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Tome 187 — N o 8 2003 BULLETIN DE L’ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE publié par MM. Jacques-Louis B, Secrétaire perpétuel et Raymond A, Secrétaire adjoint Rédacteur en chef : Professeur Jean C ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE 16,RUE BONAPARTE — 75272 PARIS CEDEXO6 http://www.academie-medecine.fr

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Tome 187 — No 8 2003

BULLETINDE

L’ACADÉMIE NATIONALE

DE MÉDECINE

publié par

MM. Jacques-Louis B, Secrétaire perpétuelet Raymond A, Secrétaire adjoint

Rédacteur en chef : Professeur Jean C

ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE16, RUE BONAPARTE — 75272 PARIS CEDEX O6

http://www.academie-medecine.fr

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2003 — Tome 187 — No 8

BULLETIN

DE L’ACADÉMIE NATIONALE

DE MÉDECINE

publié par MM.

Louis A, Secrétaire perpétuelet Jacques-Louis B, Secrétaire adjoint

Rédacteur en chef : Professeur Jean C

Les sommaires du « Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine » sont reproduits dans les« Current Contents » de l’Institute for Scientific Information (Philadelphie). Les articlessont indexés dans le « Bioresearch Index » du Biosciences Information Service (Philadel-phie), dans l’index Medicus, dans Excerpta medica et dans le « Bulletin Signalétique » du

C.N.R.S. (Paris).

sommaire

Éloge1457 de M. Jacques Loeper

Jacques-Louis Binet

Séance thématique sur « Les vaccinations »

1461 PrésentationCh. Laverdant

1463 Vaccination de l’adulte en FranceAdult immunizationJean Beytout

1453

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1477 Nouveau vaccin antipneumococcique

New pneumococcal vaccine

Joël Gaudelus

1489 Pharmacovigilance des vaccins contre l’hépatite B

Pharmacovigilance of hepatitis B vaccines

Jean-Louis Imbs, Nicole Decker, Marie Welsch et le réseau français des

Centres régionaux de pharmacovigilance

1501 Le mercure et les vaccins

Mercury in vaccines

Luc Hessel

1511 Les adjuvants vaccinaux et la myofasciite à macrophages

Vaccine adjuvants and macrophagic myofasciitis

Claire-Anne Siegrist

1523 Conclusions

Pierre Begue

Communications

1529 Génétique et physiopathologie de l’hypertension artérielle pulmonaire primi-

tive ou secondaire

Pathobiology of pulmonary artery hypertension

Serge Adnot, Saadia Eddahibi

1547 Hyperparathyroidie primaire ¢ Évolution des techniques durant trois décen-

nies ¢ Intérêt et Innocuité des opérations précoces.

Primary hyperparathyroidism : Evolution in diagnostic and imaging tech-

niques during three decades and advantages of early surgery

Didier Melliere, Elif Hindie

1567 La crise des maternitésMaternities in crisis

Émile Papiernik

1577 Le diagnostic prénatal : incertitudes et perspectives

Prenatal diagnosis : uncertainties and perspectives

Jacques Milliez

Information

1587 Accouchement sous X : les nouvelles dispositions législatives

Secret motherhood : the new French law

Roger Henrion

Académie Nationale de Médecine

1454

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Commémoration

1597 Il y a 450 ans, Miguel Servet

Miguel Servet, 450 years ago

Juan Antonio Cremades

Communiqués

1607 L’ObésitéObesity

Maurice Tubiana et Gabriel Blancher

1609 Introduction d’un enseignement sur les substances addictives en PCEM 1

Insertion of an education on addictive substances during the first year of

medical studies

Roger Nordmann au nom de la Commission V (Troubles mentaux)

Vie de l’Académie

Sommaire

1455

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Élogede Monsieur JacquesLoeper (1913-2002)

Jacques-Louis BINET

Madame,

Lorsque, le 4 février 1942, vous épousiez un jeune chef de clinique de 31 ans, vousabandonniez une carrière déjà brillante à la fois scientifique et littéraire avec unDESS de mathématiques et une licence de philosophie sous la responsabilité deGaston Bachelard. Vous apparteniez à cette école de la Sorbonne où la Faculté dessciences restait proche de celle des lettres. Cette Sorbonne deBachelard où, quelquesannées plus tôt, un normalien lettres (Jacques Polonovski et Étienne Fournierdoivent en connaître d’autres) du nom de Louis Farigoule (Georges David nous lerappelait dans l’éloge de Monsieur Tuchmann-Duplessis) observait, par des réac-tions cytochimiques, les premières ébauches des relations cellulaires avant de deve-nir célèbre sous le nomde JulesRomains pour publierKnock et lesHommes de bonne

volonté.

Vous deveniez la femme d’un héritier d’une grande famille médicale à laquelle étaitsans doute promise la voie royale d’une grande carrière.

En réalité, c’est sans emphase mais avec mesure, sans éclat mais avec des mots ditscalmement, presque à voix basse, que votre brillant chef de clinique, sans donner de

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1457-1460, séance du 4 novembre 2003

1457

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leçon mais par l’exemple, par le faire et non le dire, que Jacques Loeper a su se faire

un prénom.

Monsieur le Président,

Mes chers consœurs, confrères,

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Faire l’éloge de Jacques Loeper, c’est faire l’éloge de la modestie, du travail, de la

conscience, du sérieux qui lui ont permis de réussir. Ils s’inscrivent, transparaissent

dans deux domaines : la famille et la médecine.

** *

La famille,

On n’imagine plus aujourd’hui ce que représentait un grand patron au début du 20e

siècle. On ne peut parler de Jacques Loeper sans évoquer la mémoire de son père

Maurice Loeper. Chef de service successivement à Boucicaut, Tenon, La Pitié et

Sainte-Anne, Professeur de thérapeutique, puis de clinique médicale et de clinique

thérapeutique, il exercera, pendant soixante ans, une influence considérable.

Ayant travaillé sur la régulation sanguine, le soufre, les protides, les électrolytes, il

s’attachait, après son maître Charles Achard, à définir une sémiologie biochimique

des grandes maladies. Grand enseignant, il s’est aussi beaucoup occupé de journa-

lisme médical. Entré à l’Académie en 1948, il la présidera en 1953. Il devait faire

nommer parmi ses élèves 21 médecins des hôpitaux dont 14 professeurs ou agrégés.

Maurice Loeper n’était pas seul. Une des ses sœurs était biologiste et son cousin

germain Jean Tremolières dirigeait une unité de l’INSERM.

Sa famille médicale,

Cette grande famille, Jacques Loeper en a, bien sûr, profité mais l’a assumée et

poursuivie.

Il en a profité car la complicité établie avec André Lemaire, dont il a été l’assistant,

était sans doute favorisée par le fait que AndréLemaire avait été lui-même l’assistant

de Maurice Loeper.

Mais il a su l’assumer à un moment critique. Patriote, Jacques Loeper est rappelé en

1939. Médecin lieutenant pendant la campagne de France, il reçoit la croix de

guerre. Médecin volontaire dans le camp de la honte à Drancy, antichambre des

camps de la mort, il soigne, jusqu’en 1942, les déportés avant leur départ pour

l’Allemagne, comme devait le faire Bernard Dreyfus deux ans plus tard avant d’être

lui-même déporté. Résistant, il est fait chevalier de la Légion d’Honneur à titre

militaire.

À l’heure de la libération, alors que son père était président de la presse médicale

française, il lui a été reproché d’avoir obtenu des allemands que les journaux

médicaux continuent à paraître pendant l’Occupation.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1457-1460, séance du 4 novembre 2003

1458

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À un des grands patrons qui domine alors la médecine parisienne et qui lui avait fait

ce grief, Jacques Loeper envoya sa lettre de démission d’un poste de clinicat qui lui

avait été proposé.

Enfin Jacques Loeper poursuivait la lignée de cette grande famille.

Six enfants dont l’aîné, Pierre, polytechnicien, reviendra rue Bonaparte pour

contrôler nos services financiers. Deux médecins : Catherine, chef de service àSaint-Maur ; Sylvie s’occupe de médecine scolaire et d’orientation ; René, sorti de

Centrale ; Martine de l’Agro et de l’école d’horticulture de Versailles ; Marie-Anne

a un DEA de restauration.

Vingt-cinq petits-enfants, deux arrières petits-enfants.

Et rien ne peut mieux illustrer ce bonheur familial que le cliché que nous gardons

précieusement à la Bibliothèque auquel vous tenez, Madame, Jacques Loeper sur

son bateau, dans la Manche, où il apprenait la pêche à ses enfants.

** *

Reste l’œuvre médicale

Et si Jacques Loeper a droit à cet hommage, c’est pour cette œuvre, son œuvre.

Les étapes figurent dans la vitrine préparée par la Bibliothèque près du grand

escalier.

Après des études classiques au lycée Henri IV, interne des hôpitaux de Paris chez

Noël Fiessinger, Houvier, Turpin, André Lemaire, Guy Laroche, Robert Debré ;

chef de clinique de 1943 à 1946 ; assistant au laboratoire de thérapeutique puis de

pathologie expérimentale, il est agrégé de pathologie expérimentale en 1950, maîtrede conférence en 1959, professeur à titre personnel en 1964, puis est élu à l’Académie

en 1984 où il restera jusqu’à 1992.

Plus de 200 articles

Une thèse sur le rôle des hormones dans certains cancers comme le cancer du sein,

bien avant que l’on ne parle de récepteurs, le rôle du silicium, la physiopathologie

chimique, le cholestérol, tout en français.

Un livre sur l’athérome.

Un traité, avec Berthaux, sur la pathologie expérimentale.

Un formulaire de thérapeutiques.

Mais l’essentiel de l’œuvre médicale est ailleurs. Depuis qu’il a dirigé le service de

médecine à la Salpêtrière, l’essentiel est moins à la médecine, aux maladies, à la

pathologie expérimentale qu’aux malades. Il est moins un consultant qu’un grand

médecin des hôpitaux. Sachant tout de son service, aussi bien des médecins que les

aides soignantes et l’assistance sociale. Toujours présent, discret, parlant peu, se

frottant les mains avant de s’exprimer, mais toujours là.

Et lui qui, avait appris à raccompagner ses patients jusqu’à leur voiture, il n’était

jamais raccompagné car, arrivé le premier, il partait le dernier.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1457-1460, séance du 4 novembre 2003

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Homme de confiance, Jacques Loeper savait susciter l’amitié.

Il fut l’ami de Édouard Housset, de Berthaux, de Michel Cloarec, de Ledoux-

Lebard, de Blancard et de trois de nos confrères, Louis Orcel, Jean Natali et notre

ancien secrétaire perpétuel Raymond Bastin.

Très vite aussi, ses élèves devenaient ses amis. Il les encourageait à prendre vite leurs

responsabilités. Rouffy devenait chef de service à Saint-Louis. Mauvais-Jarvis àNecker, Moulias à Charles Foix, Emerit prendra son service à la Salpêtrière ou

François Congy maintient aujourd’hui la tradition alors que Troniori, Penoux,

Rameix, Rozensztajn et le couple de Mersseman travaillent ailleurs.

** *

Mais, derrière cette double vie familiale et médicale, pour l’expliquer, la transcender,

l’animer, il y a une foi profonde, une croyance inébranlable, une inspiration reli-

gieuse.

Toujours dans le même style : pas d’ostentation mais une force calme et silencieuse.

Pas de leçon mais la pratique et l’exemple, nourris par la lecture des évangiles, de

Teilhard de Chardin, du père de Lubac.

Cette spiritualité devait le conduire à la culture, la poésie de la religion, et là je peux

en témoigner.

En 1972, Jacques Loeper devenait président du conseil d’administration des amis

de la chapelle de la Salpêtrière, la chapelle Saint-Louis. Avec le père Brusacier et

Maxime Vaissier, il restaurait ce haut lieu non seulement physiquement mais

spirituellement. Aujourd’hui, depuis Pinel, avec les mendiantes, les voleuses, les

prostituées, Dieu a quitté la Salpêtrière et le culte n’est célébré que dans une des

chapelles latérales.

Mais, grâce aux expositions et surtout celles de Michel Guy et du festival

d’automne, la chapelle n’a pas perdu son âme. La nef centrale et les nefs latérales, les

sept chapelles dessinées par Libéral Bruant laissent parler les Folles de Gericault, les

ombres de Boltanski, les ruines des Poirier , les demeures d’Étienne Martin et, cette

année aussi jusqu’à la semaine dernière, les saintes spirales de Gérard Garouste.

Derrière toutes ces manifestations se dessine l’ombre de Jacques Loeper.

Pour finir, pour enlever toute nostalgie à ces propos, une devise et une dernière

image.

En souvenir de la gravité de nos derniers éloges, je m’étais cru obligé de choisir ce

matin, une cravate noire. J’avais tort car la vie et l’œuvre de Jacques Loeper n’ont

rien d’austère. Nous l’avons déjà vu, sur son bateau avec ses enfants, nous pouvons

le voir, sur d’autres précieux clichés, au sommet d’une montagne, ou près de son

chalet dans les Alpes où, les jours de vacances il emmenait sa famille découvrir une

nouvelle chapelle, un nouveau lac. Toujours en tête dans ces excursions, « toujours

plus loin » répétait-t-il.

« Toujours plus loin », cette devise de Jacques Loeper dont vous avez fait la devise

de sa famille, l’Académie nationale de médecine, Madame, ne l’oubliera pas.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1457-1460, séance du 4 novembre 2003

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Séance thématique

« Les vaccinations »

Présentation

Charles LAVERDANT *

Atteignant toute la planète, tous lesmilieux et tous les âges, les maladies infectieusestransmissibles font vingt millions de morts chaque année, soit plus de cinquantemille victimes par jour. Quatre-vingt dix pour cent de ces affections surviennentdans les pays en voie de développement où elles représentent le risque majeur demorbidité mais aussi de mortalité : on considère ainsi que six groupes y totalisent90 % des décès (maladies respiratoires aiguës, sida, maladies diarrhéiques, tubercu-lose, paludisme et rougeole). Mais les régions industrialisées sont également expo-sées à la menace bactériologique. L’incidence de certaines maladies émergentes, ouréémergentes, a même augmenté de 10 à 20 % dans les états occidentaux durant cesquinze dernières années.

Les raisons ne manquent pas qui expliquent ces regrettables constatations parmilesquelles figurent d’abord les extraordinaires capacités d’adaptation des germes àleur environnement, par mutations ou emprunts génétiques à d’autres espèces, lapression antibiotique jouant ici le rôle néfaste que l’on connaît. Parallèlement,l’accroissement de la population, comme sa mobilité, augmentent naturellementl’importance des réservoirs de virus tandis que les défaillances de l’hygiène et lesmodifications écologiques dans certaines régions rapprochent directement l’hommedes microbes ou d’espèces animales vectrices. Il n’est même jusqu’au bio terrorismepour constituer un éventuel risque supplémentaire.

Sans être une fatalité les maladies infectieuses demeurent donc une source d’inquié-tude au début du e siècle. Or, l’immunoprophylaxie représente toujours l’une descomposantes essentielles de la prévention, quels que soient les progrès réalisés parmiles autres modalités de lutte. Depuis Pasteur et la vaccination antirabique en 1885,l’Académie nationale demédecine s’est en permanence préoccupée des questions deprophylaxie spécifique, au point qu’au cours des quinze dernières années elle aentendu et discuté, en séance plénière, pas moins de 43 rapports, communications,conclusions des commissions spécialisées et vœux divers adressés aux autoritéscompétentes.

* Membre de l’Académie nationale de médecine.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1461-1462, séance du 25 novembre 2003

1461

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C’est encore le cas aujourd’hui au moment où le domaine de la vaccinologie connaîtun regain d’intérêt explosif, lequel ne peut nous laisser indifférents. Et c’est ce qui

explique l’insistance avec laquelle l’ancienne troisième section que j’avais l’honneur

de présider, a souhaité l’inscription du sujet à notre programme.

Plusieurs raisons concourent à ce bond en avant de la recherche vaccinologique,

qu’elle soit fondamentale ou appliquée. Il s’agit — de la fécondité des travaux

touchant aux nouvelles techniques de recombinaison génétique— de la multiplicitédes études coût bénéfice et coût efficacité révélant bien l’intérêt des cliniciens pour

l’évaluation économique des vaccins — de l’efficacité remarquable de nombreuses

immunisations parvenues à anéantir certains fléaux dont la variole demeure le

prototype inégalé.

De nouveaux vaccins sont ainsi mis au point et méritent notre attention comme va

vous le montrer, à propos du pneumocoque, notre collègue Joël G, profes-

seur de pédiatrie à Bobigny et membre éminent du Comité technique des vaccina-

tions.

Malheureusement, quelques ombres s’étendent parmi lesquelles figurent l’insuffi-

sance de protection des adultes, due entre autres facteurs au vieillissement de la

population, à sa mobilité, voire à la disparition du service national. Nous avons

sollicité ici l’expérience de Jean B, titulaire de la chaire de pathologie

infectieuse de Clermont-Ferrand et spécialement concerné par les problèmes de

protection vaccinale.

Parmi d’autres difficultés surgissent aussi des effets secondaires imprévus. On a ainsi

récemment incriminé certains adjuvants comportant de l’hydroxyde d’aluminium, àl’origine d’une entité émergente, la myofasciite à macrophages observée aprèsvaccination anti-hépatite B, anti-hépatite A, antitétanique. Comme vous le savez le

mercure s’inscrit dans la même actualité. Nous avons donc demandé à Claire-Anne

S de Genève, pédiatre, immunologiste, partenaire de l’OMS et membre de

l’Académie suisse des Sciences médicales, ainsi qu’à notre collègue Luc H,

clinicien averti et immunologiste spécialiste de vaccinologie, actuel directeur médi-

cal pour l’Europe d’Aventis-Pasteur, ainsi que collaborateur du CDC et de l’OMS,

de nous faire bénéficier de leurs avis.

Les faits que je viens d’évoquer sont suffisants pour justifier, comme d’autres

constatations, l’intérêt d’une surveillance dans le souci d’un maximum de sécurité.Notre confrère Jean-Louis IMBS, développera dans cette optique l’exemple de la

vaccination anti-hépatite B.

Au nom de l’Académie Pierre B et moi-même, remercions ces collègues d’avoir

accepté de participer à cette séance, laquelle, nous le savons, n’épuisera malheureu-

sement pas la question et méritera d’être renouvelée à court terme.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1461-1462, séance du 25 novembre 2003

1462

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Les vaccinations de l’adulte

Adult immunization

Jean BEYTOUT *

RÉSUMÉ

Les adultes sont soumis à différentes vaccinations dans le cadre de leurs activités profes-sionnelles ou à l’occasion de voyages, de maladies qui les exposent à des infections. Lespersonnes âgées de plus de 65 ans reçoivent tous les ans le vaccin grippal. L’entretien del’immunité anti-tétanique et anti-poliomyélitique par un rappel décennal est inscrit dans lecalendrier vaccinal des adultes, mais n’est pratiqué que de manière irrégulière ; on peut luiadjoindre la valence anti-diphtérique, tel que le permet un vaccin combiné récent destiné à larevaccination .Il faut également se poser la question de l’entretien de l’immunité contre lesmaladies « de l’enfance » que les succès du programme vaccinal des plus jeunes repoussentà l’âge adulte : la rougeole, la rubéole, la coqueluche comportent un risque accru decomplications. Les adultes victimes de ces infections deviennent même la source de lacontamination des plus jeunes : ainsi, les coqueluches des nourrissons leur ont souvent ététransmises par leurs propres parents. Ces vaccinations de l’enfance pourraient être poursui-vies chez l’adulte. Avec la mise à disposition de nouveaux vaccins plus performants, on peutégalement envisager d’immuniser des sujets contre certaines souches de pneumocoques, deméningocoques ou contre la varicelle. La politique vaccinale des adultes doit être repenséepour être placée dans la continuité de la politique vaccinale des enfants ; certaines infectionsqui touchent avec prédilection la population adulte, tel le tétanos ou la rubéole, pourraient eneffet être évitées par une amélioration de l’application des vaccinations. Un véritablecalendrier de l’adulte et des recommandations précises pour des populations définies sont àmettre en place et à faire appliquer.

M- : V. V. A. I, .

I . C .

SUMMARY

Adults receive several vaccinations related to occupational health. Travellers or immuno-compromised people who are exposed to infections need some other vaccinations, too.People older than 65 receive influenza vaccine every year. Tetanus and poliomyelitis

* Service des maladies infectieuses et tropicales. Hôtel-Dieu CHU de Clermont-Ferrand, Boulevard

Léon Malfreyt — 63058 Clermont-Ferrand cedex 01.

Tirés-à-part : Professeur Jean B, à l’adresse ci-dessus.

Article reçu le 13 octobre 2003, accepté le 20 octobre 2003.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1463-1476, séance du 25 novembre 2003

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immunity should be maintained with a decennial injection following adult immunisation

schedule but the application of this vaccine remains rather erratic. Diphtheria valence

included in a recently licensed combined vaccine could be done together.Maintenance of

immunity against ‘‘ childhood infectious diseases ’’ preventable with vaccinations is a new

challenge ; measles, rubella and pertussis occur now quite often in adults : the risk of

complications is higher in these ages. Adults may even become the source of the contami-

nation of youngers : many infants affected with whooping cough have contracted the disease

from their own parents. The immunisation against these diseases should be prosecuted in

adults. Related with the development of more efficacious new vaccines, the indications of

pneumococcus, meningococcus or varicella vaccines should be defined in some populations

of adults. Immunization policy of adults should be revised in order to continue the vaccina-

tion program of childhood. Some infections that may affect adults should be prevented by

improving vaccine application. A real adult immunisation schedule and recommendations

for populations at risk of preventable infections should be set up and their application

reinforced.

K- (Index Medicus) : V. V. A. I,

. . V, .

INTRODUCTION

Dans la tradition populaire, le citoyen « majeur » est un homme « vacciné ». Il faut

cependant entretenir cette immunité et éventuellement prévenir de nouveaux ris-

ques infectieux tout au long de la vie.

Ce « panorama » des vaccinations de l’adulte nous amènera à envisager successive-

ment :

— les vaccinations pratiquées aujourd’hui à l’âge adulte dans le cadre des activitésprofessionnelles ou liées à l’âge et à l’état de santé,

— les vaccinations de l’enfance applicables aujourd’hui à l’adulte,

— les nouvelles perspectives concernant l’immunisation des adultes.

VACCINATIONS HABITUELLEMENT APPLIQUÉES À L’ADULTE

De nombreuses vaccinations sont appliquées à l’adulte le plus souvent dans des

conditions réglementaires (médecine du travail) ou par nécessité (sujets exposés aux

conséquences de certaines infections, voyageurs). Enfin la vaccination grippale est

recommandée chez les personnes âgées de plus de 65 ans.

Vaccinations professionnelles

En application du code de la Santé Publique, les professions de santé sont soumises

à certaines contraintes vaccinales (hépatite B, rappel dTPolio, BCG pour les person-

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1463-1476, séance du 25 novembre 2003

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nes dont l’IDR est négative, typhoïde pour les personnes exerçant leur activité dans

un laboratoire d’analyses biologiques...) contrôlées par la médecine du travail et

l’administration [1]. Les employés de voirie ou des compagnies des eaux reçoivent les

vaccinations contre la leptospirose ou l’hépatite A. Ces dispositions réglementaires

ou impliquant la responsabilité de l’employeur sont bien appliquées, mais ne

concernent qu’une faible proportion des adultes en période d’activité profession-

nelle. De plus, des recommandations non coercitives comme la vaccination grippale

pour les professions de santé n’a que peu de succès [2]. En dehors des professions

citées, il n’existe guère d’incitation à la vaccination dans le cadre de la médecine du

travail.

Protection des sujets menacés d’infections graves

Le nombre des immunodéprimés (immunodépressions acquises ou chimiothérapie

immunosuppressives) ou des insuffisants cardiaques ou respiratoires va en augmen-

tant : il leur est recommandé de se faire vacciner notamment par les vaccins des

infections respiratoires (grippe, vaccin pneumococcique polysaccharidique...) [3, 4,

5]. En pratique, le taux de couverture vaccinale de ces patients est très faible...

Vaccinations des voyageurs et des expatriés

Les Français voyagent de plus en plus : les centres de vaccinations internationales

injectent aux voyageurs le vaccin contre la fièvre jaune (seule vaccination résiduelle

du règlement sanitaire international) mais également les vaccins appropriés au lieu

et aux circonstances du séjour [6]... Ainsi, les expatriés en Afrique Noire reçoivent-

souvent les vaccinations amaril, hépatite A, hépatite B, typhoïde, méningocoque

ACYW135...

Vaccination grippale

Elle est recommandée à toutes les personnes âgées de plus de 65 ans. Environ 70 %

des sujets âgés de plus de 65 ans sont vaccinés. Ce bon résultat est lié à une relance

régulière effectuée par l’assurance maladie et les mutuelles qui font parvenir àchaque affilié une feuille de prescription (à faire signer par son médecin). C’est

probablement cette pratique qui permet d’inscrire la France parmi les pays euro-

péens où la couverture vaccinale est la plus élevée [7].

Vaccination antitétanique

L’anatoxine tétanique seule est souvent injectée à l’occasion d’une blessure expo-

sant au tétanos (en jouant sur l’effet de rappel). Mais les plaies chroniques ou

minimes sont trop souvent négligées : elles sont à l’origine de la majorité des

quelques dizaines de cas de tétanos que l’on observe encore aujourd’hui. Le nombre

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1463-1476, séance du 25 novembre 2003

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des cas de tétanos déclarés annuellement reste encore élevé (29 en 2000), tous des

adultes, la plupart âgés de plus de 70 ans (26/29) ; les victimes sont le plus souvent

des personnes âgées (surtout des femmes) ; plus des trois quarts d’entre eux ont reçumoins de 3 injections de vaccin au cours de leur vie [8, 9]. La survenue du tétanos est

liée à une immunisation insuffisante : la disparition du service national et la

négligence ou l’opposition aux vaccinations risquent de contribuer à une carence de

l’entretien de l’immunité antitétanique chez les adultes.

Vaccination contre la poliomyélite

Alors que la maladie est éliminée du territoire national, la vaccination entretient

l’immunité de la population, avec comme perspective l’éradication mondiale [10, 11,

12]. Certes, la protection contre cette maladie est de longue durée et la population a

une immunité d’assez bon niveau [13], mais il ne faut pas encore y renoncer chez

l’adulte : le risque d’exposition des Européens lors d’un voyage dans un des pays oùelle sévit encore ou la possibilité d’une importation ne sont pas exclus.

Il est prévu dans le calendrier vaccinal que soient entretenues conjointement

l’immunité anti-tétanique et l’immunité anti-poliomyélitique au moins tous les 10

ans [3, 4]. Le vaccin TPolio est couramment pratiqué à l’occasion de consultations

du médecin de famille mais de nombreux adultes — surtout les jeunes — ne

consultent guère le généraliste [14].

Vaccination contre la diphtérie

L’immunisation contre la diphtérie n’est pas prévue au calendrier vaccinal 2003 [4].

Or, il s’avère qu’une forte proportion des adultes n’est plus protégée : plus de la

moitié des français de plus de 55 ans avaient, en 1995, un titre des anticorps

anti-diphtérique inférieur au seuil protecteur [15]. Même si cette infection semble

éliminée de notre pays, la possibilité d’une réintroduction de souches toxinogènes

n’est pas exclue ; il est encore possible de rencontrer la diphtérie lors d’un séjour

dans de nombreux pays du monde. Les derniers cas observés en Europe sont

survenus majoritairement chez des adultes [16]. Ceci paraît assez logique dans la

mesure où l’effort de vaccination porte essentiellement sur les enfants.

Il conviendrait donc d’entretenir également cette immunité protectrice chez les

adultes [17]. Le vaccin triple diphtérie-tétanos-poliomyélite peut être facilement

administré chez l’adulte, essentiellement sous la forme du Revaxis* : cette présen-

tation comporte la valence diphtérique atténuée pour réduire les réactions inflam-

matoires locales qui lui sont attribuables. Aujourd’hui encore la pratique de

ces vaccinations reste très disparate : 66,1 % sont à jour pour le tétanos, 63,4 %

pour la poliomyélite, 58,4 % pour la diphtérie d’après une étude effectuée en 2001

[14].

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NOUVELLES VACCINATIONS À ENVISAGER CHEZ L’ADULTE

D’autres vaccins sont susceptibles de s’adresser à l’adulte en tenant compte de

l’évolution de la répartition par âge de certaines maladies : ainsi, certaines, qui

étaient autrefois l’apanage de l’enfance, se sont raréfiées mais touchent maintenant

avec prédilection l’adolescent ou l’adulte : la rougeole, la rubéole, la coqueluche, la

varicelle...

Rougeole

Lors de la dernière grande épidémie, en 1997, une proportion importante des cas a

affecté des adolescents (certains déjà vaccinés) et des adultes. La recrudescence

récente de la rougeole en Suisse, en Italie et dans le Sud de la France s’est signalée par

des cas chez l’adulte, particulièrement exposé aux pneumopathies et aux complica-

tions neurologiques. Dans l’immédiat, l’objectif est surtout de mieux assurer la

couverture vaccinale des enfants et des pré-adolescents [18] ; mais, si le niveau de

couverture vaccinale reste au niveau actuel et, à plus forte raison s’il diminue, il

faudra envisager des mesures de rattrapage pour les adultes.

Rubéole

Avec la rubéole, c’est la menace d’une primo-infection au cours de la grossesse qui

est redoutée. Le nombre de cas de rubéole recensés chez des femmes enceintes reste

encore trop élevé [18] : en 2000 sont survenues 11 rubéoles malformatives et 53

primo-infections certaines en cours de grossesse ; 18 grossesses ont dû être interrom-

pues. Certaines jeunes femmes atteintes de primo-infection rubéoleuse n’étaient pas

des primipares et avaient déjà eu une sérologie (systématique) négative. La meilleure

prévention serait une meilleure application de la vaccination par le ROR chez

l’enfant. Mais la couverture par ce vaccin est encore insuffisante et la proportion de

jeunes filles de 15-20 ans négatives reste encore de plus de 10 % : il est envisagé de

pratiquer un dépistage systématique de ces jeunes filles et de les vacciner.

Hépatite B

Les adolescents et les adultes à la plénitude de l’activité sexuelle, les jeunes femmes

susceptibles d’être enceintes devraient être immunisés. La découverte d’un antigène

HBs positif au bilan de surveillance d’une grossesse est une source de difficultés non

négligeables dont la fréquence risque d’augmenter dans les années à venir [19]. Le

Comité Technique des Vaccinations recommande cette vaccination dans l’enfance.

Mais la désaffection récente qu’elle connaît amène les familles et les médecins à la

différer et la proportion d’adultes non immunisés augmente : ceci amènera àenvisager une politique de rattrapage chez l’adulte jeune...

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Varicelle

C’est une infection bénigne de l’enfance ; même immunocompétent, l’adulte est

menacé d’infections plus sévères, notamment de pneumopathies parfois mortelles.

La survenue de la varicelle au cours de la grossesse expose à des malformations et

surtout à des formes congénitales ou néonatales... Même si, à 18 ans, plus de 90 % de

la population a déjà fait la maladie, la proportion d’adultes jeunes non immuniséecroît [21]. Un vaccin vivant atténué est disponible : le dépistage sérologique des

jeunes adultes non immunisés parmi ceux qui n’ont pas d’antécédent de varicelle

connue est envisagé...La vaccination (par 2 injections) serait proposée à ceux dont la

sérologie est négative.

Coqueluche

Vacciner les adultes est une des nouvelles éventualités à envisager en priorité.Jusqu’à présent, l’immunisation contre la coqueluche paraissait essentiellement un

enjeu pédiatrique, mais l’attention a été attirée par la survenue d’infections du

nourrisson ou même du nouveau-né : ils avaient été contaminés par leurs parents

[22, 23]. D’après les données du Réseau National Coqueluche, depuis 1997, pour les

cas diagnostiqués à l’hôpital, les parents, tout particulièrement ceux de la tranche

d’âge 25-34 ans, sont devenus la première source d’infection [24]. De fait, la

coqueluche de l’adulte n’est pas rare, même si elle n’est pas toujours facile àdiagnostiquer : c’est une toux persistante, surtout nocturne, parfois émétisante. Une

étude récente a montré que 32 % des adultes qui toussent depuis plus de 7 jours et

moins de 31 jours consécutifs ont une infection à Bordetella pertussis identifiée par

culture, PCR ou sérologie [25, 26]. L’incidence annuelle est estimée à plus de 500/100

000. Or la population pédiatrique française est bien vaccinée ; mais l’immunité qui

protège les enfants s’amoindrit chez les adolescents et les jeunes adultes. Il est donc

envisagé de pratiquer une nouveau rappel anticoquelucheux à l’âge de 18 ans (ou

entre 20 et 25 ans) et on peut même se poser la question d’éventuels nouveaux

rappels plus tard chez l’adulte [27].

Les vaccins polyvalents (contenant les valences tétanos et poliomyélite, l’anatoxine

diphtérique à dose réduite et 5 antigènes coquelucheux) paraissent très appropriéspour entretenir l’immunité des adolescents et éventuellement des adultes [28].

Autres vaccins du présent et du futur

Il pourrait un jour être indiqué de vacciner les jeunes adultes contre les méningo-

coccies si l’augmentation d’une des souches à prévention vaccinale venait à augmen-

ter dans notre pays. En Grande Bretagne, les jeunes jusqu’à l’âge de 25 ans sont

systématiquement vaccinés par le vaccin conjugué monovalent C. Ceci n’est pas

illégitime quand on sait que la proportion des jeunes adultes concernés n’est pas

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négligeable, qu’ils sont volontiers atteints de formes sévères (purpura fulminans) lors

de l’apparition de nouveau génotypes à potentiel épidémiogène [29].

La mise au point des vaccins pneumococciques conjugués amènera à reconsidérer

l’immunisation des adultes vis-à-vis de ces agents infectieux : une plus grande

efficacité justifiera son application à une proportion plus importante des adultes

notamment aux plus de 65 ans [30].

De nouveaux vaccins seront à notre disposition : certains avec les mêmes objectifs

que les vaccins actuels mais plus efficaces tels les vaccins conjugués ou adjuvés ;

d’autres actifs sur d’autres infections (vaccin contre l’herpès, le CMV [31], les

papillomavirus génitaux [32], les Escherichia coli agents d’infections urinaires...) ou

de nouvelles menaces (tels le VIH ou les nouveaux agents des maladies respiratoi-

res...) ; des thématiques multifactorielles (ex. : maladies diarrhéiques) [31, 33]... Ils

amèneront probablement à envisager de nouvelles indications chez les adultes.

REPENSER LA POLITIQUE VACCINALE DES ADULTES

Il convient donc dès maintenant de se préoccuper de l’immunisation des adultes

[34].

Données démographiques et sociales :

— La population vieillit. Les plus de 18 ans représentent les ¾ de la population

française. La proportion des personnes âgées de plus de 65 ans devrait atteindre

plus du quart de la population en 2015. Or ces sujets sont particulièrement

sensibles aux infections respiratoires qui constituent un véritable enjeu de santépublique. Pour certaines infections à prévention vaccinale considérées comme

« infantiles », leur persistance est souvent liée à une immunisation insuffisante

des adultes [35, 36] ainsi que nous l’avons vu pour la rougeole, la rubéole ou la

diphtérie... Les formes graves de ces infections sont plus fréquentes chez

l’adulte : c’est connu pour la rougeole, la varicelle ou l’hépatite A ...

— La proportion des immunodéprimés augmente : ils sont particulièrement expo-

sés aux infections dont certaines pourraient être prévenues par des vaccinations

telles, celles les infections respiratoires virales (grippe...) ou bactériennes (pneu-

mococcies).

— Les progrès de l’hygiène rendent la population adulte française particulièrement

réceptive aux agents infectieux de rencontre : les incursions auprès de popula-

tions à niveau d’hygiène moins élevé exposent à des infections à transmission

féco-orale (hépatite A ou même poliomyélite) ou même respiratoire ou oro-

pharyngée (rougeole, infection à CMV...) sinon vénérienne (hépatite B). Les

aléas économiques ou l’évolution des mœurs peuvent amener en situation

d’insalubrité une frange de la population et favoriser la survenue de foyers

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d’infections considérées comme disparues (diphtérie, poliomyélite, hépatite

B...). On ne peut exclure le risque de développement de maladies d’importation

à potentiel épidémique (Syndromes Respiratoires Aigus Sévères à Coronavi-

rus...) ou provenant d’un réservoir naturel (grippe aviaire...).

Les occasions d’assurer l’immunisation des adultes

Une étape importante permettant d’assurer cette continuité était représentée chez

les hommes par le service national, occasion de mettre à jour certaines vaccinations

voire d’en pratiquer d’autres utiles à certaines missions (typhoïde) ou à la vie en

collectivité (vaccin méningococcique polysaccharidique A+C) [37]. La prise en

charge systématique de la prévention sanitaire chez ces jeunes adultes (masculins) àdisparu avec l’abrogation des obligations militaires des jeunes gens.

Une autre bonne occasion serait le bilan prénuptial : on demande, chez les jeunes

femmes, un dosage des anticorps contre la rubéole de manière à vacciner celles qui

ne sont pas immunisées. En fait, beaucoup d’enfants naissent de parents non mariés.

Les examens d’embauche, les consultations de médecine du travail pourraient êtrel’occasion de contrôler le statut vaccinal des employés mais, en dehors des vaccina-

tions professionnelles, les médecins du travail n’ont pas la mission de pratiquer ou de

faire pratiquer les vaccinations des recommandations générales. Néanmoins leur

influence n’est pas négligeable : on observe que les chômeurs, les exclus des activitéssociales ont une couverture vaccinale encore plus basse [14].

Le médecin de famille

Il joue un rôle essentiel dans l’application du calendrier vaccinal grâce à la confiance

que lui font ses clients [38]. Mais sa conviction s’est progressivement amoindrie : les

atermoiements récents dans la politique vaccinale ne contribuent pas à lui donner

l’assurance nécessaire. Au contraire, la position des médecins qui sont opposés aux

vaccinations s’en est trouvée confortée...

Les généralistes qui sont les vaccinateurs principaux des adultes le font souvent de

manière irrégulière, à l’occasion d’une blessure, d’une consultation au cabinet ou

dans la famille. Parfois, c’est le patient qui demande la vaccination et apporte le

vaccin qu’il s’est procuré à la pharmacie. Dans la pratique on note que le vaccin le

plus pratiqué, le tétanos-polio n’est fait que de manière très irrégulière [14] ; de

nombreux adultes pourraient se trouver ainsi temporairement vulnérables. Pour

lutter contre ces lacunes, il serait souhaitable de privilégier l’utilisation systématique

du carnet de santé ou d’un logiciel de gestion du dossier médical.

Incitation à la vaccination des adultes

Des « rendez-vous » fixes peuvent être imaginés pour « remise à niveau ». La litté-rature montre l’efficacité — au moins temporaire — de ce mode d’incitation [39].

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Chez l’adulte de plus de 65 ans, chaque automne, une lettre de rappel de l’assurance

maladie incite le sujet à consulter son médecin pour qu’il lui prescrive son injection

de vaccin grippal : les résultats sont bons. Pourquoi ne pas imaginer une incitation

régulière — tous les anniversaires décennaux par exemple — pour pratiquer le

rappel dTP ?

Les professionnels de santé ont besoin de recommandations précises et d’informa-

tions leur permettant d’argumenter la décision vaccinale qu’ils prennent pour leur

client. Le Comité Technique des Vaccinations (CTV) y participe : c’est un groupe

d’experts qui dispose des données épidémiologiques, des informations sur l’effica-

cité et la tolérance des vaccins : les perspectives concernant la vaccination des

adultes ne lui ont pas échappé et une réflexion est en cours pour préciser le rapport

coût/bénéfice de chaque décision envisageable, les meilleures conditions d’applica-

tion et de faisabilité.

Le « Guide des Vaccinations » [40], travail collaboratif des membres du CTV, est

censé être remis gratuitement à tous les médecins de France comme référence

explicative ; malheureusement il semble exister des lacunes dans la distribution et la

valorisation de ce document de référence, de même que dans la distribution de

documents d’éducation pour la santé telles les fiches « les vaccinations, c’est aussi

pour les adultes » élaborées par le Comité Français d’Éducation pour la Santé avec

le soutien de l’Assurance Maladie [41].

Politique vaccinale

Expliquer aux vaccinateurs et aux individus les décisions prises pour immuniser les

adultes constitue un aspect majeur de la politique vaccinale. C’est une des conclu-

sions émises en 1999 par un groupe de spécialistes réuni dans le cadre d’une expertise

collective de l’INSERM sur les vaccinations [42].

Or, c’est un domaine dans lequel les autorités sanitaires ont une position particuliè-rement faible. Différentes raisons expliquent ces échecs :

— insuffisance de conviction des propos,

— manque d’explication des enjeux d’une bonne application des vaccinations,

— accent mis sur les rares effets adverses associés à l’utilisation des vaccins,

— manque d’opportunisme dans la « négociation » sur la couverture vaccinale de

la population : savoir renoncer à des vaccinations peu utiles telles le BCG pour

mieux persuader de l’intérêt de certaines autres...

Le « principe de précaution » n’incite pas les décideurs à se projeter dans l’avenir et

à proposer une politique vaccinale active [43]. Ce nouvel enjeu que représente

l’immunisation des adultes est difficile à proposer [44].

On peut cependant se prévaloir des succès obtenus par la vaccination des enfants

pour réclamer des adultes quelques efforts permettant notamment de mener à leur

terme la politique d’élimination de certaines infections (rougeole, rubéole) ou même

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d’éradication (poliomyélite). Il faut assurer une surveillance du statut immunitaire

de la population adulte et de sa couverture vaccinale pour fournir des arguments

aux autorités sanitaires. L’information et les recommandations aux usagers doivent

être particulièrement circonstanciées et appropriées [45].

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DISCUSSION

M. Gérard DUBOIS

L’Académie nationale de médecine a pris position pour adopter l’âge (>65ans) comme

indication à la vaccination contre le pneumocoque. La France est un des rares pays à ne pas

avoir adopté ce type d’indication, ce qui fait que l’utilisation du vaccin pneumococcique reste

confidentielle. Sur quels arguments maintient-on en France une attitude aussi minoritaire

sur le plan international ?

Effectivement la vaccination des adultes par le vaccin polysaccharidique à 23 valences est

trop peu utilisé en France, notamment chez les insuffisants respiratoires, les insuffisants

cardiaques ou chez les immunodéprimés exposés aux infections pneumococciques. Le

Comité Technique des Vaccinations n’a pas retenu l’indication du vaccin pneumococci-

que chez tous les sujets de plus de 65 ans, (malgré des discussions nombreuses autour desétudes cliniques recensées dans la littérature). Je ne peux que me retrancher derrièrel’opinion émise par ce Comité dont je fais partie. Quoiqu’il en soit, il me parait légitimede rappeler aux personnes appartenant aux groupes à risque et menacées d’infections àpneumocoque invasives, l’importance de cette vaccination : plus d’un million d’entre euxont plus de 65 ans.

M. Pierre PENE

Vous avez avancé un taux de couverture vaccinale de 70 % pour la grippe, de 66 % pour letétanos, de 64 % pour les virus polio. S’agit-il de taux moyens pour notre pays ? Y a-t-il desdifférences régionales significatives ? Y a-t-il des différences annuelles dans ces taux decouverture ?

Le chiffre avancé pour la vaccination grippale correspond à des données nationalesobtenues pour partie par consultation de médecins généralistes et nombre de dosesvendues : il existe quelques variations annuelles peut-être liées à l’intensité de la campa-gne d’information des usagers (relancés par la sécurité sociale).

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1463-1476, séance du 25 novembre 2003

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Pour le tétanos et la poliomyélite, il s’agit des données de l’enquête de l’« Observatoire de

la vaccination de l’adulte » auprès des médecins généralistes. Cette étude montre quel-

ques variations régionales avec un gradient ascendant Sud /Nord et Est/Ouest.

M. Léon LE MINOR

Quelle est l’incidence de l’abandon de la vaccination contre le tétanos lors du service

militaire, puisque celui-ci est abandonné, sur le nombre de tétanos en France ? Peut-être

faudra-t-il attendre plusieurs années pour en avoir une idée précise ? Y-a-t-il un contrôle des

vaccinations obligatoires lors de la « journée citoyenne » ?

Il est encore trop tôt pour observer les conséquences de l’abandon de la revaccination des

jeunes adultes masculins lors du service militaire sous la forme de cas de tétanos. Àl’heure actuelle, ces cas ne surviennent guère que chez les personnes âgées, non vaccinées

depuis plusieurs dizaines d’années. Néanmoins, l’insuffisance d’immunisation pourrait

être appréciée par des études séro-épidémiologiques. Sur le second point, il serait

souhaitable que les journées de « l’appel de préparation à la défense » permettent

également d’intervenir sur cet aspect sanitaire essentiel, ne serait-ce qu’en contrôlant le

carnet de santé et en pratiquant (ou recommandant) une remise à jour.

M. Denys PELLERIN

La virulence actuelle, accrue des adversaires de la vaccination est aujourd’hui confortée parla loi du 4 Mars 2003 relative au droit du malade. Elle reconnaît en effet à la personne,autonome, le droit d’accepter ou de refuser les soins proposés par le médecin. On comprendque le généraliste se sente découragé dans son action en faveur de la vaccination. Nepensez-vous pas qu’il conviendrait que l’ANM rappelle fermement qu’au-delà de sonautonomie, chaque personne est aussi citoyen et se doit de contribuer aux efforts collectifs enfaveur de la santé publique (notamment par la prévention des maladies infectieuses) ?L’ANM a déjà clairement indiqué les dangers du recours inconsidéré au Principe dePrécaution (suspension de la vaccination Hépatite B). Les autorités responsables nesauraient s’y référer pour refuser la prévention...Les adversaires de la vaccination ne doiventpas y trouver la justification de leur attitude de refus.

Je crois, Monsieur, que vous avez parfaitement rappelé les grands principes de notrepolitique vaccinale : — l’importance de se sentir tous concernés par la vaccination pouraboutir à une bonne « couverture vaccinale » et une bonne protection collective vis-à-visde certaines maladies infectieuses, — le fait que le principe de précaution ne doit pas êtreappliqué de manière unilatérale... pour l’intérêt du plus grand nombre.

Mme Marie-Odile RÉTHORÉ

La mortalité s’est effondrée chez les trisomiques 21 grâce à la vaccination contre la rougeoleet la coqueluche. Actuellement, il y a un lever de bouclier contre les vaccinations de la partde beaucoup de médecins— surtout homéopathes—La varicelle est souvent très grave chezces patients trisomiques 21. Il faudrait leur proposer cette vaccination de façon systémati-que.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1463-1476, séance du 25 novembre 2003

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Effectivement ces infections doivent être redoutées chez les trisomiques : il serait souhai-table que ces vaccinations soient pratiquées dès l’enfance, et l’immunité éventuellementcontrôlée et entretenue.

M. Jean-Paul GIROUD

Risque de bioterrorisme et vaccination contre le virus de la variole. Quelle est votre positiondans ce domaine ?

Quelques centaines de personnes ont récemment été vaccinées en France dans la pers-pective du bioterrorisme. Ils appartiennent aux équipes « dédiées » à intervenir en cas desurvenue de cas suspects. Heureusement, nous n’avons pas été amenés à vacciner à lamême échelle que les Américains qui ont inoculé quelques 500 000 personnes civiles oumilitaires (surtout) : ils ont observé un nombre important d’effets indésirables. Noussouhaitons bien sûr éviter autant que possible d’avoir à nous servir à nouveau de lavaccine.

M. Louis HOLLENDER

Le chirurgien peut être amené à pratiquer une splénectomie, tant après un traumatismeabdominal sévère que lors d’exerèses élargies pour cancer. Conseillez-vous de pratiquersystématiquement en post-opératoire une vaccination et dans l’affirmative à quels types devaccins recourir ?

Oui ! le risque d’infection pneumococcique grave est très significativement plus élevé chezles splénectomisés (x100 par rapport à un sujet normal) dès les premières semainessuivant l’intervention chirurgicale. Même si cette indication n’a pas été précisée, le vaccinconjugué me paraît plus efficace chez ces patients malgré son spectre plus étroit (7valences au lieu de 23) en envisageant ultérieurement un ou des rappels par le vaccin à 23valences.

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Nouveau vaccin antipneumococcique

New pneumococcal vaccine

Joël GAUDELUS *

RÉSUMÉ

Le pneumocoque est la principale bactérie responsable des infections invasives (bactériémie,méningite) chez l’enfant de moins de 2 ans. La mise au point d’un vaccin heptavalentconjugué (7 polysaccharides des sérotypes 4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F, 23F, conjugués à uneprotéine dérivée de l’anatoxine diphtérique CRM 197) constitue un réel progrès. Ce vaccinest bien toléré, immunogène et efficace chez le petit nourrisson. Son efficacité dans lesinfections invasives est supérieure à 95 %. La réduction du nombre de pneumonies (avecopacité radiologique d’aumoins 2.5 cm) a été de 32.2 % dans la première année et de 23.4 %dans les deux premières années dans le groupe vacciné. L’efficacité dans les otites moyennesaiguës est dans l’immédiat médiocre. Les indications de ce vaccin qui concernent des enfantsde moins de 2 ans ayant un facteur de risque surajouté devraient pouvoir être étendues à tousles enfants de moins de 2 ans.

M- : V . V . S

, . E

SUMMARY

Streptococcus Pneumoniae is the main pathogen bacteria responsible for invasive diseases(bacteremia, meningitis) in children less than 2 years of age. The new conjugate heptavalentpneumococcal vaccine (7 polysaccharide serotypes 4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F, 23F conjugatedwith the CRP 197 protein derived from diphteria anatoxin) is a great advance. This vaccineis well tolerated, immunogenic and efficient in infant. His efficacy in invasive pneumococcaldiseases is more than 95 %. The reduction of pneumonia (with 2.5 cm X-Ray opacity) was32.2 % in the first year of age and 23.4 % in the two first years in the vaccinated group. Theefficacy in acute otitis media is poor French indications of this vaccine, limited to infantsunder 2 years of age with further risk factor, might be extended to all the infants under 2years of age.

K- : V, . P . P -

. C.

* Service de Pédiatrie — CHU Jean Verdier — 93140 Bondy.

Tirés-à-part : Professeur Joël G, même adresse.

Article reçu le 08 octobre 2003, accepté le 20 octobre 2003

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Le pneumocoque est l’une des bactéries les plus importantes chez le nourrisson etl’enfant du fait d’une part de la fréquence des infections dont il est responsable etd’autre part de la gravité que ces infections sont susceptibles de présenter. Enfin lenombre de souches ayant une sensibilité diminuée à la pénicilline ne cesse d’aug-menter dans notre pays.

ÉPIDÉMIOLOGIE DES INFECTIONS A PNEUMOCOQUE

On estimait aux États-Unis en 1997 que le pneumocoque était responsablechaque année de 7 000 000 d’otites, 500 000 pneumonies, 50 000 bactériémies et3 000 méningites [1]. En France, faute d’un système de surveillance aussi perfor-mant, les données sont moins précises [2].

Otites

On évalue entre 3 et 4 millions le nombre de prescriptions pour otite chaque année,le pneumocoque étant responsable de 30 à 40 % des otites bactériologiquementprouvées. Les pneumocoques isolés de pus d’oreille ont dans plus de 70 % des casune sensibilité diminuée à la pénicilline. Ceux-ci sont responsables de plus de 50 %des échecs de traitement des otites bactériologiquement prouvées [3].

Pneumopathies

Les données concernant les pneumonies sont difficiles à obtenir car la plupart descas ne sont pas confirmés bactériologiquement. Moins de 10 % des hémoculturessont positives au cours des pneumonies [4]. Un tiers des souches de pneumocoquequi y sont retrouvées ont une sensibilité diminuée à la pénicilline. On estime àenviron 10 000 le nombre de pneumonie à pneumocoque chez les 0 à 9 ans [5].

Bactériémies

Le pneumocoque est la bactérie prédominante des bactériémies communautaires del’enfant avec un pic de fréquence entre 6 et 24 mois [6]. Chez les enfants vaccinés parle vaccin conjugué antiHaemophilus b, le pneumocoque est responsable de lagrande majorité des bactériémies avant l’âge de 3 ans [7].

Méningites

On estime entre 150 et 200 le nombre de méningites à pneumocoque de l’enfant,dont les 2/3 surviennent avant l’âge de 2 ans [8]. Le taux de létalité est de 10 % et letaux de séquelles de l’ordre de 30 %. Le nombre de souches de sensibilité diminuéeà la pénicilline et aux céphalosporines de 3e génération (Cefotaxime ouCeftriaxone)

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isolées du liquide céphalorachidien s’est accru de 1993 à 1995 : de 27 à 32 % pour la

pénicilline dont 50 % des souches sont intermédiaires (CMI entre 0.12 et 1 mg/l) et

50 % sont résistantes (CMI entre 1 et 2 mg/l) de 14 à 23 % pour les céphalosporines

de 3e génération. Les chiffres ont encore augmenté depuis pour atteindre 50 % pour

la pénicilline et 35 % pour les céphalosporines de 3e génération.

Il faut rappeler que les souches de sensibilité diminuée à la pénicilline sont le plus

souvent multi-résistantes.

Infections invasives

En 1997, l’incidence des infections invasives à pneumocoque (isolement dans

le sang ou dans le LCR) était de 45 pour 100 000 chez les nourrissons de moins

d’un an et de 12 pour 100 000 chez les 1-4 ans [10]. Ces chiffres semblent stables

depuis.

Deux enquêtes nationales ont confirmé récemment l’ampleur des infections invasi-

ves à pneumocoque en France. La première, menée par le groupe de pathologie

infectieuse pédiatrique (GPIP) et incluant 32 services de réanimation pédiatrique

avait pour but d’évaluer rétrospectivement les décès par infection bactérienne

communautaire chez les enfants âgés de 10 jours à 18 ans au cours des années 1999

et 2000 [11]. Sur 100 dossiers retenus, l’étude révèle que le pneumocoque est

responsable de trois-quarts des méningites mortelles (26 cas) et de près de 4 décès sur

10, toutes pathologies bactériennes communautaires confondues, chez les enfants

âgés de plus de 2 mois. La seconde réalisée par l’observatoire national des méningi-

tes bactériennes de l’enfant mis en place par le GPIP et qui réunit 259 services

hospitaliers pédiatriques et 169 laboratoires de microbiologie français. Celui-ci a

enregistré 449 cas de méningites bactériennes en 2001, lesquels représentent environ

deux tiers du nombre total de cas annuels estimé. Ces données confirment que le

pneumocoque est le premier germe en cause chez l’enfant de moins de 2 ans juste

devant le méningocoque qui prédomine chez l’enfant plus grand. Sur les 126 cas de

méningites bactériennes à pneumocoque observés, il s’agissait 7 fois sur 10 d’enfants

de moins de 2 ans.

Portage

Le portage rhinopharyngé du pneumocoque est fréquent et varie en fonction de

l’âge. De 10 % avant 3 mois, le pourcentage des nourrissons porteurs passe à 30 %

entre 4 et 12 mois et peut atteindre 50 % entre 1 et 2 ans [12].

Facteurs de risque d’une pathologie invasive

Des facteurs de risque d’une pathologie invasive à pneumocoque ont été mis en

évidence. Ce sont :

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Les enfants à risque très élevé (risque multiplié par un facteur de 20 à 300 fois) :

drépanocytaires, aspléniques, splénectomisés, infections à VIH, hypogammaglobu-

linémiques.

Les populations à risque : les enfants de moins de 2 ans chez qui les infections

invasives sont 5 à 10 fois plus fréquentes que chez les 2-14 ans. Chez ces nourrissons,

certains facteurs augmentent encore ce risque [13].

— Le mode de garde en crèche collective (risque relatif de l’ordre de 3 entre 2 et 23

mois).

— Des antécédents d’otite moyenne aiguë (risque relatif de l’ordre de 2.2 lorsqu’ily a eu otite dans les 3 mois précédents entre 3 et 23 mois).

— Un traitement antibiotique récent (risque relatif de l’ordre de 3.5 entre 3 et 23

mois).

— La taille de la fratrie : frères et sœurs de moins de 7 ans.

— L’absence d’allaitement suffisamment prolongé : le fait d’allaiter réduit le risque

avec un risque relatif de 0.21 de 2 à 11 mois et de 0.75 de 12 à 23 mois.

LE VACCIN ANTIPNEUMOCOCCIQUE CONJUGUÉ HEPTAVALENT

Le pneumocoque tire sa virulence de sa capsule qui lui permet, entre autre, de

résister à la phagocytose. Celle-ci contient des polysaccharides dont l’analyse per-

met de dénombrer 90 sérotypes capsulaires différents regroupés en 45 sérogroupes.

L’immunisation est spécifique à chaque sérotype. Un vaccin polysaccharidique 23

valents est disponible depuis 1983, mais comme tout vaccin polysaccharidique, il est

très peu immunogène chez le petit enfant. En effet, les antigènes polysaccharidiques

déclenchent une réponse immunitaire de type thymo-indépendant c’est-à-dire chez

l’enfant de moins de 2 ans : d’intensité faible ou nulle, de courte durée, sans effet

rappel lors d’une réinfection et sans effet sur le portage. Tous ces éléments expliquent

que ce vaccin n’était proposé que chez les enfants à très haut risque à partir de l’âge

de 2 ans.

L’efficacité du vaccin conjugué antiHaemophilus b comportant le polysaccharide

polyribosyl-ribitol-phosphate (PRP) conjugué à une protéine sur les infections

invasives et tout particulièrement sur les méningites à Haemophilus b [14] a stimuléles recherches pour mettre au point d’autres vaccins conjugués vis à vis de bactéries

responsables de méningites ou d’autres infections graves. Le couplage d’un polysac-

charide à une protéine porteuse permet en effet de rendre l’antigène thymo-

dépendant c’est à dire d’induire une réponse immune forte chez le petit nourrisson,

dès l’âge de 2 mois, et de déterminer un effet rappel lors de la réexposition àl’antigène, témoin de la mise en place d’une mémoire immunitaire. Ce type d’immu-

nisation est par ailleurs efficace sur le portage.

Le vaccin antipneumococcique heptavalent conjugué (Prevenar®) contient 7 poly-

saccharides purifiés de la capsule de Streptococus Pneumoniæ, chacun couplé avec

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une protéine porteuse, protéine dérivée de l’anatoxine diphtérique : le CRM197 : 2 µg

de polysaccharides des sérotypes 4, 9V, 14, 19F, 23F et d’oligosaccharides de 18C,

4 µg de polysaccharides du sérotype 6B, 20 µg de protéine porteuse CRM197. Ces

sérotypes ont été choisis du fait de la fréquence de leur responsabilité dans les

infections invasives de l’enfant qui est de l’ordre de 80 %. Ce vaccin recouvre par

ailleurs près de 90 % des souches de sensibilité diminuée à la pénicilline.

Tolérance, immunogénicité

La tolérance et l’immunogénicité ont été évaluées dans un premier temps chez plus

de 1 000 nourrissons recrutés dans 9 études réalisées aux États-Unis et en Europe

(Allemagne, Finlande, France, Grande Bretagne). Dans chacune de ces études le

protocole de vaccination a toujours comporté 3 doses injectées à 1 ou 2 mois

d’intervalle selon le calendrier vaccinal recommandé dans chaque pays pour le

nourrisson. L’administration du vaccin conjugué heptavalent était simultanée avec

les autres vaccins recommandés. Ces études ont montré que le pourcentage de

répondeurs variait entre 90 et 100 % suivant le sérotype. La cinétique de la réponse

sérologique est variable d’un sérotype à l’autre. Une augmentation significative de la

concentration moyenne d’anticorps est obtenue dès la 2ème dose pour les sérotypes 4,

14 et 19F mais seulement après la 3ème dose pour les sérotypes 6B et 23F. Ces

données justifient que le schéma de primo-vaccination comporte 3 doses. Dans les

essais l’ayant évalué, l’administration d’une 4eme dose (vaccination de rappel)

entraîne une forte réponse en anticorps dont l’amplitude est très supérieure à celle

suivant la primovaccination. Ceci témoigne de la mise en place d’une mémoire

immunitaire. Cet effet rappel existe non seulement avec le vaccin conjugué mais

aussi avec le vaccin polysaccharidique 23 valents lorsque la primovaccination s’est

faite avec un vaccin conjugué.

Les réactions locales (érythème, induration, douleur) au site d’injection sont moins

fréquentes qu’avec un vaccin contenant un vaccin coquelucheux à germe entier.

L’évaluation des réactions générales doit tenir compte de la nature du vaccin

administré simultanément. Il existe une fréquence plus élevée de réactions fébriles

dans le groupe recevant le vaccin conjugué heptavalent que dans le groupe témoin.

L’évaluation de l’immunogénicité des autres vaccins administrés simultanément ne

montre pas de différence par rapport à un groupe ne recevant pas le vaccin pneumo-

conjugué à l’exception d’une diminution de la réponse sérologique vis à vis de la

pertactine.

Tolérance et efficacité

L’évaluation de la tolérance et de l’efficacité de ce vaccin a été effectuée au cours

d’un essai ayant inclus 37 868 nourrissons [15]. Il s’agit d’une étude randomisée en

double aveugle : 50 % des enfants recevant le vaccin heptavalent conjugué, 50 %

recevant un vaccin anti-méningocoque C conjugué (même protéine CRM197). Les

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vaccins sont administrés à 2, 4, 6 mois et à 12-15 mois en même temps que les vaccins

du calendrier vaccinal habituel. La tolérance du vaccin est bonne, qu’il s’agisse des

réactions locales ou générales. Il n’a pas été noté d’effet secondaire grave en rapport

avec la vaccination lors de cet essai. Ceci a été confirmé après maintenant plus de

30 millions de doses délivrées.

L’efficacité a été évaluée dans les différentes pathologies :

Dans les infections invasives à pneumocoque : bactériémies et/ou méningites et/ou

pneumonies bactériémiques, l’efficacité est de 97.4 % (IC 95 % = 82.7 ¢ 99.9). Il n’apas été mis en évidence dans cet essai d’augmentation d’infections invasives par des

pneumocoques dont les sérotypes ne sont pas contenus dans le vaccin. L’impact de

la vaccination sur les infections invasives à pneumocoque quel que soit le sérotype

met en évidence une réduction de 89.1 % (IC 95 % = 73.7 ¢ 95.9) par rapport au

groupe contrôle.

L’efficacité de ce vaccin a été confirmée en étude de population

— d’une part en Californie du Nord (lieu de l’essai vaccinal) puisqu’un an après les

recommandations et la mise à disposition du vaccin une réduction de 58.1 % des

infections invasives était observée chez les moins de 2 ans [16].

— d’autre part au niveau de 7 états comptabilisant 16 millions de personnes dont

plus de 400 000 enfants de moins de 2 ans ou le taux d’infections invasives àpneumocoques dont le sérotype appartient au vaccin chute de 80 % en 2 ans [17].

Cette dernière étude montre par ailleurs une diminution de l’incidence des

infections invasives de 32 % chez les adultes de 20 à 39 ans et de 18 % chez les

sujets de plus de 65 ans alors que ces populations ne sont pas vaccinées. Ceci peut

être expliqué par l’action du vaccin sur le portage. Dans ces études, il n’y a pas eu

d’émergence de souche non contenue dans le vaccin et responsable d’infection

invasive.

Dans les pneumonies

Les résultats sur les pneumonies ont été repris récemment [18]. Lorsque le diagnostic

de pneumonie est uniquement clinique, il n’y a pas de différence significative entre le

groupe vacciné et le groupe contrôle. Dans les pneumonies avec anomalie radiolo-

gique (quelle que soit l’anomalie), l’efficacité est de 8.9 % (IC 95 % : 0.9-16.3, p. =

0.03) et lorsque l’anomalie radiologique est une opacité mesurant au moins 2.5 cm,

l’efficacité est de 17.7 % (IC 95 % : 4.8-28.9, p. = 0.01).

Au total pour les pneumonies avec radiologie évocatrice de pneumocoque, la

réduction de ce type de pneumonie est de 32.2 % la première année et de 23.4 % dans

les 2 premières années [18].

Dans les otites moyennes aiguës (16) définies cliniquement :

— Toutes otites confondues, l’efficacité est de 7 % (IC 95 % 4.1 ¢ 9.7)

— Dans les otites récidivantes définies par 3 épisodes ou plus d’otites en 6 mois ou

4 épisodes ou plus en un an, l’efficacité est de 9.5 % (IC 95 % : 3.2-15.3)

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— Dans les otites justifiant la pose d’aérateurs trans-tympaniques, l’efficacité est de

20.3 % (IC 95 % : 1.8-35.4).

Un autre essai s’est intéressé spécifiquement aux otites, mais avec analyse bactério-

logique [19]. Il s’agit là encore d’un essai randomisé en double aveugle. Les enfants

sont vaccinés soit par le vaccin anti-pneumococcique conjugué, soit par le vaccin

anti-hépatite B à 2, 4, 6 mois avec rappel à 12 mois. Les vaccins du calendrier

vaccinal sont administrés simultanément.

— Toutes otites confondues, la réduction du nombre d’otites est de 6 % (IC 95 % —4-16) ; le chiffre négatif indique une possible augmentation du nombre d’otites

dans le groupe vacciné.

— La réduction du nombre d’otites à pneumocoques confirmées par la culture est

de 34 % (IC 95 % : 21-45).

— La réduction du nombre d’otites à pneumocoques dont les sérotypes sont

contenus dans le vaccin est de 57 % (IC 95 % : 44-67).

— La réduction du nombre d’otites à pneumocoque dont le sérotype a une immu-

nité croisée avec ceux contenus dans le vaccin est de 51 %.

Au total, le vaccin anti-pneumococcique conjugué heptavalent est modérément

efficace dans la prévention des otites moyennes aiguës à pneumocoques dont les

sérotypes sont contenus dans le vaccin. Ce vaccin est efficace sur le portage naso-

pharyngé des souches dont le sérotype est contenu dans le vaccin [20] mais ces

souches sont remplacées par des pneumocoques de sérotypes différents dont le

potentiel pathogène n’est pas négligeable puisqu’il y a finalement davantage d’otites

dues à ces sérotypes dans le groupe vacciné.

Compte tenu de ces résultats, le vaccin antipneumococcique conjugué heptavalent a

reçu une autorisation de mise sur le marché pour la prévention des infections

invasives à pneumocoque de l’enfant de moins de 2 ans.

Les modalités d’administration du vaccin sont les suivantes : 3 injections respecti-

vement à 2, 3, 4 mois et un rappel un an plus tard.

Si l’enfant est vu après 6 mois : 2 injections à 1 mois d’intervalle et un rappel un an

plus tard si l’enfant est âgé de 7 à 11 mois.

Si l’enfant est vu après un an : 2 injections à 2 mois d’intervalle.

Les recommandations du conseil supérieur d’hygiène publique de France sont les

suivantes [21] :

Enfants de 2 mois à 2 ans présentant une pathologie les exposant à un risque élevéd’infection invasive à pneumocoque : vaccination fortement recommandée.

— Asplénie fonctionnelle ou splénectomie, drépanocytose homozygote.

— Infections par le VIH.

— Déficits immunitaires congénitaux ou secondaires à une insuffisance rénale

chronique ou un syndrome néphrotique et/ou à un traitement immunosuppres-

seur ou une radiothérapie pour néoplasie, lymphome ou maladie de Hodgkin,

leucémie, transplantation d’organe.

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— Cardiopathie congénitale cyanogène, insuffisance cardiaque.

— Pneumopathie chronique (à l’exception de l’asthme, sauf les asthmes sous

corticothérapie prolongée).

— Brèche cérébroméningée.

— Diabète.

Enfants de 2 mois à 2 ans exposés à un ou des facteurs de risque liés au mode de vie

identifiés dans la littérature : vaccination recommandée.

— Enfants gardés plus de quatre heures par semaine en compagnie de plus de deux

enfants en dehors de la fratrie.

— Enfants ayant reçu moins de 2 mois d’allaitement maternel.

— Enfants appartenant à une fratrie d’au moins trois enfants (d’âge préscolaire).

Ces recommandations sont compliquées et difficiles à retenir. Ne serait-ce que sur

l’argument concernant l’allaitement maternel, cette vaccination s’adresse à 70-80 %

des enfants de moins de 2 ans. Il faut rappeler que le facteur de risque principal de

faire une infection invasive à pneumocoque est d’avoir moins de 2 ans. Ce seul

facteur devrait suffire et la recommandation de vacciner devrait pouvoir être

étendue à tous les enfants de moins de 2 ans comme le recommande l’académie

américaine de pédiatrie [22].

Quoi qu’il en soit, la généralisation de ce vaccin nécessite la mise en place d’une

surveillance des infections invasives à pneumocoque non seulement pour évaluer

son efficacité mais aussi pour appréhender l’émergence éventuelle d’une souche de

sérotype non contenu dans le vaccin et responsable d’infection invasive. Si on

vaccine tous les enfants de moins de 2 ans, ce vaccin peut laisser espérer une

diminution de 80 % des méningites à pneumocoque dans cette tranche d’âge. Par

ailleurs, le portage des souches et leur sensibilité aux antibiotiques doivent égale-

ment être évalués. À condition que la prescription antibiotique diminue dans le

même temps, on devrait pouvoir assister à une diminution des souches de sensibilitédiminuée à la pénicilline. L’augmentation du nombre de sérotypes dans de futurs

vaccins permettraient vraisemblablement une meilleure efficacité dans les pneumo-

pathies en rajoutant les sérotypes 1 et 5, peut être dans les otites, et d’une façon

générale un vaccin plus adapté à l’ensemble de la planète [23].

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[21] Calendrier vaccinal 2003. Avis du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France. 17 janvier

2003. Bull. Epidemiol. Hebd., 2003, no 6, 4 février 2003, 33-40.

[22] American Academy of Pediatrics. Committee on Infectious Diseases. Policy Statement :

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mococcal conjugate vaccine (Prevnar). Pneumococcal polysaccharide vaccine and antibiotic

prophylaxis. Pediatrics, 2000, 106, 362-365.

[23] C R., O P., R P., G J. — Les vaccins antipneumococciques :

espoirs et limites. Med. Mal. Infect., 2002, 32 suppl 1 : 79-85.

DISCUSSION

M. Jeanne BRUGÈRE-PICOUX

En médecine vétérinaire, nous observons aussi des infections dues à Streptococcus pneumo-

niae, en particulier chez les ruminants, avec une septicémie rapidement mortelle chez les

jeunes et des troubles respiratoires pour les animaux plus âgés. On ne connaît pas l’impor-

tance de ces infections dans les troupeaux, ce germe n’étant pas systématiquement recher-ché. Une contamination d’origine animale ne pourrait être exclue dans le cas des infectionshumaines. Ce facteur de risque est-il connu ?

Je ne connais pas d’étude ayant cherché à mettre en évidence un risque de contaminationdes humains, et en particulier des enfants, à partir du monde animal. Le portage duPneumocoque, pharyngé, est parfaitement documenté chez les enfants de moins de deuxans. Il peut aller jusqu’à 50 % des enfants d’une crèche à un moment donné. Latransmissibilité inter-humaine est démontrée. Il serait peut-être intéressant d’étudierl’éventualité d’une transmission à partir du monde animal.

M. Géraud LASFARGUES

Peut-on envisager une amélioration de l’efficacité du vaccin contre les otites à Pneumoco-que ?

Comme je l’ai dit dans l’exposé, le vaccin anti-pneumococcique conjugué heptavalent n’apas donné les résultats escomptés dans l’otite moyenne aiguë du nourrisson. En effet,deux études, l’une effectuée en Californie du nord et l’autre en Finlande, montrent uneréduction globale du nombre d’otites moyennes aiguës dans la population vaccinée de 6à 8 %. L’étude finlandaise, qui était à la fois clinique et bactériologique, montre uneréduction de 35 % des otites à Pneumocoque, et de 57 % des otites à Pneumocoque dontles sérotypes sont contenus dans le vaccin. Il semble que ces résultats médiocres soientdus en particulier au sérotype 19. Il est vraisemblable d’autre part que le vaccin n’induitpas une immunitémuqueuse suffisante. Dans l’étude effectuée en Californie, qui n’est queclinique, on note une réduction des otites à répétition de 10 % et une réduction des otitesayant conduit à la pose de drains trans-tympaniques de l’ordre de 20 %. Enfin, il fautrappeler que ce vaccin a montré son efficacité sur le portage des Pneumocoques, et que lesPneumocoques dont le sérotype est contenu dans le vaccin sont remplacés par d’autresPneumocoques dont le sérotype n’est pas contenu dans le vaccin. Ces sérotypes sontresponsables eux-mêmes d’otites.

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M. Roger NORDMANN

Vous nous avez excellemment exposé l’intérêt d’une vaccination systématique des enfants de

moins de deux ans. Dès à présent, une prise en charge partielle par la sécurité sociale est

réalisée dans certaines indications précises (durée courte de l’allaitement, mise au contact

d’autres enfants fréquente, etc.). Malgré l’intérêt qu’aurait l’extension de cette prise en

charge à tous les enfants, estimez-vous qu’elle s’impose en cette période de déficit de

l’assurance-maladie, compte tenu du prix très élevé du vaccin ? Le rapport coût/bénéfice

justifie-t-il ce choix ? Il le serait à coup sûr si la résistance à la pénicilline des pneumocoques

incriminés s’étend aux autres antibiotiques dont on dispose. Est-ce le cas ?

Le rapport coût/bénéfice de ce vaccin n’a pas été établi de façon précise en France, en

tenant compte de son épidémiologie. Ce rapport est de toute façon difficile à établir. En

effet, si le diagnostic des infections invasives, c’est-à-dire bactériémie, septicémie, ménin-

gite et pneumonie bactériémique, est relativement facile du fait de la mise en évidence de

la bactérie dans un milieu normalement stérile, il n’en est pas de même des pneumonies

à Pneumocoque pour lesquelles l’hémoculture n’est positive que dans moins de 10 % des

cas, et des otites à Pneumocoque dans la mesure où le prélèvement bactériologique n’est

indiqué qu’en cas d’échec d’un premier traitement antibiotique. Il faut rappeler cepen-

dant qu’on peut estimer le nombre de méningites à Pneumocoque de l’enfant entre 150 et200 par an. Dix à 12 % de ces enfants meurent ; 30 % ont des séquelles, sachant qu’ils’agit d’un chiffre minimum dans la mesure où les trois études permettant d’évaluerquantitativement les séquelles ont eu un suivi de courte durée. Il n’est pas possibleactuellement de chiffrer de façon précise avec les outils dont on dispose le nombre debactériémies chez l’enfant, et le nombre d’otites moyennes aiguës dues au Pneumocoque.Si l’on en juge par l’efficacité rapportée dans les études de population aux États-Unis, etcompte tenu des données fournies en France par le Centre National de Référence duPneumocoque, on peut espérer réduire de 80 % les infections invasives, et de 85 % lesméningites à Pneumocoque. Le pourcentage de diminution des pneumopathies dans lapremière année de vie est aux États-Unis de 33 %, et dans la deuxième année de vie deplus de 20 %. Enfin, l’étude finlandaise montre une réduction des otites à Pneumocoquede 30 %. Il faudrait ajouter à ceci l’évaluation du coût indirect. Il est vraisemblable que lerapport coût/bénéfice obtenu en faisant la somme des bénéfices attendus justifie lavaccination de tous les nourrissons de moins de deux ans.

La deuxième partie de la question concerne la sensibilité des Pneumocoques aux anti-biotiques. Malheureusement, les Pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicillinesont multi-résistants et sont par exemple de sensibilité diminuée aux macrolides dans70 % des cas. Pour ne parler que des Pneumocoques isolés du liquide céphalo-rachidiendes enfants, 55 % sont de sensibilité diminuée à la pénicilline, mais 35 % sont desensibilité diminuée aux céphalosporines de troisième génération injectables de typeCéfotaxime ou Ceftriaxone. Il faut rappeler que les 7 sérotypes contenus dans le vaccinrecouvrent 90 % des sérotypes responsables de sensibilité diminuée à la pénicilline.

M. Pierre GODEAU

Chez les splénectomisés ou en cas d’asplénie fonctionnelle, la vaccination antipneumococ-cique s’impose, mais qu’en est-il de l’intérêt d’une antibioprévention ultérieure systématique

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et pendant combien de temps ? 5 ans ? 10 ans ? pour les pédiatres et quid en médecined’adulte.

Les pédiatres comme les adultes associent à la vaccination anti-pneumococcique uneantibioprophylaxie essentiellement avec de la pénicilline V chez les sujets splénectomisésou ayant une asplénie fonctionnelle. La durée pendant laquelle cette antibioprophylaxieest nécessaire n’est pas connue. D’une façon générale, les pédiatres la poursuivent jusqu’àl’âge adulte, âge auquel ils confient leurs malades aux adultes. Il semble que le rôle defiltre de la rate soit peu à peu remplacé chez les splénectomisés par les ganglions. Ceci metplusieurs années pour être efficace, mais je ne pense pas que quelqu’un puisse dire s’ils’agit de 5 ans ou 10 ans à l’heure actuelle.

M. Christian NEZELOF

Vous nous avez montré que les germes, en particulier les sérotypes, impliqués dans lesinfections pneumococciques sévères étaient ceux présents dans le rhinopharynx des enfants.Ne pensez-vous pas que le pic de fréquence trouvé dans les deux premières années de la viesoit lié avant tout à un déficit immunitaire local transitoire ?

Les données dont nous disposons concernant la colonisation du pharynx des enfants parle Pneumocoque ne semblent pas aller dans votre sens. C’est surtout dans les infectionssystémiques, c’est-à-dire après passage de la barrière de la muqueuse, que les enfants demoins de 2 ans ont un déficit de leur moyen de défense, puisqu’ils ne savent pas faire desanticorps efficaces vis-à-vis des antigènes polysaccharidiques. C’est le fait de conjuguer lepolysaccharide à une protéine qui transforme cet antigène en antigène T dépendantvis-à-vis duquel l’enfant est susceptible de fabriquer des anticorps efficaces dès l’âge de 2mois. Ces antigènes T dépendant induisent par ailleurs une mémoire immunitaire et sontefficaces sur le portage, comme ceci a pu être parfaitement démontré pour l’Hæmophilusinfluenzæ b.

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Pharmacovigilance des vaccins contre l’hépatite B

Pharmacovigilance of hepatitis B vaccines

Jean-Louis IMBS *, Nicole DECKER,

Marie WELSCH et le réseau français des Centres régionaux de pharmacovigilance

RÉSUMÉ

Entre la date de mise sur le marché des vaccins contre l’hépatite B disponibles en France, à

partir de 1984 jusqu’à la fin de l’année 2002, 1211 observations d’affections démyélinisantes

du système nerveux central (1109 cas dont 895 de sclérose en plaques) ou périphérique (102

observations dont 49 de syndrome de Guillain Barré) ont été notifiées au réseau français des

centres régionaux de pharmacovigilance dans le cadre d’une enquête officielle mise en place

par l’AFSSAPS. Rien ne particularise ces observations, tant sur le plan clinique qu’épidé-

miologique et aucun facteur de risque n’a pu être individualisé au sein de cette cohorte. Seule

la chronologie peut suggérer une relation causale, car dans tous les cas une vaccination

précède la pathologie. Devant cette impossibilité de réfuter toute relation de cause à effet,

plusieurs études pharmaco-épidémiologiques ont été réalisées. Leurs résultats, parfois

contradictoires, ne permettent pas d’exclure un risque faible.

M- : V . P. M -

.

SUMMARY

Since the hepatitis B vaccine are on the market in France, until the end of 2002, 1211observations of demyelinating disease of the central nervous system (1109 cases of which895 multiple sclerosis) or peripheral (102 cases of which 49 Guillain Barre Syndrom), havebeen reported to the french network of pharmacovigilance and to the AFSSAPS. It is notpossible to singularize these observations, neither from a clinical nor an epidemiologicalpoint of view. No risk factor has been detected. Only the chronology could suggest a causalrelationship, the vaccine preceeding the pathology in all the cases notified.

K- (Index Medicus) : H . P. -

.

* Correspondant de l’Académie nationale de médecine.

Tirés-à-part : Professeur Jean-Louis IMBS — Centre régional de pharmacovigilance Alsace, Hôpi-

taux Universitaires, 1 place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg.

Article reçu le 15 octobre 2003, accepté le 20 octobre 2003.

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INTRODUCTION

La sous-notification est la principale difficulté à laquelle se heurte une pharmaco-vigilance basée sur la déclaration spontanée par les professionnels de santé, tel lesystème français [1]. Cette sous-notification était particulièrement marquée pour lesvaccins, souvent perçus par les prescripteurs comme étant hors du champ de lapharmacovigilance. C’est pourquoi nous avons appliqué aux vaccins la mêmeméthode de surveillance de la sécurité d’emploi que pour l’ensemble des médica-ments. Il est en effet important que les prescripteurs conçoivent que les vaccinsparticipent au suivi général de la sécurité des thérapeutiques.

L’enquête officielle de pharmacovigilance concernant les effets indésirables desvaccins contre l’hépatite B a été mise en place par l’Agence française de sécuritésanitaire des produits de santé (AFSSAPS) en 1994 à la suite de la notificationd’atteintes neurologiques démyélinisantes. Dans ces observations, la responsabilitéde la vaccination contre l’hépatite B pouvait être suggérée par la chronologie.

Il est accepté que les lésions de démyélinisation caractérisant la sclérose en plaquessont d’origine auto-immune. Logiquement, des enquêtes portant sur des maladiesauto-immunes se sont ajoutées au suivi des atteintes neurologiques (tableau 1). Demême, à la suite de publications ou d’observations rapportées par des associationsde malades, des affections hématologiques, la sclérose latérale amyotrophique puisla myofasciite à macrophages se sont ajoutées au suivi. Ce sont les atteintes démyé-linisantes du système nerveux qui apparaissent les plus préoccupantes, que ce soit enraison du nombre des notifications, de la gravité de la pathologie, ou des difficultésd’évaluation de la relation de causalité avec les vaccins contre l’hépatite B. Elles fontl’objet de cet article de synthèse.

NOTIFICATIONS DE DÉMYÉLINISATION DU SYSTEME NERVEUX AUCOURS DE VACCINATIONS CONTRE L’HÉPATITE B

Validation des observations

Les observations ont été revues par un ou plusieurs experts neurologues. Les cas desclérose en plaques (SEP) ont été définis selon les critères de Poser et coll. [2]. Lesautres diagnostics retenus sont rassemblés sous le terme d’affection démyélinisantedu système nerveux central (ADSNC), en particulier en l’absence de disséminationdans le temps et dans l’espace des signes de démyélinisation. Le début d’une SEP estdéfini par l’apparition des premiers symptômes cliniques. Néanmoins, dans lamajorité des cas, plusieurs plaques de démyélinisation de localisations différentessont déjà visibles à l’examen IRM de façon suffisamment fréquente pour que cettedissémination des lésions lors du premier symptôme clinique soit prise en comptedans les critères diagnostiques de la SEP selon Mc Donald et coll. [3]. Ceci suggère

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T 1. — Affections suivies au cours de la vaccination contre l’hépatite B* par l’enquête menée

par le réseau des centres régionaux de pharmacovigilance et l’AFSSAPS

que les manifestations biologiques et anatomo-pathologiques de la maladie débu-

tent avant ses symptômes cliniques. La notion de première poussée de SEP ne peut

être retenue que rétrospectivement à l’occasion d’une seconde poussée. Une poussée

est définie par l’apparition de symptômes subjectifs ou objectifs durant au moins 24

heures, sachant que des ‘‘ pseudo-poussées ’’ peuvent être provoquées par une fièvre

ou une infection.

Données quantitatives

Selon les chiffres de ventes fournis par les firmes pharmaceutiques, plus de

90 millions de doses ont été distribuées en France depuis la mise sur le marché des

vaccins extractifs ou recombinants jusqu’à la fin de l’année 2002 (tableau 2). En

acceptant par une grossière approximation que chaque personne a reçu 3 doses, la

moitié de la population française a été vaccinée.

Un total de 1211 notifications d’affections démyélinisantes du système nerveux

central (895 cas de sclérose en plaques et 214 d’ADSNC) ou périphérique (102

observations dont 49 cas de syndrome de Guillain-Barré) a été notifié dans le même

temps (tableau 3) au cours d’immunisation par l’un ou plusieurs des vaccins

disponibles en France. Ceci correspond à une incidence de 1,32 cas de démyélinisa-

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T 2. — Doses vaccinales** délivrées en France et nombre de cas d’affections démyélinisantes,

par année de survenue

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T 3. — Affections démyélinisantes du système nerveux et vaccination contre l’hépatite B,

notifiées pour l’ensemble des vaccins disponibles en France, entre leur date de commercialisa-

tion et le 31/12/02.

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T 4. — Distribution selon l’âge des atteintes démyélinisantes centrales ou périphériques chez

des enfants âgés de 15 ans ou moins, rapportées au cours de vaccinations contre l’hépatite B

entre la date de commercialisation des vaccins disponibles en France et le 31 décembre 2002.

tion du système nerveux ou de 0,98 cas de sclérose en plaques pour 100.000 doses

distribuées (ou d’environ 3,9 ou 3 cas respectivement pour 100.000 personnes

vaccinées).

Soixante-seize notifications de démyélinisation ont été recueillies chez des enfants

de 15 ans ou moins, comportant 60 démyélinisations centrales dont 30 cas de SEP et

30 cas d’ADSNC, ainsi que 12 cas de syndrome de Guillain Barré (tableau 4) ; la

plupart des observations concernent des enfants âgés de 10 à 15 ans (60 des 76 cas).

Il est particulièrement difficile de disposer de chiffres de vente selon les tranches

d’âges inférieurs à 15 ans. Grâce à l’AFSSAPS, nous disposons de valeurs extrapo-

lées à partir d’un panel de prescripteurs sur des tranches d’âge qui ne recouvrent

malheureusement pas strictement les tranches utilisées pour donner la distribution

des cas de démyélinisation selon l’âge. En approximation, il est possible de les

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utiliser pour estimer l’incidence des démyélinisations centrales évaluée pour 100.000

doses. Elle est très inférieure à celle qui est observée chez l’adulte (0,16 au lieu de

0,98) et ceci correspond aux données de la littérature concernant l’épidémiologie de

la sclérose en plaques.

ÉVALUATION DU LIEN DE CAUSALITÉ

Méthode française d’imputabilité

La méthode française d’imputabilité [4] est conçue pour détecter des signaux. Elle

repose sur 7 critères répartis en données séméiologiques ou chronologiques permet-

tant de calculer un score gradué en 5 niveaux (allant de ‘‘ très vraisemblable ’’ à‘‘ paraissant exclu ’’) et modulé par un coefficient tenant compte de la littérature

existante lors de l’évaluation (allant de la connaissance d’un effet attendu et men-

tionné dans le résumé des caractéristiques du médicament, à un effet nouveau

jamais publié).

Selon cette méthode, l’analyse des observations de démyélinisation au cours d’une

vaccination contre l’hépatite B mène à une imputabilité ‘‘ douteuse ’’. En effet, la

chronologie des événements est évidemment toujours compatible, l’atteinte neuro-

logique étant précédée dans toutes les notifications d’une vaccination. Le délai de

survenue est variable, de quelques jours à quelques années. Rien actuellement ne

permet de caractériser par un délai de survenue raisonné les atteintes neurologiques

au cours de la vaccination. Il n’est d’ailleurs pas impossible que les événements

biologiques signant le début d’une démyélinisation débutent avant l’injection vac-

cinale, celle-ci apparaissant soit comme un facteur favorisant soit comme un épi-

phénomène sans relation. C’est pourquoi nous avons retenu toutes les notifications,

quel qu’en soit le délai. La constatation d’un maximum d’incidence de démyélini-

sations (2,54 cas/100.000 doses en 1998 pour un nombre de doses vendues d’environ

4,5 millions) trois ans après un pic de vaccination (23 millions de doses vendues en

1995, avec une incidence de 1,03 cette même année) peut d’ailleurs témoigner autant

d’un délai biologique prolongé dans la relation causale que d’un biais de notoriété(tableau 2).

Dans l’évaluation de l’imputabilité, l’effet d’une réadministration du même produit

suspecté d’être en cause pèse d’un poids important. Une réadministration positive

est un argument fort pour un lien de causalité. De telles situations ont été observées

lors de réadministration de vaccin contre l’hépatite B mais beaucoup plus rarement

que de très nombreuses réadministrations négatives.

Rien ne particularise sur le plan séméiologique les cas de SEP survenue au cours

d’une vaccination contre l’hépatite B. S’y retrouve la même prédominance pour la

tranche d’âge de 20 à 40 ans et pour le sexe féminin (deux fois plus de femmes), la

même fréquence de formes infantiles avec l’absence de cas de démyélinisation notifiéau dessous de 24 mois (tableau 4), un pourcentage analogue de formes familiales,

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moins rares chez l’enfant de moins de 15 ans. Les formes cliniques sont usuelles avec

en particulier une très grande rareté des formes graves évolutives d’un seul tenant.

La même situation est retrouvée pour les autres démyélinisations (ADSNC ou

Guillain Barré) si ce n’est l’absence de prépondérance féminine.

Recherche d’un lien de causalité

La discussion d’un lien de causalité repose sur cinq concepts. La vraisemblancebiologique de l’induction d’une maladie auto-immune par l’administration de l’anti-

gène Hbs, bien que ténue, reste une hypothèse jugée possible par la communautéscientifique. L’enquête de pharmacovigilance apporte un élément en sa défaveur :

l’incidence (calculée pour 100.000 doses) des SEP est différente (en moyenne de

0,98) de celle des syndromes de Guillain Barré (en moyenne de 0,05). Une telle

différence n’est pas en faveur d’un mode d’action biologique commun aux démyé-

linisations notifiées au cours d’une vaccination contre l’hépatite B.

L’existence d’une relation dose-effet est un argument essentiel pour juger de la forcede l’association. Dans le cas des vaccins contre l’hépatite B, il n’y a aucune relation

entre le nombre d’injections vaccinales et la survenue de la démyélinisation. La

raison pourrait en être l’absence de relation dose-effet en cas de réaction immune. La

spécificité de la réponse au produit incriminé est également importante. Les démyé-

linisations après vaccination ne semblent pas se distinguer de la maladie spontanée.

Des facteurs de risques ne sont pas apparents, ni dans la fréquence des formes

familiales, ni dans la distribution des âges. L’influence de facteurs génétiques (tel

qu’un facteur HLA-DR2) pourrait jouer ce rôle [5]. En dehors de publications

ponctuelles, il n’a pas été recherché sur de larges échantillons de patients vaccinés

souffrant de démyélinisation. Environ 50 % des observations sont survenues dans

les trois mois suivant une vaccination. Cette relation temporelle doit être prise en

compte et peut témoigner d’un lien de causalité ou d’une coïncidence majorée par

un biais de notoriété.

Enfin, la reproductibilité en cas de lien causal veut qu’à une même cause, réponde les

mêmes effets : ce ne semble pas être le cas si l’on considère l’absence d’augmentation

de la fréquence des scléroses en plaques notifiées au cours de vaccinations aux États-

Unis. Un rapport récent rend compte de l’activité du Vaccine Adverse Event

Reporting System ou VAERS [6]. Au cours des onze années allant de début 1991 àfin 2001, le système VAERS a reçu plus de 128.000 notifications correspondant à la

distribution de plus de 1,9 billions de doses vaccinales, les vaccins contre l’hépatite

B en représentant 200 millions. La fréquence des notifications de sclérose en plaques

paraît très inférieure à celle des syndromes de Guillain Barré (264 observations au

lieu de 820) pour l’ensemble des notifications reçues après vaccination contre

l’hépatite B.

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CONSÉQUENCES DE L’ENQUÊTE DE PHARMACOVIGILANCE

Les notifications d’atteintes démyélinisantes centrales ont conduit l’Agence du

Médicament à modifier, à titre de précaution, l’information destinée aux prescrip-

teurs et aux patients, en mentionnant dans le Résumé des caractéristiques du vaccin

(RCP ou annexe 1 de l’Autorisation de Mise sur le Marché) la possibilité de survenue

d’atteintes démyélinisantes du système nerveux central et en ajoutant une précau-

tion d’emploi spécifique chez les patients atteints de sclérose en plaques. Seul le RCP

de GenHévac B®, titulaire d’une AMM nationale, a pu faire l’objet de cette

modification, les autres états membres européens ayant refusé la proposition fran-

çaise d’inclure cette mention pour les vaccins faisant l’objet d’un enregistrement

communautaire.

L’examen répété, en 1995 et 1996, des données de pharmacovigilance issues de la

notification spontanée s’étant avéré insuffisant pour étayer l’hypothèse d’une asso-

ciation entre vaccination contre l’hépatite B et atteintes démyélinisantes, la commis-

sion nationale de pharmacovigilance a, en décembre 1996, demandé la réalisation

d’études épidémiologiques.

Deux facteurs ont certainement contribué à majorer le nombre des notifications de

démyélinisations au cours de vaccinations contre l’hépatite B : le nombre d’adultes

vaccinés en France à l’âge où apparaissent la plupart des scléroses en plaques, une

médiatisation vers le grand public précédant et rendant plus difficile l’évaluation des

données. La conséquence en a été une baisse de la couverture vaccinale, touchant en

particulier les nourrissons. Face à cette diminution de leur prévention, il sera

important de prévoir dès à présent un suivi des complications graves précoces

(forme fulminante) ou à long terme (cirrhose et hépato-carcinome) de l’hépatite B.

BIBLIOGRAPHIE

[1] W M., A M., R M.H., I J.L. — Le réseau de pharmacovigilance français :

structure et missions. La Presse Médicale, 2000, 29, 102-106.

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diagnostic criteria for multiple sclerosis : guidelines for research protocoles. Ann. Neurol., 1983,

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[3] MD W.I., C A., E G., G D., H H.P. et coll. Recommended

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diagnosis of multiple sclerosis. Ann. Neurol., 2001, 50, 121-127.

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[5] O J.R., B S.E., B L.F., H S.L. Multiple sclerosis : genomic

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[6] Z W., P V., I J.K., E-B R., B R. et coll. — Surveillance for

safety after immunization. VAERS-United States, 1991-2001. In : Surveillance Summaries,

2003, MMWR 2003, 52/SS1, 1-24.

DISCUSSION

M. Émile ARON

L’ordonnance qui créa l’Académie de médecine, le 20 décembre 1820, lui confiait, dans

son article 2, la mission de propager la vaccination jennérienne. Notre Compagnie s’est

brillamment acquittée de cette tâche. Contrairement au vaccin contre l’hépatite B, objet

de mon intervention, la vaccine provoquait une petite maladie, après une incubation de

trois jours. La seule complication grave retenue était l’encéphalite vaccinale qui fut

attribuée à des lésions de démyélinisation péri vasculaire, traduisant une sensibilisation

allergique. Mais fait capital, on découvrit que cette encéphalite vaccinale survenait

lorsque la primo-vaccination avait été effectuée tardivement. On recommanda alors de

vacciner les nourrissons avant deux ans. Ce rappel historique n’est pas inutile pour

l’application de la vaccination contre l’hépatite B. Je ne reviens pas sur ma communica-

tion du 5 février 2002 où j’ai souligné qu’il n’y avait aucune preuve que cette vaccination

puisse être à l’origine d’une sclérose en plaques. Depuis, l’innocuité de ce vaccin a étéconfirmée par l’Institut de Médecine des États-Unis en mai 2002 et par une réunion

internationale tenue à Paris en septembre 2003, à la demande du Ministre de la Santé, oùparticipaient, avec des experts internationaux, nos deux confrères : P. Bégué et J.L. Imbs

Cet aréopage compétent a conclu qu’il n’existait pas d’arguments en faveur de l’existence

d’une association entre la vaccination contre l’hépatite virale B et les pathologies démyé-

linisantes. Je m’associe à leur souhait d’une vaccination de tous les nourrissons. Ceux-ci

répondent à la vaccination par un taux d’anticorps supérieur à celui des adultes, et ces

anticorps persistent 15 ans après la vaccination. Les recherches immunologiques ont

démontré l’importance d’une immunité mémoire après l’éventuelle disparition des anti-

corps vaccinaux, qui serait efficace en cas d’infection par le virus B. On peut donc espérer

qu’un rappel ne serait pas nécessaire après une primo-vaccination. Un vaccin pour les

nourrissons a été mis au point par les chercheurs des Laboratoire Aventis Pasteur et

Smith-Kline Beecham. Il a l’avantage de protéger à la fois contre la diphtérie, le tétanos,

la coqueluche, la poliomyélite, le virus de l’hépatite B et l’Hémophilus influenzae, le

vaccin est utilisé en Italie, en Allemagne, en Autriche. L’Académie nationale de médecine,

conseillère du gouvernement, doit convaincre celui-ci d’insérer d’urgence ce nouveau

vaccin dans le calendrier vaccinal.

Comment ne pas participer à votre démarche pour une vaccination contre l’hépatite B de

tous les nourrissons, alors qu’il est universellement accepté que le vaccin contre le VHB,

issu du génie génétique et remarquablement efficace, pourrait réduire massivement les

conséquences de l’infection par le virus, si le taux de couverture dépassait 90 % de la

population ? Nous nous en écartons de plus en plus dans notre pays : l’exemple d’uneconsultation de toxicomanes au Centre Marmotan est malheureusement éloquent : 61 %des nouveaux patients suivis en 2001 n’avaient jamais été vaccinés contre l’hépatite B aulieu de 39 % en 1999 (BEH, 2003, 7 : 41-42).

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M. Jean-Daniel SRAER

Les insuffisants rénaux chroniques ont été parmi les premiers concernés par la vaccination

anti-hépatite B. Des cas de SEP ont-ils été constatés chez ces patients ?

Les insuffisants rénaux en épuration extra-rénale — et les professionnels de santé qui les

traitent — ont, en effet, été parmi les premiers bénéficiaires de la vaccination contre

l’hépatite B, dès la mise au point des premiers vaccins extraits du plasma. Je n’aicependant pas la mémoire d’une notification de sclérose en plaques concernant de telspatients. Le point que vous soulevez est important car cette population est sans doutecelle pour laquelle nous disposons du plus long recul.

M. Gabriel BLANCHER

En ce qui concerne les rapports entre la vaccination contre l’hépatite B et l’apparitiond’affections démyélinisantes, peut-on espérer que de nouvelles enquêtes épidémiologiquespermettront un jour de donner une réponse ferme ? Ou bien les conditions mêmes de cesenquêtes rendent-elles impossible l’obtention d’une telle réponse ?

La place d’un doute scientifique doit, au moins théoriquement, être respectée. Enpratique, il semble bien que de nouvelles enquêtes épidémiologiques ne pourraientapporter la décision. Plusieurs faits permettent de le penser : — un biais de notoriété,rendu de plus en plus pesant par les medias, existe dans notre pays où s’est produite laplus forte exposition au vaccin jamais observée pour une population d’adultes âgés de 20à 44 ans, tranche d’âge où l’incidence des scléroses en plaques est maximale. — S’il existe,le risque est trop faible pour être saisi par une approche statistique. Ainsi, en dehors de larécente étude de Hernan et coll. (2003 soumise à publication ; résumé in Pharmacoepi.and Drug Safety 2003,12 : S 59-60) aucune enquête n’a montré d’association statistique-ment significative, le risque relatif se situant entre 1,2 et 3. — L’étude de Hernan, citéeplus haut, porte sur la même base de données anglaise (General Practice ResearchDatabase) que celle utilisée par plusieurs enquêtes pharmaco-épidémiologiqueconcluant à l’absence de signification statistique mais choisissant des critères d’inclusiondifférents. Ceci montre bien la faiblesse d’un éventuel lien de causalité.

M. Michel ARTHUIS

Il existe à la D.G.S. une commission de réparation à l’amiable des accidents vaccinauxdepuis 23 ans environ. En faisant partie depuis sa fondation, nous avons adopté, pour lesaffections démyélinisantes, un délai de deux à trois mois en cas de vaccination obligatoire.Votre rapport excellent a mis dans mon esprit des doutes sur notre attitude. Qu’en pensez-vous ?

La plupart des études épidémiologiques recherchant un lien de causalité entre la vacci-nation et l’apparition d’une démyélisation ont retenu un délai identique au vôtre, de 2 ou3 mois selon les études. Ce laps de temps est fondé sur les délais de survenue maximum depoussées de démyélisations observées chez des patients atteints de sclérose en plaqueslors d’une infection fébrile intercurrente ou d’une autre stimulation du système immuni-taire. De façon très théorique, nous n’avons pas voulu fixer de délai de survenue pouraccepter ou refuser des notifications de démyélisation du système nerveux dans les suites

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d’une vaccination contre l’hépatite B. Nous nous sommes basés, d’une part, sur l’absenced’argumentaire sur le mécanisme susceptible d’intervenir et, d’autre part, sur le faitqu’accepter un délai revenait à suggérer l’existence d’un lien : nous quittions ainsi le bonsens clinique mais respections les règles de la pharmacovigilance.

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Le Mercure et les Vaccins

Mercury in vaccines

Luc HESSEL *

RÉSUMÉ

Le mercurothiolate, merthiolate ou thiomersal, est un dérivé de l’éthylmercure utilisécomme conservateur afin de prévenir la contamination bactérienne des flacons de vaccinsmultidose après ouverture. L’exposition à de faibles doses de thiomersal a été essentielle-ment associée à des réactions d’hypersensibilité. Cependant, peu de données étayent le faitque l’allergie au thiomersal soit induite par les vaccins. L’allergie au thiomersal esthabituellement à type d’hypersensibilité retardée, mais les tests de sensibilisation semblentavoir une pertinence clinique faible. Une hypersensibilité connue au thiomersal n’est pasconsidérée comme une contre-indication à la vaccination par un vaccin en contenant. En1999, aux États-Unis, le thiomersal était utilisé dans plus de trente spécialités vaccinalesindiquées chez l’enfant, contre deux en France. Bien qu’aucune preuve n’ait permis àl’époque de soupçonner un risque de toxicité neurologique mercurielle dû au thiomersalcontenu dans les vaccins, la dose cumulée de mercure qui pouvait être administrée chez unmême nourrisson aux Etats-Unis a été considérée suffisamment élevée (quoique inférieureaux normes admises par la FDA) pour que soit demandé à tous les producteurs d’éliminer lethiomersal de leurs vaccins. Depuis 2002, en Europe et aux États-Unis, tous les vaccinsindiqués chez l’enfant sont désormais dépourvus de thiomersal ou n’en contiennent plus qu’àl’état de trace. Des études complémentaires on montré depuis que les taux de mercure dansle sang, les selles et les urines d’enfants vaccinés avec des vaccins contenant du thiomersal,étaient très inférieurs à ceux admis par l’Agence Américaine de Protection de l’Environne-ment. On a aussi montré que l’élimination du mercure chez ces enfants était beaucoup plusrapide que ce qui était attendu sur la base des études précédentes conduites sur la toxicité dumercure d’origine alimentaire (méthylmercure). La polémique a été relancée récemmentavec l’hypothèse que le mercure contenu dans les vaccins pourrait être la cause d’autisme etde troubles de développement comportementaux associés. À ce jour aucune des étudesépidémiologiques conduites en Europe ne permet de soutenir cette théorie. S’il est évidem-ment souhaitable d’éviter d’exposer inutilement tout vacciné à un agent potentiellementtoxique, il faut noter que : — la communication sur le sujet a conduit à une baisse sensibleet durable de la vaccination des nourrissons nés de mère infectée par le virus de l’hépatite Baux États-Unis ; — la question de la dose cumulée de mercure contenue dans les vaccins netouchait que très peu la France, aucun des vaccins indiqués chez les nourrissons, à l’excep-tion de deux vaccins hépatite B jusqu’en 2002, ne contenait de thiomersal ; — pour les paysen voie de développement, utilisateurs de vaccins en présentation multidose contenant du

* Directeur des affaires médicales et publiques, Europe, Aventis Pasteur MSD. 8, rue Jones Salk —

69367 Lyon cedex 07.

Article reçu et accepté le 20 octobre 2003.

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thiomersal, le passage à des vaccins dépourvus de thiomersal, donc en présentation unidose,représenterait un tel surcoût que, sur la base des budgets actuels, des millions d’enfants nepourraient plus être vaccinés. Les vaccins contenant du thiomersal restent donc recomman-dés et utilisés par l’OMS dans le cadre du Programme élargi de Vaccination.

M- : V. M. T. H. T -

.

SUMMARY

Thiomersal, also called thimerosal, is an ethyl mercury derivative used as a preservative toprevent bacterial contamination of multidose vaccine vials after they have been opened.Exposure to low doses of thiomersal has essentially been associated with hypersensitivityreactions. Nevertheless there is no evidence that allergy to thiomersal could be induced bythiomersal-containing vaccines. Allergy to thiomersal is usually of delayed-hypersensitivitytype, but its detection through cutaneous tests is not very reliable. Hypersensitivity tothiomersal is not considered as a contraindication to the use of thiomersal-containingvaccines. In 1999 in the USA, thiomersal was present in approximately 30 differentchildhood vaccines, whereas there were only 2 in France. Although there were no evidence ofneurological toxicity in infants related to the use of thiomersal-containing vaccines, theFDA considered that the cumulative dose of mercury received by young infants followingvaccination was high enough (although lower than the FDA threshold for methyl mercury)to request vaccine manufacturers to remove thiomersal from vaccine formulations. Since2002, all childhood vaccines used in Europe and the USA are thiomersal-free or contain onlyminute amounts of thiomersal. Recently published studies have shown that the mercurylevels in the blood, faeces and urine of children who had received thiomersal-containingvaccines were much lower than those accepted by the American Environmental ProtectionAgency. It has also been demonstrated that the elimination of mercury in children was muchfaster than what was expected on the basis of studies conducted with methyl mercuryoriginating from food. Recently, the hypothesis that mercury contained in vaccines could bethe cause of autism and other neurological developmental disorders created a new debate inthe medical community and the general public. To date, none of the epidemiological studiesconducted in Europe and elsewhere support this assumption. Although any effort should bemade to avoid useless exposure of vaccinees to a potentially toxic compound, it should beemphasised that 1) public communication on this issue has led to a decrease in the hepatitisB vaccination coverage of children born to HBs Ag positive mothers in the US ; 2) this issuewas not really relevant in France where until 2002, apart from two hepatitis B vaccines, allchildhood vaccines were thiomersal-free, and 3) in developing countries using multidosevaccine vials, moving to thiomersal-free vaccines in unidose presentations would representsuch an incremental cost that millions of children would no more have access to vaccination.Therefore the World Health Organisation still recommends the use of thiomersal-containing vaccines as part of the expanded programme of immunisation.

K- (Index Medicus) : V. M. T. H.

B S.

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INTRODUCTION

En dehors de sa forme métallique liquide dangereuse pour les vapeurs qu’elledégage, l’homme est exposé à deux formes organiques dumercure, leméthylmercure(CH3Hg+) et l’éthylmercure CH3CH2HG+) [1]. Le poisson est la principale formed’exposition au méthylmercure depuis que ce dernier n’est plus utilisé commefongicide. La principale source d’exposition à l’éthylmercure sont les produitspharmaceutiques dont la formulation contient un conservateur, le thiomersal. Lemercurothiolate ou thiomersal, encore appelé thimérosal, est un composé organo-mercuriel considéré comme le plus efficace des agents de conservation. Il est utilisécomme antiseptique dans les produits pharmaceutiques et cosmétiques (larmesartificielles, liquide de conservation des lentilles de contact). Son emploi commeagent antibactérien et antifongique remonte aux années 1930. Comme tous lesautres produits injectables, les vaccins doivent être exempts de contaminants micro-biens accidentels. Le thiomersal peut être utilisé soit dans la fabrication des vaccinspour inactiver les organismes au niveau des produits intermédiaires, soit être ajoutéau produit fini comme agent de conservation afin de prévenir sa contaminationaprès commercialisation. Bien qu’il ne soit pas indispensable que les présentationsmonodose des vaccins renferment un agent de conservation si la stérilisation a étéefficace, le recours à ce type de produits est nécessaire pour les flacons multidose carles prélèvements multiples dans le flacon peuvent entraîner une contaminationmicrobienne.

Le thiomersal contient le radical éthylmercure attaché au groupe soufré du thiosa-licylate. Il renferme 49.6 % de mercure en poids et à ce titre peut représenter desrisques toxicologiques au même titre que les autres composés mercuriels. Cepen-dant, comme on le verra, son métabolisme s’avère plus rapide que celui du méthyl-mercure. La concentration de thiomersal que l’on retrouve dans la préparationfinale des vaccins est faible, de l’ordre de 15 à 25 µg / dose. Lorsqu’un sujet reçoit unvaccin renfermant du thiomersal, la concentration résultante d’éthylmercure méta-bolisé est encore réduite car le produit est dilué dans l’organisme.

EFFETS DU MERCURE SUR LA SANTÉ

Le mercure peut avoir deux grands types d’effets sur l’organisme humain : unetoxicité neurologique et rénale et des phénomènes allergiques [1].

Toxicité des dérivés mercuriels

Le mercure a des effets neurotoxiques connus, principalement dans sa forme orga-nique, le méthylmercure, lors qu’il est ingéré en grande quantité ou lorsque l’expo-sition est prolongée. Il a également des effets néphrotoxiques dans sa forme inorga-

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nique. Les recherches sur la toxicité du mercure ont essentiellement porté sur le

méthylmercure car il s’agit d’un contaminant environnemental important. Outres

les accidents environnementaux survenus en Irak ou au Japon [1], la principale

inquiétude sur la toxicité du mercure est liée à l’exposition au méthylmercure

provenant de l’ingestion de poissons qui peuvent en contenir de fortes concentra-

tions. Dans certaines communautés où le poisson fait partie de l’alimentation de

base, il peut être responsable de fortes concentrations dans l’organisme humain.

L’expérience de certaines catastrophes écologiques a montré que l’exposition à des

doses élevées de méthylmercure pouvait entraîner des lésions du système nerveux

central chez le fœtus. Des réglementations concernant les seuils d’exposition ont

ainsi été définies par pouvoirs publics pour éviter de tels catastrophes environne-

mentales et en prévenir les conséquences sur le développement cérébral des popu-

lations exposées. Par contre, les études consacrées au développement psychomoteur

des nourrissons exposés au méthylmercure en provenance de poissons contaminés

pendant des périodes prolongées dans différentes populations ont montré des

résultats discordants [1].

Pour ce qui est de l’éthylmercure, on en sait très peu sur sa toxicité chez l’homme. Le

risque dû au thiomersal, s’il existe, serait extrèmement faible. On dispose de données

sur des épisodes d’intoxication aiguë accidentelle par de très fortes doses de thio-

mersal et des médicaments mal préparés contenant du thiomersal. Toutefois, la

quantité de thiomersal contenue dans les vaccins est faible et les études préliminaires

sur l’exposition à de très faibles doses de thiomersal n’ont pas permis d’identifier

d’effets secondaires, en dehors de réactions d’hypersensibilité décrites ci dessous. La

principale préoccupation concernant la présence de thiomersal dans les vaccins est

liée à leur utilisation chez le nourrisson. Du fait de sa plus faible masse corporelle, il

est susceptible de présenter des concentrations plus élevées, quoique encore faibles,

d’éthylmercure que les autres enfants ou les adultes. Etant donné que le développe-

ment neurologique des nourrissons n’est pas terminé, il est possible, en théorie, que

les effets éventuels du mercure organique soient plus grands. Mais ce phénomène n’apas été confirmé à ce jour et reste du domaine de la théorie. Les études épidémiolo-

giques conduites aux États-Unis n’ont pas montré de troubles du développment

psycho-comportemental chez les enfants ayant reçu des vaccins contenant du

thiomersal. Au cours des premières études conduites en 1999 pour évaluer les effets

du thiomersal dans les vaccins, le profil toxicologique de l’éthyle mercure étant

inconnu, on a considéré qu’il était le même que celui du méthyle mercure. Depuis

lors on a pu montrer que le métabolisme de ces deux composés était très différent.

On pense que la plus grande partie de l’éthylmercure dérivé du thiomersal est

rapidement excrétée dans les selles. Une étude entreprise récemment [2] indique en

effet que la demi-vie sérique de l’éthylmercure chez le nourrisson ayant reçu des

vaccins contenant du thiomersal était plus courte (7 à 10 jours) que ce qu’avaient

laissé penser des travaux portant sur le méthylmercure et qu’elle ne semblait

pas faire augmenter les concentrations sanguines en mercure au dessus des

valeurs admissibles. Ce qui veut dire que pendant la période entre deux injections

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vaccinales tout le mercure aura été excrété, évitant tout phénomène d’accumula-

tion.

Mercure et autisme

Dans les années 1990, avec la mise sur le marché dans certains pays de nombreux

vaccins contenant du thiomersal, la moyenne cumulée d’exposition au mercure chez

les nourrissons a augmenté. Ceci a conduit à suggérer que l’exposition aux vaccins

contenant du thiomersal pouvait augmenter le risque de troubles du développement

neuro-comportemental tels que l’autisme, les déficits d’attention, l’hyperactivité ou

des retards de langage. Le comité sur la sécurité des vaccins de l’Institut de Médecine

aux États-Unis a procédé à une revue détaillée et indépendante de ce sujet en 2000

[3]. Il a conclu qu’il n’était pas possible d’accepter ou de rejeter une relation causale

entre l’utilisation de vaccins contenant du thiomersal et les troubles comportemen-

taux du fait du manque de données scientifiques. Depuis lors, plusieurs travaux ont

été conduits et publiés qui ont analysé l’association entre l’utilisation des vaccins

contenant du thiomersal et l’autisme. Une large étude danoise menée sur plus de

400 000 enfants n’a pas mis en évidence d’association entre la vaccination des

enfants avec un vaccin contenant du thiomersal et le développement de l’autisme ou

de troubles apparentés [4]. Une analyse du registre central de recherche sur les

maladies psychiatriques réalisée aussi au Danemark sur une période de 30 ans

(1971-2000) n’a pas montré d’augmentation de l’incidence de l’autisme pendant la

période où des vaccins contenant du thiomersal étaient utilisés [5]. Tous les travaux

conduits à ce jour ont permis de rejeter une telle relation causale [6-7]. L’Organisa-

tion Mondiale de la Santé a également pris officiellement une position similaire,

indiquant que le thiomersal posait seulement un risque théorique faible de toxicitépour le développement neurologique des nourrissons [8]. Le risque connu de mor-

bidité et de mortalité lié aux maladies évitables par la vaccination et aux flacons de

vaccins multidose contaminés dépasse de loin le risque potentiel posé par le thio-

mersal. Plus récemment toutefois, le Comité Consultatif Mondial sur la Sécurité des

Vaccins de l’OMS, qui étudie les données disponibles depuis que le problème a étésoulevé, a conclu qu’il n’y avait aucune preuve de toxicité chez les nourrissons, les

enfants ou les adultes exposés au thiomersal par le biais des vaccins [9].

Réactions d’hypersensibilité

L’exposition à de faibles doses de thiomersal, en particulier dans le cadre de

l’utilisation de produits cosmétiques a été associée à des réactions d’hypersensibilité[10]. La plupart des réactions allergiques au thiomersal contenu dans les vaccins ne

concernent que de petits nombres de patients. On a signalé aussi bien des réactions

d’hypersensibilité retardée que des réactions d’hypersensibilité immédiate, le pre-

mier mécanisme étant le plus fréquent des deux. Des réactions d’hypersensibilité

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immédiate, notamment des réactions anaphylactiques et des troubles des complexes

immuns circulants liés à certains produits contenant du thiomersal, ont aussi étérapportées, mais il n’a pas été clairement établi que le thiomersal en était l’agent

responsable. Quoique la quantité de mercure associée à ce type de réaction, dû à des

cosmétiques et à d’autres produits pharmaceutique soit faible, elle est encore

beaucoup plus élevée que les quantités contenues dans les vaccins. À ce jour, on n’apas observé de réactions anaphylactiques à la suite de l’administration de vaccins

contenant du thiomersal. Cette éventualité demeure donc un risque théorique. Il est

toutefois légitime de se préoccuper des sujets qui disent avoir des antécédents

d’hypersensibilité au thiomersal contenu dans le liquide de conservation des lentilles

de contact. Chez ces sujets, il convient de déterminer la nature des réactions

allergiques avant d’administrer un vaccin contenant du thiomersal. Des antécédents

de réaction anaphylactique constitueraient alors une contre-indication à l’adminis-

tration d’un vaccin contenant du thiomersal. Bien qu’un résultat positif au test

cutané et possiblement au test intradermique soit un facteur de risque de réaction

allergique, ce type de résultat est généralement faiblement prédictif de la possibilitéd’une réaction à un vaccin contenant du thiomersal. En effet, la plupart des sujets

présentant une sensibilisation avérée au thiomersal tolèrent les vaccins contenant du

thiomersal sans réaction indésirable. Cependant, en cas d’antécédents de réactions

anaphylactiques au thiomersal, quelque soit le produit en cause, il est logique de

contre indiquer l’utilisation de vaccins contenant du thiomersal.

LA POSITION DES AUTORITÉS DE SANTÉ ET DES POUVOIRS PUBLICS

Agence Européenne d’Évaluation des Médicaments (EMEA)

À l’inverse des autorités américaines qui, devant la crainte des risques pour la santédu fait de la présence de thiomersal dans les vaccins, ont décidé en 1999 de repousser

à l’âge de 2 à 6 mois la vaccination hépatite B des nouveaux nés à la naissance

jusqu’à ce que des vaccins sans thiomersal soient disponibles, les autorités de santéde l’Union Européenne et de ses états membres ont pris des dispositions beaucoup

plus raisonnables. L’EMEA a commencé à étudier le problème du thiomersal en

1998 et a émis ses recommandations en juin 1999 [11]. Se basant sur les recomman-

dations de l’OMS concernant le méthylmercure, le Comité des Spécialités Pharma-

ceutiques (CPMP) a conclu qu’il n’y avait pas de raison pour que la quantité de

thiomersal contenue dans les vaccins utilisés en Europe représente un danger pour

les enfants. L’Agence recommandait impérativement de poursuivre les programmes

de vaccination en cours conformément aux recommandations nationales, tout en

encourageant l’utilisation de vaccins exempts de thiomersal. En Europe, seule

l’Italie a pris des mesures spécifiques à ce sujet. Cette position était confirmée dans

un communiqué du 29 juin 2000 indiquant que plusieurs dossiers d’enregistrement

de vaccins sans thiomersal étaient en cours d’évaluation [12].

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Autorités de santé Françaises.

Le 8 juillet 1999 l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé(AFSSAPS) émettait un communiqué de presse indiquant son parfait accord avec la

position de l’EMEA. Il indiquait qu’il n’y avait aucune raison d’interrompre les

programmes de vaccination à cause de la présence de thiomersal dans les vaccins

[13]. Le 23 septembre de la même année, la question était revue par le ComitéTechnique des Vaccinations (CTV). Lors de cette réunion, l’AFSSAPS a présentél’état des connaissances sur la question et le CTV a discuté les recommandations

américaines faites en juillet 1999. Pour les raisons suivantes, le CTV a conclu que les

risques liés au thiomersal étaient à la fois théoriques et faibles et ne justifiaient pas de

modification du calendrier vaccinal :

— En France, la première dose de vaccin hépatite B est recommandée à l’âge de 2

mois, et non à la naissance comme dans d’autres pays, chez les enfants nés de

mère non-porteuse de l’antigène HBs ;

— Les seuls vaccins qui contenaient du thiomersal utilisés en France étaient les

vaccins contre l’hépatite B et la grippe, avec des possibilités d’utilisation de

vaccins équivalents sans thiomersal ;

— L’AFSSAPS considère que le contenu en thiomersal des vaccins hépatites B et

grippaux n’est pas significatif sur le plan d’un risque sanitaire. De plus l’AFS-

SAPS notait qu’aucun effet adverse possiblement lié à la présence de thiomersal

n’avait été rapporté avec ces vaccins ;

— L’exposition potentielle au thiomersal liée à l’utilisation des vaccins disponibles

en France ne dépasse pas le seuil de sécurité établi par l’OMS pour le méthyl-

mercure ;

— Enfin certains membres de CTV s’inquiétaient du possible remplacement du

thiomersal par des antiseptiques moins efficaces.

Ces décisions n’ont entraîné aucune réaction dans l’opinion publique, mais il est

possible que les inquiétudes françaises sur le rôle supposé du vaccin hépatite B sur la

survenue de sclérose en plaques aient joué un rôle. En Juillet 2000, faisant suite à une

mise au point du CPMP de l’EMEA, l’AFSSAPS a rappelé sa décision de promou-

voir l’utilisation de vaccins ne contenant pas de thiomersal, en particulier chez les

nourrissons et d’exiger que les laboratoires producteurs de vaccins soumettent un

plan d’action pour retirer le thiomersal des vaccins [14]. Depuis 2002 aucun vaccin

pédiatrique utilisé dans la population française ne contient de thiomersal, sauf àl’état de trace dans certains d’entre eux.

Organisation Mondiale de la Santé

L’OMS s’est prononcée à plusieurs reprises sur la question du thiomersal dans les

vaccins.

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Dès 1976 elle avait estimé que les données existantes étaient insuffisantes pour

évaluer le risque représenté par l’exposition humaine à l’éthylmercure [15]. Faisant

suite aux conclusions de l’Institut de médecine sur le rôle possible du thiomersal

dans la survenue de l’autisme, l’OMS réagissait dans un article publié dans le RelevéEpidémiologique Hebdomadaire indiquant que le thiomersal pose seulement un

risque théorique faible de toxicité pour le développement neurologique du nourris-

son [16]. Plus récemment toutefois, le Comité Consultatif Mondial sur la Sécuritédes Vaccins de l’OMS concluait qu’il n’y avait aucune preuve de toxicité du

thiomersal chez les nourrissons, les enfants ou les adultes par le biais des vaccins

[17].

En avril 2002, l’OMS a fait le point sur les questions posées par le retrait ou la

réduction du thiomersal dans les vaccins et ses implications réglementaires [18]. Les

conclusions de cette réunion sont importantes à prendre en compte pour compren-

dre la problématique posée par l’alerte née aux États-Unis en 1999 :

— Les recommandations de retrait du thiomersal des vaccins par certaines autori-

tés de santé ont été plus guidées par la perception d’un risque par l’opinion

publique que par des données scientifiques ;

— Les seuils d’exposition au thiomersal ne peuvent pas se baser sur les normes

édictées sur l’exposition au méthylmercure d’origine alimentaire ;

— Sur un plan réglementaire, il n’y a pas de raison d’ajouter de conservateur, à la

formulation d’un vaccin si ce n’est pas justifié, comme dans le cas des vaccins en

présentation unidose ;

— Le retrait ou la réduction du thiomersal de la formulation de vaccins enregistrés

sont complexes et doivent être analysés sérieusement :

Le thiomersal utilisé dans le procédé de production ou ajouté comme conservateur

dans le produit fini peut avoir une influence sur les propriétés antigéniques du

vaccin. Si on le retire ou on en réduit la dose, il faudra produire des données

prouvant la qualité, l’efficacité et la tolérance de ces produits avant qu’ils puissent

être enregistrés. En d’autre termes, ils seront considérés sur le plan réglementaire

comme de nouveaux vaccins justifiant un développment pharmaceutique et clinique

complet. C’est dire que le retrait du thiomersal d’un vaccin doit être justifié par un

rationnel clair prenant en compte les critères de qualité d’efficacité et de tolérance.

Dans cette perspective réglementaire, réduire la quantité de thiomersal représente

un moyen plus simple que de l’éliminer, voire de le remplacer par un autre conser-

vateur.

La position de l’OMS dans ce contexte s’avère donc très responsable, tant dans le

cadre de l’évaluation du risque que dans celle des bénéfices.

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CONCLUSION

Les avantages de la vaccination dépassent de loin les risques qu’elle peut comporter.

Les vaccins sont des produits extraordinairement sûrs lorsqu’on les compare àd’autres interventions médicales. Néanmoins, il est extrêmement important que la

population et les professionnels de la santé aient confiance dans la sécurité des

vaccins pour que les vaccins soient acceptés et que les programmes de vaccination

donnent de bons résultats. Les vaccins sont utilisés à une échelle beaucoup plus

grande que tout autre médicament ou intervention médicale. C’est pourquoi tout

effet secondaire éventuel doit être réduit le plus possible. Les efforts pour assurer la

stérilité des vaccins sont justifiés. En général, les vaccins présentés en seringues ou

flacons monodose, comme c’est le cas en France, n’ont pas besoin d’un agent de

conservation dès lors qu’ils sont fabriqués dans des conditions répondant aux

normes de bonnes pratiques de fabrication. Bien que le thiomersal contenu dans

certains vaccins n’ait pas causé de problème manifeste, l’utilisation de cette subs-

tance est graduellement éliminée pour les vaccins comme pour les autres produits

médicaux, afin de réduire toutes les expositions inutiles au mercure et de préserver la

confiance de la population dans les programmes de vaccination. Les traces de

thiomersal présentes dans certaines formulations vaccinales pédiatriques peuvent

être considérées comme négligeables d’un point de vue clinique, sauf dans les cas

d’enfants ayant eu des réactions avérées d’hypersensibilité au thiomersal.

BIBLIOGRAPHIE

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[8] Organisation Mondiale de la Santé. Le thimérosal comme agent de conservation des vaccins.

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[15] Organisation Mondiale de la Santé. Mercury environment health criteria. Doc 1, Geneva,

Switzerland, 1976.

[16] Organisation Mondiale de la Santé. Le thimérosal comme agent de conservation des vaccins.

Relevé Epidémiologique Hebdomadaire, 2000, 75, 12-16.

[17] Organisation Mondiale de la Santé. Vaccine and Biologicals Committee : recommendations

from the Strategic Advisory Group of Experts. WER 2002, 77, 305-312.

[18] Organisation Mondiale de la Santé. The impact of thiomersal on quality safety and efficacy of

vaccines : regulatory perspective WHO consultation, 15-16 April 2002.

DISCUSSION

M. Jean-Paul GIROUD

Les dérivés mercuriels ne sont pas considérés comme des antiseptiques très efficaces et sontsouvent mal tolérés. Quelles sont les substances qui seront utilisées pour éviter l’utilisationdu thiomersal ?

Dans le cadre de son utilisation comme agent de conservation dans les vaccins, lethiomersal est considéré (en particulier par les experts de l’OMS) comme un produit trèsefficace et très bien toléré aux doses utilisées. Le thiomersal n’étant pas compatible avecles vaccins viraux, les autres conservateurs les plus utilisés dans les vaccins sont lephénoxyéthanol et le formaldéhyde. À notre connaissance, il n’y a pas d’autres substan-ces à l’étude actuellement pour la conservation des vaccins, la tendance étant de leséliminer autant que faire se peut, à tout le moins des présentations monodoses.

M. Maurice GUENIOT

Pour l’insuline qui est utilisée journellement dans le monde chez des millions de patients, undes antiseptiques très fréquemment utilisé depuis longtemps est le tricrésol : celui-ci est-ilutilisé éventuellement dans tel ou tel vaccin ?

Le métacrésol a effectivement été utilisé pour la conservation des sérums équins, mais nel’est plus dans les formulations actuellement disponibles.

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Les adjuvants vaccinauxet la myofasciite à macrophages

Vaccine adjuvants and macrophagic myofasciitis

Claire-Anne SIEGRIST*

RÉSUMÉ

Les adjuvants à base de sels d’aluminium sont utilisés depuis 1926 à travers le monde et leurprofil de sécurité vaccinale est tellement bon qu’ils ont longtemps été les seuls adjuvantsautorisés. Depuis quelques années, leur sécurité a cependant été mise en question en Francesuite à la démonstration que l’aluminium pouvait persister de façon prolongée au sited’injection, dans des macrophages rassemblés autour des fibres musculaires en une lésionhistologique microscopique nommée « myofasciite à macrophages (MMF) ». Cette imagea été observée chez des patients ayant subi une biopsie musculaire deltoïdienne pourinvestigation diagnostique de symptômes incluant principalement myalgies et fatigue, enassociation avec un large éventail d’autres symptômes et entités nosologiques, en particulierde nature autoimmune. Les études des caractéristiques cliniques, biologiques et surtoutépidémiologiques entreprises pour identifier une association éventuelle entre cette imagehistologique de MMF et une maladie systémique sont restées négatives. À ce jour, leséléments disponibles indiquent que bien que l’aluminium vaccinal puisse parfois persister ausite d’injection pendant des années (« tatouage vaccinal »), ceci ne reflète pas l’existenced’une atteinte inflammatoire musculaire diffuse et n’est pas associé à une maladie systémi-que spécifique. L’existence de biais d’échantillonnage inhérents à la complexité des diagnos-tics cliniques et pathologiques reste l’hypothèse la plus probable.

M- : A. A .

SUMMARY

Aluminium-based adjuvants have been used throughout the world since 1926, and theirsafety profile is such that they have long been the sole adjuvants registered for clinical use.Their safety has nevertheless been questioned in France over the last few years following thedemonstration that aluminium could persist for prolonged periods at the injection site,within macrophages gathered around the muscular fibers and forming a microscopic histo-

* Membre de l’Académie Suisse des Sciences Médicales, Membre du Comité Consultatif Mondial de

l’Organisation Mondiale de la Santé pour la Sécurité des Vaccins.

Tirés-à-part : Professeur Claire-Anne Siegrist — Centre de Vaccinologie et d’Immunologie néona-

tale, Université de Genève CMU, 1 rue Michel-Servet 1211 Genève 4.

Article recu le 8 octobre 2003, accepté le 20 octobre 2003.

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logical lesion called « macrophagic myofasciitis (MMF) ». This image has been observed

in patients undergoing a deltoid muscular biopsy for diagnostic purposes of various symp-

toms essentially including muscular pain and fatigue, in association with a large panel of

various symptoms and diseases, including those of an autoimmune nature. Studies of the

clinical, biological and epidemiological characteristics undertaken to identify a possible

association between the MMF histological image and a systemic disease have remained

negative. As of today, available evidence indicates that although vaccine aluminium may

persist at the site of injection for years (« vaccine tattoo »), this does not reflect the

existence of a diffuse inflammatory muscular disease and is not associated with a specific

clinical disease. The existence of sampling bias inherent to the complexity of the clinical and

pathological diagnoses remains the most likely hypothesis.

K- (Index Medicus) : A. A, .

INTRODUCTION

La possibilité d’induire une protection vaccinale sans devoir inclure la totalité d’un

agent pathogène, inactivé ou atténué, mais seulement les composants microbiens

(toxines détoxifiées, antigènes recombinants ou purifiés) essentiels à l’induction de

la protection permet la conception et la réalisation d’un grand nombre de vaccins

efficaces contre des affections graves. Le plus souvent, ces vaccins sous-unitaires ne

contiennent cependant plus les « signaux de danger » permettant au système immu-

nitaire de déclencher les mécanismes de défense appropriés. Ils n’induisent donc que

des réponses immunes insuffisantes à la protection, à moins d’être administrés avec

des adjuvants capables de soutenir l’induction de cette immunité. De très nombreux

adjuvants ont été développés au cours du temps, mais rares sont ceux qui ont

dépassé le stade de l’expérimentation pour aboutir à leur utilisation en pratique

vaccinale de routine. Les adjuvants à base de sels d’aluminium en font partie. Leur

efficacité n’est plus à démontrer, et leur tolérance considérée comme excellente. Ils

ont pourtant été récemment mis en accusation par un groupe de neurologues

français ayant observé la persistance d’aluminium au site d’injection vaccinale chez

des sujets présentant divers symptômes incluant myalgies et fatigue. Ce résumé a

pour but de rassembler les éléments actuellement disponibles concernant la corré-

lation éventuelle entre l’utilisation de vaccin contenant des sels d’aluminium et

l’apparition d’une maladie clinique.

LES ADJUVANTS À BASE DE SELS D’ALUMINIUM

Les sels d’aluminium (AlOH et Al(OH)3PO4) ont été utilisés comme adjuvants

depuis plus de 70 ans (1926) chez des millions de sujets à travers le monde, avec de

très nombreux antigènes différents. En fait, leur excellent profil de tolérance en a

longtemps fait les seuls adjuvants approuvés pour utilisation clinique chez des sujets

adultes ou enfants, âgés ou nourrissons, nés à terme ou même prématurément.

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Leurs mécanismes d’action ne sont que partiellement connus [1]. Ils incluent un effet

dépôt, dont la durée est cependant plus courte qu’initialement supposé : bien que

des études initiales aient identifié la persistance d’antigène au site d’injection

pendant 6-7 semaines [13], d’autres ont démontré que l’excision du site d’injection

7 jours après injection n’interférait pas avec l’induction immunitaire[14]. Plus

récemment, la désorption rapide de l’antigène vaccinal du support de sels d’alumi-

nium a été formellement confirmée, plus de 80 % des antigènes protéiques (toxoide

tétanique par exemple) étant relâchés dans les heures suivant l’injection [12].

La fonction essentielle des adjuvants est donc de fournir les signaux nécessaires àl’activation et à la maturation des cellules immunitaires (macrophages et cellules

dendritiques) chargées de prendre en charge les antigènes vaccinaux et d’initier les

réponses lymphocytaire T et B appropriées. Des travaux récents ont confirmé que les

sels d’aluminium induisent la différentiation des macrophages en des cellules de type

dendritiques produisant certaines cytokines (IL-4, IL-5, IL-13) caractéristiques

d’une polarisation immune des réponses lymphocytaires de type Th2 [20] ;

(Rimaniol A.C., sous presse). En accord avec ces observations, les sels d’aluminium

sont particulièrement efficaces pour l’induction de réponses anticorps et Th2 [3],

mais peu efficaces à soutenir des réponses lymphocytaires de type Th1 ou cyto-

toxiques.

Le profil de sécurité des adjuvants à base d’aluminium est excellent. Ils permettent

même de réduire la fréquence et la sévérité des réactions inflammatoires locales et

systémiques induites par les antigènes en leur absence [19], probablement grâce àleur effet de relarguage progressif. Les effets indésirables démontrés sont essentiel-

lement locaux : réactions inflammatoires transitoires ou induction de granulomes

au site d’injection, surtout lorsque celle-ci est sous-cutanée. La mise en accusation

de la sécurité des adjuvants à base d’aluminium par un groupe de neurologues

français (le GERMMAD) a donc créé la surprise.

LA MYOFASCIITE À MACROPHAGES

Une lésion histologique caractéristique

En 1998, le GERMMAD décrit une lésion histologique nouvelle chez des patients

investigués par biopsies musculaires deltoïdienne pour des raisons diverses incluant

le plus souvent des myalgies diffuses [6,10]. Cette lésion est caractérisée par une

infiltration cellulaire autour des fibres musculaires et des fascia comprenant essen-

tiellement des macrophages, avec une sous-population de lymphocytes T de type

CD8+. De taille microscopique (2-4 mm), cette infiltration cellulaire n’est pas

associée à une destruction des fibres musculaires, ne contient pas de cellules géantes

caractéristiques des réactions à des corps étrangers et est suffisamment distincte des

autres lésions myopathiques inflammatoires pour que lui soit attribuée une identité

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nosologique histologique, intitulée « myofasciite à macrophages (MMF) ». Actuel-

lement, d’autres neurologues français questionnent cette stéréotypie, soulignant les

variations dans la topographie (muscle, fascia ou les deux), l’intensité (petits nodu-

les ou larges infiltrats), le phénotype cellulaire (macrophages purs ou associés à des

lymphocytes), l’association à des microvasculites (10 %) [17].

A la recherche d’une cause

L’hypothèse étiologique initiale est celle de l’exposition à une substance toxique

(huile minérale ? médicament ?) ou infectieuse, les symptômes s’amendant ou ne

disparaissant pas toujours après traitement antibiotique [5], provoquant une myo-

pathie inflammatoire diffuse identifiée « par hasard » par la biopsie du deltoïde.

Cependant, les biopsies réalisées à distance de cette lésion microscopique, ou dans

d’autres groupes musculaires, restent toutes négatives, infirmant l’hypothèse d’une

inflammation musculaire diffuse. Par ailleurs, les investigations ultérieures démon-

trent la présence dans les macrophages de la lésion histologique d’inclusions spicu-

laires composées d’hydroxyde d’aluminium [11]. Les taux d’aluminium normaux

dans le muscle autour de la lésion, dans les autres muscles, dans les autres tissus et

dans le sang excluent l’hypothèse d’une intoxication par l’aluminium et démontrent

que la lésion histologique de MMF représente une accumulation localisée de

macrophages chargés d’aluminium au niveau du muscle deltoïde.

Cette observation évoque aux chercheurs, à juste titre, les réactions inflammatoires

observées de façon physiologique au site d’immunisation dans des modèles expéri-

mentaux (souris, rats). Ces études sont répétées, confirmant la persistance d’alumi-

nium pendant plusieurs mois, y compris chez des singes (F. Verdier, Aventis-Pasteur,

manuscrit en préparation), avec des images histologiques tout à fait semblables àcelle décrite comme lésion de MMF. Ainsi, l’hypothèse d’une atteinte musculaire

diffuse devient celle de la persistance possible, au site d’injection de vaccins conte-

nant des adjuvants à base d’aluminium, d’un foyer inflammatoire microscopique.

L’anamnèse d’une immunisation par un vaccin contenant des sels d’aluminium chez

l’immense majorité des sujets avec biopsie positive permet de confirmer la quasi-

certitude que cette lésion histologique focale est la conséquence de l’injection de sels

d’aluminium [8]. Le délai médian entre la dernière vaccination identifiée et une

biopsie musculaire positive est de 36 mois dans le rapport d’investigation explora-

toire de 2001, passant à 53 mois (extrême : 8 ans) dans les séries plus récentes [9],

indiquant que cette signature vaccinale peut persister pendant des années.

Vient alors l’étape infiniment plus complexe réclamant de concilier la sécuritévaccinale démontrée des adjuvants à base d’aluminium avec la survenue de lésions

très rares : dans leur publication princeps de 1998, les auteurs rapportent une

quinzaine d’observations de MMF parmi 1200 biopsies réalisées entre 1993 et 1998

[10]. En 2002, le nombre de cas dépend des sources et des critères de validation

utilisés : plus de 300 cas selon le GERMMAD, une centaine validés selon l’AFFS-

SAPS. Quel qu’en soit le nombre exact, il reste très faible en regard des dizaines de

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millions de personnes vaccinées contre l’hépatite B en France entre 1993 et 1998,

sans compter toutes celles ayant bénéficié d’un rappel anti-tétanique. Ce contraste

implique la participation éventuelle de facteurs génétiques et conduit à l’hypothèse

d’une dysfonction éventuelle des macrophages chargés de l’élimination de l’alumi-

nium chez certains sujets. A ce jour, l’étude de l’influence de l’aluminium sur les

macrophages de sujets avec une biopsie positive n’a cependant mis en évidence

aucune anomalie fonctionnelle (Rimaniol A.C., manuscrit en préparation). L’hypo-

thèse que la persistance de quantité microscopique d’aluminium au site d’injection

pendant des années après une vaccination reflète la distribution normale de l’élimi-

nation de l’aluminium au sein d’une population reste donc favorite.

Caractéristiques épidémiologiques et cliniques

Les biopsies de MMF sont essentiellement (mais non exclusivement) rapportées en

France, contrastant avec la distribution mondiale des vaccins à base de sels d’alu-

minium. Cette spécificité française n’est pas considérée comme reflétant une parti-

cularité génétique éventuelle mais — la pratique des biopsies musculaires à visée

diagnostique au niveau du deltoïde, les autres pays recommandant d’éviter ce

muscle souvent exposé aux traumatismes, — la vaccination de millions d’adultes

lors de la campagne contre l’hépatite B et — le changement de pratique vaccinale liéà cette même campagne, substituant l’injection intramusculaire à l’injection sous-

cutanée, dont l’efficacité inférieure et la plus forte réactogénicité sont connues.

La majorité (67 %) des sujets avec une biopsie de MMF validée ont plus de 40 ans

[8], mais cette image a été observée au niveau du quadriceps (site d’injection

vaccinale pédiatrique) chez 2 jeunes enfants [15]. Le tableau clinique des sujets avec

une biopsie positive varie selon les collectifs décrits. Pour les cas rassemblés par le

GERMADD, la fatigue est au premier plan, affectant 90-93 % des sujets, d’une

façon souvent décrite comme invalidante. Les myalgies sont les symptômes inaugu-

raux chez 66 % et présentes chez 81-88 % des patients à un moment ou un autre de

leur histoire clinique. Curieusement, ces myalgies n’affectent pas le site d’injection

deltoïdien où la lésion histologique est identifiée. Elles sont souvent diffuses (65 %),

mais parfois localisées voire absentes chez 10-20 % des sujets. Un début aux mem-

bres inférieurs, souvent cité comme caractéristique, n’est mentionné que par

30-40 %. Les arthralgies sont souvent relevées, mais sans aucune systématique. Une

sclérose en plaques (SEP) est parfois (8 %) associée, sans présenter de particularités

cliniques ni biologiques faisant suspecter une entité nosologique distincte de la SEP

classique [1,11]. Il en va de même pour les autres maladies autoimmunes associées

globalement à 10-20 % des descriptions, dans un éventail varié ne rassemblant

jamais plus de quelques cas de chaque affection. En 2003, les neurologues du

GERMMAD à l’origine de la description princeps considèrent les symptômes

cliniques comme « suffisamment stéréotypés pour permettre de prédire la détection

des lésions de MMF à la biopsie musculaire » [9] et évoquent pour la grande

majorité de leurs patients (87 %-93 %) l’appartenance à un syndrome de fatigue

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chronique [2]. Au contraire, d’autres médecins neurologues français soutiennent que

le diagnostic de MMF a été établi de manière fortuite chez pratiquement tous leurs

patients, plus de 50 % d’entre eux n’ayant aucune douleur musculaire [18].

Les examens complémentaires sont également peu spécifiques et le plus souvent

normaux, y compris les examens spécialisés comme l’électromyogramme ou l’ima-

gerie par résonance magnétique nucléaire. L’utilité de la scintigraphie au gallium 57,

montrant aux niveau des membres inférieurs une captation isotopique linéaire

suffisamment caractéristique pour permettre l’identification des patients [4] semble

avoir été invalidée par la suite puisque cet examen n’est plus mentionné dans aucune

des présentations du GERMMAD.

MMF et maladie systémique, une association non confirmée

Le Comité Consultatif Mondial de l’O.M.S. pour la Sécurité Vaccinale (GACVS)

entreprend dès 1999, avec la collaboration des médecins du GERMMAD et de

l’AFFSSAPS, une analyse détaillée des liens associant éventuellement les adjuvants

à base d’aluminium à une biopsie de MMF et/ou à des symptômes cliniques

spécifiques. Il rapporte en 1999 [21], et réitère en 2002 [22], ses conclusions : de

l’existence d‘une association physiologique entre la présence d’une lésion histologi-

que de MMF et l’administration intramusculaire de vaccins contenant de l’alumi-

nium, de la normalité d’une persistance prolongée de l’aluminium dans les modèles

expérimentaux d’immunisation par des vaccins contenant de l’aluminium, de

l’absence d’élément suggérant une dysfonction des macrophages chez les patients

avec biopsie positive, et de la faiblesse des éléments épidémiologiques liant cette

image histologique de MMF à un éventuel tableau clinique spécifique ou suggérant

une quelconque plausabilité biologique.

La banalité des symptômes évoqués (myalgies et fatigue), l’extrême variation du

délai d’apparition des symptômes après vaccination, l’absence de marqueurs clini-

ques ou biologiques spécifiques, la rareté des cas cliniques postulés contrastant avec

l’apparente banalité de la persistance de macrophages chargés d’aluminium au site

d’injection vaccinal — fragilisent effectivement considérablement l’hypothèse d’une

plausabilité biologique. Aucun élément concret n’est venu soutenir les hypothèses

successives du GERMMAD, qu’il s’agisse d’une infection, d’une intoxication àl’aluminium, ou plus récemment d’une « stimulation chronique à bas bruit d’un

système immunitaire incapable de se désactiver ». Dix ans après la première obser-

vation, le contraste entre une lésion histologique asymptomatique du muscle del-

toïde et des douleurs prédominant aux membres inférieurs, sans qu’aucune anoma-

lie n’y soit pourtant identifiée, reste également sans hypothèse physiopathologique

[16].

Afin de rechercher une corrélation éventuelle entre une lésion histologique de MMF

et des symptômes clinique spécifiques, une étude cas-témoin a été souhaitée dès 1999

par le GACVS et finalement initiée en février 2002 par l’AFFSSAPS. Incluant

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quelques dizaines de sujets avec une biopsie positive datant d’avant 1999, de façon àlimiter le biais de notoriété conduisant plus volontiers les sujets récemment vaccinés

à accepter une biopsie musculaire, et les appariant à un maximum de 5 témoins, les

auteurs de l’étude ont récemment présenté leurs premières données [7]. Celles-ci

confirment la fréquence supérieure des vaccinations (95 % versus 35 %) et de la

fatigue chez les sujets avec une biopsie positive. Mais les auteurs soulignent que leur

étude ne permet en aucun cas de conclure à une association entre la présence de

l’aluminium au niveau des macrophages et la survenue d’une maladie. En effet, le

groupe témoin pourrait inclure des sujets dont la biopsie est faussement négative,

étant donné la difficulté à localiser précisément le site microscopique de l’injection

vaccinale. Par ailleurs, la plus faible prévalence des vaccinations chez les sujets sans

biopsie positive suggère un biais de classement et pourrait impliquer une surestima-

tion des différences entre cas et témoins [7].

EN CONCLUSION

L’ensemble des éléments rassemblés entre 1993 et 2003 permet de conclure que

l’aluminium contenu dans les vaccins peut persister pendant des années sous la

forme d’une lésion inflammatoire microscopique au site d’injection (tatouage vac-

cinal ), qui ne reflète pas une atteinte inflammatoire musculaire diffuse et qui n’est

pas associée à une maladie spécifique. L’hypothèse de biais d’échantillonnage

inhérents à la forte prévalence et à la faible spécificité des symptômes comme les

myalgies et la fatigue au sein d’une population majoritairement vaccinée avec des

adjuvants à base de sels d’aluminium reste l’hypothèse la plus probable.

REMERCIEMENTS

L’auteur remercie Anne-Cécile Rimaniol, François Verdier et Philipe Duclos pour lesinformations mises à sa disposition dans le cadre de la rédaction de ce résumé.

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[17] P J.F. — Communication aux XVIes Journées Neuromusculaires. Marseille, 2003.

[18] P-B I. — Communication aux XVIes Journées Neuromusculaires. Marseille,

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DISCUSSION

M. Pierre GODEAU

Vous avez parfaitement démontré que le rôle de la vaccination et plus particulièrement de

l’aluminium dans la genèse de la MMF est inexistant, mais il reste un problème non résolu :

la MMF existe-t-elle ou non ? La mise en évidence d’une myofasciite ailleurs que dans la

région deltoïdienne a-t-elle été observée ? Elle serait alors à prendre en considération.

Cette question est importante : l’hypothèse initiale d’une myopathie inflammatoire

musculaire diffuse a été formellement exclue puisque les biopsies réalisées en dehors des

sites d’injection vaccinale sont normales, y compris aux membres inférieurs ¢ souvent le

siège de douleurs musculaires. La MMF n’existe donc qu’en tant que réaction inflam-

matoire focale induite par une vaccination contenant des sels d’aluminium. C’est un

diagnostic histologique, et non pas une « nouvelle maladie ».

M. Pierre CANLORBE

Ne peut-on penser que, malheureusement, la MMF est une maladie fabriquée par les

medias ? S’il en est ainsi, cela pose à l’Académie une question d’une extrême gravité.

En tant que médecin, je répondrais que la « MMF-maladie » est née de l’existence de

patients souffrants de symptômes inexpliqués, parfois invalidants, et du souhait compré-

hensible des médecins de trouver une explication à ces souffrances... sans doute addi-

tionné de l’intérêt des chercheurs à mettre le doigt sur « une nouvelle maladie » ! Les

ingrédients supplémentaires de cette histoire sont la mise en cause des industriels, l’espoir

de toucher des indemnités substantielles étant partagé par les avocats, et la récupération

par une certaine presse avide de toute polémique de sécurité sanitaire, et plus particuliè-

rement vaccinale.

M. Christian NEZELOF

Avec mes félicitations pour la clarté de votre exposé. Je vous apporte un accord complet avec

ce que vous nous avez dit. L’expérience d’un pédiatre et d’un pathologiste montre la

fréquence de ces nodules. Nous les observons plus souvent dans la fosse épineuse (vaccina-

tion sous-cutanée) que dans le deltoïde (injection intramusculaire). Le microscope polari-

sant est utile pour les identifier. A côté de ces nodules existent des fasciites nodulairespseudo-tumorales, lesquelles paraissent spontanées. On a signalé une positivité pour l’anti-gène ALK dans cette dernière forme. Qu’en est-il dans les « fasciites » post-vaccinales ?

Je n’ai pas connaissance d’études ayant inclus ce marqueur dans l’analyse des lésions deMMF. Par contre, le fait que l’injection sous-cutanée conduise plus souvent que l’injec-tion intramusculaire à la formation de granulomes inflammatoires persistants au sited’injection est bien connue. Ainsi, « revenir » à une vaccination sous-cutanée seraitnéfaste sur le plan de l’efficacité vaccinale et n’apporterait aucun avantage sur le plan deleur sécurité d’utilisation.

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M. Jean PAOLAGGI

Le syndrome clinique décrit est d’une grande banalité et rencontré fréquemment en rhuma-

tologie où il porte, entre autres, le nom de fibromyalgie. Le problème qui se pose pour ce type

de troubles est celui de la mise en évidence du rapport de causalité qui définit au mieux une

nosologie. Mais on ne peut pas pour des raisons éthiques apporter autant d’argumentsscientifiques qu’on le souhaiterait. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Effectivement, l’éthique empêche d’envisager la démonstration de l’innocuité de lapersistance d’aluminium au site vaccinal... puisque cela impliquerait d’imposer desbiopsies musculaires à des sujets sains ! L’argumentation scientifique est donc centrée surl’analyse des critères évaluant indirectement la causalité éventuelle d’une association.C’est alors un faisceau d’arguments différents qui permettent de conclure au mieux.Dans le cas de la MMF, les arguments vont tous dans la même direction : celle del’absence d’une association entre une biopsie positive et une nouvelle maladie avec dessymptômes cliniques spécifiques.

M. Jacques POLONOVSKI

Vous avez parlé de cristaux d’aluminium. Ne pensez-vous pas que ce soit des composésd’oxyde d’aluminium ou de sels insolubles de l’aluminium ?

Oui, il s’agit de cristaux d’hydroxyde d’aluminium, insolubles. Il faut relever que touteinjection de sel d’aluminium (par exemple du phosphate d’aluminium) aboutit in vivo àune transformation en hydroxyde d’aluminium, sous l’effet des enzymes tissulaires.

M. Annie BAROIS

Étant spécialiste en neurologie pédiatrique, j’ai pu observer plusieurs cas de lésion caracté-ristique de MMF. Les biopsies avaient été pratiquées dans les premiers cas pour unediminution de force musculaire. Dans ces cas, la force s’est améliorée avec le temps. Dansd’autres cas, il y avait conjointement des lésions de myopathie congénitale et des lésions demyofasciite secondaires à une injection vaccinale. Dans un autre cas, la lésion deltoïdienneavait été cherchée après une injection vaccinale dans la fesse, juste parce que l’enfant avaiteu avant une vaccination par l’hépatite B. Le syndrome clinique « arthrite et douleurs » étaitvraisemblablement dû à une infection fessière secondaire à l’injection vaccinale !

Oui, retenir un diagnostic de MMF— et donc cesser les investigations à but diagnostic—peut faire beaucoup de tort aux patients puisque cela signifie renoncer à chercher la vraiecause de leurs souffrances. C’est peut-être le message le plus important : prendre encompte la souffrance des patients avec des douleurs musculaires et/ou une fatiguechronique inexpliquée doit nous obliger à continuer à chercher les facteurs contribuant àces symptômes, sans nous arrêter à un pseudo-diagnostic de MMF.

M. Denys PELLERIN

Les examens des personnes atteintes de MMF comportaient-ils l’évaluation globale de lasanté des patients, au sens O.M.S. du terme, c’est-à-dire santé et bien être (bonheur) ? Car,

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sans doute pouvons-nous trouver réponse à votre étonnement : que cette maladie soitapparue en France et ne soit apparemment observée qu’en France. Il faut savoir que notresociété est encore malade de l’affaire tragique du sang contaminé. Simultanément elle estdevenue une société d’assistés. Progressivement elle a exprimé des exigences sécuritaires(Principe de précaution) et bientôt indemnitaires. Tout est devenu bon pour exprimer etexpliquer le mal être, et si possible en être indemnisé. Ceci explique peut-être cela.

Vous avez parfaitement raison : chercher les facteurs contribuant aux souffrances despatients implique une analyse de nombreux déterminants psychosociaux que nos étudescliniques ne prennent encore que rarement en compte, faute de savoir comment lesqualifier et les quantifier. Un autre vrai défi pour les chercheurs...

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Conclusions

Pierre BÉGUÉ *

Le calendrier vaccinal de l’enfant n’a cessé de s’enrichir depuis quarante ans, maisles vaccinations de l’adulte sont en quelque sorte plus négligées et, comme l’a exposéJ. Beytout, nécessitent une réflexion pour être réorganisées en un véritable calendriervaccinal de l’adulte. La difficulté principale demeure l’approche stratégique, carbeaucoup d’adultes échappent à tout essai de systématisation. Le service militaireayant été supprimé, le médecin de famille et le médecin du travail restent les pointsforts d’un suivi vaccinal, mais il persiste de larges insuffisances, soit pour desprofessions peu surveillées soit du fait de la précarité des personnes. Des efforts dansce sens sont d’autant plus à consentir que les maladies prévenues dans l’enfance sedéplacent progressivement vers l’âge adulte et que les personnes très âgées sont enaugmentation. Un progrès sur l’information est indispensable pour sensibiliserpublic et médecins.

Parmi les derniers vaccins dédiés à l’enfant les vaccins conjugués antipneumococ-ciques ont un grand intérêt malgré leur coût très élevé. J. Gaudelus apporte desarguments démontrant la lourdeur du pronostic des infections invasives à pneumo-coques chez le nourrisson. 75 % des méningites mortelles du nourrisson sont duesau pneumocoque : ce chiffre est éloquent. L’infection est également préoccupantedu fait de l’effondrement de la sensibilité aux pénicillines, en France particulière-ment. Si le vaccin polyosidique est pratiquement inefficace chez le nourrisson, enrevanche la conjugaison à une protéine l’a rendu très efficace, comme dans le cas desvaccins anti-haemophilus, puisque le vaccin actuel à 7 sérotypes pneumococciquesest actif à plus de 95 % et prévient plus de 80 % des infections invasives dunourrisson en France. Ce vaccin est recommandé depuis plus d’un an dans lecalendrier vaccinal, mais les cibles sont un peu compliquées et l’extension à tous lesnourrissons jusqu’à 2 ans simplifierait certainement la recommandation et l’appli-cation de celui-ci.

Les effets adverses des vaccins doivent toujours être pris en considération dansl’évaluation bénéfice-risque pour l’application d’un vaccin. Aujourd’hui cette pré-occupation est devenue majeure et jette le trouble dans les esprits tant du publicinformé par lesmédias que desmédecins face à un acte difficile, d’où la place de troiscommunications sur cinq consacrées à la sécurité vaccinale au cours de cette séance.

* Membre de l’Académie nationale de médecine.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1523-1527, séance du 25 novembre 2003

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La suspicion de cas de maladies neurologiques démyélinisantes dues au vaccin de

l’Hépatite B a lourdement pesé sur la politique vaccinale française ces six dernières

années. J.L. Imbs a retracé les démarches de la pharmacovigilance nationale fran-

çaise pour le recueil de ces cas et leur analyse statistique. Après l’exposé des résultats

de cette surveillance nationale on comprend que les notifications spontanées n’ont

pas représenté une méthode suffisante pour se prononcer sur l’imputabilité du

vaccin. Des études de cohortes et cas-témoins ont donc été entreprises, non sans

difficultés parfois, afin de parvenir à une conclusion scientifiquement valable sur

l’absence d’association convaincante entre cette vaccination et la sclérose en pla-

ques, comme l’a énoncé le texte du tout récent consensus international sur la

vaccination de l’Hépatite B organisé par l’ANAES et l’INSERM.

Le thiomersal, à base d’éthyl de mercure, est largement utilisé comme conservateur

des vaccins depuis 1930. La FDA américaine décida en 1999 de remplacer les

vaccins de l’enfant contenant un dérivé mercuriel par des vaccins dépourvus de

mercure, en particulier celui de l’Hépatite B. Cette mesure fut prise par crainte de

complications neuro-psychologiques toxiques chez les nouveau-nés prématurés et

les très jeunes nourrissons. L. Hessel a relaté les conséquences graves de cette mesure

hâtive sur le programme vaccinal de l’hépatite B des nouveau-nés aux USA. Cette

décision, prise sur le seul argument du principe de précaution n’avait pas tenu

compte du rapport coût bénéfice très positif dans ce cas.

Le troisième exemple d’effet secondaire, traité par Cl.A. Siegrist, est celui de la

myofasciite à macrophages. C’est une lésion histologique essentiellement décrite en

France qui est retrouvée au site d’injection deltoïdienne des vaccins contenant de

l’hydroxyde d’aluminium qui est l’adjuvant de nombreux vaccins. On a voulu relier

cette lésion à un syndrome associant fatigue chronique et myalgies.

Cl.A. Siegrist a expliqué l’intérêt de cet adjuvant utilisé depuis 50 ans, cause d’un

« tatouage » vaccinal mais sans relation établie avec un syndrome inflammatoire

diffus, en particulier dans l’étude de 2003 faite en collaboration avec l’AFFSSAPS et

le GERMMAD.

Ces trois exemples démontrent avec quelle rigueur il faut approcher la sécuritévaccinale. Evaluer le bénéfice-risque est le temps essentiel de la politique vaccinale.

Encore faut-il que le risque d’un effet secondaire grave soit bien établi et imputable

au vaccin. S’agissant d’événements rares et souvent difficiles à analyser une sur-

veillance est nécessaire après la mise sur le marché des vaccins. Cette « vaccinovigi-

lance »suppose des réseaux bien organisés et réagissant rapidement, au niveau

international, européen en particulier. Mais les « signaux » ne devraient pas devenir

des alarmes médiatisées qui risquent de perturber gravement tout un programme

vaccinal.

L’Académie nationale de médecine joue un rôle important dans la réflexion en

médecine préventive et sur les vaccinations tout particulièrement. Aujourd’hui le

champ en est si vaste que des séances telles que celles ci seraient plus souvent

nécessaires, sur un sujet aussi difficile mêlant science et société.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1523-1527, séance du 25 novembre 2003

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RECOMMANDATIONS

Depuis quelques années les difficultés d’application des programmes vaccinaux se

multiplient en raison d’effets adverses des vaccins. Très souvent ces effets ne sont pas

imputables mais gênent l’administration correcte des vaccins omettant les objectifs

de protection réels et prouvés. Le refus de la vaccination favorise la persistance de la

circulation de l’agent pathogène, qui menace non seulement l’individu non protégémais aussi la collectivité qui l’entoure, menaçant ainsi la santé publique.

L’Académie nationale de médecine fait donc les recommandations suivantes sur la

pratique vaccinale d’une part et la sécurité vaccinale d’autre part.

Pour la pratique vaccinale :

— Les vaccinations de l’adulte doivent être mieux encouragées en France. Le

nombre croissant de vaccins et la nécessité de rappels réguliers justifient que soit

élaboré un véritable calendrier vaccinal de l’adulte. L’information revient non

seulement aux médecins de famille et aux médecins du travail, mais aussi aux

pharmaciens et aux autres professionnels de santé. La journée de l’appel de

préparation à la défense pourrait être la première occasion pour donner cette

information et exiger un certificat médical précisant les vaccins déjà reçus.

— L’extension du nouveau vaccin pneumococcique conjugué est souhaitable pour tous

les nourrissons jusqu’à 2 ans sans distinction. Il est en effet très efficace, en

particulier sur des infections aussi graves que les méningites à pneumocoque. Or,

les indications actuellement très ciblées gênent, en pratique, la prescription de ce

vaccin malheureusement très onéreux.

Sécurité vaccinale

— La sécurité vaccinale est au premier plan des préoccupations concernant les

vaccins.

Or la peur des vaccins risque d’entraîner une baisse de la couverture vaccinale

très préjudiciable à la santé publique.

Les trois sujets exposés appellent les commentaires suivants :

Ê Lors du tout récent consensus sur la vaccination de l’Hépatite B [1] il a étérecommandé de faire la vaccination universelle des nourrissons, associée à un

rattrapage pour les enfants et les adolescents. Pour cette tranche d’âge les

études épidémiologiques publiées n’apportent pas la démonstration d’un lien

entre les vaccins de l’Hépatite B et des maladies démyélinisantes chroniques.

En outre, il est recommandé d’encourager l’application effective du dépistage

obligatoire de l’AgHBs pour toute femme enceinte et la séro-vaccination des

nouveaux-nés de mères séro-positives pour l’AgHBs.

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Ê Le thiomersal a été retiré de tous les vaccins, en dose individuelle, utilisés chez

l’enfant en Europe et aux États-Unis, bien qu’aucune des études épidémiolo-

giques n’ait fait la preuve d’une toxicité neurologique liée à l’éthyl-mercure. En

revanche, son maintien est nécessaire pour les vaccins utilisés en multidoses,

comme le recommande l’OMS.

Ê A ce jour les éléments disponibles, biologiques, cliniques et épidémiologiques

indiquent que l’aluminium des adjuvants vaccinaux peut persister au site

d’injection vaccinale. Cependant, la lésion inflammatoire de myofasciite à

macrophages localisée ne reflète pas une maladie inflammatoire musculaire

diffuse ni une maladie spécifique.

Ces trois exemples démontrent la nécessité d’une vaccino-vigilance étendue à

l’Europe pour apporter une information claire et scientifiquement étayée sur les

éventuels effets adverses des vaccins. Une harmonisation européenne de cette

information, indispensable tant pour les médecins que pour le public et les

médias, est très importante pour améliorer la confiance dans les vaccins.

— La dernière recommandation est de toujours confronter les éventuels risques aux

bénéfices des vaccinations. Ils seront régulièrement rappelés lors des informa-

tions destinées au public et au personnel de santé.

[1] INSERM, ANAES. Réunion de consensus : Vaccination contre le virus de

l’hépatite B, 10 et 11 septembre 2003. Paris. Texte de recommandations. www

inserm.fr

DISCUSSION

M. Jacques-Louis BINET

Je crois qu’il est très important que nous votions ces recommandations car MadameClaire-Anne Siegrist nous signale que la conférence de consensus sur l’Hépatite B n’a reçuen France aucun écho alors qu’elle élimine formellement les relations entre la vaccination etles maladies démyélinisantes chez l’enfant.

Le rappel du consensus INSERM-ANAES de septembre 2003 sur la vaccination del’Hépatite B est destiné à rappeler l’absence de constatation de pathologies démyélini-santes chroniques chez le nourrisson et le jeune enfant dans les suites de la vaccination del’hépatite B, d’où la recommandation émise lors de ce consensus de vacciner les nourris-sons.

M. Christian NEZELOFF

Je suis d’accord avec les termes de votre recommandation. Cependant je pense utile derappeler certaines contre-indications à la vaccination par des vaccins vivants : les déficits

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immunitaires héréditaires représentent l’une d’entre elles. La désignation explicite de cescontre-indications ne pourrait qu’appuyer ces recommandations.

D’une façon générale les vaccins vivants sont contre-indiqués en cas de déficits acquis oucongénitaux de l’immunité cellulaire. Ces contre-indications très importantes figurentexplicitement dans l’AMM de tels vaccins, ainsi qu’au dictionnaire Vidal. Nous ne lesavons pas citées aux recommandations de cette séance dans la mesure où elles varientselon les vaccins et ne concernent pas les vaccins inactivés.

M. Albert GERMAN

La pharmacopée européenne a décidé que les vaccins ne doivent pas porter le nom de« anti ». Le vaccin pneumocoque ou le vaccin tétanique, par exemple, prévient la maladie.

La dénomination des différents vaccins présente en effet de nombreuses variantes,souvent favorisées par la langue anglaise. Il est important, comme vous le rappelez,d’unifier la terminologie, et il en est tenu compte pour les recommandations.

** *

L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 25 novembre 2003, a adopté les termes de cesrecommandations, à l’unanimité.

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Génétique et physiopathologiede l’hypertension artérielle pulmonaire primitiveou secondaire

Pathobiology of pulmonary artery hypertension

Serge ADNOT*, Saadia EDDAHIBI

RÉSUMÉ

L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) primitive ou secondaire est une pathologie

inexpliquée, fatale dans ses formes graves de l’adulte ou du nouveau-né, sans traitement

réellement satisfaisant. La compréhension de la maladie a considérablement évolué ces

dernières années, à la fois au plan génétique, par l’identification de mutations du gène

BMP-RII (récepteur II de la protéine morphogénique osseuse) dans l’HTAP primitive

familiale, et physiopathologique, par l’identification de mécanismes moléculaires impliqués

dans le remaniement hypertrophique de la paroi artérielle tel le rôle du transporteur de la

sérotonine (5-HTT) dans l’hyperplasie des cellulesmusculaires lisses (CML-AP). Lamise

en évidence du rôle étiologique de la voie BMP (protéine morphogénique osseuse) dans

l’HTAP primitive familiale soulève maintenant de nombreuses questions concernant le lienentre le génotype mutant pour le récepteur II des BMP et le phénotype HTAP. D’autresfacteurs génétiques ou des facteurs présents dans l’environnement jouent probablement unrôle crucial, puisque l’HTAP n’apparaît pas chez tous les porteurs de mutations BMP-RII.Simultanément, des études fonctionnelles explorant les altérations vasculaires complexes del’HTAP ont mis en évidence d’importantes voies moléculaires impliquées dans la contrac-tion et la prolifération des cellules musculaires lisses (CML) pulmonaires, le dysfonction-nement des cellules endothéliales et le remodelage de la matrice extra-cellulaire. Ces voiespourraient jouer un rôle soit dans l’initiation, soit dans la pérennisation de la maladie. Lamise en évidence d’un lien étroit entre le polymorphisme génétique de certains des gènescandidats liés à ces processus et l’HTAPP est en faveur d’une relation causale entrel’expression ou la fonction de ces gènes et le phénotype HTAP. L’association entrel’HTAPP et l’allèle long (L) du gène du transporteur de la sérotonine (5-HTT)montre quele 5-HTT, qui contrôle l’hyperplasie des cellules musculaires lisses, joue un rôle importantdans la physiopathologie de la maladie. L’identification de ces voies moléculaires devraitclarifier la pathogénie non seulement de la forme primitive mais aussi des formes secondai-res d’hypertension pulmonaire. Ces nouvelles connaissances devraient aboutir dans les

* Professeur Serge A, INSERM U492, — Département de Physiologie— Explorations Fonc-

tionnelles — Hôpital H. Mondor — AP-HP — Faculté de Médecine de Créteil, 94010 Créteil,

France Tél : 33 1 49 81 36 93. Fax : 33 1 48 98 17 77 E-mail : [email protected]

Tirés-à-part : Professeur Serge A, à l’adresse ci-dessus.

Article reçu le 30 octobre 2003, accepté le 3 novembre 2003.

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années qui viennent à la mise au point d’approches thérapeutiques nouvelles et plus sélectives

pour l’hypertension pulmonaire.

M- : H , M . S-

. P .

SUMMARY

Primary or secondary pulmonary hypertension (PH) is an unexplained condition whosesevere forms in adults or neonates are fatal and for which no satisfactory treatment isavailable. Considerable progress has been achieved over the last few years in our understan-ding of this disease, both through genetic studies that have identified mutations in the genefor BMP-RII (bone morphogenetic protein receptor II) in patients with familial primaryPH (PPH) and through pathophysiological investigations that have elucidated the mole-cular mechanisms involved in hypertrophic arterial wall remodelling, most notably the rolefor the serotonin transporter (5-HTT) in hyperplasia of pulmonary artery smooth musclecells (PA-SMCs). Identification of the BMP (bone morphogenetic protein) pathway asrelevant to the aetiology of PPH now raises many questions about the link between theBMP-RII mutant genotype and the PPH phenotype. That PPH does not develop in allsubjects with BMP-RII mutations suggests a crucial role for environmental or associatedgenetic factors. Simultaneously, mechanistic studies investigating the biological processesthat underlie the complex vascular changes associated with PPH have identified majormolecular pathways involved in constriction and proliferation of pulmonary vascularsmooth muscle cells, dysfunction of endothelial cells, and remodelling of extracellularmatrix. Such mechanisms may be involved either in initiating or in perpetuating the disease.The finding that genetic polymorphism of some of the candidate genes related to theseprocesses is closely associated with PPH suggests a causal relationship between theexpression, or function, of these genes and the PPH phenotype. The association betweenPPH and the L allelic variant of the serotonin transporter (5-HTT) gene indicates that5-HTT, which controls smooth muscle hyperplasia, probably contributes to susceptibility toPPH or is an important modifier of the PPH phenotype. Recognition of these molecularpathways should provide insight into the pathogenesis not only of primary PH, but also ofsecondary forms of PH. This should lead soon to the development of new and more selectivetherapeutic approaches to pulmonary hypertension.

K- ( ) : H, .M, .

S. B

LEXIQUE

BMP : protéine morphogénique osseuseBMP-RII : récepteur II de la protéine morphogénique osseuseCML : cellules musculaires lissesHTAP : hypertension artérielle pulmonaireHTAPP : hypertension artérielle pulmonaire primitive5-HT : sérotonine5-HTT : transporteur de la sérotonine

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TGF-β : facteur de croissance transformant de type β

ALK1 : récepteur de la famille des récepteurs du TGF-β activé par les activines

INTRODUCTION

L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est caractérisée par une augmenta-tion des résistances vasculaires pulmonaires qui fait obstacle à l’éjection du sang duventricule droit, conduisant à une insuffisance ventriculaire droite. Le terme HTAPprimitive (HTAPP) est utilisé pour décrire une affection rare et mortelle sansétiologie décelable. L’HTAPP peut être familiale ou sporadique, la prévalence étantde 1-2 pour 1 000 000 individus 1. Les femmes sont deux fois plus nombreuses à êtreatteintes que les hommes. Dans la majorité des cas, la maladie semble s’installer enplusieurs années après une phase initiale asymptomatique caractérisée par uneaugmentation de la réactivité et du remodelage des artérioles pulmonaires. Lessignes et symptômes apparaissent quand les pressions artérielles pulmonairesmoyennes se situent entre 30 et 40 mm Hg au repos (la normale est <20 mm Hg).L’état clinique se détériore progressivement lorsque ces pressions moyennes attei-gnent un plateau aux environs de 60 à 70 mm Hg et que le débit cardiaque diminueprogressivement.

Une hypertension pulmonaire dont l’évolution clinique, l’histopathologie et laréponse au traitement sont identiques à celles de l’HTAPP s’observe dans lesatteintes vasculaires des collagénoses ou les shunts gauche-droite congénitaux etpeut être déclenchée par certains anorexigènes (fenfluramines et aminorex princi-palement), l’infection par le VIH et l’hypertension portale. Lors d’une récenteconférence de consensus parrainée par l’Organisation Mondiale de la Santé, il aété suggéré que le concept d’HTAPP devrait être étendu à ces situations pathologi-ques

Actuellement, nous ne savons pas si ce concept d’HTAP correspond à unmécanismepathogène unique. Malgré les progrès importants réalisés au cours de ces dernièresannées dans l’étude des mécanismes pathobiologiques de l’HTAPP, il n’est pasencore possible de classer les malades en fonction de critères pathogéniques et dedéfinir les approches thérapeutiques correspondantes. Les traitements actuels, ycompris la perfusion continue de prostacycline (PGI2) et l’administration oraled’antagonistes du récepteur de l’endothéline, s’attaquent probablement à des mani-festations secondaires de la maladie et non auxmécanismes pathogènes initiaux. Lamise en évidence d’un gène impliqué dans l’HTAPP, appelé BMP-RII, et l’identifi-cation d’anomalies pathobiologiques centrales associées à l’HTAPP, offrent main-tenant une occasion privilégiée d’améliorer notre connaissance de cettemaladie. Cesprogrès devraient permettre dans un avenir proche d’évaluer de nouveaux traite-ments destinés à corriger les processus de remodelage sélectif des vaisseaux pulmo-naires tout en validant les concepts physiopathologiques proposés ci-dessous.

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La mise en évidence de ces voies moléculaires pourrait aussi aider à mieux compren-

dre les formes secondaires d’hypertension pulmonaire, telles celles compliquant la

bronchopneumopathie obstructive chronique et l’insuffisance ventriculaire gauche.

Dans ces maladies et dans les formes primitives d’HTAP, y compris l’hypertension

pulmonaire persistante du nouveau-né, une prédisposition génétique a été suggérée.

Ainsi, des variations dans l’expression et/ou la fonction de gènes candidats mis en

jeu dans le processus de remodelage vasculaire pulmonaire pourraient aider àcomprendre les formes secondaires d’hypertension pulmonaire et à définir la pré-

disposition à l’hypertension pulmonaire liée à des causes diverses [2, 3].

Deux aspects confortés par une validation génétique seront abordés dans cette

revue, le rôle de la voie BMP-BMP-RII et celui de la voie de la sérotonine et de son

transporteur.

Stratégies destinées à élucider la physiopathologie de l’hypertension pulmonaire

Au cours de ces dernières années, plusieurs voies moléculaires impliquées dans le

remodelage vasculaire pulmonaire ont été découvertes grâce à des stratégies diffé-

rentes. La découverte par des méthodes génétiques du rôle de la voie BMP dans

l’étiologie de l’HTAPP soulève maintenant une foule de questions, dont les suivan-

tes : 1 Quelles sont les voies moléculaires qui lient le génotype BMP-RII mutant et

le phénotype HTAPP ? 2 Quels facteurs exogènes et génétiques interagissent avec les

mutations BMP-RII pour provoquer l’apparition d’une HTAPP ? A l’inverse,

l’identification de voies moléculaires anormales par des études fonctionnelles a

conduit à l’exploration de gènes candidats sélectionnés. De nouvelles méthodologies

ont été mises au point, notamment la culture in vitro de poumon et de cellules

provenant de malades qui ont une hypertension pulmonaire sévère, primitive ou

secondaire. Les anomalies fonctionnelles persistent dans les cellules ou artères

pulmonaires soustraites à leur environnement, ce qui constitue un argument en

faveur d’une origine génétique. Étant donné que l’HTAPP semble bien être multi-

génique, les stratégies génétiques et fonctionnelles sont complémentaires dans la

recherche de gènes candidats et de l’interaction génétique ou moléculaire à l’origine

du processus pathologique.

Génétique

L’HTAPP peut être sporadique ou familiale. Dans une série de malades inscrits

dans le registre des National Institutes of Health, l’HTAPP familiale représentait

6 % des cas d’HTAPP. La transmission semble être autosomique et dominante et la

pénétrance incomplète, puisque la maladie n’apparaît que chez 20 % des sujets àrisque [1]. En 2000, deux groupes travaillant de façon indépendante ont décrit des

mutations hétérozygotes du gène du récepteur II de la protéine morphogénétique

osseuse (BMP-RII), qui appartient à la super-famille TGF-β[4, 5]. Des mutations

similaires du gène BMP-RII ont initialement été mises en évidence dans 26 % des

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cas d’HPP apparemment sporadiques, suggérant que l’HTAPP familiale pourrait

être plus fréquente qu’on ne le pensait. La fréquence des mutations du gène

BMPRII dans l’HTAP sporadique est actuellement estimée à 6-10 %. Cependant,

chez les porteurs de mutations BMP-RII, le risque d’apparition d’une HTAPP

clinique n’est que de 10 à 20 % et parmi les malades qui ont une HTAPP seuls 60 %

portent des mutations BMP-RII décelables [4, 5]. Il semble donc qu’une hétérogé-

néité génétique ou des mutations situées ailleurs dans le gène BMP-RII puissent

altérer la fonction ou l’expression de BMP-RII. Un argument supplémentaire en

faveur d’une hétérogénéité génétique a récemment été apporté par la découverte de

mutations dans un autre gène de récepteur TGF-β, ALK1, dans des familles dont

certains membres avaient une télangiectasie hémorragique héréditaire et une hyper-

tension pulmonaire sévère [7]. L’obtention du même phénotype avec des mutations

affectant deux gènes différents mais participant aux mêmes mécanismes, ALK-1 et

BMP-RII, indique que les récepteurs TGF-β constituent une voie moléculaire

importante à l’origine du remodelage vasculaire pulmonaire. Alors que la mutation

ALK1 peut conduire à une HTAPP, à une télangiectasie hémorragique héréditaire

ou à l’association de ces deux anomalies, les mutations BMP-RII semblent associées

uniquement au phénotype HTAPP. Selon une hypothèse séduisante, les mutations

BMP-RII influenceraient principalement la prolifération des cellules musculaires

lisses (CML) tandis que les mutations ALK1 agiraient soit sur la prolifération des

cellules endothéliales, soit sur celle des CML. Les mutations de ces deux gènes ne

sont ni suffisantes ni nécessaires pour provoquer l’apparition d’une HTAPP, suggé-

rant que la maladie ne s’exprime cliniquement qu’en présence de facteurs présents

dans l’environnement ou de gènes qui modifient la maladie.

Approches pathobiologiques

Indépendamment de la stratégie génétique, des efforts considérables ont été faits

pour élucider les altérations moléculaires qui sous-tendent les modifications vascu-

laires complexes associées à l’hypertension pulmonaire. Les recherches portant sur

les mécanismes pathobiologiques ont apporté divers éléments d’information :

— La vasoconstriction pulmonaire est un phénomène précoce dans le développe-

ment de l’hypertension pulmonaire. Cette constriction anormale a été rattachée

à une altération de la fonction ou de l’expression des canaux potassiques [8],

ainsi qu’à un déséquilibre entre les vasoconstricteurs et vasodilatateurs d’origine

endothéliale.

— La prolifération cellulaire contribue aux altérations structurelles observées lors

de l’apparition et de l’aggravation de l’hypertension pulmonaire. La proliféra-

tion anormale des CML, considérée comme un signe histologique caractéristi-

que d’hypertension pulmonaire, s’observe in vitro lorsque les cellules sont stimu-

lées par la sérotonine ou le sérum mais non par d’autres facteurs de croissance

[9]. Le caractère clonal de la prolifération cellulaire endothéliale apparaîtcomme un élément clé de la lésion plexiforme.

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— Parmi les altérations phénotypiques des cellules endothéliales et musculaires

lisses observées dans les artères pulmonaires hypertendues, certaines sont liées àdes altérations génétiques. Les mutations BMP-RII et le polymorphisme du

gène 5-HTT influencent directement l’hyperplasie des CML pulmonaires.

— Les protéines matricielles et le renouvellement de la matrice jouent un rôle dans

le remodelage vasculaire. Les principaux acteurs dans ce phénomène sont l’élas-

tase et les métalloprotéases matricielles, qui contrôlent le remodelage de la

matrice extracellulaire, la migration cellulaire et la croissance.

— L’apoptose contribue à la maladie vasculaire pulmonaire hypertensive. Le prin-

cipal argument à l’appui de cette hypothèse est le fait que l’apoptose des cellules

endothéliales conduit expérimentalement à un remodelage vasculaire pulmo-

naire.

— L’interaction des plaquettes et des cellules inflammatoires circulantes avec la

paroi vasculaire contribue de façon importante au processus de remodelage [10].

— L’hémodynamique pulmonaire influence le processus pathologique par l’inter-

médiaire de forces mécaniques qui s’exercent sur la paroi vasculaire pulmonaire,

notamment dans les shunts congénitaux entre la circulation systémique et la

circulation pulmonaire.

— Une base rationnelle apparaît maintenant pour la mise au point de traitements

efficaces dirigés contre des processus pathobiologiques spécifiques, c’est le cas de

l’administration d’antagonistes du récepteur de l’endothéline, et de vasodilata-

teurs dont l’action est médiée par une formation accrue de GMP cyclique ou

d’AMP cyclique, comme les inhibiteurs de la phosphodiestérase-V, la prostacy-

cline ou des composés proches de la prostacycline.

Mécanismes pathobiologiques et gènes candidats

La voie BMP/TGF-β de transduction des signaux

Les protéines morphogénétiques osseuses (bone morphogenetic proteins, BMPs)

appartiennent à la superfamille TGF-β (TGF-βs, activine A, BMP et facteurs de

croissance et différentiation [GDFs]). Elles ont été identifiées à l’origine comme des

molécules qui régulent la croissance et la différentiation de l’os et du cartilage.

Cependant, les BMP sont des cytokines multifonctionnelles qui possèdent une

activité biologique dans divers types cellulaires, notamment les monocytes, les

cellules épithéliales, les cellules mésenchymateuses et les cellules neuronales. Deux

récepteurs BMP type I (BMP-RIA et BMP-RIB) et un récepteur BMP type II

(BMP-RII) ont été mis en évidence chez les mammifères. Il s’agit de récepteurs

possédant une activité sérine/thréonine kinase. In vitro, le récepteur BMPR-II fixe la

BMP2, la BMP4, la BMP7 et les GDF5 et 6, et ce phénomène est facilité par la

présence du récepteur de type I. La formation de complexes hétéromériques avec

l’un des sept récepteurs TGF-β type I détermine en partie la spécificité de l’activa-

tion ligand-récepteur.

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F. 1. — Schéma de la transduction des signaux des BMP par l’intermédiaire des protéines

Smad.

Transduction des signaux dépendante des Smad. Après la fixation du ligand au

récepteur BMP-RII, le récepteur de type II forme un complexe avec le récepteur de

type I et entraîne la phosphorylation de ce dernier (Figure 1). Cette phosphorylation

d’un domaine riche en glycine et sérine à la partie proximale du segment intracellu-

laire du récepteur de type I active le domaine kinase de ce récepteur, déclenchant la

phosphorylation de protéines cytoplasmiques, les Smad, qui sont responsables de la

transduction des signaux déclenchés par les molécules de la superfamille TGF-β.

Les BMP génèrent des signaux en activant un ensemble spécifique de protéines

Smad (Smad1, 5 et 8, appelés R-Smad), qui doivent former un complexe avec une

molécule co-Smad (Smad4) pour fonctionner de façon optimale. Le complexe du

R-Smad et du co-Smad pénètre dans le noyau, où il régule directement la transcrip-

tion du gène. La spécificité tissulaire des signaux BMP serait déterminée par de

multiples niveaux de régulation, notamment la présence d’inhibiteurs endogènes

des BMP (chordine, noggine et BAMBI), les interactions entre récepteurs type

I/type II, l’activation des Smad inhibiteurs (I-Smad : Smad 6 et 7) et la présence de

co-répresseurs et co-activateurs nucléaires. Chez l’Homme, le muscle lisse artériel

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pulmonaire et les cellules endothéliales expriment un large éventail de récepteurs de

la super-famille TGF-β, y compris BMP-RII et BMP-RIB, et fixent 125I-TGFβ1 et125I-BMP-4. De plus, l’activation de ces récepteurs par les BMP conduit à la

phosphorylation de Smad1 et à l’induction d’ARNm pour Smad6 et Smad7.

Transduction de signaux indépendante des Smad. Bien que la transduction par

l’intermédiaire des Smad soit bien caractérisée, un ensemble croissant de données

indique que les kinases MAP, notamment ERK, JNK, et p38MAPK, sont activées par

les BMP et les TGF-β dans certains types cellulaires. La voie spécifique activée par

BMP-RII pourrait dépendre de ce qui survient en amont : soit le ligand stimule les

hétérodimères type I/type II préformés (phénomène Smad-dépendant), soit il pro-

voque le recrutement à la membrane de récepteurs liés au complexe de transduction.

Rôle possible dans l’hypertension pulmonaire primitive de mutations affectant la

transduction des signaux TGF-β

La mise en évidence dans l’HTAPP familiale et sporadique de mutations hétéro-

zygotes inactivantes situées dans le gène BMP-RII souligne l’importance de la

superfamille TGF-β dans la régulation du développement et de l’intégrité vasculai-

res. Le rôle crucial de la voie des BMP dans le développement vasculaire a étéclairement démontré lors d’études de délétion génique chez la souris. L’homozygo-

tie pour une mutation nulle dans le gène BMP-RII est létale pendant la phase

précoce de l’embryogenèse, et les souris déficientes en Smad5, l’un des Smad qui

agissent en réponse au BMP, meurent en raison d’anomalies de l’angiogenèse liées àune absence de recrutement du muscle lisse vasculaire aux structures endothéliales.

Le résultat net de la transduction des signaux TGF-β sur la croissance et la structure

vasculaires est complexe. C’est en grande partie le contexte qui détermine si la

superfamille TGF-β inhibe ou favorise la prolifération cellulaire : les facteurs

pertinents sont la nature du ligand et des complexes hétéromériques de récepteurs, le

type cellulaire, les signaux en aval et le programme de transcription.

Dans le poumon normal, l’ARNm et la protéine de BMP-RII sont exprimés de

façon prédominante dans les cellules endothéliales les macrophages, et dans une

moindre mesure les CML. Atkinson et al. ont récemment mis en évidence un

effondrement de l’expression de la protéine BMP-RII dans les poumons de malades

porteurs d’une mutation du gène BMP-RII qui devrait conduire à la production

d’une protéine tronquée (2 délétions partielles, mutation à trame décalée 1 exon 3 ¢

355delA). De plus, l’expression de BMP-RII était considérablement réduite chez des

malades qui avaient une HTAPP sans mutation identifiée dans la séquence codante

de BMP-RII. Une réduction peu marquée mais significative a aussi été observée

dans plusieurs cas d’hypertension pulmonaire secondaire. La diminution de

l’expression de BMP-RII était spécifique de ce récepteur puisqu’il n’y a eu aucune

différence entre les groupes dans le niveau d’expression du marqueur endothélial

CD31 ou du récepteur TGF-β type II (TGF-βRII). Étant donné que la sévérité de

l’hypertension pulmonaire, évaluée d’après l’hémodynamique, était similaire dans

les formes primitives et secondaires, et qu’une vasculopathie plexiforme sévère était

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F. 2. — Expression des protéines BMP-RII (A) et CD31 (B) (marqueur endothélial) dans des

coupes de poumon provenant de témoins et de patients porteurs d’une hypertension pulmonaire

secondaire (HPS) ou primitive (HPP). (d’après la référence 2)

présente dans les deux groupes, l’effondrement de l’expression de la protéine BMP-

RII dans l’HTAPP n’est probablement pas simplement une conséquence de l’éléva-

tion de la pression artérielle pulmonaire. Ces observations incitent plutôt à penser

qu’une réduction marquée de l’expression de BMP-RII est une caractéristique

spécifique de l’HTAPP, mais que des diminutions moins marquées pourraient

contribuer à d’autres formes d’hypertension pulmonaire.

Le rôle des BMP dans le remodelage vasculaire pulmonaire n’est pas facile à prédire

car la famille TGF-β exerce des effets complexes sur la fonction des cellules vascu-

laires, effets qui varient selon le phénotype cellulaire et le contexte. Les principaux

effets décrits de TGF-β sur les cellules vasculaires sont l’inhibition de la croissance,

la différentiation cellulaire et la stimulation de la synthèse du collagène. Morrell et

al. ont récemment démontré que les BMP ¢2, ¢4 et ¢7 inhibent la prolifération des

CML provenant d’artères pulmonaires normales et de malades souffrant d’hyper-

tension pulmonaire secondaire à une cardiopathie congénitale, mais ne bloquent

pas la prolifération de cellules provenant de malades qui ont une HTAPP (Figure 2).

Selon une hypothèse séduisante, cette absence d’effet inhibiteur des BMP sur la

croissance des cellules de l’HPP contribuerait à l’occlusion et au remodelage vascu-

laires qui caractérisent cette affection.

Plusieurs lignées de souris transgéniques surexprimant une forme mutée du gène

BMPRII ont actuellement été développées. Certaines de ces souris exprimant le

gène muté de façon conditionnelle semblent développer spontanément une hyper-

tension artérielle pulmonaire. Ces animaux devraient dans l’avenir constituer un

modèle unique permettant d’explorer les mécanismes par lesquels une dysfonction

de la voie BMPRII conduit au développement de l’hypertension artérielle pulmo-

naire.

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La voie de signalisation sérotoninergique : rôle du transporteur de la sérotonine

Le rôle de la sérotonine (5-hydroxytryptamine, 5-HT) dans la régulation de la

circulation pulmonaire a été exploré à la suite des études mettant en évidence une

augmentation du risque d’HTAPP en cas de prise d’anorexigènes inhibiteurs du

transport de 5-HT. L’association entre l’anorexigène aminorex et l’HTAPP a étédécrite pour la première fois dans les années 1960. Plus tard, dans les années 1980,

une relation a été établie entre la prise de fenfluramines et une épidémie d’HTAPP en

France et en Belgique [11]. L’hypothèse sérotonine a été renforcée par la mise en

évidence d’une hypertension pulmonaire idiopathique chez le rat Fawn-hooded,

caractérisé par un déficit héréditaire du stockage plaquettaire de la sérotonine.

Les premières études ont porté sur le 5-HT circulant et ses effets possibles sur le lit

vasculaire pulmonaire. Elles ont mis en évidence une augmentation des concentra-

tions circulantes de sérotonine chez les malades souffrant d’HTAPP [12], même

après une greffe cœur-poumons. En plus de ses effets vasoactifs, le 5-HT exerce des

effets mitogènes et co-mitogènes sur les CML des artères pulmonaires. Contraire-

ment à l’action vasoconstrictrice du 5-HT, qui passe principalement par l’intermé-

diaire des récepteurs 5-HT, c’est-à-dire 5-HT 1BD et 2A sur les CML, les effets

mitogènes et co-mitogènes du 5-HT ne se produisent qu’après internalisation de

l’indoleamine par le transporteur du 5-HT (5-HTT) [13, 14]. Par conséquent, les

médicaments qui inhibent le 5-HTT de façon compétitive bloquent aussi les effets

mitogènes du 5-HT sur les CML. Les anorexigènes fenfluramine, d-fenfluramine et

aminorex diffèrent des inhibiteurs sélectifs du transporteur de la sérotonine dans la

mesure où leur effet consiste non seulement à inhiber le recaptage de la sérotonine

mais aussi à provoquer la libération de l’indoléamine et à entrer dans une interaction

spécifique avec le 5-HTT. Eddahibi S et coll. ont récemment cherché à déterminer si

le 5-HTT pulmonaire joue un rôle de premier plan dans le remodelage vasculaire

pulmonaire, par l’intermédiaire de ses effets sur la croissance des CML artérielles

pulmonaires. 5-HTT est exprimé en grandes quantités dans le poumon, où il est

présent principalement sur les CML. Ce transporteur est codé par un gène unique

exprimé dans divers types cellulaires comme les neurones, les plaquettes et les

cellules endothéliales et musculaires lisses des vaisseaux pulmonaires. Chez

l’homme, le niveau d’expression de 5-HTT semble considérablement plus élevé dans

le poumon que dans l’encéphale, laissant penser qu’une altération de l’expression de

5-HTT a peut-être des conséquences directes sur la fonction des CML artérielles

pulmonaires. Le rôle de 5-HTT comme médiateur indispensable de l’activité mito-

gène du 5-HT semble spécifique des CML des vaisseaux pulmonaires, puisqu’il n’apas été décrit avec les autres types de CML. Un argument direct en faveur d’un rôle

clé du 5-HTT dans le remodelage vasculaire pulmonaire a été apporté récemment

par une étude qui a mis en évidence une réduction de la sévérité de l’hypertension

pulmonaire hypoxique chez des souris porteuses d’une délétion ciblée du gène

5-HTT, par comparaison aux témoins de type sauvage [15], ainsi qu’une atténuation

de l’hypertension pulmonaire hypoxique par l’administration d’inhibiteurs sélectifs

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F. 3. — Activité 5-HTT dans les cellules musculaires lisses d’artères pulmonaires provenant de

témoins (colonnes blanches) et de patients (colonnes noires) porteurs d’une hypertension

pulmonaire primitive (gauche). Prolifération de cellules musculaires lisses d’artères pulmonaires

de patients porteurs d’une HTAP (colonnes noires) et de témoins (colonnes blanches) (d’après

la référence 9).

du 5-HTT. Au contraire, une expression accrue de 5-HTT s’accompagne d’une

sévérité accrue de l’hypertension pulmonaire hypoxique. Bien que les artères pul-

monaires contiennent une population hétérogène de récepteurs 5-HT2A et 5-HT1B,

les antagonistes du récepteur 5-HT ne semblent pas aussi efficaces que les inhibi-

teurs du 5-HTT en termes de protection contre le développement de l’hypertension

pulmonaire hypoxique. Dans leur ensemble, ces observations sont en faveur d’une

corrélation étroite entre l’expression et/ou l’activité de 5-HTT et le degré de remo-

delage vasculaire pulmonaire pendant l’exposition à l’hypoxie.

Des résultats en faveur d’un rôle clé du 5-HTT dans la pathogénie de l’HTAPP chez

l’Homme ont été obtenus plus récemment. Une augmentation de l’expression de

5-HTT a été mise en évidence dans les plaquettes et les poumons de malades

souffrant d’HTAPP, où cette expression prédominait dans la media des artères

pulmonaires épaissies et dans les lésions en bulbe d’oignon [9]. Fait intéressant,

l’augmentation de la concentration et de l’activité de la protéine 5-HTT persistait

dans des CML en culture provenant d’artères pulmonaires de malades souffrant

d’HTAPP, par comparaison aux témoins. De plus, les CML d’artères pulmonaires

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de malades qui avaient une HTAPP ont proliféré plus rapidement après stimulation

par sérotonine ou sérum, par comparaison aux cellules de témoins, et cette diffé-

rence était liée à une expression accrue du transporteur de la sérotonine. En présence

d’inhibiteurs du 5-HTT, la stimulation de la croissance par le sérum et la sérotonine

était nettement moins importante, et il n’y avait plus de différence de prolifération

entre les CML des malades et celles des témoins. La prolifération des CML en

réponse à divers facteurs de croissance comme le PDGF, l’EGF, le TGFβ, le FGFa,

et l’IGF était similaire chez les malades qui avaient une HTAPP et les témoins. Ces

résultats démontrent qu’une expression et/ou une activité excessive du 5-HTT dans

les CML d’artères pulmonaires de malades hypertendus pulmonaires est responsa-

ble de la réponse mitogène accrue à la sérotonine et au sérum (qui contient de la

sérotonine à des concentrations micromolaires).

Les mécanismes responsables de l’augmentation de l’expression de 5-HTT dans les

CML de malades hypertendus pulmonaires ne sont pas entièrement élucidés. Il a étédémontré que l’expression du 5-HTT est soumise à une régulation génétique : un

polymorphisme de la région promoteur du gène 5-HTT humain altère l’activité de

transcription. Ce polymorphisme consiste en deux allèles fréquents, une insertion

ou une délétion de 44 bp, appelés allèles L et S respectivement. Avec l’allèle L, la

transcription du gène 5-HTT est deux à trois fois plus active qu’avec l’allèle S

(Figure 4). Dans l’étude mentionnée ci-dessus, le génotype était L/L chez 70 à 80 %

des malades hypertendus pulmonaires, par comparaison à 20 ou 30 % d’une popu-

lation témoin [9]. Ce résultat démontre que le génotype L/L prédispose à l’HTAPP

chez l’Homme.

Plusieurs questions restent sans réponse. Bien que l’allèle long du promoteur du

gène 5-HTT soit fortement lié à l’HTAPP, ce fait n’explique pas entièrement

l’augmentation de l’expression de 5-HTT chez les malades qui ont une HPP. Ainsi,

la présence concomitante d’autres facteurs est probablement nécessaire à l’appari-

tion d’une surexpression de 5-HTT. Il reste à déterminer si cette surexpression est

due à une altération du gène 5-HTT lui-même ou à des altérations d’autres facteurs

mis en jeu dans la régulation de l’expression du gène 5-HTT. Il existe un besoin

pressant d’études des voies moléculaires qui lient le génotype BMP-RII mutant,

l’expression de 5-HTT, et le phénotype HTAPP.

La possibilité d’une association entre une surexpression du gène 5-HTT et d’autres

formes d’hypertension pulmonaire secondaire demande aussi à être explorée. Une

prédisposition génétique a été suggérée pour la plupart des formes secondaires

d’hypertension pulmonaire et pour l’hypertension pulmonaire persistante du

nouveau-né. De plus, il existe d’importantes variations inter-individuelles dans la

sévérité de l’hypertension pulmonaire associée aux pneumopathies hypoxémiques.

Eddahibi S et al. ont montré que le gène 5-HTT peut être induit par l’hypoxie [13,

16], laissant penser que l’hypertension pulmonaire hypoxique est probablement elle

aussi liée au polymorphisme 5-HTT. Il existe probablement des interactions entre

l’expression de 5-HTT et d’autres facteurs comme l’inflammation ou les anorexigè-

nes. Les anorexigènes pourraient contribuer à l’hypertension pulmonaire en aug-

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F. 4. — Activité 5-HTT (gauche) et croissance des cellules musculaires lisses (droite) issues de

sujets témoins en fonction du génotype SS, LS ou LL. D’après la référence 9.

mentant les concentrations de 5-HT dans la circulation, en stimulant directement la

prolifération des CML ou en modifiant l’expression de 5-HTT. Nous suggérons

qu’une expression forte de 5-HTT à l’état basal, en rapport avec la présence de la

variante longue du promoteur du gène 5-HTT, prédispose peut-être à un ou plu-

sieurs de ces mécanismes sous-tendant le développement d’une hypertension pul-

monaire en réponse aux anorexigènes. Ainsi, les associations qui lient la surexpres-

sion de 5-HTT à l’hypertension pulmonaire et le polymorphisme du gène 5-HTT àla prédisposition à l’HTAP se retrouvent probablement dans divers types d’hyper-

tension pulmonaire chez l’homme.

CONCLUSION

La compréhension de la physiopathologie de l’HAP a beaucoup progressé au cours

de ces dernières années. De nouvelles approches thérapeutiques destinées à corriger

les anomalies de la média et de l’adventice feront probablement l’objet d’études

cliniques dans un avenir proche.

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DISCUSSION

M. Yves GROSGOGEAT

Le rôle au transporteur de sérotonine est-il aussi important dans le mécanisme de l’hyper-

tension artérielle pulmonaire secondaire aux shunts intra-cardiaque que dans l’hypertension

primitive ?

Il s’agit d’une question non résolue, un protocole devrait démarrer prochainement afin de

déterminer la fréquence du génotype LL dans cette population de patients

M. Pierre GODEAU

Comment peut-on expliquer que l’effet des « coupe-faim » ait été différent en Europe

(risque d’HTAP) et aux USA et Canada où l’on a observé des valvulopathies et pas

d’HTAP. Y avait-il un substratum génétique différent ? D’autre part, vous avez démontré unrôle éventuellement favorable de la fluoxétine pour freiner le développement de l’HTAP aumoins expérimentalement chez la souris. En revanche, il semble que la fluoxétine ait joué unrôle adjuvant dans le développement des valvulopathies des patients ayant absorbé à la foisfenfluramine phentermine et pour certains aussi la fluoxétine ?

Une étude parallèle menée aux USA a montré également l’augmentation du risque dedévelopper une HTAP chez les patients traités par les dérivés de la fenfluramine. Uneparticularité des patients aux USA ayant développé une valvulopathie est que ceux-ciprenaient l’association fenfluramine phentermine dont une conséquence théorique estune augmentation massive des concentrations plasmatiques de sérotonine. Je n’ai pas lanotion d’un effet similaire de l’association fluoxétine-phentermine. Il s’agit d’une notionimportante car elle signifierait alors que le développement des valvulopathies est direc-tement lié à l’augmentation de la concentration de sérotonine libre circulante.

M. Jacques CAEN

Dans l’A.M.J. en juillet 1990 avec l’équipe de Pierre Duroux et Philippe Hervé à Clamart,avec Ludovic Drouet et J.-Marie Launay, nous avons documenté les relations entre lasérotonine plaquettaire et l’hypertension artérielle pulmonaire dans une maladie familialede départ de stockage dans les organelles plaquettaires de serotonine et nous jetions ainsi lesbases d’une hypothèse qui a été reprise chez les porcs souffrant congénitalement de cetteanomalie, découverte par Ludovic Drouet. La sérotonine chez le porc a une action vasodi-latatrice mais pas vasoconstrictrice. La physiopathogénie évoquée était la suivante : pardéfaut congénital de stockage de mitogenes et de facteurs vasoactifs, ceux-ci sont en excèsdans le plasma, il en résulterait la séquence suivante : activation des cellules musculaireslisses (vasoconstriction) leur prolifération (hypertrophie médiale) et dédifférenciation descellules musculaires lisses pour un phenotype fibreux et une remodélisation vasculaireaboutissant à une augmentation de la résistance artérielle pulmonaire. Nous avons suggéréen 1990 une action synergique de la sérotonine et de facteurs de croissance d’origine

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plaquettaire pour expliquer l’hypertension artérielle pulmonaire progressive familiale tou-

chant le malade décédé à Clamart, son fils et sa petite fille.

L’hypothèse que vous avez avancée se révèle en effet de plus en plus vraisemblable. En

revanche, il est peu probable que le mécanisme fasse intervenir les propriétés vasocons-

trcitrices de la sérotonine. En effet, dans notre expérience, les antagonistes des récepteurs

à la sérotonine de type 1B, 2B et 2A ne modifient pas le développement de l’HTAP

expérimentale, hypoxique ou induite par la monocrotaline. L’expression pulmonaire de

ces récepteurs n’est par ailleurs pas modifiée dans l’HTAP humaine.

M. Patrice QUENEAU

Pour revenir aux hypertensions pulmonaires de cause médicamenteuse (imputées notam-

ment à certains anorexigènes), peut-on espèrer que la connaissance du génotype puisse

identifier les populations à risques et donc les contre-indications des médicaments induc-

teurs de telles hypertension pulmonaires ?

Il est possible que dans l’avenir, le génotype puisse être utilisé pour identifier certains

patients à risque de développer une HTAP. Ainsi, on peut imaginer, si ceci était confirméque des patients porteurs d’une BPCO et dont le génotype favorise le développe-

ment d’une HTAP puissent être traités de façon plus active ou plus précoce que

leurs homologues de génotype différent. En revanche, il paraît peu vraisemblable que

ceci puisse contribuer à sélectionner des patients face à l’utilisation d’un produit dange-

reux.

M. Claude JAFFIOL

L’hypentension artérielle pulmonaire des anorexigènes est relativement rare. Qu’en est il des

recherches d’une anomalie génétique type « LL » chez ces patients ?

Il est malheureusement difficile de retrouver maintenant des patients avec HTAPP ayantpris des anorexigènes et les comparer à des contrôles ayant également pris des anorexi-gènes. Dans l’étude publiée en 2001 par S. Eddahibi dans le Journal clinical Invest, nousavons montré que l’incidence du génotype LL, chez des patients ayant pris des anorexi-gènes, était la même que celle trouvée dans la population de patients porteurs d’uneHTAPP.

M. Daniel LOISANCE

L’HTAP signifie pour un patient en insuffisance cardiaque terminale une contreindicationabsolue à la greffe cardiaque. Il semble que la mise en œuvre d’une dérivation ventriculairegauche prolongée permette la disparition de cette HTAP, et par voie de conséquence, ànouveau une possibilité ou greffe ? Quel est le mécanisme de ce phénomène ? Quel est le rôlede la sérotonine ?

Il est possible que génotype LL puisse favoriser le développement de l’HTAP chez lespatients avec insuffisance cardiaque et ainsi expliquer la susceptibilité particulièrequ’auraient certains de ces patients à développer une HTAP. Ceci devrait faire l’objetd’une prochaine étude.

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M. Claude DREUX

Quel pourrait être le rôle du récepteur 5HT2B de la sérotonine dans l’hypertensionpulmonaire ? Dans son intervention devant notre Académie le 14 Janvier 2003, J.M.Launayavait rappelé le rôle mitogène de la 5HT et du récepteur 5HT2B en stimulant la voie deskinases et de la mitose. Pensez-vous que le mécanisme puisse être invoqué dans l’HTAP, àcôté de celui mettant en jeu le transporteur 5HTT ?

Il est bien sûr vraisemblable que les récepteurs 5HT2B agissent selon des mécanismesdifférents de celui du transporteur de la sérotonine. Le mécanisme impliqué dans l’actiondes 5HT2B est à ma connaissance encore méconnu, mais n’affecte pas la prolifération desCML.

M. Georges DAVID

Dans les hypertensions artérielles pulmonaires du très jeune enfant, a-t-on, dans certainscas, retrouvé la notion de prise d’anorexigènes par les mères.

A ma connaissance, non. En revanche, il est possible que le génotype LL puisse favoriserle développement de l’HTAP persistante du nouveau-né. Cette hypothèse fait actuelle-ment l’objet d’une étude en cours avec le réseau national de néonatalogie.

M. André PARODI

Il existe en médecine vétérinaire au modèle spontané d’HTAP ; c’est celui de l’infectionparasitaire-pulmonaire du chat par un nématode, Aelustrongylus abstrusus. Cette parasi-tose, devenue rare, s’accompagne d’hypoxie et d’une hyperplasie sévère de la média desartérioles pulmonaires. Ma question porte sur la mutation qui survient sur le gène codantpour la protéine morphogénique osseuse (BMPRII) dans l’hypertension artérielle pulmo-naire primitive génétique. Existe-t-il des anomalies du développement du squelette associéesà cette mutation ?

Les patients porteurs d’une mutation du gène codant pour le BMP-R2 ne semblent pasprésenter d’anomalies associées à l’HTAP. La survenue de l’HTAP chez le chat pourraitreprésenter un bon modèle d’étude, notamment dans le cadre de sa composant inflam-matoire.

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Hyperparathyroidie primaireévolution des techniques durant trois décenniesintérêt et innocuité des opérations précoces

Primary hyperparathyroidism :Evolution in diagnostic and imaging techniques during threedecades and advantages of early surgery

Didier MELLIERE*, Elif HINDIE**

RÉSUMÉ

Les progrès effectués dans le diagnostic des hyperparathyroïdies primaires HPT1 et la

localisation préopératoire des glandes pathologiques ayant conduit à des indications pluslarges, cette étude a eu pour objet d’évaluer si cette attitude s’est accompagnée : — d’uneamélioration des résultats, — d’une diminution de la gravité des HPT1 traitées. Elle portesur 511 opérations chez 499 patients dont les données ont été enregistrées de façonprospective. Nous avons comparé trois périodes successives de dix ans : (1973-1982) : 73opérations, (1983-1992) : 155 opérations ; (1993-2002) : 283 opérations. Durant ces troispériodes les taux d’échecs précoces définis par la persistance d’une hypercalcémie ont étérespectivement de 6,8 %, 1,3 % et 0,7 % ; simultanément les séquelles (hypocalcémiedurable et paralysie récurrentielle définitive) sont devenues de plus en plus rares mais leurfréquence a été influencée par la variété d’HPT1 qui a conditionné l’importance de l’exérèseet a été majorée en cas d’exérèse thyroïdienne associée. Parmi les symptômes la lithiaseurinaire est passée de 50 à 29,7 %. La proportion d’HPT1 décelées à la suite de dosagessystématiques a doublé passant de 19 à 39 %. Enfin la fréquence du cancer a nettementdiminué, passant de 6,8 % à 1,3 % puis 0 % durant la dernière période. Ces résultats sont engrande partie liés à la localisation préopératoire de la ou des glandes pathologiques qui estpassée de 14 % à 42 % puis 90 % des opérés en période 3 et à la précocité des opérationsqu’elle a permise. Parmi les examens de localisation, le plus performant a été la scintigra-phie au MIBI par soustraction en acquisition simultanée du MIBI et de l’iode 123, tellequ’elle a été mise au point par l’un de nous : elle nous a donné 92,6 % de localisationcorrecte. Parce qu’il permet le plus souvent d’éliminer les lésions multi-glandulaires (14 cassur 15 contrôlés par chirurgie bilatérale), cet examen a permis depuis, de proposer dans des

* Service de Chirurgie Vasculaire et Endocrinienne du CHUMondor, 51, avenue duMal de Lattre

de Tassigny 94010 Creteil ¢ France. E-mail : [email protected]

** Service de Médecine Nucléaire du CHU Saint-Antoine.

Tirés-à-part : Professeur D. M, même adresse.

Article reçu le 27 mai 2003, accepté le 30 juin 2003.

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cas sélectionnés une chirurgie unilatérale, sous anesthésie locale et sans dosage per-

opératoire de PTH. Les bons résultats actuels justifient des indications larges y compris

chez les patients âgés ou asymptomatiques. Il y a tout intérêt à opérer les HPT1 avant

l’apparition des symptômes. Les seules contre-indications concernent les patients pauci-

symptomatiques en fin de vie.

M- : H . S. C .D. I. T. R. I .

SUMMARY

Recent progresses in the ability to obtain a secure diagnosis and preoperative localisation

have resulted in a lower threshold for surgery of primary hyperparathyroidism. We questio-

ned whether these trends have been accompanied by an improvement in surgical results, or

changes in the profile of the disease among operated patients. From a total of 511 operations

(499 patients), we retrospectively investigated the data from three successive periods of 10

years each : (1973-1982 : 73 operations ; (1983-1992) : 155 operations ; (1993-2002) :

283 operations. Rates of surgical failure, defined as persistent hypercalcaemia at six

months, have progressively declined : 6.8 %, 1.3 % and 0.7 % respectively. There also has

been a decline in the rates of permanent hypoparathyroidism or laryngeal nerve injury.

However, these complications were highly influenced by the underlying pathology (surgery

for single adenoma versus surgery for multiple gland disease) and by the need for concomi-

tant thyroid surgery. Considering signs and symptoms, the frequency of kidney stones has

declined from 50 % to 29.7 %, while the rate of patients diagnosed at routine screening has

increased from 19 % to 39 %. The prevalence of parathyroid cancer among operated

patients has successively declined from 6.8 % to 1.3 %, then 0 % during the last period. Our

data suggest that present improvement in the success rate of parathyroid surgery be partly

due to improvement in preoperative localisation. Among imaging techniques, subtraction

scintigraphy, based on the simultaneous recording of technetium-99m-sestamibi and iodine-

123, provided the highest rate of accurate location (92.6 %). Because this imaging techni-

que depicted a majority of cases of multiple parathyroid gland disease at prospective

evaluation (14 out of 15), we now use it to select appropriate cases for a focussed surgery

under local anaesthesia, without the additional need for intraoperative PTH monitoring.

The present good surgical results would justify surgery even for elderly or asymptomatic

patients. Surgery carried out before appearance of symptoms seems beneficial. Only

asymptomatic patients with a short life expectancy may be denied surgery.

K : P H. S. P . D-

. I . T. R. S .

Voici un siècleM. Askanazy [1] ayant observé l’existence d’une glande parathyroïdehypertrophiée chez un sujet atteint d’ostéite fibrokystique émit l’hypothèse d’unerelation entre les deux. Il fallut attendre une vingtaine d’années pour que la preuvesoit apportée successivement par un radiothérapeute et un chirurgien qui guérirentleurs patients l’un en irradiant les parathyroïdes [2] et l’autre en réséquant une

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parathyroïde hypertrophiée [3]. Une vingtaine d’années plus tard furent décrites les

formes rénales des hyperparathyroïdies primaires (HPT1) [4]. Peu à peu, on décou-

vrit la variété des méfaits des HPT1 et la pratique des dosages systématiques révéla

que, loin d’êtres exceptionnelles, elles concernaient en réalité plus d’un sujet sur

1000. Enfin durant les deux dernières décennies, le diagnostic biologique et les

procédés de localisation pré-opératoire des glandes pathologiques devinrent de plus

en plus fiables. L’objet de ce travail a été d’évaluer si cela s’est accompagné d’une

réduction des erreurs de diagnostic et des échecs chirurgicaux, et si les indications

opératoires plus libérales ont entraîné une diminution de la gravité des HPT1

traitées.

MALADES ET MÉTHODES

En trente ans, nous avons effectué 511 opérations pour HPT1 chez 499 patients dont

73 % étaient de sexe féminin. Les diagnostics ont été : adénomes uniques 85,5 % ;

adénomes doubles 5,4 % ; hyperplasies 5,6 % ; cancers 1,2 % ; explorations blan-

ches 2,4 %. Ces HPT1 étaient familiales dans 3,6 % des cas et faisaient partie d’une

polyendocrinopathie dans 2,4 %. La fréquence des symptômes en fonction de la

variété d’HPT1 apparaît sur le tableau 1. Environ 10 % des symptômes n’ont étédécrits par les patients qu’après l’intervention lorsqu’ils eurent disparu. Il n’y a pas

eu de différence symptomatologique entre les adénomes uniques et les atteintes

pluriglandulaires.

Trente six pour cent des patients étaient porteurs d’un goître ou de nodules thyroï-diens, ce qui a eu deux implications : d’une part la présence de nodules thyroïdiens

a compliqué l’interprétation des différentes imageries ; d’autre part, il nous a paru

illogique d’opérer une glande parathyroïde sans traiter simultanément une lésion

thyroïdienne volumineuse située dans la même loge car la sclérose que laisse toute

dissection aurait rendu un réabord plus difficile et plus dangereux pour les parathy-

roïdes saines et le nerf récurrent. Notre politique a donc été d’opérer simultanément

les gros goîtres et les gros nodules en prévenant les malades du risque plus élevé de

séquelles post-opératoires. Cela a concerné 18,5 % des opérés.

Les données ont été enregistrées de façon prospective d’abord sur un système de

fiches perforées puis à partir de 1981 dans une base de données informatiques

constituée à cet effet. Les renseignements concernant l’évolution ont été saisis au fur

et à mesure. Les patients ont été systématiquement revus à un an. Au-delà, ces

patients et leurs médecins traitants ont été fortement incités à contrôler la calcémie

annuellement et à nous prévenir en cas d’anomalie. La durée médiane de sur-

veillance par le premier auteur n’a été que de 2 ans. S’il est improbable que des

récidives aient été opérées sans que nous en ayons été avertis (tant les constatations

effectuées lors de la première intervention sont des éléments trop précieux pour ne

pas s’en enquérir lorsque se discute une réintervention), cela n’élimine pas la

possibilité de récidives non détectées.

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T 1. — Symptômes selon la variété d’HP1 ( %)

(Les chiffres soulignés sont des totaux ; les chiffres non soulignés sont des %)

* Les médianes de calcémie sont données en milligramme par litre.

L’appréciation des résultats a porté sur les complications, les séquelles, le taux

d’échecs (précoces) et de récidives (après six mois). La définition d’échec et de succès

immédiat est difficile car l’exérèse d’une glande pathologique ne signifie pas

l’absence d’autres glandes pathologiques et une normo-calcémie voire une hypocal-

cémie à un mois peuvent être suivies d’une hypercalcémie à six mois. A l’inverse,

après l’exérèse d’un adénome unique, une élévation modérée et transitoire du taux

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sérique de PTHi peut s’observer durant plusieurs semaines, voire plusieurs mois

malgré une calcémie normale [5] ; de plus le fait qu’aucune glande n’ait été trouvée

ne permet pas d’affirmer un échec opératoire puisque dans deux cas nous avons

observé une guérison durable affirmée par des taux de calcium et de PTHi revenus àla normale pendant plusieurs années consécutives (l’explication étant probablement

la dévascularisation d’une glande pathologique inférieure pendant la dissection des

pôles supérieurs des thymus, geste constamment effectué lorsqu’aucune glande

hypertrophiée n’est trouvée). Cette difficulté à définir les échecs précoces nous a

conduit à indiquer les taux de cervicotomie blanche et d’hypercalcémie persistante

(qui se chevauchent largement).

Nous avons aussi étudié les causes d’insuccès chirurgicaux. Les échecs précoces sont

dûs à la méconnaissance d’une ou plusieurs glandes pathologiques et les facteurs

favorisants (possiblement associés) sont : les lésions pluriglandulaires (11 % dans

cette série), l’atteinte d’une glande surnuméraire (0,4 %) et surtout les glandes patho-

logiques ectopiques (7,2 %). La plupart de ces glandes ectopiques étaient accessibles

par voie cervicale : médiastinales antérieures 1,2 %, médiastinales postérieures 1 %,

rétro-oesophagiennes 2,2 %, intrathyroïdiennes 1,4 %, dans la gouttière carotido-

jugulaire 0,4 %. Mais d’autres n’étaient accessibles que par voie thoracique : mé-

diastinales antérieures 0,8 % et médiastinale postérieure 0,2 %. C’est pourquoi nous

nous sommes efforcés de connaître avant l’intervention l’existence d’une atteinte

pluriglandulaire et la localisation précise de la ou des glandes pathologiques.

Les facteurs pouvant être à l’origine de récidives ont été le développement progres-

sif dans le temps de lésions pluriglandulaires, ce que rien ne permet de prédire [6]

notamment en cas de polyendocrinopathies, en particulier de MEN1 qui sont

associés à des HPT1 particulièrement récidivantes [7] et les cancers. Les sept cas de

cancers parathyroïdiens ont été affirmés sur des critères histologiques dont on

connaît le caractère aléatoire (anomalies structurales, franchissement de la capsule,

embolies vasculaires). Si dans trois cas ce diagnostic a été confirmé par une récidive,

dans les quatre autres, l’absence de récidive est possiblement due à une durée de

surveillance trop courte (l’un des cancers ayant récidivé au terme de 21 ans) et le

diagnostic de cancer reste une probabilité.

Dans cette étude nous avons comparé les techniques et les résultats durant trois

périodes successives et égales de dix ans. Cette division arbitraire nous a paru

éliminer tout biais de sélection. Durant la période 1 (janvier 1973-décembre 1982),

les moyens de diagnostic à notre disposition ont été limités aux dosages de calcémie,

de phosphorémie et de calciurie des 24 heures, à l’élimination des nombreux

diagnostics différentiels, au test au Calcitard et à la biopsie osseuse chirurgicale. Les

examens de localisation autres que la palpation étaient l’échographie débutante,

l’artériographie et les dosages étagés en cas d’échecs ou de récidives et durant les

dernières années les scanners de première génération ; les résultats en étaient si

médiocres que Cl. Dubost pouvait écrire que « la localisation préopératoire de la

lésion, quand il s’agit d’une première opération, paraît sans intérêt [8] ». Durant la

période 2 (1983-1992) les premiers dosages immunologiques de la PTH et le dosage

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de l’AMP cyclique néphrogénique sont apparus et la biopsie osseuse a été faite au

trocart ce qui en réduisit considérablement la pénibilité. Pour la localisation pré-

opératoire, l’échographie est devenue plus performante et la scintigraphie de sous-

traction Thallium ¢Technétium est apparue. Enfin durant la période 3 (1993-2002),

le diagnostic a été assuré par le dosage radio-immunologique de la PTH intacte

(PTHi), et dans les cas douteux, l’exploration du métabolisme phosphocalcique par

épreuve de charge calcique. Les appareils d’échographie sont devenus plus perfor-

mants et surtout l’exploration au Sestamibi (MIBI) est devenue disponible dans ses

deux variantes, la méthode cinétique à traceur unique et celle par soustraction

MIBI-Iode (ou MIBI-Pertecnetate). Les résultats de la scintigraphie de soustraction

s’étant révélés supérieurs à ceux de la méthode cinétique [9] et son efficacité s’étant

accrue par la méthode d’acquisition simultanée mise au point par l’un de nous, cet

examen est devenu systématique [10]. Son principe est le suivant : le patient reçoit

une injection d’iode 123 (11MBq), puis trois heures plus tard est placé sous la

gamma caméra et le 99mTc-Sestamibi est injecté (600MBq). Les images des deux

traceurs sont enregistrées simultanément : une image cou-thorax puis deux images

de l’aire thyroïdienne, de face et de profil. L’acquisition simultanée évite les artéfacts

de soustraction dus à des mouvements du patient entre les deux acquisitions, ce qui

est essentiel pour les petites glandes et les hyperplasies. Un nodule froid à l’iode et

fixant au Sestamibi (MIBI) pouvant faire croire à tort à une parathyroïde hypertro-

phiée, les clichés de profil et la comparaison avec l’échographie sont alors des

éléments importants de discrimination.

RÉSULTATS

Évolution de la pratique

Aux trois périodes ont correspondu des groupes croissants de patients, le nombre

d’opérations ayant doublé durant la deuxième période et quadruplé durant la

troisième (tableau 2). Durant la période 3, on a opéré davantage de patients âgés ou

ayant une calcémie inférieure à 105 mg/l. La cause principale de découverte a été une

lithiase rénale durant la période 1 et les dosages systématiques de calcémie durant la

période 3 (tableau 3).

Le tableau 4 montre le nombre d’examens réalisés dans cette série et leur score de

localisations correctes. L’échographie a été l’examen le plus souvent réalisé. On en

attendait la distinction entre les atteintes uni et pluriglandulaires et la localisation du

côté où se trouve la lésion. Son mauvais score est partiellement dû au fait que

nombre de patients sont arrivés avec des échographies réalisées par des radiologues

peu habitués à cette pathologie, mais nous avons observé des échecs même entre les

mains les plus compétentes. Le scanner et l’IRM n’ont pas confirmé les espoirs

initiaux. Il en fut de même de la scintigraphie de soustraction Thallium-Technetium.

En revanche l’arrivée du MIBI a constitué une véritable révolution mais cet examen

s’est révélé technique-dépendant ; dans cette série, son score a été inférieur à celui

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T 2. — Caractéristiques épidémiologiques durant les 3 périodes.

T 3. — Circonstances principales ayant conduit au diagnostic d’HP1 durant les trois périodes

(%)

La comparaison entre les deux dernières lignes montre qu’environ la moitié des patients dont le

diagnostic d’HP1 avait été fait à suite de dosages systématiques étaient en réalité porteurs de

symptômes dont certains n’ont été connus qu’après l’opération lorsqu’ils eurent disparu.

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T 4. — Score de localisation correcte des différents examens (%)

* Examens réservés aux patients nécessitant une réintervention lorsque les explorations non invasi-

ves n’ont pas mis en évidence de localisation.

que nous avons précédemment publié dans un groupe de patients explorés unique-

ment par l’un de nous [10]. L’artériographie et les dosages étagés, réalisés seulement

chez les patients opérés pour la deuxième fois en l’absence de localisation par les

imageries classiques, se sont révélés être des techniques très invasives aux résultats

décevants.

Le tableau 5 montre l’évolution des pourcentages d’examens réalisés par chaque

technique durant les trois périodes : le taux de localisation correcte par au moins une

méthode avant l’opération est passé de 13,7 % à 90,4 %. Ces progrès dans le

domaine de la localisation ont entraîné une modification de la stratégie opératoire.

Durant la période 1, le chirurgien se devait d’explorer les quatre sites parathyroï-diens, l’objectif étant de voir les quatre glandes, d’enlever la ou les glandes hyper-

trophiées et de respecter les autres ; lorsqu’une glande était en situation thoracique

basse, invariablement la cervicotomie se terminait par une exploration blanche.

Durant la période 3, il a été possible d’aller directement sur la ou les glandes

pathologiques en réduisant les dissections inutiles, donc la durée de l’opération et les

risques de séquelles. L’abord cervical a été constamment bilatéral en période 1 alors

qu’il a été unilatéral dans 16,8 % des cas durant la période 3. Ce choix a étéprogressif après validation de la capacité du MIBI en acquisition simultanée àéliminer les atteintes multiglandulaires [11]. L’anesthésie a été constamment géné-

rale durant les deux premières périodes alors que l’anesthésie locale a été utilisée

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T 5. — Pourcentage des examens de localisation réalisés au cours de chaque période —Comparaison des pourcentages de patients ayant eu une localisation correcte préopératoire par

au moins une méthode et des taux d’échecs opératoires (%).

dans 12,4 % des cas de la troisième période (actuellement un patient sur deux

environ bénéficie d’un abord unilatéral sous anesthésie locale dans des indications

sélectives définies plus loin).

Echecs précoces

Si on se base sur les taux de cervicotomie blanche, pour les trois périodes, ils ont étérespectivement de 6,8 %, 2,6 et 1,1 %. Si on se base sur les taux d’hypercalcémie

précoce persistante, ils ont été de 6,8 %, 1,3 % et 0,7 %.

Complications

Il y a eu deux décès. L’un durant la première période a concerné un patient de

réanimation en défaillance multiviscérale chez qui l’exérèse parathyroïdienne fut

tentée dans l’espoir de freiner l’évolution, le deuxième est survenu durant la troi-

sième période chez une patiente présentant des troubles psychiatriques majeurs qui

a développé brutalement un hématome suffocant au cours d’une grande crise

d’agitation durant la nuit.

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Séquelles

Les taux d’hypocalcémie précoce durant les trois périodes ont été respectivement de

16,4 %, 7,1 % et 5,6 % mais à 6 mois les taux d’hypocalcémie durable n’étaient plus

que de 5,5 %, 3, 2 % et 2,5 %. Ces taux d’hypocalcémie durable ont été influencés par

la variété d’HP1 puisqu’ils ont été de 2,3 % après exérèse d’un adénome unique,

6 ,9 % après exérèse d’un adénome double et 12,9 % après opération d’hyperplasie.

Ils ont aussi été influencés par l’association d’une exérèse thyroïdienne : en effet

après opération pour adénome parathyroïdien unique, ils ont été de 1,6 % en

l’absence de thyroïdectomie, 2,8 % en cas de lobectomie unilatérale et 9,4 % en cas

de thyroïdectomie totale. Il en a été de même pour les paralysies récurrentielles

définitives dont les taux ont été de 1,2 % après opération pour adénome unique,

3,4 % après opération pour adénome double et 3,1 % après opération pour hyper-

plasie (l’examen des cordes vocales ayant été systématique chez tous les opérés).

Chez les patients opérés d’adénomes uniques, les taux de paralysie récurrentielle

définitive ont été de 3,1 % en cas de thyroïdectomie totale, de 2,8 % en cas de

lobectomie unilatérale et de 0,8 % en l’absence de thyroïdectomie.

Évolution de la symptomatologie

Le tableau 6 montre que la fréquence des lithiases a considérablement diminué(p<0,01). Les symptômes d’ordre rhumatologique paraissent stables mais les fré-

quences d’ostéopénie comportent un biais : en période 1 ce diagnostic a reposé sur

les analyses radiologiques et la biopsie osseuse et en période 3 sur l’ostéodensito-

métrie, examen simple et de réalisation plus fréquente bien que non systématique.

Les formes totalement asymptomatiques ont doublé de fréquence.

Fréquence du cancer

Dans cette série elle est passée de 6,8 % durant la première période à 1,3 % durant la

deuxième et à 0 % durant la dernière période où nous avons opéré beaucoup plus de

patients. Hasard ou résultat d’opérations plus précoces ? Se développaient-ils sur

des tumeurs initialement bénignes et les opérations précoces ne leur laissent-elles

pas le temps d’apparaître ?

Récidives

Elles n’ont pas été séparées par périodes car la durée de recul étant différente, toute

comparaison aurait été biaisée. A notre connaissance, il y a eu huit récidives : une

par deuxième adénome après exérèse d’un adénome unique, cinq par lésions multi-

glandulaires dont trois dans le cadre d’un MEN 1 et deux par récidives de cancer.

Les délais de ces récidives se sont échelonnés de 2 à 15 ans. Au total nous n’avons

observé que deux récidives après exérèse d’adénome unique, une par survenue d’un

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T 6. — Fréquence des symptômes selon les périodes (%)

deuxième adénome et une autre par récidive néoplasique au même site que rien ne

laissait présager lors de la première opération. On ne peut exclure que d’autres

récidives aient été méconnues ou surviennent ultérieurement.

DISCUSSION

Cette série, comme la plupart de celles publiées récemment, confirme l’amélioration

progressive des résultats. Si l’expérience de l’opérateur est toujours aussi essentielle,

il n’en reste pas moins que les avancées récentes dans le domaine du diagnostic

biologique ont rendu les erreurs de diagnostic exceptionnelles et que la fréquence

des localisations correctes pré-opératoires a permis d’aller droit au but, de limiter la

dissection, de réduire les taux d’explorations blanches, les complications et les coûts.

En lisant la littérature récente, quatre questions prédominent :

Comment diminuer les risques ?

Le risque d’échecs. Il est clair qu’il ne faut opérer qu’avec un diagnostic certain et si

possible avec une localisation préopératoire hautement probable. Cette certitude

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diagnostique ne provient que des examens biologiques notamment des dosages du

calcium ionisé, et de PTHi mais leurs résultats ont parfois été normaux et en ce cas

le diagnostic s’est appuyé sur les explorations du métabolisme phosphocalcique

effectuées par une équipe spécialisée. Les examens de localisation ne peuvent être

considérés comme des arguments diagnostiques tant ils peuvent exposer à des

erreurs lorsque ce diagnostic n’est pas établi avec certitude. La localisation correcte

des glandes pathologiques avant l’intervention fait appel actuellement à l’échogra-

phie et au MIBI. Ces deux examens sont très technique-dépendants tant dans leur

réalisation que dans leur interprétation. Dans notre expérience l’échographie faite

par des opérateurs variés a eu un score inférieur à celui publié par des équipes

particulièrement focalisées sur cette pathologie et nous n’avons pas observé d’amé-

lioration durant la troisième période. Par ailleurs, les meilleures équipes admettent

son manque de sensibilité dans la détection aussi bien des lésions ectopiques

notamment médiastinales ou rétro-oesophagiennes, que des atteintes multiglandu-

laires [12].

Le MIBI est lui aussi technique-dépendant. Certes quelle que soit la méthode il

détecte les ectopies, mais dans l’aire thyroïdienne la méthode par soustraction a

l’avantage de distinguer les nodules thyroïdiens des fixations parathyroïdiennes et de

dépister les atteintes multiglandulaires [9]. Comparant chez 112 patients opérés

entre janvier 1995 et décembre 1999, les résultats du MIBI par soustraction et

acquisition simultanée avec les constatations faites lors d’une chirurgie bilatérale,

nous avons constaté que sur 15 atteintes multiglandulaires, 14 avaient été détec-

tées par le MIBI. Nous demandons systématiquement une échographie et un

MIBI pour pouvoir les comparer, même si nous faisons davantage confiance à ce

dernier.

D’autres, de part et d’autre de l’Atlantique, [13, 14] se sont orientés vers le contrôle

per-opératoire du dosage de la PTHi. La possibilité d’éliminer durant l’intervention

une atteinte pluriglandulaire a conduit à utiliser des abords unilatéraux, souvent

sous anesthésie locale [13, 15] et parfois en ambulatoire [14]. Une chute du taux de

PTHi prélevée dix minutes après l’ablation d’une glande pathologique d’au moins

50 % par rapport au taux en début d’intervention ou lors de la manipulation de la

glande, signifierait l’absence d’autre glande pathologique [14]. Des publications

ayant fait part de faux négatifs conduisant à d’inutiles conversions en abord bilatéral

sous anesthésie générale et de faux positifs provoquant la persistance d’une hyper-

calcémie en post-opératoire [16-18], d’autres auteurs ont préconisé des délais plus

longs pour améliorer l’efficacité du test [13, 15], mais en ce cas le patient a quitté la

salle d’opération lorsqu’arrive le résultat. Nous n’avons pas utilisé cette technique

pour deux raisons : son coût en personnel et la constatation que le MIBI en double

acquisition nous permet d’éliminer la majorité des atteintes multiglandulaires [11].

Nous pensons préférable d’optimiser le diagnostic de localisation pré-opératoire par

la confrontation échographie-MIBI, ces examens étant confiés aux examinateurs les

plus compétents. Mais peu importe la technique, dosage peropératoire ou localisa-

tion préopératoire, dès lors que les résultats sont bons.

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Le risque de cicatrices inesthétiques. Les équipes ont exploré deux directions : la

chirurgie vidéoassistée [19, 20] et la chirurgie unilatérale par une incision de petite

taille. Quels que soient les avantages de la première, elle a l’inconvénient de néces-

siter constamment une anesthésie générale et ses cicatrices pour être de petite taille

n’en sont pas forcément plus esthétiques : l’étanchéité nécessite que le trocart soit

adhérant aux lèvres de la plaie ce qui ne peut se faire sans une certaine traction

souvent responsable d’une réaction hyperplasique dont le risque a conduit une

équipe japonaise à préconiser un abord endoscopique par voie axillaire ! [21]. Nous

avons constaté qu’une incision courte, bien centrée, sans traction sur les lèvres

cutanées et méticuleusement refermée procure dans la majorité des cas une cicatrice

à peine discernable au terme de trois mois.

Le risque de complications générales. Très faible, il tient surtout aux anesthésies

générales. En particulier chez les sujets âgés, elles exposent à des perturbations

psychiques qu’évite l’anesthésie locale. Il nous est même arrivé d’opérer sous

anesthésie locale en un temps un patient atteint d’hyperplasie dont l’état cardiaque

interdisait une anesthésie générale. Chez ces patients si toute intervention chirurgi-

cale s’avérait impossible, l’alcoolisation sous contrôle échographique peut être un

dernier recours [22].

Enfin le risque de séquelles. Il est presque nul lorsque l’abord est unilatéral, dans

notre série comme dans d’autres [23].

Au total actuellement nous sommes partisans d’un abord unilatéral sous anesthésie

locale chaque fois qu’il s’agit d’une atteinte unique, de localisation indiscutable, sur

un cou vierge et en l’absence de goître nodulaire, de polyendocrinopathie ou de

terrain familial. Si ces conditions sont respectées, contrairement à d’autres [13, 14,

20] nous ne pensons pas indispensable d’associer un contrôle biologique per-

opératoire, attitude récemment partagée par d’autres [24]. Sur 35 opérations unila-

térales sous anesthésie locale, nous n’avons déploré qu’une exploration blanche

attribuable à une localisation intrathyroïdienne chez une femme pour qui l’anesthé-

sie locale fut choisie en raison du terrain malgré la présence de petits nodules

thyroïdiens. Dans les autres cas il n’y eut ni erreur de localisation, ni persistance de

l’hypercalcémie, ni séquelle.

Faut-il opérer les patients asymptomatiques ?

La conférence de consensus qui s’était tenue au NIH en 1990 [25] prévoyait de ne

porter une indication chirurgicale que lorsqu’une ou plusieurs des conditions

suivantes étaient présentes : calcémie augmentée d’au moins 10mg/l, calciurie

dépassant 400mg/jour, clairance de la créatinine réduite de 30 %, densité osseuse

réduite de plus de 2 DSs, patients de moins de 50 ans ou risquant d’échapper à la

surveillance médicale. Cette surveillance devait comporter périodiquement des

dosages sanguins et urinaires, une ostéodensitomérie, une mesure de la clairance de

la créatinine et une recherche de lithiase. Ces principes ont été remis en cause

récemment devant les progrès des localisations pré-opératoires et des succès chirur-

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gicaux [25-26]. Les arguments en faveur de l’opération des patients asymptomati-

ques sont nombreux : environ un quart de ces patients deviennent symptomatiques

dans les dix ans ; dans une étude précédente [27] nous avons constaté que les

symptômes sont relativement indépendants du taux de calcémie ; une élévation

brutale de la calcémie peut survenir lors d’un état pathologique indépendant aigu

dont il vient compliquer le traitement et assombrir le pronostic ; les études suédoises

ont montré que la durée de vie des patients hypercalcémiques est diminuée [28] ;

l’opération améliore la qualité de vie en supprimant des troubles mineurs qui

retentissent sur la vie socio-professionnelle [29]. Enfin la surveillance des patients

non opérés doit être rigoureuse ; or il est prouvé que nombreux d’entre eux l’aban-

donnent au terme de quelques années.

En définitive, pour nous les seules contre-indications concernent les patients pauci-

symptomatiques en fin de vie.

Que faire en cas d’hyperplasie ?

Une controverse s’est établie sur l’adéquation glande augmentée de volume = glande

hypersecrétante. En utilisant les dosages de PTHi peropératoires avec le critère

« chute de 50 % après exérèse d’une glande », résultat corroboré par le maintien

d’une normo-calcémie pendant six mois, une équipe n’a constaté que 5 % d’atteinte

multiglandulaire au lieu des 15 plus ou moins 5 % habituellement rapportés dans la

littérature. Elle en a conclu que certaines glandes augmentées de volume pourraient

ne pas être hypersecrétantes [30]. Cependant les cinq récidives après exérèse incom-

plète pour hyperplasie que nous avons dû réopérer (dont deux en l’absence de MEN

1 ou de contexte familial) nous conduisent à penser que si ces glandes ne sont pas

hyperfonctionnelles au moment de l’intervention, elles risquent de le devenir plus

tard. Le traitement des hyperplasies reste donc pour nous une parathyroïdectomie

presque totale ne conservant qu’une glande de taille normale ou un segment bien

vascularisé d’une des glandes.

En pratique, le seul problème est celui des patients atteints de MEN1 qui ont

tendance à récidiver tant que reste du tissu résiduel. Faut-il leur faire d’emblée une

parathyroïdectomie totale ou conserver un segment de glande afin de réduire les

difficultés de correction de l’hypocalcémie au risque de devoir réintervenir par la

suite ? Actuellement la plupart des chirurgiens préfèrent cette deuxième attitude

[31], mais une exérèse totale sera probablement préférable lorsqu’une PTH de

synthèse sera utilisable en substitution quotidienne. Le problème se pose moins en

cas de MEN 2A car l’HPT1 est habituellement modérée [32].

Que faire en cas de nodules thyroïdiens associés ?

Les négliger diminue considérablement le risque immédiat de séquelles mais, toute

opération laissant de la sclérose, un réabord des régions disséquées exposerait à des

difficultés et à un taux, plus élevé de séquelles. Ceci nous a conduit à opérer

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simultanément les nodules situés du même côté que la parathyroïde lorsque leur

diamètre était proche de trois centimètres ou en présence d’éléments suspects : cela

a concerné 18 % des opérés. Une équipe de Chicago [33] ayant effectué une opéra-

tion simultanée dans une proportion identique de patients a trouvé 12 % de cancers

thyroïdiens dont environ la moitié avaient une taille supérieure à un centimètre.

En conclusion lorsque le diagnostic est bien assuré et que la localisation est précise,

les risques opératoires sont faibles et peuvent se schématiser ainsi : échecs précoces

1 %, paralysie récurrentielle 1 %, hypocalcémie définitive 2,5 % ; récidives secondai-

res par hyperplasie ou cancer 2 %. Actuellement les espoirs mis dans les traitements

médicaux ne s’étant pas confirmés, même si de nouvelles molécules sont en cours

d’évaluation [34], nous pensons que les indications chirurgicales doivent être larges

et que les seules contre-indications concernent les patients pauci-symptomatiques

en fin de vie. Chaque fois qu’elle est possible, ce qui est le cas chez la moitié des

patients, l’exérèse sous anesthésie locale nous semble préférable : l’inconfort est

faible à condition de les rassurer avant et pendant l’intervention ; les risques de

l’anesthésiste générale sont supprimés, notamment celui de perturbation psychique

temporaire chez les patients âgés ; enfin l’hospitalisation, la convalescence et les

coûts sont réduits. Nous souscrivons sur ce point aux conclusions de Y. Chapuis qui

fut un promoteur en ce domaine même si la méthode pour assurer la fiabilité de

l’opération a été différente [35]. Dans notre série, ces indications très larges se sont

accompagnées d’une diminution de gravité des HPT1 puisque les lithiases sont

devenues plus rares et les cancers parathyroïdiens ont disparu.

REMERCIEMENTS

Nous remercions chaleureusement Marie-Catherine Voisin qui a effectué les examensanatomo-pathologiques extemporanés et post-opératoires, Pascal Houiller et MichelPaillard qui ont effectué les explorations du métabolisme phosphocalcique dans les cas dediagnostic incertain, et Catherine Laurendeau qui a préparé ce manuscrit.

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DISCUSSION

M. Claude JAFFIOL

La fréquence des formes asymptomatiques d’hyperparathyroïdie primaire doit-elle conduire

à prescrire un dosage de calcémie dans le cadre des bilans de santé ? Pratiquez-vous

systématiquement un dosage de calcitonine à la recherche d’une polyendocrinopathie ?

La prévalence des hyperparathyroïdies primaires est évaluée à environ 1/1000 et chez la

femme ménopausée à 1 %. Chez cette dernière les causes d’ostéoporose s’additionnant, il

est justifié de doser la calcémie annuellement, et dès qu’elle dépasse le seuil retenu par le

laboratoire, de doser la parathormone. Quant au bilan de polyendocrinopathie, je ne

pense pas qu’il soit nécessaire de le faire devant toute hyperparathyroïdie. Dans la plupart

des cas, il suffit de s’enquérir des antécédents familiaux. En revanche, il doit être fait

systématiquement dans les trois circonstances suivantes : probabilité de lésion multiglan-

dulaire sur le MIBI, forme familiale d’hyperparathyroïdie, antécédents familiaux évoca-teurs de polyendocrinopathie. Chez les autres patients, ce bilan est onéreux et peuperformant.

M. Maurice TUBIANA

Les hypoparathyroïdies secondaires constituent une infirmité grave et l’incidence rapportéede 2,5 % n’est pas négligeable. Quelles mesures utilisez-vous pour en réduire la fréquence ?

Ce taux moyen de 2,5 % est lié à trois causes : au début de notre pratique, faute dedisposer d’une localisation pré-opératoire précise, nous étions conduits à disséquer lesquatre sites parathyroïdiens ce qui exposait, notamment en cas d’adiposité, à dévascula-riser des parathyroïdes saines ; actuellement les facteurs favorisants d’hypocalcémiessont l’exérèse de lésions pluri glandulaires, les thyroïdectomies associées. En dehors deces circonstances le taux d’hypocalcémie post-opératoire durable est inférieur à 1 %.Lorsqu’une hypocalcémie survient, nous la traitons par l’association d’alfacalcidol et decalcium dont les doses sont ajustées en fonction des calcémies faites tous les jourspendant les trois jours post-opératoires, puis une fois par semaine pendant le premiermois, puis une fois par mois pendant les six premiers mois. Si le traitement doit êtrepoursuivi, la surveillance se limite à une calcémie et une calciurie des 24 heures tous lesquatre mois.

M. Jean Daniel PICARD

Que faites-vous lorsque les localisations restent imprécises sur l’échographie et le MIBI ?Qu’apporte l’IRM ?

L’IRM a été décevante et nous ne l’utilisons que dans une seule circonstance : lorsque leMIBI révèle une localisation médiastinale, pour la confirmer et éliminer une imagevasculaire. Les formes à localisation imprécise correspondent souvent à des calcémiesnormales ou peu élevées chez des patients asymptomatiques ou pauci-symptomatiques.

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Dans ces circonstances, nous conseillons d’attendre en surveillant périodiquement lacalcémie. Si la maladie s’aggrave, la lésion deviendra fixante au MIBI. Une autre attitudepourrait être de faire une cervicotomie en s’aidant de radioguidage. La technique consisteà injecter 740MBq (20mCi) Tc sestamibi deux heures avant l’intervention et à utiliser unesonde détectrice des rayons gamma pour diriger la dissection en fonction du niveau deradio-activité (24). J’ai utilisé ce procédé chez des patients dont l’adénome était repéré enpréopératoire mais je ne suis pas certain qu’il soit efficace lorsque l’adénome ne fixe pas.

M. Paul DOURY

Nous avons suivi au Val de Grâce et à l’hôpital Bégin une famille comportant trois membresayant présenté une hyperparathyroïdie primaire. Le premier de ces trois malades a eu durantune période de 40 ans, six adénomes opérés successivement (les quatre parathyroïdes, puisun adénome intrathyroïdien, puis un adénome développé sur un fragment de parathyroïdenormale greffée sur un avant-bras). Lors du premier épisode, ce malade avait 12 ans ; lorsdes différentes interventions, les autres glandes parathyroïdes étaient normales, il n’existaitpas de polyendocrinopathie. La mère et la sœur de ce premier malade ont eu chacun deuxadénomes parathyroïdiens opérés chaque fois après plusieurs années de silence complet etsans adénomatose pluri endocrinienne. Dans ces cas et particulièrement lors du premierépisode du premier cas, l’asthénie intense était un symptôme dominant, qui fut mêmeaccompagnée d’un syndrome pseudo myopathique. L’asthénie même isolée paraît donc êtreun symptôme motivant la recherche itérative d’une hypercalcémie ?

L’asthénie est effectivement un symptôme fréquent. Dans cette série, elle a été présentechez un patient sur trois porteurs d’hyperparathyroïdie bénigne et chez près de deuxpatients sur trois porteurs d’un cancer parathyroïdien. A l’évidence cette asthénie n’évo-que pas l’hyperparathyroïdie, de même que les fréquents troubles du comportement, quieux aussi disparaissent après l’intervention.

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La crise des maternités

Maternities in crisis

Émile PAPIERNIK*

RÉSUMÉ

La crise actuelle des maternités est à la fois une crise démographique des gynécologues-obstétriciens, une crise médico-légale et une crise financière engendrant la fermeture de trèsnombreuses maternités privées. Pour sortir de la crise il peut être utile de tenir compte dessouhaits des jeunes spécialistes en formation en constituant des équipes d’au moins 7 à 8gynécologues obstétriciens pour partager la garde en obstétrique. Il sera difficile de trouverdes solutions à la crise médico-légale, mais il est possible de réduire les risques d’accidentsou d’incidents par le développement des cercles de qualité. Cette organisation pourraitpermettre aussi l’instauration de nouvelles relations avec les assureurs basées sur descontrats de groupe.

M- : . C -. , -

. C . C .

SUMMARY

Obstetrical practice in France is in a crisis with several components. The number ofobstetricians is in sharp reduction, a litigation crisis is obvious, an important number of forprofit maternity units disappeared since five years for financial reasons. To rebuild anadapted system, one should be aware of the wills of obstetricians in training about theminimal number of members of any obstetrical team to share the on call duty (7 to 8). It willbe difficult to resolve the litigation crisis, some tools are available such as quality auditssystems among professionals (quality circles), and those professional groups could induce arenewed relationship with the insurers trough group contracts.

K (Index Medicus) : D. L . C

. M . Q . G

.

* Professeur à l’Université René Descartes Paris V, Maternité de Port Royal, Hôpital Cochin 123boulevard de Port Royal 75679 Paris Cedex 14.

Tirés-à-part : Professeur E. P, même adresse.Article reçu le 26 février 2003, Accepté le 9 septembre 2003.

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INTRODUCTION

Il existe une crise des maternités dont la presse s’est fait l’écho : manque deprofessionnels, surcharge de travail dans les maternités publiques après la fermeturede nombreuses maternités privées ou de petites maternités publiques, échecs de lapolitique des transferts des mères avant l’accouchement en cas de menace d’accou-chement prématuré, les maternités de recours refusant les transferts maternelsquand la place manque en réanimation néonatale, menaces d’abandon de leurmétier par des gynécologues accoucheurs du fait des augmentations très importan-tes des tarifs d’assurance professionnelle.

LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE LA CRISE.

Il existe une crise démographique relative au recrutement des obstétriciens, unecrise médico-légale qui a engendré une augmentation très importante des coti-sations d’assurances de responsabilité professionnelle, une crise financière desmaternités du secteur libéral ayant abouti à la fermeture de nombreuses mater-nités privées. Il existe enfin une crise des personnels soignants à l’hôpital publicayant de très sérieuses conséquences sur les services de réanimation néonatalebloquant les transferts maternels en cas de risque d’accouchement prématurégrave.

La crise démographique

Le nombre des gynécologues obstétriciens est en nette décroissance depuis l’insti-tution en 1971 d’un « numerus clausus » et la décision en 1985 de former lesspécialistes par la seule voie de l’internat qualifiant, ce qui a mis fin à la formationd’un nombre élevé de « compétents en gynécologie médicale et obstétrique » par lavoie de la faculté. Actuellement le nombre moyen de gynécologues obstétriciensprenant leur retraite est de 170 à 200 par an et le nombre de nouveaux formés del’ordre de 50 à 80 par an [1, 2].

Dans le choix de leur mode d’exercice professionnel, les spécialistes formés parl’internat choisissent plus souvent que les anciens « compétents » en obstétrique eten gynécologie médicale de renoncer à la pratique obstétricale pour ne se consacrerqu’à la chirurgie gynécologique ou au traitement de la stérilité. Les femmes font demême et la féminisation du recrutement des étudiants en médecine et des étudiantsen spécialité diminue encore la proportion des spécialistes acceptant de pratiquerl’obstétrique. Surtout les spécialistes en formation ne veulent plus travailler autantque leurs prédécesseurs, l’évolution globale vers une réduction du temps de travailfait obstacle au choix d’un métier très exigeant : l’obstétrique fait partie desspécialités considérées comme pénibles par les étudiants. [3].

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Les spécialistes en formation disent ne plus vouloir participer à l’assurance de la

permanence des soins au sein d’un groupe de 2, 3 ou même 4, ils n’envisagent de

rejoindre une équipe que si celle-ci comporte au moins 7 ou 8 professionnels ce qui

limite la fréquence des gardes à une par semaine, même pendant les vacances des

collègues. Ils veulent pouvoir continuer à se former, ils désirent exercer la sous-

spécialité de leur choix, ils tiennent à protéger leur vie familiale. Ceci a été établi par

une enquête du syndicat des gynécologues obstétriciens français (3)

Actuellement il est difficile pour un praticien de se faire remplacer, de nombreux

postes hospitaliers publics sont vacants ou occupés par des professionnels n’ayant

pas la qualification leur permettant d’exercer en pratique libérale. Les conséquences

de cette insuffisance du nombre des obstétriciens formés et l’orientation des spécia-

listes en formation conduisent à constater qu’il ne sera plus possible dans un avenir

proche de faire fonctionner autant de maternités qu’à présent. Il est possible de

calculer le nombre des maternités qui pourraient continuer à fonctionner dans ces

conditions [4]. Ce nombre est nettement moins élevé que le nombre de maternités

actuelles.

Dans le même temps, la crise médico-légale et la brutale diminution du nombre des

maternités privées ont engendré un mouvement supplémentaire d’abandon de la

pratique obstétricale par des spécialistes qualifiés au bénéfice d’une pratique moins

pénible, moins exposée au risque médico-légal comme la gynécologie chirurgicale

voire même la pratique exclusive de la gynécologie médicale.

La crise médico-légale

La crise médico-légale est survenue aux États-Unis bien avant d’apparaître en

France. Présente dans beaucoup de pays développés elle tient à l’évolution de la

société et paradoxalement aux progrès remarquables de la sécurité des accouche-

ments [5] au point que tout accident qui aurait été admis et toléré il y a peu est

devenu insupportable et incite à plainte pénale ou civile.

Les décisions récentes de la cour de cassation qui voulait compenser l ‘insuffisance

à son avis de la prise en charge des handicapés par la solidarité nationale ont mis en

péril la pratique professionnelle des échographistes et de nombreux obstétriciens. La

réaction des compagnies d’assurances qui couvrent la responsabilité médicale a étépour certaines de quitter ce domaine en dénonçant les contrats existants, pour

d’autres d’augmenter de façon majeure les cotisations des professionnels et des

institutions de soins. Cette évolution a d’abord concerné les praticiens libéraux,

mais une évolution analogue s’est produite pour les cotisations des hôpitaux publics.

La réaction excessive des compagnies d’assurances va avoir de très profondes

répercussions sur l’exercice privé mais aussi sur le secteur public. De très nombreux

obstétriciens considèrent que les redevances des assurances sont trop élevées pour

qu’ils puissent adapter leur pratique et ont déjà décidé ou envisagé l’abandon

éventuel de la pratique obstétricale pour se limiter à la consultation en gynécologie

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ou en obstétrique. Il en est de même pour les professionnels réalisant les échogra-

phies prénatales.

La fermeture des petites maternités

De nombreuses maternités publiques ont fermé, ce phénomène est déjà ancien, le

nombre d’établissements disposant d’une maternité est passé de 1369 en 1975 à 814

en 1996, et 694 en 2001. L’argument du gouvernement pour la fermeture des petites

maternités publiques est la sécurité des mères et des enfants, sans insister sur le coût

élevé d’une permanence des soins en dépit d’une faible activité. La décision est prise

par l’agence régionale d’organisation des soins et en général le report d’activité est

discuté avec les établissements publics voisins, avec assez souvent transfert de postes

et de budgets.

Le mécanisme aboutissant à la fermeture d’une maternité dans une clinique à but

lucratif est très différent. La décision est prise par les gestionnaires financiers. Or il

existe depuis de nombreuses années une crise financière portant sur les tarifs de

l’assurance maladie en obstétrique dans le secteur libéral qui ne permettent pas de

compenser le coût réel du service médical offert. Ces coûts réels ont d’ailleurs étésingulièrement augmentés par des règles de sécurité nouvelles imposées par l’État

comme par les décrets dits de périnatalité du 9/10/1998, augmentant les obligations

de présence de personnels. Ces décrets n’ont pas été suffisamment accompagnés de

mesures financières permettant aux établissements de s’adapter à ces règles nouvel-

les.

Ces considérations ont conduit les propriétaires des établissements privés à fermer

de nombreuses maternités, particulièrement celles de faible taille, ou de moins de

1000 naissances par an. En Ile de France, presque la moitié des maternités libérales

ont fermé en cinq ans. Ces fermetures ont été négociées avec les agences régionales

de santé, souvent par échange de lits d’obstétrique pour des lits en chirurgie

ambulatoire ou d’une autre spécialité considérée comme plus rentable pour l’éta-

blissement privé, sans que les agences aient parallèlement négocié avec les hôpitaux

publics pour que ceux-ci puissent recevoir correctement les femmes qui ne pouvaient

plus accoucher en secteur privé.

Les hôpitaux publics ont vu leur activité augmenter notablement sans adaptation le

plus souvent de leurs budgets ni du nombre des personnels de leurs équipes

soignantes et médicales, ni pour les sages femmes, ni pour les médecins. Nous

disposons des chiffres publiés par le ministère de la santé et nous avons comparé les

années 1994 et 2000 pour l’Ile de France. Le nombre de naissance a augmenté de

7,8 % passant de 157.505 à 170.908, le nombre d’établissements publics pourvus

d’une maternité est passé de 53 à 51, le nombre des naissances dans ces établisse-

ments publics est passé de 77.584 à 93.584 soit une augmentation de 16.200

accouchements. A l’inverse, pour les cliniques privées et les établissements privés

sans but lucratif (PSPH), le nombre d ‘établissements avec maternité est passé de

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113 à 58, soit une réduction de plus de 40 %, toutes les fermetures étant intervenues

en secteur libéral. Quand une maternité libérale ferme, seule une fraction des

obstétriciens peut retrouver un autre lieu de travail, l’hôpital public ne sait pas les

accueillir et bien souvent, ils abandonnent l’obstétrique.

Cette surcharge de travail non préparée dans les maternités des hôpitaux publics a

été le facteur principal de la grève des sages femmes des hôpitaux publics en 2000 et

de la décision de certaines d’entre elles de quitter ces services en dénonçant l’inhu-

manité des grandes structures surchargées, incapables d’offrir une prise en charge

personnalisée aux femmes enceintes, type de prise en charge à laquelle les sages

femmes se disent très attachées et plus facilement réalisable dans de plus petites

structures. C’est pour dénoncer cette surcharge de travail non compensée par des

moyens adaptés que certains chefs de service de maternité publique ont menacé de

démissionner de leur fonction.

Il existe d’autres éléments à l’origine de l’inadaptation des maternités des hôpitaux

publics à leur surcharge de travail comme le fait que l’activité obstétricale et

l’activité en néonatalogie sont très mal décrites par l’outil PMSI, [6,7,8] rendant les

services apparemment moins compétitifs à l’intérieur de chaque hôpital pour cette

activité obstétricale ou néonatale.

La crise de l’hôpital public due à l’application des 35 heures a provoqué de très

nombreuses difficultés en maternité mais surtout en secteur de réanimation néona-

tale où près de 20 % des lits sont fermés actuellement en dehors de la période des

vacances, mettant gravement en péril les pratiques nouvelles de transfert des mères

vers les centres de type 3 par défaut de place en réanimation néonatale.

QUELLES SOLUTIONS ?

Il ne sera pas facile de résoudre la crise des maternités, dont les causes sont anciennes

et diverses, et n’ont pas été corrigées en temps opportun. Il sera difficile de proposer

des solutions à la crise médico-légale.

Les souhaits des obstétriciens en formation et le nombre minimal de membres de

l’équipe obstétricale.

Pour résoudre la crise démographique, il faudrait convaincre les étudiants en

médecine que le caractère pénible de la pratique obstétricale peut être profondément

modifié par une organisation différente du travail. Mais il serait utile de joindre des

arguments financiers pour montrer que ces métiers pénibles sont pris en considéra-

tion par la collectivité et compensés par des revenus supérieurs à ceux de métiers

plus tranquilles, sans gardes ou avec très peu de gardes.

L’identification de la gynécologie obstétrique comme filière autonome de choix

pour les internes a permis d’augmenter le nombre d’internes de cette filière. Mais il

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ne suffit pas que des postes soient affichés pour que les internes les choisissent. Il faut

aussi que la pénibilité des fonctions d’interne soit reconnue par des compensations

financières mais surtout que leur charge de travail soit réduite par la constitution

d’équipes plus nombreuses. Les internes ne veulent plus choisir les services dont la

dotation en postes d’internes est faible, avec l’obligation de gardes fréquentes.

Pour convaincre les internes jeunes nommés de s’engager dans le métier obstétrical

il faut leur donner l’assurance qu’ils pourront exercer ce métier dans des conditions

leur permettant de vivre normalement, en ne prenant pas plus d’une garde par

semaine, même en période de vacances des collègues, qu’ils pourront continuer à se

former et pratiquer la sous-spécialité de leur choix.

Il faut aussi leur proposer des conditions d’exercice leur permettant de réduire la

trop forte pression médico-légale. Toutes ces raisons plaident pour une réorganisa-

tion importante de la pratique de l’obstétrique.

Il est illusoire de penser que le nombre des spécialistes formés, même s’il augmente,

puisse compenser, même dans dix ans, le nombre de gynécologues prenant chaque

année leur retraite, et il est certain que le nombre de gynécologues pratiquant

l’obstétrique va continuer à diminuer de façon importante.

La solution collective devrait tenir le plus grand compte des vœux des jeunes

professionnels en gynécologie obstétrique tels qu’ils ont été rapportés dans le livre

blanc du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens et proposer de regrou-

per les professionnels en équipes plus importantes. Le nombre considéré comme

optimum par ces jeunes est de 7 à 8. La survie des équipes actuelles ou leur

disparition tiendra à leur capacité d’attirer les jeunes spécialistes formés.

Le regroupement pourrait se faire autour de plateaux techniques adaptés à la

réalisation des accouchements mais aussi de l’échographie, de la chirurgie gynéco-

logique, du diagnostic prénatal et des traitements de stérilité.

En revanche la proximité d’accès pour toutes les femmes aux consultations doit être

assurée. Il n’est pas nécessaire de regrouper les consultations prénatales, ni les

consultations de gynécologie, il serait important de respecter la demande de proxi-

mité. Mais il faudrait qu’une seule équipe de professionnels soit chargée de faire

fonctionner le plateau technique et l’ensemble des consultations.

La surveillance des suites de couches réclame des plateaux techniques plus légers.

Elle doit rester sous la responsabilité de la même équipe professionnelle, éventuel-

lement être prise en charge par une équipe de sages femmes et de médecins référents,

pédiatres et obstétriciens plus proche du domicile des mères, par un service léger

apporté au domicile au retour de la maternité, par les membres de cette équipe

intervenant prés du domicile, comme le réalisent plusieurs organisations hospitaliè-

res dont l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris par son service d’hospitalisation àdomicile pour le post-partum.

La relation entre obstétriciens et sages femmes doit mieux reconnaître le rôle des

sages femmes pour la consultation prénatale, les accouchements normaux et les

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suites de couches, sans que soit détruite l’unité de prise en charge des femmes

enceintes. Il n’est pas nécessaire qu’un médecin soit présent pour un accouchement

normal. Par contre il paraît important que le plateau technique pour tous les

accouchements permette l’intervention d’un obstétricien, sans délai, dès qu’une

anomalie apparaît. Il n’est pas raisonnable de séparer les fonctions d’accouche-

ments normaux de celles du plateau technique principal, qui devraient être dans un

même lieu.

Actuellement ces principes sont appliqués dans les grands hôpitaux publics. Il serait

possible de les clarifier en distinguant dans la fonction de ces services, les fonctions

de maternité de proximité et de prise en charge des accouchements normaux et les

fonctions plus spécifiques de recours pour l’accouchement de grossesses pathologi-

ques, de diagnostic prénatal et toutes les activités de gynécologie. Les sages femmes

peuvent aussi participer à certaines fonctions d’éducation pour la santé, de contra-

ception ou de dépistage du cancer du col de l’utérus par exemple. De la même façon,

des sages femmes formées peuvent participer à la réalisation des échographies

prénatales.

La reconnaissance financière de la qualité du travail médical et du risque médico-

légal n’est pas assez prise en compte actuellement. Il faudrait évaluer la responsa-

bilité réellement en jeu. Il faut faire intervenir cette reconnaissance dans les budgets

de service et les émoluments à l’hôpital, les honoraires en secteur privé. La réforme

du PMSI est absolument nécessaire pour qu’il soit capable de décrire la réalité des

actions médicales en obstétrique.

Que faire pour tenter de résoudre la crise médico-légale ?

Il n’est pas question de revenir sur les droits des patients, mais plusieurs évolutions

sont possibles. Il est possible d’améliorer la qualité des soins et de réduire les

accidents par les cercles de qualité. Cette idée est essentielle, même après vingt ans de

progrès mesurés en sécurité de la naissance [5], même s’il n’est pas certain qu’une

réduction des accidents accessibles à notre action de prévention puisse diminuer les

plaintes. Cependant il est démontré qu’un audit réalisé par les professionnels

eux-mêmes regroupés en cercle de qualité est capable de diminuer les accidents, que

cette technique peut avoir un effet très favorable sur « l’ambiance médico-légale »[10, 11].

Cette démonstration a été faite par l’audit des pratiques professionnelles mis en

place par tous les obstétriciens du département de la Seine-Saint-Denis de 1992 à ce

jour [10]. L’ audit a analysé tous les accidents de mortinatalité et de mort néonatale

pour toutes les naissances du département (22.000 par an), depuis le 1/10/1988. Le

département a engagé un pathologiste pour que soient réalisées des autopsies pour

toutes les morts fœtales, aussi bien en secteur privé qu’en secteur public. Chaque cas

a été discuté de façon anonyme pour chercher les explications les plus plausibles

pour ce décès en demandant à l’obstétricien ayant eu le cas à gérer son avis sur le

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mécanisme et sur le caractère évitable ou non de ce décès. Toutes les équipes

obstétricales ont participé en déléguant un membre de leur équipe à une réunion

d’audit se tenant tous les deux mois. Ces réunions ont lieu en un lieu neutre, au

Conseil Général. Les obstétriciens ont ainsi pu mesurer (par la diminution des morts

nés) leur capacité d’améliorer leurs propres résultats [10]. Ils ont témoigné de la

réduction de leurs craintes vis à vis de poursuites médico-légales en connaissant la

cause du décès et en étant capables de dire la claire vérité aux parents.

Il est possible que les techniques d’audit puissent réduire les risque de l’intervention

d’un juge dans notre pratique. Le collège anglais des gynécologues et obstétriciens a

convaincu le gouvernement anglais de financer et convaincu ses membres de parti-

ciper à un audit de toutes les morts périnatales dans tout le Royaume Uni depuis 5

ans, comme ce Collège avait déjà mis en pratique un audit concernant toutes les

morts maternelles depuis 1957.

L’utilisation dans le métier médical des audits de qualité par l’analyse méticuleuse

des accidents n’est qu’une transposition d’une technique générale de toute l’indus-

trie pour diminuer les « événements indésirables ». Il est possible qu’une générali-

sation de ces « cercles de qualité » en obstétrique réduise les accidents et diminue la

pression médico-légale. Il peut être envisagé que ces cercles de qualité s’organisent

en groupement de professionnels capables de négocier des contrats de groupe avec

les assureurs, ces derniers tenant compte de la réduction mesurable du risque de

sinistres, avec la diminution du nombre des plaintes, par une diminution réelle des

primes d’assurances.

Ces groupes de professionnels pourraient également négocier les contrats avec les

employeurs publics et privés pour offrir à chaque praticien les meilleures conditions

d’exercice, pour lui-même et surtout pour la qualité du service rendu à la clientèle.

BIBLIOGRAPHIE

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Reprod. 2002, 31, 125-129.

DISCUSSION

M. André VACHERON

J’ai participé, le 5 novembre, à une réunion du conseil médical des mutuelles d’assurancesmédicales (Sou Médical et MACSF). La création des « maisons de naissance » a suscitéles plus grandes réserves des assureurs quant à la sécurité, de même que celles desanesthésistes peu disposés à réaliser des anesthésies péridurales dans de telles maisons.Qu’en pense le professeur Papiernik ?

Je comprends bien les réserves que peuvent susciter pour des assureurs les maisons denaissance et je les partage.

M. Roger HENRION

Le ministre a nommé une mission périnatalité. Dans le rapport rédigé par les membres decette mission, il est préconisé la détermination du « bas risque » dès le début ou au cours dela grossesse et une prise en charge différenciée entre les grossesses à haut risque et celles àbas risque, faisant fi des risques de l’accouchement. Corollaire de ce précédent, ils suggèrentla création de « maisons de naissance » qui feraient, sous la responsabilité pleine et entièredes sages-femmes s’occupant du bas risque. Qu’en pensez-vous ? Comment et qui va payersept ou huit professionnels par équipe dans tous les services d’obstétrique de niveau II et III ?La mortalité maternelle reste stable en France, de l’ordre de 10 pour 100.000. 30 % de cesmorts seraient évitables d’après les experts, notamment huit sur dix des hémorragies de ladélivrance. Ne croyez-vous pas que cela traduit l’abandon d’une certaine rigueur dans laconduite de la délivrance ?

Je ne suis pas certain que la création des maisons de naissances soit une réponse adaptéeà la crise des maternités, le rapport du groupe de travail de la Fédération Hospitalière deFrance n’a pas mentionné cette possibilité. En réponse à la question il n’y aura pas plusde professionnels à payer, puisque le seul problème que j’ai posé était de savoir combiende maternités pourraient fonctionner avec les professionnels voulant encore faire de

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l’obstétrique, en groupes par site de naissance de huit professionnels obstétriciens. Il estvrai que l’hémorragie de la délivrance reste la première cause de mortalité maternelle enFrance, alors que cette cause a nettement régressé dans les pays du nord de l’Europe. Lecomité des experts pour la réduction de la mortalité maternelle, dont je fais partie, aeffectivement jugé que ces morts par hémorragie de la délivrance étaient souvent asso-ciées à des soins inadéquats. Le Comité a jugé que la meilleure mise en pratique de règlesstrictes des protocoles acceptés devrait permettre une nette réduction des morts mater-nelles.

M. Patrice QUENEAU

Comment fonctionnent les « cercles de qualité » dont vous avez, fort à propos, soulignél’utilité et l’efficacité en matière de prévention des accidents évitables ?

Les cercles de qualités ne sont pas assez nombreux pour en faire une description générale.Ils fonctionnent bien en obstétrique dans certains réseaux, entre professionnels égauxentre eux. L’habitude d’étudier les accidents obstétricaux en définissant la part évitableproduit une information de haute qualité. J’ai mesuré que le cercle de qualité en fonctionentre les obstétriciens du département de la Seine Saint Denis et mon aide techniquedepuis 1992 avait permis une réduction de près de moitié de la mortinatalité.

M. Jean-Daniel SRAER

La situation décrite par le professeur Papiernik est transposable à toute les spécialités àrisque : réanimation médicale, néphrologie, etc. Elle ne pourra être résolue que par le moyende trouver l’équivalent des anciens CES afin de les requalifier sans qu’il soient obligatoire-ment anciens Internes.

La même pénurie s’observe effectivement dans toutes les spécialités médicales qui ontformé de nombreux médecins par les certificats d’études spéciales (CES) avant l’obliga-tion de former les spécialistes par l’internat qualifiant. Cela est vrai pour les anesthésistes,pour les pédiatres comme pour les obstétriciens mais aussi pour d’autres spécialistes quel’internat qualifiant ne permet pas de former en nombre suffisant. Mais plusieursgouvernements successifs avaient décidé de former moins de spécialistes pour diminuerles coûts de la santé.

M. Christian NEZELOF

Comment les pays scandinaves, où la population est étalée sur une large superficie, ont-ilsrésolu le problème démographique de répartition des obstétriciens ?

Les pays scandinaves ont effectivement un problème d’organisation des soins en fonctionde leur géographie. En suède le nombre des maternités est de 62 dont 43 associées à unservice de réanimation néonatale, pour un nombre de naissances de 90.000 en 2000 alorsque l’Ile de France, compte actuellement un peu plus de 100 maternités pour 170.000naissances. La différence porte sur la proportion des naissances dans des maternités deplus de 2000 accouchements par an, elle est de 59 % en Suède et de 27 % en France.

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Le diagnostic prénatal :incertitudes et perspectives

Prenatal diagnosis :uncertainties and perspectives

Jacques MILLIEZ *

RÉSUMÉ

Les activités de diagnostic prénatal ont été réglementées par la loi du 29 juillet 1994 qui créé

des Centres agréés multidisciplinaires. Les pratiques se sont modifiées au fil du temps avec

la précision croissante des échographies, le développement de la biologie moléculaire et des

techniques de cytogénétiques. Les propositions d’interruption médicale de la grossesse sont

simples à établir pour les malformations patentes. Elles deviennent incertaines pour les

anomalies qui témoignent seulement d’un risque mal prévisible. Les conséquences collecti-

ves du diagnostic prénatal individuel sont parfois mal maîtrisables, comme pour le dépistage

systématiquement proposé de la trisomie 21. L’analyse dans le sérum maternel de l’ADN

fœtal libre, dès les premières semaines de la grossesse, devrait prochainement supplanter lesméthodes invasives du diagnostic prénatal et offrir une alternative plus simple au diagnosticpréimplantatoire.

M- : D , É . I -

.

SUMMARY

The practice of fœtal medicine has been regulated by law as of July 29th 1994, licensingMultidisciplinary Centres for Prenatal Diagnosis. With time passing by, echography hasbecome more and more accurate, genetics and molecular biology further developed, prenataldiagnosis increasingly precocious and intrusive. Indications for medical interruption ofpregnancy are easy to decide for obvious malformations. They become far more difficultwhen they concern a risk of disease or handicap often hazardous to quantify. Beneficial forthe sake of individuals, prenatal diagnosis may happen to possibly appear collectivelydetrimental, as for the systematic screening for Down syndrome. Testing of fœtal DNA,present in maternal serum since the early weeks of pregnancy, should in the near future

Service de Gynécologie-Obstétrique, Hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Fbrg Saint-Antoine —75012 Paris Tél : 01.49.28.28.76 — Fax : 01.49.28.27.57. Email [email protected]

Tirés-à-part : Professeur Jacques M, à l’adresse ci-dessus

Article reçu le 30 janvier 2003, accepté le 7 avril 2003

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outset antenatal invasive procedures and provide a useful alternative to pre implantation

diagnosis.

K- (Index Medicus) : P . U, .

A, .

Le diagnostic prénatal des maladies et des malformations du fœtus a commencévoilà plus de quarante ans, dans les années soixante, avec l’amniocentèse, et après la

découverte de l’anomalie chromosomique du mongolisme. Il a balbutié ensuite dans

les années soixante dix, avec les débuts de l’échographie qui ne dessinait que des

contours, puis il a pris un essor considérable à partir des années quatre vingt. Les

techniques mises à la disposition de la médecine sont alors devenues de plus en plus

précises et ingénieuses, ajoutant aux ultra sons désormais à haute résolution, la

biologie moléculaire, la génétique, l’imagerie à résonance magnétique nucléaire.

Véritablement inquisitoires, ces examens ont conduit de plus en plus souvent, de

plus en plus précocement à l’identification d’anomalies fœtales qui autrefois

n’étaient découvertes qu’à la naissance ou qui même restaient totalement ignorées

jusqu’à leur reconnaissance fortuite. Corollairement les interruptions médicales des

grossesses sont devenues plus fréquentes, mais aussi d’indication plus complexe,

dépassant les certitudes factuelles de diagnostics établis pour mener vers des choix

souvent douloureux face à une simple conjonction de risques. En raison de ces

nouvelles exigences, pour recenser et aussi canaliser au mieux cette activité émergée

depuis seulement trois décennies qui s’étendait de manière un peu brouillonne, des

Centres Multidisciplinaires de Diagnostic Prénatal, CMDP, ont été créés dans les

Établissements de Santé ou les Établissements Privés à but non lucratif, par la loi

no 94-654 du 29 juillet 1994. La loi définit le diagnostic prénatal comme « les

pratiques médicales ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus

une affection d’une particulière gravité ». La liste des centres agréés par le Ministère

de la Santé a été établie par les décrets du 20 et 22 avril 1999 et publiée au JO du 27

juin 1999.

Les avancées récentes du diagnostic prénatal.

Quelques faits notables marquent l’évolution des pratiques prénatales depuis ces

années récentes. Les ponctions de sang fœtal, les cordocentèses, dans la veine

ombilicale, sont devenues très rares. Elles exposent à des accidents de souffrance

fœtale aiguë ou de mort fœtale. Elles ont surtout été supplantées par l’amniocentèse,

bien moins risquée, et devenue plus informative grâce à la biologie moléculaire qui

identifie en 24 heures avec la PCR, polymerase chain reaction, les virus tératogènes

ou le toxoplasme. Le caryotype rapide qui se faisait en 48 heures sur les lymphocytes

du sang fœtal, s’obtient maintenant dans les mêmes délais sur les fibroblastes du

liquide amniotique, par la technique de Fluorescence avec Hybridation In Situ, la

FISH. Les biopsies de trophoblastes avaient suscité de très vives réserves à cause

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d’amputations des membres de l’embryon, attribuées à des remaniements vasculai-

res sur le trophoblaste, quand elles étaient effectuées avant 9 semaines. Un peu plus

tardives, elles sont devenues plus sûres et plus souvent utilisées. Les avortements

iatrogènes n’y sont pas significativement plus fréquents qu’après l’amniocentèse,

autour de 0,6-0,8 %. Pratiquées à 10-12 semaines, les biopsies de trophoblastes

permettent le cas échéant d’interrompre la grossesse par aspiration.

Singularité de la France, la loi autorise l’IMG jusqu’au terme théorique de la

grossesse. Au-delà de 3 mois, les IMG se pratiquent non plus par aspiration, mais

par médicaments, un médicament antagoniste de la progestérone, la mifégyne ou

RU 486 et un médicament analogue de la prostaglandine E1, le misoprostol ou

Cytotec. Elles consistent alors en de véritables accouchements. Au-delà de quatre

mois et demi, 22 semaines, l’enfant risque de naître vivant. L’infanticide bien sûr est

illégal et pour se prémunir contre une naissance vivante, l’assurance doit être

acquise avant le début de l’IMG que le fœtus a cessé de vivre. Le fœticide se pratique

pour une IMG sur quatre, sous échographie, par ponction intra cardiaque d’un

produit anesthésique d’abord, d’un médicament cardiotoxique ensuite. Malgré le

soutien des psychologues, l’épreuve est douloureuse, difficile dans son exécution

comme dans sa décision.

Les difficultés de la décision d’interruption médicale de grossesse.

Même si sa vocation et son rôle essentiel sont de rassurer, le diagnostic prénatal ne

se conçoit que si les couples sont dûment informés de ses objectifs ultimes : dépister

les malformations du fœtus et éventuellement proposer une interruption médicale

de la grossesse. Si pour des raisons personnelles, culturelles ou religieuses, des

parents s’opposaient à l’interruption de la grossesse, il serait inutile de s’engager

dans des investigations dont ils ne partageraient pas les motivations, sauf parfois

pour une meilleure prise en charge de l’enfant malformé qu’ils auraient choisi de

mettre au monde. Très généralement les femmes enceintes, même récemment immi-

grées, connaissent bien l’échographie, et les tests, obligatoirement proposés, de

dépistage de la trisomie 21. Elles savent ce qu’elles peuvent en attendre et notam-

ment pour la grande majorité d’entre elles, se voir rassurées. La démarche du

diagnostic prénatal ne les surprend donc pas. Elle peut cependant, mais heureuse-

ment dans une minorité de cas, les meurtrir. L’annonce de la malformation fœtale en

effet les frappe toujours comme un séisme [3]. Le désarroi s’accentue du fait que la

tare, qui ne prend habituellement forme qu’à la naissance, ici s’imagine, s’amplifie, se

déforme, et pousse les mères à exiger, parfois contre tout bon sens, une interruption

médicale de la grossesse. La décision, en principe, se prend collectivement au sein de

l’équipe multidisciplinaire de diagnostic prénatal. Dans les cas difficiles, elle reste en

fait le fruit du colloque singulier entre le couple et son médecin, entre leur confiance

et sa conscience. La discussion est simple pour les anomalies patentes. Pour un

mongolisme, comme pour les autres trisomies, si les parents la souhaitent, l’IMG est

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proposée et presque toujours acceptée. Il en va de même pour les non fermetures du

tube neural avec paraplégie et engagement du cervelet, pour les hydrocéphalies, pour

les anencéphalies. Ces enfants n’ont aucune chance de survivre ou d’accéder à une

vie acceptable. Aucun traitement ne peut les y conduire. Parfois la malformation

pourrait se traiter mais le prix humain du traitement, son coût de souffrances et ses

sommes d’incertitudes, permettent d’hésiter. Il en est ainsi des malformations

cardiaques complexes, les hypoplasies du ventricule gauche, de certaines transposi-

tions des gros vaisseaux ou canaux atrio ventriculaires même sans la délétion du

chromosome 22 du syndrome de Di George, des grosses hernies diaphragmatiques

gauches. Après une entrevue avec le chirurgien spécialiste, les parents gardent le

choix de ne pas tenter l’intervention pour leur enfant s’ils la jugent trop aléatoire.

Du moins décident-ils alors en connaissance de cause. Ailleurs il leur faut parier.

Voilà leur fœtus à qui l’échographie découvre qu’il manque le corps calleux. Le

médecin a l’obligation formelle d’en informer les parents en même temps qu’il leur

annonce les complications redoutées : un risque de vingt pour cent de retard mental.

Personne ne sait quel enfant se trouvera dans ces vingt pour cent. Personne ne

confirmera si tel fœtus dont la vie a été interrompue risquait ce retard mental. Il ne

se vérifie pas à l’autopsie. Aux parents de décider s’ils ne retiennent que les vingt

pour cent de risque ou s’ils entrevoient les quatre vingt pour cent de chances d’yéchapper. Au médecin de les aider, ou, lourde tache, de tenter d’orienter leur choix

dans ce qu’il perçoit de leur préférence. Pour certains parents le syndrome de

Klinefelter, la formule chromosomique XXY, suppose un risque insupportable pour

eux, non tant de stérilité, mais de débilité légère ou moyenne. Pire encore pour le

syndrome de l’X fragile, pas tant chez le garçon dont l’atteinte est certaine, mais chez

la fille chez qui une répétition excessive des triplets peut engendrer aussi un handicap

mental beaucoup moins prévisible. Les agénésies des membres du fœtus posent

également, dans un domaine différent, des dilemmes cruels. Quelle est la limite

tolérable de la malformation ? Quand il manque un doigt, deux doigts, sûrement

pas. Trois doigts, une pince de homard aux extrémités ? Une partie de l’avant bras,

une amputation sur un bras et sur l’autre avant bras ? Ou l’agénésie d’un segment de

jambe, avec le genou, donc appareillable, ou seulement une partie du genou ? Un

enfant naît sans la main gauche. Ses parents ne voient de lui que le reste, tout ce qui

est normal et aimable. Quand le diagnostic est fait à cinq mois sur l’échographie, ils

exigent qu’on interrompe la grossesse. Il n’existe heureusement pas de liste qui préétablirait les maladies incurables.

En cas de refus d’arrêter la grossesse, par chance très rarement, certains parents font

planer la crainte sourde d’une dissolution du couple ou même la menace, jamais

négligeable, d’un suicide. La démarche du diagnostic prénatal se joue quelquefois

sous la pression. Une femme par exemple risquant de transmettre la myopathie de

son mari demande d’accéder au diagnostic de sexe pour son fœtus. Elle ne veut pas

mettre au monde des filles qui engendreraient des garçons myopathes, ses petits fils.

En cas de refus des médecins d’accéder à sa demande, elle précise qu’elle demandera

une IVG. Alors, doit-on sauver un garçon en cédant sur l’éthique qui refuse la

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sélection du sexe des embryons, ou bien peut-on perdre le fœtus pour respecter

l’éthique ? Il faut accepter que ces choix échappent de plus en plus au médecin. Par

exemple, une épaisseur anormale de la nuque de l’embryon à deux mois implique un

risque de 30-50 % d’anomalie chromosomique. Plus d’un tiers ensuite des fœtus àcaryotype normal risquent une maladie congénitale, un syndrome de Noonan,

une cardiopathie ou un retard mental [4]. Sans attendre le visa médical les plus

avisées des patientes, puisque l’information leur est accessible avant 14 semaines,

demandent une IVG. Le diagnostic prénatal échapperait-il à la maîtrise des méde-

cins ?

Les conséquences collectives du diagnostic prénatal individuel.

Le diagnostic prénatal est un acte médical, singulier, qui, bien que soumis à l’aval

d’un Centre Multidisciplinaire de Diagnostic Prénatal, demeure de gré à gré, de

consentement libre entre personnes, et destiné à éviter pour l’enfant à naître, et pour

ses parents, le fardeau d’une vie impossible. Pourtant mises bout à bout, ces

démarches individuelles parviennent parfois à se cristalliser pour élaborer une

politique collective dont le programme laisserait soupçonner une chasse aux mau-

vais gènes. Ce fut le cas pour le dépistage anténatal des anomalies du gène de

l’hémoglobine, la thalassémie, la drépanocytose dans le pays du pourtour méditer-

ranéens, la Sicile, la Grèce, la Crète. C’est encore le cas aujourd’hui pour le gène de

la maladie de Tay Sachs, une encéphalopathie métabolique rapidement mortelle,

dans les populations menacées [5]

Aucun médecin ne se satisferait de ce qu’une de ses patientes mette au monde un

enfant trisomique si elle n’avait pas souhaité le garder. Alors il propose, comme il en

a l’obligation, à chaque femme enceinte le test dit HT21 de dépistage de la trisomie

21. Ce test repose de plus en plus sur le calcul informatique du risque de mongolisme

fœtal fondé sur l’âge de la mère, son poids, l’épaisseur échographique de la nuque de

l’embryon entre 11 et 14 semaines, le terme de la grossesse, enfin les taux d’hormone

chorionique gonadotrophine et d’alpha fœto protéine, éventuellement d’œstriol et

de la PAPP-A, Pregancy Associated Placental Protein A, mesurés entre 14 et 18

semaines d’aménorrhée. Si le seuil de risque de trisomie 21 est calculé comme étant

supérieur à 1/250, il est suggéré de recourir à une amniocentèse. Avec ce dépistage

systématiquement proposé, le taux des amniocentèses indiquées pour des mar-

queurs sériques anormaux a beaucoup augmenté. Il était en 2001de 6,5 %-7,5 % et

de 35 % pour les femmes du plus de 37 ans. Si l’on ajoute les 5 % d’amniocentèse

pratiquées à cause d’une nuque embryonnaire trop épaisse au premier trimestre de la

grossesse, les 5 % d’amniocentèses indiquées par une anomalie de l’échographie du

deuxième trimestre de la grossesse et les amniocentèses liées aux marqueurs sériques

anormaux, on atteint un taux de 16 % d’amniocentèses. Le taux national d’identi-

fication des fœtus trisomiques par la combinaison du dépistage sérique et de

l’amniocentèse est de 74 %, 312 sur 419 [7]. Or chaque amniocentèse engendre un

risque d’avortement iatrogène compris entre 0,6 et 0,8 % [2], 0,9 % en Île de France.

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Au terme du dépistage systématique de la trisomie 21, le nombre de fœtus sains qui

perdent la vie du fait des conséquences de l’amniocentèse, devient supérieur au

nombre de fœtus trisomiques dépistés. Le prix du dépistage paraît lourd pour la

collectivité et le diagnostic prénatal plus bénéfique individuellement que collective-

ment. Avant d’en condamner le principe, il conviendrait d’en envisager d’autres

approches.

Perspectives et alternatives du diagnostic prénatal.

Puisque les avantages du diagnostic prénatal se heurtent aux conséquences des

examens invasifs qu’il implique, l’amniocentèse, la biopsie de trophoblaste, sources

d’avortements induites, l’obstacle pourrait se contourner en cherchant l’informa-

tion ailleurs que sur le fœtus ou ses annexes, dans le sang de la mère elle même. La

recherche a été entreprise depuis plusieurs années mais elle a fait fausse route.

L’objectif était d’isoler les cellules fœtales filtrant à travers le placenta, les lympho-

cytes mais surtout les érythroblastes qui contiennent un noyau donc de l’ADN fœtal

[8, 9]. Malgré quelques premières applications cliniques ces méthodes se sont avérées

fastidieuses et peu reproductibles [10]. Or il est apparu que la cible se trouvait non

pas dans les cellules fœtales mais dans le sérum ou le plasma maternel, qui contien-

nent des quantités de DNA fœtal libre, provenant de la lyse des cellules fœtales et

placentaires, dix fois supérieures à celles des noyaux. Ce DNA libre offre déjà un

accès fiable à des diagnostics pratiques : l’identification du chromosome Y pour les

maladies génétiques liées au sexe, surtout la reconnaissance du génotype D chez des

mères Rhésus négatif dont le fœtus risque une incompatibilité par iso immunisation

[11], et de la même façon la mise en évidence des antigènes plaquettaires PLA1 chez

des mères PLA négatives dont le fœtus peut souffrir d’une hémorragie cérébrale àl’occasion d’une thrombopénie par iso immunisation plaquettaire [12]. Les perspec-

tives d’exploitation du DNA fœtal dans le sérum maternel sont immenses mais elles

exigent encore des efforts : rien ne s’oppose en effet à la reconnaissance dans le sérum

de la mère des maladies monogéniques dominantes paternelles transmises au fœtus,

ou bien à celle d’une double hétérozygotie de la mucoviscidose ou de la drépanocy-

tose. Les maladies monogéniques homozygotes par contre, transmises par chacun

des parents avec une mutation identique, ne pourront s’apprécier que par des

techniques plus délicates de PCR quantitative séparant le simple du double exem-

plaire du déficit génétique, techniques théoriquement accessibles. Mais puisque le

dépistage le plus attendu et le plus répandu reste celui de la trisomie 21, sur le DNA

fœtal il faudra savoir dépister une double dose d’ADN ou la double copie d’un

microsatellite du chromosome 21 de la mère, différent de celui du père. Cette mise au

point ne saurait tarder. Elle s’offrira au diagnostic prénatal dès les toutes premières

semaines de la grossesse, en permettra si nécessaire, l’interruption par des médica-

ments, sans aspiration, sans la longue attente de l’accouchement de l’IMG. Elle se

présentera comme un sérieux concurrent du diagnostic pré implantatoire.

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Le diagnostic pré implantatoire, DPI

Largement utilisé ailleurs [14], le diagnostic pré implantatoire, bien que parfaite-

ment légal, tarde à se faire adopter en France [15]. Il n’est requis chaque année que

par quelques dizaines de couples. Alternative au diagnostic prénatal, il offre l’avan-

tage d’éviter l’interruption d’une grossesse déjà engagée, mais l’inconvénient pour

en bénéficier de devoir recourir à la fécondation in vitro. Il pose en fait la question

actuelle d’une éventuelle extension de ses indications. La loi du 29 juillet 1994 qui l’ainstitué, stipule qu’il ne peut s’appliquer que pour le diagnostic d’une maladie

génétique identifiée chez les parents et qui risque de se transmettre à l’enfant. Pour

se donner du champ le diagnostic pré implantatoire aspire à déceler par FISH les

embryons atteints de trisomie libre issus de fécondations in vitro, chez les mères de

plus de 38 ans du moins, maladie qui risque de se transmettre à l’enfant mais qui

n’existe pas chez les parents. Il se propose aussi de mesurer les répétitions de triplets

de la maladie de Huntington pour ne replacer que les embryons sains, écarter les

autres, sans dire à la mère qui souhaite pour elle même rester dans l’ignorance de son

propre statut, s’il existait ou non des embryons malades, si elle même est ou non

atteinte par la tare génétique. Le projet le plus discuté cherche à obtenir chez un

enfant à naître, par fécondation in vitro pour les besoins du DPI, la compatibilité de

son sang de cordon avec celui d’un frère déjà né atteint d’anémie de Fanconi qui a

besoin d’une greffe de moelle. Á cette fin il se propose de trier les embryons obtenus

et de les sélectionner pour ne transférer que ceux dont les groupes tissulaires

auraient la compatibilité HLA souhaitée. Les autres, ceux dont la compatibilitéHLA ne conviendrait pas, seraient « écartés ». Or la loi no 2002-303 du 04 mars 2002

rappelle que, hors DPI qui exige des gènes malades, nul ne peut faire l’objet d’une

sélection à partir de ses caractères génétiques. La loi s’amende, l’éthique s’interroge :

est-il sans conséquence de procéder à un tri d’embryons à partir de caractères

génétiques normaux ?

Le diagnostic prénatal cherche ses limites, techniques et psychologiques. La

pratique en a été quelque peu heurtée par l’arrêt dit Perruche de l’Assemblée

Plénière de la Cour de Cassation du 17 novembre 2000 [16]. De parfaite inten-

tionnalité et de scrupuleuse observance de la doctrine du droit qui s’impose

d’indemniser les victimes de préjudices, il a provoqué une onde de choc salutaire

pour la formulation légale d’une nouvelle prise en charge des handicaps de la

naissance. Échaudés toutefois, les médecins n’osent plus risquer de se tromper

et prescrivent sans doute de façon plus libérale les interruptions médicales

de grossesse. Il ne leur est plus permis d’en entraver, involontairement, l’accès

aux justiciables. Très permissive, puisque l’IMG y est accessible dès avant la

grossesse par le DPI et le reste jusqu’au terme, la loi se perçoit désormais

comme contraignante. D’autorisée l’IMG, si elle est justifiée et consentie, est

devenue obligatoire. Peut être, dans un domaine différent, le suicide assisté, légal en

Suisse, voire l’euthanasie adoptée en Hollande et en Belgique, se discuteront-ils

en France ? Autorisés un jour, deviendront-ils, à la lumière de la jurisprudence

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Perruche, obligatoires le lendemain ? Le diagnostic prénatal aurait alors engendréun bien mauvais clone.

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[16] M G. — La jurisprudence dite « Perruche » et ses suites : fallait il légiférer ? Gazette du

Palais, 2002, 289, 3-11.

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DISCUSSION

M. Jacques BATTIN

Depuis trente ans qu’est pratiqué le diagnostic prénatal, la détermination du sexe fœtal estindispensable dans les maladies liées à l’X avant la recherche de la maladie en cause. Quelleest la fiabilité de la technique de l’ADN fœtal dans le sang maternel ?

L’expérience acquise jusqu’alors indique que la méthode est fiable, l’identification de l’Yne prêtant pas à confusion. L’absence d’Y peut passer effectivement pour un « fauxnégatif » et appeler une confirmation soit par la reconnaissance échographique ultérieuredu sexe du fœtus, soit malgré tout par biopsie de tropholaste ou amniocentèse pour lescas les plus critiques.

Mme Marie-Odile RETHORE

Parmi les trisomiques 21, 1 sur 3, a des marqueurs sériques normaux. A l’InstitutLejeune, nous avons entrepris une étude concernant le devenir de ces ‘‘ faux négatifs ’’ parrapport à ceux qui ont été décelés par les marqueurs sériques mais que les parents ontgardé. Parmi les enfants qui ont eu des marqueurs sériques anormaux mais qui ont uncaryotype normal, je trouve beaucoup d’autistes déficitaires. Que signifient finalement cesBHCG ?

Pour le test HT21 il existe indiscutablement un taux de faux négatif de l’ordre de20 %-30 %, des résultats inférieurs au seuil de risque alors que les enfants sont atteints.Les parents en sont clairement informés dans la feuille explicative qui leur est fournie enpréambule du prélèvement. Ils savent que le test ne leur garantit pas un enfant nontrisomique. Il est de fait que le lien entre les HCG et la trisomie 21 est totalementempirique, d’autant que le taux d’HCG est aussi élevé chez les patientes qui développe-ront ensuite une pré éclampsie, et qu’il est au contraire effondré en cas de trisomie 18. Iln’existe aucun fondement scientifiquement prouvé au choix de ce marqueur autre qu’unlien statistique non formel vous le soulignez fort bien. Il faut d’ailleurs pratiquer descentaines d’amniocentèses, suscitées par un « risque sérologique », pour trouver uneseule trisomie 21. J’ajoute que dans certaines situations, autres que celle que vousindiquez, même un caryotype normal ne garantit pas que l’enfant ne sera pas affectéd’une maladie génique préoccupante. L’exemple vient des embryons dont l’épaisseur dela nuque a été mesurée, schématiquement, à 3mm ou plus à l’échographie de 12 semaines.Un caryotype normal ne les prémunit pas contre d’autres anomalies, une cardiopathiecongénitale par exemple, encore qu’on la détecterait à l’échographie ultérieure, maissurtout des retards mentaux profonds et imprévisibles, d’un décès néonatal ou d’unsyndrome de Noonan. Le risque est tel que des mères, bien informées aujourd’hui, dontl’embryon présente une nuque trop épaisse refusent le caryotype, le considérant commeinsuffisamment rassurant, et demandent une interruption volontaire de grossesse àlaquelle, jusqu’à 14 semaines, elles peuvent accéder sans aucun justificatif médical.

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M. Christian NEZELOF

Juste un commentaire pour insister sur les progrès considérables effectués ces quinzedernières années par les échographistes dans le dépistage des malformations majeures etmineures du fœtus. L’expérience des fœtopathologistes est, à cet égard, très concluante.

Les fœtopathologistes ont contribué de façon majeure aux progrès du diagnostic anté-natal. Ils participent aux groupes médicaux multi-disciplinaires qui statuent sur lesdemandes d’interruption médicale de grossesse et leurs connaissances étendues desmaladies fœtales, autant que de la génétique, apportent une aide précieuse à la prise desdécisions.

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INFORMATION

Accouchement sous X :les nouvelles dispositions législatives

Secret motherhood :

the new French law

Roger HENRION*

RÉSUMÉ

Le 10 janvier 2002, les députés ont définitivement adopté, à l’unanimité, la loi relative à

l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’Etat, publiée au journal officiel

du 23 janvier 2002. Son décret d’application signé le 3mai 2002 concerne le Conseil national

pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP). Cette loi, cherche à concilier l’intérêt desadultes à la recherche de leur origine, celui des femmes enceintes qui souhaitent taire leurmaternité, et celui des enfants, qui ont le droit de naître vivant dans les meilleures conditionset d’avoir, si possible, une enfance heureuse. En un mot, le législateur s’est efforcé de trouverun équilibre entre des souffrances extrêmes. La loi nouvelle ne contraint pas la mère denaissance à communiquer son identité, même de manière confidentielle. La femme quidemande, lors de son accouchement, la préservation du secret de son admission et de sonidentité est invitée à laisser, si elle l’accepte, des renseignements sur sa santé et celle du père,les origines de l’enfant et les circonstances de la naissance ainsi que, sous pli fermé, sonidentité. Ce pli sera conservé par le service de l’Aide sociale à l’enfance du département(ASE) et ne sera ouvert que par un membre du CNAOP si cet organisme est saisi d’unedemande d’accès à la connaissance de ses origines par l’enfant devenu adulte ou, si il estmineur, par son ou ses représentants légaux ou par lui-même avec l’accord de ceux-ci. Dansce cas, la mère sera recherchée et contactée par le CNAOP qui lui demandera de confirmerou non son désir de secret. D’autre part, lamère de naissance est informée qu’à toutmoment,elle peut lever le secret de son identité qu’elle ait accouché sous X ou confié son identité souspli fermé, mais qu’elle n’aura pas la possibilité légale de rechercher son enfant. Les effetsbénéfiques ou non des nouvelles dispositions législatives ne pourront être jugées que dansquelques années. L’une des clés du problème est dans une meilleure prise en charge de cesfemmes dans les services de gynécologie-obstétrique.

M- : P. C. G . G

. E . A.

* Membre de l’Académie nationale de médecine. 16, rue Bonaparte — 75272 Paris cedex 06.

Tirés-à-part : Professeur Roger H, à l’adresse ci-dessus.

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SUMMARY

The French parliament adopted in January 2002 a law on access to the origins of persons

who where adopted at birth. The National Council for access to personal origins (CNAOP)

was created in order to apply this new law. The law’s purpose was to attempt to conciliate the

interests of adults who wish to know their origins, those of pregnant women who want tokeep their motherhood secret, and those of children who have the right to live in the bestconditions, and obtain the best possible chance of having a happy childhood. In short, thelegislator attempted to find a balance between situations of extreme suffering. The new lawdoes not impose on the natural mother to communicate her identity, even confidentially. Awoman who requests, at the time of delivery, that her admission and her identity be keptsecret, is encouraged to leave, on a voluntary basis, information on her health and that of thefather, the origins of the child and the circumstances of birth, as well as her identity, in asealed envelope. In this sealed envelope, she can specify her name, her date and place ofbirth. On the cover of the envelope are written the first names that she may have chosen forthe child, as well as its sex, date, hour and place of birth. This envelope is stored and can beunsealed only by a member of the CNAOP if this organism is solicited by the child whenreaching adulthood, or if the child is minor, by his legal representatives or by himself withthese representatives’ approval. In this case, CNAOP can search for the mother and contacther. She may maintain or waive the secret of her motherhood. Furthermore, the naturalmother can at any time waive the secret of her identity, in the event that the child solicits theCNAOP, but she does not have the right to search for the child. It will take several years todetermine whether the effects of these new dispositions are beneficial or not. One of the keysto this problem is improved management of these women in the departments of obstetricsand gynecology.

K- (Index Medicus) : P. C. P,

. P, -.C, . A.

INTRODUCTION

La 10 janvier 2002, les députés ont définitivement adopté, en 2ème lecture et àl’unanimité, une loi relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupillesde l’État publiée au journal officiel du 23 janvier 2002 [1]. Son décret d’applicationsigné le 3 mai 2002 a mis en place un Conseil National pour l’Accès aux OriginesPersonnelles (CNAOP) [2]. Cette loi vise à aménager l’accouchement avec demandede secret de l’identité de lamère, à l’informer de ses droits et à l’accompagner. Certes,elle préserve la possibilité de garder le secret le plus absolumais la lettre et l’esprit deson texte est de faciliter l’accès aux origines, tout en garantissant le respect del’intimité de la vie privée.

Cette nouvelle loi est la résultante d’une série de rapports aboutissant à des conclu-sions assez proches. Le premier, celui du Conseil d’Etat de mai 1990 s’intitule« Statut et protection de l’enfant » [3]. Le dernier, celui de Madame VéroniqueNeiertz en 2001 s’intitule « Le projet de loi relatif à l’accès aux origines personnel-les » [4]. L’Académie nationale de médecine s’est prononcée, quant à elle, en avril

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2000, sur l’accouchement dit sous X » [5]. Tous les auteurs ont cherché à concilier le

conflit d’intérêt entre les femmes qui souhaitent taire leur maternité, les enfants qui

ont le droit de naître dans les meilleures conditions et d’avoir une enfance heureuse,

et les adultes à la recherche de leur origine dont l’ignorance constitue pour nombre

d’entre eux une terrible souffrance psychique.

LES FEMMES RECOURANT A L’ACCOUCHEMENT SECRET

On aurait pu croire que le développement des méthodes permettant aux femmes de

maîtriser leur fécondité rendrait caduque la disposition permettant l’accouchement

dans le secret. Il n’en est rien. Il reste un nombre, certes de plus en plus réduit mais

persistant, de grossesses suivies d’accouchements non souhaités et d’accouchements

dits sous X. On n’en connaît pas le nombre exact. La seule donnée dont on dispose

est celle du nombre d’enfants admis comme pupilles de l’État dont une partie sont

des enfants « nés sous X ». Ce nombre qui était de 10 000 environ dans les années 50

était de 674 en 2001.

Une question se pose donc : qui sont ces femmes recourant encore actuellement àl’accouchement sous X ? Plusieurs études épidémiologiques et sociologiques en ont

précisé le profil. L’une des plus importantes, faite à la demande du Ministère de

l’Emploi et de la Solidarité, en octobre 1999, a porté sur 2000 femmes [6].

Le premier profil est celui de très jeunes femmes n’ayant aucune autonomie. Il

convient de rappeler à ce propos que, jusqu’en 2001, l’interruption volontaire de

grossesse pour les mineures nécessitait le consentement des parents, consentement

qui n’est plus désormais nécessaire. Deux tiers des femmes qui accouchent dans le

secret ont moins de 25 ans, une sur deux a moins de 23 ans. Non seulement ces mères

sont en moyenne beaucoup plus jeunes que les autres accouchées mais il semble

qu’elles soient aujourd’hui un peu plus jeunes que par le passé et ceci à l’inverse de

l’évolution observée dans la population générale.

Le deuxième profil est celui de jeunes femmes appartenant à une famille musulmane

et vivant encore chez leurs parents. Elles sont originaires du Maghreb ou d’Afrique

subsaharienne, où la grossesse hors mariage est perçue comme un déshonneur. Leur

proportion parmi celles qui accouchent dans le secret, est en augmentation. Elle

varie de 30 à 50 % selon les régions et dépasse 50 % dans certains hôpitaux de la

région parisienne. Les conséquences pour ces jeunes femmes, si elles gardent leur

enfant et dévoilent leur grossesse, peuvent être dramatiques. Non seulement elles

risquent d’être rejetées par leur famille mais elles peuvent être l’objet de représailles

physiques très graves, voire menacées de mort.

Un troisième profil, qui recoupe parfois les deux autres, est celui de femmes non ou

mal insérées professionnellement, en proie à de très grandes difficultés matérielles,

parfois sans abri. Les plus jeunes d’entre elles sont des mères célibataires en cours de

scolarité ou d’études, à la recherche d’un premier emploi ou sans profession. Elles

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sont le plus souvent primipares mais ont parfois déjà un ou deux jeunes enfants àcharge. Les plus âgées sont des femmes séparées, divorcées ou abandonnées, parfois

marquées par un long passé de violences conjugales. Elles ont habituellement

plusieurs enfants à charge. Une minorité non négligeable est issue d’un milieu aisé.

Ce n’est pas la misère qui les conduit à abandonner leur enfant mais la pression

familiale, le désir de poursuivre leurs études ou de trouver un emploi.

Un dernier groupe dont l’importance est difficile à déterminer, de l’ordre de 20 %

des cas, est constitué de femmes ayant subi viol ou inceste dont on comprend

aisément le sentiment de rejet.

Dans l’ensemble, il s’agit toujours de femmes dans une extrême détresse morale, face

à une grossesse non souhaitée [7]. L’abandon de l’enfant est une solution de

panique, de désespoir. Certaines femmes, dans une situation inextricable, estiment

donner ainsi de meilleures chances à l’enfant en permettant son adoption. On a

même pu parler d’acte d’amour [8-9]. D’autres, au contraire, violentées, enceintes

par inadvertance ou n’ayant que mépris pour leur partenaire expriment un farouche

déni de grossesse. Par un phénomène mal expliqué, elles arrivent alors à tromper

leur entourage le plus proche. Même les médecins, pour peu qu’ils ne soient pas très

avertis, peuvent se tromper sur l’existence ou l’âge de la grossesse. L’abdomen

grossit anormalement peu jusqu’au voisinage du terme et les femmes disent ne pas

avoir perçu les mouvements du fœtus. Pour la femme qui est contrainte à l’abandon,

la possibilité du secret lui permet de cacher cet acte aux yeux de la société et de son

entourage. Elle préserve sa liberté de décision et le choix de son avenir. Elle évite le

recours à un abandon sauvage voire à un infanticide.

LA NOUVELLE LOI FRANCAISE

Elle a deux volets, l’un prospectif, l’autre rétrospectif [1]. Elle est mise en œuvre par

le Conseil National pour l’Accès aux Origines Personnelles (CNAOP) [2].

Le volet prospectif

Il est cohérent. La loi ne contraint pas la mère de naissance à communiquer son

identité, même de manière confidentielle. Un article pivot (article L. 222-6 du Code

de l’aide sociale et de la famille : CASF) fait référence expressément à l’acceptation

de la femme, ce qui, ajouté à l’interdiction d’exiger d’elle une pièce d’identité ou de

faire une enquête, permet de la rassurer sur le respect de sa liberté. Mais il énonce

aussi que la femme doit être informée des conséquences juridiques de sa demande de

secret, et de l’importance pour toute personne de connaître ses origines et son

histoire.

La femme est invitée, au moment de son accouchement, à laisser des renseignements

sur sa santé et celle du père, les origines de l’enfant, les circonstances de sa naissance

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ainsi que dans une enveloppe cachetée : son nom, ses prénoms, la date et le lieu de sa

naissance. A l’extérieur de l’enveloppe figureront les prénoms qu’éventuellement elle

aura choisis pour l’enfant ainsi que le sexe, la date, l’heure et le lieu de la naissance

de ce dernier. Ce pli sera conservé fermé par le service de l’Aide sociale à l’enfance du

département (ASE) et sera ouvert uniquement par un membre du CNAOP si celui-ci

est saisi d’une demande d’accès à la connaissance de ses origines par l’enfant devenu

adulte ou, si il est mineur, par son ou ses représentants légaux ou par lui-même avec

l’accord de ceux-ci. Dans ce cas, la mère sera contactée par le CNAOP qui lui

demandera de confirmer ou non son désir de secret.

D’autre part, la mère de naissance est informée qu’à tout moment, elle peut lever le

secret de son identité qu’elle ait accouché sous X ou confié son identité sous pli

fermé. Elle peut également remettre ce pli ultérieurement ou compléter les rensei-

gnements donnés lors de la naissance. En revanche, elle n’aura pas la possibilitélégale de rechercher l’enfant qu’elle a abandonné. L’initiative ne peut venir que de

l’enfant.

La loi confie aux correspondants départementaux du CNAOP la charge d’assurer la

mise en œuvre de l’accompagnement psychologique et social de la femme, de lui

délivrer les informations nécessaires, de recueillir les renseignements non identi-

fiants et éventuellement le pli fermé. Une difficulté pratique est d’accomplir ces

tâches dans le temps très bref qui est actuellement celui de l’hospitalisation de la

mère en maternité. La loi énonce donc que ces formalités, à défaut de la présence

d’un correspondant départemental, pourront être accomplies sous la responsabilitédu directeur de l’établissement de santé.

Enfin, la nouvelle loi prévoit que la prise en charge des frais d’hébergement et

d’accouchement n’est plus subordonnée à la seule demande de secret mais qu’elle

s’applique dès lors que l’enfant est confié en vue d’une adoption.

Le volet rétrospectif

Il est plus délicat à appliquer. En effet, la loi nouvelle est une loi dite de procédure qui

appréhende toutes les situations existantes et le CNAOP est saisi de demandes

d’accès aux origines par des personnes nées il y a 30, 40, 50 ans ou plus. Or le droit

a été modifié à plusieurs reprises au cours du siècle dernier, la dernière réforme

datant de juillet 1996. Jusqu’à présent, une personne à la recherche de ses origines

pouvait adresser sa demande au service de l’aide sociale à l’enfance de son départe-

ment de naissance ou à l’organisme d’adoption privé auquel elle avait été confiée.

Dans l’hypothèse d’un refus de communication de documents fondé sur le respect de

l’intimité de la vie privée, elle pouvait saisir la Commission d’Accès aux Documents

Administratifs (CADA). En cas de litige, le demandeur pouvait en dernier ressort

saisir la juridiction administrative qui seule, par une décision s’imposant aux

services départementaux et aux organismes d’adoption, pouvait déterminer les

modalités de la communication des documents. Désormais la communication au

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demandeur « d’éléments permettant d’identifier sa mère biologique est subordon-

née dans tous les cas à l’intervention du CNAOP auquel il revient de s’assurer que

celle-ci ne s’oppose pas à la divulgation de ces documents ».

L’article 147-7 de la loi précise par ailleurs que l’accès d’une personne à ses origines

est sans effet sur l’état civil et la filiation. Il ne fait naître ni droit ni obligation au

profit ou à la charge de qui que se soit.

LE CONSEIL NATIONAL POUR L’ACCÈS AUX ORIGINES PERSON-

NELLES (CNAOP)

Sa constitution

Le Conseil est chargé d’appliquer la loi. Il est composé de 17 membres désignés par

un arrêté du 22 août 2002 [2]. Certains sont institutionnels : deux magistrats, l’un

judiciaire, l’autre administratif, six directeurs d’administration centrale (deux du

ministère des affaires sociales et un pour chacun des ministères suivants, justice,

affaires étrangères, intérieur et outre-mer), ainsi qu’un représentant des conseils

généraux. D’autres sont des représentants d’associations, trois pour la défense des

droits des femmes, un pour les associations de familles adoptives, un pour les

pupilles de l’État, un pour la défense du droit à la connaissance de ses origines.

Enfin, deux sont des personnalités qualifiées désignées en raison de leur expérience

et compétence médicale, paramédicale ou sociale. Le conseil est assisté d’un secré-

tariat général dirigé par un magistrat. Il a été mis en place le 12 septembre 2002 par

le Ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées et le Ministre

délégué à la famille.

La compétence du CNAOP est nationale et articulée avec celle des départements,

puisque les présidents des conseils généraux ont pour responsabilité de conserver

d’une part, les plis fermés contenant l’identité de la mère et les levées de secret qui

seront transmis au CNAOP sur sa demande et d’autre part, les demandes d’accès

aux origines et les déclarations de levée du secret transmises par le CNAOP. Deux

personnes au moins, habituellement membres de l’Aide Sociale à l’Enfance ou de la

Protection maternelle et infantile (PMI), doivent être désignées dans chaque dépar-

tement par le président du Conseil général pour assurer les relations avec le CNAOP

et mettre en œuvre le recueil éventuel de l’identité de la mère de naissance dans la

confidentialité, ainsi que son accompagnement psychologique et social.

Son rôle

Le CNAOP est réellement au cœur du dispositif de la loi :

— il reçoit la demande écrite des personnes qui recherchent leur origine, accompa-

gnée des justificatifs de l’identité et de la qualité de leur auteur. Cette demande

peut également être adressée au président du Conseil général ;

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— il dispose d’un mois pour transmettre copie des demandes qu’il reçoit au

président du Conseil général. Dans le cas où le président du Conseil général a étédirectement saisi, il dispose d’un mois pour transmettre au CNAOP celles qui

méritent instruction en l’absence de levée de secret présente dans le dossier ;

— il reçoit les déclarations expresses de levée du secret du père ou de la mère de

naissance ou des ascendants, descendants ou collatéraux privilégiés du père ou

de la mère de naissance. Ceux-ci sont avisés que la déclaration d’identité ne sera

communiquée à la personne concernée que si celle-ci fait elle-même une

demande d’accès à ses origines ;

— il recherche la mère de naissance, possédant pour cela des prérogatives propres

pour se faire communiquer les actes de naissance d’origine par le procureur de la

République ainsi que des renseignements afin de déterminer l’adresse des

parents de naissance par les administrations ou services de l’état et des collecti-

vités publiques et les organismes sociaux ;

— il doit s’assurer du consentement express de la mère de naissance à la levée du

secret ou de sa volonté de le préserver ;

— en cas d’acceptation, il procède à la communication de l’identité de la mère de

naissance et l’identité des ascendants, descendants et collatéraux de la mère et

l’un de ses membres servira de médiateur ;

— en l’absence d’accord de la mère de naissance, il ne transmet que des renseigne-

ments ne portant pas atteinte à son identité.

Une autre mission du CNAOP est de veiller à l’harmonisation des pratiques très

diverses en vigueur dans les Conseils généraux, les services sociaux départementaux

et les établissements de santé publics ou privés.

Une dernière mission est d’établir des statistiques relatives au nombre d’accouche-

ments avec demande de secret, avec dépôt d’un pli fermé ou non, pour éviter les

extrapolations abusives et mesurer l’impact de la réforme. Il serait intéressant de

pouvoir recenser également le nombre des abandons (ce qui est difficile) et celui des

infanticides (ce qui est actuellement impossible car mêlé aux homicides de mineurs

âgés de 15 ans ou moins).

Ses difficultés

Le travail du CNAOP est délicat. Recevoir les demandes toujours pressantes des

adultes cherchant leurs mères d’origine, rechercher celles-ci, savoir les contacter

sans provoquer de drames, recueillir leur consentement ou leur refus, le transmettre

à ceux qui sont en attente depuis souvent de très nombreuses années, accompagner

les retrouvailles, n’est jamais simple. Ainsi, le CNAOP est accusé par les uns d’être

une officine favorable aux organismes d’adoption, par les autres d’être à la solde de

ceux qui recherchent leur origine.

Il peut décevoir les adultes en quête de leur origine. Par exemple, il ne peut pas

communiquer l’identité de la mère si le dossier est vide, s’il est impossible de la

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retrouver ou s’il ne peut pas la joindre pour s’assurer de sa volonté. Il ne peut

également que refuser de communiquer l’identité de la mère si elle ne consent pas àlever le secret, ce qui sera toujours très mal ressenti par l’adulte. D’autre part, la

découverte d’une mère peut ne pas correspondre à l’image idéalisée que l’enfant a pu

s’en faire. C’est pourquoi la demande devra toujours être mûrie et l’adulte contactéà deux ou trois reprises pour savoir la vraie nature de ce qu’il recherche et s’assurer

de son désir d’aller jusqu’au terme de sa démarche.

Il peut aussi profondément perturber les mères de naissance. On imagine l’angoisse

que peuvent ressentir ces femmes qui ayant accouché il y a bien des années, voient

surgir ce retour brutal de leur passé. On conçoit les catastrophes familiales que cela

peut déclencher : divorce, séparation, suicide. Le problème est humain autant que

juridique. En tout état de cause, les décisions du CNAOP pourront être déférées au

juge administratif, seul compétent pour trancher les litiges éventuels.

Le travail du CNAOP a éveillé la crainte des familles adoptives qui redoutent qu’ilne répande la perturbation dans des foyers équilibrés et jusque là heureux. On peut

craindre que la nouvelle législation n’encourage les familles à se tourner vers

l’adoption internationale avec les risques que cela comporte.

L’AVAL DE LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME

La grande chambre de la Cour européenne des Droits de l’Homme a donné acte à la

France de sa tentative de conciliation entre les intérêts des femmes, des enfants et des

adultes à la recherche de leur origine, lors d’une audience publique le 9 octobre 2002,

à la suite d’une plainte introduite contre la France par une jeune femme abandon-

née, Madame Pascale Odièvre [10-11]. Elle a jugé que « la législation française tente

d’atteindre un équilibre et une proportionnalité suffisants entre ces intérêts ». Il est

à noter que l’avocat de l’Etat français a largement repris, dans sa plaidoirie, bon

nombre d’arguments figurant dans le rapport de l’Académie nationale de médecine

[5].

LES PREMIERS RÉSULTATS

Ils ont été exposés le 10 septembre 2003, lors d’une conférence de presse tenue

conjointement par le Ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handica-

pées et le Ministre délégué à la Famille [12].

Depuis l’installation du CNAOP, le 12 septembre 2002, par le Ministre de la Santé,

de la Famille et des Personnes handicapées et le Ministre délégué à la Famille, et ce

jusqu’au 14 août 2003, le nombre de demandes d’accès aux origines parvenu au

secrétariat général a été de 609. Le nombre de demandes mensuelles, proche de 100

en octobre 2002, premier mois d’enregistrement, semble se stabiliser aux environ de

40 depuis mai 2003. 81 % des personnes recherchant leur origine sont âgées de plus

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de 29 ans : 37 % ont plus de 50 ans et 44 % ont de 30 à 49 ans. Il n’y en a que 3 % âgés

de moins de 18 ans. Par ailleurs, 63 % des demandes proviennent de femmes.

Près de 80 dossiers ont été traités à cette date. Dans près de la moitié des cas l’identitéde la mère de naissance a été retrouvée. Avec l’accord des personnes concernées, les

chargés de mission du secrétariat général du CNAOP ont alors pris contact avec ces

mères par téléphone, avec toute la discrétion désirable, pour leur demander leur avis.

Environ un tiers d’entre elles refuse d’emblée de lever le secret. D’autres, sans

mentionner leur identité, acceptent de confier par lettre les circonstances de la

conception de l’enfant, de sa naissance et la raison de l’abandon. D’autres acceptent

de donner leur identité. Les chargés de mission du CNAOP favorisent alors la

rencontre entre les mères et leurs enfants et accompagnent leur mise en relation.

Par ailleurs, le nombre de levées spontanées de secret a été de 48.

CONCLUSION

Les effets bénéfiques ou non des nouvelles dispositions législatives ne pourront être

réellement jugés que dans quelques années. On peut craindre, si les femmes pensent

que leur vie privée est menacée, que les enveloppes cachetées ne soient vides de tout

renseignement ou ne contiennent que de faux renseignements. On peut redouter

également que le nombre des accouchements sous X ou pire des abandons « sauva-

ges » ou des infanticides n’augmente à nouveau.

En fait, l’une des clés du problème est dans une meilleure prise en charge de ces

femmes dans les services de maternité publics ou privées. Il est indispensable de leur

donner tous les éléments leur permettant de prendre leur décision en toute connais-

sance de cause, sans qu’aucune pression ne s’exerce sur elles. Malheureusement, les

séjours en maternité étant de plus en plus courts, il est difficile d’agir efficacement

auprès de ces femmes souvent très jeunes, en extrême détresse. L’information qui

leur est donnée est parfois indigente. L’accueil qui leur est réservé est encore trop

souvent indifférent, réprobateur ou méprisant, ce qui les laisse dans un profond

désarroi.

BIBLIOGRAPHIE

[1] Loi no 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et

pupilles de l’État.

[2] Décret no 2002-781 du 3 mai 2002 relatif au Conseil national pour l’accès aux origines

personnelles et à l’accompagnement et l’information des femmes.

[3] B P. — Statut et protection de l’enfant. La Documentation française. Paris. 1991.

[4] N V. — Rapport sur le projet de loi (no 2870) relatif à l’accès aux origines personnelles.

Les documents législatifs de l’Assemblée nationale 2001, no 3086, 1-76.

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[5] H R. —À propos de l’accouchement sous X. Bull. Acad. Natle Med. 2000, 184, 815-821.

[6] K F. — Accouchement « sous X » et secret de ses origines : comprendre et accompa-

gner les situations en présence. Groupe de travail sur l’accouchement « sous X ». Rapport au

Ministre de l’Emploi et de la Solidarité, Service des Droits des Femmes. Octobre 1999.

[7] M S. — De l’une à l’autre. De la grossesse à l’adoption. Hommes et perspectives,

Martin media. Revigny. 1997.

[8] G J. — De l’oubli à la mémoire. Xavier Lejeune. Lyon. 2003.

[9] B C. — Geste d’amour. L’accouchement sous X. Odile Jacob. Paris. 2001.

[10] L B M.-C. — La CEDH valide le dispositif français relatif à l’accouchement sous X

et à la connaissance de ses origines. Revue Juridique. Personnes et Famille. 2003, 4, 19-20.

[11] Cour européenne des Droits de l’Homme. Greffe de la Cour européenne des Droits de l’Homme.

F. 67075 ¢ Strasbourg Cedex.

[12] Conférence de Presse le 10 septembre 2003, Ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes

Handicapées.

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Chronique historique

il y a 450 ans Miguel Servet

Miguel Servet, 450 years ago

Juan Antonio CREMADES *

RÉSUMÉ

Miguel Servet, espagnol, ayant étudié, exercé et enseigné laMédecine en France, a été brûléle 17 juin 1553 en effigie par les catholiques à Vienne en Dauphiné et le 27 octobre 1553 enpersonne à l’instigation de Jean Calvin à Genève. Ses œuvres ont été brûlées avec lui.

M- : S. M (1511-1553). H M 16ème .

SUMMARY

Miguel Servet, Spanish, who studied, practiced and lecturedMedicine in France, was burntin effigy by the Catholics at Vienne in the French Dauphiné on June 17th, 1553, and inperson at John Calvin’s instigation in Geneva, on October 27th, 1553. Miguel Servet’sworks were also burned with him.

K- (Index Medicus) : S (1511-1553). H th

.

Il y a quatre siècles et demi Miguel Servet, un espagnol, médecin français, attendait

dans la prison de l’évêché de Genève le résultat du délibéré de ses juges.

Deux mois plus tôt, évadé des geôles de l’Inquisition catholique française, il est de

passage à Genève où il loge à l’Auberge de la Rose, Place du Molard. A cet endroit

une plaque proclame paradoxalement aujourd’hui « Genève, ville refuge ». Il

demande à l’aubergiste de lui trouver une barque pour traverser le Lac Léman vers

Zurich, d’où il compte se rendre en Italie. C’est un dimanche et, pour ne pas attirer

l’attention, il se rend au Temple. Il y est reconnu par des lyonnais, qui le font savoir

à Calvin.

* Avocat aux Barreaux de Paris et de Madrid, Membre de la Real Academia de Bellas Artes de San

Luis.

Tirés-à-part : J.A. Cremades et Associés, 51, Avenue Georges Mandel. 75116 PARIS.

Article reçu le 23 septembre 2003, accepté le 20 octobre 2003.

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1597

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Celui-ci réagit rapidement. Il avait déjà eu des échanges épistolaires avec Servet, quilui a même envoyé le manuscrit d’un livre qu’il était en train de préparer, ce qui apousséCalvin à écrire à son ami et collaborateur Farel [1] « Servet vient dem’envoyer

un long volume de ses délires, affirmant avec sa jactance fanfaronne que j’y trouverai

des choses étonnantes et neuves. Il viendra ici si je l’y autorise. Mais je n’en ferai rien.

Car s’il vient, et pour peu que je jouisse ici de quelque autorité, je ne souffrirai pas qu’il

sorte vivant. »

La loi genevoise interdisait de procéder à une telle arrestation le dimanche. Peuimporte ! Calvin accorde les dispenses nécessaires et les registres de la VénérableCompagnie des Pasteurs de Genève mentionnent : « Le 13 août Michel Servetus

ayant été reconnu par quelques frères, il fut trouvé bon de le faire emprisonner, afin qu’il

n’infectât plus le monde de ses blasphèmes et hérésies, attendu qu’il était connu de tous

incorrigible et désespéré. »

Pourquoi Servet s’est-il rendu à Genève sachant que Calvin ne lui était pas favora-ble ? Voltaire nous fournit la réponse : « un Espagnol qui passait par une ville

étrangère était-il justiciable de cette ville pour avoir publié ses sentiments, sans avoir

dogmatisé ni dans cette ville ni dans aucun lieu de sa dépendance ? » Pour le philoso-phe de Ferney, la suite de l’affaire mérite un commentaire sévère : « Cette barbarie,

qui s’autorisait du nom de justice, pouvait être regardée comme une insulte aux droits

des nations. [2] »

Il existait à Genève une loi, « qu’on devrait imiter » selon Voltaire, selon laquelle ledélateur devait se mettre en prison avec l’accusé. Calvin ne porte donc pas plaintelui-même, il le fait par l’entremise de son cuisinier qui est resté détenu jusqu’à ce quel’accusation ait été reprise par le Procureur.

Servet est dépouillé de 97 pièces d’or, d’une chaîne d’or et de six bagues. De longsinterrogatoires commencent devant ses juges. On devine son régime pénitentiairepar les suppliques qu’il leur adresse. Il leur écrit le 15 septembre : « Les poux me

mangent tout vif, mes chausses sont déchirées, et n’ai de quoi changer, ni pourpoint ni

chemise, qu’une méchante ». Le 10 octobre Servet insiste : « Il y a bien trois semaines

que je désire et demande avoir audience, et n’ai jamais pu l’avoir. Je vous supplie pour

l’amour de Jésus-Christ, ne me refusez pas ce que vous ne refuseriez à un turc, en vous

demandant justice. J’ai à vous dire choses d’importance, et bien nécessaires. Quant à ce

que vous aviez commandé, qu’on me fit quelque chose pour me tenir net, n’en a rien été

fait, et suis plus piètre que jamais. Et davantage le froid me tourmente grandement à

cause de ma colique et rompure, laquelle m’engendre d’autres pauvretés, que ai honte

vous écrire. C’est grande cruauté que je n’aie congé de parler seulement pour remédier

à mes nécessités. Pour l’amour de DieuMesseigneurs donnez y ordre, ou pour pitié, ou

pour le devoir ».

Le 27 octobre 1553 (après demain cela fera 450 ans, eu égard aux dix jours dedécalage entre le calendrier julien alors en vigueur et notre calendrier grégorien), laporte du cachot s’ouvre. Le Lieutenant Tissot ordonne au prisonnier de le suivre etle conduit à la Mairie où siège le Tribunal. L’un de ses membres, le syndic d’Arlod,

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lit la décision de Justice : « Toi Michel Servet condamnons à devoir être lié et mené au

lieu de Champel, et là devoir être à un pilotis attaché, et brûlé tout vif avec ton livre tant

écrit de ta main, qu’imprimé, jusques à ce que ton corps soit réduit en cendre ; et ainsi

finiras tes jours pour donner exemple aux autres qui tel cas voudraient commettre ».

Aujourd’hui 4 novembre 2003, dans le cadre des Célébrations Nationales, votreAcadémie honore ce condamné à mort. Il était avant tout un médecin.

Il a déclaré avec fierté le 23 août 1553 devant ses juges deGenève qu’il était espagnol,né à Villanueva de Sijena, en Aragon, qu’il avait étudié la médecine à Paris et qu’ilavait pratiqué en l’art de lamédecine d’abord à Paris, puis pendant deux ou trois ansà Charlieu, à 10 ou 12 lieues de Lyon, et enfin une douzaine d’années en Vienne duDauphiné. Il proclame n’avoir eu d’autre vocation que la médecine, bien qu’il ait étéquelque temps correcteur d’imprimerie à Lyon.

Il contredisait ainsi Jean Calvin qui, dans son traité Des Scandales publié à Genèveen 1550, consacre un chapitre à « Arrogance, mère des hérésies. Contre Servet » [3].On peut y lire « Il y a un certain Espagnol, nommé Michel Servet, qui contrefait le

médecin, se nommant Villeneuve. Ce pauvre glorieux, étant déjà enflé de l’arrogance de

Portugal, mais crevant encore plus de sa propre fierté, a pensé qu’il pourrait acquérir

quelque grand bruit en renversant tous les principes de la chrétienté ». C’est grave dedévoiler ainsi son identité, alors que tous ignoraient que le médecin Michel deVilleneuve était le Servet poursuivi par l’Inquisition. Mais ce l’est peut-être autantde mettre en cause son honorabilité professionnelle.

Car médecin, il l’est.

Il a fait à Paris des études demédecine brillantes. Cela est prouvé par sonmaître JeanGunther qui écrit de lui : « j’ai eu d’abord pour auxiliaire André Vésale. Après lui m’a

été donné habituellement pour les dissections Michel Villanovanus, personnage très

orné en tout genre de belles lettres et qui n’a peut être pas son pareil dans la doctrine de

Galien » [4].

Il a fait des découvertes sur la circulation du sang, que votre Corporation savanteconnaît mieux que moi [5]. William Harvey s’en inspirera un siècle plus tard.

Sa Brevissima Apologia Symphoriani Campegii in Leonardum Fuchsium du 12novembre 1536 est un plaidoyer passionné pour Symphorien Champier, « auquel je

suis tant redevable en tant que disciple », contre les attaques reçues de Leonard Fuchssur l’utilisation médicale de la scammonée et sur la syphilis, « le morbo gallico

maladie nouvelle, produit de la colère de Dieu » [6].

LeSyruporum universa ratio ad Galieni censuram, son traité sur les sirops, connaît unfranc succès, prouvé par ses rééditions successives : il voit le jour en 1537, et il estréédité en 1545, 1546, 1547 et 1548.

SaMichaelis Villanovani in quendam medicum apologetica Disceptatio pro Astrologia

a une histoire haute en couleur commenotre personnage. Elle est clairement exposéedès les premières lignes : « Lorsque j’impartissais à Paris un enseignement public

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d’Astronomie un certain médecin m’a obligé à l’interrompre et a essayé de démolir

cette science. Evidemment puisqu’il était le disciple d’une autre personne sans aucune

préparation qui avait été son maître mal informé, il n’a fait qu’exhiber sa propre

ignorance, car ils condamnent tous deux quelque chose dont ils ne savent absolument

rien ». Après l’argument d’autorité (Platon, Aristote, Hippocrate, Galien, recon-

naissaient la valeur de l’Astrologie), il établit que cette science est nécessaire pour les

médecins ne fut-ce que pour les aider dans la diagnose.

Jean Tagault, doyen de la Faculté de Médecine, s’est senti visé par cet opuscule et a

déposé plainte. Avec une grande rapidité (dans l’ouvrage Servet fait référence a un

phénomène astrologique qu’il avait observé le 12 février 1538 et la décision est du 18

mars 1538), le Parlement de Paris ordonne la destruction du livre [7], mais il est

demandé aux médecins d’user d’indulgence envers le coupable et de le traiter avec

humanité : le livre sentait le souffre, mais pas trop.

Cet incident pousse sans doute Servet à quitter définitivement Paris. Pour une

personne recherchée par toutes les inquisitions, la publicité ayant entouré l’affaire a

pu lui faire craindre que sa véritable identité ne soit dévoilée.

Il s’établit à Charlieu chez Jean de la Rivoire. Il n’y reste que deux ans, car il

reconnaît devant ses juges genevois que « en la ville de Charlieu, allant de nuit voir un

malade, par l’envie d’un autre médecin de ladite ville il fut agressé de certains, qui

étaient ses parents et favoris, là où il fut blessé et en blessa aussi un des autres, par

laquelle chose demeura deux ou trois jours aux arrêts ».

Il abandonne de ce fait Charlieu et s’installe en 1541 à Vienne en Dauphiné, où il

jouit de la protection de son archevêque Mgr Pierre Palmier, qui avait suivi ses cours

d’Astrologie à Paris, dont il était le médecin et à qui il dédicace son édition de la

Géographie de Ptolémée.

Et médecin il le sera jusqu’au dernier instant de sa vie en liberté. A Vienne, au début

de l’année 1553, il a comme patient le Lieutenant Général du Roi de France dans le

Dauphiné, le Seigneur de Maugiron. On connaît cette maladie par une lettre que les

gens du Parlement de Grenoble ont écrite au Lieutenant lui disant qu’une missive

qu’ils lui ont envoyée le 26 janvier n’a pas pu lui être remise « pour la maladie grave

en laquelle étiez alors détenu. Et lui fut dit en votre dite maison que étiez si mal de votre

personne qu’on doutait grandement de votre vie », mais que le 2 février ils ont étéinformés par le secrétaire « que étiez sur le recouvrement de votre santé, dont fumes

très joyeux » [8]. Le 4 avril 1553, Servet était chez Maugiron en train de le soigner

lorsque le Vibailly vint exécuter le mandat d’arrêt lancé contre Servet par le Frère

Matthieu Ory, « Inquisiteur Général de la foi au Royaume de France et par toutes les

Gaules ». Pour éviter tout scandale, il est indiqué à Servet que plusieurs malades se

trouvaient dans le Palais Delphinal et qu’il était prié de venir les visiter. Une fois au

Palais, le mandat lui est notifié et il y est mis directement sous les écrous [9].

Mais à Genève ce n’est pas le médecin qui est poursuivi ; il l’avait déjà été à Paris.

C’est l’hérétique.

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Car, comme tout homme de la Renaissance, il avait une curiosité intellectuelle

illimitée. Il était surtout un passionné de Théologie. Et ce sont ses publications

religieuses qui lui ont valu les persécutions subies tout au long de sa vie.

Son père, notaire à Villanueva de Sijena, désirait qu’il fasse des études de droit et

l’envoie à Toulouse. Il quitte l’Espagne, où il ne retournera plus, vers l’âge de 16 ans.

Il reconnaît devant ses juges genevois qu’ « il a un peu demeuré à Toulouse, y étant

envoyé par son père pour étudier aux lois. Et là il prit connaissance avec quelques

écoliers de lire à la sainte Ecriture et Evangile, ce qu’il n’avait jamais fait auparavant ».

Il y prit tellement goût qu’il laissa de côté Justinien et s’adonna à l’étude de la Bible.

A peine âgé de vingt ans, il publie son premier livre De Trinitatis Erroribus libri

septem, per Michaelem Serveto alias Reves ab Aragonia Hispanum, imprimé par Jean

Setzer à Haguenau (Alsace) en 1531.

Le livre contient des affirmations sur la Trinité qui n’ont plu ni aux catholiques ni

aux protestants : Melanchthon (à qui l’on doit d’avoir rédigé le texte de la Confes-

sion d’Augsbourg ), Bucer, Erasme réagissent mal lorsque Servet leur envoie son

livre. Le Conseil de l’Inquisition espagnole ordonne le 24 mai 1932 à l’Inquisiteur

d’Aragon de faire des recherches sur Miguel Servet et sa famille. Le 17 juin 1532 un

décret de l’Inquisition de Toulouse ordonne la comparution de 40 personnes en

fuite, dont Miguel Servet.

En 1532, il publie, chez Setzger également, un nouveau livre Dialogorum de Trini-

tate. De justicia regni Christi, qui commence par les mots suivants : « Je me rétracte

de tout ce que j’ai écrit récemment sur la Trinité, en sept livres ». Mais c’est pour

préciser immédiatement après : « Non pas que ce soit erroné ou faux, mais parce que

c’est incomplet et écrit par un enfant pour des enfants ».

C’est la dernière fois que Servet utilise son nom. Il est désormais poursuivi par

toutes les églises, catholiques ou réformées. Il devient donc Michel de Villeneuve, néà Tudela (Navarre). Il va vivre comme un loup solitaire : au procès de Genève on lui

reproche de ne pas s’être marié. Il ne crée ni d’école ni de secte. Il est un papiste

apparent, tant qu’il vit chez les catholiques. Mais il étudie, il pense et finalement il

écrit : la Christianismi Restitutio, son œuvre maîtresse est imprimée clandestinement

le 3 janvier 1553.

Il est même un hérétique intégral, car il bouleverse tous les dogmes. Calvin dit de lui

« que les lecteurs soient avertis que ce malheureux n’a laissé en toute la religion un seul

article qu’il n’ait infecté de ses rêveries » [10].

Servet part de la Bible qu’il lit dans ses langues originales et qu’il interprète

littéralement à l’aide des commentateurs juifs et des Pères de l’Eglise antérieurs au

Concile de Nicée. Il considère qu’après la venue du Christ « la première génération a

vu et entendu les merveilles de Dieu, et sa place a été prise par d’autres qui ne

connaissaient pas le Seigneur » [11].

Il constate que le mot Trinité n’existe ni dans l’Ancien ni dans le Nouveau Testa-

ment. Il croit au Père, au Fils et à l’Esprit : « Réellement sont distincts le Père de son

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fils et l’Esprit saint du fils, mais pas essentiellement, car ils ont la même essence de

déité » [12]. Il est toutefois en désaccord avec le Concile de Nicée qui en 325 a donnéla définition orthodoxe de la Trinité : les pères conciliaires se sont écartés des notions

bibliques et, bâtissant une Trinité de personnes en un seul Dieu, en fait « adorent un

Cerbère à trois têtes, un Dieu tripartite, comme s’il s’agissait de trois points en un seul,

de trois choses enfermées en une seule » [13]. Les trithéistes sont pour lui le plus grand

obstacle à l’entente entre chrétiens, juifs et musulmans.

Puisque lesÉvangiles nous disent que le Christ a été baptisé à 30 ans [14], il est contre

le baptême des enfants. D’ailleurs, les jeunes avant 20 ans ne peuvent pas pécher, car

on lit dans la Bible [15] que Dieu n’a condamné à mourir avant de voir la Terre

Promise que les israélites au dessus de cet âge [16].

« Ne mangez pas de sang, parce que le sang est l’âme » lit-on dans la Bible [17]. Servet

en conclut : « que l’âme est dans le sang, c’est Dieu même qui nous l’enseigne » [18].

Point étonnant, en conséquence, qu’au cours de ses recherches théologiques il

s’intéresse au sang et à sa circulation dans le corps humain.

Il excelle dans ses attaques contre la papauté. Clément VII l’a particulièrement

scandalisé lors du couronnement de l’Empereur, auquel il a assisté en 1530 àBologne accompagnant le franciscain Juan de Quintana, confesseur de Charles-

Quint. « J’ai vu de mes propres yeux comment les princes le portaient sur leurs épaules,

alors qu’il fulminait des croix avec la main, et comment le peuple l’adorait à genoux

tout au long des rues. Cela arrivait au point que ceux qui pouvaient baiser ses pieds ou

ses sandales se considéraient plus fortunés que les autres et proclamaient qu’ils avaient

obtenu de nombreuses indulgences, grâce auxquelles leur seraient rachetées des lon-

gues années de souffrances infernales » [19]. Et sur un ton plaisant, il s’exclame

« Donnons à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Et le Pape rendons-le

à Satan, qui est celui qui nous l’a donné » [20].

Mais il est hérétique sans dogmatisme, car, fait rare au e siècle, il écrit : « Je ne suis

ni avec les uns ni avec les autres. Je me trouve en accord et en désaccord avec tous. Chez

tout le monde on doit voir la partie de vérité et la partie d’erreur » [21].

Et il est aussi un hérétique tolérant, ce qui est également exceptionnel de son temps :

« Je considère un abus très grave de tuer des hommes parce que l’on pense qu’ils sont

dans l’erreur ou parce que l’on est en désaccord avec eux sur un détail d’interprétation

des écritures, alors que nous savons que le meilleur des élus peut se tromper » [22].

Mais, ne l’oublions pas, Miguel Servet était aussi juriste, quelles que soient ses

divagations scripturaires pendant son passage à la Faculté de Droit. Même s’il ne

s’est pas beaucoup attardé sur le Digeste, préférant les Pères de l’Église aux

Jurisconsultes romains, la formation juridique a laissé des traces chez lui.

Il traite toujours cette matière avec respect : « De l’injure naît le Droit, lequel n’est pas

péché, même s’il naît à l’occasion du péché » [23].

Il n’utilise pas que des connaissances médicales dans ses œuvres théologiques, mais

aussi les qualifications juridiques : « Entre Dieu et Abraham il s’est établi une alliance

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ou un pacte du genre que nos juristes identifieraient comme l’une des quatre catégories

de contrats innomés, celle qui est habituellement appelée facio ut facias ’’ [24].

On voit qu’il est bon juriste au cours de ses procès.

Devant l’Inquisition catholique, il n’adopte pas une stratégie de rupture : il est le

Villeneuve médecin bien connu et apprécié qu’aucune preuve ne rattache à l’auteur

des écrits que Calvin a fait envoyer pour le dénoncer. Il reconnaît la paternité de ses

livres médicaux, mais dit « n’avoir fait imprimer autre livre par lui composé ; bien

confesse-t-il en avoir corrigé plusieurs, sans toutefois y avoir ajusté ou diminué aucune

chose du sien ». Pas un mot de son édition de la Bible de Santes Pagnini, car un

censeur pourrait considérer que ses notes ne sont pas toutes d’une parfaite ortho-

doxie.

Quand il constate que son délateur a adressé à l’Inquisition ses manuscrits pour

que son écriture le confonde, il en tire les conséquences juridiques adéquates. Ses

juges de Genève s’y réfèrent avec une pointe d’ironie lorsqu’ils écrivent à ceux de

Vienne pour leur demander une copie de la procédure par eux suivie contre Servet

« duquel nous avons entendu qu’il soit été pris et détenu par vous en votre cite de Vienne

et qu’il s’en soit sorti de prison sans dire adieu à l’hôte, mais par fracture ». Effective-

ment, le 7 avril 1553, à 4 heures du matin, il saute par dessus les murs de la prison,

commençant ainsi une fuite dont on sait qu’elle prendra fin à Genève le 13 août

suivant.

Servet a eu raison. L’Inquisiteur de Vienne poursuit son instruction malgré l’éva-

sion. Le 2 mai il découvre dans une maison isolée les presses clandestines où avait étéimprimée la Christianismi Restitutio. Le lendemain, il saisit à Lyon cinq balles de

livres. La découverte d’une imprimerie et des ouvrages fait relever le délit de la

juridiction civile. Le 17 juin le Vibailly juge delphinal et ses assesseurs rendent une

sentence définitive et sans appel : Michel de Villeneuve doit être sur la place

Charnève « brûlé tout vif à petit feu. Cependant sera la présente sentence exécutée en

effigie avec laquelle seront ses dits livres brûlés ». Elle est exécutée le jour même et son

effigie part en fumée avec ses livres.

À la suite de la commission rogatoire reçue de Genève, les juges français envoient le

26 août une copie de la sentence qu’ils ont rendue contre Servet et demandent

l’extradition de celui-ci, avec une note d’humour macabre : « votre bon plaisir soit le

nous rendre pour exécuter ladite sentence, l’exécution de laquelle le châtiera de sorte

qu’il ne sera besoin chercher autres charges contre lui ».

Le Tribunal ecclésiastique de Vienne poursuit sa procédure, malgré la décision de la

juridiction civile. Sa sentence est rendue le 23 décembre 1553, alors que Servet a déjàété brûlé à Champel. Elle réitère que Michel de Villeneuve et tous ses livres seront

livrés aux flammes.

À Genève, la tactique adoptée par Servet est différente. Puisque son identité est

connue, il ne cache plus son nom ni ses origines. Il ne nie pas non plus être l’auteur

de ses livres.

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Lors du premier interrogatoire, il reconnaît avoir été détenu à Vienne, sur dénoncia-

tion de Monseigneur Calvin et de Guillaume de Trie. Il s’est enfui parce que les

prêtres voulaient le brûler vivant et que, vu comme il était surveillé, il semblait que

quelqu’un désirait son évasion.

Il ne croit pas avoir proféré des blasphèmes, mais si on les lui montre il est disposé àrectifier.

Il reconnaît avoir écrit un livre sur la Trinité en suivant les premiers docteurs après

Jésus-Christ et les Apôtres. Il croit en la Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, trois

personnes en Dieu. Mais il a utilisé le mot personne d’une manière différente de celle

des docteurs modernes.

C’était adroit au point de vue du procès. Si j’ai commis une erreur, je rectifierai. La

Trinité, j’y crois ; mais j’utilise le mot personne d’une manière différente des moder-

nes, ce qui transforme le débat en un simple différend philosophique.

Les interrogatoires de l’accusé se poursuivent sans cesse. Les moments culminants

sont les discussions théologiques entre Calvin et Servet, certaines sérieuses, d’autres

cocasses : Calvin reproche à Servet d’avoir écrit dans ses commentaires à la Géo-

graphie de Ptolémée que, selon « l’expérience des marchands, la Palestine est une

terre sèche, stérile et dépourvue de toute douceur », ce qui est un blasphème car

l’Esprit Saint parlant par la bouche de Moïse a dit qu’elle était « si grasse et

abondante qu’elle coulait lait & miel ». Servet répond que son Ptolémée a été vendu

partout dans le monde sans être critiqué et que rien dans ce livre ne mérite une

censure. Calvin commente la fin de cette discussion : « ce vilain chien, étant ainsi

abattu par si vives raisons, ne fit que torcher son museau en disant : passons outre, il n’y

a point là de mal » [25].

Le courage et l’entêtement de Miguel Servet sont mis en évidence par une de ses

notes manuscrites en marge des Actes Théologiques de son procès : « je suis constant

en une cause si juste, & je ne crains point la mort » [26].

Le 21 août une lettre circulaire est envoyée aux églises des autres villes suisses pour

demander leur avis sur l’affaire.

Le 22 août Servet présente à ses juges un écrit -d’une grande finesse juridique- dans

lequel il résume les éléments de sa défense :

Ê il qualifie d’innovation le fait d’introduire une cause pénale sur une question

d’interprétation de la Bible. Il allègue les chapitres XVIII et XIX des Actes des

Apôtres qui prouvent que les hérétiques n’étaient pas jugés, mais simplement

expulsés de la communauté.

Ê il ajoute qu’il n’a pas offensé la terre où il est jugé et qu’il n’a été ni séditieux ni

fauteur de troubles.

Ê et il finit en disant que, puisqu’il est étranger et qu’il ignore les lois du pays, il

demande humblement qu’un avocat lui soit nommé. Il ajoute « si vous le faites

ainsi, vous agirez bien et le Seigneur fera prospérer votre République ».

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Le Procureur répond aussitôt : Vu qu’il sait mentir aussi bien, il n’y a aucune raison

pour qu’il demande un avocat. Car qui voudrait ou pourrait l’aider dans des

mensonges aussi impudiques et des affirmations aussi horribles ? Il n’y a pas un seul

gramme d’apparence d’innocence exigeant l’intervention un avocat.

La demande de désignation d’un avocat est effectivement rejetée le 28 août, fait

d’autant plus grave qu’un avocat, Maître Germain Colladon, français réfugié àGenève, assiste l’accusation.

Le 15 septembre, il réitère sa demande de désignation d’un avocat, proteste parce

que le délateur a été autorisé à en avoir un et a, en plus, été mis en liberté, et demande

que l’affaire soit soumise au Conseil des Deux Cents. Il rappelle qu’il a d’autant plus

besoin d’un avocat qu’il est étranger et ignore les coutumes du pays.

Mais il doit continuer de signer ses écrits : « Servet dans sa propre cause ».

Et seul aussi il dépose plainte contre Calvin le 22 septembre pour l’avoir dénoncéaux juges de Vienne, « alors qu’il n’appartient pas à un ministre de l’évangile de se

transformer en accusateur criminel, ou de demander en justice la mort d’un homme, car

les matières doctrinales ne sont pas soumises à accusation par les docteurs de l’église ».

La plainte n’a pas eu de suite.

Le 23 octobre le Conseil prend connaissance de l’avis des autres Églises suisses, qui

toutes condamnent sévèrement la théologie de Servet, mais se gardent bien de se

prononcer sur le procès en cours, se limitant à manifester leur confiance dans la

prudence et la sagesse des genevois, qui ne feront rien qui ne convienne à un bon

magistrat chrétien.

Dans son livre Déclaration pour maintenir la vraye foy que tiennent tous Chrestiens de

la Trinité des personnes en un seul Dieu. Contre les erreurs detestables de Michel

Seruet Espaignol. Ou il est aussi monstré, qu’il est licite de punir les heretiques : & qu’à

bon droict ce meschant a esté executé par iustice en la ville de Geneue, publié en 1554,

Calvin décrit les derniers instants de Servet, après le jugement du 27 octobre 1553 :

« Quand on lui eut apporté les nouvelles de mort, il était par intervalles comme ravi :

après il jetait des soupirs qui retentissaient en toute la salle : par fois il se mettait à

hurler, comme un homme hors du sens. Bref il n’y avait non plus de contenance qu’en un

démoniaque. Sur la fin le cri surmonta tellement que sans cesse en frappant la poitrine

il criait à l’Espagnole Misericordia, Misericordia ». [27]

Le jour même, Servet meurt par le feu à Champel. Le tourment dure longtemps, car

on a pris soin de ne pas mettre du bois sec. Voyant que sa fin n’arrivait pas, Servet

dit : « Avec tout l’argent que vous m’avez pris, vous auriez pu acheter du bois sec pour

me faire mourir ». Avant d’expirer, il s’écrie : « O Jésus, Fils du Dieu éternel, aie pitié

de moi » ! Il aurait suffi qu’il dise « Fils éternel de Dieu » pour avoir la vie sauve.

Sébastien Castellione, humaniste et théologien français contemporain de Servet et le

meilleur défenseur de sa mémoire, écrit dans son livre Contre le libelle de Calvin

après la mort de Michel Servet :

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« Tuer un homme ce n’est pas défendre une doctrine. C’est tuer un homme » [28].

Répéter ce cri de rage, quatre siècles et demi après, dans l’Académie nationale de

médecine est le meilleur hommage qui puisse être rendu à ce médecin — le seul

espagnol ayant une statue à Paris [29] — envoyé au bûcher pour ses idées, sans avoir

eu droit à un avocat défenseur.

BIBLIOGRAPHIE

[1] Lettre du 13 février 1546.

[2] Essai sur les mœurs, ch. CXXXIV.

[3] Ed. Olivier F, DROZ, 1984, p. 80 et s.

[4] Gunteri Institutionum anatomicarum libri IV, Basil. 1539. Cité par A J., S M. et

C S. — Lyon médical, 1935, p. 301. (vid. Pierre C, Le procès de Michel S àVienne, Vienne 1953, p. 118).

[5] Décrites dans les pages 169 et suivantes de Christianismi Restitutio publiée à Vienne en

Dauphiné le 3 janvier 1553. Ed. Angel Alcalá, Madrid, 1980.

[6] Publié par Angel A, Dos escritos científicos de S, V S, 1981.

[7] Deux exemplaires sont heureusement conservés à la Bibliothèque Nationale de France.

[8] C P. — op. cit. page 77.

[9] B F J., S M. — Su vida y su obra, Madrid, 1989, p. 316. Fernando

S, Miguel S, Zaragoza, 1988.

[10] Déclaration pour maintenir la vraie foye, p. 169.

[11] Christianismi Restitutio, p. 267.

[12] Ibidem, p. 274.

[13] Ibidem, p. 119.

[14] Luc 3, 21-23. Vid. Christianismi Restitutio, p. 526.

[15] Nombres, 14, 29 et 32, 11.

[16] Christianismi Restitutio, p. 363.

[17] Deutéronome, 12, 23. Aussi Genèse, 9, 4 et Lévitique, 17, 11 et 14.

[18] Christianismi Restitutio, p. 170.

[19] Ibidem, p. 462.

[20] Ibidem, p. 433.

[21] De iustitia Regni Christi.

[22] Lettre à Oecolampade. Voir Angel Alcalá Los dos grandes legados de Servet : el radicalismo

como método intelectual y el derecho a la libertad de conciencia, Turia, numéro 63-64, p. 221 et s.

[23] Lettre XXVII à Calvin.

[24] Christianismi Restitutio, p. 439.

[25] Déclaration pour maintenir la vraie foye, p. 90.

[26] Déclaration pour maintenir la vraie foye, p. 141.

[27] Déclaration pour maintenir la vraie foye, p. 95.

[28] Éd. Étienne B, Genève, 1998, p. 161.

[29] Sculpture de Jean-Eugène B, devant la Mairie du e.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1597-1606, séance du 4 novembre 2003

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COMMUNIQUÉ

L’Obésité

Maurice TUBIANA *, Gabriel BLANCHER *

L’Académie nationale de médecine et l’Académie nationale de Pharmacierecommandent de mettre en œuvre les quatre mesures suivantes.

Une action de prévention de l’obésité dès l’enfance.

— La Promotion à l’école de l’activité physique qui y est trop souvent peuvalorisée. Les responsables des établissements scolaires doivent êtreincités à prendre toutes les mesures utiles.

Il faut aussi promouvoir les activités physiques en dehors de l’école avecl’aide des municipalités qui devraient fournir des lieux sécurisés et d’accèsfacile pour les exercices physiques.

On doit privilégier l’apprentissage de sports adaptés aux caractéristiquesphysiques de l’enfant plutôt que d’un sport de compétition.

— Une alimentation diversifiée et équilibrée dès le plus jeune âge adaptée auxbesoins et évitant l’excès d’aliments à haute densité calorique, riches engraisses et en sucres rapides, et des boissons sucrées.

Il faut aussi lutter contre le grignotage entre les repas et les repas riches engraisses pris à la hâte en restauration rapide. On doit apprendre aux enfantset aux parents à respecter les rythmes alimentaires.

— Une formation spécifique doit être donnée aux médecins et aux professionsde santé ainsi qu’aux enseignants (IUFM). Il faut informer les parents enpartenariat avec les enseignants, les associations, les acteurs sociaux etéconomiques et les collectivités locales notamment dans les quartiers oùl’obésité infantile est répandue (ZEP).

— La Responsabilité toute particulière des médecins et des infirmières sco-laires. Ils doivent surveiller l’évolution du poids des enfants et attirerl’attention des parents, si une tendance se dessine vers une augmentationde l’indice de masse corporelle ainsi que sur les déséquilibres nutritionnels.

* Membres de l’Académie nationale de médecine.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1607-1608, séance du 4 novembre 2003

1607

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Une recherche en nutrition sur :

— L’étude des déterminants des comportementaux précoces et biologiques de

l’obésité, notamment des facteurs génétiques et physiopathologiques ainsi

que des approches pharmacologiques,

— L’analyse des facteurs d’environnement, des déterminants économiques et

psycho-sociaux,

— La mise au point des méthodologies et l’impact des actions de prévention.

Des mesures réglementaires.

— L’Étiquetage des produits alimentaires sous une forme aisément compré-

hensible, indiquant notamment la richesse en calories, en graisses saturées

et en graisses totales, et en glucides simples et complexes.

— Le Contrôle de la publicité concernant les aliments et visant les familles et

les enfants. Un dispositif de lutte contre la publicité abusive doit être mis en

place comme ceci a été fait en Grande-Bretagne, sans aller jusqu’à une

interdiction totale de ces publicités comme cela a été fait en Suède. Cette

action devrait être soutenue au niveau de l’U.E.

— L’Adéquation des repas servis en collectivités, en particulier dans les

cantines scolaires avec les recommandations du programme national

nutrition santé (introduction d’une clause de qualité dans les contrats).

— L’Interdiction dans les établissements scolaires de ventes ou de distribu-

teurs de boissons sucrées, de confiseries, pâtisseries, barres chocolatées.

Inversement, il faut installer dans tous ces établissements des fontaines

d’eau fraîche pour donner aux enfants l’habitude de boire de l’eau.

Une incitation, au cours des consultations prénatales, à un allaitement

maternel au moins jusqu’au quatrième mois, ce qui réduit le risque d’une

obésité ultérieure.

** *

L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 4 novembre 2003, a adopté le

texte de ce communiqué à l’unanimité.

MOTS-CLÉS : OBÉSITÉ, PRÉVENTION ET CONTROLE. SPORTS, ÉDUCATION ET ENSEIGNEMENT. NUTRITION

INFANTILE. FORMATION PROFESSIONNELLE EN SANTÉ PUBLIQUE. INFORMATION AUX PARENTS.ENSEIGNEMENT ET ÉDUCATION. ÉTIQUETAGE ALIMENTS. PUBLICITÉ.

KEY-WORDS (Index Medicus) : OBESITY, PREVENTION AND CONTROL. SPORTS, EDUCATION. CHILD

NUTRITION. EDUCATION, PUBLIC HEALTH PROFESSIONAL. PARENTAL INFORMATION. EDUCATION.FOOD LABELING. ADVERTISING.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1607-1608, séance du 4 novembre 2003

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COMMUNIQUÉ

au nom de la Commission V (Troubles mentaux-Toxicomanies)

Introduction d’un enseignementsur les substances addictives en P.C.E.M.1

Insertion of an education on addictive substancesduring the first year of medical studies

Roger NORDMANN *

La prévalence de la consommation d’alcool, de tabac et de cannabis est trèsélevée dans la tranche d’âge des étudiants de P.C.E.M.1. L’introduction d’unenseignement ciblé sur ces substances ainsi que sur les autres drogues illicitesdès le P.C.E.M.1 présenterait les avantages suivants :

¢ Réalisée dès le début des études médicales, une information objective surles conséquences sanitaires, souvent méconnues, de ces consommationspermettrait vraisemblablement de réduire leur usage au cours du déroule-ment de ces études et lors de l’exercice professionnel ultérieur.

A l’heure actuelle, cet enseignement n’est généralement délivré que beau-coup plus tardivement et de façon très fragmentaire au cours des étudesmédicales. Cette situation ne contribue-t-elle pas, par exemple, au taba-gisme qui affecte un grand nombre d’étudiantes et d’étudiants en médecine,alors que leur comportement devrait servir d’exemple aux jeunes nondirectement impliqués dans les problèmes de santé ? L’absence ou lecaractère trop tardif de cet enseignement n’interviennent-ils pas égalementdans la forte prévalence du tabagisme des médecins français ?

¢ Un enseignement sur les substances addictives en P.C.E.M.1 aurait l’avan-tage de concerner en même temps que les étudiants qui poursuivront uncursus médical ceux qui, du fait de leur échec au concours, se dirigeront versd’autres voies au cours desquelles ils ne bénéficieront plus d’informations àce propos.

* Président de la Commission V.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1609-1610, séance du 18 novembre 2003

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Cet enseignement pourrait soit faire l’objet d’un module spécifique de

courte durée, soit être incorporé dans un ensemble plus large d’éducation

à la santé, lequel trouverait parfaitement sa place en P.C.E.M.1. Dans les

deux hypothèses, il devrait faire l’objet d’un contrôle des connaissances

lors du concours de fin d’année.

** *

L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 18 novembre 2003, a adopté le

texte de ce communiqué à l’unanimité.

MOTS-CLÉS : ENSEIGNEMENT MÉDICAL PREMIER CYCLE. SANTÉ PUBLIQUE. ALCOOLISME. TABAC.CANNABIS. PRODUITS ILLICITES.

KEY-WORDS (Index Medicus) : EDUCATION, MEDICAL, UNDERGRADUATE. PUBLIC HEALTH. ALCO-HOLISM. TOBACCO. CANNABIS. STREET DRUGS

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1609-1610, séance du 18 novembre 2003

1610

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ACTESDE L’ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE

Séance du 4 novembre 2003

Présidence de M. Louis H, président

ORDRE du JOUR

Éloge

Jacques-Louis B

Éloge de M. Jacques LOEPER (1913-2002)

Élections

— d’un membre titulaire dans la 3ème division, sciences biologiques en rempla-

cement de M. Paul L, décédé.

— d’un membre correspondant dans la 2ème division, en remplacement de

M.Pierre N, décédé.

— d’un membre correspondant dans la 3ème division, sciences biologiques en

remplacement de M. Pierre D-M, nommé correspondant

honoraire.

— d’un membre correspondant dans la 3ème division, sciences pharmaceutiquesen remplacement de M. Roger B, élu membre titulaire.

Commémoration

Maître Juan Antonio C (Avocat aux Barreaux de Paris et Madrid,

membre de la Real Academia de Bellas Artes de San Luis).

450ème anniversaire de la mort de Miguel SERVET

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1611-1623, séance du 4 novembre 2003

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Communications

Serge A et Saadia E (Inserm U492, Hôpital Henri Mondor-

Créteil).

Génétique et physiopathologie de l’hypertension artérielle pulmonaire primitive

ou secondaire.

Didier M (Hôpital Henri Mondor ¢ Créteil)

Hyperparathyroïdie primaire ¢ Évolution des techniques durant trois décennies :

Intérêt et innocuité des opérations précoces.

Communiqué

Maurice T et Gabriel B

L’obésité.

ACTES

CORRESPONDANCE OFFICIELLE

DEMANDE D’AVIS

Le Ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, sous-direction

de la Gestion des risques des milieux, sollicite l’avis de l’Académie, par lettre du 23

octobre 2003, sur la demande d’autorisation d’exploiter en tant qu’eau minérale

naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence et après transport à distance, l’eau

du captage « César » situé sur la commune de Cauterets (Hautes-Pyrénées).

Commission XI (Climatisme ¢ Thermalisme ¢ Eaux minérales)

CORRESPONDANCE NON OFFICIELLE

CANDIDATURE

M. Bernard G (Paris) renouvelle sa candidature à une place de membre

correspondant dans la 2ème division, chirurgie et spécialités chirurgicales.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1611-1623, séance du 4 novembre 2003

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REMERCIEMENTS

M. Maurice A. B remercie pour son élection à une place de membre titulaire

dans la 2ème division, chirurgie et spécialités chirurgicales.

M. Charles H remercie pour son élection à une place de membre correspondant

dans la 1ère division, médecine et spécialités médicales.

ÉLECTIONS

L’ordre du jour appelle l’élection

— d’un membre titulaire dans la 3ème division, section des sciences biologiques, en

remplacement de M. Paul L, décédé.

La section présente aux suffrages de l’Académie les candidats dans l’ordre suivant :

— M. Bernard P

— M. André A

— M. Bernard S

Il est procédé à un premier tour de scrutin qui donne les résultats suivants :

nombre de votants : 97

suffrages exprimés : 96

majorité : 49

ont obtenu : MM. P 47

A 42

S 7

Bulletins nul 1

97

Deuxième tour :

nombre de votants : 91

suffrages exprimés : 91

majorité : 46

ont obtenu : MM. P 53

A 34

S 4

91

M. Bernard P, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés,

est proclamé élu membre titulaire dans la 3ème division, section des sciences biolo-

giques.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1611-1623, séance du 4 novembre 2003

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Son élection sera soumise à l’approbation de Monsieur le Président de la Républi-

que.

— d’un membre correspondant dans la 2ème division, chirurgie et spécialités chirurgi-

cales, en remplacement de M. Pierre N, décédé.

M. Guy V (Paris) est élu.

— d’un membre correspondant dans la 3ème division, section des sciences biologiques,

en remplacement de M. Pierre D-M, nommé correspondant

honoraire.

Mme Danièle E-B (Paris) est élue.

— d’un membre correspondant dans la 3ème division, section des sciences pharmaceu-

tiques, en remplacement de M. Roger B, élu membre titulaire.

M. Yvan T (Paris) est élu.

PRÉSENTATION D’OUVRAGE

M.Maurice CARA présente : Pierre DELAVEAU, François CLOSTRE et col. : Glos-

saire médico-pharmaceutique, Anglais-Français. 2e édition, 2002, 1 vol. 295 p.

Académie nationale de Pharmacie, Paris, Parmathèmes, 2003, 295 p.

Ce petit livre, qu’il faut chaudement recommander, est un instrument de travail

précieux pour la traduction en français des termes et des abréviations anglais. Pour

éviter des anglicismes qui déforment le sens des mots français, les définitions

données dans la première partie de cet ouvrage mériteraient d’être rappelées aux

rédacteurs de textes publiés dans le Bulletin de l’Académie. Citons :

Médecine : médicament (en français ne pas traduire drug par médicament).

Control : Mot polysémique : -Maîtrise, -Témoin dans une expérience (ne pas utiliser

le terme contrôle), -Assurance (de la qualité, par exemple), -Lutte contre un germe

(en bactériologie) ou un parasite (en parasitologie). Exemple pest-control.

Expertise : Compétence, savoir-faire. En français le terme expertise qualifie un essai

réalisé par un expert agréé ; il ne doit donc pas être utilisé dans le sens d’expérience

acquise, de compétence. On trouve dans la deuxième partie la traduction de près de

3400 abréviations, sigles et acronymes anglo-américains, qui sont incompréhensi-

bles en français si l’on n’a pas la clef de leur signification.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1611-1623, séance du 4 novembre 2003

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ACTES

DE L’ACADEMIE NATIONALE DE MEDECINE

Séance commune

Académie des Sciences ¢ Académie nationale de médecine

Jeudi 13 Novembre 2003

« Le cerveau dans la petite enfance et les troubles de son développement »

Présidence de M. Louis HOLLENDER, président

Modérateurs : Professeurs Jean-Didier VINCENT et Denis LE BIHAN

ORDRE du JOUR

Introduction

Denis L B (Académie des Sciences, Hôpital Frédéric Joliot, CEA- Orsay)

Communications

Emmanuel D (Laboratoire de science cognitive et psycholinguistique,École des Hautes Études en Sciences sociales ¢ Paris).Développement du langage dans la petite enfance.

Lucie H-P (Hôpital Frédéric Joliot, CEA-Orsay)Imagerie fonctionnelle de la plasticité chez l’enfant : l’exemple du langage

Philippe É (CHU Robert Debré-Paris)Les interactions entre les déterminants génétiques et épigénétiques du développe-

ment cérébral

Maurice T (Académie des Sciences, Académie nationale demédecine—Paris)Les implications du progrès des connaissances sur la maturation cérébrale dans

l’éducation des très jeunes enfants.

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Christine P (Académie des Sciences, Institut Pasteur, Collège de France-

Paris)

Le gène responsable de la surdité.

Monica Z (Hôpital Frédéric Joliot, CEA-Orsay)

L’imagerie cérébrale et l’autisme infantile.

Jacques H (Hôpital Vinatier-Bron)

L’autisme infantile précoce : point de vue du clinicien.

Conclusion et synthèse

Jean-Didier V (Académie des Sciences, Académie nationale de

médecine-Paris)

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ACTESDE L’ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE

Séance du 18 novembre 2003

Présidence de M. Louis H, président

ORDRE du JOUR

Communications

Émile P (Hôpital Cochin).

La crise des maternités.

Jacques M (Hôpital Saint-Antoine-Paris)

Le diagnostic prénatal : incertitudes et perspectives.

Information

Roger H

Accouchement sous X : les nouvelles dispositions legislatives.

Communiqué

Roger N, au nom de la Commission V.

Introduction d’un enseignement sur les substances addictives en PCEM 1.

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ACTES

NÉCROLOGIE

Le Président annonce le décès, survenu àVosselaar (Belgique) le 11 novembre 2003, du

Docteur Paul JANSSEN, membre associé étranger dans la 3ème division, sciences

biologiques et pharmaceutiques.

J’ai la peine de vous faire part du décès survenu le 11 novembre 2003, à l’âge de77 ans, du docteur Paul Janssen. Nous venions de l’élire il y a peu de semainesmembre associé étranger de notre Compagnie.

Le docteur Janssen a fait ses études demédecine àLouvain et de chimie àGand. Puisil est entré dans l’entreprise pharmaceutique familiale « Janssen Pharmaceutica »qu’il a su remarquablement développer en créant de nouveaux médicaments dansles domaines aussi variés que l’anesthésie, l’analgésie, la psychiatrie, la gastro-entérologie, la mycologie. Ses découvertes lui ont valu plus de 100 brevets d’inven-tion.

Depuis 1961, la société « Janssen Pharmaceutica » est entrée dans le grand groupemondial « Johnson and Johnson International » dont Paul Janssen deviendra leVice-Président.

Paul Janssen est l’auteur ou le co-auteur de plus de 850 publications scientifiques. Ila prononcé près de 500 conférences dans les langues les plus diverses que chaque foisil maîtrisait à la perfection.

Docteur honoris causa de 22 universités, le docteur Paul Janssen a obtenu plus de 80prixmédicaux et a été nommémembre d’honneur de 30 institutions et organisationsscientifiques.

Je vous prie de bien vouloir vous lever pour respecter une minute de silence au nomde notre membre associé étranger le Docteur Paul Janssen.

DÉCLARATION DE VACANCES

Le Président déclare vacantes :

— deux places de membre titulaire dans la 1ère division, médecine et spécialitésmédicales, à la suite de l’accession à l’éméritat du PrDidier-JacquesD et duPr Paul G ;

— une place demembre correspondant dans la 1ère division, médecine et spécialitésmédicales, à la suite du décès du Pr Jean-Marie W ;

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— une place de membre correspondant étranger dans la 3e division, section des

sciences biologiques, à la suite du décès du Pr Marcel R.

CORRESPONDANCE OFFICIELLE

Le ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, sous-direction

de la gestion des risques des milieux, adresse copie de l’arrêté en date du 30 octobre

2003 accordant l’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, telle

qu’elle se présente à l’émergence et après transport à distance, l’eau du captage « Les

Capucins », situé sur la commune de Saint-Jean d’Angély (Charente-Maritime).

Commission XI (Climatisme ¢ Thermalisme ¢ Eaux minérales)

Le ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, sous-direction

de la gestion des risques des milieux, sollicite l’avis de l’Académie, par lettre du 31

octobre 2003, sur d’éventuels problèmes de compatibilité de certains produits

thermaux avec la santé des assurés sociaux de l’établissement thermal de Gréoux-

les-Bains (Alpes de Haute-Provence).

Commission XI (Climatisme ¢ Thermalisme ¢ Eaux minérales)

Dans le cadre de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux

femmes, la ministre déléguée à la Parité et à l’Égalité professionnelle, par lettre du 13

novembre 2003, invite le Secrétaire perpétuel et le Président à participer, le 25

novembre 2003, à une table ronde organisée autour d’un message simple « les

hommes disent non aux violences contre les femmes ».

M. Roger HENRION représentera l’Académie.

Le ministre délégué à la Famille, sous la signature du délégué interministériel à la

Famille, Dominique de Legge, demande l’audition de l’Académie pour la prépara-

tion de la conférence de la famille.

M. Michel ARTHUIS représentera l’Académie.

CORRESPONDANCE NON OFFICIELLE

Mme Suzanne W, Secrétaire générale de la Fondation Internationale Balzan

« Prix », invite l’Académie à proposer, avant le 15 mars 2004, des candidatures aux

Prix Balzan 2004. Quatre prix, d’un montant d’un million de francs suisses chacun,

seront décernés en 2004 dans les disciplines suivantes : Le monde islamique à partir

de la fin du 19e jusqu’à la fin du 20e siècle, Archéologie préhistorique,Épidémiologie,

Mathématique.

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M. Georges S pose sa candidature aux fonctions de vice-président pour

l’année 2004.

M. André V pose sa candidature aux fonctions de vice-président pour

l’année 2004.

Mme Denise-Anne M-V (Nancy), membre correspondant dans la

1ère division, pose sa candidature à une place de membre titulaire dans la 1ère

division, médecine et spécialités médicales.

M. Daniel M (Poitiers) renouvelle sa candidature à une place de membre

correspondant dans la 1ère division, médecine et spécialités médicales.

M. Daniel C (Paris) remercie pour son élection à une place de membre

titulaire dans la 1ère division, médecine et spécialités médicales.

M. Bernard P (Paris) remercie pour son élection à une place de membre

titulaire dans la 3ème division, section des sciences biologiques.

M. Yvan T (Paris) remercie pour son élection à une place de membre

correspondant dans la 3ème division, section des sciences pharmaceutiques.

M. Luis J. G M (Buenos Aires) remercie pour son élection à une

place de membre correspondant étranger dans la 1ère division, médecine et spécia-

lités médicales.

PRÉSENTATION D’OUVRAGE

M. Pierre JUILLET présente : Les maladies dépressives de J.P. O, M.F. P Et

H. H, 2e édition. Paris : Flammarion, Médecine-Sciences, 2003,646 p.

C’est une tâche très délicate qu’ont menée à bien ces psychiatres de l’hôpital Sainte

Anne dans la seconde édition de leur ouvrage « Les maladies dépressives », rédigépar 90 auteurs, dont 15 étrangers. Depuis la classique « bile noire » de la mélancolie

hippocratique, il est évidemment impossible de détailler les concepts successifs

concernant ce groupe si important de la psychiatrie, dont la croissante hétérogénéités’allie à une triple homogénéité : une humeur ou thymie touchée par une commune

disposition douloureuse, un risque suicidaire, et en échange une action volontiers

efficace des antidépresseurs et des thymorégulateurs. Il s’agissait classiquement

d’une dualité entre une affection bipolaire, la psychose maniaco-dépressive (E.

Kraepelin, 1895), paradigme des troubles fluctuants ou récurrents de l’humeur, dite

initialement endogène parce qu’alors considérée comme exclusivement génétique,

ou bien les formes unipolaires, plus généralement dépressives, dites psychogènes car

estimées névrotico-réactionnelles à des circonstances contraires sur une personna-

lité prédisposée. Ces dernières, plus fréquentes chez la femme, représenteraient

l’essentiel des maladies dépressives.

Aujourd’hui, une douzaine de classifications s’applique à ces affections. De plus, les

différences et les points de passage entre celles-ci et les personnalités, surtout

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1611-1623, séance du 18 novembre 2003

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dépressives, sont bien souvent difficiles à préciser. Ainsi est posé le problème d’un

spectre dépressif englobant ces diverses entités.

Seront seulement citées, parmi les formes symptomatiques : la mélancolie, accès

dépressif majeur, avec notamment ses idées de culpabilité et son important risque

suicidaire ; les dépressions masquées, manifestées principalement par des troubles

caractériels ou des conduites (fréquentes chez l’enfant et l’adolescent), des symptô-

mes névrotiques et des manifestations somatiques telles que douleurs diverses

(céphalées, crampes, gêne douloureuse précordiale...) et des troubles fonctionnels

flous, variables, dans un climat hypocondriaque. Seront citées également les formes

hostiles, voire souriantes, ou pseudo-démentielles chez le sujet âgé, de même que

transculturelles, ces dernières de plus en plus fréquemment observées.

Une possible comorbidité entre dépression et anxiété donne lieu à controverses :

depuis une panique associée jusqu’aux formes anxio-dépressives moyennes. Une

affection somatique dépressogène telle qu’une maladie de Parkinson, une chorée de

Huntington, une tumeur encéphalique, une hyperthyroidie, certaines médications,

notamment stimulantes, sont systématiquement recherchées. Cette pathologie orga-

nique est souvent observée dans les états mixtes, de sémiologie très variable, com-

portant toutes

les formes de transition de la manie à la mélancolie. Certains modes d’entrée dans

une schizophrénie se manifestent ainsi.

Des formes évolutives ont été relevées sinon précisées : de l’ordre de quatre à douze

mois et parfois chronicisées, sans traitement ; de trois à neuf semaines avec un

traitement adéquat, mais fréquente persistance de symptômes résiduels ; double

dépression, épisode dépressif majeur greffé sur un fond de dysthymie ; résistance au

traitement ; dépression brève récurrente, dite aussi de trois jours ; dépression sai-

sonnière hivernale, photosensible.

Les maladies dépressives constituent un important problème de santé publique,

récemment souligné par la grande presse, à propos de diverses personnalités

connues. Elles concernent surtout des patients relativement jeunes ¢ 70 % ont moins

de 45 ans ¢ suscitant notamment un absentéisme professionnel et source de déso-

cialisation. Plus de la moitié des 12 000 suicides annuels en France leur sont

imputables ; les tentatives équivalent à dix fois ce nombre. En fait, seulement moins

de la moitié de ces patients est correctement traitée, avec, malgré tout, une récur-

rence fréquente, surtout dans le cas de troubles bipolaires. C’est dire l’importance de

la collaboration diagnostique et thérapeutique du généraliste avec le psychiatre, du

moins dans les formes les plus communes.

Parmi les médicaments antidépresseurs qui, du reste, agissent dans divers autres

troubles, par exemple anxieux, seront rappelés trois ordres de familles : sédative,

médiane ou intermédiaire, psychotonique. Les neuroleptiques atypiques offriraient

également des possibilités très sérieuses en matière de prophylaxie, de même que

certains anticonvulsivants récents. Mais des études contrôlées sont nécessaires :

l’électroconvulsivothérapie demeure un traitement de choix, surtout dans les

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1611-1623, séance du 18 novembre 2003

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troubles sévères ou résistants. Rappelons l’utilisation des thymorégulateurs, spécia-

lement du lithium, dans les formes bipolaires. N’oublions pas que ces patients

bénéficient d’une approche psychothérapique, en particulier cognitivo-compor-

tementale.

Surtout dans le cadre des troubles bipolaires, les maladies dépressives sont-elles des

« maladies comme les autres », ainsi que l’estiment divers auteurs, qui tiennent

compte des arguments des recherches pharmacologiques, génétiques et de l’imagerie

cérébrale ? Dans chaque cas, la si variable interaction des facteurs génétiques, de

personnalité et environnementaux, de même que les particularités de la relation

médecin-patient s’inscrivent en faveur de la spécificité de ces troubles.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1611-1623, séance du 18 novembre 2003

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ACTES

DE L’ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE

Séance thématique du 25 novembre 2003

« Vaccinations : actualités en France en 2003 »

Présidence de M. Louis H, président

ORDRE du JOUR

Présentation

Charles L (membre Académie nationale de médecine)

Communications

Jean B (Clermont-Ferrand).

Vaccination de l’adulte en France.

Joël G (Paris)

Nouveau vaccin antipneumococcique : indication chez l’enfant.

Jean-Louis I (Membre correspondant de l’Académie nationale de méde-

cine)

Pharmacovigilance des vaccins contre l’Hépatite B

Luc H (Lyon)

Le mercure et les vaccins

Claire-Anne S (Genève)

Les adjuvants vaccinaux et la myofasciite à macrophages

Conclusions et Recommandations

Pierre B (Membre Académie nationale de médecine)

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1611-1623, séance du 25 novembre 2003

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BULLETIN DE L’ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE

RECOMMANDATIONS AUX AUTEURS

Le Secrétaire perpétuel et le Secrétaire-adjoint, assistés d’un Comité de Lecture, sont

responsables de la publication du Bulletin de l’Académie nationale de médecine. Pour

chacun des textes qui ont été acceptés et présentés, l’Académie prend en charge huit pages

du Bulletin soit 26 500 caractères. Tout dépassement sera facturé à l’auteur à raison de

61 euros la page.

Le texte fourni en trois exemplaires sera structuré en paragraphes homogènes, en

évitant le style télégraphique, l’abus des alinéas, les successions de mots ou de phrases

précédées d’un tiret, une numérotation superflue des propositions. Les titres et sous-titres

seront détachés. Les signes et abréviations seront explicités lors de leur première apparition

dans le texte. Les molécules (médicaments ou non) apparaîtront sous leur dénomination

commune internationale.

Les communications seront rédigées suivant la norme scientifique en chapitres dis-

tincts : introduction, malades et méthodes, résultats, discussion. Pour les lectures, l’agen-

cement des paragraphes doit faire apparaître la structure de l’exposé et les étapes du

raisonnement.

Le titre en français de l’article figurera sur une première page, avec le prénom et le

nom des auteurs ainsi que leur adresse et le lieu où pourront être demandés les tirés-à-

part. Le résumé français sera accompagné des mots-clés répertoriés à l’Index Medicus. Le

titre en anglais et un résumé anglais plus détaillé que le résumé français seront joints.

L’iconographie sera limitée à 4 tableaux ou documents photographiques. Chacun

portera au dos un numéro et une indication de positionnement. Les légendes seront

rédigées sur une feuille indépendante, numérotées suivant leur ordre dans le texte. Les

diapositives seront tirées sur papier.

La bibliographie sera classée suivant l’ordre d’apparition dans le texte.

La version définitive devra être transmise par e-mail ou par voie postale, accompagnée

d’une disquette. La correction des épreuves sera exclusivement d’ordre typographique. Toute

modification du texte initial sera facturée à l’auteur.

Trente tirés-à-part seront fournis gratuitement. Des tirés-à-part supplémentaires peu-

vent être exécutés aux frais des auteurs.

Avant d’entreprendre la rédaction de leur texte, les auteurs sont invités

à se procurer les « Consignes détaillées », à l’adresse ci-dessous

Académie nationale de médecine

16, rue Bonaparte

75272 Paris Cedex 06

Tél : 01.42.34.57.71 — Fax : 01.40.46.87.55

Email : [email protected]

Recommandations aux auteurs

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Le Bulletin constitue un témoignage irremplaçablepour l’histoire de la médecine

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