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2012 BULLETIN DU CERCLE ROYAL ART ET HISTOIRE DE GEMBLOUX ASBL Secrétariat: V. GOURDIN - DANGOISSE Try Baudine, 14 5030 Gembloux - 081 61 3301 Cotisation et abonnement: 20 EUR l'an Compte: BE29 0010 3114 5564 www.crahg.be ISSN 0774-0387 LE MYSTÈRE DU MYSTÈRE IV A DE GRAND-LEEZ Pierre Aubry

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2012

BULLETIN DU CERCLE ROYAL

ART ET HISTOIREDE GEMBLOUX

ASBL

Secrétariat: V. GOURDIN - DANGOISSETry Baudine, 14

5030 Gembloux - 081 61 3301

Cotisation et abonnement: 20 EUR l'anCompte: BE29 0010 3114 5564

www.crahg.be

ISSN 0774-0387

LE MYSTÈRE DU MYSTÈRE IV A DE GRAND-LEEZ

Pierre Aubry

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Avec le soutien du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles -Service général du patrimoine culturel et des arts plastiques.

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LE MYSTÈRE DU MYSTÈRE IV A DE GRAND-LEEZ

La quiétude de cette fin d'après-midi de juin 1956 a été brusquement déchirée audessus de Grand-Leez par le rugissement à basse altitude de deux avions à réaction.Il devait être un peu plus de seize heures quand une énorme explosion a retenti ducôté du Moulin Defrenne et qu'un panache de fumée noire s'est élevé dans le ciel.Un des deux appareils venait de s'écraser au sol.

Que s'est-il passé ce jour-là dans le ciel de Grand-Leez? Après plus de cinquanteans, on en est toujours réduit aux hypothèses. Dans les dossiers du Service historiquede l'Armée française au Château de Vincennes, que j'ai pu consulter, la cause del'accident est toujours indéterminée.

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Les deux appareils sont Français. Ils appartiennent au 2e Escadron de la 12e Escadrede Chasse -la 02/012 - basée à Cambrai-Epinoy, dans le département du Nord. Ils'agit 'd'avions Mystère IV A dont les tout premiers exemplaires ont été livrés deuxans plus tôt à l'Armée de l'Air, précisément à cette base de Cambrai.

Ils décollent le 18juin 1956 du terrain de Cambrai-Epinoy à 15h 58 pour une missionde navigation à basse altitude. Ils voleront à 1.000 pieds, soit environ 300 mètres. Ilsdevront passer par Perwez, Château-Porcien dans le département des Ardennes etBenarville en Haute-Normandie, avant de revenir à Cambrai.

Le leader de la formation - celui qui vole en tête - est le lieutenant Gilbert Métral, unélève pilote de 25 ans. Mais c'est déjà un équipier confirmé. Ce jour-là, il vole sur leMystère IV A n? 87, un appareil qui totalise seulement 83 heures de vol. Son indicatifpour cette mission est Robot Citron 1. Il emporte avec lui 2.550 litres de carburant.

Le chef de patrouille est le sergent-chef Jacques Parizel. C'est un instructeurexpérimenté. Il pilote le Mystère IV A n° 79. Il volera en seconde position, à quelquesdizaines de mètres derrière Gilbert Métral.

Juste après le décollage, les deux appareils se regroupent au dessus de la ville deCambrai et prennent la direction de Perwez, en Belgique, qu'ils devraient atteindreaprès 9 minutes 45 secondes de vol. Le vent fait légèrement dériver les avions.Citron Leader corrige un peu la route aux environs de Valenciennes. Malgré cela, lapatrouille reste trop à droite de la route prévue et est en avance sur l'horaire.

Le plafond s'abaisse à partir de Charleroi

A début du vol, les nuages sont très hauts. Ils s'abaissent ensuite rapidement. SurCharleroi, ils sont à environ 600 mètres et la visibilité est réduite.

Au dessus de Gembloux, la visibilité s'est améliorée. Les deux pilotes peuvent voirjusqu'à une dizaine de kilomètres, mais la base des nuages «franche mais sinueuse»n'est plus qu'à 300 m. C'est l'altitude de vol des deux avions!...

La patrouille passe à la verticale de Gembloux, puis arrive au sud-est de Perwez, oùelle doit normalement virer une première fois direction de Château-Porcien.

Lorsqu'il voit Perwez sur sa gauche, Gilbert Métral entame un large cercle vers lagauche comme indiqué dans le plan de vol. Mais, comme il n'est pas exactement surla route prévue, il est obligé d'effectuer une correction de cap.

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Le sergent-chef Jacques Parizel, chef de patrouille, écrit dans son rapport:

« Robot Citron 1 me signale qu'il est toujours au sud de sa route et qu'ilarrivera à Perwez en avance. Effectivement nous apercevons le village à nos9 heures. Le leader fait un large virage à gauche pour revenir sensiblementà la verticale [de Perwez]. Son cap est alors 140/150°. Il continue son viragequ'il stabilise au cap 125° ».

Ce n'est pas la direction prévue pour la mission. Le chef dé patrouille en fait laremarque par radio et ordonne à Gilbert Métral de virer à droite et d'effectuer uneautre boucle pour rejoindre la bonne route.

r------m=~~----------------------------~~~Ir___--mBr_----~

-:1. Route Prévue;,'"

1,~

La patrouille est trop au sud de la route prévue

A ce moment-là, l'avion vole au raz des nuages à une vitesse de l'ordre de 350 à400 nœuds (entre 650 et 750 km/h). Il parcourt donc quelques 200 mètres en uneseconde! ...

Jacqùes Parizel précise dans son témoignage:

«Pendant son virage à 1.000 pieds, Robot Citron effleure les stratus. Je restealors à 50 mètres derrière lui, tout en conservant la vue du sol».

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La couche nuageuse est peu épaisse, environ 450 mètres. Pendant son virage, alors quel'avion est très incliné, l'avion du Lieutenant Métral y pénètre. Par radio, il annonce:

« Citron Leader, je passe au dessus de la couche».

Ce sera son dernier message. Il est 16 h 13...

Son compagnon, qui est resté en dessous des nuages, le perd de vue. Il lui ordonnepar radio de stabiliser sa direction plein ouest.

Citron leader ne répond plus

Gilbert Métral ne répondra plus aux appels ...

Il vient de s'écraser près du Moulin Defrenne, dans un champ de betteraves au lieu-dit Fonds de Bondrival à mi-chemin entre le Moulin Defrenne et la Peau de Chien.Le champ appartient à Louis Vandenack, un fermier à Petit Leez.

L'avion s'écrase dans un champ de betteraves près du Moulin De/renne.Le site de l'accident en 2012 (Photo Marcel Gruselle - Grand-Leez)

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En 2012, M. Vandenack a 86 ans. Il se souvient encore de l'accident comme si c'était hier:

«Il était environ 16 h - 16 h 30 au plus tard. J'étais en train de blanchirles murs de mon étable lorsque deux avions à réaction sont passés justeau dessus de maferme située, au nO143 de la rue de Petit-Leez à Grand-Leez. Ils venaient de la direction d'Eghezée et se dirigeaient vers l'ouest. Ilsvolaient très vite et fort bas».

«Le second appareil volait de travers. Ses ailes formaient un angle parrapport au sol. Je suis formel, je n'ai pas vu de flammes à ce moment-là.Immédiatement après, une forte explosion a retenti et j'ai crié qu'il s'étaitécrasé dans mon champ, à 20 ou 25 mètres de la Pissinte d'Arton (Le Sentierde l'Arton), derrière le Moulin Defrenne».

De son côté, dans le ciel, le Sergent-chef Parizel tente désespérément de contacterson équipier sur toutes les fréquences radio dont il dispose :

«J'insiste sur [la fréquence] G rouge, puis passe successivement surB rouge, C rouge, L rouge. Mais toujours pas de réponse».

Il appelle alors Cambrai-Opérations pour signaler qu'il a perdu le contact radio avecson leader.

La lampe de niveau de sa jauge de carburant s'est allumée car le contenu du réservoirde l'aile gauche n'a pas été transféré. Jacques Parizel rentre alors au terrain où il sepose après un vol de trente-huit minutes.

Selon Louis Vandenack, le second appareil est revenu:

« L'autre avion est revenu au dessus de nous. Il a effectué un seul tour et estreparti dans la direction de Sauvenière, vers où il se dirigeait initialement».

Plusieurs autres personnes qui se trouvaient à Grand-Leez ce jour-là ont raconté à MarcelGruselle, un ancien gendarme gembloutois, qu'elles aussi ont vu un avion passer audessus du village. Parmi ces témoins, sa tante qui habitait rue Del'vaux, près de l'église.

Il ne peut s'agir de l'avion qui s'est écrasé, puisque ce dernier est passé au-dessus dePetit-Leez. Il doit plutôt s'agir du second appareil, celui piloté par Jacques Parizellorsqu'il a fait un tour pour voir ce qu'était devenu son ailier. En faisant cet uniquetour" il a dû immanquablement passer au dessus du village à basse altitude.

Pourquoi le pilote ne fait-il pas état de cela dans son rapport?

Il faut relever que Louis Vandenack n'a pas été entendu lors de l'enquête.

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Des centaines de curieux sur place

Léon Monfort, aujourd'hui décédé, était l'oncle de Marcel Gruselle. Il lui a raconté,il y a longtemps, qu'il était occupé à des travaux de peinture sur la façade de saferme située juste derrière l'église. Etant sur une échelle, il avait une vue parfaitedans la direction où s'est produit l'accident. Il a vu les deux avions vers Petit-Leez etl'un d'eux a soudain piqué vers le sol.

Immédiatement après l'explosion, les gens de Grand-Leez se précipitent rapidementet en masse sur les lieux, sans se soucier des risques encourus. En effet, l'avionaurait pu contenir des munitions.

Tous les témoignages que j'ai pu recueillir le confirment.

Par exemple, Robert Montfort, originaire de Grand-Leez: il avait été envoyé par samaman chez le boucher derrière l'église. Dès qu'il apprend la chute de l'avion, lejeune gamin qu'il est à l'époque se joint aux curieux. Il rentrera très tard chez lui. Sesparents - pas contents - n'ont pas eu de viande pour le souper ce soir-là !...

M. Loise, bourgmestre de Grand-Leez, et M. Calonne, garde champêtre, vont surplace également. Ils prennent les premières mesures de sécurité avec les gendarmesde Gembloux.

Le Courrier de l'Entre-Sambre-et-Dyle, l'hebdomadaire catholique de Gembloux,du dimanche 24 juin 1956, relève d'ailleurs:

« Il s'en passa près de deux [heures] avant qu'apparut le service d'ordre.Lorsqu'il fut sur place, il y avait longtemps que de Grand-Leez et d'ailleurs,des centaines de curieux divaguaient autour de l'avion fumant, à larecherche de 'souvenirs', risquant ainsi de faire disparaître certaines piècesde l'appareil, grâce auxquelles il serait possible de mieux découvrir lescauses de l'accident. Le fait est regrettable. Il se produit trop souvent unpeu partout et il semble bien qu'une plus parfaite cohésion entre servicesadministratifs soit nécessaire».

Sur les lieux du crash, on s'affaire. La base aérienne de Beauvechain est la plusproche. Elle y dépêche rapidement du personnel qui établit un cordon de sécurité. Lecapitaine Dubois, de la base de Beauvechain, et quelques officiers du ministère de laDéfense nationale belge arriveront sur les lieux dans la soirée.

Louis Vandenack en garde le souvenir:

« Des soldats de la base de Beauvechain avaient encerclé les lieux et on

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ne pouvait plus s'approcher. Ils monteront d'ailleurs la garde pendant lestravaux de nettoyage qui dureront une quinzaine de jour».

Marcel Gruselle, lui, se souvient avoir vu des militaires en salopettes blanches.

Vers 17h 30, l'état-major de la Force aérienne belge prévient l'ambassade de Franceà Bruxelles. L'attaché militaire, naval et de l'air - le colonel de Boisredon - envoieimmédiatement un télégramme à Paris et à la base de Cambrai. Il se rendra à Grand-Leez le lendemain vers les huit heures du matin.

Dans la soirée, le capitaine Philippe Archambaud, arrive à Beauvechain. Il estle commandant de la 3e Escadre « Cornouailles » - la 03/012 - basée elle aussi àCambrai.

Louis Vandenack se rappelle bien de cet officier français:

« Deux heures après l'accident, soit vers 18 heures, tout au plus 19 heures,un aviateur français était sur place avec le bourgmestre de Grand-Leez,M Loise, et d'autres militaires. Il y avait beaucoup de monde aussi».

Le corps du malheureux pilote est transporté le soir même de l'accident à la basede Beauvechain dans une boîte en bois blanc qu'un menuisier de Grand-Leez avaitfabriquée à la demande du maïeur.

Louis Vandenack se rappelle:

«Le bourgmestre est venu sur les lieux avec Joseph Noël, un menuisierdu village, et le Docteur Henry Goffaux, de Grand-Leez. Le menuisieravait fabriqué une boîte blanche d'environ un mètre de long sur cinquantecentimètres de large. Les restes du pilote y ont été placés».

A Beauvechain, une chapelle ardente est installée et une garde d'honneur seramontée toute la nuit. Le lendemain, vers 17 h 15, une émouvante cérémonie a lieuavant le départ du corps pour la France dans une ambulance française.

Le 19 juin, une commission d'enquête vient de Cambrai. A sa tête se trouve leCommandant Sales, de l'Etat major de la Défense aérienne du Territoire. Elle estchargée d'investiguer sur les causes de l'accident.

Un cratère d'une dizaine de mètres

Le rapport d'enquête précise que l'avion a «percuté le sol à 1 km au sud de Grand-Leez».

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Il a creusé un trou d'une dizaine de mètres de lorig sur quatre à cinq de large, profondde 1,80 mètre et orienté à 330/150°. Les enquêteurs notent que «la pente du bordantérieur est de l'ordre de 40 degrés. De part et d'autre du cratère deux légers

fossés dessinent la flèche des plans de l'avion».

Des débris sont éparpillés sur une centaine de mètres au sud. D'autres sont retrouvésà l'ouest et de l'autre côté du chemin.

Les débris sont éparpillés sur une centaine de mètres (Photo Service Historique de la Défense -Dossier 1OOE1653 - Vincennes - Reproduction interdite sans autorisation)

Marcel Gruselle, de Grand-Leez, était encore enfant lorsqu'il s'est rendu avec sonpapa sur les lieux de l'accident dans la demi-heure qui a suivi. Il n'y avait encoreaucun service d'ordre sur place et il a pu s'approcher assez près que pour voir lesdébris dans le fond du cratère. Il se souvient encore aujourd'hui de ce qu'il a vu:

«Il y avait un très grand trou d'au moins deux mètres de profondeur avectout autour un bourrelet de terre d'un mètre de haut. Dans le fond, il yavait des morceaux d'avion. C'était tout près du petit chemin de terre qui adisparu aujourd'hui, lorsqu'on a effectué le remembrement agricole».

Dans le cratère, on trouve successivement - de l'arrière vers l'avant - des morceaux del'empennage vertical et du fuselage arrière, des éléments du réacteur, des morceauxde l'aile gauche et du caisson central du fuselage. La partie avant de l'avion se trouvesur l'avant du cratère. Elle est entièrement détruite tout comme le poste de pilotage.

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Ce dernier est complètement calciné. Aucun des instruments de bord n'a été retrouvé.

Les enquêteurs déduisent de tous ces éléments que «l'avion a percuté le sol sous unangle de piqué (...) entre 30 et 50 degrés, au voisinage d'un cap 150°, en virage, enassez forte accélération (...). La vitesse d'impact était certainement très élevée. Leturbo réacteur a complètement explosé».

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L'empennage arrière (photo Service Historique de la Défense - Vincennes-Dossier lOOE1653 - Reproduction interdite sans autorisation)

Les 2.000 litres de carburant encore contenus dans l'avion ont brûlé instantanément.En témoigne une large zone de betteraves brûlées sur une trentaine de mètres vers lesud-sud-est du point d'impact.

Le témoignage de Louis Vandenack confirme ces constatations:

«Je me suis précipité. Je suis arrivé le tout premier, ou au moins dans lestout premiers, sur les lieux et je me suis trouvé devant une mer de flammes.Un demi-hectare de mon champ de betteraves était en feu à cause du pétrolede l'avion qui brûlait. Il était impossible de s'approcher»

Le rapport d'enquête précise que tous les éléments se trouvant dans cette zone - enparticulier le poste de pilotage - ont continué à brûler alors qu'il n'y a pas de traced'incendie dans le cratère. En effet, le bois des caisses de lest qu'on y a retrouvé n'apas brûlé.

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Le pilote a été tué sur le coup dans l'accident. Son corps a été déchiqueté.

Louis Vandenack continue:

« Je n'ai pas vu le corps du pilote, mais des morceaux en ont été retrouvésautour de l'épave qui avait explosé. J'ai ramassé un fer de semelle de 'bottetout noirci et tout tordu. Je l'ai donné à Marcel Gruselle. J'avais aussiune pièce de monnaie française pliée en deux. Je ne sais pas ce qu'elle estdevenue. Ces deux débris montrent que l'explosion a été très forte».

Un témoignage émouvant: un fer de botte tout tordu (Photos Marcel Gruselle - Grand-Leez)

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Le journal La Meuse (Namur) du 20 juin 1956 précise:

Durant toute la soirée, on chercha vainement le corps du pilote, dont desfragments de chair avaient été découverts sur les lieux de la tragédie. Cen'est qu'après avoir réussi à éteindre l'incendie qui ravageait toujours unepartie du fuselage, que l'on retrouva les restes du malheureux dont le troncétait toujours attaché au siège».

La remise en état des lieux

Il fallu une quinzaine de jours pour nettoyer l'endroit et enlever tous les débrisde l'avion qui sont restés plusieurs jours dans un camion garé devant la maisoncommunale.

Trois soldats belges montaient la garde en permanence sur les lieux de l'accident. Ilsdormaient sous une tente. Un des militaires est venu dormir chez Louis Vandenack.Ce dernier a même prêté un vélo à l'un d'eux qui habitait aux Isnes, pour qu'il puissey visiter sa famille.

Louis Vandenack se souvient:

« Lorsque l'armée a quitté les lieux, le cratère de l'explosion n'était toujourspas rebouché. J'ai fait savoir que je n'étais pas d'accord que les soldatspartent comme cela, mais le bourgmestre m'a dit que la commune allaitvenir reboucher le trou et égaliser le terrain. Ce qui a été fait. »

A 86 ans, M. Louis Vandenack se souvient de l'accident (Photo Pierre Aubry)

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« Comme mes betteraves avaient brûlé, mon dommage a été estimé,notamment par un ingénieur agronome. J'ai été indemnisé de 10.000 francsbelges par l'armée et de 1.000 francs par la commune ».

« J'ai appris que l'épouse du pilote serait venue à Grand-Leez quelquesmois plus tard, mais je ne l'ai pas rencontrée ».

L'enquête sur place

Quatre personnes seulement seront entendues par l'Adjudant Bailly, quicommandait alors la brigade de Gendarmerie de Gembloux. Elles serontréentendues ultérieurement par un officier de la 12"escadre de Chasse française.Leurs témoignages sont joints au dossier d'enquête de l'Armée de l'Air française.

Trois de ces témoignages ne seront finalement pas retenus. Ils n'apportent en effetpas beaucoup d'éléments.

Madame Thérèse Hardy, veuve d'Armand Liboutton, née en 1898, déclare que vers16 heures, elle se trouvait dans la cour de sa maison de la route de Gembloux:

« J'ai entendu passer un avion. Il était fort bas et le bruit qu'il faisait m'aparu anormal. Je suis allée sur la rue et, de là, j'ai vu une boule de feu dansle ciel».

Monsieur Fernand Pierre, un fermier né en 1905, se trouvait dans une pâture aulieu-dit Sart de Liedekerke à Liernu quand il a eu son attention attirée par le bruitdes deux avions:

« Il m'a semblé qu'ils venaient de la direction de Perwez, passaient audessus du bois de Grand-Leez et se dirigeaient vers l'ouest. Il m'a sembléque leur bruit était anormal, c'est d'ailleurs ce qui m'a incité à les regarder.A ce moment, j'ai vu qu'un avion explosait. J'ai vu un champignon de fuméeet des étincelles et puis ce fut tout. La fumée s'est dispersée et je n'ai plusrien vu».

Madame Claudine Mathaise, née en 1938, se trouvait dans une chambre à l'étage desa maison au 196 de la rue Del'vaux. Elle précise qu'il était exactement 16h 15 quandelle a eu son attention attirée par le bruit d'un avion qui volait très bas:

«11 faisait beaucoup de bruit. Je me suis mise à la fenêtre et j'ai eul'impression (..) qu'il allait accrocher la cime des arbres. Je l'ai suivi desyeux et, à un moment donné, j'ai vu que l'avion prenait rapidement feu à

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l'arrière. Puis ce fut une grande flamme. Instantanément l'avion piqua versle sol. A ce moment j'ai vu qu'il n'avait pas d'hélice. Il a disparu à mes yeuxet j'ai vu une colonne de fumée noire, puis bleue, ensuite blanche».

Le témoignage de Mme Mathaise est le seul, parmi ceux qui figure dans le dossier,à faire état que l'avion aurait pris feu à l'arrière alors qu'il volait encore.

Quant à l'impression des autres personnes que le bruit était anormal, doit-on la mettresur le compte des variations de régime du moteur d'un appareil en train d'effectuerdes virages ou sur le fait que les populations n'étaient pas encore très familiariséesau bruit des avions à réaction encore assez récents à l'époque?

Seul le témoignage de Camille Bodart, un ouvrier-livreur de bière, né en 1925, aété retenu par les enquêteurs français. Ce témoin était très proche des lieux del'accident, puisqu'il se trouvait sur le chemin qui passe devant le moulin Defrenne :

« Ils [les avions] volaient très bas, à une hauteur que j'évalue entre 50 et 100mètres. Le ciel était gris et bas, c'est pour ce motif que j'estime qu'ils volaienttrès bas. Ils se suivaient, mais pas tout-à-fait l'un derrière l'autre. Au dessusde la campagne, j'ai vu que le premier faisait un léger virage vers la droite.C'est-à-dire qu'il prenait plus ou moins la direction de Gembloux. Au mêmeinstant, le second a piqué vers le sol, en se retournant. En arrivant au sol,il a fait directement explosion et il y eut une grande flamme et une très fortedéflagration. J'ai vu les débris de l'avion projetés de toutes parts. Je supposeque l'avion est arrivé au sol les roues en l'air. Avant l'accident, le vol de cesavions m'avait paru normal et le bruit des moteurs également. Je n'avais vuni flammes, ni rien d'anormal pendant qu'ils étaient en l'air (..) ».

Le témoignage de M. Bodart recoupe le rapport du chef de patrouille Parizel,notamment sur le virage vers la droite de l'avion de Gilbert Métral.

Il rejoint aussi celui que nous avons recueilli auprès de M. Vandenack selon lequelc'est le second avion qui s'est abattu au sol. Dans le dossier d'enquête, on précisecependant que les observations des témoins ne permettent pas de préciser la positionde l'avion du sergent-chefParizel au moment de l'impact.

Deux causes possibles

Que s'est il passé dans le ciel de Grand-Leez le 18juin 1956?

Près de soixante ans après l'accident, on n'en connaît toujours pas les causes exacteset on en est réduit aux hypothèses.

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Les enquêteurs retiennent deux possibilités, soit une défaillance du matériel, soit unedéfaillance du pilote.

Les débris disloqués de l'appareil n'apportent que peu d'éléments. Leur examenmontre que l'avion est arrivé entier au sol. Il n'y a donc pas eu de rupture ou dedéformation de sa cellule qui pourrait expliquer une perte de contrôle. D'autre part,tout est détruit et aucun instrument de bord n'a été retrouvé.

Un pilote -le sergent-chef Liedet - qui avait volé le même jour sur le Mystère IV An? 87 avait bien signalé une anomalie avec la pression de la servo-commande. Unevérification faite par un mécanicien de la base avant le décollage de Gilbert Métraln'avait rien relevé d'anormal.

La commission d'enquête fera procéder après l'accident à de nombreux tests etmesures sur les servo-commandes d'une dizaine de Mystère IV mais ne retiendrapas cela comme cause possible de l'accident.

Un horizon artificiel défaillant?

Deuxjours plus tôt -le 16 juin -lors d'un précédent vol Mystère IV A n° 87, le pilotea relevé un dysfonctionnement de l'horizon artificiel, un instrument qui permet demesurer l'angle entre l'axe de l'avion et l'horizontale. Ce dernier « incline de 15° àdroite et à gauche dans un mouvement très lent en repassant par l'horizontale» aprécisé le pilote.

Mais l'instrument a été vérifié ultérieurement pendant 20 minutes par un mécanicienqui n'a rien constaté d'anormal.

Le 18 juin, d'ailleurs, cette « panne» ne semble pas se répéter avant le vol qui aprécédé celui vers Grand-Leez.

Les enquêteurs notent toutefois que «rien ne permet d'affirmer que l'horizonartificiel ait été en fonctionnement 'correct' lorsque Citron Leader est entré dansla couche de nuages». Ils n'excluent pourtant pas cette possibilité considérant que«n'en ayant pas eu besoin jusqu'alors et l'aggravation de la météo ayant été rapideCitron Leader - qui n'avait pas l'intention de faire du nuage - aura probablementomis de checker [vérifier] son instrument avant de décider de s'en servir».

Le lieutenant Métral s'est-il fié à son horizon artificiel inutilisé jusque là et peut êtredécalé?

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Son avion était très incliné et en virage. A-t-il réalisé brusquement que son horizonartificiel était défaillant et a-t-il cherché à retrouver le vol à vue à basse altitude?

Une erreur humaine?

Gilbert Métral s'est-il évanoui aux commandes de son appareil. Rien ne permetd'envisager, ni d'écarter cette hypothèse. Les enquêteurs estiment toutefois qu'il« est difficile de l'imaginer coïncidant strictement avec l'entrée en nuage ».

Le pilote a-t-il perdu le contrôle lorsqu'il est passé en pilotage sans visibilité etlorsqu'il en a été réduit à se fier aux seuls instruments de bord? Les enquêteursl'admettent difficilement chez un pilote entraîné à voler sur Mystère IV dans desconditions atmosphériques généralement médiocres.

Le vol présentait-il trop de difficultés pour un jeune pilote? Il s'inscrivait dans lecadre de la formation normale des futurs commandants d'escadrille. C'était un vol à« basse altitude» et non un « vol rasant ».

Il faut toutefois remarquer que le plafond minimum de ce type de vol a été relevéhuit jours après l'accident (Note 4570/EMAAl3/0P du 26 juin 1956). Est-ce une desconséquences directes de l'accident de Grand-Leez?

Un bref moment de distraction?

D'autre part, comme les témoins au sol n'ont à aucun moment perdu l'appareil devue, les enquêteurs en déduisent que Gilbert Métral n'est entré que très peu dans lacouche de nuages et que cela n'a pas été de nature à le perturber.

Le pilote a-t-il changé de décision parce qu'il se trouvait « mal à l'aise» en passantdu vol à vue au vol aux instruments?

A-t-il été victime d'un bref, mais fatal, moment de désorientation spatiale?

A-t-il eu une seconde de distraction pour jeter un coup d'œil sur sa carte?

A-t-il eu son attention attirée par un des instruments de bord ou l'allumage d'unvoyant?

On ne le saura jamais!. ..

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Mais à une vitesse de 200 mètres par seconde et avec une perte d'altitude envirage de 75 mètres par seconde, le moindre moment de distraction peut avoir desconséquences fatales. Surtout lorsque l'on vole à 300 mètres seulement du sol. ..

Il est donc très possible que le chasseur soit sorti des nuages dans une position qui nelaissait à son pilote ni le temps ni la possibilité de redresser l'appareil.

Le témoin Camille Bodart accrédite cette hypothèse lorsqu'il affirme que « le second[avion] a piqué vers le sol en se retournant».

Les enquêteurs prennent d'autant plus au sérieux ce témoin que ce dernier venaitd'effectuer son service militaire sur une base aérienne et qu'il était «habitué àvoir voler des avions ». L'adjudant Bailly, de la gendarmerie de Gembloux estimed'ailleurs que c'est le seul témoin «vraiment digne de foi et présentant toutes lesgaranties».

Les militaires français expliquent que l'avion aurait effectué une sortie des nuages«presque [sur le] dos (...) à la suite de laquelle le pilote ferait un demi tonneaurapide et une ressource brutale en virage serré [manche] engagé à gauche. Celapermettrait d'expliquer pleinement la situation de l'avion au moment de l'impact»

Des pilotes confirmés

Le lieutenant Métral était suffisamment confirmé en vol sans visibilité et en vol engénéral pour estimer s'il devait ou non continuer sa navigation dans la couche denuages. Il n'a pas posé de question à son chef de patrouille.

Les enquêteurs estiment d'ailleurs que l'esprit de décision et la précision de lanavigation sont bien ce que l'on attend au cours d'un tel exercice d'un élève pilote àce niveau d'entraînement.

Gilbert Métral était calme et adroit. Il progressait normalement. Son aptitude en volsans visibilité et en vol aux instruments était très satisfaisante. Il avait déjà effectuédes vols «en leader».

On pourrait estimer anormal que la patrouille ait été menée par un sous-officier,mais tout l'encadrement des escadrons aériens n'était pas en place en 1956.

Jacques Parizel était un chef de patrouille expérimenté, breveté en 1952. Il étaittrès calme et ne commettait habituellement pas d'imprudence. Chef pilote de sonescadrille, ce dernier était réputé pour son métier et sa prudence. Il connaissait enoutre très bien le pilote à entraîner.

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Un de ses supérieurs, le commandant de formation, estime d'ailleurs qu'il était unélément très sûr, excellent moniteur, particulièrement confirmé pour les conditionsdu vol. Il écrit à son sujet:

«Ce n'est absolument pas le genre de pilote à se laisser surprendre pardes conditions météo s'aggravant brutalement sans donner les ordresnécessaires, soit pour modifier le vol, soit pour écourter la mission».

La responsabilité du sergent-chef Jacques Parizel a été totalement dégagée.

Une cause « psychologique? »

L'Inspection Générale de l'Armée de l'Air française n'exclut toutefois pas d'autreshypothèses dans ses conclusions. Le pilote a peut-être connu « un désarroi passageret provoqué une manœuvre mal contrôlée dans des conditions de vol délicates ».

En effet, il venait de commettre coup sur coup deux « fautes » sur lesquelles samission de navigation allait être jugée: une mauvaise prise de cap au dessus dePerwez et une séparation de son équipier «par entrée dans le nuage [avec la]patrouille non rassemblée ».

Un éclair d'héroïsme?

Le Courrier de l'Entre-Sambre-et-Dyle, un hebdomadaire local édité à l'époque chezDuculot à Gembloux, n'a pas hésité -le 24 juin 1956 - à émettre une autre hypothèse:

«D'après des témoins oculaires dignes de foi, l'appareil était déjà invisible,il n'était plus que flammes et fumée, lorsqu'il passa au-dessus des dernièresmaisons de Grand-Leez, avant d'aller s'abattre moins d'un kilomètre au-delà, dans un champ de betteraves, près d'un chemin en terre battue».

«Il est trop tôt pour rien en déduire, mais peut-être l'enquête révélera-t-elleque l'avion étant trop bas pour que son pilote puisse sauter en parachute,il dut avoir la certitude du sort qui l'attendait, et en un éclair d'héroïsme,maintint son appareil assez haut et assez longtemps, pour que nul autre quelui ne soit victime de l'imminent écrasement, de l'imminente explosion ...»

«Si les enquêteurs concluaient en ce sens, il serait souhaitable que les autoritéscommunales de Grand-Leez en fossent informées. Et qu'elles décident alorsqu'en bordure du chemin de terre battue soit dressée une très modeste stèle,une simple pierre de taille rappelant qu'est mort là, victime du devoir enservice commandé, Gilbert Métral, lieutenant-pilote de l'aviation militairefrançaise. Pareille décision serait unaniment approuvée par la population».

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L'hypothèse de l'avion en feu avant l'écrasement au sol n'a pas été retenue.

Les conclusions de l'enquête officielle attribuent finalement l'accident à une «causeindéterminée» à l'origine de laquelle se trouve peut-être une défaillance de l'horizonartificiel.

Qui était Gilbert Métral?

Mis à part les appréciations de sa hiérarchie sur ses qualités de pilote, MarcelGruselle et moi-même avons trouvé peu de choses sur Gilbert Métral, le malheureuxpilote du Mystère IV A n? 87. Et cela malgré de nombreuses recherches ...

Nous aurions en effet aimé retrouver sa famille pour lui rendre hommage.

Il ne nous a pas été possible non plus de retrouver la trace de Jacques Parize!, lepilote du second avion. Dans les mois qui ont suivi l'accident, il a été transféré à sademande au Centre d'essai en vol de Bretigny, dans la banlieue parisienne.

L'escadron 02/012 auquel appartenaient les deux pilotes a été dissout en novembre1957 pour renaître en 1980 et être à nouveau dissout en juillet 2009. La base 103 deCambrai a été démantelée en juillet 2012. Il est donc difficile, 56 ans après l'accident,de retrouver des personnes qui auraient connu le pilote disparu et son équipier.

Nous savons que Gilbert Métral est né à Saint-Julien, en Haute-Savoie, le 14 avril1931. Ses parents sont Joseph Rémy Métral, un voyageur de commerce, et IrêneMugnier, d'Annecy.

Au moment de l'accident, il a 25 ans et est domicilié à Cambrai. Son épouse estMireille Doltaire. En 1957, après l'accident de son mari, elle était domiciliée à Aix-les-Bains. Le couple avait un enfant.

Le décès est déclaré à Grand-Leez le lendemain de l'accident par le secrétairecommunal Gustave Thomas et par le capitaine Philippe Archambaud, officier del'Armée de l'Air française dépêché sur place pour les besoins de l'enquête. Cetofficier qui commandait à l'époque l'Escadron 03/012 basé à Cambrai a fait partie dela commission d'enquête. Il deviendra plus tard général d'aviation et fera partie del'entourage immédiat du général de Gaule.

L'acte de décès de Gilbert Métral enregistré à Grand-Leez le 19 juin 1956 préciseque la mort est survenue la veille à seize heures dix.

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Gilbert Métral a été fait Chevalier de la Légion d'Honneur, au grade de lieutenant,par un décret du 18 février 1957 portant le numéro 00808-PO-57.

La presse de l'époque

La presse de l'époque aparlé assez peu de cet accident aérien et l'a fait avec de nombreuseserreurs. Certains articles contiennent même des affirmations assez fantaisistes.

Le Courrier de l'Entre-Sambre-et-Dyle y est même allé d'une sévère appréciation:

«Nous savons tous par expérience personnelle que, donnant des détails etde nouveaux détails, relatifs à quelque événement tragique, les journauxtransgressent pas mal la «vérité vraie»; sans doute parce que leurscorrespondants prennent trop facilement pour vérité d'Evangile, les ragots,suppositions, voire les élucubrations pures qui se transmettent sur place».

La Dernière Heure du 20 juin 1956, consacre sobrement une vingtaine de lignes àl'accident sous les initiales J.L. (probablement Joseph Lambert, correspondant localà Beuzet). Le journal se trompe toutefois sur la provenance de l'avion qu'elle faitdécoller du Bourget ...

Un appareil à réaction 1

s'écrase à Grand-LeezLe pilote est tué

Beuzet. 19. juin .. - Lundi soirdeux appareIls a reaction " M:retè~re IV", de la. base du Bourget(France), évoluaient dans le cielde Grand-Leez.

Soudain, un d:eux, au moment oùli se dirigeatt d Eghezée vers Char-leroi, piqua du nez et s'abattit dansun champ de betteraves. au lieudit«Fonds de Bondrival .•, entreGrand-Leez et Lonz El.

L'appareil Irançais explosa su solet, des débris informes. On retira.~~t:.PSd chique ci malheu:~eu}!

La Dernière Heure du 20 Juin 1956 (ColL Privée)

La Meuse (Namur) écrit « qu'un des avions était déjà en difficulté lors de son passageau-dessus du bois de Grand-Leez ». L'article précise qu'après le crash «dans le lointainon entendait le bruit d'un appareil que l'on aperçut peu de temps après décrire unlarge cercle au-dessus de la localité avant de disparaître». C'est le seul des quotidiensqui fait état de détails macabres sur l'état de la dépouille mortelle du pilote.

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Le Peuple n'hésite pas à titrer «A Grand-Leez, près de Gembloux, un« Mystère IV»s'écrase tandis que son compagnon de vol rentre en France sans avoir remarquésa disparition». L'auteur (heureusement inconnu) de l'article écrit: «L'autre avionavait poursuivi sa route vers Paris. Quand il arriva à Cambrai, il n'avait pas encoreremarqué l'absence de son compagnon de vol. A 800 km.-h, les choses vont vite,bien sûr, a-t-on même le temps de les remarquer» ...

A Grand-Leez, près de GemblouxUN «MYSTÈRE IV» S'ÉCRASEtandis que son compagnon de vol rentre en France

sa disparition

Le titre fantaisiste du Peuple (Collection Institut Vandervelde - Bruxelles)

S'il fait lui aussi provenir à tort la patrouille du Bourget, Le Soir donne de bonnesprécisions sur l'altitude de vol. Il dit «que le pilote du second avion, en regagnantla base (...), avait signalé la disparition de son compagnon de vol». Le journal dela capitale précise aussi - sous les initiales V.O. - que «des témoins oculaires ontdonné, aux membres de la commission franco-belge qui ont procédé à l'enquêtemardi matin, divers renseignements. Aucun n'a vu de flammes au moment oùl'appareil sortait des nuages. D'autres habitants ont déclaré que l'appareil volaitnormalement lorsqu'il passa au-dessus de la maison communale de Grand-Leez».A noter que l'avion est en fait passé beaucoup plus au sud de la maison communale.

Un « Mystère IV»s'abat à Grand-Leez

LE PILOTE EST TUE(De nOlTe correspo7lda71~.)

Lundi, vers 19 heures, deux avions lieux, avec les habitants de trotsil rëaeuon français, du type Mys- maisons situées à 150 mètres de là,tëre IV, venant de la base du Bour- La gendarmerie dc Gèmbloux ci legel, survolail\Dl la région de Gom- sarde champêtre arrlvèrent bientôtbleux - Egtie2ée. Au-dessus de ct or,:nnlsèrcnt un service de sëcu-Grand-Leez, l'un d'eux émergea de rué. Le capitaine aviateur Dubois,III couche de nuages, survola Grand- de la base de Beauvechain, et· unLeez Il 300 mètres de hauteur, vola délégué du ministère de la D6tcnseen direction de Petit-Leez, et alla nationale vlnreet dans le courant de

. tlnalement s'abattre dans un chDmp la soiree. On apprtt alors que lede betterev es apparlenant à M, Van- pUote du second avion, en regagnantdenaca, au lieu-dit le • Fond de la base du Bourget, avait signalé laBondrlval " à proximité de Lonzée, disparition de son compagnon deil ml-chemln entre le moulin De- vol. JfL'cnno et le lieu-dit • Peau-de- On releva, dans les débris de I'ap-Chien », Une explosion sc reduisit Dreil. le cadavre calciné de I'avla-_ •.• •••.•t ••••••_~ ..1..•1•••••.•6 .•.•"'i&Pa,,~lUt". fPllr. TI fllt mts pn bJèrp- at trnnsnor •.-

Le Soir du 20 juin 1956 (ColL Privée)

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Vers 1'Avenir est le seul à avoir publié une photo des lieux de l'accident. On y voitsept personnes, des militaires, quelques civils et quelques débris informes de l'avion(voir page 1 de ce bulletin).

En Haute-Savoie, département natal du Lieutenant Métral, Le Dauphiné Libéré s'estborné à faire état de l'accident survenu « en Belgique dans les environs de Namur»et du décès du pilote, né à Saint-Julien.

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par le lieutenant Métralde Saint-Julien (Haute-Savoie)

Namur, 19 juin. - Un chasseurà réaction français « Mystère IV »,de la base de Cambrai, s'est écraséaux environs de Namur, en Belgi-que.

Le pilote, qui a été tué dansl'accident. était le lieutenant Gil-bert Métral, né le 17 avril 1931à Saint-Julien (Haute-Savoie).

Une commission d'enquête fran-çaise, dirigée par le commandantArchambaud, est arrivée sur place.

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Le Dauphiné Libéré du 20juin 1956 (Archives du journal)

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Le Mystère IV A

Le Mystère IV A était fabriqué par la société Dassault Aviation. Elle avait signé uncontrat en 1951 avec le Service technique de l'Aéronautique (STAé) français pour laréalisation d'un prototype de chasseur. L'avion devait pouvoir atteindre Mach 1, lavitesse du son (1.224 km/h), soit 340 mètres par seconde, en léger piqué.

Le premier Mystère IV A de série vole à Mérignac le 29 mai 1954. Au total, deuxcent quarante deux exemplaires de l'appareil seront livrés à l'Armée de l'Air fran-çaise. Ils voleront jusqu'en novembre 1982 avant d'être remplacés notamment pardes Alphajets.

Un Mystère IV A de l'escadron 02/012 (Photo Service historique de la Défense-Photothèque Armée de l'Air française - Reproduction interdite)

De 1954 à 1958, un total de 441 appareils de ce type seront construits et livrés àdivers pays.

La 12e Escadre de Cambrai reçoit son premier Mystère IV A le 25 mai 1955.

Techniquement, le MD 452 Mystère IV A est un chasseur équipé de 2 canons de 30mm pouvant tirer 150 coups. Il pouvait être équipé de lance-roquettes sous les ailes.Il était équipé de réacteur Rolls Royce. Son envergure était de 11,115 m pour unelongueur de 12,889 m et une hauteur de 4,46 m. A vide, il pesait 5.860 kg et sa massetotale en charge était de 8.210 kg. Il pouvait atteindre une vitesse maximale de 1.110km/h et atteindre les 13.700 m d'altitude. Son autonomie était de 1.170 kilomètres.

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L'escadron 2/12 « Picardie» basé à Cambrai

C'est en 1951, que le terrain d'aviation d'Epinoy, près de Cambrai, est devenu unebase aérienne. Ille restera jusqu'au 31 juillet 2012, date de sa fermeture définitive.

L'Escadron 02/012 « Picardie» est formé en 1954 et devient une unité de chasse àpart entière le 5 juin de la même année. Il comptera deux escadrilles qui prendrontles noms de deux fameuses unités de la première guerre mondiale : la SPA 172 « LePerroquet rouge» et la SPA 173 « L'oiseau bleu ». Leurs pilotes utiliseront d'aborddes Ouragans et ensuite des Mystères IV A.

Début novembre 1957, le 02/012 est dissout une première fois.

Il renaîtra en 1980 pour assurer une mission de défense aérienne sur Mirage FIe. Ilparticipera alors à toutes les actions des forces d'assistance extérieures, notammentau Tchad. Il sera la première unité des Forces de Défense aérienne à ouvrir le feuen Afrique le 25 janvier 1985 après avoir essuyé des tirs de l'artillerie antiaérienneennemie. En 1991, on le retrouve au Qatar où il assure 334 sorties totalisant 271heures de vol.

En septembre 1992, l'escadron reçoit ses premiers Mirages 2000/RDI Il participeaux opérations d'interdiction de survol en Irak et en Bosnie-Herzégovine.

En 1995, il devient autonome et une troisième escadrille est formée.

Au plus fort de son activité, en 2008, le 02/012 dispose de 18 avions, de 25 pilotes,de 140 mécaniciens et d'un secrétariat. Le 7 Juillet 2009, il a été dissout à nouveau.

Pierre Aubry

Pierre AUBRYRue des Champs 3

8-5030 GEMBLOUX

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Sources bibliographiques :

Archives du Service Historique de la Défense au Château de Vincennes -Vincennes (France) - Dossier 100E1653Collection de journaux du Cercle royal Art et Histoire de GemblouxCollection de journaux de la bibliothèque de la ville de NamurCollection de journaux de la Bibliothèque Royale de Belgique (KBR) -BruxellesCollection de journaux de l'Institut Emile Vandervelde - BruxellesCollection de journaux du Service des Archives de la Région wallonne -BeezArchives du Service des Ressources Documentaires - Documentation -Le Dauphiné Libéré - 38913 Veurey (France)Jacques Moulin (http://avions-de-Ia-guerre-d-algerie.over-blog.com/article-gamd-454-mystere-iv-90188337.html)Escadron 2/12 «Picardie» (http://212picardie.free.fr/escadron.htm)Association des amis et anciens de la Base aérienne 103 (http://a3ba103.free.fr/)

Remerciements à:

M. Louis Vandenack, de Petit-Leez, pour son accueil et son témoignage;M. Marcel Gruselle, de Grand-Leez, pour son aide tout au long de mesrecherches ;M. J. G. Lebaudy, secrétaire de l'Association des amis et anciens de la Baseaérienne 103, pour son aide de la première heure;Mme Marie-Anne Dujardin, mon épouse, pour sa critique constructive.

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Gro,.a~'(i~mbloux Généalogie ('G3')Une initiative duCerçleroyal 'Art et Histoire' de Gembloux

Une permanence « généalogique.eëst organisée les 1er et 3ènîe ,~aJlledis (nonfériés) du mois (de 14 à 17 heures) àlait)1aison du Bailli (2ème étage), Parc d'Epinalà Gembloux ~ centre (entrée par la toUr s"(:l9-estdu bâtiment).

f;;-

Vous pourrez y rechercher vos ancêtres dafls'le§~ases de données infQ~~àti~~fs'du G3, qui comptent plus de 850.000 noms,de'personnes ayant véê~,darl~!larégion de Gembloux depuis les années 1600. Ce 03 ,rtietallssi<àladispo~i~iond~schercheurs les tables alphabétiques des anciens registres p~!@iS~iàUX~:q~elq~e200 paroisses, des copies de nombreux actes de baptême. mariage etdéc~,s~ ai11sique l'Etat civil de Gembloux (et de ses villages 'fusionnés') jusqu'en 1911.

Une assistance personnali~éegvafui,~~t,dest;~011~ei~s 150ntdonnés au~ çiébutantspendant cette permanence.'

Renseignements :081/6î<2p 04 (M. Gaston Mauroy)E-mail: [email protected] Internet: b.ttp:ffwww.gemblouxgenealogie.be

Les articles publiés dans ce bulletinle sont sous l'entière responsabilité de leur auteur

et n'engagent en rien celle du Cercle royal 'Art et Histoire' de Gembloux.-