger,ilfautquelestravailleurspossèdentles compétences nécessaires pour utiliser ces machineset organiser le processus de production. Mayer (2001)montre que c’est la combinaison du savoir‑faire de lamain‑d’œuvreetdel’importationdesmachinesquiproduitun effet positif sur la croissance économique. Même larétro‑ingénierie exige des compétences. La capacitéd’absorber les retombées internationales de la R‑D varied’unpaysàl’autre.UneétuderécentedeCoeet al.(2009)indique que les retombées technologiques augmententavec la facilitédefairedesaffairesdansunpaysetaveclaqualitédesonsystèmed’enseignementsupérieur.

(c) Quesignifientcestendancespourl’avenirducommerce?

Plusieurs tendances ressortent de cette analyse desschémas mondiaux d’innovation et de transfert detechnologie. L’une de ces tendances est l’émergence denouveauxacteursparmilespaysquisontàl’avant‑gardeduprogrèstechnologique.Certainspaysontconsidérablementrenforcé leur capacité d’innovation et leur capacitéd’absorptiondestechnologiesexistantes.C’estlecasdelaChine,delaRépubliquedeCoréeetdeSingapour.Mais,ilyaaussidespaysquirestentàlatraîne,surtoutenAfrique.La faible qualité de leur système d’éducation et de leurcadre institutionnel est la principale cause de leur faiblecapacitéd’absorption.

Ladeuxièmetendanceestlarégionalisationdestransfertsde technologie. En réduisant les coûts de coordination, larévolutiondesTICafavoriséledéveloppementdeschaînesd’approvisionnement. Celles‑ci incorporent plusieursdimensions interdépendantes des relations économiquesinternationales – l’investissement, la concurrence et lemouvement des personnes physiques – qui contribuenttoutes à intensifier le transfert de technologie. Toutefois,les chaînes d’approvisionnement n’augmentent pas le fluxdeconnaissancestechnologiquesauniveaumondial.Ellesl’augmentent entre les pays participant à des réseauxrégionaux, ce qui encourage la formation de «clubs deconvergence»régionaux.

LatroisièmetendanceestqueledéveloppementdesTICaconsidérablement augmenté la part des services dans lecommerce mondial. En particulier, les services auxentreprises à forte intensité de connaissances (SEFIC)apparaissent comme les principaux vecteurs del’accumulation de connaissances. Ces tendances –conjuguéesàlamoindrecroissancedelaproductivitédans

Page 55: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

170

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

le secteur manufacturier – indiquent peut‑être que lesservices sont en train de supplanter le secteurmanufacturierentantquemoteurdel’innovationmondiale.

Enfin, lesPMEsemblentbénéficierd’unmeilleuraccèsaumarché international. En réduisant fortement les coûtsd’information, de transaction, de recherche etd’appariement,larévolutiondesTICaréduitlescoûtsfixesd’entréesurlesmarchés,cequiaélargi lespossibilitésdeparticipationdesPME.

Que faut-il attendre de ces tendances ?

Premièrement,ilestprobablequel’émergencedenouveauxacteurssurlascènemondiale,conjuguéeàlaconvergencetechnologique au niveau régional, entraînera l’apparitiond’acteurs économiques qui ne considèrent plus les payscomme l’unité de référence pour les relationsinternationales. Cela pourrait avoir des conséquencesimportantes pour la conduite des négociations au niveaumultilatéral.

Deuxièmement, les progrès technologiques ont joué unrôle crucial dans le développement des chaînesd’approvisionnement, lesquelles ont favorisé le transfertde technologie et la convergence entre les pays. Si leprocessus de fragmentation de la production se poursuitou s’intensifie, les gouvernements seront poussés àadopterdespolitiquesfacilitantl’intégrationdesindustriesnationalesdansleschaînesdeproduction.Cespolitiquespeuvent prendre la forme de subventions à la R‑D,d’investissementsdansl’infrastructureetd’uneprotectionplusfortedesDPIpourencouragerlesfluxd’IED.

Par ailleurs, la mondialisation de la R‑D, la fragmentationdes processus de production et la diffusion destechnologies numériques créent un décalage entre lechamp d’action géographique des agents économiques etle régime réglementaire dans lequel ils opèrent. Parexemple, si Internet permet aux consommateurs de fairedesachatsdans lemondeentier, les loissur laprotectiondes DPI et sur la concurrence sont administrées etappliquéesauniveaunational.

Pour permettre de réaliser pleinement le potentiel ducommerce électronique et de la mondialisation de laproduction, il faudra adapter les régimes de propriétéintellectuelle et de concurrence. Les pressions en faveurdel’extensiondesrèglesau‑delàdesfrontièresnationalesse manifestent déjà par la multiplication des accordscommerciaux préférentiels «profonds», qui comportentdesdispositions relativesà lapropriété intellectuelleetàla politique de la concurrence. D’une manière plusgénérale, le lien entre le commerce et le progrèstechnologique souligne la nécessité de libéraliserdavantage la circulation des marchandises, des serviceset des idées au niveau multilatéral. Si le commerceengendre des retombées technologiques, par exemple,uneactioncoordonnéetendantàréduirelesobstaclesaucommerce aura pour effet d’accroître le bien‑êtreéconomique. Cette question est examinée plus en détaildanslasectionE.

Troisièmement,mêmesil’analysedescourantsd’échangesdanslasectionBrévèleunerelocalisationdesactivitésàforte intensité de main‑d’œuvre dans les pays endéveloppementetl’émergencedequelquesentreprisesentant qu’acteurs mondiaux du commerce, les innovations

récentes, comme l’impression 3D et la robotique,modifieront probablement ce statu quo. L’impression 3Destunprocessusquipermetde fabriquerunobjet solidetridimensionnel à partir d’un modèle numérique enajoutant des matériaux couche par couche. Étant donnéque ce type de fabrication n’exige que des matièrespremièresetdesfluxdedonnéescryptées,àmesurequela production s’individualisera davantage, l’accès à cettenouvelletechnologiefaciliterapeut‑êtrel’entréedesPMEsur les marchés d’exportation. De plus, en réduisantl’importance des coûts de main‑d’œuvre pour l’avantagecomparatif, la robotique et l’impression 3D entraînerontpeut‑êtreaussi le retourde l’activitéde fabrication,etdechaînesd’approvisionnement toutentières, dans lespaysdéveloppés.

Pour l’heure, en 2012, la technologie d’impression 3D estutilisée pour le prototypage et la fabrication dans dessecteurscommelaconstruction,l’aérospatiale,labijouterieet les soins de santé. Il est toutefois prévisible que sonutilisations’étendraauxménagesàmesurequ’augmenterala vitesse d’impression. Si cela se produit, on peut mêmeprédire une réduction du commerce mondial de certainstypesdeproduitssilesutilisateursfinalspeuventfacilementlesfabriquer.

Cependant, les méthodes de production traditionnelles(parfois appelées processus soustractifs) et l’impression3D seront probablement complémentaires, et nonconcurrentes. L’impression 3D se révélera peut‑êtreavantageuse pour la production de composantscaractérisésparunvideinterne,commeleschambresàair.Maispourlesprocessusdeproductionconsistantàenleverde la matière à une masse solide pour obtenir la formedésirée, la fabrication traditionnelle restera peut‑êtreprédominante. Par conséquent, l’impression 3D aura sansdouteunimpacttrèsvariableselonlesecteur.

4. Énergieetautresressourcesnaturelles

Tout comme le travail et le capital, les ressourcesnaturelles sont des facteurs qui servent à la productionde marchandises et de services. L’éventail desressources naturelles est très large, mais nous nousconcentrerons ici sur l’énergie et, dans une moindremesure, sur la terre et sur l’eau, qui sont les ressourcesnaturelles intervenant le plus souvent dans les fonctionsglobales de production (pour une analyse du commerceet d’une plus large gamme de ressources naturelles, voirle Rapport sur le commerce mondial 2010 (OMC, 2010)etRutaetVenables,2012).

Cette section aborde quatre aspects – la répartitiongéographique inégale, la volatilité des prix, le caractèreépuisabledesressourcesetl’innovation,etlesexternalitésenvironnementales négatives – qui correspondent auxcaractéristiques fondamentales des ressources naturellesetquipeuventavoiruneincidenceàlafoissurlaproductionetsurlastructuredeséchanges.

La partie a) traite de la répartition géographique inégaledes ressources naturelles, qui influe sur l’avantagecomparatifdespaysetdoncsur lastructureducommerceinternational. Les différences de dotation en facteursconfèrentunpouvoirdemarchéauxpaysquidisposentderessources abondantes, et ont des répercussions sur le

Page 56: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

171

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

plan géopolitique. La partie b) explique comment leshausses des prix des ressources naturelles peuvententraînerunecontractionimportantedeséconomies,cequipeutensuitepesersur lecommerce international.Lesprixdes ressourcesnaturellesontparailleurs tendanceàêtrevolatils, ce qui a un impact sur le commerce car celarenforce l’incertitude pour les importateurs et lesexportateurs.

Lapartie c) aborde la questionducaractèreépuisabledesressources naturelles, qui peut freiner la croissance futurede l’économie. Cela implique par ailleurs que l’avantagecomparatif conféré par la nature peut disparaître. Cettepartie s’intéresse aussi au rôle de l’innovation dansl’utilisationplusefficientedesressourcesnaturelles,dansladécouvertedenouvellesréservesetdansledéveloppementde ressources alternatives. L’idée est que l’innovation peutcompenserlecaractèrelimitédesressourcesnaturelles.Lapartie d) examine les autres pressions environnementalesquipeuvents’exercersurlesressourcesnaturellesetlerôledes politiques publiques à cet égard. La partie e) présentedes scénarios possibles concernant l’évolution future del’offreetdescoûtsdesressourcesnaturellesetducommerceinternational. Enfin, la partie f) présente quelquesobservationsenguisedeconclusion.

(a) Répartitiongéographiqueinégaledesressourcesnaturelles

Cette section examine les données montrant le caractèreinégal de la répartition géographique des ressourcesnaturellesdanslecasdel’énergie,del’eauetdelaterreetanalyse son incidence sur la structure du commerce. Elleexplique ensuite en quoi la concentration des ressourcesdisponibles confère un pouvoir de marché à certains pays

fournisseurs,etcommentcelapeutêtreexploitéparlebiaisde restrictions à l’exportation. Enfin, elle analyse lesrépercussionsgéopolitiquesliéesaufaitquelespaysrichesen ressources usent de leur pourvoir de monopole pourdéfendre leurs intérêts internationaux tandis que les payspauvres en ressources donnent la priorité à la sécurité deleur approvisionnement, dans le cadre de leurs relationsinternationales.

(i) Abondance des ressources et structure du commerce

Comme on le voit dans la figure C.36, près de 90% del’énergieutiliséedanslemondeen2011provenaitdupétrole,du charbon et du gaz naturel. Le pétrole est la sourced’énergie la plus importante, représentant un tiers del’énergie totale utilisée en 2011. Cette proportion estcependant inférieure au niveau record de 48% atteint aumilieu des années 1970 (au moment de la première crisepétrolière). Au milieu des années 1960, la part du charbonétaitàpeuprèségaleàcelledupétrole,maiselleaensuiteconnuunlongdéclin.Cettetendances’estinverséeaudébutdu XXIe siècle avec la forte augmentation de laconsommation de charbon de la Chine et de l’Inde. Le gaznaturelaprisdel’importance,sapartétantpasséede16%en 1965 à 24% en 2011. Cette tendance devrait sepoursuivreavec ladécouvertedenouveauxgisementset lamise au point de nouvelles méthodes d’extraction enAmérique du Nord (voir plus loin l’analyse sur l’huile deschiste).

La part de l’énergie nucléaire, de l’hydroélectricité et desénergies renouvelables est faible mais ces dernières ontpris de l’importance au cours de la dernière décennie, enpartie sous l’effet de la hausse des prix de l’énergie (voirplusloinl’analysesurl’évolutiondesprix).

FigureC.36:Consommation mondiale d’énergie par type d’énergie, 1965-2011

0 %

1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

5 %

10 %

15 %

20 %

25 %

30 %

35 %

40 %

45 %

50 %

Pétrole Charbon Gaz naturel Hydroélectricité Énergies renouvelables Énergie nucléaire

Source :BP,Statistical Review of World Energy,juin2012.

Note :Laconsommationdepétroleestmesuréeenmillionsdetonnes,etcelledesautrescombustiblesenmillionsdetonnesd’équivalent‑pétrole.Lesénergiesrenouvelablessontbaséessurlaproductionbruteàpartirdesourcesd’énergierenouvelables,notammentlesénergieséolienne,géothermique,solaireetdebiomasseetl’énergiedérivéedesdéchets.Laconsommationd’énergiesrenouvelablesestconvertieenmillionsdetonnesd’équivalent‑pétrole,surlabasedel’équivalencethermique,ensupposantunrendementdeconversionde38%dansunecentralethermiquemoderne.

Page 57: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

172

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

Selon la théorie classique d’Heckscher‑Ohlin, un paysexporteraleproduitquiutilisedefaçonintensivelefacteurde production dont il est relativement bien doté. Unevariante contemporaine de cette théorie dit qu’un paysobtiendra une part plus importante de la production et ducommercemondialdesproduitsquiutilisentdefaçonplusintensive le facteur dont il est bien doté (Romalis, 2004).Cette explication basée sur la proportion de facteurssuppose habituellement que les facteurs de productionsont inépuisables (à l’image des «pouvoirs indestructiblesdu sol» dont parle Ricardo). Kemp et Van Long (1984)montrentquelaprédictiondelathéoried’Heckscher‑Ohlins’applique aussi aux situations dans lesquelles tous lesfacteurs de production sont épuisables et à celles danslesquelles des facteurs épuisables sont combinés à desfacteursnonépuisables.

Cettethéorieparledel’abondancedesfacteursentermesabsolusetnonentermesrelatifsetétablitunlienaveclesexportations de produits qui utilisent ces facteurs defaçon intensive, et non avec les exportations de laressource elle‑même. Néanmoins, les tableaux C.11 àC.13corroborent larelationentre ladotationdespaysenressourcesnaturellesetleursrésultatsàl’exportation.En2010, les pays mentionnés dans le tableau C.11 – lespremiersétantleRoyaumed’Arabiesaoudite,leCanadaetl’Iran–détenaient95%desréservesmondialesprouvéesde pétrole brut et étaient à l’origine de 86% desexportationstotalesdepétrole.LespaysdutableauC.12– la Fédération de Russie, l’Iran et le Qatar ayant lesréserves les plus importantes – détenaient 91% desréservesprouvéesdegaznatureletétaientà l’originede77% des exportations totales de gaz naturel. Enfin, lespays du tableau C.13 – avec, en tête, les États‑Unis, laFédération de Russie et la Chine – détenaient 96% des

réservesrécupérablesdecharbonetétaientàl’originede93%desexportationstotalesdecharbon.

Eau et terres

La disponibilité des terres propices à l’agriculture, enparticulier des terresarables, détermine la structurede laproductionagricoleetladépendancedespaysvis‑à‑visdesimportations agricoles. La figure C.37 classe les pays enfonction de la proportion de terres arables dont ilsdisposent. La plupart des terres arables du monde setrouventenAsieduSudetdel’Est,enAmériqueduNordetenAfriquesubsaharienne.Lapartdesterresarablesdansla superficie totale varie considérablement d’une région àl’autre: de 23% en Europe occidentale et centrale àseulement4%enAfriqueduNord.

Ilexisteunecorrélationpositiveentreladotationenterresarables d’un pays par habitant et la valeur de sesexportations agricoles. Cette corrélation apparaît dans lafigure C.38, qui utilise les données concernant 195 payspourl’année2008.

L’eau douce est une ressource renouvelable mais rare etinégalement répartie dans le monde. La figure C.39 indiquecette répartitiongéographiqueenutilisant les ressourceseneau renouvelables par habitant comme mesure de ladisponibilité.Lesrégionsquidisposentdesressourceseneaulesplusabondantessontl’Afriquesubsaharienneetl’Amériquedu Sud. À l’inverse, l’Afrique du Nord, l’Asie centrale et leMoyen‑Orientdisposentderessourcestrèslimitées.

La figure C.40 présente l’évolution dans le temps de ladisponibilité des ressources en eau. Du fait d’une

FigureC.37:Terres arables en pourcentage de la superficie totale des terres, 2011

<2 2-5 5-10 10-15 15-20 20-30 30-40 40-50 >50

Source :FAO,Aquastat,http://www.fao.org/nr/water/aquastat/data/query/index.html?lang=fr#langs.

Note :Lesterresarablessontlesterresoccupéespardesculturestemporaires,deschamps,desjardinsetdesjachères.Ellesnecomprennentpaslesterresoccupéespardesculturespermanentescommelecaféetlecacao.Surfacesenblanc:donnéesnondisponiblesaumomentdelarédaction.Lescouleursetletracédesfrontièresn’impliquentaucunjugementdelapartdel’OMCquantaustatutjuridiquedesfrontièresoudesterritoires.

Page 58: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

173

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

TableauC.11:Pays ayant les plus importantes réserves prouvées de pétrole brut, 2008

Pays

Réserves prouvées (en milliards de

barils)

Part des exportations mondiales de pétrole

(2010)

Arabiesaoudite,Royaumed’ 267 16,0%

Canada 178 3,4%

Iran 136 5,6%

Iraq 115 4,5%

Koweït,Étatdu 104 3,3%

Venezuela,Rép.bolivariennedu 99 3,8%

Émiratsarabesunis 98 5,0%

FédérationdeRussie 60 11,4%

Libye 44 3,2%

Nigéria 36 5,5%

Kazakhstan 30 3,3%

États‑Unis 21 0,1%

Chine 16 0,1%

Qatar 15 2,6%

Brésil 13 1,4%

Algérie 12 2,6%

Mexique 11 3,4%

Angola 9 4,5%

Azerbaïdjan 7 2,1%

Norvège 7 3,7%

Partdutotalmondial 95,2% 85,6%

Source :USEnergyInformationAdministration.

Note :Levolumedesréservesprouvéesestbasésurlesdonnéesde2008.

TableauC.13:Pays ayant les plus importantes réserves totales de charbon récupérable, 2008

Pays

Charbon récupérable (en

millions de tonnes courtes)

Part des exportations mondiales de

charbon (2010)

États‑Unis 260551 6,9%

FédérationdeRussie 173074 10,1%

Chine 126215 1,9%

Australie 84217 27,1%

Inde 66800 0,2%

Allemagne 44863 0%

Ukraine 37339 0,6%

Kazakhstan 37038 3,0%

AfriqueduSud 33241 6,3%

Serbie 15179 0%

Colombie 7436 6,3%

Canada 7255 3,0%

Pologne 6293 1,5%

Indonésie 6095 26,1%

Partdutotalmondial 95,5% 92,9%

Source :USInformationEnergyAdministration.

Note :Laquantitédecharbonrécupérableestbaséesurlesdonnéesde2008.

TableauC.12:Pays ayant les plus importantes réserves prouvées de gaz naturel, 2009

Pays

Réserves prouvées (en milliards de pieds cubes)

Part des exportations mondiales de gaz naturel

(2010)

FédérationdeRussie 1680 22,3%

Iran 992 0,9%

Qatar 892 11,5%

États‑Unis 273 4,3%

Arabiesaoudite,Royaumed’ 258 0%

Émiratsarabesunis 214 0,5%

Nigéria 184 2,6%

Venezuela,Rép.bolivariennedu 171 0%

Algérie 159 5,3%

Iraq 112 0%

Indonésie 106 3,9%

Turkménistan 94 0%

Kazakhstan 85 1,0%

Malaisie 83 3,3%

Norvège 82 9,8%

Chine 80 0,3%

Ouzbékistan 65 1,2%

Koweït,Étatdu 63 0%

Égypte 59 1,1%

Canada 58 8,9%

Partdutotalmondial 90,8% 76,9%

Source :USInformationEnergyAdministration.

Note :Levolumedesréservesprouvéesestbasésurlesdonnéesde2009.

croissance démographique très rapide, l’Afriquesubsaharienneest la régionoù les ressourceseneauparhabitantontdiminuéleplusrapidement,suivieparl’AsieduSudetl’Asiedel’Est.

L’agriculture est à l’origine de 69% des prélèvementsmondiaux d’eau douce et de 90% de l’utilisationconsommatrice de l’eau, c’est‑à‑dire des pertes parl’évaporation et la transpiration (FAO, 2012). On pourraitdonc s’attendre à ce que la répartition géographique del’eauindiquéedanslesfiguresprécédentessereflètedanslastructureducommercedesproduitsagricoles.

Or la dotation en eau ne semble pas avoir d’incidencemarquée sur la structure du commerce agricole. Hoekstra(2010)expliquecelapar la forte interventiondespouvoirspublicsdanslesecteuragricole,souslaforme,entreautres,de subventions, de droits de douane et de mesuressanitaires et phytosanitaires, ainsi que sur le marchéintérieurde l’eau,où ilyaunefortesous‑tarificationde laressource.Toutescesdistorsionsont tendanceàatténuerl’effet de la dotation sur le commerce agricole. L’auteursuggèreque ladotationeneaun’influesur lastructureducommerce qu’en cas de pénurie absolue d’eau, qui obligelespaysconcernésàimporterdesproduitsàforteintensitéd’eau,simplementparcequ’ilsnepeuventpas lesproduireeux‑mêmes.

Cependant, des travaux récents de Blackhurst et al.(2010)etDebaere(2012)indiquentquelaconsommationtotaled’eaudel’industriemanufacturièreestsupérieureàcelle de l’agriculture si l’on considère la quantité d’eauutilisée pour produire l’électricité utilisée pour lafabrication. Debaere (2012) observe que les pays

disposantde ressourceseneau relativementabondantesonttendanceàexporterplusdeproduitsàforteintensitéd’eau. Cette constatation corrobore l’hypothèse selonlaquelle l’eauestunesourced’avantagecomparatif.Maisil constate aussi que l’eau influe beaucoup moins sur la

Page 59: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

174

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

structuredesexportationsquelesfacteursdeproductiontraditionnelscommeletravailetlecapitalphysique.

(ii) Pouvoir de marché et géopolitique

La répartition géographique inégale des ressourcesnaturelles impliquequecertainspaysdotésde ressourcesabondantes auront, dans le commerce, un pouvoir demarchéqu’ilspourraientêtre tentésd’utiliseraumoyenderestrictions à l’exportation. La réduction de l’offre de laressourcenaturellesurlesmarchésinternationauxentraîneune hausse du prix mondial de la ressource, ce qui setraduitparuneaméliorationdes termesde l’échangepourle pays exportateur et une détérioration pour les paysimportateurs.

La tentationd’utiliser sonpouvoir demarchépeut, certes,exister aussi dans d’autres secteurs, mais les donnéesdisponibles montrent que les taxes à l’exportation et lesautres formes de restriction sont plus souvent appliquéesaux ressources naturelles qu’aux autres marchandises.Alorsqueseulement5%ducommercemondialestsoumisà des taxes à l’exportation, la proportion fait plus quedoubler, à 11%, dans le cas des produits provenant desressourcesnaturelles(OMC,2010).Parmilesrestrictionsàl’exportationnotifiéesà l’OMC,plusd’un tiers–soit2577mesuressuruntotalde7328mesuresnotifiées–ontétéappliquées à des produits provenant de ressourcesnaturelles.

La répartition inégale des ressources naturelles peutégalementavoirdesconséquencesgéopolitiques;eneffet,

FigureC.38:Exportations agricoles et dotation en terres arables par habitant, 2008

FigureC.39:Ressources en eau renouvelables par habitant et par région, 2011 (1000m3/habitant/an)

0

2

-10 -8 -6 -4 -2 0 2

4

6

10

14

20

18

Log

des

expo

rtat

ions

agr

icol

es

Log des terres arables par habitant

8

12

16

<400 400-1 000 1 000-3 000 3 000-6 000 6 000-12 000 12 000-30 00030 000-60 000 60 000-100 000 >100 000

Sources :Indicateurs du développement dans le mondeetbasededonnéesComtradedel’ONU.

Source :FAO,Aquastat,http://www.fao.org/nr/water/aquastat/data/query/index.html?lang=fr.

Note :Surfacesenblanc:donnéesnondisponiblesaumomentdelarédaction.Lescouleursetletracédesfrontièresn’impliquentaucunjugementdelapartdel’OMCquantaustatutjuridiquedesfrontièresoudesterritoires.

Page 60: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

175

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

le monopole sur les ressources naturelles dans certainspaysetlararetédesressourcesdansd’autrespayspeuventinfluer sur leur comportement politique, militaire etdiplomatique.

Les pays qui disposent de réserves abondantes peuventprofiter de leur mainmise sur ces ressources pourpoursuivre leursobjectifset leurs intérêts internationaux.Lors de la guerre israélo‑arabe de 1973, les pays duMoyen‑Orient membres de l’Organisation des paysexportateurs de pétrole (OPEP) ont imposé un embargosurlepétrolecontrelespaysoccidentauxquisoutenaientIsraël.Parailleurs,l’infrastructureénergétiquedesgrandspaysfournisseurspeutêtresi importantepourl’économiemondiale que ces pays peuvent devenir des cibles.L’infrastructure énergétique de l’Algérie, de la Colombie,du delta du Niger et de l’Iraq a fait l’objet d’attaquesrépétées de groupes d’insurgés (Lacher et Kumetat,2011).Audébutde2013,enAlgérie,uneimportanteusinede gaz naturel a été violemment prise d’assaut par desforcesterroristes.

Mêmesil’approvisionnementenénergien’estpasmenacé,les tensions géopolitiques entre les pays peuvent amenercertains à engager des dépenses supplémentaires. Parexemple, pour ne pas dépendre des pays par lesquelstransitentlesressourcesnaturelles,dontcertainsfaisaientpartie de l’Union soviétique, la Fédération de Russie aconstruitlenouveauréseaud’oléoducsdelaBaltiquepouracheminer le pétrole vers l’Europe (Laurila, 2002). Elle aaussi commencé à construire sous la mer Noire unimportantgazoducpourletransportdugazversl’EuropeduSud.123

Les pays menacés de pénurie font de la sécurité de leurapprovisionnement en ressources naturelles un axeprioritaire de leurs relations internationales. Lescompagnies pétrolières d’État de la Chine ont concluplusieurscontratsd’approvisionnementenpétroleavecdes

entreprises et des pays étrangers, et les plus grandesd’entreellesont rachetédesgroupespétroliersetgaziersdans les pays suivants: Angola, Azerbaïdjan, Canada,Fédération de Russie, Indonésie, Iraq, Iran, Kazakhstan,Myanmar (Birmanie), Nigéria, Ouzbékistan, Pérou,République bolivarienne du Venezuela, Royaume d’Arabiesaoudite,Soudan,TchadetTurkménistan(Hayward,2009;U.S.GAO,2013).

Les investissements étrangers dans des terres agricolesont considérablement augmenté au cours des dernièresannées.Cesfluxontunedimensionmondialerépartisdansle monde entier, puisque les achats de terres ont eu lieudans 62 pays et sont le fait d’entreprises de 41 paysdifférents(Rulliet al.,2013).Bienqu’ilsoitdifficiled’obtenirdeschiffresexacts,lesdernièresestimationsindiquentqueces transactions portent sur une superficie allant de 47millions (Rulli et al., 2013) à 56 millions d’hectares(Deiningeret al.,2011).

Le tableau C.14 indique les dix premiers investisseurs ouacquéreurs de terres agricoles étrangères et les dixprincipaux pays destinataires de ces investissements. Lespays où les terres arables et l’eau sont particulièrementrares (comme les pays du Moyen‑Orient et les pays où lademandedeproduitsalimentaires,d’énergieetdematièrespremièresaugmenterapidement,commelaChineetl’Inde)sonttrèsactifs,maislesplusgrandsinvestisseurssontdesentreprises du Royaume‑Uni et des États‑Unis. Lesdestinations de ces investissements sont des paysd’Afrique,d’AsieduSud‑Estetd’AmériqueduSud,ainsiquela Fédération de Russie et l’Ukraine. Ces investissementsprennent souvent la forme d’une location à long terme,d’achats directs ou de contrats, les terres achetées étantdestinées aux cultures vivrières et à la production debiocarburants(vonBraunetMeinzen‑Dick,2009).

Dans la mesure où les investisseurs étrangers peuventaccroîtrelaproductivitéagricoledanslespaysoùlaterreet

FigureC.40:Ressources en eau renouvelables totales par habitant et par région, 1967-2011 (1000m3/habitant/an)

0

1 000

2 000

500

1 500

Res

sour

ces

en e

au re

nouv

elab

les

par r

égio

n

0

1 000

8 000

6 000

Res

sour

ces

en e

au re

nouv

elab

les

tota

les

5 000

4 000

3 000

2 000

7 000

Afrique du Nord Afrique subsaharienne Amérique du Nord Amérique centrale et CaraïbesAmérique du Sud Asie méridionale et orientale Asie centrale Moyen-OrientEurope occidentale et centrale Australie et Nouvelle-Zélande Total

1967 1972 1977 1982 1987 1992 1997 2002 2007 2011

Source :FAO,Aquastat,http://www.fao.org/nr/water/aquastat/data/query/index.html?lang=fr.

Note :Lesressourceseneaurenouvelablescomprennentlesressourceseneauxdesurfaceeteneauxsouterrainesrenouvelables,intérieuresetextérieures.

Page 61: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

176

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

TableauC.14:Dix premiers pays d’origine et de destination des investissements étrangers dans la terre

Pays d'acquisition de terresSuperficie acquise

(en millions d'hectares)

Pays acquéreur de terres étrangèresSuperficie acquise

(en millions d'hectares)

Rép.démocratiqueduCongo 8,1 Royaume‑Uni 4,4

Indonésie 7,1 États‑Unis 3,7

Philippines 5,2 Chine 3,4

Soudan 4,7 Émiratsarabesunis 2,7

Australie 4,6 Israël 2,0

Russie 2,8 Égypte 1,4

Brésil 2,3 Corée,Rép.de, 1,3

Tanzanie 2,0 Inde 1,2

Mozambique 1,5 AfriqueduSud 1,1

Ukraine 1,2 Malaisie 1,0

Source :Rulliet al. ,2013.

l’eau sont abondantes, ces investissements ont desretombées économiques positives. Cependant, l’un desgrands problèmes est que les droits de propriété sontsouvent peu respectés dans les pays où ces acquisitionssont réalisées, si bien qu’il se peut que les propriétaireslocaux aient été évincés de façon abusive ou illégale(Deininger et al., 2011). Manifestement, le regard souventnégatif porté sur ces activités montre à quel point laconcurrence accrue pour les ressources naturelles peutsusciter des tensions internationales, en particulier si laressource est jugée vitale par d’autres États pour leursécuritéalimentaireouleursécuriténationale.

Pour conclure, les différences de dotation en ressourcesnaturelles semblent expliquer assez bien la structure deséchanges commerciaux. En outre, la concentration accruedu contrôle des ressources naturelles confère un pourvoirde marché, qui peut être renforcé par le recours à desmesures commerciales restrictives. La concentration peutaussipermettreauxpays richesenressourcesd’utilisercepouvoirpourpoursuivredesobjectifsautresqu’économiques.À l’inverse, les pays qui manquent de ressources peuventchercheràgarantirlasécuritédeleurapprovisionnementaudétrimentdeleursrelationsinternationales.Danslamesureoù ces facteurs géopolitiques créent ou exacerbent lestensions internationales, ils peuvent entraîner une haussedesprixdesressourcesnaturellesplusimportantequecellequ’aurait entraîné un pouvoir de monopole, et ils peuventaccroître la volatilité des prix. Les deux phénomènespeuvent avoir des effets dommageables sur l’économiemondiale et le commerce international (voir l’analyseci‑après).

(b) Variationsetvolatilitédesprixdesressourcesnaturelles

Comme on l’a dit plus haut, les prix des ressourcesnaturelles ont tendance à être volatils. Cette sections’intéresse aux variations et à la volatilité des prix del’énergie,plutôtquedelaterreoudel’eau,enraisondeladisponibilitédesdonnées.Dansl’économiemondiale,ilya,d’une part, un groupe de pays industriels qui sontimportateurs nets de pétrole et qui absorbent une grandepartiedelaproductionmondialeet,d’autrepart,ungroupede pays exportateurs nets de pétrole. Les variations desprixdupétrolecréentdeschocsdestermesde l’échange,qui affectent négativement les économies industriellesmais qui profitent aux exportateurs de pétrole (Backus etCrucini,2000).Ordufaitdelatailledespaysindustrielsetdel’importancedupétrole,cesmodificationsdestermesde

l’échangeserépercutentsurl’économiemondialedanssonensemble.

L’énergie est un facteur de production essentiel et il estdifficile,àcourtterme,deremplacerlepétroleparlecapitalou par un autre facteur de production, de sorte que lahausse du prix du pétrole réduit la production des paysimportateurs nets d’énergie et freine leur croissanceéconomique (Hamilton, 2009). Ce ralentissement conduitlui‑même à une plus faible croissance des importations.Bienentendu,lahaussedesprixdupétroledevraitentraînerune augmentation de la production et du PIB des paysexportateursnetsd’énergie(KorhonenetLedyaeva,2010).Mais, pour l’économie mondiale dans son ensemble, lesdonnées disponibles indiquent que c’est l’effet négatif surlaproductionetlecommercequiatendanceàl’emporter.

Deuxièmement,lesvariationsdescoûtsdel’énergiepeuventmodifierlacompositionparproduitsdesimportationsetdesexportations d’un pays, en fonction de leur intensitéénergétique(Sadorsky,2012).Bienqu’iln’existepasdelistetype des produits ou des industries à forte intensitéénergétique, les données du bilan énergétique de l’Unioneuropéenne(Eurostat,2011)indiquentquecesproduitssontl’aluminium, le feret l’acier, lesproduitschimiques, leverre,les produits céramiques, les matériaux de construction(comme le ciment), et les pâtes et papiers. Toutes chosesétant égales par ailleurs, une hausse des prix de l’énergieentraînera une hausse des prix de ces produits à forteintensité énergétique, ce qui réduira par conséquent lademande pour ces produits ainsi que leur part (en termesréels ou en volume) dans le commerce international.L’importance de cet effet dépendra, entre autres, de lacapacitédesproducteursàremplacer l’énergiepard’autresfacteurs de production, et de l’élasticité de la demande decesproduits–c’est‑à‑diredelaréponsedesacheteursàlahaussedesprix.Moinslademandeestélastique,plusl’effetdelahaussedesprixdel’énergieestfaible.

La volatilité des prix est une autre caractéristique desmarchésmondiauxde l’énergie.La figureC.41 indique leprix nominal hebdomadaire au comptant du pétrole brut(c’est‑à‑dire le prix du brut négocié sur un marché «aucomptant»etlivrablepresqueimmédiatement)entre1987et 2012, ainsi que le carré du relevé hebdomadaire desprixdepétrole,utilisécommemesureapproximativedelavolatilité.124Surcettebase,lavolatilitédesprixatendanceà être plus forte dans certaines périodes. Certaines deshausses ou des baisses importantes du prix du brut aucomptant peuvent en effet être liées à des criseséconomiques ou politiques particulières, qui peuvent

Page 62: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

177

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

perturber considérablement l’offre ou la demandemondialed’énergie.

Lepicdevolatilitéàcourttermeatteinten1990‑1991estliéà l’invasionduKoweïtpar l’Iraqetà lapremièreguerreduGolfe.L’attaqueterroristecontre leWorldTradeCenterauxÉtats‑Unisen2001et laguerred’Iraqlancéeenmars2003 ont été deux autres périodes de fortes fluctuationsdes prix du pétrole. La flambée des prix des produits debase en 2007‑2008 et la crise financière de 2008‑2009ont aussi conduit à laplus forte chutedesprixdupétrolejamaisobservéesurlemarchéaucomptant.

Les causes profondes de la volatilité sont complexes etsontliéesàlademandeetàl’offreetàdeschocsdesdeuxcôtés. Les observations de Hamilton (2009) et Smith(2009)soulignentlerôledelafaibleélasticitédel’offreetdelademande,enparticulieràcourtterme.Uneexplicationàplus longtermeestproposéeparDviretRogoff (2009),qui avancent que la volatilité culmine quand une périoded’industrialisation rapide coïncide avec des incertitudesquant à l’approvisionnement en énergie. Les auteurs seréfèrent aux périodes 1861‑1878 et 1973‑2009 à l’appuide leur argument. Il s’agit en effet des périodesd’industrialisationrapide–auxÉtats‑Unispourlapremièreet en Asie de l’Est pour la seconde – marquées parl’incertitudedel’offre,dueaumonopoledescheminsdeferaux États‑Unis et à la capacité de l’OPEP de restreindrel’approvisionnementdansladeuxièmepériode.

Bien souvent, la hausse des prix du pétrole observée aucours de la dernière décennie est attribuée à la demandecroissante d’énergie de la Chine et de l’Inde émergentespoursoutenir leurdéveloppement rapide.Dépassantcetteexplication, plusieurs auteurs soutiennent que laspéculation a joué un rôle dans les hausses récentes desprix des produits de base et des ressources naturelles(Masters, 2008; Caballero et al., 2008; Robles et al.,2009). Cette question est examinée en détail dans leRapport sur le commerce mondial 2010, qui porte sur lesressourcesnaturelles(OMC,2010).

La volatilité des prix du pétrole peut réduire les fluxcommerciaux car elle accroît les risques pour lesimportateurs (Chen et Hsu, 2012). Dans les paysimportateursdepétrole, lesfluctuationsdesprix courantsrendentincertainel’évolutionfuturedesprixdupétrole,cequi incite les ménages à différer l’achat de biens deconsommation durables, et les entreprises à retarder lesdécisions d’investissement (Elder et Serletis, 2010;Henriques et Sadorsky, 2011). Cette réduction desdépenses des ménages et des entreprises entraîne unediminutiondelademandeglobaleetdoncdesimportationstotales. L’étude empirique de Chen et Hsu indique que lavolatilitédesprixdupétroleaaussipoureffetderéduirelesexportationstotalesdespaysimportateursdepétrole.

(c) Caractèreépuisabledesressourcesetrôledel’innovation

D’après Sweeney (1993), les ressources naturellesépuisables peuvent être définies comme celles dont lecyclederenouvellementestsilentqu’ellespeuvent,àjustetitre,êtreconsidéréescommeoffertesuneseulefoisparlanature.125 Les gisements de pétrole ou de gaz sont desexemplestypiquesderessourcesnaturellesépuisables.

Lecaractèreépuisabledecertaines ressourcesnaturellesasouventétéunsujetdepréoccupation.En1972, leClubde Rome – un groupe de réflexion mondial – s’est renducélèbre en annonçant que les pressions exercées par lesactivités économiques et la croissance démographiqueallaient conduire à l’effondrement de l’économie et à ladestruction de l’environnement en raison du caractère finides réserves des ressources naturelles (Meadows et al.,1972). D’autres ont avancé des théories du «pic», selonlesquelles l’extraction des ressources épuisables allaitdécrire une courbe en cloche, en augmentant d’abord defaçonexponentielle,puisenatteignantunsommetavantdediminuer également de façon exponentielle jusqu’àl’épuisementtotaldesressources(Hubbert,1956).

FigureC.41:Prix nominal hebdomadaire au comptant du pétrole et rendements carrés (Brent, Europe), 1987-2012 ($EU/bariletrendementscarréshebdomadaires)

1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011

0

0,01

0,02

0,03

0,04

0,05

0,06

0,07

0,08

0

20

40

60

80

Prix

nom

inal

heb

dom

adai

re d

u B

rent

Ren

dem

ents

car

rés

hebd

omad

aire

s

100

120

140

160

Rendements carrés Prix nominal hebdomadaire du Brent

Source :EnergyInformationAdministration(EIA)desÉtats‑Unis,calculsdesauteurs.

Note :LepétrolebrutBrent(en$EU/baril)s’échangesurl’IntercontinentalExchange(ICE)FuturesdeLondres.Prixhebdomadairesàlaclôture,lelundi.

Page 63: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

178

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

On pourrait dire que l’idée selon laquelle le rythmed’extractiond’uneressourceépuisableatteintunsommetavantdediminuerestunetautologie(Hamilton,2011).Cequidonneuncaractèreapocalyptiqueà la théoriedupic,c’estqu’elleimpliquequelepicestsoitderrièrenoussoittoutproche.Leséconomistes,quantàeux,onttendanceàconsidérer avec plus d’optimisme le caractère épuisabledes ressources naturelles et à s’intéresser à d’autresquestions. Comment les marchés, qu’ils soientconcurrentiels ou non, détermineront‑ils le tauxd’extractiond’uneressourceépuisable (Hotelling,1931)?Quelleestlameilleuremanièredetenircomptedel’équitéintergénérationnelle, autrement dit combien lesgénérations actuelles devraient‑elles consommer etcombienfaudrait‑illaisserauxgénérationsfutures(Solow,1974; Hartwick, 1977; Chichilnisky, 1996)? Il y aplusieursraisonsàcela.

Premièrement, on ne connaît pas avec certitude laquantité totale de ressources épuisables, de sorte que,avecdesincitationséconomiquessuffisantes,lesréservespeuvent être maintenues voire augmentées, grâce àl’exploitationdegisementsconsidérésinitialementcommenon économiquement exploitables (Pindyck, 1978).Deuxièmement, l’histoire a montré que l’innovationtechnologiquepermetdefairefaceaucaractèreépuisabledes ressources. Les innovations permettent en effetd’utiliser plus efficacement une ressource épuisable, etdonc de réduire progressivement la quantité nécessairepour obtenir une unité de production. De nouvellesméthodes d’exploration peuvent augmenter les chancesde faire de nouvelles découvertes géologiques (Arrow etChang, 1982). L’innovation peut aussi réduire les coûtsd’extraction d’une ressource (Hamilton, 2012). Enfin, latechnologie peut évoluer au point de rendre possible leremplacement des ressources épuisables par desressources reproductiblesou renouvelables (DasguptaetHeal, 1974). En fin de compte, la question est de savoircombien de temps l’innovation nous permettra de garderun temps d’avance sur l’épuisement des ressourcesnaturelles.

Prenant l’exemple de l’énergie, la figure C.42 indique lestendancesàlongtermedel’intensitéénergétique(laquellemesurant le nombre d’unités d’énergie nécessaires pourobtenir une unité de PIB). Plus l’indicateur est faible, plusl’efficacité énergétique de l’économie est élevée. Onobserve que l’intensité énergétique mondiale a diminuéchaque année depuis 1970. C’est le cas des grandeséconomies avancées comme les États‑Unis, mais il estintéressantdenoterquemêmelespaysémergentscommelaChineetl’Indeontenregistréunediminutiondel’intensitéénergétique au cours des 10 ou 20 dernières années,pourtant considérées comme des périodes d’utilisationextensivedel’énergie.

Geller et al. (2006) estiment que, sans l’amélioration del’efficacité énergétique, la consommation d’énergie despays de l’OCDE aurait été supérieure d’environ 49% à cequ’elleaétédepuis1998. Ilsattribuentcetteamélioration,entre autres, au développement et à la commercialisationd’un certain nombre de nouvelles technologies économesenénergie(pour laconstruction, lesappareilset leballastd’éclairage, etc.). Les améliorations technologiques ontégalement joué un rôle important dans la réduction del’intensité énergétique de la Chine (He et Zhang, 2006).Kianget al.(2011)estimentqu’ellessontàl’originede40à60%deséconomiesd’énergiesréaliséesparlaChine.

L’essor du gaz de schiste aux États‑Unis est un bonexempledelamanièredontl’évolutiontechnologiquepeutaccroître radicalement l’offre d’une ressource naturelleépuisable.Legazdeschisteestungaznaturelemprisonnédans les roches sédimentaires à grains fins. Unecombinaison d’innovations a été nécessaire pour queces gisements puissent être exploités commercialement.La technique d’extraction – la fracturation hydraulique –consiste à injecter dans le sous‑sol de l’eau, descomposés chimiques et du sable pour fissurer la rocheet libérer le gaz naturel contenu dans le schiste.126Toutefois, cette technologie n’a pu être utilisée defaçon productive et prévisible qu’après la mise aupoint de techniques permettant de cartographier leszones schisteuses et de faire des forages horizontauxdans les formations rocheuses (Trembath et al. , 2012).Grâce à ces avancées, la production de gaz de schisteaux États‑Unis a été multipliée par presque 22 depuislesannées1990.

LesfiguresC.43etC.44montrentencoreplusclairementcomment les avancées technologiques peuvent retarderou compenser l’épuisement des ressources. La figureC.43 indique les réserves de pétrole prouvées et le ratiodes réserves à la consommation mondiale de pétrole aucours des trois dernières décennies. Pendant cettepériode, le stock de réserves prouvées a augmenté deplus de 140% tandis que le ratio des réserves à laconsommationmondialeestpasséde11à19.Lasituationestanaloguedanslecasdugaznaturel,présentédanslafigure C.44. Les réserves prouvées ont augmentéd’environ 160% au cours des trois dernières décenniestandis que le ratio des réserves à la consommation acontinuédecroître.Cette tendanceà l’augmentationdes

FigureC.42:Intensité énergétique, 1970-2011

19

70

19

75

19

80

19

85

19

90

19

95

20

00

20

05

20

10

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

1,2

1,4

États-Unis Chine Inde Monde

Source :BP,Statistical Review of World Energy,juin2012;IndicateursdudéveloppementdanslemondedelaBanquemondiale;calculsdesauteurs.

Note :L’unitédemesuredel’intensitéénergétiqueestlenombredekilogrammesd’équivalent‑pétrolepar$EUconstantde2011.LePIBcouranten$EUaétédéflatéen$EUde2011aumoyendudéflateurduPIBmondialfourniparlesIndicateursdudéveloppementdanslemonde.

Page 64: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

179

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

réserves mondiales peut être démontrée pour beaucoupd’autresressourcesépuisables:bauxite,cuivre,feretzinc(Lomborg,2012).

Lahaussedesprixdel’énergieetdesressourcesnaturellesdue à la rareté incitera les entreprises à investir dansl’innovation. Il se peut cependant que l’investissement enR&D soit inférieur à l’optimum social, car les gainspotentielsneserontréalisésquedansplusieursdécennies,ce qui dépasse l’horizondeplanificationde la plupart desentreprises (Sathaye et al., 2007). Cette défaillance dumarché – la divergence entre les bénéfices privés et lesbénéficessociaux–peutjustifierl’utilisationdesubventionsà la R&D dans le secteur de l’énergie pour stimulerl’innovationetéviterl’épuisementdesressourcesnaturellesgrâceàdessolutionstechnologiques.

Geller et al. (2006) attribuent à la R&D financée par desfondspublicsunrôledéterminantdansl’améliorationàlongtermede l’efficacitéénergétiquedans lespaysde l’OCDE.Demême,Trembathet al.(2012)ontsoulignélerôlecrucialjoué par le gouvernement des États‑Unis dans ledéveloppementréussidugazdeschiste.L’innovationetlesprogrès dans le développement de la fracturationhydrauliqueetd’autres techniquesde récupérationdugazontétépossiblesgrâceàdesinitiativesderechercheetdecommercialisation publiques‑privées. Parallèlement, lessubventions laissent aux gouvernements une plus grandelatitude pour mener une certaine politique industriellequand les bénéficiaires des aides sont de futurs«gagnants», comme les biocarburants, l’énergie solaire etl’énergieéolienne.127Lerisqueestquecertainesindustriessoient encouragées non pour des raisons de politiquepublique mais pour favoriser des groupes de producteursnationaux.

Quelles sont les implications commerciales du caractèreépuisable des ressources naturelles? Premièrement, les

pays disposant d’importantes réserves de ressourcesépuisables peuvent voir leur avantage comparatif s’éroderavecletemps.Bienquel’analyseempiriquedeladynamiquede la spécialisation commerciale en rapport avec lesressourcesnaturellesait reçupeud’attention,128plusieursétudes semblent mettre en évidence des changementsdans l’avantage comparatif des pays exportateurs deressourcesnaturelles.

Leamer (1984) montre qu’entre 1958 et 1975 des payscommel’Australie,laRépubliquedominicaine,leHonduras,le Paraguay et les Philippines ont enregistré une forteaugmentation de l’extraction de minéraux tandis qu’àChypre, au Ghana et en Yougoslavie elle a fortementdiminué. Davis (1995) constate qu’entre 1973 et 1991 leBotswana,laRépubliquedémocratiqueduCongo,l’Angola,la Guinée, le Niger, la Papouasie‑Nouvelle‑Guinée, laRépubliquearabedeSyrie, l’AfriqueduSud, leCameroun,le Togo et l’Équateur ont acquis un avantage comparatifdans les industries extractives, tandis que la Tunisie s’estdiversifiée dans des activités autres que l’extraction deminéraux.

Uneétuderécented’AlvarezetFuentes(2012),utilisantunlargeéchantillondepaysentre1962et2000,constatequel’avantage comparatif dans les matières premières estgénéralement moins durable que dans le secteurmanufacturier. Cependant, on ne sait pas clairement dansquelle mesure cela est dû à l’épuisement des ressourcesnaturelles ou à d’autres facteurs, notamment leschangementsdepolitique(Davis,2010).Enoutre,commeilressort de cette analyse du caractère épuisable desressources, le progrès technologique est une forcepuissante qui peut être utilisée par les pays riches enressources naturelles pour maintenir leur avantagecomparatifdanscesecteur.

FigureC.43:Réserves de pétrole prouvées et ratio réserves/consommation, 1980-2011

1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010

0

200

400

600

800

1 000

1 200

1 400

1 600

1 800

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

20

Réserves de pétrole prouvées Ratio réserves de pétrole/consommation

Rat

io ré

serv

es d

e pé

trol

e/co

nsom

mat

ion

Mill

iard

s de

bar

ils

Source :BP(2012).

Page 65: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

180

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

FigureC.44:Réserves de gaz naturel prouvées et ratio réserves/consommation, 1980-2011

1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010

0

50

100

150

200

250

0

10

20

30

40

50

60

70

80

Réserves de gaz naturel prouvées Ratio réserves de gaz naturel/consommation

Mill

iers

de

mill

iard

s de

m3

Rat

io ré

serv

es/c

onso

mm

atio

n

Source :BP(2012).

(d) Coûtsenvironnementaux

Leprocessusd’extractiondesressourcesnaturellesouleurconsommation peuvent parfois avoir un coûtenvironnemental. Par exemple, la technologie actuelled’extractiondugazdeschiste–lafracturationhydraulique– présente des risques pour l’environnement. En effet, lefluidedefracturationpeuts’infiltreretcontaminerlanappephréatique,etduméthanepeutêtrelibéréaccidentellementpendant l’exploitation. La fracturation elle‑même peutprovoquerdepetitsséismes.

À l’heure actuelle, l’utilisation des combustibles fossilesest l’exemple le plus sérieux des effets négatifs del’exploitation des ressources naturelles surl’environnement. Elle produit des émissions de carbonequi s’accumulent dans l’atmosphère et peuvent y resterpendant des siècles. Ces émissions de carbone sont laprincipale cause de la hausse observée (et prévue) destempératuresmoyennesdanslemonde(Grouped’expertsintergouvernemental sur l’évolution du climat, 2007). Lechangement climatique a des conséquences négatives àlafoissurleplanphysique(élévationduniveaudesmers,modificationdelabanquiseetfréquencedesphénomènesmétéorologiques extrêmes) et sur le plan biologique(agriculture, sylviculture et santé des personnes). Onpensequeledoublementdesémissionsdegazàeffetdeserre dans l’atmosphère par rapport à la périodepréindustrielle (à 450 parties par million) va augmenterconsidérablementcesrisques.

De ce fait, de nombreux pays ont pris des mesures pouratténuerleseffetsnégatifsdel’utilisationdescombustiblesfossiles,parfoisunilatéralementetparfoisdeconcertavecd’autrespays.Cesmesuresconsistentnotammententaxessur les combustibles, en systèmes d’échange de droitsd’émission pour les secteurs considérés comme trèspolluants, en l’amélioration de l’efficacité énergétique, enmesuresd’encouragementdelarecherchedecombustiblesde remplacement, etc.Le rapport conjoint de l’OMCetdu

Programme des Nations Unies pour l’environnement(PNUE) sur le commerce et le changement climatique(OMC et PNUE, 2009) fait un tour d’horizon complet desdifférentesinitiativesnationalesetinternationales.

Les effets sur le commerce des politiquesenvironnementales, notamment des efforts d’atténuationduchangementclimatique,serontexaminésdanslasectionD.2 du rapport. Toutefois, deux points méritent d’êtresoulignés ici. Premièrement, les politiques liées auchangement climatique joueront un rôle essentiel dansl’évolution des prix de l’énergie et dans la compositionfuture du bouquet énergétique. Deuxièmement, il se peutque des différences subsistent entre les politiquesenvironnementales adoptées par les gouvernements,certaines étant plus strictes que d’autres, ce qui peutinduire des différences de coûts d’un pays à l’autre, enparticulierdans lessecteursà forte intensitéénergétique.Ces deux points sont repris plus loin dans l’analyse desscénariosfuturs.

(e) Avenirdesressourcesnaturellesetducommerce

La partie suivante s’intéresse principalement à l’eau et àl’énergie, car il y a beaucoup plus de travaux sur cesressourcesquesurlesterres.Elleexaminelesimplicationspossibles de l’évolution future de l’offre et de la demandederessourcesnaturellespourlecommerceinternationaletlespolitiquescommerciales,surlabasedesprojectionsdel’OCDE (2012c), de l’Agence internationale de l’énergie(2012), de l’Energy Information Administration desÉtats‑Unis(2012)etdegrandesentreprisesdusecteurdel’énergie,commeBP(2012b).

Eau et commerce international

D’après les projections de l’OCDE (2012c), la demandemondialed’eaudevraitaugmenterde55%entre2000et

Page 66: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

181

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

2050. Cette augmentation sera due principalement à laconsommation du secteur manufacturier, à la productiond’électricité et à la consommation des ménages.Dans l’avenir, les besoins en eau de l’agriculture et dessecteurs liés à l’environnement rivaliseront de plus enplus avec ceux des villes, des fournisseurs d’énergieet des industries (voir la figure C.45). Face à cesdemandes concurrentes, il sera difficile d’utiliser plusd’eaupour l’irrigation,etdoncaussipour l’alimentationetl’agriculture.

Cette pression sur les ressources en eau a deuximplications possibles pour le commerce international. Lapremièreconcerne lastructureducommercedesproduitsagricoles entre les pays. D’après les Perspectives del’environnement de l’OCDE, d’ici à la fin du siècle, lespopulations d’Asie du Sud et du Moyen‑Orient et unegrandepartiedeshabitantsde laChineetde l’AfriqueduNordsouffrirontdesévèrespénuriesd’eau.

Comme cela a été dit plus haut dans l’analyse de larépartition inégale des ressources naturelles, en cas degrave pénurie d’eau, les pays en déficit hydrique serontcontraintsd’importerdesproduitsà forte intensitéd’eau.Cela laisse penser que les produits alimentaires etagricoles représenteront une part plus importante desimportations futuresdecespays.Laseconde implicationconcerne la composition par produits du commerceinternational, et en particulier la possibilité que la baissetendancielle de la part des produits alimentaires etagricolesdanslecommerceinternational,évoquéedanslasectionB,soitstoppée,voireinversée.

énergie et commerce international

Compte tenu de la tendance à l’augmentation du PIBmondialetdelapopulationmondiale,ons’attendàcequelesbesoinsenénergieaugmententdeprèsd’untiersd’icià2035(Agence internationalede l’énergie,2012b).Celasera dû pour l’essentiel à l’augmentation de la demandedes pays émergents, tandis que la consommationd’énergie des pays développés ne changera pas demanière significative (BP, 2012b; Agence internationaledel’énergie,2012).

On s’attend à une modification de la composition dubouquet énergétique, avec une diminution de la part ducharbonetdupétroleetuneaugmentationdelapartdugaznaturel et des sources d’énergies renouvelables. Enparticulier, la production de gaz naturel des États‑Unisdevraitpasserde21600milliardsdepiedscubesen2010à 27900 milliards de pieds cubes en 2035 (US EnergyInformationAdministration,2012).Laquasi‑totalitédecetteaugmentation sera due à l’augmentation de la productiondegazdeschiste,quidevraitpasserde5000milliardsdepiedscubesen2010à13600milliardsdepiedscubesen2035.Lescombustiblesfossilescontinuerontàrépondreàla majeure partie des besoins mondiaux en énergie,représentant 75% de l’énergie mondiale (voir la figureC.46). C’est le gaz naturel qui couvrira l’essentiel del’augmentationattenduede lademanded’énergie.Lapartdes énergies renouvelables dans la consommation totaled’énergie passera à 15% en 2035, mais celles‑ci nepourront pas répondre à elles seules à la demandecroissanted’énergie.

FigureC.45:Demande mondiale d’eau: scénario de référence, 2000 et 2050 (km3)

0

1 000

2 000

3 000

4 000

5 000

6 000

Km

3

Irrigation Usage domestique Élevage Secteur manufacturier Électricité

2000 2050

OCDE

2000 2050

BRICS

2000 2050

Reste du monde

2000 2050

Monde

Source :OCDE(2012b).

Note :Cegraphiqueserapporteuniquementàlamesuredelademanded’eau«bleue»etnetientpascomptedel’agriculturepluviale.(BRICS:Brésil,FédérationdeRussie,Inde,Chine,AfriqueduSud.)

Page 67: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

182

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

L’évolution future des prix de l’énergie est une questionimportante pour le commerce international. Dans sesdernières prévisions, l’Agence internationale de l’énergieconsidèretroisscénariospossiblesquidiffèrentparletypede politiques que les pays pourraient adopter, de manièreunilatérale ou dans le cadre d’accords internationaux. Lespolitiques en question concernent les énergiesrenouvelables, l’efficacitéénergétique, lessubventionsauxcombustibles fossiles et l’atténuation du changementclimatique.

Lescénariodes«nouvellespolitiques»,quiest lescénarioderéférencedanslerapportdel’Agenceinternationaledel’énergie (AIE), suppose que les politiques en placeactuellement seront poursuivies et que, point encore plusimportant,lesmesuresgouvernementalesannoncées(maispas encore mises en œuvre) seront appliquées dans unavenir proche. Le scénario des «politiques actuelles»supposequeseuleslespolitiquesdéjàadoptées,etnonlespolitiquesannoncées,serontenvigueur(scénariodustatutquo).Letroisièmescénario,ou«scénario450»,129supposeque de nouvelles mesures seront adoptées aux niveauxnational et supranational pour limiter à 2°C la haussemoyennede la températuremondiale.Cescénariopartduprincipequetouslespaysdel’OCDEfinirontparappliquerdestaxessurlesémissionsdeCO2.

La figure C.47 présente les projections correspondantesdes prix réels du pétrole brut importé, qui serventd’indicateur supplétif des prix internationaux du pétrole.Ces prix ont été normalisés à 100 pour l’année de base2011. On observe la plus forte tendance à la hausse desprixdel’énergie(+35%)danslescénariodustatuquo.Lescénariodes«nouvellespolitiques»donneunehausseplusmodeste (de16%)à l’horizon2035,car il supposeque lamise en œuvre de politiques respectueuses del’environnement entraînera une diminution de la demanded’énergieparrapportauscénariodespolitiquesactuelles.Ilsera donc moins nécessaire d’exploiter des réservescoûteuses et les prix baisseront. Enfin, le scénario 450prévoit une évolution négative des prix de l’énergie. Ilsuppose en effet que des politiques de réduction desémissions plus strictes (par rapport à celles des deux

premiers scénarios) permettront de limiter fortement lademande d’énergie de sorte que les prix de l’énergiebaisseront(de8%)parrapportàleurniveaude2011.

En ce qui concerne l’effet probable sur le commerceinternational, le développement rapide du gaz de schisteaux États‑Unis va entraîner une modification radicale desflux mondiaux d’énergie et de la structure du commerceinternationaldupétrole(Agenceinternationaledel’énergie,2012). Les États‑Unis vont redevenir un grand producteuret exportateur d’énergie et ne seront plus simplementconsommateurs et importateurs. Ils deviendrontexportateurs nets de gaz naturel d’ici à 2020. Enconséquence, l’Amérique du Nord sera autosuffisante enénergieetdeviendraexportateurnetdepétroleà l’horizon2035.

L’Iraqestunautrepaysqui joueraunrôle importantsur lemarché de l’énergie. D’après l’AIE, il sera la principalesource de croissance des exportations mondiales depétrole à l’horizon 2035. Pour cela, il devra réussir àréhabilitercomplètementsonsecteurénergétique,grâceàsesénormesréserves,àsesfaiblescoûtsd’exploitationetàdespolitiquesfavorablesauxinvestissements.Dufaitdeces deux changements, le pétrole du Moyen‑Orient devratrouverd’autresdébouchésque lemarchénord‑américain,lescénarioleplusprobableétantqu’ilseraredirigéverslesmarchésasiatiques.

Lahaussedesprixdel’énergiepréditedansl’avenirpourraitaussi conduire à une modification de la composition deséchanges. En supposant qu’il est difficile de remplacerl’énergie par d’autres facteurs de production, comme lecapital ou le travail, les secteurs à forte intensitéénergétique seront plus pénalisés que les autres par la

FigureC.46:Parts relatives des différentes sources d’énergie, 2010 et 2035

FigureC.47:Projections des prix de l’énergie jusqu’en 2035 (pourcentage)

0 %

35 %

30 %

25 %

20 %

15 %

10 %

5 %

2010 2035

Pét

role

Cha

rbon

Gaz

nat

urel

Éne

rgie

nucl

éaire

Éne

rgie

hydr

auliq

ue

Éne

rgie

sre

nouv

elab

les

80

90

100

110

120

130

140

150

20

11

20

14

20

17

20

20

20

23

20

26

20

29

20

32

20

35

Nouvelles politiques Politiques actuellesScénario 450

Source :Agenceinternationaledel’énergie(2012).

Note :Lespartsrelativesdesdifférentessourcesd’énergieprévuesàl’horizon2035correspondentauscénario«Nouvellespolitiques»durapportdel’AIE.

Source :Agenceinternationaledel’énergie(2012).

Note :Lesprixréelsàl’importationdupétrolebrutsontexprimésen$EUde2011etontéténormalisésà100pourl’année2011.Lescénario«Nouvellespolitiques»supposequelespolitiquesactuellementenplaceserontpoursuiviesetquelesmesuresgouvernementalesannoncées(maispasencoreappliquées)serontmisesenœuvredansunfuturproche.Lescénario«Politiquesactuelles»supposequeseuleslespolitiquesactuellesserontenvigueur.Le«Scénario450»supposequedenouvellesmesuresgouvernementalesnationalesetsupranationalesserontadoptéespourlimiterà2°Clahaussedelatempératuremondialemoyenne.

Page 68: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

183

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

haussedescoûtsdel’énergie.Enoutre,ilestprobablequelespaysn’aurontpaslamêmerigueurdansleurspolitiquesd’atténuation du changement climatique. Les pays ayantdes politiques environnementales strictes pourraient voirleur compétitivité diminuer dans les secteurs à forteintensité énergétique par rapport aux pays ayant desréglementations beaucoup plus souples. Enfin, la hausseprojetée des prix de l’énergie a également une incidenceimportantesurlescoûtsdescarburantset,partant,surlescoûtsdutransport.Ceseffetsetleursrépercussionssurlecommerce internationalsontétudiésplusendétaildans lasectionC.5.

Au‑delà de ces impacts, bon nombre des questions depolitique évoquées plus haut resteront probablementpertinentes ou prendront de l’importance dans l’avenir. Ils’agit notamment de l’utilisation de restrictions àl’exportation par les pays riches en ressources pouraccroître leur pouvoir de marché dans le commerceinternational, du recoursauxsubventionspourencouragerlarecherchedesolutionspourremplacer lescombustiblesfossiles et de leur détournement possible aux fins de lapolitiqueindustrielle,delaprotectiondel’agriculture,delafixationdesprixdesressourcesnaturellescommel’eau,etenfin des divergences dans l’adoption de mesuresd’atténuationduchangementclimatique.

(f) Conclusions

La forte concentration des exportations des pays endéveloppement riches en ressources naturelles est l’unedes tendances identifiées dans la section B2(c). Unenseignement important pour ces pays est que l’avantagecomparatif fondé sur des ressourcesépuisables peut êtrefragile. Pour ces pays comme pour l’ensemble du monde,l’investissement dans la recherche‑développement estcrucialsil’onveutpérennisercesavantages.

S’agissantducommercede l’énergie,onpeuts’attendreàuneprofondemutationdanslesdeuxprochainesdécennies,avecleretourdesÉtats‑Uniset,dansunemoindremesure,del’Iraq,danslaproductionetlecommercedel’énergieauniveau mondial. Les exportations de pétrole duMoyen‑Orient seront résolument réorientées vers l’Asie.Uneplusfortecroissancedémographiqueetuneéconomiemondialebeaucouppluslargeentraînerontunehaussedesprixdel’énergieavecl’augmentationdelademande,cequise traduira peut‑être par une diminution de la part desproduits à forte intensité énergétique dans le commercemondial. De graves pénuries d’eau en Asie du Sud, auMoyen‑Orient, en Afrique du Nord et en Chine pourraiententraîner une augmentation des importations de produitsalimentairesetagricolesdanscesrégionsmanquantd’eau.Celaauraprobablementpoureffetdemaintenir l’attentionsur plusieurs questions de politique commerciale dans lesecteur des ressources naturelles, les plus importantesétant celles des restrictions à l’exportation et dessubventions. Les politiques dans d’autres secteurs,notammentlesmesuresquifaussentleséchangesdanslesecteur agricole et les divergences dans l’application demesuresd’atténuationduchangementclimatique,devraientaussijouerunrôleimportant.

5. Coûtsdetransport

Le coût du transport de marchandises des producteursjusqu’aux utilisateurs influe sur le volume, la répartitiongéographique et la structure du commerce. Il détermine

quels biens sont échangeables ou non échangeables,quelles entreprises peuvent participer au commerce etcomment elles organisent leur production au planinternational. Le coût du transport est lui‑même influencépar une série de déterminants fondamentaux. Ce sont,entreautres, lescaractéristiquesgéographiquesdespays,la quantité et la qualité des infrastructures physiques surlesquelles reposent les services de transport, lesprocéduresetlesformalitéspourlecontrôledumouvementdes marchandises d’un pays à un autre, le degré deconcurrence dans le secteur des transports, le rythme del’innovation technologique dans ce secteur et le coût ducarburant (BeharetVenables,2010).Lescaractéristiquesdesproduitsexpédiés influentégalementsur lescoûtsdetransport.

Lapartie (a)decettesectionexaminecomment lescoûtsdetransportpeuventinfluersurlecommerceinternational.La partie (b) examine en détail chacun des principauxdéterminantsdescoûtsdetransportetleurimportance.Lapartie (c) présente, en conclusion, plusieurs scénariosd’évolutiondescoûtsdetransport.

(a) Influencedescoûtsdetransportsurlecommerce

Aprèsdesdécenniesderéductionsimportantesdesdroitsde douane à travers le monde, attribuables en partie ausuccèsdesnégociationsmenéesdanslecadredel’Accordgénéralsur les tarifsdouanierset lecommerce (GATT)etde l’OMC, les obstacles tarifaires sont aujourd’hui moinsélevésenmoyennequedenombreuses composantesdescoûts commerciaux, notamment les coûts de transport.CelaestdocumentédansuneétudeapprofondiedescoûtscommerciauxréaliséeparAndersonetvanWincoop(2004)(voirlasectionB).

Prenantl’exempledesÉtats‑Unis,letableauC.15compareles coûts de transport ad valorem et les droits de douanemoyensad valorem pondérésen fonctionde la valeurdesimportations. Les chiffres concernant les États‑Unis sontconformes aux conclusions d’Anderson et van Wincoop, àsavoir que les droits de douane ad valorem sontgénéralementinférieursauxcoûtsdetransportad valorem.Lamesuredescoûtsdetransportutiliséedanscescalculsnecomprendque laportion internationaledu transport.Sil’oninclutégalementletransportintérieur,lescoûtstotauxsont encore plus élevés. L’inversion de l’importance descoûtsdetransportetdesdroitsdedouanemontreenquoilespremierss’apparententàdesmesuresprotectionnistes,car comme elles, ils créent un «biais anticommerce»,c’est‑à‑direqu’ilsincitentàproduirepourlemarchéintérieurplutôtquepourlemarchémondial.130

S’inspirantdeSamuelson(1954),laplupartdesmodèlesducommerce qui incluent les coûts de transport supposentque ces coûts sont proportionnels au prix du produitéchangé(lescoûtsdetransportsontlapartieémergéedel’iceberg).Ilenressortquelescoûtsdetransportcréentunécart entre les prix au départ et les prix à l’arrivée, sanstoutefois modifier les prix relatifs des produits. Parconséquent, une augmentation des coûts de transportréduit le volume des échanges mais ne modifie pasnécessairement leur composition. Toutefois, si tout oupartiedescoûtsdetransportsontadditifs,c’est‑à‑direfixéssurunebaseunitaireplutôtqueproportionnellementauprixduproduitéchangé,onnepeutplusconclureque lesprixrelatifsrestentinchangés.Enparticulier,onpeuts’attendre

Page 69: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

184

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

àcequelescoûtsdetransportaientdeseffetsprononcéssur les prix relatifs des produits de grande qualité et desproduitsdequalitéinférieure,maisaussisurlesprixrelatifsdesproduitsn’ayantpaslemêmeratiopoids‑valeur.

Comme le prix d’un produit de qualité supérieure estgénéralement plus élevé que celui d’un produit de qualitéinférieure, les coûts de transport fixes par expéditionreprésenteront une part plus importante du prix de cedernier. Une augmentation des coûts de transportentraînera donc une hausse proportionnellement plusimportante du prix du produit de qualité inférieure que duprix du produit de qualité supérieure. Sur les marchésd’exportation, les consommateurs seront ainsi encouragésà préférer le produit de qualité supérieure, dont la partaugmentera dans le commerce international.131 Une plusgrande part du produit de qualité inférieure restera sur lemarché intérieur (voir l’encadré C.9). Inversement, uneréduction des coûts de transport entraînera uneaugmentationdelapartduproduitdequalitéinférieurdansle commerce international. Plus l’écart de prix est grandentreleproduitdequalitésupérieureetleproduitdequalitéinférieure,plus lescoûtsde transportontun impactsur lastructureducommerce.

HummelsetSkiba(2004)ontvérifiésilesdonnéessurlescoûts de transport étayent plus l’argument des coûtsadditifs que celui des coûts iceberg et si les coûts detransportmodifient lesprix relatifsdesproduitsdequalitésupérieureetdesproduitsdequalitéinférieure.Leurétudeestbaséesurlesproduitsimportésdurestedumonde(auniveaudespositionsàsixchiffresduSystèmeharmonisé)par plusieurs pays d’Amérique latine – Argentine, Brésil,Chili,ParaguayetUruguay–etpar lesÉtats‑Unis.L’étudeconstate que les coûts de transport ne sont pasproportionnelsauxprix(cenesontpasdescoûtsicebergs)etseraientplutôtadditifs,132etquelapartdesproduitsdequalité supérieure par rapport aux produits de qualitéinférieure augmente lorsque le taux de fret par unitéaugmente.

Outrelesdifférencesdequalité,lesproduitséchangésontune autre caractéristique importante, c’est le ratiovaleur‑poids (Hummels, 2007). L’encadré C.10 analysequelques estimations des ratios valeur‑poids des

importations de l’UE et des États‑Unis, désagrégés parmode de transport. Toutes choses égales par ailleurs,l’incidencedescoûtsdetransportsurleprixdébarquédesproduitsestplusfaiblequandleratiovaleur‑poidsestélevé.Pourlecomprendre,comparonsl’effetdel’expéditiond’unetonne métrique de minerai de fer d’une valeur de 120dollarsEUàceluidel’expéditiond’unetonnedelingotsd’ord’une valeur de 54,7 millions de dollars EU.133 Puisque lepoids est le même, les coûts d’expédition seront trèssemblables;seullecoûtdel’assuranceseraprobablementdifférent pour chaque expédition. Toutefois, étant donnél’énormedifférencedevaleurd’unetonnemétriquedecesproduits en termes ad valorem, les coûts de transportinflueront plus sur le prix livré du minerai de fer que surceluidel’or.Comptetenudeceseffetssurlesprixrelatifs,si les coûts de transport sont plus élevés, la part desproduitsayantleratiovaleur‑poidsleplusélevéatendanceàaugmenterdanslecommerceinternational.

Un article récent de McGowan et Milner (2011) présentedesdonnéesempiriquesconfirmantquelacompositionducommerce est influencée par l’augmentation des coûtscommerciaux (dont les coûts de transport sont unecomposante importante). Ils se concentrent sur lessecteurs dans lesquels les coûts commerciaux sontimportants et dont la production utilise une forteproportiondebiensintermédiairesimportés.Cessecteursd’activité sont notamment les suivants: coke, pétrole etcombustiblenucléaire;pâteàpapier,papieretproduitsenpapier; et machines électriques. Utilisant un échantillonde 37 pays industrialisés et en transition, ils constatentque les industries situées dans les pays où les coûtscommerciauxsontfaibles,captentunepartbeaucoupplusgrande des exportations mondiales, cet effet étant plusprononcé dans les secteurs où les coûts commerciauxsontimportants.

Le ratio valeur‑poids des produits échangés a augmentépour tous les modes de transport, mais surtout pour letransportaérienàlafinduXXesiècle(Hummels,2007).LetableauC.16illustrecetterelationpourlesimportationsdel’UEetdesÉtats‑Unisaucoursdesdixdernièresannées,l’augmentation étant plus marquée pour les transportsmaritimes, ferroviaires et routiers. Cela peut être dû, enparticulier,àl’envoléedescoûtsdukérosène,quiaramené

TableauC.15:Coûts de transport ad valorem pour les importations des états-Unis, 1996 et 2011Tous modes de

transportMaritime Aérien Autres modes

Droits de douane

1996

Totaldesmarchandises 3,35 4,55 2,90 1,84 2,49

Produitsagricoles 6,93 8,32 20,92 3,87 2,94

Combustiblesetproduitsminiers 5,40 6,51 0,94 3,27 0,47

Produitsmanufacturés 2,84 3,73 2,82 1,45 2,76

2011

Totaldesmarchandises 2,63 3,48 2,34 1,11 1,38

Produitsagricoles 5,02 5,79 18,99 2,50 1,50

Combustiblesetproduitsminiers 1,94 2,15 0,61 1,28 0,82

Produitsmanufacturés 2,75 3,96 2,39 0,96 1,59

Source :USImportsofMerchandiseduBureaudurecensementdesÉtats‑Unis,calculsdesauteurs.

Note :Lamoyennepourtouslesmodesetchaqueautreagrégatsontpondérésparlesimportations(donnéesprésentéesinitialementauniveauà10chiffresduSH).Ledroitdedouanemoyenestcalculéenpondérantlesdifférenteslignestarifaires(agrégéesparTRAINSauniveauà6chiffresduSH)parlesvaleursdesimportationsrespectives.

Page 70: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

185

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

une partie du commerce international vers ces autresmodesdetransport.

Cependant, les différences considérables du ratiovaleur‑poids entre le transport aérien et les autres modesdetransport,etaussientredifférentsgroupesdeproduits,semblent les mêmes pour l’Union européenne et pour lesÉtats‑Unis.Enmoyenne,lesmarchandisestransportéesparavionplutôtqueparbateauontunevaleurenviron100foisplusélevéeentermesderatiovaleur‑poids.Cesdifférencespeuventêtreattribuéesengrandepartieaucommercedesproduitsmanufacturés,quireprésentelamajeurepartieducommercemondial.

Les variations des coûts de transport peuvent égalementinfluersur lastructuredeséchangesà travers leur impactsurla«margecommercialeextensive»–l’augmentationdunombre de produits qu’un pays exporte ou importe. Lesproduits fabriquésparunpaysnesontpas tousexportés.Cependant,sil’onréduitl’écartentrelesprixaudépartetàl’arrivée, une baisse des coûts de transport peut élargirl’éventail des produits susceptibles d’entrer dans lecommerce international, rendant ainsi échangeables desproduitsquinel’étaientpasauparavant.

Moreira et al. (2008) proposent des estimations de ladiversificationquipourraitrésulterd’uneréductiondescoûtsde transport pour neuf pays d’Amérique latine – Argentine,l’État Plurinational de la Bolivie, Brésil, Chili, Colombie,Équateur,Paraguay,PérouetUruguay.Ilsnotentqueledegrédediversificationdesexportationsdecespaysestplusfaibleque ce que laisserait supposer leur taille et est inférieur ouplus ou moins égal à la moyenne, compte tenu de leursniveauxdedéveloppement.Lesauteursmesurentledegrédediversificationen fonctiondunombrede lignes tarifairesauniveau des positions à six chiffres du SH pour lesquels lesfluxcommerciauxsontpositifspourchaquepairedepays.Ilsestiment qu’une diminution de 10% des coûts de transportmoyensseraitassociéeàuneaugmentationdeplusde10%

du nombre de produits exportés et à une augmentation de9%dunombredeproduitsimportés.Lamesuredanslaquellela diminution des coûts de transport modifie la margecommerciale extensive variera évidemment selon les pays.Les auteurs estiment que, pour les économies les plusgrandes, comme l’Argentine et le Brésil, l’augmentation dunombredeproduitsexportésversd’autrespaysdelarégionseraitdel’ordrede210à253,alorsquepourleséconomiespluspetites,commelaColombieet lePérou, l’augmentationseraitd’environ50produits.

Lesservicesde transportneconsistentpasseulementenl’acheminementdemarchandisesentrelelieud’origineetlelieu de destination; ils ont également une dimensiontemporelle–àsavoirletempsnécessairepouramenerlesmarchandises à destination. La figure C.48 montre que letemps nécessaire pour exporter varie considérablementselonlepaysetleniveaudedéveloppement.IlestbeaucouppluscourtenEurope,enAmériqueduNordetenAustraliequ’enAfriqueetdanslespayssanslittorald’Asiecentrale.Pour le premier groupe, il faut moins de 12 jours enmoyenne pour qu’un conteneur soit prêt à quitter le payspar bateau, en incluant le transport intérieur, ledédouanementet lechargement.Pour laplupartdespaysd’Asieetd’Afrique,ilfautplusde25jourspourexporteruntelconteneur.

Il y a plusieurs manières d’aborder la question du coût dutemps ou des retards dans le contexte du commerce.Premièrement,onpeutconsidérercecoûtdupointdevuedu fondsde roulementquiest immobilisépendantque lesmarchandises expédiées attendent dans les soutes desnavires.Vusouscetangle,lecoûtdutempsestsimplementlecoûtdesintérêtsliéàcesexpéditions.Deuxièmement,lecoût du temps peut être considéré comme le taux dedépréciation ou d’obsolescence technique de lamarchandise exportable, qui peut être très élevé s’il s’agitde produits frais, d’articles de mode qui ne plaisent qu’untemps ou de produits électroniques grand public

EncadréC.9: Le mystère de la disparition des délicieuses pommes rouges

Avantd’êtrelesiègedegéantsdumondedesaffairescommeAmazon,Boeing,MicrosoftetStarbucks,etleberceauduphénomèneculturelqu’aétélamusiquegrunge,l’ÉtatdeWashingtonauxÉtats‑Unisétaitréputépoursespommes.Maiscertainshabitantsdel’États’irritaientdevoirqueseuleslespetitespommesrustiquesétaientvenduessurplace,alorsquelesdélicieusespommesrougesétaientexpédiéeshorsdel’État.Ceshabitantsontécritaujournallocal,leSeattle Times ,pourexprimerleurmécontentement,maispoureux,ilyavaitlàunmystèreapparemmentinexplicable.

Pourtant, l’explication de ce mystère était connue depuis longtemps par la Faculté d’économie de l’Université deWashington,oùelleétaitmêmediscutéeencoursetfaisaitpartiedessujetsd’examens.L’explicationétaitque,lorsquelecoûtdetransportunitaireestlemêmepourlesproduitsdequalitésupérieureetdequalitéinférieure,celaréduitleprixrelatifduproduitdequalitésupérieureaupointdedestination.Parconséquentlesconsommateursdumarchédedestination achètent une plus grande proportion de produits de qualité supérieure que les consommateurs du lieud’origine.L’explicationfournieparleséconomistesdel’UniversitédeWashingtonauxlecteursduSeattle Times ,dansl’éditiondu28octobre1975,estreproduiteci‑après:

«Supposons,parexemple,quesurlemarchélocalunebonnepommecoûte10centsetunemauvaisepomme5cents.Commelecoûtd’unebonnepommeéquivautàceluidedeuxmauvaisespommes,onpeutdirequ’unebonnepommecoûte,enfait,deuxmauvaisespommes.Deuxbonnespommescoûtentdonc quatre mauvaises pommes. Supposons maintenant que le transport d’une pomme (n’importelaquelle)versl’estcoûte5cents.Celasignifiequedansl’est,lesbonnespommescoûteront15centspièceet lesmauvaises10centspièce.Mais,mangerdeuxbonnespommescoûteradésormais troismauvaisespommes,aulieudequatre.Bienquelesdeuxprixaientaugmenté,lesbonnespommessontdevenues relativement moins chères et les consommateurs en achèteront une plus grande quantitédansl’estquecheznous.Cen’estpasuneconspiration,c’estjustelaloidelademande.»

Source :BorcherdingetSilberberg(1978).

Page 71: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

186

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

EncadréC.10: Ratios valeur-poids des importations de l’Union européenne et des états-Unis

Le ratio valeur‑poids des produits échangés a augmenté pour tous les modes de transport, mais surtout pour letransportaérienàlafinduXXesiècle(Hummels,2007).LetableauC.16illustrecetterelationpourlesimportationsdel’UE et des États‑Unis au cours des dix dernières années, l’augmentation étant plus marquée pour les transportsmaritimes, ferroviaireset routiers.Celapeutêtredû,enparticulier,à l’envoléedescoûtsdukérosène,quia ramenéunepartieducommerceinternationalverscesautresmodesdetransport.

Cependant, les différences considérables du ratio valeur‑poids entre le transport aérien et les autres modes detransport, et aussi entre différents groupes de produits, semblent les mêmes pour l’Union européenne et pour lesÉtats‑Unis.Enmoyenne, lesmarchandises transportéesparavionplutôtqueparbateauontunevaleurenviron100foisplusélevéeentermesderatiovaleur‑poids.Cesdifférencespeuventêtreattribuéesengrandepartieaucommercedesproduitsmanufacturés,quireprésentelamajeurepartieducommercemondial.

TableauC.16:Ratios valeur-poids des importations de l’UE et des états-Unis, 2001 et 2011

Mer Air Rail RouteAutres modes de transport

UE 2001

Totaldesmarchandises 364 80323 164 2676 448

Produitsagricoles 486 4828 111 627 629

Combustiblesetproduitsminiers 140 18759 87 505 166

Produitsmanufacturés 2042 107911 498 5198 4645

UE 2011

Totaldesmarchandises 1080 123546 398 5184 952

Produitsagricoles 1142 8140 267 1349 1482

Combustiblesetproduitsminiers 600 53606 248 1776 677

Produitsmanufacturés 3935 146445 1210 9100 7178

états-Unis 2001

Totaldesmarchandises 612 85377 ‑ ‑ ‑

Produitsagricoles 981 5159 ‑ ‑ ‑

Combustiblesetproduitsminiers 155 281670 ‑ ‑ ‑

Produitsmanufacturés 2561 96087 ‑ ‑ ‑

états-Unis 2011

Totaldesmarchandises 1497 133167 ‑ ‑ ‑

Produitsagricoles 1969 7804 ‑ ‑ ‑

Combustiblesetproduitsminiers 704 293260 ‑ ‑ ‑

Produitsmanufacturés 4495 140344 ‑ ‑ ‑

Source :GlobalTradeAtlas,établiparGTIS(GlobalTradeInformationServices),calculsdesauteurs.

Note : Les ratios valeur‑poids sont indiqués en $ EU par tonne métrique. Les moyennes des agrégats sont pondérées par les importations(donnéesprésentéesauxniveaux initialementà6chiffresetà10chiffresduSH, respectivement).Seules les importationsextérieures (enprovenancedepayshorsUE)sontutilisées.LesÉtats‑Unisnecommuniquentdesdonnéescohérentessurlepoidsquepourleursimportationsparvoiemaritimeetaérienne,etlesautresmodesdetransportnepeuventpasêtrecalculés.

(smartphones, par exemple) pour lesquels le processusd’innovation est extrêmement rapide. Troisièmement, onpeutadopteruneoptiquequalitativementdifférenteetvoirle coût du temps en termes d’incertitude (Harrigan etVenables,2006).

Il y a au moins deux sources d’incertitude. La premièrerésulte de la manière dont la production mondiale estorganisée. Avec le développement des chaînesd’approvisionnementmondiales(voirlasectionB.2(e)),delagestiondesstocksàfluxtendusetdelaventeaudétailsurcommande, un plus grand nombre de produits sontsensiblesauxdélais.Pourleschaînesd’approvisionnementmondialesquifabriquentdesproduitsfinalsavecungrandnombre de pièces et composants, l’absence desynchronisationdeslivraisonspeutdésorganiserl’ensembleduprocessusdeproduction.134Touteincertitudequantauxdélaisdelivraisonexactspeutréduirelecommerce,carlesentreprises peuvent s’approvisionner en intrants sur lemarché local, afin de réduire le risque d’interruption de laproduction.

Unedeuxièmesourced’incertitudeestliéeàlavolatilitédelademandedeproduits(HummelsetSchaur,2010).Siuneentreprise n’évalue pas correctement les goûts desconsommateursétrangers,elleseretrouveraavecunstockde produits dont personne ne veut. Si elle décide, parprudence, de ne produire qu’une quantité limitée d’unmodèle donné, elle ne profitera peut‑être pas pleinementdes possibilités du marché, même si elle a évaluéconvenablement les goûts des consommateurs étrangers.L’entreprisepeutévitercedilemmeenfaisantensortequeses produits arrivent rapidement sur les marchésinternationaux,cequiluipermetd’organiseretd’adaptersaproduction en fonction des goûts des consommateursétrangers.

Lesétudesempiriquesqui tententdemesurer lecoûtdesretardsabordentlaquestiondeplusieursfaçons.Certainesestiment ce coût en termes de réduction du volume ducommerce.Djankovet al.(2010)montrentqu’unretardd’unjourdansledélaimoyend’exportation–tempsquis’écouleentre le moment où une cargaison quitte le site de

Page 72: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

187

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

l’entrepriseetlemomentoùelleesteffectivementexportée–réduit lesexportationsdeplusde1%.D’autresessaientde mesurer l’augmentation en pourcentage du prix de lamarchandiseaupointdedestination.

SelonlesestimationsdeHummelsetSchaur(2010),chaquejourdetransitéquivautàundroitdedouanead valorem de0,6à2,3%.Ilsontconstatéquelesexpéditionsconstituéesde pièces et de composants ont une sensibilité aux délaissupérieure de 60% et ont davantage de probabilité d’êtretransportéesparavion.Le transportaérienestévidemmentplusrapidemaisaussipluscoûteuxqueletransportmaritime.D’autres études examinent dans quelle mesure des paysrisquent de ne pas pouvoir entrer sur des marchésd’exportation spécifiques ou participer aux chaînesd’approvisionnement mondiales à cause de retardsimportants dans les expéditions (Nordas et al., 2006;Hummels et Schaur, 2012). D’après les estimationsd’HummelsetdeSchaur,unretarddetroisjourspeutréduirede13%laprobabilitéd’exporter(voirlasectionB.2(a)).

En somme, ces estimations aboutissent au même résultat– le coût des retards dans le commerce international estélevé. Ces études estiment qu’un retard d’une semainedans les expéditions peut réduire le volume desexportationsdepasmoinsde7%ouaugmenterde16%leprix livré des marchandises. Pour les marchandisesparticulièrementsensiblesauxdélais,commelespiècesetlescomposants, la réductionduvolumeexportépeutallerjusqu’à26%.

(b) Déterminantsdescoûtsdetransport

Quels facteurssontsusceptiblesd’influersur lescoûtsdetransport? Parmi les déterminants possibles figurent: lescaractéristiques du produit, la géographie, l’infrastructure,laconcurrence,l’évolutiontechnologique,lafacilitationdeséchangesetlescoûtsducarburant.

(i) Caractéristiques du produit

Commeonl’avuplushaut,lescoûtsdetransportad valorem varient selon les caractéristiques du produit expédié. Deuxcaractéristiques sont particulièrement importantes à cetégard: laqualitéduproduitetsonratiovaleur‑poids.Touteschoseségalesparailleurs,lescoûtsdetransportad valorem sont plus faibles pour les produits de qualité supérieure etpourceuxdontleratiovaleur‑poidsestélevé.

(ii) Géographie : pays sans littoral et distance par rapport aux marchés

Les caractéristiques géographiques d’un pays peuventavoir une incidence importante sur lescoûtsde transport,etdonc,surlacapacitédespaysdeparticiperaucommerceinternational. L’une des caractéristiques les plusimportantesest l’accèsàunocéanouàunemerdonnantaccèsàunocéan.

Ilyaplusde40payssans littoraldans lemonde,dont31sont des pays en développement et 16 des pays moinsavancés.135Sil’absencedelittoralhandicapelecommerced’un pays, c’est en grande partie parce que cela rend lepaysdépendentdespaysde transit (Arviset al., 2007)etque, par conséquent, l’emplacement, la taille et la qualitédesinfrastructuresdetransportnécessairesaucommerceéchappentenpartieàsoncontrôle. Ilnecontrôlepasnonplus les politiques ou les réglementations applicables auxsecteursdestransportsetdelalogistique.Celles‑cidoiventêtrenégociéesavec lespaysde transitet le résultatn’estpasnécessairementcequ’auraitchoisilepayssanslittoral.En outre, des considérations politiques et économiquespeuventinciterlespaysdetransitàimposerdescoûtsauxpayssanslittoral(Gallupet al.,1999).

Utilisantladifférenceentrelesvaleursc.a.f.(coût,assuranceetfret)etf.a.b.(francoàbord)136desmarchandisescomme

FigureC.48:Temps nécessaire pour l’exportation de marchandises (jours)

Moins de 12 12 à 19 19 à 25 Plus de 25

Source :Doing Business – Trading Across Borders ,Banquemondiale(2013).

Note :Lespayssontclassésenfonctiondutempsnécessaire(enjours)pourproductionetlemomentoùelleestprêteàquitterlepaysexportateurparbateau.exporterunconteneurnormalisé,c’est‑à‑diredutempsquis’écouleenmoyenneentrelemomentoùlamarchandisesortdusitedeSurfacesblanches:donnéesnondisponiblesaumomentdelarédaction.Lescouleursetleslimitesn’impliquentaucunjugementdelapartdel’OMCquantaustatutjuridiquedesfrontièresouterritoires.

Page 73: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

188

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

mesuredescoûtsdetransport,RadeletetSachs(1998)ontconstaté que ces coûts sont plus élevés de 63% pour lespays sans littoral. Moreira et al. (2008) montrent que lesimportations du Paraguay, pays sans littoral, coûtent deuxfoisplus,enmoyenne,quecellesdesautrespaysd’Amériquelatineayantunaccèsàl’AtlantiqueouauPacifique.

Utilisant une autre mesure des coûts de transport – lestarifs d’expédition – Limao et Venables (2001) estimentque l’enclavement augmente les coûts de transport de55%,cequiestprochedel’estimationdeRadeletetSachs.Enconséquence,ilsestimentaussiquel’enclavementréduitle volume des échanges d’environ 40% en moyenne. Destravauxrécents (Borchertet al. ,2012) indiquent, toutefois,qu’il faut se garder d’imputer à la géographie tous ceseffetsnégatifsestimés,cardenombreuxpayssanslittoralimposent également des restrictions au commerce desservices qui les relient au reste du monde –télécommunicationsettransportaérien,parexemple.

Unautrefacteurgéographique importantqui influesur lescoûtsdetransportestladistanced’unpaysparrapportauxmarchés et aux routes de transport.137 D’après lesestimations de Hummels (2007), une augmentation de10%deladistanceentrelepaysexportateuret leportdedestinationauxÉtats‑Unisaugmentelescoûtsdetransportcorrespondantsde2,7%danslecasdutransportaérienetde1,5%danslecasdutransportmaritime.Laplupartdesautres études ne cherchent pas à estimer directementl’effetde ladistancesur lesfraisdetransportmaritimeouaérien; elles mesurent plutôt l’effet de la distance par laréduction du volume des échanges qu’elle entraîne. Cesétudesmontrentqueladistanceauneffetnégatifélevéetpersistant,cequilaissepenserqu’ilestprématuréd’affirmerquel’effetdeladistanceestdemoinsenmoinsimportant.

DisdieretHead (2008)ontpasséen revueplusde1400estimations de modèles de gravité pour faire une analysesystématiquede l’effetde ladistancesur lecommerce.138Cette analyse vise à déterminer la tendance centrale desrésultats mentionnés plus haut et les causes de leurvariation.Surlepremierpoint,ellepermetdeconclurequel’élasticité du commerce à la distance est d’environ 0,9.Celasignifiequ’enmoyenneuneaugmentationde10%dela distance entre des partenaires commerciaux réduitd’environde9% leurcommercebilatéral.Sur ledeuxièmepoint, l’analyse révèle une forte variation de l’effet de ladistance estimé dans les études. Les auteurs attribuentcette variation à des différences dans les séries dedonnées, les méthodes économétriques et surtout lespériodescouvertesparlesdonnéesutilisées.Ilsconstatentquel’effetdeladistancealégèrementdiminuéentre1870et1950puisaaugmentédenouveau.

Leproblèmeestque laplupartdesestimationsdegravitéconcernantladistancenetiennentpaspleinementcomptede certains facteurs qui varient avec la distance. Parexemple, les goûts, les caractéristiques culturelles et lescoûts de l’information peuvent varier systématiquementavecladistance,desortequelecommercediminueraavecla distance, même en l’absence de coûts de transport(Feyrer,2009;Allen,2012).UtilisantlafermetureducanaldeSuezcommeexpériencenaturellepourtenircomptedecesautresfacteurs,Feyrer(2009)estimequel’élasticitéducommerceparrapportàladistanceestcompriseentre0,2et0,5,cequiestmoitiémoinsquel’élasticitéestiméedanslesmodèlesdegravitéexaminésparDisdieretHead.

Indépendamment de son ampleur, pourquoi l’effet de ladistance reste‑t‑il un obstacle au commerce?Premièrement, il se peut que le progrès technologique aitmoinscontribuéàlaréductiondescoûtsdetransportqu’onnelepensait.Deuxièmement, l’évolutiondelacompositiondeséchangespeutêtrebiaiséeenfaveurdesproduitspourlesquels lecoûtde ladistanceestélevé.Cettehypothèserejointcequiaétéditprécédemmentausujetdel’influencecroissantedufacteurtempssurlecommerce,sibienqueladistancepeutêtreunevariablesupplétivede lasensibilitéaccrueducommerceauxdélais.

Troisièmement, Hillberry et Hummels (2008) fontremarquerqu’unepartsubstantielleducommerceconsisteen échanges intrasectoriels d’intrants intermédiairesdestinés à la fabrication de produits finis. Un producteurqui utilise des intrants très spécifiques a peu depossibilités de changer de sources d’approvisionnement.La demande de produits industriels sera donc beaucoupplus sensible aux coûts commerciaux – indiqués par ladistance–et lesentreprises réagiront àunehaussedescoûts de transport en relocalisant leurs opérations àproximitédelasourcedesintrants.LafigureC.49,extraitede Hillberry et Hummels (2008), permet de se faire uneidée de cet effet. Les codes postaux sont utilisés pourindiquerlelieud’implantationdesproducteursaméricains(origineetdestination),etlesproduitssontidentifiésàunniveauélevédedésagrégation.Cettefiguremontrequelavaleurdesexpéditionsdiminuefortementavecladistance,surtout sur les 200 premiers miles, ce qui confirmel’impact très négatif de la distance sur le commerce desbiensintermédiaires.

(iii) Infrastructure

La quantité et la qualité des infrastructures de transportdanslespaysd’origine,dedestinationetdetransitontuneincidencemajeuresur lescoûtsdetransport.L’analysequisuit porte, en particulier, sur l’effet des investissementsdans les infrastructures routières et portuaires (la sectionC.2 explique comment les investissements dans lesinfrastructures de transport peuvent faire apparaître denouveauxacteursdanslecommerce).

Il existe une multitude d’études documentant l’importancedes infrastructures de transport, mais leurs conclusions

FigureC.49:Relation estimée entre les expéditions de biens intermédiaires et la distance

2,6

0

20

0

50

0

1 0

00

2 0

00

3 0

00

204,8

Nom

bre

d'ex

pédi

tions

Miles

Source :HillberryetHummels(2008).

Page 74: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

189

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

sontassezsemblables,àsavoirquel’infrastructurejoueunrôle crucial dans la réductiondescoûtsde transport et lafacilitation des échanges. Malheureusement, presquetoutes ces études évaluent les avantages del’investissement dans les infrastructures de transport dupointdevued’unseulpays.Cetteoptiqueest tropétroite,carlesinvestissementsd’infrastructured’unpaysréduisentaussi les coûts de transport de ses partenairescommerciauxetdespaysvoisinssanslittoral,quienretirentégalement des avantages. De ce fait, l’importance desavantages globaux découlant de ces investissements estprobablement sous‑estimée dans la littérature sur lecommerce.

Limao et Venables (2001) classent les pays selon unindice d’infrastructure mesurant le coût du transportintérieur et en transit dans un pays. D’après leursestimations, un pays dont la qualité de l’infrastructureroutière le place mondialement dans le 75ème centile,c’est‑à‑direaux troisquartsde la listeàpartirduhaut, ades coûts de transport supérieurs de 12 points depourcentageàceuxdupaysmédian.Enconséquence,soncommerce est, en moyenne, inférieur de 28% à celui dupays médian. Dans le cas des pays sans littoral, uneamélioration de leur propre infrastructure routière et decelledespaysdetransitcompenseraitpourplusdemoitiéledésavantagedûàl’enclavement.LimaoetVenablesontappliqué leurs estimations à l’Afrique subsaharienne etsont arrivés à la conclusion que, dans cette région, lescoûts de transport sont plus élevés et le volume deséchanges est plus faible que ce que l’on pouvait prédirecompte tenu des caractéristiques économiques des pays– revenus, distance, etc. Ils attribuent ce résultat, engrande partie, au mauvais état des infrastructures detransportsurlecontinent.

UneétudeplusrécentedeFreundetRocha(2010)surlesexportations africaines montre que l’incertitude dutransport routier a un effet négatif et significatif sur lacapacitéd’unpaysd’exporter.Lesrésultatsdecetteétudeindiquent que l’amélioration des réseaux routiers – enparticulier l’infrastructure, la sécurité et une politiquestimulant la concurrence dans le secteur du camionnage–estessentiellepourstimulerlesexportationsdel’Afrique.Blyde(2010)etVolpeet al.(2012)examinentl’impactd’unaccroissement des investissements dans l’infrastructureroutièredansdeuxpaysd’Amériquelatine,laColombieetlePérou.

Blyde(2010)établitd’abordqu’unediminutiondescoûtsdetransport en Colombie peut sensiblement améliorer lespossibilitésd’exporter. Il constateque les régionsdupaysoùlescoûtsdetransportsontplusfaibles(régionsdansle25ème centile) exportent environ 2,3 fois plus que lesrégions où les coûts de transport sont plus élevés (75èmecentile),unefoisqued’autresfacteurssontprisencompte.Il simule ensuite une réduction des coûts de transportrésultantd’uneaméliorationdetouteslesroutesdéclarées«mauvaises» ou «de qualité moyenne» par les autoritésroutièresnationalestellequ’ellessontdéclarées«bonnes».Il conclut que, d’après cette simulation, l’amélioration del’état des routes réduit les coûts de transport moyens de12% et entraîne une augmentation d’environ 9% desexportations.

Volpeet al.(2012)évaluentleseffetsdelaconstructiondenouvelles routes au Pérou entre 2003 et 2010 sur lesexportations des entreprises péruviennes. Les auteurs

concluent que les exportations des entreprises dont letrajet a été raccourci grâce aux nouvelles routes étaientsupérieuresdedeux tiersenvironàcellesdesentreprisesdont le trajet est resté le même. Dans l’ensemble, lesinvestissements additionnels dans l’infrastructure routièreont permis une augmentation de 20% des exportationspéruviennesen2010parrapportàcequ’ellesauraientétésanslesnouvellesroutes.

LesétudesdeClarket al.(2004)etd’AbeetWilson(2009)portentsurlarelationentrel’infrastructureportuaireet lescoûts de transport.139 Clark et al. (2004) utilisent desdonnées sur toutes les importations des États‑Unistransportéesparmer.Ilsconstruisentunindiced’efficacitéportuaire en utilisant des données d’enquête tirées duRapport sur la compétitivité mondiale,duForuméconomiquemondial, qui dépend, entre autres, de l’état général desinfrastructuresd’unpays:plusunportestefficace,mieuxilest noté selon cet indice. Clark et al. estiment qu’un paysqui améliore son classement en termes d’efficacitéportuaireetquipassedu25èmeau75èmecentileréduitsescoûts d’expédition de 12%, ce qui implique uneaugmentationd’environ25%duvolumedesoncommercebilatéral.140

L’étude d’Abe et Wilson (2009) porte sur le problèmegrandissantdelacongestiondesportsenAsiedel’Est.Lasituationaempirénonseulementenraisondelacroissancerapideducommercedelarégion,maisaussiparcequececommercesefaitengrandepartieparmer.Lacongestiondesportscréedesgouletsd’étranglementquiaugmententconsidérablement le coût du transport de marchandises àdestinationetenprovenancedel’Asiedel’Est.D’aprèsleuranalyse,l’extensiondesinstallationsportuairesdelarégion,defaçonàréduirede10%lacongestiondesports,pourraitréduirelescoûtsdetransportdepasmoinsde3%.

(iv) Concurrence sur les marchés

Lesecteurdestransportsestunsecteurdeservicesdontl’efficacité dépend, en partie, du régime réglementaire enplace et du degré de concurrence. L’insuffisance de laconcurrence dans le secteur des transports a plusieurscauses,notammentlesmonopolesnaturels,lesobstaclesàl’accèsauxmarchésquiempêchent l’entréesur lemarchéet la concurrence des entreprises étrangères, et lacartellisation des fournisseurs de services de transport.Dans certains cas, les gouvernements autorisent mêmecertainespratiques,commelafixationdesprix,quiseraientinterditesparlesloisantitrust.

Étantdonnél’abondancedelalittératuresurlesecteurdestransports, l’analysequisuitseconcentrerasurunsecteurspécifique– le transportmaritime–pourmontrerqu’ilestpossibled’accroîtrelaconcurrenceafinderéduirelescoûtsde transport et d’augmenter le volume des échangescommerciaux (voir les notes du Secrétariat de l’OMCS/C/W/315 et S/WPDR/W/48 pour une analyse plusdétailléedesquestionsdeconcurrencedanslestransportsmaritimes).141

Le marché des transports maritimes est généralementsubdivisé en deux segments: le marché du tramping (ouvrac) et le marché du transport de ligne. Les navires entramping n’ont ni itinéraire ni horaire fixes et peuvent êtreaffrétés pour une durée déterminée ou pour un voyagespécifique. En revanche, les navires des lignes régulièresontunitinérairefixeetunhorairestrict(CNUCED,2010a).

Page 75: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

190

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

Surlemarchédutramping,lestransporteurscherchentlescargaisons(Brooks,2011)etlaconcurrenceparlesprixestgénéralement intense. (ClarksonResearchStudies,2004).Surcemarchésansrestriction,lestauxdefretsontvolatilscarlescoûtsencapitalsontélevésetilestdifficiled’ajusterl’offre à court terme (Brooks, 2011). Les navires coûtentplusieurs millions de dollars; il faut des années pour enconstruire un et leur durée de vie utile se compte endizainesd’années.

Sur le marché du transport maritime de ligne, lescompagnies s’organisent généralement en consortiumsafin d’offrir conjointement un service de transport.Contrairement à ce qui se passe sur le marché dutramping, lesopérateursdumarchédu transportde lignesont exemptés des lois antitrust nationales depuis ledébut du XXe siècle. Cela tient, en partie, au souci deréduire la volatilité des prix. Dès lors que les opérateurspeuvent fixer les prix et s’entendre entre eux pourmaximiser les profits du secteur, les prix seront plusélevés – majoration par rapport au coût marginal. Lamajoration est inversement proportionnelle à l’élasticitédelademandedubientransporté,c’est‑à‑direquepluslademande finale est inélastique, plus la majoration estimportante. Par conséquent, si l’exemption des loisantitrustpeut réduire la volatilitédesprix, cela se traduitpar des taux de fret plus élevés et une diminution duvolumedeséchanges.

En 2010, l’Union européenne a supprimé l’exemptionantitrust pour la fixation des prix, mais pas pour lacoopérationopérationnelleentremembresd’unconsortium,commelepartaged’espacesur leursnaviresrespectifs.142Lesmembresdesconsortiumssontcenséscommercialiserleursservicesetfixerleurstarifsindividuellement.En2010,leCongrèsdesÉtats‑Unisaégalementtentédesupprimerl’exemption antitrust pour les compagnies maritimes deligne,maisleprojetdeloin’apasétéadopté.

Au‑delà des politiques gouvernementales, l’absence deconcurrence peut être due simplement à l’existence d’unmonopole naturel. Hummels et al. (2009) ont fait valoirque c’était peut‑être le cas dans les pays endéveloppement.Premièrement,levolumeducommercedeces pays – surtout des plus petits d’entre eux – est trèsfaible par rapport à la capacité des naviresporte‑conteneurs modernes. Deuxièmement, il y apeut‑être des économies de gamme substantielles àréaliserenoffrantdesservicesde transportà traversunréseaudeports.Enconséquence, ilpeutêtredifficiledemaintenir plus d’un ou deux opérateurs sur les routesmaritimesallantverscertainspaysendéveloppement.Unproblèmeanalogueaétémisenévidencedansunrapportrécent de la Conférence des Nations Unies sur lecommerce et le développement concernant le transportmaritime(CNUCED,2010).Entre2004et2011,lenombremoyen de compagnies maritimes de ligne a diminué deprès de 23%, alors que la taille du plus grand navireexploitéapresquedoublé.

Latendanceàl’augmentationdelatailleetdelacapacitéde charge des porte‑conteneurs et à la diminution de laconcurrencedans lesecteursepoursuitdepuisplusieursannées. Comme la concurrence est limitée, les pays endéveloppementontdescoûtsde transportplusélevésetlevolumede leurcommerceestplus faible.Pourestimerceseffets,Hummelset al.(2009)ontétudiélescoûtsdufret pour les États‑Unis et plusieurs pays d’Amérique

latine. Ils estiment que les prix d’expédition sont plusélevés de 30% en moyenne pour les importations del’AmériquelatinequepourlesimportationsdesÉtats‑Uniset que cette différence est due pour un tiers au petitnombre de transporteurs desservant les importateursd’Amérique latine. Ils estiment aussi que l’élimination del’emprise de ces compagnies sur le marché entraîneraitune augmentation d’environ 15,2% du volume desimportationsdel’Amériquelatine.

(v) Évolution technologique

Les innovations dans le secteur des transports peuventjouer un rôle important dans la réduction des coûts detransport(voirlasectionC.3pouruneanalyseplusdétailléedulienentrelechangementtechnologiqueetlecommerce).Parmi les innovations lesplus remarquables, onpeut citerlemoteuràréactionetlaconteneurisationdansletransportmaritime, qui a aussi augmenté l’efficacité du transportmultimodal.

Comme le fait remarquer Gordon (1990), l’apparition dumoteur à réaction dans les années 1950 a entraîné deprofonds changements qualitatifs dans les performanceset dans le rendement opérationnel des avionscommerciaux. Par rapport aux avions à moteur à pistonqu’ils ont supplantés, les avions à réaction sont plusrapidesetontdescoûtsdemaintenanceetdecarburantmoins élevés. Compte tenu de ces améliorations deperformance, Gordon (1990) estime que le prix réel desavions à réaction a diminué de 12,8% à 16,6% par anentre 1958 et 1972, période pendant laquelle ils ontcommencéàêtrelargementutilisés.Laréductiondesprixdesavionsajustéspourlaqualitésembles’êtrerépercutéesur les frais de transport aérien. En utilisant le revenumoyenpartonne‑kilomètretransportéecommemesureducoût du transport aérien, Hummels (2007) estime que,pendant les 50 années qui ont suivi l’introduction del’avionàréaction, lescoûtsontétédivisésparplusde10(voirlafigureC.50).

Poursimplifier,unconteneurn’estriendeplusqu’uneboîteenmétalauxdimensionsnormalisées.Pourtant,c’estluiquiapermisl’expansionsansprécédentducommercemondialdansladeuxièmemoitiéduXXesiècleetquiacontribuéàl’essor de la production à flux tendus et des chaînesd’approvisionnement mondiales (Levinson, 2006). L’intérêtduconteneurrésidenonpasdansleproduitlui‑même,maisdans le système de transport utilisant des naviresporte‑conteneurs, des camions et des trains adaptés autransportdemarchandisesenconteneurs(facilitantainsiletransportmultimodal)avecdesopérationsdemanutentionautomatisées. Les effets de la conteneurisation sur lecommerce ont été si profonds que l’on serait tenté depenser que les coûts du transport maritime ont dû chuterde manière spectaculaire grâce à la généralisation desconteneurs.

Cependant, Hummels (2007) n’a trouvé aucune donnéeempirique solide pour étayer cette hypothèse. Comme lemontre la figure C.51, si les prix réels du tramping ontdiminuépendantces50années,lesprixréelsdutransportmaritime de ligne étaient presque au même niveau en2003qu’en1955,malgréd’importantesfluctuations.

Ilyaplusieursexplicationsàcetteapparentecontradiction.Levinson (2006) note que la plupart des donnéeshistoriquessurlecoûtdufretneconcernentquelaportion

Page 76: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

191

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

océanique du trajet entre deux ports et n’incluent pas lecoûttotalporteàportedesexpéditions.Cecoûttotalatrèsprobablement diminué avec la conteneurisation, qui apermis des gains d’efficacité considérables dans letransportintérieuretdanslesopérationsdechargementetde déchargement. Hummels (2007) suggère une autreexplication,àsavoirque les indicesdeprixdisponiblesnereflètent pas convenablement l’amélioration qualitativerendue possible par la conteneurisation. Lesporte‑conteneurspermettentlamanutentionplusrapidedufret. Comme on l’a vu précédemment, cette rotationaccélérée est absolument essentielle aujourd’hui pour lagestion des stocks à flux tendus et les chaînesd’approvisionnementsmondiales.Parconséquent,mêmesices prix n’ont pas baissé, le fait que les marchandisespeuvent être acheminées beaucoup plus rapidementsignifie que les coûts ont, en fait, diminué pour lesnégociants.

Enfin,étantdonnéquelecoûtducarburantestunélémentimportant du coût d’exploitation des navires et des avions(voirplusloinl’analysesurlecoûtducarburant),lestravauxde recherche‑développement visent à améliorer leurrendementénergétique.Danslecasdesavionsàréaction,ils se concentrent principalement sur trois domaines: laréduction du poids des avions; l’amélioration del’aérodynamique pour réduire la traînée induite par laportanceet lefrottement;et l’augmentationdurendementdes réacteurs pour réduire la consommation de carburantparunitédepoussée.

Pour réduire le poids des avions, on utilise d’avantaged’alliages avancés et de matériaux composites et onremplace les dispositifs de commande hydrauliques pardesdispositifsélectriqueslégers.Lesavionssontconçusde façon à maximiser l’allongement effectif de l’aile, àmieuxmaintenirl’écoulementlaminaireoul’écoulementdel’air et à minimiser les surfaces mouillées (parties del’avion en contact avec les flux d’air). Les nouveauxréacteurs ont un meilleur transfert thermique et un plusgrandrendementdepropulsionqueceuxdesgénérationsprécédentes. Grâce à ces améliorations, les nouveauxavions, comme le Boeing 787, ont une consommation decarburant par passager inférieure d’environ 40% à celledesavionsdesannées1970.143

(vi) Facilitation des échanges

La facilitation des échanges vise à améliorer et simplifierlesprocéduresetlescontrôlesrégissantlemouvementdesmarchandises au‑delà et à l’intérieur des frontièresnationalespourréduire lesdélaiset lescoûts.Celanefaitpas partie du transport proprement dit, mais l’importancecroissanteducommercesensibleauxdélaisetdeschaînesd’approvisionnementmondialesaugmentel’importancedescoûts liés au passage des frontières et aux opérationsdouanières et, donc, de la facilitation des échanges. Laréductiondescoûtscommerciauxquipourrait résulterdesaméliorationsapportéesdanslecadredelafacilitationdeséchangessembleconsidérable.C’estpourquoicelle‑ciestun élément majeur des négociations du Cycle de Doha àl’OMC, où le sujet a progressé rapidement (voir l’encadréC.11).

De nombreuses études utilisent des indicateurs de lalogistique commerciale, comme les indicateurs «DoingBusiness» ou l’indice de performance logistique de laBanque mondiale. Ce dernier est basé sur une enquêtemondiale conduite auprès de transitaires et d’entreprisesde transport express sur la performance logistique despaysoùilsopèrentetdeceuxaveclesquelsilscommercent.La performance logistique est évaluée dans six grandsdomaines: l’efficacitéduprocessusdedédouanementà lafrontière; la qualité des infrastructures commerciales, etdes infrastructuresdetransport; lafacilitéd’organiserdesexpéditionsàdesprixconcurrentiels; lacompétenceet laqualitédesservices logistiques; lacapacitédesuivietdetraçabilitédesexpéditionsetlafréquenceaveclaquellelesexpéditionsarriventaudestinatairedans lesdélaisprévus.

FigureC.50:Recettes du transport aérien par tonne-kilomètre, 1955-2003

FigureC.51:Indices des tarifs réels des lignes maritimes non régulières et régulières, 1955-2003

0

200

400

600

800

1 000

1 200

19

55

19

60

19

65

19

70

19

80

19

85

19

90

19

95

20

00

20

03

19

75

19

55

19

60

19

65

19

70

19

75

19

80

19

85

19

90

19

95

20

00

20

03

0

50

100

150

200

250

300

350

400

500

Indice des tarifs des lignes régulièresIndice des tarifs des lignes non régulières

450

Source :Hummels(2007).

Note :L’indiceestnormaliséà100pourl’année2000etestbasésurlesrecettesexpriméesen$EUde2000.

Source :Hummels(2007).

Note :LesindicessontdéflatésaumoyendudéflateurduPIBdesÉtats‑UnispourletarifdeslignesnonrégulièresetaumoyendudéflateurduPIBdel’Allemagnepourletarifdeslignesrégulières.Enoutre,lesindicessontnormalisésà100pourl’année2000.

Page 77: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

192

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

En 2012, Singapour; Hong Kong, Chine; et la Finlandeoccupaient lestroispremièresplacesduclassementseloncet indice (voir Arvis et al., 2012). Les pays de l’OCDEétaientégalementbienplacés,alorsquelespaysenbasduclassementétaientgénéralementdespaysmoinsavancés,sanslittoraloud’Afriquesubsaharienne.

À l’aide de ces deux indices, Portugal‑Perez et Wilson(2009) montrent que l’amélioration de la logistiquecommerciale peut augmenter le volume du commerce despays africains. Même une amélioration relativement faible

de ces indices, rapprochant un pays du classement despaysafricainslesmieuxnotés,aunimpactimportantsurlecommerce et le bien‑être. Ce résultat concorde avec lesconclusions d’autres études indiquant les énormesavantages commerciaux résultant de la facilitation deséchanges pour différents groupes de pays (voir Wilson et al.,2003;Wilsonet al.,2005;Wilsonet al. ,2008;ChristetFerrantino,2011etMárquez‑Ramoset al. ,2012).

D’autresauteursontétudiél’effetdel’initiativeAidepourlecommerce de l’OMC sur les coûts commerciaux et ont

EncadréC.11: Négociations sur la facilitation des échanges à l’OMC

Commencées plus de deux ans après le lancement du Cycle de Doha,144 les négociations sur la facilitation deséchangesàl’OMCsontaujourd’huil’undesélémentslesplusavancésduProgrammedeDohapourledéveloppement(PDD). Les discussions intenses entre les Membres de l’OMC sont arrivées à un stade où un nouvel accord prendnettementforme.

Unpremierprojetd’accordaétéprésentéen2009etaétéaffinéparlasuite.Àl’issuedesdiscussions,lesMembresontpu réduiredeplusdedeux tiers lenombredesquestionsen suspens.Diviséendeuxpiliers, leprojet d’accord(TN/TF/W/165 et révisions) propose une série de mesures de facilitation des échanges (articles 1er à 15) et unmécanisme de mise en œuvre correspondant (généralement appelé «dispositions relatives au traitement spécial etdifférenciéenfaveurdespaysendéveloppement»).

LesdisciplinesproposéesenmatièredefacilitationdeséchangesreposentlargementsurtroisdispositionsduGATTde 1994: l’article V (Liberté de transit), l’article VIII (Redevances et formalités se rapportant à l’importation et àl’exportation) et l’article X (Publication et application des règlements relatifs au commerce). Un autre volet, qui nereposepassurleGATT,apourbutderenforcerlacoopérationentrelesautoritésdouanièresetlesautresautoritésconcernéesparlafacilitationdeséchanges.

Ayant reçupourmandatdenégociation145de«clarifieretd’améliorer» lesdisciplinessusmentionnéesduGATT, lesMembresontproposéunesériedemesurespourrenforcerlerégimeréglementaireactuel.Lesobjectifsfondamentauxcommunssontlasimplificationdesformalités,depassagedesfrontières,laréductiondesobstaclesbureaucratiquesliés à ces formalités et la création d’un environnement commercial plus transparent et plus prévisible. Les règlesactuellesn’ayantpasétérevuesdepuisplusde65ans,lesgouvernementssontconvenusdelanécessitéd’actualiserlecadrejuridiquequireflètelesréalitésducommercedesannées1940,etnoncellesdumondeactueldominéparleschaînesd’approvisionnementmondialisées.

Lesavantagesescomptésd’unnouvelaccordontétélargementétudiésetconcernentplusieursaspectsdumouvementtransfrontièresdesmarchandises.Selonuneétuderécentedel’OCDE,effectuéeparMoïséet al.(2011),lesmesuresdefacilitationdeséchangesnégociéesàl’OMCpourraientréduirelescoûtscommerciauxtotauxdeprèsde10%rienque pour les pays de l’OCDE.146 Il a été également démontré que, s’ils sont convenablement mis en œuvre, lesprogrammes de facilitation des échanges permettent d’augmenter la productivité des douanes, d’améliorer lerecouvrement des taxes et d’attirer l’investissement étranger direct. Ils ont aussi un effet positif sur les recettespubliques,puisqueplusieurspaysontplusquedoubléleursrecettesdouanièresàlasuitederéformesvisantàfaciliterleséchanges(OCDE,2009).

Il a été établi que les avantages de la facilitation des échanges sont particulièrement importants pour les pays endéveloppementet lespays lesmoinsavancés (PMA).Desétudesontmontréquecespaysobtiennent jusqu’àdeuxtiersdutotaldesgainsrésultantdelafacilitationdeséchanges(OCDE,2009).

Denombreuxpaysendéveloppementsouffrentdufaitque leursprocéduresà lafrontièresontmoinsefficacesquecellesdeleurspartenairesdéveloppés,cequisignifiequ’ilyaunemarged’améliorationimportante.Onaconstatéquel’importationdemarchandisescoûteenviron20%depluspourlespaysàfaiblerevenuquepourleursconcurrentsàrevenuintermédiaireetencore20%deplusquepourlespaysàrevenuélevé(HoekmanetNicita,2010).

L’analyserécentedeHoekmanetNicita(2010),quiestfondéesurlesindicateurs«DoingBusiness»delaBanquemondiale, conclut que les discussions à l’OMC sur la facilitation des échanges sont «peut‑être plus importantespourlespaysàfaiblerevenu,dupointdevuedel’expansionducommerce…».147L’étudeconstateque«mêmedesmesuresrelativementlimitéespourfaciliterleséchangespeuventmultiplierleseffetsd’expansioncommercialeduCycledeDohapardeux,troisouplus».148Cetteétudeindiqueaussiquela«poursuitedelafacilitationdeséchangesestparticulièrementimportantepourlespaysàfaiblerevenu,surtout lesPMA,quisanscelanetirerontpasprofitdes négociations sur l’accès aux marchés, du fait qu’ils bénéficient d’un accès en franchise de droits et sanscontingent aux marchés importants et qu’il ne leur sera pas demandé de réformer leurs propres politiquescommerciales».149

Page 78: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

193

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

constatéquecescoûtsavaientbeaucoupdiminuégrâceàcette initiative (Königer et al., 2011; Wilson et al. , 2006).Celaindiquequel’Aidepourlecommercepeutêtreefficaceen aidant les pays en développement à améliorer leurscapacités en matière de logistique commerciale. Celamontre que même des réformes simples, dont la mise enœuvre est relativement facile et peu coûteuse, peuventavoir des effets importants sur le commerce international.Ces réformes consistent notamment en la mise en placed’unguichetuniquepourquetouslesdocumentsdouanierspuissent être présentés à un seul organismegouvernemental, et en la présentation des documents parvoieélectroniqueetnonplussursupportpapier.

Ahmad(2010)décrit leseffortsderéformeauPakistanetmontre qu’une série d’améliorations incluant les deuxchangementssusmentionnésontramenéde96%à7%laproportiond’expéditionsdont ledédouanementauportdeKarachiprendplusd’unjour.Commeonl’avuplushaut,lescoûts associés aux délais de dédouanement et àl’incertitude qui en résulte peuvent représenter une partconsidérableducoûttotald’unproduit.

L’abondante littérature sur la facilitation des échangesinsistesurlefaitqu’ilestimportantd’améliorerlafiabilitéetla transparence des administrations douanières et desautres autorités, d’accroître la concurrence entre lesfournisseurs de services à proximité des frontières etd’émettre des décisions anticipées afin de réduirel’incertitudepourlesnégociants.150Enoutre,laplupartdesétudes reconnaissent l’interdépendance des réformes etsoulignentqu’uneapprocheintégréeamplifielesavantageset permet des améliorations durables.151 La solution d’unseul problème logistique au niveau des douanes ou dutransport intérieur ne procurera peut‑être pas des gainsimportantssil’onnes’attaquepasaussiauxautresgouletsd’étranglement.

(vii) Coûts du carburant

Le renchérissement du carburant augmente les coûts detransport.DanslesétudesdeMirzaetZitouna(2010)etdelaCNUCED(2010b),l’élasticitédescoûtsdetransportparrapport au prix du carburant va de 0,09 à près de 1 enfonctiondespays,despériodes,desmodesdetransportetdesproduitsétudiés.Cette fourchetteassez largesignifiequ’une augmentation de 1% des coûts du carburantentraîneuneaugmentationdescoûtsdetransportallantde0,09%à1%.

Ilyaplusieursexplicationsàcetteimportantevariationdesestimations,notamment lefaitque lahaussedescoûtsducarburant a des effets différents sur les différents modesde transport.152Toutefois, lescoûtsde transportsemblentplus sensibles aux variations des prix de l’énergie depuisles améliorations apportées à la logistique de transport àlong terme avec, notamment la réduction des temps dechargementrenduepossiblepar laconteneurisation.Étantdonnélaréductiondecesélémentsdescoûtsdetransportnon liés à l’énergie, les coûts du carburant représententaujourd’huiprèsdelamoitiéducoûttotaldufret(RubinetTal,2008).

Lahaussedesprixdel’énergiepénalisecertainsmodesdetransportplusqued’autres.Moreiraet al. (2008)montrentque l’augmentation des prix de l’énergie au cours des dixdernièresannéesaentraînéuneaugmentationducoûtdutransportaérienpar rapportaucoûtdutransportmaritime

pourplusieurspaysd’AmériquelatineetpourlesÉtats‑Unis.Pendant cette période, la part modale du Chili et desÉtats‑Unisdansletransportaérienadiminuéouestrestéeau mieux constante.153 Cela contraste avec la tendanceobservée dans la deuxième moitié du XXe siècle, où l’ons’estmisàtransporterdeplusenplusdeproduitsparavion.

Lescoûtsdel’énergieinfluentégalementsurlacompositiondu commerce des marchandises, car ils ont probablementun effet plus négatif dans le cas des produits ayant unfaible ratiopoids‑valeur.Danscescas, l’augmentationdescoûts de l’énergie peut rapidement annuler l’avantagecomparatif fondé sur la différence des coûts demain‑d’œuvre,surtoutlorsquelesmargessontfaibles.Celapeut exercer des pressions sur les chaînesd’approvisionnementmondialesquireposentlargementsurles écarts de coûts de main‑d’œuvre entre les pays. Ladifférence dans le ratio valeur‑poids influe sur le choix dumodedetransportpar lesproducteurs, lesproduits légersde plus grande valeur se prêtant mieux au transport paravion(voirl’encadréC.12).

Une analyse du transport maritime confirme que lesproduits ayant un faible ratio valeur‑poids sontprobablement plus affectés par la hausse des coûts del’énergie. D’après une étude de la CNUCED (2010),l’élasticitédestarifsdufretmaritimeparrapportauxprixdupétroleestplusfaiblepourlesproduitsconteneurisés(0,19à 0,36) que pour des produits comme le minerai de fer(jusqu’à 1,0), qui sont volumineux et ont un faible ratiovaleur‑poids.Cetteétudeconstateaussiquecesélasticitéssemblentaugmenterquandlesprixdel’énergies’envolent,cequipourraitêtredûàl’augmentationdelavolatilitéetdel’incertitude auxquelles sont confrontées les compagniesdetransportmaritimedanscescirconstances.

La hausse des prix du pétrole peut également inciter lespartenaires commerciaux éloignés les uns des autres àréorienter leur commerce vers les régions voisines (pourune analyse de la régionalisation du commerce, voir lasection B.2(d)). En d’autres termes, l’envolée des prix dupétrolepeutavoir lemêmeeffetqu’unesurtaxedouanièredifférenciéeselonl’origine,enfonctiondeladistanceentrel’exportateuretlepaysimportateur.

Mirza et Zitouna (2010) présentent un modèle théoriquedanslequellescoûtsdetransportontunélémentfixeetunélément variable, ce dernier comprenant les prix del’énergie. Une prédiction de leur modèle théorique estqu’avec l’augmentation des coûts du carburant, lecommerce se régionalisera et l’approvisionnement se feradavantageauniveaulocal.Lesmarchéséloignéspourraientalorsêtredesservisnonpasparlebiaisducommerce,maispar l’intermédiaire de filiales étrangères ou d’accords delicence. Toutefois, les données empiriques sont loin d’êtreconcluantes.

Contrairement à la prédictiondumodèle,MirzaetZitouna(2010) constatent que l’élasticité des coûts de transportpar rapport aux prix de l’énergie n’est pas très différenteentre les pays proches de l’importateur et ceux qui sontéloignés du marché d’importation.154 Ils montrent que lesexportateursmexicainsetcanadiensnesemblentpasavoirobtenudemeilleurs résultatssur lemarchéaméricainquelesautresexportateurs,quandlesprixdupétroleetd’autressources d’énergie ont augmenté avant la crise financière.RubinetTal(2008)ontobtenulerésultatinverse,montrantque, durant les crises pétrolières passées, la part des

Page 79: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

194

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

EncadréC.12: Part des modes de transport

Lesprincipauxmodesdetransportutiliséspour lecommerce internationalsont letransportmaritimeet letransportaérien.Cependant, lestransportsferroviaireetroutierontune importanceparticulièrepour lecommerceentrepaysvoisinsouàl’intérieurdegroupementsrégionaux,telsquel’Unioneuropéenneoul’AmériqueduNord.Martínez‑ZarzosoetSuárez‑Burguet(2005)constatentque,danslecasdecertainspaysd’Amériquelatineàlafindesannées1990,letransportaérienétaitutilisépour12à25%des importationstotalesentermesdevaleur.Enrevanche, le transportmaritimereprésentaitde45à70%delavaleurdesimportations.C’estcequemontreletableauC.17,quicomparelespartsmodalesdesimportationseuropéennes,américainesetchiliennes.

Enfonctiondelacatégoriedeproduitsetdelarépartitiondesimportationsd’unpays,lapartdestransportsmaritimes,envaleur,sesitueentre45et95%.Entermesdepoids,lamajeurepartieducommerceinternationalsefaitparvoiemaritime.L’étudede laCNUCED (2010a) indiquequecettepartest supérieureà80%.Enoutre,Hummels (2007)montrequeletransportaérienreprésentemoinsde1%ducommercemondialentermesdepoids.

Néanmoins, le transport aérien a gagné du terrain, comme en témoigne le fait que le nombre de tonnes‑miles aaugmentébeaucoupplusquepourtoutautremodedetransport.Enoutre,contrairementauxproduitsagricoles,auxcarburantsetauxproduitsminiers,lesproduitsdevaleur,commelesproduitsmanufacturés(lesappareilsélectroniquesgrandpublic, enparticulier), sontprincipalement transportéspar air. Lapart du transport aérienestbeaucoupplusimportante si le commerce mondial est mesuré en termes de valeur plutôt qu’en termes de poids. Le tableau C.17montreque,entermesdevaleur,29%desproduitsmanufacturésimportésparl’UEsonttransportésparavion,maisqu’entermesdepoids,cepourcentagetombeà1,3%pourlesmêmesproduits.

TableauC.17:Parts des différents modes de transport pour les importations en valeur et en poids, 2011 (pourcentage)

Parts en termes de valeur

UE 2011 Mer Air Rail RouteAutres modes de transport

Totaldesmarchandises 55,62 18,80 1,16 12,95 11,47

Produitsagricoles 77,32 3,41 1,50 14,71 3,06

Combustiblesetproduitsminiers 71,41 1,37 1,51 2,51 23,20

Produitsmanufacturés 45,29 29,02 0,95 19,05 5,69

Parts en termes de quantité

UE 2011 Mer Air Rail RouteAutres modes de transport

Totaldesmarchandises 74,50 0,22 4,23 3,62 17,43

Produitsagricoles 78,04 0,48 6,50 12,6 2,39

Combustiblesetproduitsminiers 74,00 0,02 3,78 0,88 21,32

Produitsmanufacturés 74,84 1,29 5,12 13,61 5,15

Parts en termes de valeur

Chili 2011 Mer Air Rail RouteAutres modes de transport

Totaldesmarchandises 78,24 13,03 0,00 8,63 0,10

Produitsagricoles 53,87 1,99 0,00 44,15 0,00

Combustiblesetproduitsminiers 95,94 0,21 0,00 2,27 1,58

Produitsmanufacturés 72,89 19,44 0,00 7,65 0,03

Parts en termes de valeur

états-Unis 2011 Mer Air Rail RouteAutres modes de transport

Totaldesmarchandises 52,51 22,41 ‑ ‑ 25,08

Produitsagricoles 62,11 3,56 ‑ ‑ 34,33

Combustiblesetproduitsminiers 77,25 1,58 ‑ ‑ 21,18

Produitsmanufacturés 45,69 29,64 ‑ ‑ 24,67

Source :Global Trade Atlas,établiparGTIS(GlobalTradeInformationServices).

Note :Lespartsdesmodes(enpourcentage)sontobtenuesàpartirdesdonnéessurlesimportations.Danslecasdel’UE,del’UE,seuleslesimportationsexternes(enprovenancedepayshorsUE)sontutilisées.Fautededonnéessuffisantes,danslecasdesÉtats‑Unis, larubrique«Autresmodesde transport»comprend le rail, la routeetd’autresmodesde transport.Dans lecasde l’UEetduChili, la rubrique «Autresmodesdetransport»regroupetouslesmodesrestants,commelesvoiesnavigablesintérieures,lesconduitesouleslivraisonsparvoiepostale.

Page 80: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

195

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

importationsnonpétrolièresdesÉtats‑Unisenprovenanced’Europe et d’Asie a diminué, tandis que la part desimportationsprovenantdesAmériquesaaugmenté.D’aprèsleurscalculs,sileprixdupétroleestde200dollarsEU,lefaitd’importerd’Asiedel’Estreviendraitàpayerundroitdedouane additionnel de 15% sur les importationscomparablesprovenantduMexique.

(c) Conclusions

L’évolution future des coûts de transport dépendra del’évolution des différents déterminants: distance parrapport aux marchés et aux routes de transport,infrastructures, facilitation des échanges, concurrence etréglementation, technologie de transport et coûts ducarburant.

La section C.4 note que, d’après la prédiction de base del’Agence internationale de l’énergie (AIE), le prix réel del’énergieaugmenterad’environ16%àlongterme.Bienquel’onnedisposepasdeprojectionsaussiprécisespour lesautresdéterminantsdescoûtsdetransport,ilestpossible,sur la base des nombreuses études qui existent, de fairedesestimationsmontrantcommentdesaméliorationsdanscesdomainespourraientréduirelescoûtsdetransport(voirletableauC.18).Cesestimationssontutiliséespourréaliseruneséried’«expériencesdepensée»afindedéterminersices réductions de coûts pourront compenser la hausseattenduedesprixdel’énergie.

Les estimations utilisées dans le tableau C.18 proviennentde différentes études et concernent différents pays etdifférentes périodes. Bien qu’elles soient statistiquementsignificatives,ellespeuventcomporterdeserreurs.Enoutre,ellesnefontpasdedifférenceentrelesmodesdetransport.Elles ne tiennent pas compte non plus de l’impact du

changement technologique. Les avancées technologiquespeuvent certes jouer un rôle décisif dans la réduction descoûts de transport, mais on ne dispose pas d’estimationsconcernant l’influence des investissements additionnelsdans la recherche‑développement sur la réduction de cescoûts. Malgré ces mises en garde, l’exercice peut êtrerévélateur.

D’après les travaux de Mirza et Zitouna (2010) et de laCNUCED(2010b), lesestimationsde l’élasticitédescoûtsde transport par rapport aux prix du carburant sont trèsvariables. Si l’on prend leur estimation maximale – uneélasticitéde1–unehaussede16%desprixde l’énergiese traduira par une augmentation de 16% des coûts detransport. Rubin et Tal (2008) estiment que les coûts ducarburant représentent environ la moitié des coûts detransport.Si l’onprendl’estimationdeRubinetTalcommela projection la plus basse, les coûts de transportaugmenteront de 8% à la suite d’une augmentation de16%desprixdel’énergie.

Les estimations du tableau C.18 donnent à penser qu’ilfaudrait des améliorations importantes en matière defacilitation des échanges, d’investissement dansl’infrastructure de transport et de concurrence dans lesservicesdetransportpourcompenserlahaussedesprixdel’énergiedansl’avenir.

LesestimationsdeLimaoetVenables (2001)etdeBlyde(2010) indiquent que les pays pauvres qui améliorent leurinfrastructure de transport suffisamment pour passer du75èmecentileau25èmecentilepeuventespérerréduireleurscoûts de transport d’environ 12%. Moïsé et al. (2011)estiment à environ 10% la baisse des coûts de transportqui résulterait des mesures de facilitation des échangesnégociées dans le cadre du Cycle de Doha. L’étude de

TableauC.18:Estimations de l’évolution possible des coûts de transport

DéterminantsIncidence estimée sur les coûts de transport

Sources Remarques

Coûtducarburant Augmentationdescoûtsdetransportde8%à16%

MirzaetZitouna(2010)

CNUCED(2010)RubinetTal(2008)

Scénario futur :

Haussedescoûtsdel’énergiede16%

Infrastructure Diminutiondescoûtsdetransportde12%

LimaoetVenables(2001)

Blyde(2010)

Amélioration supposée de l’infrastructure :

Lespaysréalisentdesinvestissementsdansl’infrastructuredetransport,cequilesfaitpasserdu75èmeau25èmecentile.

Facilitationdeséchanges

Diminutiondescoûtsdetransportde10%

Diminutiondescoûtscommerciauxdespaysàfaiblerevenude20%

Moïséet al.(2011)

HoekmanetNicita(2010)

Amélioration supposée de la facilitation des échanges :

MiseenœuvredesmesuresdefacilitationdeséchangesnégociéesdanslecadreduCycledeDoha.

Améliorationdesrésultatsenmatièredefacilitationdeséchangesdespaysàfaiblerevenu,quiatteignentleniveaudespaysàrevenuintermédiaire.

Concurrence Diminutiondescoûtsdetransportde10%

Hummelset al.(2009) Amélioration supposée du degré de concurrence :

Augmentationdunombredetransporteursdesservantlesmarchésdespaysendéveloppement.

Page 81: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

196

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

Hoekman et Nicita (2010) indique que les pays à faiblerevenu pourraient réduire de 20% le coût de leursimportations, si leurs procédures à la frontière étaientcomparables à celles des pays à revenu intermédiaire.D’après l’étude de Hummels et al. (2009), il y aurait aussibeaucoupàgagnerd’uneaugmentationde laconcurrencesur les routes de transport desservant les pays endéveloppement. Les coûts de transport de ces payspourraientainsiêtre réduitsdepasmoinsde10%,cequipourrait compenser entièrement ou largement l’effet durenchérissementducarburant.

Ces «expériences de pensée» montrent combien il estimportantdepoursuivre, auniveaunational etmultilatéral,despolitiquesvisantnotammentàaméliorer laquantitéetla qualité des infrastructures de transport, à mener à bonterme le Cycle de négociations de Doha et à renforcer laconcurrencesurlesroutesquidesserventlespayspauvres.Bien qu’aucune prédiction de l’impact du changementtechnologiquesurlescoûtsnesoitinclusedansletableau,étantdonné ladifficulté intrinsèquedeprédire l’innovationfuture, ce sera probablement un puissant facteur deréductiondescoûts.

Si aucun progrès important n’est fait sur ces différentsfronts, la hausse attendue des prix de l’énergie pourraitbien se traduire par une augmentation des coûts detransportàlongterme.Ils’ensuivraunralentissementdelacroissancedeséchangescommerciaux.La régionalisationdu commerce pourrait s’intensifier, car l’augmentation descoûts de transport pénalise le commerce avec les payséloignés. La composition des échanges sera modifiée auprofitdesproduitsdequalitéetayantunratiovaleur‑poidsplus élevé. La part des produits sensibles aux délaisdiminuera. La marge extensive du commerce international(quantité de biens échangés) sera affectée. En outre, lecommerce des marchandises pourrait reculer au profit ducommerce des services, des technologies et des idées,impliquant beaucoup moins de coûts de transport(Hummels,2009).

ParmilesgrandestendancesidentifiéesdanslasectionB,on a mentionné l’apparition de nouveaux acteurs dans lecommerce international et l’essor des chaînesd’approvisionnementmondiales.Bienquecenesoitpaslaseuleexplication,laréductiondescoûtscommerciauxaétél’undesprincipauxdéterminantsdecestendances.

Sur labasedesdiversesmesuresdescoûtsde transportet de la performance logistique, les pays les moinsavancés et les pays d’Afrique subsaharienne sont lesmoinsbienlotis,etlespayssanslittoralsontconfrontésàdesdifficultésparticulières.Nonseulementleurscoûtsdetransportplusélevésetleursdélaisdelivraisonpluslongsréduisentlevolumeglobaldeleurséchanges,maisilsfontaussiobstacleàleurentréesurdenouveauxmarchésetàleur participation aux chaînes d’approvisionnementmondiales.

Leur situation peut être améliorée par de meilleuresmesuresdefacilitationdeséchanges,parlerenforcementde la concurrenceet par des investissements importantsdansleurinfrastructuredetransport.Étantdonnéquelescoûts du carburant vont probablement augmenter dansl’avenir, il est assez urgent de réformer et de moderniserles infrastructures de transport et les régimesréglementaires de ces pays. Les gains découlant desinvestissementsdansl’infrastructuresemblentimportants

et devraient justifier l’allocation de davantage deressources,sur labasedurapportcoûts‑bénéfices.Dansla mesure où les partenaires commerciaux de ces paysprofiteronteuxaussidelabaissedescoûtscommerciaux,il est dans leur intérêt de fournir une assistance, parexemple dans le cadre de l’initiative «Aide pour lecommerce». En outre, il y aurait de bonnes raisons deréexaminer la questionde lapolitiquede la concurrence,car,àenjugerd’aprèslesdonnéesdisponibles,l’existencede positions dominantes sur le marché des services detransport pèse particulièrement sur les résultats d’uncertainnombredepaysendéveloppement.

6. Institutions

Cette section étudie la relation entre le commerceinternational et le cadre institutionnel. Deux grandesquestions sont abordées: comment les institutionsfaçonnent‑elleslesrelationscommercialesinternationales?Et comment le commerce agit‑il sur les institutions? Laprincipale observation est qu’à long terme, il existe unerelation à double sens entre ces deux variables (dans lalangue des économistes, elles sont endogènes). En clair,lesinstitutionsfaçonnentlecommerceinternationaletsontfaçonnées par lui. Une bonne compréhension de cetterelationpeutaideràmettreenlumièrel’avenirducommerceinternationaletdusystèmecommercialmultilatéral.

Qu’entend‑on par institutions? Les économistes ontélaboré une définition des institutions qui englobe lespratiques et les relations, ainsi que les organisations.Comme l’explique North (1990), «les institutions sont lesrèglesdujeud’unesociétéou,defaçonplusformelle,ellessontunecontrainteconstruiteparl’hommequistructurelesrelations humaines». En économie, donc, les institutionsconstituent l’armature profonde, comme les normessociales, les lois ordinaires, les régimes politiques ou lestraitésinternationaux,àl’intérieurdelaquellelespolitiques–ycompris lespolitiquescommerciales–sontdéfiniesetleséchangeséconomiquessontstructurés.

Lesinstitutionspeuventêtreformellesouinformelles.Lesinstitutions formelles sont celles qui sont crééesdélibérément par les agents et qui imposent descontraintesclairesetvisibles.Les institutions informellessont les conventions et les codes de conduite. Lesinstitutions formelles peuvent être subdivisées eninstitutionspolitiqueseteninstitutionséconomiques.Lespremières imposent des contraintes aux gouvernementstandis que les secondes définissent des règles quiagissent directement sur les relations entre les agentséconomiques. Cette section examine les deux typesd’institutions formelles, politiques et économiques, puiss’intéresse aux institutions informelles, définies au senslargecommelaculture.

Les institutions formelles et informelles façonnent lecommerce international et sont façonnées par lui. Lesdifférences institutionnelles engendrent des coûts detransaction qui compliquent l’activité commerciale,mais elles peuvent aussi constituer le fondement d’unavantagecomparatifdanscertainssecteursoucertainesactivités de production. Plus directement, les institutionsdéterminent la façon dont les politiques commercialeset liées au commerce sont définies et négociées,conduisantàunenvironnementcommercialplusoumoinsouvert. À cet égard, elles constituent indéniablement

Page 82: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

197

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

un facteur déterminant du commerce. Par ailleurs,l’intégration économique est un important déterminantdu développement institutionnel, dans les domainespolitique, économique et culturel. S’il est vrai que ceseffetsdynamiques se concrétisent engénéral lentement,ils se manifestent à long terme dans les relationscommerciales.

Lapartiea)examinelesinstitutionspolitiques,notammentla forme de gouvernement. La partie b) est axée sur lesinstitutionséconomiques,notammentlaqualitédusystèmede réglementation. La partie c) analyse les normesculturelles,ancréesdans lesvaleurssociales.Lesaccordscommerciaux sont des institutions à la fois politiques etéconomiquesencesensqu’ilsengagent les responsablespolitiques nationaux et qu’ils affectent les acteurséconomiques.C’estpourquoi ilssontévoquéstoutau longde la section. Chaque sous‑section commence par laprésentation d’éléments concernant la relation entre lecommerce et les institutions. Le but n’est pas d’effectuerune analyse empirique approfondie, mais c’est plutôt demettreen reliefcertains faitsetcertainescorrélationsquipeuventensuitefairel’objetd’uneanalyseàlalumièredelathéorieéconomique.

(a) Institutionspolitiques

Les institutions politiques façonnent les interactionséconomiques de deux manières: premièrement, ellesimposent des contraintes aux gouvernements; et,deuxièmement, elles influencent l’ensemble desinstitutions économiques que les sociétés mettent enplace. La littérature économique a tendance à mettrel’accentsur l’impactde la formedegouvernementetdesfrontières politiques sur le commerce international. Laforme de gouvernement, définie par le degré deresponsabilité, de légitimité, de transparence et de choixd’un régime politique, peut influer sur le commerceindirectementparlebiaisdudéveloppementéconomique,oudirectementenmodifiant les incitationsdesdécideurschargésdedéfinirlapolitiquecommerciale.Demême,lesfrontières politiques influent sur les flux commerciauxdirectement en augmentant les coûts des échanges, etindirectement en fragmentant le système politiqueinternational.

(i) Forme de gouvernement

Les formes de gouvernement démocratiques se sontdéveloppéesaucoursdes50dernièresannées(MurtinetWacziarg, 2012; Acemoglu, 2012), comme le commercemondial. La présente étude utilise en grande partie lesdonnées du projet Polity IV pour définir et mesurer laformedegouvernement.LeprojetPolityprendencompteles principales caractéristiques des institutions et desprocessus politiques, y compris le recrutement desdirigeants, les contraintes pesant sur leur action et lacompétition politique. Les notes individuelles sontcombinées en une mesure unique de la gouvernance durégime–le«scorePolity»–suruneéchellede21pointsallant de ‑10 (autocratie pleinement institutionnalisée) à+10(démocratiepleinementinstitutionnalisée).Lamesuretient compte de la concomitance des formes d’autoritédémocratique et autocratique dans les institutionsgouvernementales,plutôtquedesformesdegouvernancedistinctes qui s’excluent mutuellement. Cette approcheaboutit à un spectrede régimesallant des «autocraties»

(‑10 à ‑6) aux régimes mixtes ou «anocraties» (‑5 à +5)etaux«démocraties»(+6à+10).155

La figure C.52 montre que la corrélation entre les formesde gouvernement plus démocratiques (mesurées par lescore Polity) et le commerce (mesuré par le ratio total ducommerceauPIB)estforteetpositiveentre1962et2010.

Une corrélation positive entre la valeur des importationset des exportations et une forme de gouvernementplus démocratique peut également être observée surun échantillon représentatif de pays en 2010 (voir lafigure C.53). Bien que cela n’apparaisse pas dans cerapport,letableauestanaloguepourdifférentesannéesàpartir de 1962. Toutefois, si au lieu de la valeur desimportationsetexportation,onutiliseleratioducommercetotal au PIB, la corrélation (bien que toujours positive)semble plus faible, ce qui peut laisser entendre que lespaysplusrichessontà lafoisplusdémocratiquesetplusouvertsaucommerce.

Laprincipaleconclusionquel’onpeuttirerdecesfiguresest que les pays qui font plus de commerce ont aussitendance à être plus démocratiques, mais la corrélationest faible et n’est pas corroborée par les nombreusesobservationsfaitesdansdifférentspays.Cettecorrélationneprouvepasnonplusquelaformedegouvernementestun déterminant du commerce car l’inverse pourrait aussiêtrevrai,àsavoirquelecommerceestundéterminantdusystème politique choisi. D’ailleurs, l’ouverturecommerciale et le choix de la forme de gouvernementpourraientêtredéterminésl’uneetl’autreparuntroisièmefacteur commun, comme le niveau de développement.L’analyse économique apporte un éclairage sur lesdéterminantsdecetterelation.

Plusieurs études avancent que les régimes plusdémocratiques ont tendance à avoir une politiquecommerciale plus libérale. La relation se fait de diversesfaçons. Un argument est que les gouvernements moinsdémocratiquessontplusfacilement«prisenotage»pardesgroupes d’intérêts particuliers qui profitent de la renteéconomique générée par les obstacles au commerce. Unautreargumentestque lesgouvernementsdémocratiquessontplusenclinsàconcluredesaccordscommerciauxpourmontrerà leursélecteurs leurattachementàunepolitiquecommercialeouverteetstable.

Mansfield et Milner (2010) fournissent des élémentsempiriques indiquant que la probabilité pour un pays designerunaccorddelibre‑échangeaugmenteavecleniveaude démocratie. Mansfield et al. (2000) montrent en outrequedeuxpaysdémocratiquesétablissentmoinsd’obstaclesau commerce que deux pays dont l’un est une autocratie.Considérant la démocratie dans un modèle de gravitéstandard, Yu (2010) trouve des éléments qui corroborentl’hypothèse qu’en général, plus de démocratie va de pairavec une augmentation du commerce. Enfin, les résultatsempiriques d’Eichengreen et Leblang (2008) confirmentque la relation entre le commerce et la forme degouvernementestbidirectionnelle.

Cela amène à la question de savoir comment le passaged’une forme de gouvernement à une autre influe sur lapolitiquecommerciale.LafigureC.54montrequelarelationempirique entre la politique commerciale et la forme degouvernementn’estpas linéaire: lespaysayant lesscoresPolity lesplusbaset lesplusélevésappliquentdesdroits

Page 83: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

198

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

FigureC.52:Forme de gouvernement et ouverture commerciale, 1962-2010

-3

-2

-1

0

1

2

3

5

4

0

100

200

300

400

500

600

19

62

« Pol

ity S

core

» m

oyen

Rat

io é

chan

ges

mon

diau

x to

taux

/PIB

19

64

19

66

19

68

19

70

19

72

19

74

19

76

19

78

19

80

19

82

19

84

19

86

19

88

19

90

19

92

19

94

19

96

19

98

20

00

20

02

20

04

20

06

20

10

20

08

Indice de la forme de gouvernement Ouverture commerciale

Source :Calculsdel’auteursurlabasedesdonnéesduprojetPolityIV(http://www.systemicpeace.org/polity/polity4.htm),FMIetComtrade.

Note :Formedegouvernementtellequemesuréeparl’indice«PolityScore»,allantde‑10à10.Sereporterautextepourplusdedétails.

de douane plus bas que les pays qui ont un scoreintermédiaire.156 Cette observation peut donner à penserque le passage à un régime plus démocratique peutprovoquerinitialementunemontéeduprotectionnisme.

O’Rourke(2007)soutientquelepassaged’unrégimeplusautocratiqueàunrégimeplusdémocratiques’accompagned’un transfert de pouvoir d’une petite élite dirigeante àl’ensemblede lapopulation.Enconséquence, lapolitiquecommercialechangeraen fonctiondespréférencesde lamajorité. Dans un modèle standard de Heckscher‑Ohlin,on s’attendrait à voir des politiques commerciales plusouvertes dans les pays où la majorité des travailleursbénéficientdel’ouverturecommerciale.Inversement,dansles pays où les travailleurs risquent de souffrir del’ouverturecommerciale,onpourraits’attendreàcequelatransitiondémocratiqueconduiseàuneaugmentationdesobstaclesaucommerce.Cettethèseestconfirméeparlesobservations faites à partir d’un échantillon de pays endéveloppement et développés entre 1870 et 1914. Si cerésultat peut aider à expliquer pourquoi un degré dedémocratie intermédiaireentraîneplusdeprotectionniste(voirlafigureC.54),iln’expliquepaspourquoiundegrédedémocratie plus élevé se traduit par moins deprotectionnisme.Lepassageà ladémocratieafait l’objetd’un vif débat entre les chercheurs en sciences socialesau cours des dernières années. Il existe des donnéesanecdotiques indiquant que les réformes démocratiquess’accompagnent initialement d’une détérioration de lapolitique économique et aboutissent à des résultatséconomiquesmédiocresetàl’instabilité(dumoinsàcourtterme). Toutefois, les données systématiques exposéesdansRodriketWacziarg(2005)semblentcontredirel’idéeque les démocraties naissantes font systématiquementmoinsbienque les régimesplusautomatiquesetque lesdémocratiesétablies.157

Une autre explication possible de la faible corrélationpositiveentrelecommerceetlesformesdegouvernementplusdémocratiquesobservéedanslesfiguresC.52etC.53

va dans le sens inverse. Plusieurs études montrent quel’effet du commerce sur la forme de gouvernement estinfluencé par les variations de la richesse relative et dupouvoir entre les groupes sociaux. Acemoglu et Robinson(2006) proposent une théorie qui explique comment lamondialisation influe sur le passage à un régime plusdémocratique et sur sa consolidation. Le mécanisme parlequel le commerce influe sur le régime politique est lechangementdesprixdesfacteursdéclenchéparl’ouverturecommerciale. Lesauteursobservent que lespayspauvressont généralement moins démocratiques (ou sont plusexposés aux coups d’État autoritaires) et ont unemain‑d’œuvre plus abondante. Dans ces pays, l’ouverturecommerciale conduit à une augmentation des salaires quientraîne une convergence des revenus et une diminutiondes «conflits de classes». Ce changement agit à son toursur la structure politique car la diminution de l’écart derevenuentrelesrichesetlespauvresréduitlademandedepolitiquesfortementredistributives,cequi rend lesformesdegouvernementplusparticipativesmoinscoûteusespourlesélites.

Puga et Trefler (2012) analysent les effets del’accroissement du commerce dans la Venise médiévale.Ils font valoir que le commerce lointain a permis auxmarchands d’accumuler des richesses et d’imposer descontraintesaupouvoirexécutif,cequiaconduitfinalementauremplacementdelamonarchieparunrégimepolitiquepluslibéral.Lesdeuxétudessoulignentcependantquelelien de causalité entre le commerce et la forme degouvernement est en définitive une question de degré.Dans la Venise médiévale, la classe des marchands quiavait imposé des contraintes au pouvoir absolu del’exécutif autiliséensuite ses ressourcespourempêcherla compétition politique en exigeant la participationhéréditaire au Parlement. Les données transnationalessur l’impact de l’ouverture commerciale sur la forme degouvernementnesontpasconcluantes.RigobonetRodrik(2005) et Milner et Mukherjee (2009) constatent que larelationentrel’ouverturecommercialeetladémocratieest

Page 84: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

199

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

négative ou faible, en particulier pour les pays endéveloppement. Toutefois, López‑Córdova et Meissner(2008)observentque,s’iln’existepasderelationàcourtterme, le commerce peut avoir un impact positif sur ladémocratieàlongterme.

Un autre argument est que les institutions liées aucommercepeuventréduirelespossibilitésderecherchederente.LiuetOrnelas (2012)analysent le rôledesaccordscommerciauxpréférentiels(ACPr)danslastructurationdesinstitutionspolitiquesnationales.IlsmontrentenparticulierquelaparticipationàunACPrconstitueunengagementquiaide les gouvernements à résister aux pressionsprotectionnistes exercées par des groupes d’intérêts. Enconséquence, les groupes organisés qui cherchent às’emparer du pouvoir politique dans le but d’obtenir unavantage économique sont moins enclins à le faire si lepaysest«lié»parunACPr.Danslesdémocratiesinstables,le gouvernement a tout intérêt à conclure des ACPr pouraffaiblir lapositiondesgroupesorganisésquicherchentàleremplacer.Lesauteurstrouventdesélémentsempiriques

corroborant l’existence d’une corrélation positive entre laparticipation à des ACPr et la longévité des régimes plusreprésentatifs.

(ii) Frontières politiques

La politique internationale peut avoir un impact sur lecommerce de plusieurs manières. Par exemple, la rupturedes relations internationales entre les deux guerresmondiales s’est accompagnée d’une chute spectaculairedes échanges. De même, les échanges et les intérêtscommerciaux peuvent influencer l’évolution de la cartepolitique du monde, comme l’atteste la période ducolonialisme européen qui a débuté au XVIe siècle(O’Rourke et Findlay, 2007). Cette sous‑section examinel’interactionentre lecommerceet lesystèmewestphalien,c’est‑à‑direl’ordrepolitiquequiavulejourenEuropeavecles traités de Westphalie, en 1648, et qui s’est étenduprogressivementau restedumonde.Aucœurausystèmewestphalien il y a l’État‑nation souverain, délimité par des

FigureC.53:Forme de gouvernement et importations/exportations, 2010

Importations

10

12

-10 -5 0 5

14

16

18

20

22

Loga

rithm

e de

s im

port

atio

ns

« Polity Score » de l'importateur

10

Exportations

10

12

-10 -5 0 5

14

16

18

20

22

Loga

rithm

e de

s ex

port

atio

ns

« Polity Score » de l'exportateur

10

Pays développés Pays en développement PMA Régression linéaire

Pays développés Pays en développement PMA Régression linéaire

Source :Calculsdel’auteursurlabasedesdonnéesduprojetPolityIV(http://www.systemicpeace.org/polity/polity4.htm)etComtrade.

Note :Importationsetexportationsmesuréesparlelogarithmenatureldelavaleurdeséchangesenmilliersde$EU.Formedegouvernementtellequemesuréeparl’indice“PolityScore”,allantde‑10à10.Sereporterautextepourplusdedétails.

Page 85: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

200

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

FigureC.54:Forme de gouvernement et droits de douane moyens, 2010

-10 -8 -6 2 4 6

Moy

enne

pon

déré

e de

s dr

oits

de

doua

neef

fect

ivem

ent a

ppliq

ués

Polity Score

-4 -2 0

0

8 10

2

4

6

8

10

12

14

16

18

Source :Calculsdel’auteursurlabasedesdonnéesduprojetPolityIV(http://www.systemicpeace.org/polity/polity4.htm)etTRAINS.

Note :Formedegouvernementtellequemesuréeparl’indice«PolityScore»,allantde‑10à10.Sereporterautextepourplusdedétails.

frontières politiques clairement définies. La questionexaminée ici est la suivante: «Quelles sont les relationsentre le commerce international et la souveraineténationale?»

Le nombre de pays souverains a considérablementaugmentéaucoursdes100dernièresannées,passantde58 en 1904 à 196 actuellement, et cette augmentation aeu lieuprincipalementaprès laSecondeGuerremondiale.Certaines études affirment que la fragmentation politiqueet l’élargissement des frontières politiques entraînent unehaussedescoûtsde transaction,cequiauneffetnégatifsur le commerce.La littératuremetgénéralement l’accentsur lamesurede l’«effetde frontière»etconstatequeceteffetestconsidérable.

Dansunarticlenovateur,McCallum(1995)examinel’effetsur le commerce de la frontière entre le Canada et lesÉtats‑Unisenutilisantdeséquationsdegravitéstandard.Bien que les deux pays aient la même langue, dessystèmesjuridiquesanaloguesetd’autrescaractéristiquescommunesqui pourraient rendre insignifiante la frontièrequi les sépare, McCallum (1995) constate que cettefrontièreréduit leséchangescommerciauxparunfacteurde 22. Autrement dit , le commerce entre les provincescanadiennes serait supérieur de 2200% au commerceentre les provinces canadiennes et les États desÉtats‑Unis.

Des travaux ultérieurs d’Anderson et van Wincoop (2003)montrent que l’effet sur le commerce des frontièrespolitiquesestplusfaiblequecequ’avaitconstatéMcCallum(1995),maisnéanmoinsimportant.Plusprécisément, leursestimationsindiquentquelafrontièreentreleCanadaetlesÉtats‑Unis réduit les échanges de 44%, tandis que lesfrontièresentrelespaysindustrialisésengénéralréduisentle commerce d’environ 30%. Enfin, un article récent deRedding et Sturm (2008) examine la séparation del’Allemagne en deux États après la Seconde Guerremondiale et sa réunification dans les années 1990 pour

déterminer l’impact des modifications de frontières sur lecommerce et le développement. Les auteurs constatentquel’impositiondelafrontièreEst‑Ouestaeuuneffettrèsnégatif sur l’activité économique (mesurée, par exemple,par la croissance démographique) dans les villes les plusproches de la nouvelle frontière, en limitant l’accès auxmarchés.

S’ilestvraiquelesfrontièresontunimpactnégatifsurlecommerce, la figure C.55 montre qu’il y a, à terme, unecorrélation positive entre l’ouverture commerciale et lenombre de pays souverains (et donc le nombre defrontières). À l’évidence, le volume statistique deséchanges internationaux augmente par définitionlorsqu’une nouvelle nation souveraine est créée (unepartie de ce qui était mesuré auparavant en tant quecommerce intérieur se transforme en commerceinternationaldufaitdelanouvellefrontière,commeonl’avudans lasectionB.2(a)).Cependant, le rapportentre lenombre de pays et l’ouverture commerciale reste positiflorsque celle‑ci est mesurée par le niveau moyen desdroits (Alesina et al. , 2000). Cette corrélation positivedonne à penser que l’augmentation des échanges peut,elle‑même,avoirunimpactsur lesfrontièrespolitiquesetsurlenombredepayssouverains

L’ouverture du commerce va souvent de pair avec unremodelage de la souveraineté, tandis que la nature et lenombre des frontières politiques peuvent égalementchanger. Le rôle croissant des organisations régionalestellesque l’Unioneuropéenneou l’Associationdesnationsde l’Asie du Sud‑Est (ASEAN) en est un exemple.L’augmentationdunombredeMembresdel’OMCetlerôleaccru de l’Organisation dans le règlement des différendscommerciaux internationaux en constituent un autre. LesfiguresC.56etC.57illustrentcepoint.

LafigureC.56montrequ’ilyaunefortecorrélationpositiveentrelenombredepayssouverainsetlenombred’accordscommerciaux préférentiels (ACPr). La forte augmentation

Page 86: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

201

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

du nombre de pays souverains au cours des 50 dernièresannéessembleprécéder laconclusiondenouveauxACPr.LafigureC.57indiqueaussiquelanaturedecesaccordsaévolué dans le temps, avec la multiplication des accordsplus profonds, en particulier quand les pays mettent enplace des mécanismes de production transfrontièrepartagée.158

Quelquesétudeséconomiquesaidentàexpliquercesfaitsenapparencecontradictoires(AlesinaetSpolaore,2003;Ruta,2005).Ellesconstatentquel’intégrationéconomiquemodifie les coûts et les avantages de la souveraineténationaleenlibérantdesforcescentrifugesetcentripètes.D’une part, l’ouverture commerciale favorise lafragmentation politique. Dans un monde caractérisé pardes restrictions commerciales (qui sont au maximumlorsqu’il n’existe aucun commerce entre les pays), lesgrands pays jouissent d’avantages économiques car lesfrontières politiques déterminent la taille du marché etl’ampleur des économies d’échelle. Les avantageséconomiques créent des incitations en faveur del’intégration politique. Mais quand le commerce est plusouvert, le marché n’est plus limité par les frontièrespolitiques. L’incitation économique en faveur del’intégration politique disparaît, et les groupes culturels,linguistiques et ethniques à l’intérieur des pays peuventchoisir de constituer des États souverains plus petits etplushomogènes(Alesinaet al. ,2000).

Par ailleurs, l’ouverture commerciale exige des formesd’intégration institutionnelle plus profondes qui génèrentdes forces centripètes. Ce point est étayé par deuxarguments irréfutables de la théorie économique.Premièrement, plusieurs auteurs soutiennent que lesmarchés ont besoin d’institutions non marchandes

(politiques, juridiques et sociales) pour fonctionnerconvenablement (Casella, 1996; Padoa‑Schioppa, 2001;Rodrik, 2000). Ces institutions non marchandes sontessentiellement des biens publics que les marchés nefournissent pas. D’autres auteurs soulignent quel’ouverture commerciale accroît l’impact de la politiquecommerciale sur les autres pays, ce qui rend la prisededécisionsunilatérale inefficienteparrapportà laprisede décisions collective (Broner et Ventura, 2011;Epifani et Gancia, 2007; Brou et Ruta, 2011). Lacoexistence de forces économiques centripètes etcentrifuges concurrentes aide à expliquer le remodelagede la souveraineté et des frontières politiques décritci‑dessus.

La relation à double sens entre le commerce et lasouverainetéestillustréeparlenouvelessordesaccordséconomiques profonds observé depuis 1990. Commel’indiqueleRapportsurlecommercemondial2011(OMC,2011a),lecaractèrechangeantducommerceinternational(et en particulier l’importance croissante des chaînesd’approvisionnement mondiales) est lié à l’apparition deformes d’intégration plus profondes. Le premier est à lafoisunecauseetuneconséquencedusecond.L’expansiondesréseauxdeproductionencourage laproliférationdesaccords profonds dont le but est de combler les lacunesde lagouvernancedansdesdomainesessentiels aubonfonctionnementdecesréseaux,telsquelapolitiquedelaconcurrence, l’investissement et la réglementation de laproduction.Celaamènelesgouvernementsàprendredesengagements dans ces domaines, qui imposent souventdeslimitesàlasouveraineténationaleetrendent,defait ,les frontières politiques plus poreuses. Cela étant, lesaccords profonds ont une influence sur les fluxd’investissements étrangers et sur l’externalisation, car

FigureC.55:Nombre de pays et commerce, 1962-2012

110

120

130

140

150

160

170

210

180

0

100

200

300

400

500200

190

19

62

Nom

bre

de p

ays

Rat

io c

omm

erce

tota

l/P

IB

19

64

19

66

19

68

19

70

19

72

19

74

19

76

19

78

19

80

19

82

19

84

19

86

19

88

19

90

19

92

19

94

19

96

19

98

20

00

20

02

20

04

20

06

20

10

20

08

20

12

Nombre de pays Ouverture commerciale

Source :Calculsdel’auteursurlabasedesdonnéesdeComtradeetd’Alesinaet al.(2000).

Page 87: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

202

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

l’environnement institutionnel est un déterminant desdécisions économiques des entreprises. Cette questionestanalyséeplusendétaildanslasous‑sectionsuivante.

(b) Institutionséconomiques

Les institutions économiques – particulièrement la qualitéde la réglementation et la primauté du droit – constituentune structure essentielle pour l’interaction économique.D’aprèslesIndicateursmondiauxdegouvernance(2011),laqualité de la réglementation «reflète la façon dont estperçue l’aptitude du gouvernement à formuler et à mettreenœuvredespolitiquesetdesréglementationsjudicieusesquipermettentetencouragentledéveloppementdusecteurprivé». De même, l’indice de la primauté du droit «mesurejusqu’àquelpoint lesdifférentsagentsontconfiancedanslesrèglesdelasociétéetlesrespectent–enparticulierence qui concerne l’applicabilité des contrats, les droits depropriété,lapoliceetlestribunaux–ainsiquelaprobabilitéd’activitéscriminellesetdeviolence».

Desrèglesclaires,stablesetapplicablessontessentiellespour les relations commerciales internationales car ellesréduisent l’incertitude en créant un cadre dans lequell’échange économique peut avoir lieu. En outre, lesinstitutions économiques peuvent façonner les fluxcommerciaux en influant sur l’avantage comparatif despays.Lasous‑sectionsuivantetentedemettreenévidenceles déterminants de la relation entre le commerce et lesinstitutionséconomiques.

(i) Des institutions plus solides favorisent le commerce

Quelleestlarelationentrelesinstitutionséconomiquesetlecommerceinternational?Aucunetendancenettenese

dégagedel’évolutiondesniveauxmoyensdeprimautédudroit et de qualité de la réglementation pour l’ensembledes pays. Les deux indicateurs de la qualité desinstitutions ont diminué dans la deuxième moitié desannées 1990, puis ils se sont améliorés au cours de ladécennie suivante pour revenir, en 2010, à peu près auniveau de 1990. Or, pendant la même période, lecommercemondialaaugmenté,saufen2008‑2009oùilachutéàlasuitedelacrisefinancièremondiale.Toutefois,cette absence de relation positive évidente au niveauglobal peut être trompeuse. La figure C.58 indique lastructure des exportations, la primauté du droit et laqualité de la réglementation pour les pays exportateursles plus performants, c’est‑à‑dire pour l’échantillon depays qui a enregistré la plus forte croissance desexportations entre 1996 et 2010.159 Dans ces pays, lacroissancedesexportationsestalléedepair,engénéral,avec une amélioration sensible de la qualité desinstitutions économiques, mesurée par les deux indices.Lesdonnéestransnationalespour2010,présentéesdansla figure C.59, confirment cette relation positive entrel’ouverturecommerciale,laqualitédelaréglementationetlaprimautédudroit.

Pourquoi existe‑t‑il une relation positive entre la qualitédes institutions économiques et le commerce? Commeon l’a déjà observé, la relation entre les institutionspolitiques et le commerce est à double sens. Les droitsde propriété, l’efficacité de la réglementation et laprimauté du droit permettent aux acteurs économiquesd’établir des relations commerciales dans lesquelles lesrègles et les positions individuelles sont clairementcomprises. Ces institutions encouragent l’échange debiens et de services car elles réduisent les coûts detransaction associés à l’incertitude et au manque detransparence. Les données empiriques disponiblesconfirmentl’importancedecetterelation.

FigureC.56:Accords commerciaux préférentiels (ACPr) et nombre de pays souverains, 1950-2011

0

50

100

300

150

250

200

Nom

bre

d'ac

cord

s

Nom

bre

de p

ays

19

50

19

52

19

54

19

56

19

58

19

60

19

62

19

64

19

66

19

68

19

70

19

72

19

74

19

76

19

78

19

80

19

82

19

84

19

86

19

90

19

94

19

98

20

02

20

08

20

06

20

04

20

00

19

96

19

92

19

88

20

10

ACPrNombre de pays

80

100

120

140

160

180

200

Source :Calculsdel’auteursurlabasedesdonnéesd’Alesinaetal.(2000)etduSecrétariatdel’OMC.

Page 88: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

203

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

En examinant l’effet sur le commerce de la corruption etde l’exécution imparfaite des contrats, Anderson etMarcouiller (2002) constatent que l’amélioration de laqualité des institutions réduit le prix des biens échangésetaccroîtleséchanges.Ilsconstatentaussiquelaqualitédesinstitutionspeutêtreuneautreexplicationdufaitqueles pays à revenu élevé où le capital est abondantcommercentbeaucoupplusentreeuxqu’avecdespaysàfaiblerevenuoùlamain‑d’œuvreestabondante.Eneffet,d’après les auteurs, des institutions économiquesefficientes dans les pays à revenu élevé réduisent lescoûts du commerce entre eux, par rapport au commerceavecdespaysendéveloppement.

Danslemêmetemps,l’ouverturecommercialepeutavoirunimpact sur les institutions économiques de différentesmanières,parfoisantagoniques.Plusieursétudesmontrentque les institutions économiques sont indissociables deschangements dans l’économie. Par exemple, l’exécutiondescontratsetlaprotectiondesdroitsdepropriétépeuventdépendre de divers facteurs, comme l’incitation dugouvernementàagiretl’incitationdesacteurséconomiquesà respecter les règles. Les modifications des prix relatifsdues au commerce international peuvent influer sur cesincitationset,donc,surlesinstitutions(CopelandetTaylor,2009;Anderson,2008).

Considérons un pays où les ressources forestières sontassezabondantesetoùlaprotectiondesdroitsdepropriétéestfaible.Commeleprixdesproduitsforestiersaugmenteavecl’ouverturecommerciale, lesbraconnierspeuventêtretentésd’extraireuneplusgrandequantitédecesproduits,mais le gouvernement a de bonnes raisons de mieuxcontrôleretgéreruneressourcedeplusenplusprécieuse.

CopelandetTaylor (2009)donnentplusieursexemplesdela manière dont l’ouverture commerciale a un effet positifounégatifsurlaprotectiondesdroitsdepropriété.

Le commerce peut également avoir un impact sur lesinstitutions économiques par des voies plus indirectes.Dans la sous‑section précédente, on a vu commentl’ouverture commerciale peut influer sur le pouvoiréconomiquerelatifdesdifférentsgroupessociauxetdoncsurlesinstitutionspolitiquesformelles.Étantdonnéquelesinstitutions économiques sont établies et réformées pardesprocessuspolitiques, lesmodificationsdesinstitutionset organisations politiques ont manifestement del’importance(Greif,2006).160

Acemoglu et al. (2005) avancent l’idée que l’effet ducommerce sur les institutions économiques dépend, enparticulier,desconditionspolitiques initiales. Ils fontvaloirque les différents scénarios de croissance des payseuropéens après 1500 s’expliquent par la manière dontl’augmentationducommercetransatlantiqueainfluencélesréformes économiques. Dans les pays ayant un systèmepolitique plus ouvert, comme la Grande‑Bretagne et lesPays‑Bas, l’essor du commerce transatlantique a renforcéet enrichi les groupes de marchands, qui ont obtenu desréformesimportantes,notammentunemeilleureprotectiondes droits de propriété. Cela a ouvert la voie à unecroissanceéconomiquesoutenue.Desemblablesréformesdes institutions économiques n’ont pas eu lieu dans lespaysoùlescontrepoidsàlamonarchieétaientplusfaibles,commel’Espagneet lePortugal.Cetteconstatationdonneà penser qu’il y a une interaction importante et complexeentre l’ouverturecommerciale, les institutionspolitiquesetlesréformeséconomiques.161

FigureC.57:Commerce de biens intermédiaires et « profondeur » des accords commerciaux préférentiels, 1958-2011 (milliersde$EU)

Profondeur Commerce

0

1958-1982 1982-1986 1987-1991 1992-1996 1997-2001 2002-2006 2007-2011

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

1

0,7

0,9

0,8

Pro

fond

eur m

oyen

ne d

es a

ccor

ds

Moy

enne

du

com

mer

ce d

es p

ièce

s et

com

posa

nts

400 000

350 000

300 000

250 000

200 000

150 000

100 000

50 000

0

Sources :Secrétariatdel’OMCetOreficeetRocha(2011).

Note :LaprofondeurdesACPrestétablieentenantcomptedes10dispositionslesplusimportantes,àl’aidedel’analyseducomposantprincipal.Pourplusdedétails,voirOreficeetRocha(2011).

Page 89: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

204

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

(ii) Les institutions créent un avantage comparatif

Les institutionséconomiquespeuventégalementêtreunesource d’avantage comparatif. Les pays qui ont demeilleures institutions se spécialisent dans les secteurspourlesquelsl’existenced’institutionsstablesetfiablesestimportante. La figure C.60 montre qu’il existe unecorrélationpositivetransnationaleentrelaprimautédudroitet la part des exportations dans les secteurs à forteintensitéinstitutionnelle.Commecelaestexpliquéplusloin,l’indicateur de l’intensité institutionnelle mesure, pourchaque secteur, la proportion d’intrants intermédiairesnécessitant des investissements spécifiques à la relation(Nunn, 2007): plus le processus de production pourl’utilisationdecesintrantsintermédiaireestcomplexe,plusilnécessitedesinstitutionssolides.

La théorie économique et les données empiriquesconfirmentqu’outreleniveautechnologiqueetl’abondancerelative des facteurs, le cadre institutionnel d’un pays estune source d’avantage comparatif. Des études récentesmontrentenparticulierquelesdifférencesentrepaysdanslesmoyensdefairerespecterlescontrats–etdoncdanslaproportiondecontratsincomplets–influentsurlastructuredeséchanges(Levchenko,2007;Nunn,2007).

Lebesoinrelatifenintrantsdépendantdescontratsvariebeaucoup selon les secteurs. Par exemple, l’industrieautomobile est plus dépendante des institutions que laminoterie. En fait , la plupart des biens intermédiairesentrant dans la construction d’automobiles sont conçuspourunmodèleparticulieretnepeuventpasêtreutiliséspar différents constructeurs. En revanche, la production

de farine nécessite principalement des céréales qui sontéchangées et dont les prix sont fixés sur des marchésuniformes. L’existence de meilleures institutionséconomiques réduit l’inefficience liée au caractèreincompletdescontrats, cequiauneffetdisproportionnésur les coûts dans les secteurs utilisant des biensintermédiaires plus dépendants des contrats, tels quel’industrie automobile. Il s’ensuit que les pays ayant demeilleures institutions économiques ont plus de chancesd’avoirunavantagecomparatifdanscesecteur.162

UneétudedeNunn(2007)analysedefaçonconvaincantelaquestiondesavoirsi lespaysquiontdesolidesmoyensde faire respecter les contrats se spécialisent dans laproduction de biens pour lesquels les investissementsspécifiquesàlarelationsontdelaplushauteimportance.163L’auteur montre qu’il existe une corrélation positive entrel’intensité contractuelle moyenne des exportations auniveau du pays et différentes mesures de la qualité desinstitutions économiques, notamment l’efficacité judiciaireet l’exécution des contrats. Au niveau des industriesnationales, les pays où le respect des contrats est mieuxassuré se spécialisent dans les secteurs où lesinvestissements spécifiques à la relation sont trèsimportants.

Ledéveloppementdesinstitutionsfinancièresaideaussiàdéterminerlastructuredeséchanges.Beck(2002)montreque les économies où le secteur financier est plusdéveloppé ont un avantage comparatif dans l’industriemanufacturière.Enexaminant65payssurunepériodede30 ans, il observe que le développement financier a unimpact important sur le niveau des exportations et sur labalancecommercialedusecteurmanufacturier.

FigureC.58:Exportations et qualité des institutions économiques dans les principaux pays exportateurs, 1996-2010

19,5

20

20,5

21

22 0,3

0,2

0,1

0

-0,2

-0,3

21,5

-0,1

Exportation (logarithme) Primauté du droit Qualité de la réglementation

19

96

19

98

20

00

20

02

20

03

20

04

20

05

20

06

20

07

20

08

20

09

20

10

Moy

enne

des

exp

orta

tions

Niv

eau

moy

en d

es in

stitu

tions

éco

nom

ique

s

Source :Calculsdel’auteursurlabasedesdonnéesdesindicateursdegouvernancemondialeetdeComtrade.

Note :Lamoyennedesexportationsestmesuréeparlelogarithmenatureldelavaleurdesexportationsenmilliersde$.Lesindicesdelaprimautédudroitetdelaqualitédelaréglementationvontde‑2,5à2,5.

Page 90: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

205

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

Svaleryd et Vlachos (2005) constatent que le secteurfinancierestunesourced’avantagecomparatif conformeau modèle Heckscher–Ohlin–Vanek. Les pays où lesystème financier fonctionne bien ont tendance à sespécialiser dans les secteurs fortement dépendants dufinancement extérieur. Les auteurs observent que lesdifférences entre les systèmes financiers des paysde l’OCDE sont des déterminants de la spécialisationplus importants que les différences dans le capitalhumain.Lafaiblessedesinstitutionsfinancièressetraduitpar des coûts de transaction plus élevés et d’autres«frictions financières». Celles‑ci se répercutent sur levolume des échanges en faussant les décisions deproduction des entreprises et l’entrée sur les marchésinternationaux.

Manova (2008b)montreque lesexportationsdespaysoùles institutions financières sont faibles sont moinsdiversifiées et sont destinées à un plus petit nombre de

marchés, de sorte que le volume du commerce global deces pays est plus faible. Ces distorsions sont plusprononcées dans les secteurs financièrement vulnérablesqui ont besoin de plus de capitaux extérieurs et qui ontmoins d’actifs pouvant constituer des garanties. FergusonetFormai(2011)montrentquelespaysquiontunsystèmefinancier plus développé exportent beaucoup plus deproduitscomplexesprovenantdesecteursayantunefortepropensionàl’intégrationverticale.164

(iii) Institutions et évolution de la nature du commerce

Un autre point important est l’association entre lesinstitutions économiques et les politiques commercialesdes pays (y compris la réglementation, la protection desdroits de propriété intellectuelle et l’investissement). LafigureC.61tracelacorrélationentrelaprimautédudroitetlesdroitsdedouanemoyensdansplusieurspaysen2010.

FigureC.59:Ouverture commerciale et qualité des institutions, 2010

Qualité de la réglementation

Ouv

ertu

re c

omm

erci

ale

0

0,5

1

1,5

2

2,5

-2,5 -2 -1,5 -1 -0,5 0

Qualité de la réglementation

21 1,50,5

Primauté du droit

Ouv

ertu

re c

omm

erci

ale

0

0,5

1

1,5

2

2,5

-2,5 -2 -1,5 -1 -0,5 0

Primauté du droit

21 1,50,5

Pays développés Pays en développement PMA Régression linéaire

Pays développés Pays en développement PMA Régression linéaire

Source :Calculsdel’auteursurlabasedesdonnéesdesindicateursdegouvernancemondialeetdeComtrade.

Note :Lesindicesdelaprimautédudroitetdelaqualitédelaréglementationvontde‑2,5à2,5.

Page 91: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

206

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

FigureC.60:Primauté du droit et avantage comparatif, 2010 (part)

0

0,05

0 0,4 0,6 0,7 0,8 0,9 1

0,1

0,15

0,25

0,35

Par

t des

exp

orta

tions

dan

s le

s se

cteu

rs fo

rtem

ent

dépe

ndan

ts d

es in

stitu

tions

Primauté du droit

0,2

0,3

0,4

0,45

0,5

0,1 0,2 0,3 0,5

Source :Calculsdel’auteursurlabasedesdonnéesdesindicateursdegouvernancemondialeetdeNunn(2007).

Note :L’indicedelaprimautédudroitvade‑2,5à2,5.

Larelationestnégative,cequiindiquequelespaysquifontmieuxrespecterlescontratsontaussitendanceàappliquerdesdroitsplusbas.Unecorrélationnégativeanalogueestobservéeentre laqualitédusystèmederéglementationetlesdroitsdedouane.

La figure C.62 illustre la relation entre les institutionséconomiques et les accords commerciaux préférentielsprofonds. Cette relation semble moins prononcée que lacorrélationentrelaprimautédudroitetlesdroitsdedouanemoyens, mais la figure fait tout de même apparaître uneassociationpositiveentre lesengagements internationauxdespaysetleurcapacitédefairerespecterlesrègles.

Quels facteurs pourraient expliquer la relation entre lespolitiquescommercialesetlesinstitutionséconomiques?Ilest indéniable qu’elle est déterminée par le caractèreévolutifducommerceetparl’importancegrandissantedelaproductiontransfrontières(voirlasectionB.2(e)).

Lapossibilitédeparticiperauxchaînesd’approvisionnementmondialesdissuaded’imposerdesobstaclesaucommerce.CommelefaitremarquerBaldwin(2010b),larévolutiondesTICpermetauxéconomiesendéveloppementdecréerdescentresdeproductionenquelquesmoisenparticipantauxchaînes d’approvisionnement au lieu de construire leurspropreschaînesd’approvisionnementderrièredesbarrièresdouanières.Danscecontexte, lesdroitsdedouaneet lesautres mesures commerciales visant à encourager leremplacement des importations deviennent obsolètes.Toutefois, la relation entre les institutions économiquesnationales et le caractère évolutif du commerce estcomplexe.

Premièrement,laquestiondesavoirsilaparticipationàdeschaînesd’approvisionnementpeutêtreunebonnestratégiepour les pays en développement dépend essentiellement

de la robustesse des institutions économiques nationales.Cela tientàceque laqualitédes institutionsdétermine lechoixparlesentreprisesdespaysoùdélocaliser(Grossmanet Helpman, 2005). Dans les pays en développementcapablesdefairerespecterlescontrats,lesinvestissementsserontplusimportantsetlescoûtsdeproductiondesbiensintermédiairesserontplusfaiblesquedanslespaysoùlesinstitutions sont médiocres. Par conséquent, les premiersontplusdechancesque lessecondsde réduire lesdroitsde douane et de participer à des accords commerciauxpréférentiels profonds, conformément à l’analyseprécédente.

Deuxièmement, la qualité du cadre institutionnel est undéterminant important du choix des entreprises d’intégrerune étape de production particulière ou de l’externaliser.Considéronslecasoùuneentreprised’unpaysavancédoitdécidersiellevaexternaliserouintégrerlaproductiond’unbien intermédiaire dans un pays en développement. Si lesinstitutions économiques du pays en développement sontsolides, il est probable que les contrats entre lesfournisseurs de biens intermédiaires et le producteur duproduitfinalserontexécutés.Celasignifiequelarobustessedes institutions économiques rend la délocalisation plusprobableetinflueaussisurl’importancerelativedel’IEDoude l’externalisation internationale (Antras et Helpman,2004).

Comme le montrent Bernard et al. (2010), des institutionséconomiques de meilleure qualité sont associées à uneplus forte probabilité de délocalisation. Toutefois, lerenforcement accru de l’environnement institutionnels’accompagned’unediminution relativede l’IED.Selon lesauteurs,celatientprobablementaufaitqu’ilestplusfaciled’établir et de faire exécuter des contrats de pleineconcurrence.

Page 92: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

207

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

(c) Culture

Outre les institutions formelles examinées ci‑dessus, les

institutions informelles, telles que les normes et les

conventionssociales, imposentdescontrainteset influent,

par conséquent, sur les relations humaines. Les multiples

formesdecodesdeconduitesontsouventrésuméesparun

seul mot: la culture. Cette sous‑section met en relief

quelquesfaitsessentiels indiquantenquoi lesdifférences

de culture entre les pays sont importantes pour le

FigureC.61:Primauté du droit et droits de douane moyens, 2010 (pourcentage)

Moy

enne

pon

déré

e de

s dr

oits

de

doua

ne e

ffec

tivem

ent a

ppliq

ués

0

5

10

15

20

25

30

-2 -1,5 -1 -0,5 0 0,5 1,5 21

Primauté du droit

Pays développés Pays en développement PMA Régression linéaire

Source :Calculsdel’auteursurlabasedesdonnéesdesindicateursdegouvernancemondialeetdeTRAINS.

Note :L’indicedelaprimautédudroitvade‑2,5à2,5.

FigureC.62:Primauté du droit et accords commerciaux préférentiels « profonds », 2010

-2 -1,5 -1 -0,5 0 0,5 1,5 21

Pro

fond

eur

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

1,4

1,2

Primauté du droit

Pays développés Pays en développement PMA Régression linéaire

Source :Calculsdel’auteursurlabasedesdonnéesdesindicateursdegouvernancemondialeetduSecrétariatdel’OMC.

Note :L’indicedelaprimautédudroitvade‑2,5à2,5.LaprofondeurdesACPrestétablieentenantcomptedes10dispositionslesplusimportantes,àl’aidedel’analyseducomposantprincipal.Pourplusdedétails,voirOreficeetRocha(2011).

Page 93: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

208

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

commerce international. Elle demande simplement si lesdifférences culturelles sont un facteur déterminant ducommerceinternational.

Leséconomistesnesontpaslesseulsàs’êtreintéressésàla relationentre la structureducommerce international etles différences culturelles, et à la manière dont cetterelation évolue dans le temps. Dans sa célèbre étudeintituléeLe Choc des civilisations et la refondation de l’ordre mondial, le politologue Samuel P. Huntington écrit: «Danslemondenouveauquiestentraind’émerger,lesstructuresducommerceserontsurtoutinfluencéesparlesstructuresculturelles. Les dirigeants d’entreprises font des affairesavecdesgensqu’ils peuvent comprendreet enqui ils ontconfiance; les États reconnaissent la souverainetéd’associationsinternationalescomposéespardesÉtatsquipartagent la même philosophie, se comprennent et ontconfiance les uns dans les autres. Les racines de lacoopération économique se trouvent dans les affinitésculturelles» (Huntington,1996).L’hypothèsefondamentaleestquelesidentitésculturellesserontundéterminantplusimportant de la structure du commerce et des accordscommerciauxdanslemondedel’après‑guerrefroide.

Il n’est pas aisé de définir et de mesurer la culture. Lareligion et la langue ont souvent pu être prises commeindicateurs supplétifs. Mais ces mesures présententquelques inconvénients. Par exemple, l’utilisation desdifférences religieuses pour mesurer les différencesculturellesaétécritiquéeparcequelareligionadesracinesrelativement plus récentes que la culture (Guiso et al.,2009). Ilsepeutdoncquedespaysayantdesdifférencesculturelles importantes partagent la même religion. C’est

pourquoi plusieurs études économiques récentes utilisentla distance génétique comme indicateur indirect desdifférences culturelles entre les pays.165 La distancegénétique entres deux populations correspond au tempsécoulé depuis l’époque où elles avaient des ancêtrescommuns.L’hypothèseestque lespopulationsquiontdesancêtres communs récents ont eu moins de temps pourdivergerdans leurscaractéristiques,commelescroyancesimplicites,lescoutumes,leshabitudes,lestendancesetlesconventions, qui sont transmises de génération engénération(SpolaoreetWacziarg,2009a;2009b).

La figure C.63 montre la corrélation entre le commercetotaletlesdifférencesculturellesmesuréesparladistancegénétique.Chaquepoint représenteunepairedepays.Lacorrélation inconditionnelle est négative, ce qui signifiequ’en moyenne, les pays qui sont culturellement plusdistantscommercentmoinsentreeuxqueceuxquiontencommun plus de caractéristiques culturelles semblables.Ce qui est peut‑être plus étonnant, c’est que la relationentre le commerce et la culture varie peu dans le temps.Dans la mesure où il y a une légère différence entre lecommerce international de 2011 et celui de 1980, lesdifférences culturelles semblent plus déterminantesaujourd’huiqu’ilya30ans.

Alors que la figure C.63 met l’accent sur le commerce deproduits finals, la figure C.64 établit une corrélation entreles différences culturelles des pays (mesurées par ladistance génétique) et le commerce des biensintermédiaires. Ce dernier est un indicateur indirectsupplétif(sinontrèsprécis)del’importancedesréseauxdeproductiontransfrontières.Danscecasaussi,lacorrélation

FigureC.63:Commerce total et différences culturelles, 1980-2011

Loga

rithm

e du

com

mer

ce to

tal

0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 5003 000

-5

0

5

10

15

20

Distance génétique

Paires de pays en 2011 Paires de pays en 1980

Linéaire (Paire de pays en 1980)Linéaire (Paires de pays en 2011)

Source :Calculsdel’auteursurlabasedesdonnéesdeSpolaoreetWacziarg(2009a)etdeComtrade.

Note :Ladistancegénétiqueestutiliséecommeunindicateurdesdifférencesculturelles.Ellemesurelafaçondont2populationssontgénéralementliéesl’uneàl’autre.Lavariableestunindiceallantde0à10000.Elleestétablieencalculantlamoyenned’uneprobabilité(entre0et1),pondéréeparleproduitdespartsdelapopulationenpointsdepourcentage(entre0et100)dansl’unoul’autredes2pays.Sereporterautextepourplusdedétails.

Page 94: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

209

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

est négative et relativement constante dans le temps, cequi donne à penser que les différences culturellesreprésentent un coût dans le développement des chaînesd’approvisionnementmondiales.

Pourquoi les différences culturelles semblent‑elles avoiruneffetnégatifsurlecommerce?L’économiefournitdeuxréponses qui se recoupent. La première est que lesdifférences dans les institutions informelles, comme lescaractéristiques culturelles, sont un obstacle implicite aucommercecarellesgénèrentdescoûtsdetransactionetd’information.L’implicationlogiqueestquedesdifférencesculturelles importantes ont un impact négatif sur lecommerce.Maissicetargumentest juste,ons’attendraità ce que les réseaux de personnes qui ont descaractéristiques culturelles analogues mais qui setrouventdansdespaysdifférentscommercentdavantageentre eux. Les données disponibles corroborent cetteconclusion.

Rauch et Trindade (2002) examinent en particulierl’influence des réseaux ethniques sur le volume deséchanges. Leur étude est axée sur les transactionsinternationales faisant intervenir des réseaux chinois,réseauxtransnationauxlesplusimportantsdumonde.Lesauteurs constatent que l’effet de ces réseaux est positifpour tous les produits et qu’il est plus marqué pour leséchanges bilatéraux de produits différenciés, pourlesquels les frictions d’information représententprobablementunobstacleplusimportantquedanslecasdesproduitsnondifférencié.166

Laconfianceest ladeuxièmecause, liéeà lapremière,del’effetnégatifdesdifférencesculturellessur lecommerce.La confiance est un facteur essentiel dans les relationséconomiques,ycomprislesrelationscommerciales.Elleestparticulièrement importante dans les sociétés où lesinstitutions informelles, telles que les normes sociales,régulent les échanges économiques entre les individus.Guisoet al. (2009) fournissentdesélémentsquimontrentl’importance de la confiance dans les relationscommerciales. Ils montrent que les aspects culturels,mesurés par les ressemblances religieuses, génétiques etphysiques, et par l’histoire des conflits, influent sur laconfiance mutuelle (et donc sur le commerce bilatéral)entrelespayseuropéens.

Toutefois, la relation entre la culture et le commerce estprobablement plus complexe que ce que peuvent laissersupposerdesimplesrégressionstransnationales.Eneffet,sur une longue période, le commerce peut façonner lesdifférencesculturelles.Parexemple, ilpeutêtreunmoyend’instaurerouderenforcerlaconfianceentredesagentsdeculture différente (Tabellini, 2008).167 En outre, lesdifférencesculturellespeuventreprésenternonseulementun coût, mais aussi un avantage pour le commerce. Toutcomme les institutions formelles, elles peuvent être unesourced’avantagecomparatif.

Greif (1994) propose un cadre théorique dans lequel lesfacteurs culturels déterminent les structuresinstitutionnelles, quiontelles‑mêmesune incidencesur ledéveloppementéconomiqueetlesstructuresducommercede différentes sociétés. En comparant le rôle desMaghrébinsetdesGénoisdanslecommerceméditerranéen

FigureC.64:Commerce de biens intermédiaires et différences culturelles, 1980-2011

0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 5003 000

-5

0

5

10

15

20

Distance génétique

Loga

rithm

e du

com

mer

ce to

tal

Paires de pays en 2011 Paires de pays en 1980

Linéaire (Paire de pays en 1980)Linéaire (Paires de pays en 2011)

Source :Calculsdel’auteursurlabasedesdonnéesdeSpolaoreetWacziarg(2009a)etdeComtrade.

Note :Ladistancegénétiqueestutiliséecommeunindicateurdesdifférencesculturelles.Ellemesurelafaçondont2populationssontgénéralementliéesl’uneàl’autre.Lavariableestunindiceallantde0à10000.Elleestétablieencalculantlamoyenned’uneprobabilité(entre0et1),pondéréeparleproduitdespartsdelapopulationenpointsdepourcentage(entre0et100)dansl’unoul’autredes2pays.Sereporterautextepourplusdedétails.

Page 95: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

210

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

FigureC.65:Différences culturelles et accords commerciaux préférentiels « profonds », 1958-2011

0

0,2

0 200 400 600 800 1 000 1 200

0,4

0,6

1

1,4

1,6P

rofo

ndeu

r des

acc

ords

Distance génétique

0,8

1,2

Source :Calculsdel’auteursurlabasedesdonnéesdeSpolaoreetWacziarg(2009a)etduSecrétariatdel’OMC.

Note :Ladistancegénétiqueestutiliséecommeunindicateurdesdifférencesculturelles.Ellemesurelafaçondont2populationssontgénéralementliéesl’uneàl’autre.Lavariableestunindiceallantde0à10000.Elleestétablieencalculantlamoyenned’uneprobabilité(entre0et1),pondéréeparleproduitdespartsdelapopulationenpointsdepourcentage(entre0et100)dansl’unoul’autredes2pays.Sereporterautextepourplusdedétails.LaprofondeurdesACPrestétablieentenantcomptedes10dispositionslesplusimportantes,àl’aidedel’analyseducomposantprincipal.Pourplusdedétailssupplémentaires,voirOreficeetRocha(2011).

auxXIe etXIIe siècles, l’auteur avance que les croyancesculturelles collectivistes et individualistes ont façonné lecadre institutionnel dans lequel les deux groupes demarchandsopéraient,cequiaconduitàdifférentesformesdesuccèscommercialetéconomique.

DanslesfiguresC.64etC.65,lacomparaisondelarelationentrelesdifférencesculturellesetlecommercedeproduitsfinals et de biens intermédiaires, respectivement, laisseperplexe. Dans la mesure où le commerce des biensintermédiaires tient compte du commerce des pièces etcomposants et, plus généralement, de la productiontransfrontières entres paires de pays, on s’attendrait à ceque les différences culturelles comptent plus que dans lecas du commerce des produits finals. Les différencesculturelles semblent être associées à des institutionsformelles différentes et, toutes choses étant égales parailleurs, elles devraient décourager la délocalisation. Or,alorsque,danslesdeuxgraphiques,larelationestnégative,lecommercedebiensintermédiairessemblemoinsaffecté–etnonplus–par lesdifférencesculturelles.Àpremièrevue, ce constat ne cadre pas avec l’intuition économiqueélémentaire.

La raison pour laquelle les différences culturelles nesemblent pas constituer un obstacle considérable aucommerce des biens intermédiaires est que les Étatscoopèrent souvent pour surmonter de tels obstacles. End’autres termes, les institutions formelles, telles que lesaccords commerciaux préférentiels profonds, peuvent«compenser» lescoûtscommerciaux implicites induitsparladistanceculturelleetlesdifférencesentrelesinstitutionsnationales.LafigureC.65corroborecettepossibilité.

La figure indique que les accords plus profonds sontconclus par des pays qui ont, en général, des cultures

différentes. Cela s’explique par le fait que les paysculturellement distants ont probablement des institutionsformellesdifférentesdansdesdomainescommelesdroitsde propriété intellectuelle ou l’investissement, qui sontessentiels pour le développement réussi de chaînes devaleur transfrontières. Pour ces pays, des accordscommerciaux plus profonds servent de substitut à desinstitutions nationales divergentes ou de qualité médiocreet peuvent être une condition nécessaire pour tireravantagedelaproductioninternationale.

Onpeutsedemandersil’hypothèsedeHuntington–selonlaquelle ladiversité culturelle compteplusaprès laguerrefroidequependant–estcorroboréepar lesdonnées.Uneétude récente apporte une réponse affirmative. Gokmen(2012)utilisedifférentesmesuresdelaculture,notammentlareligion,l’appartenanceethnique,lalangue,lacivilisationet la distance génétique, et constate que la culture a euplusd’effetsurlecommerceaprèslafindelaguerrefroide.Toutefois, l’observation selon laquelle la profondeur desaccords économiques entre les pays est corroboréepositivement à leur distance culturelle va à l’encontre del’idée de Huntington selon laquelle une culture partagéeestuneconditiondelacoopérationéconomique.

(d) Conclusion

Cette section fait deux remarques importantes.Premièrement, le cadre institutionnel est un facteurimportant qui détermine le commerce, avec des facteurstraditionnels comme la technologie et les ressources.Deuxièmement, la relation entre les institutions et lecommerceestcomplexecarilss’influencentmutuellement.

Les institutionssontunfacteurdéterminantducommerce.Les institutions politiques nationales et la carte politique

Page 96: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

211

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

internationale influent sur la manière dont les politiquescommerciales et liées au commerce sont définies etnégociées. Des institutions économiques solides facilitentle commerce international et influent sur la structure deséchanges dans la mesure où elles sont une sourced’avantagecomparatifetellesdéterminentlesdécisionsdedélocalisation des entreprises. Les différences de culturepeuvent en outre générer des coûts de transaction quipeuventlimiterlesrelationscommerciales.Danslesannéesà venir, les institutions resterontun importantdéterminantdu commerce. En effet, elles auront probablement uneincidence sur les flux de biens intermédiaires dans leschaînes d’approvisionnement mondiales, plus que sur lesflux de produits finals. De ce fait, il est probable que lesgouvernements accorderont plus d’attention à la réformedes institutions nationales et internationales pour réduireles coûts de transaction, pour obtenir un avantagecomparatifdanslessecteursàplusfortevaleurajoutéeetpourparticiperauxréseauxdeproductioninternationaux.

Toutefois, les institutionssontégalementfaçonnéespar lecommerce international. L’intégration économiques’accompagned’unemodificationdesinstitutionspolitiquesnationales et d’un remodelage de la souveraineté. Lecommerce crée en outre des incitations à améliorer laqualité des institutions économiques. L’importancegrandissante des chaînes d’approvisionnementtransfrontières amène les gouvernements à conclure desaccords commerciaux préférentiels profonds, en partieparcequ’ilsdoivent tenircomptedesnouvelles retombéespolitiquestransfrontièresgénéréesparl’internationalisationde la production. Enfin, les relations commercialescontribuent à l’instauration de la confiance entre descommunautésdifférenteset sontdes vecteursd’influenceculturelle. Les institutions qui façonnent les relationshumaines ont tendance à être plus persistantes que lesforces économiques, comme le commerce international.Cettedisparitéentre l’influencedesmarchéset l’influencedes régulateurs doit être une préoccupation politiquefondamentaledanslesannéesàvenir.

Quelles sont les implicationspour l’OMCdecette relationcomplexeentrelecommerceetlesinstitutions?D’unepart,certains aspects de la relation renforcent le systèmecommercialmultilatéral.Danslamesureoùleresserrementdes liens commerciaux incite à mettre en place desinstitutions économiques plus efficaces et renforce laconfianceetlacoopérationentrelespays,l’élaborationdespolitiques commerciales au niveau mondial peut sedévelopper. D’autre part, il y a d’importants motifs depréoccupation.

Premièrement,si l’ouverturecommercialepeutencouragerles réformes politiques et institutionnelles au niveaunational, la transition peut conduire initialement àl’accroissement des pressions protectionnistes. Desengagements politiques à long terme sont nécessairespour faire échec à ces tentations stériles. Deuxièmement,l’intégrationéconomiqueremodèlelasouveraineté,maislesacteurs centraux dans les organisations mondialesexistantes restent les États‑nations. En raison du nombrecroissantdepaysdans lesystème international, ilestplusdifficile de coopérer et de parvenir à des accordssignificatifs. L’OMC donne déjà un rôle aux organisationsrégionales (notamment l’Union européenne en tant queMembre de l’OMC), mais ce rôle pourrait être davantagefavorisé.

Troisièmement, la faiblesse des institutions économiquespeut amener à une spécialisation inefficiente et peutempêcher de participer aux chaînes d’approvisionnementmondiales, en particulier dans le cas des pays endéveloppement. Les accords commerciaux préférentielsprofonds peuvent être un moyen de surmonter cesobstacles. Par ailleurs, les programmes d’aide visant àpromouvoir le commerce devraient continuer à mettrel’accent sur le renforcement de l’infrastructureinstitutionnelle. Enfin, la prolifération des accordscommerciaux préférentiels profonds constitue, en partie,une réponse efficiente à l’évolution de la nature ducommerce. Ces arrangements risquent cependant d’avoirpour conséquence imprévue une segmentation desmarchés. Il faut améliorer la cohérence entre le systèmecommercial multilatéral et les systèmes commerciauxpréférentiels afin d’éviter toute discrimination entre lespartenairescommerciaux.CesquestionsserontexaminéesendétaildanslasectionE.

7. Conclusions

Cettesectionaconsidéréuncertainnombredefacteurs–démographie, investissement, technologie, ressourcesnaturelles, transportet institutions–etaposé laquestionde savoir comment chacun de ces facteurs pourraitdéterminer l’avenir du commerce international. Voici, pourconclure,quelquesréflexionssurleursimplicationspourlesdifférentspaysougroupesdepays.

Pays en développement

L’undesplusgrandsévénementsdes20dernièresannéesest l’intégration réussie de nombreux pays endéveloppement dans l’économie mondiale et leurémergence en tant qu’acteurs clés du commerceinternational. La qualité des institutions politiques etéconomiquesdespaysendéveloppementest trèsdiverse,maisilyadebonnesraisonsdepenserquede«meilleures»institutions donnent aux pays un avantage compétitif etpermettent d’obtenir de meilleurs résultats commerciaux.Toutefois, on ne sait pas si la croissance des pays endéveloppement se poursuivra à un rythme rapide ous’essoufflera. L’amélioration de la qualité des institutionsdonnerait à ces pays un moyen de faire en sorte que lacroissancesepoursuive.

Le vieillissement rapidede lapopulation signifieque l’unedes principales sources de l’avantage comparatif de laChine – sa main‑d’œuvre –, qui a alimenté son essoréconomique, pourrait se tarir. Dans le même temps, laChine est dans un processus d’accumulation rapide decapital.Sicettedynamiquesepoursuit,ellepourraittrouverune nouvelle source d’avantage comparatif dans lesexportationsàplusforteintensitédecapital.Unprocessusanalogue est en cours dans d’autres pays endéveloppement, comme le Chili et la Turquie, qui ontenregistré, au cours des dernières années, uneaccumulation rapide de capital et une augmentation duratiocapital‑travail.Onnesaitpastrèsbiensiladynamiquequi soutient la demande de ressources naturelles de laChine va ralentir ou s’intensifier. Étant donné leralentissement probable de la croissance du pays dansl’avenir, il y a lieu de penser que le besoin de ressourcesnaturellesseramoindre.Celaétant,laChineestnéanmoinsconfrontée à la raréfaction de certaines ressourcesessentielles comme l’eau, tendance qui a peu de chancesdes’inverserdansunavenirprévisible.

Page 97: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

212

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

L’Inde et les pays du Moyen‑Orient et de l’Afriquesubsaharienne continueront de voir leur populationaugmenter. Non seulement la moyenne d’âge sera faiblemais les ratios de dépendance diminueront dans lesprochainesdécennies.Sicespaysparviennentàrenforcerleurs institutions publiques et à maintenir des politiqueséconomiquesouvertes,ilspourraientdevenirleséconomiesles plus dynamiques du monde. La forte croissancedémographique au Moyen‑Orient et en Afriquesubsahariennedonneégalementauxpaysdecesrégionslapossibilité de réduire leur dépendance vis‑à‑vis desexportationsderessourcesnaturelles.Maisceladépendradeleurcapacitédeformerconvenablementleurpopulationdeplusenplusnombreuse.

De nombreux pays d’Afrique subsaharienne doivent enoutre faire des efforts pour réduire la «distance» parrapport aux marchés. En général, ces pays ont les plusmauvais indicateurs en termes de coûts de transport.Commelaréductiondescoûtsdetransportetdesdélaisdelivraison est indispensable pour réussir à s’intégrer dansl’économie et dans les chaînes d’approvisionnementmondiales, il faudra absolument accroître l’investissementdans l’infrastructure liée au transport. Pour cela, il faudramobiliserlesressourcesnationales(publiquesetprivées)ettirerpartidel’initiativeAidepourlecommercepourobtenirune assistance internationale. Il sera sans doute possibleausside tirerpartideseffortsd’intégrationrégionalepouridentifier les projets d’infrastructure régionale prioritairessusceptiblesderéduirelescoûtscommerciaux,etd’utiliserles négociations du Cycle de Doha sur la facilitation deséchangespouraméliorer lesprocéduresdouanièreset lesautres réglementations. Les pays africains restent à latraîne dans l’innovation et l’absorption du transfert detechnologie.Ilestpossibleaussid’yremédierenaméliorantlaqualitédel’éducationetdelaformation.

Pays développés

Aucoursdesdernièresdécennies, lacroissancedespaysdéveloppés a été plus lente que celle des pays endéveloppement et leur part du commerce mondial adiminué. La Grande Récession qui sévit actuellement setraduira probablement par une décennie perdue pour denombreuxpaysavancés,enparticulierenEurope.

LeJaponet un certainnombredepayseuropéens serontconfrontés à des problèmes démographiques liés auvieillissement et à la diminution de la population, et leurcroissanceenpâtira.Celaauradeseffetsnégatifssurleurpart du commerce mondial, aggravant les tendancesdécrites dans la section B. Une plus grande ouverture à

l’immigration peut aider à surmonter ces difficultésdémographiques. Ces pays devront maintenir unemain‑d’œuvretrèsqualifiée,investirunepartimportantedeleur PIB dans la recherche‑développement et encouragerl’innovation. Les nouvelles technologies, comme larobotique et l’impression 3D, peuvent se déployer pluslargement.Leuradoptionseraprobablement inégaleselonles secteurs: elles sont utilisées actuellement dans lesdomaines de la construction, de l’aérospatiale, de lajoaillerieetdes soinsdesanté.Ces technologies risquentcependant d’avoir des effets perturbateurs en réduisantl’importance d’une main‑d’œuvre bon marché (disponibledans les pays en développement). Cela peut amener àrelocaliser(internaliser)danslespaysdéveloppésl’industriemanufacturière et les chaînes d’approvisionnement qui luisontassociées.

Les États‑Unis ne sont pas confrontés à des problèmesdémographiques aussi graves que le Japon et l’Europe.Leur population devrait continuer d’augmenter (bien queplus lentement)et ils restentplusouvertsaux immigrants,qui représentent environ un sixième de la main‑d’œuvreaméricaine. Les immigrants sont particulièrementimportants dans l’agriculture et les technologies del’information, secteurs où les exportations sont d’undynamisme exceptionnel. Les États‑Unis devrontnéanmoins moderniser leur infrastructure et investir dansles ressources humaines pour pouvoir continuer àencourager l’innovation et l’esprit d’entreprise. Après avoirété dépendants des importations de pétrole pendant desdécennies, les États‑Unis sont en passe de parvenir àl’autosuffisance énergétique, grâce aux progrèstechnologiques dans le domaine de l’extraction du gaznaturel.Celaconduiraàunebaissedescoûtsdel’énergie,ce qui conférera probablement un avantage compétitifsubstantielauxexportationsdeproduitsmanufacturésdesÉtats‑Unis.

Des « fondamentaux » aux autres déterminants

Cette analyse des principaux facteurs déterminant lecommerce – et du rôle qu’ils joueront dans divers pays etrégions–n’estpascomplète.Ellenetientpascomptedelafaçondontlecommerceaffectelarépartitiondesrevenus,modifie le pouvoir relatif des nations et engendre desretombées(commeladégradationde l’environnement)qui,pourcertainspays,peuventêtre inacceptables.Ceseffetspeuventaffaiblirlesoutienpublicàl’ouverturecommercialeou inciter les gouvernements à adopter des politiques quiauront directement ou indirectement un effet défavorablesur le commerce. Ces questions sont abordées dans lasectionDdurapport.

Page 98: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

213

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

1 Labaissedelaféconditéadiversescauses.Lesprogrèstechnologiquesetl’accumulationdecapitalhumainetphysiquerendentlamain‑d’œuvreplusproductiveetaugmententlescoûtsd’opportunitédel’éducationdesenfants(GaloretWeil,1996).Enoutre,lahaussedesrevenusréorientelademandeverslesproduitsnonagricolesetlesservices,quinécessitentrelativementplusdemain‑d’œuvrequalifiée.Decefait,lerendementdel’instructionaugmente,cequientraîneuneaugmentationdel’investissementdansl’éducation,d’oùunehausseducoûtd’opportunitédel’éducationdesenfants.Parailleurs,lesparentsayantdesrevenusplusélevésconsacrentdavantagederessourcesàchaqueenfant.Commechaqueenfantcoûtepluscher,lenombred’enfantsdiminue(Becker,1981).

2 Lerapportdedépendancedesjeunes(despersonnesâgées)estdéfinicommeleratioentrelenombred’individusdemoinsde15ans(deplusde65ans)etlapopulationenâgedetravailler(de15à65ans).Leratiodedépendanceglobalestlasommedesratiosdedépendancedesjeunesetdespersonnesâgées.

3 LeralentissementdelacroissancedémographiqueenChineestdûenpartieàlapolitiquedel’enfantunique,introduiteen1979.Cettepolitiqueaaussicontribué,àdesdegrésdivers,àlabaissedelafécondité,àl’augmentationdurapportdemasculinité(rapportentrelesnaissancesd’enfantsvivantsdesexemasculinetdesexeféminin)quiestpasséde1,06en1979à1,19en2010(donnéesdelaBanquemondiale,statistiquesparsexe),etàl’augmentationduratiodedépendancedespersonnesâgées(Heskethet al.,2005).

4 LaBanquemondiale(2012)estimequeprèsde42millionsd’emploisdevrontêtrecréésauniveaumondiald’icià2020pourremédieràl’augmentationdunombredepersonnesâgées.UnquartdecesemploisdevrontêtrecréésenChine,mais,d’icilà,levolumedelamain‑d’œuvrechinoiseauracommencéàdiminuerentermesabsolus.

5 VoirlasectionC.1(b)pourunaperçudestendancesactuellesetprojetéesdel’éducationdanscertainspaysetrégions.

6 Leprixrelatifd’autarcieestleprixdubienàforteintensitédecapitalparrapportauprixdubienàforteintensitédemain‑d’œuvrequiseraitobservédansunesituationcontrefactuellesanséchanges.

7 VoirlasectionB.2pouruneexplicationdumodèleducommerced’Heckscher‑Ohlin.LesétudesdeSayan(2005)etdeNaitoetZhao(2009)examinentaussilarépartitiondesgainsentrelesgénérations.DanslemodèledeSayan(2005),leséchangesfondéssurlesdifférencesduesàunedynamiquedémographiqueinégaleneconduisentpasnécessairementàdesgainsdebien‑êtrepourlesdeuxpays.NaitoetZhao(2009)montrentquelagénérationdespersonnesâgéesdanslepaysvieillissant(oùletauxdeféconditédiminue)tireprofitducommerce,maisquelesgénérationssuivantessontperdantespendantlaphasedetransition.Toutefois,unsystèmedecompensationconsistantentaxesforfaitairesparpays(transferts)etensubventionsàl’épargne(taxes)peutrendrelelibre‑échangesupérieurausensdeParetoàl’autarcie.UneautreétudedeGokcekusetTower(1998),portantsurleseffetsdifférentielsdelalibérationdeséchangessurlespersonnesâgéesetsurlesjeunes,faitvaloirquelesretraitéssontdesdétenteursdecapitaux.D’aprèslethéorèmedeStolper‑Samuelson,ilsserontfavorablesàl’ouverturedeséchangessilepaysaunavantagecomparatifdanslesbiensàforteintensitédecapital(commec’estlecasdesÉtats‑Unis).

8 Lacomptabiliténationaleclassiquemontrequelesfluxdecapitauxetlabalancecommercialesontétroitementliés.Ledéficitcourant–excédentdespaiements(M)aurestedumondeautitredebiens,deservices,dedividendesetde

transfertsunilatérauxsurlesrecettes(X)provenantdurestedumondepourlesmêmespostes–estégal(hormisleserreursdemesure,quipeuventêtreconsidérables)àl’excédentdesdépensesagrégées(E)pourlesbiensetlesservicessurlaproductionnationale(Y).Cedernierestlui‑mêmeégalàl’excédentdel’investissement(I)surl’épargneagrégéeS(sommedel’épargnepubliqueSG=T–Getdel’épargneprivéeSP).Ensymboles,celadonne:M–X=E–Y=I–S.Parconséquent,undéficitcourantimpliqueunexcédentdel’investissementsurl’épargne.Pourunouvragederéférence,voirMankiw(2010).Ausujetdel’influencedesfacteursdémographiquessurlesdéficitscommerciauximportantsetchroniquesdesÉtats‑Unis,voirCooper(2008)etFerrero(2010).

9 Unautremécanismeàl’œuvredanslespaysvieillissantsfaitque,enraisondel’«approfondissementducapital»(ratiocapital/travailplusélevé),lecapitaldevientplusproductif,cequientraînedesentréesdecapitaux.

10 Helliwell(2004)faitvaloirque,bienqu’ilsemblequelespaysayantdesratiosdedépendanceélevésonttendanceàimporterdavantagedecapitauxetàavoirdesdéficitscourants,ceseffetssontplusmarquéspourlespayshorsOCDEquepourlespaysdel’OCDE.Selonlui,danscesderniers,lapartdelapopulationâgéede65ansouplusn’apasd’effetstatistiquementsignificatifsurlabalancedesopérationscourantes.

11 L’hypothèseducycledevieaétéavancéepourlapremièrefoisparModiglianietBrumberg(1954).Elleestétroitementliéeàl’hypothèsedurevenupermanentdeFriedman(1957),quipostulequelesfluctuationsdurevenutransitoiren’affectentpaslaconsommationcarcelle‑ciestinfluencéeuniquementparlesvariationsdurevenupermanent.SelonlathéorieducycledevieetdurevenupermanentformuléeparHall(1978),lesindividuschoisissentleurmodedeconsommationdemanièreàcequel’utilitémarginaleescomptée(actualisée)delaconsommationresteconstantedansletemps.

12 CommelesouligneAttanasio(1999),l’importancedesmotifsdeprécautionestessentiellementunequestionempirique,etdépend,entreautresfacteurs,del’existencedesystèmesdeprotectionetdescaractéristiquesdespréférencesetdesrevenusdesindividus.

13 L’importancedescontraintesdeliquidité/decréditestanalyséeprincipalementdanslespaysendéveloppement.

14 DanslecasdelaFrance,Desvauxet al. (2010)estimentque,en2030,lesménagesâgés(de65ansouplus)etlesménagesayantlessalaireslesplusélevés(de40à59ans)représenterontenviron70%delaconsommationtotale.Lafragmentationdesfamillesdevraitaussiaugmenter:lataillemoyennedesménages,quiétaitde2,8en1980,tomberaà2en2030.

15 Labaissedelaconsommationaprèslaretraiteestun«puzzle»parcequ’ellesemblecontredirelaprédictiondulissagedelaconsommationselonl’hypothèseducycledevieetdurevenupermanent.Lesdonnéesempiriquessontnéanmoinsmitigées.EnutilisantdesdonnéesdepaneldesÉtats‑Unispourlapériode1980‑2000,Aguilaet al.(2011),parexemple,neconstatentaucunsignedebaissedelaconsommationglobaleaprèslaretraite.Danslecasdel’Italie,Miniaciet al. (2003)montrentquelesdépensesliéesautravaildiminuentaprèslaretraite,maisquelaconsommationdeproduitsnondurablesnediminuepas.Ilsenconcluentquelepuzzledelaconsommationàlaretraiten’existepasdanslecontexteitalien.Hurst(2008)faitvaloirquelesdonnéesobservéesnesontpasincompatiblesaveclemodèleducycledeviesionl’élargitpourtenircomptedelaproductionintérieure(voiraussiLührmann,2010)etdeschocsdesanté(voiraussiBankset al.,1998).

Notes

Page 99: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

214

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

16 SuivantMilanovicetYitzhaki(2002),laBanquemondiale(2007)utiliseunedéfinitionabsoluedelaclassemoyennequiinclutlesindividusdontlerevenuannuelestcomprisentrelerevenumoyenduBrésiletceluidel’Italie(c’est‑à‑direentre4000et17000dollarsEUenvironenPPAde2000).D’autresétudesutilisentdesintervallesderevenuspluslargespourdéfinirlaclassemoyennemondiale,obtenantdesprojectionsplusélevéesconcernantsataille,aussibienenchiffresabsolusqu’enpourcentagedelapopulationmondiale(KharasetGertz,2010;WilsonetDragusanu,2008).

17 LaChineestdéjàleplusgrandmarchéautomobilemondial,avec13,6millionsdevéhiculesvendusen2009contre10,4millionsvendusauxÉtats‑Unis.C’estaussilepremiermarchémondialpourlestéléphonesportables,avecprèsde700millionsd’abonnésen2010(KharasetGertz,2010).

18 KharasetGertz(2010)estimentque,en2010,laconsommationfinaledesménageschinoisareprésenté37%delaproductiontotale,cequiestinférieuràlamoyennemondiale(61%)etauxpourcentagesobservésdansd’autreséconomiesémergentescommeleVietNam(66%),l’Indonésie(63%),l’Inde(53%)etlaThaïlande(51%).Toutefois,Atsmonet al. (2012)soulignentque,cesdernièresannées,laconsommationdesménageschinoisaaugmenté,aussigrâceauxmesuresprévuesdansledernierplanquinquennaldupays,quirenforcentlasécuritésocialeetl’intégrationfinancière.

19 CommeonleverraendétaildanslasectionD.1,uneautretendancerécenteobservéeàlafoisdanslesrégionsdéveloppéesetdanslesrégionsmoinsdéveloppéesestl’accroissementdesinégalitésàl’intérieurdespays.Cettetendanceinfluesurlastructuredelademandeencontribuantàlacroissancedumarchédesproduitsdeluxedansdenombreuseséconomies,notammentlaChine(Atsmonet al.,2012;KharasetGertz,2010).

20 Ilexistecependantuncertainnombred’obstaclesaucommercedesservicesd’éducationsouslaformederestrictionsquantitativesconcernantlenombredefournisseursétrangersetdeprescriptionsprocéduralesconcernantlareconnaissancedesqualifications(LimetSaner,2011).

21 CommeonpeutlevoirdanslafigureC.7,danslespaysendéveloppement,l’améliorationdesniveauxd’instructionarésultéprincipalementdel’augmentationdestauxdescolarisationdansl’enseignementprimaire,tandisque,danslespaysdéveloppés,ellearésultédel’augmentationdestauxdescolarisationdansl’enseignementsecondaireetdansl’enseignementsupérieur.

22 KCet al. (2010)fontdesprojectionsdémographiquesparniveaud’instruction,âgeetsexepour120payspourlapériode2005‑2050.Àpartirdesdonnéesdebaserésultantd’uneenquêteparpayspourl’année2000,ilsproduisentdesprojectionsconcernantl’éducationdansquatrescénariosdifférents,dontleplusréalistesupposequel’instructiondanslespaysévoluerasuivantunetendancemondialeàlahausse.

23 Enparticulier,Romalis(2004)faitvaloirquelespaysbiendotésenmain‑d’œuvrequalifiéeetencapitalabsorbentunepartplusimportantedesimportationsdesÉtats‑Unisdanslessecteursquiutilisentcesfacteursdemanièreintensive.Dansunmêmeordred’idées,Chor(2010)montrequelespaysoùlescompétencessontplusabondantesenregistrentunvolumed’exportationsbilatéralesplusimportantdanslessecteursàforteintensitédecompétences.Enfin,Kowalski(2011)estimeque,avecladotationencapitalphysique,laduréedelascolarité(variablesupplétivedeladotationencapitalhumain)estl’unedesvariableslesplusimportantespourexpliquerlastructureducommerceparsecteur.SelonlesestimationsdeKowalski,uneaugmentationd’unécarttypedunombred’annéesdescolaritésetraduitparuneaugmentationmoyennede14à17%desexportations.Kowalskiavanceaussique

l’enseignementsecondaireetl’enseignementsupérieurontdesincidencesdifférentessurlastructuredeséchanges,etquelesdifférencesentrelespaysenmatièred’enseignementsecondairesontuneexplicationplusimportantedesfluxcommerciauxparsecteur.

24 DanslemodèledeCostinot(2009),laqualitédesinstitutionscomplètelecapitalhumainpourdéterminerl’avantagecomparatif.Dufaitdecettecomplémentarité,l’améliorationdesinstitutionsadeseffetsplusimportantsdanslespaysoùlestravailleurssontplusinstruits.Demême,l’améliorationdel’enseignementadeseffetsplusimportantsdanslespaysayantdemeilleuresinstitutions.VoirlasectionC.6pouruneanalyseplusapprofondie.

25 Eneffet,danslepremierpays,l’organisationefficientedelaproductionnécessitel’appariementdestravailleursayantdesqualificationsanalogues.Àl’inverse,danslesecondpays,ellenécessitelerecrutementd’unoudequelquesindividustrèsqualifiés,complétésparquelquesindividusmoinsqualifiés.

26 D’autresétudesdéveloppentl’idéequel’hétérogénéitédestravailleursestimportantepourl’avantagecomparatif,notammentcellesdeGrossman(2004)etdeOhnsorgeetTrefler(2007).Voiraussiladiscussionsurla«concentration»danslasectionC.1(c).

27 AmitietFreund(2010),parexemple,montrentque,depuis1992,lesexportationsdelaChinedominéesparlesvêtements,textiles,chaussuresetproduitsmanufacturésdivers(ycomprislesjouets)sesontnettementréorientéesverslesmachinesélectriques,lesmachinesdebureau(ycomprislesordinateurs)etlematérieldetélécommunication.Cesontprécisémentlessecteursquidépendentleplusducommercedeperfectionnement.

28 Letauxd’activitéestdéfinicommeleratioentrelapopulationactive(employésetchômeurscherchantactivementunemploi)etlapopulationâgéedeplusde15ans.

29 Lapartdesfemmesdanslapopulationactiveaaugmentédanstouslespaysoùl’onaobservéunebaissesensibledelafécondité(SoaresetFalcão,2008).

30 Danslemodèleclassiquedel’offredemain‑d’œuvre,unsalaireplusélevéadeuxeffetssurlaparticipationaumarchédutravail:uneffetdesubstitution(lecoûtd’opportunitédesloisirsaugmente,sibienquelesindividustravaillentdavantageetréduisentleursloisirs)etuneffetderevenu(lesrevenusplusélevésaugmententlademandedeloisirs,cequiamènelesindividusàtravaillermoins).VoirBlundelletMaCurdy(1999)pourunexamendelalittératuresurl’offredemain‑d’œuvre.

31 Toutefois,commeKlasenetPieters(2012)l’ontsouligné,l’hypothèseenUaétédémontréeprincipalementpardesanalysestransversales,alorsquelesétudesbaséessurdesdonnéesdepaneldonnentdesrésultatsplusmitigés(voir,parexemple,GaddisetKlasen,2011).Ilfautaussipréciserque,dansdenombreuxpaysendéveloppement,notammentenAsie,lesfemmesaugmententleurparticipationaumarchédutravailenréponseàdeschocséconomiques.Cetteformedeparticipationdesfemmespeutenclencherunengrenagedepauvreté(BhalotraetUmaña‑Aponte,2010).

32 LesÉtats‑Unis(nonmentionnésdanslafigureC.9)connaissentuneévolutionsemblableàcelledel’Unioneuropéenne.

33 KlasenetPieters(2012),parexemple,montrentqueletauxd’activitédesfemmesenIndediminuequandlesmarisontdesrevenusplusélevés.

34 LeMoyen‑Orientestaussicaractérisépardefaiblestauxd’activitédeshommes.Enfait,l’augmentationdelaparticipationàlavieactiveestconsidéréecommeuneprioritépardenombreuxgouvernementsdelarégion(BIT,2012).

35 Ilsembleyavoiraussiunecorrélationpositiveentrelapartdesfemmesdansl’emploietlesexportationsglobalespour

Page 100: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

215

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

despaysendéveloppementcommeMaurice,leMexique,lePérou,lesPhilippinesetSriLanka(Nordås,2003).

36 L’avantagecomparatifestmesuréaumoyendesindicesdel’avantagecomparatifrévélé.

37 VoirMorrissonetJütting(2005)pourunecontributionempiriqueutilisantdesmesuresdeladiscriminationfondéessurlescontraintesinstitutionnelles.

38 Enparticulier,lesÉtats‑Unisaccueillaient42,8millionsdemigrants(20%),suivisparlaFédérationdeRussie(12,3millions,5,7%),l’Allemagne(10,8millions,5%),leRoyaumed’ArabiesaouditeetleCanada(3,4%chacun),laFrance,leRoyaume‑Unietl’Espagne(3%chacun),l’Indeetl’Ukraine(2,5%chacune).

39 Lapartmoyennedesmigrantsinternationauxdanslapopulationdesdixprincipauxpaysd’accueilétaitde13,2%en2010.Lamêmeannée,parmilespaysdeplusde1milliond’habitants,laplusforteproportiondemigrantsinternationauxsetrouvaitauQatar(87%delapopulation),auxÉmiratsarabesunisetàl’ÉtatduKoweït(environ70%),enJordanieetenPalestine(environ45%),àSingapour,enIsraëletàHongKong,Chine(environ40%).

40 EnAustralie,lamoyenneannuelledesentréesdemigrantsestpasséede154000entre1980et1989à318000entre2000et2008.AuCanada,elleestpasséede126000entre1980et1989à241000entre2000et2009,et,auxÉtats‑Unis,de633000entre1980et1989à1millionentre2000et2010.Cesdonnées,ainsiquelesautresdonnéessurlesentréesdemigrantsprésentéesdanscettesection,sontextraitesdelabasededonnéesdelaDivisiondelapopulationdel’ONU,InternationalMigrationFlowstoandfromSelectedCountries:The2010Revision.

41 ParexempleauxÉtats‑Unis,laLoide1986surlaréformeetlecontrôledel’immigration(IRCA)aaccélérélesfluxd’immigration,entraînantlarégularisationde2,7millionsd’immigrantsentre1989et1994(ONU,2011a).

42 Parexemple,entre2005et2007,lenombredemigrantsdelaPologneversl’Allemagneaenregistréuneaugmentationannuellenettede43000,soitunemoyenneannuellede146000entrées.

43 Enparticulier,l’Afriqueestlaprincipalerégiond’originepourlaFrance(avecunepartde43%dutotaldesentréesd’immigrantsen2008),etleCommonwealthestlaprincipalerégiond’originepourleRoyaume‑Uni(avecunepartde34%dutotaldesentréesd’immigrantsen2009).

44 Labasededonnéessurlesmigrationsbilatéralesmondiales(GBMD)delaBanquemondialecontientseulementdesdonnéesjusqu’en2000.Lesstocksdemigrantsbilatérauxen2010sontutilisésparlaBanquemondiale(2011c).Toutefois,cesdonnées,commedanslamiseàjourdeRathaetShaw(2007),concernentunpluspetitnombredepairesdepaysquelesdonnéesdelaGBMDetnesontdoncpasexactementcomparablesavecelles.Néanmoins,lecalculdespartsintrarégionalesdesstocksdemigrantspour2010indiquequelapartdesmigrantsintrarégionauxadiminuéentre2000et2010enAsie,enEuropeetauMoyen‑Orient,alorsqu’elleaaugmentédanslesautresrégions.

45 D’autresdéterminantsdesmigrationstransfrontièressontlesphénomènesmétéorologiquessaisonniers,lesconflitsetlescatastrophesnaturelles(RathaetShaw,2007).S’agissantdesdéterminantsdesmigrationsinternes,desétudesantérieuresmontrentqu’ellessontdéterminéessurtoutparlesdifférencesderevenusentrezonesgéographiques(HarrisetTodaro,1970;Todaro,1969).Dansunautreordred’idées,cequ’onappellela«nouvelleéconomiedesmigrationsdemain‑d’œuvre»(NELM)asoulignélerôledelamigrationcommestratégiedesménagesdanslespayspauvrespourdiversifieretréduirelesrisques(KatzetStark,1986;LucasetStark,1985;RosenzweigetStark,1989;StarketLevhari,1982).Hoddinott(1994)généraliselesapprochesdeTodaroet

delaNELMpourmontrerl’importancedesdéterminantsauniveauindividueletauniveaudesménages.Pouruneétudeapprofondiedelalittératuresurlesmigrationsinternes,voirTayloretMartin(2001).

46 AusujetdesprocessusconsultatifsrégionauxenAfrique,voir:(OIM,2011).

47 LafigureC.11indiquelamoyennepourlespaysdéveloppés.Pendantlapériode2005‑2010,lesmigrationsnettesdansdespayscommel’Italie,lePortugaletleJaponontreprésentéplusdudoubledelacontributiondel’accroissementnaturel(naissancesmoinsdécès)àlacroissancedémographique.Dans29autrespaysourégions,lesmigrationsnettesontcompensétotalementl’excédentdesdécèssurlesnaissances(ONU,2011b).

48 Lalittératuresurlesmigrationsetlaféconditéproposequatrehypothèsesgénéralespourexpliquerlestendancesobservées.L’hypothèsedelasocialisation,quimetl’accentsurlesdifférencesdeféconditéentrelesmigrantsetlesautochtonesdupaysd’accueil,postuleque,danslepaysdedestination,lesmigrantsconserventlesnormesdeféconditétransmisesparla«socialisation»pendantl’enfance.Lesétudesquiavancentl’hypothèsedel’adaptationsoulignentquelaféconditédesmigrants,mêmesiellediffèredecelledesautochtonesdupaysdedestination,atendanceàs’enrapprocheraufildutemps.Toutefois,selond’autresanalyses,lessimilitudesentrelestauxdeféconditédesmigrantsetdesautochtonesobservéesdanscertainscontextessontduesnonpasàl’adaptationmaisàlasélectiondesmigrants,c’est‑à‑direaufaitquelesmigrantsconstituentunéchantillonnonaléatoiredelapopulationdupaysd’origine,caractérisépardestauxdeféconditédifférentsdeceuxdesautochtonesdupaysd’origine.Enfin,selonl’hypothèsedelarupture,labaissedelaféconditéobservéepourcertainsmigrantsdanslepaysdedestinationestessentiellementdueauxcoûtséconomiquesetpsychologiquesdelaréinstallation.Selonlecontextedel’analyseetlaméthodeemployée,chacunedeceshypothèsestrouveunejustificationdanslalittérature,lesétudesplusrécentesprivilégiantl’hypothèsedel’adaptation.Pouruneétudeapprofondie,voirKulu(2005).

49 Eurostat,basededonnéesdesstatistiquessurlamigrationetlapopulationmigrante.

50 Auniveaumondial,l’examendelabasededonnéessurlesstocksmondiauxdemigrantsdelaDivisiondelapopulationdel’ONUmontreque,parrapportàlapopulationtotale,lesjeunessontsous‑représentésparmilesmigrantsinternationaux,tandisquelesindividusenâgedetravaillerouayantplusde65anssontsurreprésentés.

51 LesprojectionsfigurantdansletableauC.2sontfondéessurlarévisionde2008desPerspectivesdelapopulationmondialedelaDivisiondelapopulationdel’ONU.LeschiffresconcernantleratiodedépendancenedevraientpasêtrecomparésàceuxdelafigureC.4,quisonttirésdelarévisionde2010.

52 Lastabilitéglobaledestauxd’émigrationqualifiéeestconfirméesil’onconsidèreunepériodepluslongue.Enparticulier,Defoort(2008)analyselestauxd’émigrationversunsous‑ensembledesixpaysdedestinationdel’OCDE(États‑Unis,Canada,Australie,Allemagne,Royaume‑UnietFrance)pourchaquepériodedecinqansentre1975et2000.L’auteurmontrequelestauxd’émigrationglobauxsontstablespendantcettepériode,maisqu’ilsontaugmentédanscertainesrégions(notammentenAfriquesubsaharienneetenAmériquecentrale)etdiminuédansd’autres(principalementauxCaraïbesetenAfriqueduNord).Ilestintéressantdenoterquel’examendesdonnéesdeDocquieret al. (2009)révèlequeletauxd’émigrationestplusélevé,de17%enmoyenne,pourlesfemmeshautementqualifiéesquepourleshommeshautementqualifiés.

53 Donnéestiréesdel’ensembledesdonnéesdeDocquieret al. (2009).Beineet al. (2007)soulignentque,sil’onnetientpascomptedel’âged’entrée,onsurestimeprobablementles

Page 101: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

216

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

tauxd’émigrationhautementqualifiée.Eneffet,onpourraitcomptercommedesémigrantshautementqualifiéslespersonnesquiontmigrédansleurenfanceetontfaitleursétudesdanslepaysdedestination.Toutefois,leursestimationscorrigéesenfonctiondel’âged’entréesontfortementcorréléesaveclesestimationsnoncorrigées.

54 Ceparagrapheetlesuivants’inspirentbeaucoupdel’ouvragedeFeenstraetTaylor(2008).

55 L’hypothèsedesprixrelatifsconstantsimpliquequelepaysd’origineetlepaysd’accueilsontde«petits»pays.

56 Ilconvientdenoterqu’unratiocapital/travailconstantsupposequelesprixdesfacteurssontconstants.Parconséquent,àlongterme,unemodificationdeladotationenfacteursestentièrementabsorbéeparleschangementsdanslacompositiondelaproductionquivontdansdesdirectionsopposéesdanslesdeuxsecteurs.Lasituationestdifférenteàcourtterme,carleschangementsdanslacompositiondelaproductionvontdanslamêmedirectiondanslesdeuxsecteursetilyaunebaissedurendementdufacteurdontl’abondancerelativeaugmente(danslecasdelamigrationdemain‑d’œuvre,letauxdesalairediminue).L’effetdesmigrationssurlessalairesestlesujetleplusétudiédanslalittératuresurlesmigrations.OntrouverauneanalysedansHanson(2009).

57 BeverellietGroppo(2013)analysentlarelationentrel’immigrationqualifiéeetlastructureducommercedanslessecteursàforteintensitédequalificationdansleséconomiesdel’OCDE.Lesrésultatspréliminairesindiquentque–sil’ontientcomptedeladotationrelativeenmain‑d’œuvreautochtonequalifiéeetencapital–lespaysquiontrelativementplusd’immigrantsqualifiésdétiennentunepartplusimportanteducommercemondialdanslessecteursàforteintensitédequalification.

58 Celarésultedel’hypothèsedesymétriedelademandeetdelatechnologieentrelespays.

59 GastonetNelson(2013)examinentplusieursautrescasdanslesquelsilexisteunecomplémentaritéentrelamigrationetlecommerce.Ilsconsidèrentquelecommerceintrasectorieletlecommerceenprésenced’économiesd’échelleetenprésencededifférencesinternationalesdansledegrédeconcurrenceimparfaitedonnenttouslieuàunetellecomplémentarité.

60 AlorsqueWong(1988)estimeunefonctiond’utilitéindirecteducommerce,HijzenetWright(2010)considèrentlesimportationsetlesimmigrantscommedesintrantsintermédiairespourlaproductionfinale.Pourdéterminersilesimmigrantssontdescomplémentsoudessubstitutsquantitatifsducommerce,ilsestimentl’«élasticitédeRybczynski»,c’est‑à‑direlavariationenpourcentagedelademanded’importationsrésultantd’unevariationenpourcentagedunombred’immigrants.

61 Lesdonnéesempiriquesmontrenteffectivementque,surlesmarchésoùlenombred’immigrantsmoinsinstruitsaugmente,denombreuxsecteursemploientplusdemain‑d’œuvrenonqualifiée(CardetLewis,2007)ettardentàadopterdestechniquesàforteintensitédecompétences(Lewis,2005).

62 Cesdeuxeffetspeuventaussiêtreappelés«effetderéseauprofessionneletsocial»et«effetdebiaisdelamigration»(«transplantedhomebiaseffect»)(Brattiet al.,2012).

63 OntrouverauneanalysedansBrattiet al.(2012).Lalittératureestpasséed’étudestransnationalesàdesétudesfondéessurdesdonnéesdepanel,puis,plusrécemment,àdestravauxessayantd’établiruneffetcausaldel’immigrationsurlecommerce.Ilaétémontréquecequicompte,c’estnonseulementl’immigrationpermanente,maisaussil’immigrationtemporaire(JansenetPiermartini,2009).

64 L’effetplusimportantdesréseauxdemigrantssurlecommercedesproduitsdifférenciésplutôtquedesproduits

homogènes,constatéparAleksynskaetPeri(2012)etdansplusieursautresétudes,estconformeàl’hypothèsedeRauch(1999)selonlaquellelesrenseignementsutilespourlecommercetransmisparlesréseauxdemigrantssontparticulièrementpertinentsdanslecasdesproduitsdifférenciés.

65 KerretLincoln(2010).Ilsmontrentaussiqu’en2000,47%destitulairesd’undoctorattravaillantdanslesdomainesdelascienceetdelatechnologieauxÉtats‑Unisétaientnésàl’étranger.

66 Chellarajet al. (2008)estimentquel’augmentationdelapartdesétudiantsinternationauxdanslenombretotald’étudiantsdetroisièmecycleentraîneuneaugmentationsensibledunombredebrevetsdélivrésauxétablissementsuniversitairesouautres,ainsiqu’uneaugmentationdunombretotaldedemandesdebrevets.L’incidencemarginaled’unnouvelétudiantétrangerdetroisièmecyclereprésenteenviron0,88demandedebrevetet0,57délivrancedebrevetdansl’ensembledel’économie.HuntetGauthier‑Loiselle(2012)estimentqu’unehaussede1pointdepourcentagedelapartdesimmigrantsdiplômésdel’enseignementsupérieurdanslapopulationsetraduitparuneaugmentationdunombredebrevetsparhabitantde9à18%.Celareflèteenpartielesretombéespositives(attraction)surlesinventeursautochtones(cequipeutêtredûaussiauxcomplémentaritésdansl’innovation).KerretLincoln(2010)constatentquel’augmentationdesadmissionsH‑1Bs’esttraduiteparunaccroissementsubstantieldesinventionsindiennesetchinoisesdanslesvillesquicomptentdavantagesurlesscientifiquesimmigrants.Uneaugmentationde10%delapopulationH‑1Bcorrespondàunaccroissementde1à4%desinventionsindiennesetchinoisespourchaqueaugmentationdel’écarttypedansladépendancedesvilles.Ilsconstatentaussiqu’ilexistedeseffetsd’attraction.Parmilesétudessurlespaysdel’UE,Ozgenet al. (2011)montrentqueleniveaumoyendequalificationdesimmigrantsinfluesurlesdemandesdebrevetsdansunéchantillonde170régionsdel’UE.Enoutre,lesdemandesdebrevetssontinfluencéespositivementparladiversitédelacommunautédesimmigrants.Uneaugmentationdel’indicedefractionnalisationde0,1parrapportàlamoyennerégionalede0,5entraîneunehaussedunombrededemandesdebrevetsparmilliond’habitantsd’environ0,2%.Mettantl’accentsurlaFrance,l’AllemagneetleRoyaume‑Uni,Venturiniet al. (2012)constatentquelesmigrantstrèsinstruitsjouent,engénéral,unrôlepositifdanslapromotiondel’innovation.Danslessecteursdehautetechnologie,enparticulier,lestravailleursétrangerstrèsqualifiéscontribuentdefaçonpositiveàl’innovationsansévincerlesautochtones.

67 VoirHanson(2009)etlalittératurequ’ilcite.

68 Desarticlesrécentsvontdanscesens,notammentDiMariaetStryszowski(2009)etAzarnert(2012).

69 Desélémentsempiriquesétayantl’hypothèsedugaindecerveaux,aumoinsdanscertainspayscommeleBrésil,laChine,l’Indeetl’Indonésie(quireprésententplusde80%delapopulationdel’échantillon),figurentdansBeineet al. (2008;2010).

70 Ilexisted’autresmécanismesparlesquelslamigrationdespersonnesinstruitespeutavoirdeseffetspositifs.Premièrement,lesenvoisdefondsdesmigrantsdansleursfamillesaugmententlerevenudeceuxquirestent,cequipeutcontribueràl’investissementdanslepaysd’origine(voirlasectionC.2).Lesenvoisdefondspeuventaussicompenserdansunelargemesurelessommesdépenséespourl’éducationdesmigrants–commelemontreNyarko(2011)danslecasduGhana.Deuxièmement,lesréseauxdemigrantspeuventstimulerlecommercedediversesmanières(voirl’encadréC.2)etaideràremédieraumanquedecapitalquiempêcheledéveloppementdespetitesentreprisesdanslepaysd’origine,commelemontrentWoodruffetZenteno(2007)danslecasduMexique.

Page 102: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

217

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

71 Àl’inverse,Azarnert(2012)faitvaloirquesilesmigrantspotentielsvoientlapossibilitéd’avoirunemploipeuqualifiédansunpaysétrangeroùlessalairessontplusélevés,l’attraitrelatifdesemploisqualifiésdanslepaysd’originepeutdiminuer,etcelaadeseffetsnégatifssurlaformationdecapitalhumainetentraîneuneaugmentationdelafécondité.

72 Lemécanismeestlesuivant.Avantlatransitiondémographique,letauxdemortalitéurbaineestélevéenraisondesmaladiesinfectieuses,etlacroissanceurbainen’estsoutenuequeparlesmigrations.Pendantlatransitiondémographique,letauxdemortalitéurbainediminueplusrapidementqueletauxdemortalitérurale.L’augmentationnaturelledeszonesurbainesdevientpositiveetentraînelacroissancedelapopulationurbaine.Lesmigrationsredeviennentleprincipalfacteurdecroissanceurbaineverslafindelatransitiondémographiquequand,enraisond’unefaiblefécondité,letauxdecroissancenaturelleurbaineesttrèsbas(voirenégatif).

73 Laconcentrationestétroitementliéeàl’agglomération,quiestdéfiniecommelaconcentrationspatialedel’activitééconomique.Lalittératureexaminetroisprincipauxfacteursd’agglomération.Premièrement,ilaétémontréquel’agglomérationestdéterminéeparlavolontédesentreprisesdepartagerdesintrantsetdesinstallationsetdeprofiterdemarchésplusvastes.Deuxièmement,l’agglomérationestguidéeparlesavantagesqu’offrentdesmarchésdutravailplusimportants,avecunemain‑d’œuvreplusabondante,unemeilleureadéquationentrelesemployeursetlesemployésetuneplusgrandespécialisationdestravailleurs.Enfin,unautrefacteurd’agglomérationimportantestl’objectifdesentreprisesetdestravailleursdetirerpartidesfluxdeconnaissancesplusimportantsquicaractérisentlesgrandesvilles.

74 Commeceladevraitressortirclairementdutexte,laconcentrationaffectel’avantagecomparatifquandiln’yapasd’égalisationdesprixdesfacteurs.Eneffet,cerésultatestobtenusilesdotationsfactoriellesd’unpayssontendehorsdu«cônedediversification»(conditionsd’égalisationdesprixdesfacteurs)etsiunerégionsespécialisepleinement.L’égalisationdesprixdesfacteursdanslepayspeutnepasavoirlieusicertainsfacteurs(commelesressourcesnaturelles)nesontpasmobiless’ilyadesdifférencesdansleniveaudeséquipementsentrelesrégions(CourantetDeardorff,1993)etenprésenced’effetsd’agglomération«àla»Krugman(1991)–voirBrakmanetvanMarrewijk(2013)pouruneexplicationplusdétaillée.Ilconvientdenoterquelaconcentrationpeutentraînerleséchangesdansunedirectioncontraireàcellequepréditlethéorèmed’Heckscher‑Ohlin.

75 Dansuneétudedecasutilisantdesdonnéesespagnoles,Requenaet al. (2008)trouventaussidespreuvesd’uneconcentration.

76 Pouruneétudedétailléedelalittératurequidocumentel’existenced’économiesd’agglomération,ycomprisdegainsdeproductivité,voirPuga(2010).Meloet al. (2009)soulignentladistinctionfaitedanslalittératureentreleséconomiesdelocalisationetleséconomiesd’urbanisation.Lespremièresindiquentlesgainsliésprincipalementàlaconcentrationindustrielle,etlessecondeslesgainsliésàlatailledesvilles.Defaçongénérale,lesdeuxontunimpactsurlaproductivité,leséconomiesd’urbanisationétantrelativementplusimportantespourlesindustrieslégèresetlesservicesàforteintensitédeconnaissances,commelesservicesfinanciersetimmobiliers.

77 Pourl’effetdesinstitutionssurl’évolutiondémographique,voir,parexemple,McNicoll(1980)etBumpass(1990).

78 Dansl’analyseempirique,Doet al. (2012)utilisentlatechniquedesvariablesinstrumentales(enparticulier,uninstrumentfondésurlagéographiepourlastructuredeséchanges)afind’isolerl’effetdecausalitédel’avantagecomparatifsurlafécondité.

79 Enoutre,desvariablescommelesoriginescolonialesetlaproximitélinguistiquepeuventinfluencerlecommerceetl’immigration.Siellesnesontpasconvenablementprisesencompte,ellespeuventperturberlarelationentrelesimmigrantsetlescourantsd’échanges.

80 Briantet al. (2009)utilisentlesstocksd’immigrantsen1875,1982et1990commeinstrumentpourlestockactueld’immigrants.PerietRequena‑Silvente(2010)etBrattiet al. (2012)utilisentl’approched’AltonjietCard(1991),selonlaquellel’entréenetted’immigrants(danslapremièreétude)oulestockd’immigrants(danslasecondeétude)sontestiméssurlabasedesenclavesd’immigrationhistoriques.

81 VoirBrülhart(2010)pouruneétude.

82 DansKrugmanetLivasElizondo(1996),l’ouverturecommercialeentraîneladispersiondel’activitééconomiquedansunpays.Danslemodèle,ilyadeuxforcesd’agglomération,àsavoirl’effetd’entraînementenaval(enraisondeleurgoûtpourlavariétéetdescoûtsdetransportsinterrégionaux,lesconsommateurstiennentàs’établirprèsduplusgrandnombrepossibledeproducteurs)etl’effetd’entraînementenamont(pourréduirelescoûtsdetransportetlescoûtsfixes,lesproducteursensituationdeconcurrencemonopolistiquecherchentàinstallerleuruniqueusineaussiprèsquepossibledesconsommateurs).Laforcededispersionestconstituéeparlescoûtsdecongestion.Pourdescoûtscommerciauxsuffisammentfaibles,laforcedecongestionl’emportesurleseffetsd’entraînementenamontetenaval,contribuantàladispersiondel’activitééconomique.Lesauteursenconcluentque«lesmétropolesgéantesdutiers‑mondesontuneconséquenceinattenduedespolitiquesdesubstitutiondesimportationsetauronttendanceàdiminueraveclalibéralisationdespaysendéveloppement».Toutefois,dansunmodèleplusprochedeKrugman(1991),danslequell’intensitédelaforcededispersiondiminueavecl’ouverturecommerciale,MonfortetNicolini(2000)parviennentàlaconclusionquecettedernièreinduituneagglomérationinterne.

83 Sanschangementsurleterritoired’unpays,celaimpliqueunedensificationduréseauroutier.

84 http://www.cio.com/article/123230/South_Africa_Outsourcing_Scorecard.

85 http://www.icta.mu/mediaoffice/2007/IPLC_fr.htm.

86 Calculsdel’auteurfondéssurdesdonnéesduFondsmonétaireinternational.

87 CommelemodèleHeckscher‑Ohlinducommerce.

88 Parfois,ellesconcluentuncontratavecdesentreprisesdupayshôtepourcréerunecoentreprise(Desaiet al.,2004).

89 Enanalysantdesdonnéessectoriellespour91paysentre1980et1997,Manova(2008a)montrequelalibéralisationdumarchédesactionsentraîneuneaugmentationplusqueproportionnelledesexportationsdanslessecteursquisontrelativementdépendantsdufinancementextérieur.Celaindiqueunliendirectentrelesentréesd’investissementsdeportefeuilleetl’augmentationdel’investissementintérieurdanslesusines,lesmachinesetleséquipements,cequiaccroîtlacapacitéd’offredesentreprises.

90 Richesseàlafoisphysique(valeursmobilièresetimmobilières)ethumaine(éducationetexpérience).

91 Undéfautdebeaucoupdecesétudesestqu’ellescombinentlesdonnéessurl’épargneprivéeetsurl’épargnepublique.

92 CalculsdesauteurssurlabasededonnéesduFondsmonétaireinternational.

93 Danscecontexte,uneentreprisemultinationaleinternaliserasesactivitésdansunpaysétrangerparlebiaisdel’IEDsilecoûtdel’internalisationestinférieuraucoûtd’uncontratdepleineconcurrence(BuckleyetCasson,1976).

Page 103: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

218

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

94 Lamobilitérapidedescapitauxadansunecertainemesure«égalisélesconditions»d’activitédesentreprisesauniveauinternational.Lesentreprisesquisouhaitenttirerpartidespolitiquesréglementairesoucommercialesd’unpaysétrangerpeuventtoutsimplements’yimplanterousous‑traiteràuneentreprisesituéedanscepays(Feenstra,1998).

95 PlusieursfacteursinfluentsurlarelationentrelesdépensesdeR‑Detl’innovation.Detouteévidence,l’innovationestenpartiedueauhasard.SarelationaveclaR‑Destdoncdenaturestochastique.Maisenplus,laproductivitédelaR‑Dpeutdépendredefacteursparticulierscommelaqualitédusystèmeéducatif.PourunecompréhensionplusapprofondiedelarelationentrelaR‑Detl’innovation,voirlechapitre4duRapportsurlapropriétéintellectuelledanslemonde(OMPI,2011).

96 Pourdesdirectivesconcernantlacollecteetl’utilisationdesdonnéessurl’innovation,voirle Manuel d’Oslo(OCDE,2005).

97 VoirKhanetWunsch‑Vincent(2011)pouruneanalysedesdifférentesmesuresdisponiblesconcernantlesbrevets.

98 Pourremédieràcettelimitation,JaffeetTrajtenberg(2002)suggèrentd’utiliserlenombredebrevetspondéréparleurscitations.

99 Labalancedespaiementsestuneimportantesourced’informationàcetégard(voirl’encadréC.7).

100 Hall(2010)avaitauparavantconstruitunecourbedeLorenzstandarddelaR‑Dd’entrepriseetduPIBpour40économiesetpour2périodes,1999et2005.Euégardàladisponibilitédesdonnées,les37paysdenotreéchantillonsontlessuivants:Allemagne,Argentine,Australie,Autriche,Belgique,Canada,Chine,Danemark,Espagne,Estonie,États‑Unis,FédérationdeRussie,Finlande,France,Grèce,Hongrie,Islande,Israël,Italie,Japon,Luxembourg,Mexique,Norvège,Nouvelle‑Zélande,Pays‑Bas,Pologne,Portugal,RépubliquedeCorée,Républiqueslovaque,Républiquetchèque,Roumanie,Royaume‑Uni,Singapour,Slovénie,Suède,etSuisse.

101 Commel’indiquelasous‑section(a),ilexisteplusieursmesuresdel’innovationtechnologique.Unesimplecomparaisondunombrededemandesdebrevetnerendpascomptedelavaleurdesbrevets.Lalittératureéconomiquetentederemédieràcettelacuneendénombrantlesdemandesdebrevetsdanscertainsofficesdedépôt.Notreanalysetientcompteaussidecesautresmodesdemesure.Mêmesileclassementd’unpayschange,onconstatetoujoursquelespaysasiatiquesfontdésormaispartiedesprincipauxpaysinnovants.

102 Voirlechapitre1duRapportsurlapropriétéintellectuelledanslemondedel’OMPI(2011).

103 Ànoterquelesfilialesétrangèressontcomptéescommedesrésidentsquandellesfournissentleuradresselocale.

104 Les«servicesdeR‑D»comprennentlesservicesassociésàlarecherche(chimie,biotechnologie,sciencesmédicales,sciencesappliquéesettechnologiepouvantavoirunrapportaveclesmachines,l’électricité,lescommunications,lesnavires,lesavions,legéniecivil,laconstruction,l’information,etc.),etledéveloppementexpérimentaldenouveauxproduitsetprocédés.

105 CeGrouped’expertsaétéétabliparlaDSNUàlasuited’unedemandequelaCommissiondestatistiquedel’ONUaadresséeàl’Équipespécialeinterinstitutionsdesstatistiquesducommerceinternationaldesservicespourquesoitélaboréeunedirectivedecompilationdevantaccompagnerl’édition2010duManueldesstatistiquesducommerceinternationaldesservices.Ilréunittouteslesinstitutionsparticipantàl’Équipespéciale,ainsiquedesexpertsnationauxdesstatistiquesducommercedesservices.

106 Parmilesautresétudesanalysantladimensiongéographiquedelatechnologieinternationale,onpeutciterBottazzietPeri(2003),Branstetter(2001),EatonetKortum(1999),etIrwinetKlenow(1994).

107 Les«paysverticalementintégrés»sontlespairesdepaysdontlapartdeséchangesdebiensintermédiairesestsupérieureàlamédiane.

108 Lesdonnéessontdisponiblesàl’adressehttp://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/microdata/cis.

109 Voirl’articledeThe Economist(12janvier2013)intitulé«Innovationpessimism:Hastheideamachinebrokendown?»,The Economist(2013).

110 Danslespaysendéveloppement,l’Étatjoueunrôlebeaucoupplusimportantdanslarecherche.VoirOMPI(2011).

111 Lathéoriedelanouvellegéographieéconomiquepréditaussiqueladiminutiondescoûtscommerciauxs’accompagnerainitialementd’uneplusgrandeconcentrationdelaproduction,puisd’uneplusgrandedispersion.Eneffet,àmesurequelaconcentrationaugmente,lesforcesagissantcontrel’agglomérationprennentdel’importance.Parexemple,pourpersuaderlestravailleursd’entrerdanslessecteursconcernés,lesentreprisesdevrontoffrirdessalairesplusélevés.Celaauragénéralementpoureffetderéduirel’incitationàl’expansionaccruedusecteur.Leniveaud’agrégationauquelseproduiracetteinflexiondeladynamiqued’agglomérationdépendradeplusieursfacteurs.L’undecesfacteursestl’intensitédesretombéestechnologiquesetlaportéegéographiquedesretombéesdesconnaissances.Lesdonnéesindiquentquel’avantagedelaconcentrationengrappesestparticulièrementimportantdanscertainssecteursàforteintensitédeconnaissances(AudretschetFeldman,1996).Celaestcompatibleaveclefaitquecessecteursontunegrandepartdeconnaissancestacitesqu’ilestmoinsfaciledetransférerentrelespays.

112 Voirlegraphique13duRapportsurlecommercemondial2008(OMC,2008).

113 LaursenetMeliciani(2010)montrentquelesTICinfluentégalementsurlespartsdemarchéd’exportationdanslessecteursautresquelesTICetquelespetiteséconomiesouvertesprofitentplusquelesautrespaysdesfluxdeconnaissancesétrangersliésauxTIC.

114 Meliciani(2011).

115 Plusieursfacteursinfluentsurlacapacitédes’approprierlesbénéficesdel’innovation,notammentledélaidemiseenœuvre,lesecret,lesactifscomplémentairesetlaprotectionparbrevet.Surlabased’uneenquêteeffectuéeen1994auprèsde1478laboratoiresdeR‑DdusecteurmanufacturierauxÉtats‑Unis,Cohenet al.(2000)constatentqueparmicesmécanismes,c’estsurlesbrevetsquelesentreprisesinsistentgénéralementlemoins.

116 Parexemple,plusieursétudesmontrentqueletauxdecroissancedespays(résultatultimedel’innovation)estpositivementcorréléauvolumeducommerce(AlcaláetCiccone,2003;FrankeletRomer,1999;SachsetWarner,1995)etàl’ouverturecommerciale(SachsetWarner,1995;etSala‑i‑Martin,1997).

117 VoiraussilasectionB.1.

118 D’autresétudesvontdanslemêmesens,notammentClerideset al.(1998)etVanBiesebroeck(2005)pourlespaysafricains,etHallward‑Driemeier,IarossietSokoloff(2002)pourlespaysd’Asiedel’Est.

119 VoirOMPI(2011),chapitre2,etMaskus(2012)pourunexamendelaquestion.

120 C’estl’avis,parexemple,deJavorcik(2004),quiestimequ’unefaibleprotectiondesdroitsdepropriétéintellectuelleauneffetdissuasifsurl’IEDdanslessecteursàforteintensitétechnologiqueoùcesdroitsjouentunrôledéterminant.

Page 104: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

219

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

121 VoirlasectionC.1ainsique,parexemple,AgrawaletOettl(2008),Kerr(2008),Singh(2005).

122 Pourunexamendesdonnéesempiriquessurl’IEDetlesretombéestechnologiques,voirKeller(2010).Commeexemplesdetravauxempiriquespertinentssurlaquestion,voiraussiBlalocketGertler(2008),Javorcik(2004),AitkenetHarrison(1999),DjankovetHoekman(2000),HaddadetHarrison(1993)etKonings(2001).

123 Voirhttp://www.bbc.co.uk/news/business‑20639545ethttp://www.dw.de/south‑stream‑pipeline‑construction‑begins/a‑16435203.

124 Plusieursvaleurspeuventêtreutiliséespourmesurerlavolatilité.Pourmesurerlavolatilitédesprixdel’énergie,ChenetHsu(2012)utilisentunemoyennemobiledel’écart‑typedesprix,lavolatilitéréaliséeetunmodèleGARCH.GARCHestl’acronymede«generalizedautoregressiveconditionalheteroskedasticity»etdésignedesmodèleséconométriquesdéfinissantlavariancedesérieschronologiquesenfonctiondelavolatilitéréaliséedanslespériodesprécédentes.Cesmodèlespeuventdoncrendrecomptedel’éventuelleconcentrationdelavolatilitédanscertainespériodes.

125 Sweeneyemploieenréalitéleterme«nonrenouvelable»quiesticisynonymed’épuisable.

126 Voirhttp://www.eia.gov/energy_in_brief/about_shale_gas.cfm.

127 Danslecasdesbiocarburants,parexemple,unrapportconjointdelaFAO,duFIDA,duFMI,del’OCDE,delaCNUCED,duPAM,delaBanquemondiale,del’IFPRI,duHLTFdel’ONUetdel’OMC(FAOet al.,2011)constatequelesbiocarburantsreprésententdésormaisunepartimportantedelaconsommationmondialedeproduitsagricoles–canneàsucre,huilevégétale,céréalessecondairesetbetteraveàsucre.Outrel’écueilquereprésentelapolitiqueindustrielle,lerapportsoulignelesproblèmesenvironnementauxetsociauxsoulevésparlessubventionsauxbiocarburants.Lesculturesdestinéesàlaproductiondebiocarburantspeuventémettreplusdegazàeffetdeserrequ’ellesn’enévitent,etilsepeutquelessubventionselles‑mêmesaientlargementcontribuéàlahaussedesprixdesproduitsdebaseen2008,quiaparticulièrementtouchélespaysendéveloppementimportateursdeproduitsalimentaires(Mitchell,2008).

128 Celas’expliqueenpartieparladifficultédemesurerl’«abondance»desressourcesnaturelles,bienquedesméthodesdecomptabilitéenvironnementalepuissentêtreutilisées,commeellesl’ontétépourestimerlecapitalnaturel,parexemplelesforêts,danslecadredel’évaluationdelarichessenationale(PearceetAtkinson,1993;AronssonetLofgren,2010).

129 Lechiffre«450»vientdecequelesclimatologuesestimentquelaconcentrationdegazàeffetdeserredansl’atmosphèrenedevraitpasdépasser450partiesparmilliond’équivalentCO2pourqu’ilsoitenvisageabled’atteindrel’objectifdes2°C.

130 Voirl’analysedeMilner(1997),Milneret al.(2000)etMilneretZgovu(2006).

131 C’estunexempledecequ’onappellel’effetoulethéorèmeAlchian‑Allen,dunomdesdeuxéconomistes,ArmenAlchianetWilliamR.Allen,quiontétélespremiersàanalysercettequestion.Ilfautnoterquecethéorèmeporteuniquementsurl’effetdesubstitutionpurdel’augmentationdescoûtsetignorel’effetderevenu,quipourraitêtrecontraireàl’effetdesubstitution.Toutefois,ànotreconnaissance,iln’existeaucunedonnéeempiriquepermettantdepenserquel’effetderevenudominel’effetdesubstitution.

132 Plusprécisément,ilsontestiméladépendancedestauxdefretparrapportauprixetonttrouvéuneélasticitéd’environ0,125à0,716,leurspécification«préférée»étant0,125.Des

coûtsdetransportstrictementdutypeicebergauraientdonnéuneélasticitéde1,etdescoûtsdetransportpurementadditifsauraientdonnéuneélasticitédezéro.L’élasticitéde0,125estplusprochedezéro.

133 Danslatroisièmesemained’octobre2012,unetonnemétriquedemineraidefervalait120dollarsEUalorsquel’oncetroyd’orvalait1700dollarsEU.Ilya32151oncestroydans1tonnemétrique.VoirletableauC.18pourlesratiosvaleur‑poidsmoyensdedifférentsgroupesdeproduitsetpourdifférentsmodesdetransport.

134 Celarenvoieàla«théoriedelaproductionO‑ring»(théoriedujointtorique)(Kremer,1993).L’accidentdelanavettespatialeChallengeren1986aétéattribuéàladéfaillanced’uneseulepièceparmilesmilliersquilacomposent,unjointtorique,qui,enraisondufroid,étaitdevenucassantetn’avaitpasrésistéàlapressiond’explosiondespropulseursdeChallenger.Appliquéeauxchaînesd’approvisionnementmondiales,etaucommercedesintrantsintermédiaires,la«théorieO‑ring»signifiequetoutretarddansl’arrivéed’unseulintrantauneffetencascadesurl’ensembleduprocessusdeproduction,avecdesconséquencestrèscoûteusespourl’entreprise.

135 Ontrouveralalistedes31paysendéveloppementsanslittoralàl’adressesuivante:http://www.un.org/special‑rep/ohrlls/lldc/list.htm.

136 Leprixc.a.f.estleprixfacturéparlevendeur,quicomprendlecoûtdel’assuranceettouslesautresfraisjusqu’auportdedestination,alorsqueleprixf.a.b.comprendtouslesfraisjusqu’àl’embarquementdesmarchandisesauportdedépart.

137 Toutefois,ladistancen’estpasimmuable.Ellepeutêtreprofondémentmodifiéeparl’actiondel’hommeetpardesprocessusnaturels.Parexemple,l’ouvertureducanaldeSuezetducanaldePanamaaconsidérablementréduitladistancemaritimeentrelespays(voirdanslasectionBl’analysehistoriquedel’effetdecesévénementssurlecommerce).Parailleurs,leréchauffementdel’Arctiquepourraitouvriruneroutepolairequiraccourciraitdebeaucouplesliaisonsmaritimesentrel’Europeetl’Asie.

138 Uneméta‑analyseestuneanalysestatistiqued’unensembled’étudesantérieuresqui,enl’occurrence,sontbaséessurdesestimationsd’équationsdegravité.L’équationdegravitéapourbutd’expliquerlevolumeducommerceentredespairesdepays.Étantdonnéquelesvariablesexplicativesdansl’équationsontgénéralementlePIBdespartenairescommerciauxetladistancequilessépare,onparled’équationdegravitéparanalogieaveclerôledelamasseetdeladistancedanslathéoriedelagravité.

139 Lesdonnéessurlescoûtsdetransportproviennentdel’AdministrationdesdouanesdesÉtats‑Unisetdesescalculsdes«fraisd’importation».L’AdministrationdesdouanesdesÉtats‑Unisdéfinitlesfraisd’importationcommeétant«lecoûtagrégédufret,desassurancesetdesautresfrais(àl’exceptiondesdroitsdedouanedesÉtats‑Unis)…».Cescoûtsreflètentletransportentrelespaysetexcluent,danspresquetouslescas,letransportintérieur.

140 BlonigenetWilson(2008)reprennentlaméthodeetaffinentlesrésultatsenfaisantvarierl’efficacitédesportsdansletemps.Ilsarriventàlaconclusionquel’infrastructureportuaire,elle‑même,auneffetbeaucoupplusfaiblequecequ’indiquentClarket al.(2004),dontlesestimationstiennentpeut‑êtrecompted’autrescaractéristiquesnondirectementliéesàl’efficacitédesports,commelesinfrastructuresàl’intérieurdupaysoulapolitiqued’exportation.

141 Plusieursétudesconfirmentquelerenforcementdelaconcurrenceaégalementréduitlesprixdutransportaérienetaugmentélevolumedufretaérien.Leseffetsdesaccordsbilatéraux«cielouvert»surl’offred’itinéraires,lestarifsdutransportaérienetlevolumeducommercesontmentionnés,entreautres,dansMiccoetSerebrisky(2006),Zhanget al.(2011)etCristeaetHummels(2011).S’agissantdutransport

Page 105: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

220

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

aériendepassagers,PiermartinietRuosova(2013)analysentl’impactdelalibéralisationdesservicesaériensàpartirdedonnéesrelativesà2300accordsdeservicesaériensconcernant184pays.Lesauteursidentifientlesdispositionsdecesaccordsquidéterminentledegrédelibéralisationdumarchédel’aviationinternationale.Parordrecroissantdelibéralisation,cesdispositionsconcernent:i)lesdésignationsmultiples;ii)lalibredéterminationdelacapacité;iii)lalibrefixationdestarifsetlacommunautéd’intérêt;etiv)lecabotage.Lesauteursfontensuiteunesimulationdel’effetdel’adoptiondechacunedecesdispositionspartouteslespairesdepaysquin’ontpasencoreincluscettedispositiondansleurréglementationdutransportaérien.Ilsprédisentqueletransportaériendepassagersaugmenterait,respectivement,de0,5,5,9et11%sitouslesaccordsactuelsincluaientladésignationmultiple,lalibredéterminationdelacapacité,lalibrefixationdestarifsetlacommunautéd’intérêt,etlecabotage.

142 Règlement(CE)n°906/2009.

143 http://www.economist.com/node/21527035.

144 Lesnégociationssurlafacilitationdeséchangesn’ontétéajoutéesauProgrammededéveloppementdeDohaqu’aumilieude2004.

145 Énoncédansl’annexeDdelaDécisiondu1eraoût2004duConseilgénéraldel’OMC(WT/L/579).

146 L’applicationdecetteméthodeauxpaysnonmembresdel’OCDEdansl’avenirdonnerauntableaupluscompletetmontreraprobablementquelesréductionsdecoûtssontencoreplusgrandespourlesautrespays,commel’ontmontréd’autresétudes,commeOCDE(2009).

147 L’initiative«Aidepourlecommerce»aétéégalementmentionnéedanslemêmecontexte.

148 HoekmanetNicita(2010),pages77etsuivantes.

149 Ibid.,page78.

150 Voir,parexemple,Arviset al.(2007),Otsuki(2011),Wilsonet al.(2003)etWilsonet al.(2005).

151 Voir,parexemple,ChristetFerrantino(2011)etArviset al.(2007).

152 Danslecasdutransportmaritime,denombreuxélémentsdecoûtsnesontpasliésaucarburant.L’importancerelativeducarburantestplusgrandepourleslongstrajets.Enoutre,ilyaunesolutiontechniquesimplepours’adapteràlahaussedesprixducarburant:ilsuffitderéduirelavitessedesnavirespourconsommermoinsdecarburant.Lesavions,quantàeux,brûlentbeaucoupdekérosèneaudécollageetàl’atterrissage.Pourlestrèslongsvols,ilsdoiventtransporterplusdecarburant,cequiaugmenteleurpoidsetréduitleurrendementénergétiqueparunitédefrettransportée.Ilenrésulteuneinteractionquadratiqueentreladistanceetlesprixducarburant.Lesavionspeuventcertesallermoinsviteetconsommermoinsdecarburant,maislamargedemanœuvreestbienpluslimitéequepourlesnavires.Enfin,lahausseduprixducarburantinduitunesubstitutionaudétrimentdutransportaérien,carleprixducarburantreprésenteunepartplusimportantedescoûtsd’exploitationdesavions,doncl’élasticité‑coûtsestplusgrande.Leremplacementdutransportaérienparletransportmaritimepourunemêmecargaisonréduitfortementlecoûtdufretmaisaugmentelecoûtdutemps.Celaaurauneincidenceplusgrandepourlescargaisonssensiblesauxdélais.

153 Lespartsmodalessontcalculéessurlabasedelavaleurdesimportations.

154 Pourlespremiers,l’élasticitéestde0,088etpourlesseconds,ellen’estquede0,103.

155 Pourplusdedétails,voirhttp://www.systemicpeace.org/polity/polity4.htm.CettesectionoffreunesériedestatistiquessimplesfondéessurlesdonnéescommercialesetlesnotationsduprojetPolityIV.Riendanslasection

n’impliqueunjugementdelapartdel’OMCsuruneformeparticulièredegouvernement.

156 LalignebleuedanslafigureC.54estunsimpleajustementlinéairedesdonnées.Enrevanche,lacourbeenrougereprésentelemeilleurajustementdesdonnéestenantcomptedesnon‑linéarités.

157 Ilsemblequ’àcejour,aucuneétuden’aexaminédemanièreformellelarelationenUinverséentrelechangementderégimeetlapolitiquecommerciale,observéedanslafigureC.54.

158 L’indicateurdelaprofondeurdesaccordscommerciauxestétabliselonOreficeetRocha(2011).Onconsidère100accordscommerciauxconclusentre1958et2011.Laprofondeurmesuréesurlabasedesdixprincipalesdispositionsretenuesdansl’analysefactorielle,àsavoirlesaspectsdesdroitsdepropriétéintellectuellequitouchentaucommerce(ADPIC),lesDPI,lesmesurescompensatoires,lesmouvementsdecapitaux,lesmarchéspublics,lapolitiquedelaconcurrence,l’antidumping,l’investissementetlesaidespubliques.

159 Desdonnéesdétailléesconcernantla«primautédudroit»etla«qualitédelaréglementation»pourunlargeéchantillondepaysnesontdisponiblesqu’après1996(Kaufmannet al.,2010).

160 Unebranchedelalittératureéconomiquemetl’accentsurleseffetsdecausalitédesréformeséconomiquesetpolitiques(voir,entreautres,GiavazzietTabellini(2005)etGiulianoet al.(2012)).

161 L’étuded’Acemogluet al.(2005)aouvertlavoieàuneabondantelittératuresurlesdéterminantspolitiquesdelarelationentrelamondialisationetlesinstitutionséconomiques.Parmilestravauxrécents,onpeutciterDalBóetDalBó(2011),DoetLevchenko(2009),Levchenko(àparaître),Segura‑Cayuela(2006)etStefanadis(2010).

162 Costinot(2009)proposeunautrecadredanslequellerespectdescontratsestundéterminantessentieldel’avantagecomparatif.Danscemodèle,l’existencedemeilleuresinstitutions,représentéeparuneplusforteprobabilitéd’exécutiondescontrats,permetaupaysdesespécialiserdanslaproductiondebienspluscomplexes.Ils’agitlàdesecteursquinécessitentunplusgrandnombredetâches(recherche,conception,assemblage,parexemple)pourproduireuneunité.

163 L’étudeintroduitunemesurequiquantifiel’importancedesintrantsdépendantdescontratsdanslaproductiondesbiensfinals.Enparticulier,onpeutdéterminer,pourchaquebienintermédiaire,s’ilestvendusurunmarchéorganisé,sisonprixestréférencédansunepublicationcommercialeous’iln’yanil’unnil’autre.Lesproduitsquidépendentleplusdescontratssontceuxquiutilisentuneproportionplusimportanted’intrantsquinesontpasvendussurdesmarchésorganisésetdontleprixn’estpasréférencé,carcesinvestissementssontplusprobablementspécifiquesàlarelationcontractuelle.

164 Pouruneanalysedecettelittérature,voirOMC(2011b).

165 VoirenparticulierGiulianoet al.(2006),Guisoet al.(2009),SpolaoreetWacziarg(2009a;2009b),Gokmen(2012).CettemesureestfondéesurlestravauxdeCavalli‑Sforzaet al.(1996).

166 Pouruneanalysepluslargedeseffetsdel’immigrationfavorablesaucommerce,voirlasectionB.1(c).

167 Unebranchedelalittératureanalyselarelationentrelesconflitsetlecommerce.Enparticulier,Rohneret al.(2011)proposentunethéorieducommerceetduconflit,danslaquellelecommercereposesurlaconfianceetlacoopération.Ilsmontrentquelespolitiquesquifavorisentlecommerceinterethniquerenforcentlaconfianceentrelessociétésetréduisentlesconflits.

Page 106: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

221

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

AppendiceTableauC.1del’appendice:DIRDE dans le secteur manufacturier (totalde18pays,valeursenmillionsde$PPA,prixconstantsde2005)

Industrie

Valeur Part

Moyenne 1990-1995

Moyenne 2005-2010

Moyenne 1990-1995

Moyenne 2005-2010

Ouvragesenmétaux,machinesetmatériel,instrumentsettransport

85570 139638 69,1% 72,7%

Coke,produitspétroliers,combustiblesnucléaires,produitschimiques,caoutchoucetmatièresplastiques

25914 37067 20,9% 19,3%

Métauxdebase 4240 4052 3,4% 2,1%

Produitsalimentaires,boissonsettabac

2594 4139 2,1% 2,2%

Produitsminérauxnonmétalliques

2145 2142 1,7% 1,1%

Bois,papier,imprimerie,édition 1404 1649 1,1% 0,9%

Textiles,fourruresetcuir 1070 1802 0,9% 0,9%

Meubles,autresactivitésdefabrication

880 1576 0,7% 0,8%

Total,secteurmanufacturier(pour18pays)

123815 192079

Source :Calculsdesauteurs,surlabasedesStatistiquesdelascience,delatechnologieetdelaR‑Ddel’OCDE.

Note :Àdesfinsdecohérenceetdecomparabilité, lescalculssonteffectuésuniquementpour lespaysdisposantdedonnéessur laDIRDEdanstouslessous‑secteursdusecteurmanufacturier,pourlesdeuxpériodes1990‑1995et2005‑2010.Dix‑huitpaysdanslabasededonnéessatisfontàcescritères,àsavoir:Allemagne,Danemark,Espagne,Finlande,Hongrie,Irlande,Islande,Italie,Japon,Mexique,Norvège,Portugal,RépubliquedeCorée,Républiquetchèque,Singapour,Slovénie,SuèdeetTurquie.

Page 107: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

222

RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2013

TableauC.2del’appendice:DIRDE dans le secteur des services (totalde14pays;valeursenmillionsde$PPA,prixconstantsde2005)

SecteurMoyenne

1990-1995Moyenne

2005-2010Croissance annualisée

Servicescollectifssociauxetpersonnels,etc. 436 728 3.47%

Intermédiationfinancière(ycomprislesassurances) 414 1465 8.79%

Immobilier,locationsetactivitésdeservicesauxentreprises 3921 16088 9.87%

Transport,entreposageetcommunications 824 1761 5.19%

Commercedegrosetdedétail,réparationdevéhiculesautomobiles

603 2337 9.45%

DIRDEtotaledanslesecteurdesservices(pour14pays) 5710 22294 9.51%

Source :Calculsdesauteurs,surlabasedesStatistiquesdelascience,delatechnologieetdelaR‑Ddel’OCDE.

Note :Àdesfinsdecohérenceetdecomparabilité, lescalculssonteffectuésuniquementpour lespaysdisposantdedonnéessur laDIRDEdanstouslessous‑secteursdusecteurmanufacturier,pourlesdeuxpériodes1990‑1995et2005‑2010.Dix‑huitpaysdanslabasededonnéessatisfontàcescritères,àsavoir:Allemagne,Danemark,Espagne,Finlande,Hongrie,Irlande,Islande,Italie,Japon,Mexique,Norvège,Portugal,RépubliquedeCorée,Républiquetchèque,Singapour,Slovénie,SuèdeetTurquie.

Page 108: C. Facteurs économiques fondamentaux affectant le … · les facteurs économiques fondamentaux qui déterminent l’avenir du commerce international – à savoir la démographie,

223

II C. Fa

Cte

ur

s é

Co

no

mIq

ue

s

Fon

da

me

nta

ux

a

FFeC

tan

t le C

om

me

rC

e

Inte

rn

atIo

na

l

II – FaCteurs détermInant l’avenIr du CommerCe mondIal

TableauC.3del’appendice:Nombre d’abonnés aux services de téléphonie fixe et de téléphonie mobile cellulaire et nombre d’utilisateurs d’Internet pour 100 habitants, 2011 (30premièreséconomies)

Téléphonie fixe Téléphonie mobile cellulaire Utilisateurs d'Internet

Monaco 96,40 Macao,Chine 243,50 Islande 95,02

Taipeichinois 72,68 HongKong,Chine 209,64 Norvège 93,97

ÎlesCaïmanes 65,63 Panama 203,88 Pays‑Bas 92,30

Allemagne 63,05 Arabiesaoudite,Royaumed’ 191,24 Suède 91,00

HongKong,Chine 61,06 Antigua‑et‑Barbuda 181,64 Luxembourg 90,89

Corée,Rép.de, 60,90 Russie 179,31 Danemark 90,00

Suisse 60,82 Suriname 178,88 Finlande 89,37

Sainte‑Hélène 59,65 Oman 168,97 Bermudes 88,34

Saint‑Marin 58,88 ÎlesCaïmanes 167,67 Qatar 86,20

Islande 58,43 Anguilla 166,31 Nouvelle‑Zélande 86,00

France 55,92 Finlande 166,02 Suisse 85,20

Malte 54,89 Maldives 165,72 Liechtenstein 85,00

Luxembourg 54,10 Dominique 164,02 Corée,Rép.de, 83,80

Liechtenstein 53,99 Libye 155,70 Guernesey 83,63

Royaume‑Uni 53,24 Autriche 154,78 Canada 83,00

Barbade 51,35 Italie 151,84 Allemagne 83,00

Japon 51,06 Lituanie 151,30 Antigua‑et‑Barbuda 82,00

Grèce 49,91 Singapour 149,49 Royaume‑Uni 82,00

Suède 48,72 Émiratsarabesunis 148,62 Andorre 81,00

États‑Unis 47,91 Luxembourg 148,27 ÎlesFéroé 80,73

Canada 47,86 Seychelles 145,71 Autriche 79,80

Australie 46,63 VietNam 143,39 France 79,58

Israël 46,28 Botswana 142,82 Japon 79,53

Irlande 45,22 Kazakhstan 142,55 Australie 79,00

Danemark 45,13 Uruguay 140,75 Belgique 78,00

Andorre 44,57 Bulgarie 140,68 États‑Unis 77,86

Bélarus 44,02 Guatemala 140,38 Bahreïn,Royaumede 77,00

Montserrat 43,41 Estonie 138,98 Irlande 76,82

Belgique 43,06 Trinité‑et‑Tobago 135,57 Estonie 76,50

Slovénie 42,89 Argentine 134,92 Singapour 75,00

Source :UIT.