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Bull. mens. Soc. linn. Lyon, 2002, 71 (9) : 335-35 4

Aperçu de la faune de l'ar'chipel Juan Fernândez,au Chili

Philippe Danton5 rue Galilée, 38000 Grenobl e

Résumé : Analyse de la diversité zoologique (Faune indigène, endémique e tintroduite) dans les grands groupes d'animaux vertébrés et invertébrés de l'archipel de sJuan Fernândez au Chili .

Mots-clés : Faune indigène - Faune endémique - Faune introduite - Archipel Jua nFernândez .

General survey on Fauna of the Juan Fernandez Archipelago, ChileSummary : Analysis of zoological diversity (native . endemic and exotic Fauna) withi n

the big groups of vertebrate and invertebrate animais in the Juan Fernandez Archipelago ,Chile .

Key words : native Fauna - endemic Fauna - exotic Fauna - Juan Fernande zArchipelago .

Vision de conjunto de la Fauna del Archipiélago Juan Fernândez, Chil eResumen : Anâlisis de la diversidad zoologica (Fauna nativa, endémica e introducida)

en los grandes grupos de animales vertebrados e invertebrados del Archipiélago de Jua nFernândez, Chile .

Palabras clave : Fauna nativa - Fauna endémica - Fauna introducida - Archipiélago deJuan Fernândez .

PRÉAMBUL E

Affaire bien périlleuse que de s'aventurer sur un terrain qui n'est pas le sien! Il mesemble cependant, tout botaniste que je sois, que la faune d'un bout du monde auss iextraordinaire que l'archipel Juan Fernândez mérite qu 'on lui accorde un peu d'inté-rêt . J'ai donc essayé de rassembler les différents renseignements glanés ça et là dan sla littérature, sur le terrain ou au contact d'autres spécialistes . Il ne s'agira donc qued'un survol du problème, rédigé par un non-zoologiste qui ne manquera pas de cite rses sources .

Ces observations ont été collectées durant nos deux missions, 1997-98 et 1998 -99, réalisées grace au soutien de la Société Y. Rocher et de notre Société Linnéenn ede Lyon ; ainsi que pendant mon troisième voyage aux îles, en 2000-01, effectué pou rmettre en place un second projet baptisé « YUNQUE 2000 » . Il s ' agit d' approfondi rla connaissance de la diversité biologique de l'archipel et de renforcer sa préservatio nsur la base d'une coopération bilatérale France-Chili . Ce prolongement de nos pre-mières expéditions est d'ores et déjà soutenu par le Parc National de l'Archipel Jua nFernândez, la CONAF Ve Région, le Muséum National d 'Histoire Naturelle d eSantiago, le Jardin Botanique National de Vina del Mar et la toute nouvell e

Accepté pour publication le 15 octobre 2002

Bull. mens. Soc. linn . Lyon, 2002, 71 (9) .

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Fondation Yves Rocher. sous l'égide de l'Institut de France : d'autres appuis son trecherchés. Que toutes les institutions qui nous ont accompagné jusqu'à présen tsoient ici chaleureusement remerciés .

INTRODUCTION

Rappelons donc que l'archipel Juan Fernlndez se situe dans le Pacifique sud àquelques 700 km des côtes chiliennes, à peu près en face du port de Valparafso, su rla route de Rapa Nui (l'île de Pâques) .

C'est un archipel d'origine volcanique, constitué de trois îles : par 33°38' de lati-tude sud et 78°50' de longitude ouest, les îles Robinson Crusoe (entre 5,S et 3,8 mil -lions d'années) et Santa Clara (5,8 millions d'années), et à environ 170 km plus àl'ouest . par 33°45' de latitude sud et 80°46' de longitude ouest, l'île Alejandro Selkirk(entre 2,4 et I millions d'années) .

Le climat, océanique, peut être qualifié de subtropical froid . Les précipitations ysont abondantes (1081 mm en moyenne annuelle), surtout entre juin et septembre .Pendant l'hiver 1999-2000 . au mois d'août, l'île Alejandro Selkirk a subi une chute d eneige exceptionnelle (environ 30 cm en une seule nuit) qui a blanchi pendant 6 jour sles sommets du Cerro Los Inocentes (1320 m d'altitude) et le plateau central : PlanoRodriguez (entre 1000 et 1200 m d'altitude) . le point culminant de l'île Robinso nCrusoe . le Cerro El Yunque (915 m d'altitude) . n'ayant lui, de mémoire d'insulaire ,jamais connu pareille infortune . Les températures oscillent, en moyenne sur l'année ,entre 12,3 °C et 18,5 °C . au Fort Santa Barbara dans l'unique village de San Jua nBautista, sur la côte est de l'île Robinson Crusoe .

A l'origine, la végétation était essentiellement forestière, à l'exception des plage sde galets, des falaises maritimes et des sommets de l'île Alejandro Selkirk (1320 m )où a pu se développer une végétation de type alpin . Forêt sèche dans les partie sbasses, forêts plus fraiches dans la zone intermédiaire et forêts humides en altitude ,mais il n'est pas exclu, bien sûr, que des zones plus ouvertes, herbues . aient été déj àprésentes avant l'arrivée de l'homme, en particulier sur la pointe ouest de l'îl eRobinson Crusoe qui est la partie la plus ancienne, autrefois reliée à Santa Clara .

Aujourd'hui tout a été profondément modifié depuis la découverte en 1574 . Onignore toujours si l'archipel a pu être visité par des populations non européenne savant cette date (venus d'Océanie ?) . On pense bien sûr aux Polynésiens de Rapa Nui .l'île de Paques . On a récemment découvert sur un site archéologique du Chili centra lune pointe Mata'a de projectile, en obsidienne, caractéristique des Pascuans, qui sem -blerait établir d'antiques contacts entre ces peuples navigateurs et les populations pré -colombiennes du continent . Et l'archipel se situe entre Rapa Nui et le continent 1 .

Des introductions d'animaux et de plantes exotiques se sont donc succédé depui sle dernier quart du XVI e siècle dans toutes les îles . En ajoutant la déforestation inhé-rente à la présence humaine (coupes de bois, incendies, . . .) et l 'action de l'érosion surces milieux modifiés, on peut imaginer sans peine les profonds bouleversements pou rles paysages et l'écologie que l'archipel a subi pendant les dernières 425 années deson existence qui a débuté, rappelons-le, il y a environ 5 800 000 ans .

Cependant . le naturaliste moderne qui aborde sur ces îles est encore le témoi nd'une nature fortement originale et unique, riche d'un nombre impressionnant d'es-pèces animales et végétales endémiques dont l'inventaire même est loin d'être termi-né. Ce trésor naturel représente pour l'humanité toute entière un patrimoine auss iinestimable qu'irremplaçable .

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LA FAUNE INDIGÈNE DE L'ARCHIPEL

La relative « pauvreté » de la faune indigène constatée sur place, qui n'est peut-être due qu'à notre mauvaise connaissance des groupes les plus discrets et à notr epenchant curieux à ne considérer comme digne de nos sollicitudes que les « gros ani -maux », trouve sans doute son explication dans la jeunesse de cet archipel océaniqu edont les terres les plus anciennes n'atteignent pas l'âge de six millions d ' années, c equi, à l'échelle de la planète, est très récent .

Par contre, les eaux qui baignent les côtes de l'archipel recèle toute une faun emarine (poissons, crustacés, mollusques, etc . . .) parmi laquelle l'endémisme a pu s etailler une place de choix, là encore bien digne d'intérêt et malheureusement très par -tiellement étudiée .

VERTÉBRÉ S

Avant l'arrivée de l'homme européen, il semble bien qu'il n'y ait jamais eu demammifères terrestres dans ces îles ; pas plus que de poissons d'eau douce, de batra-ciens ou de reptiles terrestres .

Seuls quelques mammifères marins comme l'Otarie des Juan Fernàndez, mai saussi en son temps l'Eléphant de mer (Mirounga leonina, aujourd ' hui disparu de l ' ar -chipel) ainsi que quelques autres espèces d'Otaries (en visite occasionnelle) accostentsur ces rivages pour utiliser les plages et les rochers de la frange maritime afin de s' ychauffer au soleil, de s ' y reposer et d'y faire naître leur progéniture . Les eaux côtière sreçoivent aussi la visite de différents mammifères aquatiques, dauphins, orques e tbaleines, dont on apperçoit parfois au large les jets d'eau soufflés par leurs évents, e tpar jour de chance des sauts époustouflants et inoubliables .

Des tortues marines s'aventurent également près des côtes (nous avons ét étémoins du dépeçage d'une tortue Luth (Derinochelys coriacea), qui n'eut sans doutequ'un seul tort dans sa vie : celui de venir respirer à la surface près de la barque d'unpêcheur de langoustes . Les pauvres 10 à 12 kg de viande récupérés sur l'animal qu imesurait environ 1,50 m de la tête à la queue, m'ont laissé le souvenir d'un bien tris -te et inutile gâchis de vie) .

Les oiseaux paraissent donc avoir été les seuls vertébrés qui aient pris possessio nde l'intérieur de ces îles avant leur découverte (et encore le nombre d'espèces est-i ltrès limité) . Ils se partageaient ces espaces vierges avec le « petit monde » des inver -tébrés (vers, mollusques, arthropodes) qui, si l'on en juge par le nombre d'espècesendémiques connues (mais tous les groupes n'ont pas encore été étudiés), furent lesvéritables pionniers d'une conquète aujourd ' hui oubliée .

MAMMIFÈRESPinnipède sArctocephalus philippii : l'otarie de Juan Fernândez, appelée localement : Lobo

fino de dos pelos, est une espèce endémique présente sur le litoral des trois îles d el'archipel . Traditionnellement chassée en masse (des millions de peaux ont été préle -vées dans le passé), cette otarie a failli s'éteindre (fig . 1) . Ses populations, réduites àenviron 300 individus au début de la seconde moitié du XX e siècle, ont fait l'obje td'un plan de sauvetage international et l 'espèce est aujourd'hui repartie dans un edynamique de population très satisfaisante : plus de 20 000 individus estimés lors de sderniers comptages à la fin de l'année 2000 . (Corn. pers . de l'Administrateur du Parc ,M. Ivan Leiva) (fig . 1) .

Bull. mens. Soc. lins . Lyon, 2002, 71 (9) .

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OISEAU X

Pour plus de clarté, nous allons séparer cette catégorie en deux grands groupes :les oiseaux marins d'une part et les oiseaux terrestres d'autre part .

Ajoutons que les données qui suivent proviennent de plusieurs sources, écrite sd'abord (voir bibliographie), mais aussi discussions avec des ornithologues chilien s(Juan Carlos Torres Murra du MNHN de Santiago) et californiens (Fritz Hertel ,Gabrielle Newitt et Peter Hodum de l'Université de Californie) rencontrés sur le ter-rain .

Oiseaux marinsQuatre espèces de pétrels sont présentes et nichent dans l'archipel :Pterocimma cooki, présent sur les îles Robinson Crusoe et Santa Clara, il nich e

dans les cavités des falaises .Pterodroma exterua, endémique de l'archipel (fig . 3) .Ptemdroma Iongirostris, endémique de l'île Alejandro Selkirk .Ces deux dernières espèces creusent des terriers pour nicher principalement dan s

le sol tourbeux de la forêt de fougères arborescentes . Dicksonia externa Skottsb ., su rl'île Alejandro Selkirk .

Pterodroma neglecta, uniquement présent sur quelques Morros (rochers isolé sdans la mer) proches des côtes de l'île Robinson Crusoe, il niche dans les trous et le sabris naturels du rôcher. La présence de cette espèce aux Juan Fernàndez est intéres-sante car il faut aller jusqu'aux petites îles Kermadec, en Nouvelle Zélande . pou rretrouver cet oiseau qui n'existe nulle part ailleurs qu'en ces deux points du globe .

Les autres espèces d ' oiseaux marins qui ont été vues aux abords et sur les îles d el'archipel sont surtout des oiseaux pélagiques : voici la liste des principaux, san scommentaires particulier s

Catlwrtes auraCygnus melancorvphu sDaption cape/IseDiomedea exu/ans, D . melanophris, D . bulleri, D . caillaFregetta graliariaFulmarus ,çlacialoidesHaematopus cite rMacronectes giganteus, M . ha/I iPhaeton leptiiriis, P. rubricaadaPhalacrocorax bougainr'illiPhala opus jidicariaProcellaria cinerea, P. aequinoctialisProce/sterna ceruicaPnf finus creatopus, P. griseusSte rcorarius longicaudatusSterna paradisea

Pour terminer, citons encore le manchot de Magellan : Spheniscus inagellanicus,et le manchot de Humboldt : S. humbolc/tii, qui se hasardent quelques fois jusqu'à l'îl eRobinson Crusoe où ils ne sont qu'occasionnels, enirainés depuis les terres australe spar les eaux froides du Courant de Humboldt .

Be. mens. Soc.

Lvnn, 2002, 71 (9) .

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Oiseaux terrestresC'est parmi ce groupe que l'on trouve le plus grand nombre d'espèces endé-

miques :Afrastura ,nasafue rae, ou Rayadito, est un petit oiseau insectivore endémique de

l'île Alejandro Selkirk que l'on rencontre dans les forêts et les buissons .Anairetes fe rnande„icums, ou Cachitorro . est un petit oiseau forestier, insectivore,

endémique de l'île Robinson Crusoe qui anime les sous-bois de ses pépiements e tvient volontiers tourner autour des visiteurs qui pénètrent son domaine . Il est présen tjusque dans la forêt au sommet du Yunque .

Asio ,tlannueus, ou Neke, est une chouette que l'on voit chasser le jour et qui s erencontre également sur le continent .

Buteo polvosoma subsp . exul, ou Blindado, est une buse endémique de l'îl eAlejandro Selkirk à qui il arrive parfois de s'aventurer dans les cieux de l'îl eRobinson Crusoe . Elle a même été consciemment introduite dans cette dernière îl epour essayer de lutter contre la prolifération des lapins . Mais l'oiseau s'en est auss ipris aux poules des villageois qui finirent par l'éliminer (fig . 4) .

Cinclodes oustaleti subsp . baeckstroemii, ou Churrete, est une autre espèce endé-mique insectivore qui se rencontre depuis le niveau de la mer jusqu 'au sommet del'île Alejandro Selkirk (fig . 8) .

Falco peregrinus est un faucon qui a été vu occasionnellement sur l'île Robinso nCrusoe où il ne niche apparemment pas .

Falco sparverius subsp . fernanden:is, est une sous-espèce de faucon endémiqu eque l'on croise parfois, sur les trois îles de l'archipel .

Sephanoides fernandetsis subsp . ,tèrnandensis, est le Picatlor rojo, l'oisea umouche endémique de l'île Robinson Crusoe . il niche dans les forêts les plus calme s(il est assez abondant et peu farouche au sommet du Yunque) et construit de petit snids de mousse à l'extrémité des brindilles des arbres (fig . 9) .

Le mâle est d'un beau rouge brique et la femelle, d'un gris-vert métallique sur l edos . est blanche sur le poitrail et le ventre .

Sur l'île Alejandro Selkirk a été décrite la subsp . levboldi du Picallor rojo, mai scet oiseau n'a pas été revu et la valeur du taxon est discutée .

Sephanoides galeritus, ou Pieaflor chico, est un petit oiseau-mouche de couleu rgris-vert métallique qui se rencontre sur les îles Robinson Crusoe et parfois Sant aClara ainsi que sur le continent . Il a été signalé aussi sur l'île Alejandro Selkirk .

Tardas falk/andii subsp . magellanicus, le Zorzal, est un merle qui se rencontr eégalement sur le continent . Actuellement, cet oiseau pose un grave problème écolo-gique. Du fait de l'introduction de trois plantes invasives dans l'île Robinson Crusoe ,à savoir la Zarzamora : Rubus ulniifolius Schott, le Maqui : Aristote/la chilensi s(Molina) Stuntz et la Murtilla : Ugni molinae Turcz ., dont les fruits servent de nour-riture à l'oiseau pendant une grande partie de l'année, les populations de merle ont lit-térallement explosé grace à cette manne nouvelle . A leur tour, les oiseaux multiplien tun peu partout ces plantes en les disséminant dans leu r s crottes : et elles envahissent ,colonisent et font dangereusement régresser les écosystèmes naturels de l'île .

C'est très probablement aujourd'hui le problème de préservation le plus urgent e tle plus important à résoudre dans l'archipel .

Ume/lus chilensis : cet oiseau a été vu occasionnellement sur l'île Robinso nCrusoe où il ne niche pas .

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Fig . 9 : Le picador rojo . mâle (Sehhanoicles fernan(len .sis, espèce endémique) est un oiseau-mouch e

qui volette un peu partout dans l'île Robinson Crusoe . dans le village même de San Juan Bautist a

jusqu'aux forêts les plus reculées) comme celle qui recouvre le sommet du Yunque . Dessin : Ph .

Danton .

Fig . IO : Le cangrejo dorado . ou crabe doré (Chace)n chilen .si.s, espèce indigène) commence à êtr e

pêché autour de l'île Robinson Crusoe en complément de la langouste (Jasus frontalis, espèce endé -

mique) dont les populations se raréfient . Dessin : Ph . Danton .

Bull. mens. Soc. lrun . Lrnn . 2002 . 71 ( c)).

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POISSONSJe dois confesser ici que ma toute petite connaissance de la partie ichtyologique

de l'histoire naturelle de l'archipel s'est surtout élaborée par le truchement de mo nassiette et les nombreuses discussions avec les gardes du Parc et les pêcheurs des îles(particulièrement Guillermo Gonzalez de Rodt, mais aussi Antonio, « Lucho » ,« Pablo », « Mikael », « Lolo », Robinson, etc . . .), ainsi qu ' avec Flora de Rodt, res-tauratrice à San Juan Bautista . Enfin, quelques livres (voir bibliographie) m'ont éga-lement beaucoup aidé .

Les eaux du Pacifique qui baignent les Juan Fernândez sont très poissonneuses . I lm'est impossible ici de parler de l'ensemble des poissons qui habitent l'archipel . Ony a dénombré environ 56 espèces différentes, dont 15 % sont endémiques, répartie sdans 31 familles . Je me bornerai donc à ne citer que les espèces que j 'ai pu voir ouéventuellement pêcher et bien sûr consommer .

Rappelons enfin qu 'il n'existe aucun poisson d ' eau douce dans l'archipel .

Carangida eCaranx georgianus, ou Jurel, est un poisson communément pêché et très consom-

mé dans l'archipel, grillé ou bouilli .Seriola mazatlana, ou Vidriola, grand et excellent poisson (les individus d'u n

mètre de long ne sont pas rares) qui se rencontre dans les eaux plutôt chaudes d uPacifique depuis le Mexique jusqu 'au Chili .

Trachurus murphyi, (appelé également Jurel sur le continent), poisson des eau xtempérées du Pacifique en face du Pérou et du Chili . Parfois pêché dans les eaux d el'archipel, mais surtout présent en boite dans les épiceries .

CheilodactylidaeCheilodactylus gayi, ou Breca, est un poisson très apprécié assez souvent captu-

ré au cours des sorties de pêche à la langouste .

GirellidaeGirella alboststriata, ou Jerguilla, nous a nourri durant deux ou trois jours lorsqu e

nous campions à la Loberia vieja dans l'île Alejandro Selkirk . Grâce à leur connais-sance des ressources locales, Michael et Pablo (deux gamins de l'île qui nous accom-pagnaient) en pêchaient chaque jour 6 à 7 beaux individus en quelques dizaines deminutes que nous grillions ensuite sur la braise d'un feu de bois flottés, sur la plage .

Muraenida eGymnothorax porphyreus, ou Anguilla, est une murène qui peut atteindre un e

taille respectable et qui n'hésite pas à sortir de l'eau pour dévorer les restes de pois -sons abandonnés par les pêcheurs sur les rochers de la côte . On peut aussi la rencon-trer parfois rampant dans les galets mouillés en bordure des plages . Les pêcheurs s ' enservent d'appât dans les casiers à langoustes .

PercichthyidaePolyprion oxygeneios, ou Bacalao, c'est un gros poisson, une morue, dont la chai r

peut être grillée, cuisinée en sauce ou fumée . On le pêche un peu au large des côtes .

ScorpididaeScorpis chilensis, ou Pampanito, est un poisson endémique de l'archipel très cou-

rant dans les eaux litorales . Les enfants du village les pêchent depuis la jetée ; on le sconsomme généralement frits ou grillés (fig . 5) .

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. De nombreuses autres espèces sont bien sûr présentes dans les parages des JuanFernândez, au cours de nos différentes sorties en bateau, nous avons souvent vu des

poissons volants : Cypselurus lineatus, de la famille des Exocoetidae .Au cours de leurs sorties en mer pour relever les casiers à langoustes, les pêcheur s

attrapent de temps à autre des requins, des raies, des poissons épée et un assez gro spoisson plat, baptisé Lenguado, qui ressemble un peu à nos turbots .

INVERTÉBRÉ S

Pour chacun des groupes que nous allons voir, distinction sera faite entre les habi -tants de la mer et les habitants de la terre . Aucune exhaustivité dans les notes qui sui -vent et qui ne restituent que des informations dues à nos propres recherche slivresques sur des animaux croisés au hasard de nos travaux dans les îles .

Seules les araignées ont fait l'objet de collectes un peu plus sérieuses et ont ét éétudiées ensuite par Mme Jacqueline Kovoor et M . Arturo Munoz Cuevas duLaboratoire de Zoologie (Arthropodes) du Museum National d'Histoire Naturelle d e

Paris (voir bibliographie) .

INVERTÉBRÉS MARIN S

N'ayant pas encore eu l'occasion de faire de la plongée (bien qu ' y ayant été plu -sieurs fois invité), je vais ici surtout emprunter à l'article de Nicolâs Rozbaczylo e t

Juan Carlos Castilla : Invertebrados marinos del Archipiélago de Juan Fernânde zin : Islas Oceanicas Chilenas (1987) auquel je renvoie le lecteur pour de plus ample s

informations (voir bibliographie) .

ARTHROPODE S

CRUSTACÉ SJe me bornerai dans ce groupe à n'évoquer que les Décapodes (ma réputatio n

gourmande étant je pense à présent établie) et mes seuls commentaires iront vers un eespèce qui a fait et continue à faire (mais pour combien de temps encore ?) la répu-tation et la principale ressource de .ces île : la langouste de Juan Fernàndez .

DÉCAPODES33 espèces décrites dont 6 sont endémiques .Sous-ordre des Macroure sC'est dans ce sous-ordre que l'on range la langouste de Juan Fernândez, Jasus

frontalis qui fait l'objet d'une pêche importante et aujourd'hui règlementée de la partde la population insulaire dont c'est une des ressources importantes . On la pêchedésormais uniquement avec des casiers qui sont posés entre 10 et 100 m de fond tou t

autour des trois îles de l'archipel ainsi q u ' autour des I1es Malheureuses : San Felix et

San Ambrosio (situées plus au nord à environ : 26° 18' de latitude sud et 75° 32' de

longitude ouest) . Tout autre type de pêche est interdite et seuls les insulaires ont le

droit de pêche . De plus, depuis plusieurs années, une taille minimum est requis e(11,5 cm de longueur du cephalothorax, c'est à dire de la pointe du rostre à la nais-sance de la queue), au dessous de laquelle l'animal doit être rejeté à la mer . Malgrécela les populations diminuent chaque année et l'exploitation de cette ressource natu -

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relie devient problématique (particulièrement autour des îles Robinson Crusoe e tSanta Clara où la pression de collecte est la plus forte et les règles moins respectéesà cause d 'une demande locale et touristique plus importante) .

Au cours de mon dernier voyage (décembre 2000 à février 2001), durant l aréunion de planification du Parc National de l'Archipel pour les dix prochaine sannées (à la préparation et au déroulement de laquelle j'ai été invité par l ' administra-tion du Parc), nous avons discuté de la création d'une réserve marine dans les eau xqui baignent l' île Robinson Crusoe . Cette mesure pourrait peut-être permettre au xlangoustes de trouver un lieu calme et tranquille où la population affaiblie pourrai ttrouver un second souffle .

Dans le même ordre d'idée et afin d ' allèger les prélèvements de langoustes, le syn-dicat des pêcheurs allié aux chercheurs de l'Université de Valparafso étudient l a

pêche et les débouchés d 'une autre espèce de Crustacé Décapode du sous-ordre de s

Brachyoures : Chaceon chilensis, appelé Cangrejo dorado (crabe doré), qui se pêche

à environ 500 m de profondeur . Les premiers résultats sont encourageants et lasaveur de l'animal, si elle ne vaut pas celle de la langouste, est des plus satisfaisant e

(fig . 10) .L'Araignée de mer de Juan Fernândez, Paramola rathbuni, fréquente aux mêmes

profondeurs les eaux de l ' archipel . Les pêcheurs en remontent parfois avec le s« crabes dorés » et sa chair est, elle aussi, très agréable (fig . 6) .

MOLLUSQUE S

Ils ont été étudiés surtout à la fin du XIXe et au début du X X e siècle au cours d'ex -péditions scientifiques anglaise (HMS Challenger, 1873-1876) et suédoise (Swedis hPacific Expedition, 1916-1917) . Le matériel rapporté de ces campagnes est à la bas ede la connaissance de ce groupe pour l'archipel et il a été complèté par d ' autres tra-vaux à partir des années 1950 .

BIVALVES14 espèces ont été décrites dont 12 endémiques .GASTÉROPODE S20 espèces ont été décrites, dont 12 endémiques .POLYPLACOPHORE S5 espèces décrites, dont 3 endémiques .CÉPHALOPODE S4 espèces décrites .

À part les patelles (appelées lapas) et les poulpes qui sont ramassés et pêchéspour être consommés, les mollusques de l'archipel ne sont pas l'objet d'attentions par -ticulières de la part des insulaires .

Je dois ajouter que les autres groupes d'Invertébrés marins ne sont pas absents deseaux de l'archipel . Des éponges, des anémones de mer, des méduses, des madrépores ,des étoiles de mer, des oursins, des ophiures, des holoturies, des annélides sontvisibles avec un simple masque de plongée et un tuba. Pour plus de renseignementssur toutes ces merveilles que je me suis parfois autorisé à contempler au cours de me srares baignades, les personnes intéressées se reporteront à l'ouvrage cité plus haut:Islas Oceanicas Chilenas (1987) .

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INVERTÉBRÉS TERRESTRE S

Peu de documents sont accessibles sur ces groupes souvent négligés de l'histoir enaturelle . Je n'ai trouvé aucune donnée sur les vers ou les nématodes présents dan sl'archipel, bien que nous ayons trouvé plusieurs fois une planaire sous les feuille smortes de la litière en bordure de forêt . Je passe également sur la foule des diverse sbestioles, de moi plus ou moins inconnues, trouvées sous les pierres (Crustacés ,Myriapodes . . .), dans les sols superficiels, dans ou sous les touffes de végétau x(Crustacés),et dans les eaux stagnantes ou courantes (Crustacés, larves d'Insectes) u npeu partout sur les trois îles de l'archipel . Et encore ne puis-je parler que de ce qui estvisible à l'oeil nu !

Pour les Mollusques, ma référence sera le travail de Nils Hj . ODHNER (1921) ; etpour les Arthropodes, le travail de G . KUSHEL (1963) (voir bibliographie) .

ARTHROPODES

INSECTE SD'après G. KUSHEL (voir bibliographie), 687 espèces d'insectes, dont 440 son t

endémiques, composent l'entomofaune de larchipel .54 genres sont endémiques .

COLLEMBOLE S12 espèces dont 3 sont endémiques .THYSANOURES2 espèces, toutes 2 endémiques .ORTHOPTÈRE S4 espèces dont 2 sont endémiques .DERMAPTÈRE S1 espèce non endémique .ISOPTÈRE S

1 seule espèce endémique .PSOCOPTÈRES4 espèces non endémiques .THYSANOPTÈRE S6 espèces dont 2 sont endémiques .HÉMIPTÈRE S48 espèces dont 32 sont endémiques, 8 genres endémiques .NÉVROPTÈRE S5 espèces dont 4 sont endémiques, 1 genre endémique.TRICHOPTÈRE S3 espèces dont 2 sont endémiques .LEPIDOPTÈRE S88 espèces dont 63 sont endémiques, 12 genres endémiques .DIPTÈRE S193 espèces dont 102 sont endémiques, 2 genres endémiques .COLÉOPTÈRES235 espèces dont 191 sont endémiques, 20 genres endémiques .

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HYMÉNOPTÈRES84 espèces dont 38 sont endémiques, 11 genres endémiques .

MYRIAPODE SLes seuls données récentes sont de G . KUSHEL : il a dénombré 9 espèces dont 3

sont endémiques .

CRUSTACÉ SLes seuls données que j'ai pu trouver sont de G . KUSHEL et concernent l'ordre des

Isopodes dont il a dénombré 11 espèces dont 8 sont endémiques, avec un genre endé -

mique .

ARACHNIDESD'après G . KUSHEL 58 espèces dont 49 sont endémiques composent l'arachnofau-

ne de l'archipel, 5 genres sont endémiques .

Araignées19 espèces dont 13 sont endémique s

Pseudoscorpions1l espèces dont 10 sont endémiques, 4 genres endémiques .

Acariens28 espèces dont 26 sont endémiques, 1 genre endémique .

Pour le groupe des Araignées, se reporter également à l ' article : Araignées des île s

Juan Fernândez (Chili) . de J . KovooR, A. MUNOZ CUEVAS et Ph . DANTON (voir

bibliographie) .

MOLLUSQUESGastéropodesODHNER (1921, 1926) signale 30 espèces de Mollusques terrestres collectées dans

les îles dont 24 sont endémiques, réparties dans 8 genres également endémiques, les6 autres espèces étant introduites .

EndodontidaeAmphidoxa marmorella, A . helicophantoide sEndodonta involuta, E. masafuerae, E . occultaPunctum depressum, P. conicumStephanoda quadrata, S . tessellata

TornatellinidaeFernandezia bulimoides, F. splendida, E tryoni, F cylindrella

Tornatellina aperta, T. bilamellata, T. callosa, T. conica, T. plicosa .

SuccineidaeOmalonyx gayan aSuccinea fernandi, S. cumingi, S. pinguis, S. semiglobosa, S. texta

Nous avons trouvé nombre de coquilles correspondant à quelques-unes de , ce s

espèces, en particulier dans les forêts .

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Sous les feuilles, en sous-bois, nous avons aussi plusieurs fois vu de petits escar-gots translucides, à coquille réduite, évoquant plutôt une ponte gélatineuse lorsqu'il ssont au repos et qui, tout à coup dérangés, s'étirent et sortent leurs cornes avant d es 'enfuir avec une relative rapidité . D'après le Pr . Philippe Bouchet, Laboratoire d eZoologie (Malacologie) du MNHN de Paris, il s'agit de Succinea curingi, endé-mique de l'île Robinson Crusoe .

Sur l'île de Santa Clara, où n'existe plus un seul arbre et où les arbustes ne sub-sistent que dans les falaises inaccessibles qui surplombent la mer, nous avons trouvé ,par endroit, des plaques de nombreuses coquilles d'escargots subfossiles à la surfac edu sol érodé, qui semblent témoigner du changement de végétation et de climat (assè -chement) que l'île a subi du fait des nombreux troupeaux qui s'y sont succédé par l epassé .

FAUNE INTRODUITE DE L'ARCHIPE L

Dès la découverte de ces îles en 1574, l'homme a commencé à modifier les éco-systèmes insulaires, en prenant du bois, en défrichant, en allumant des feux, en chas-sant les animaux indigènes et surtout en introduisant de nouvelles espèces animales ,volontairement (bétail, chiens, chats) ou involontairement (rats), aussi bien que végé -tales . A cette époque existait en effet une tradition chez les gens de mer, qui consis-tait à abandonner du bétail sur chaque terre nouvelle découverte, en espérant que c echeptel s'installe et se multiplie, afin de se ménager des réserves de nourritur efraiche, saine et accessible lors d'un futur retour dans ces parages . La situation géo-graphique idéale de l'archipel de Juan Fernândez le vouait de façon privilégiée à detelles introductions .

Historiquement, ce sont donc très probablement les chèvres et les rats qui ave cles hommes furent les premiers animaux exotiques à débarquer et à s'installer sur le sîles de l'archipel . Au cours des temps, ce mouvement se développa, s'amplifia et mar -qua profondément les paysages insulaires pour les modeler tels que nous les connais -sons aujourd'hui .

Les aléas de l 'Histoire, les très nombreux passages de voyageurs, de corsaires ,pirates et autres écumeurs des mers, les différents essais de colonisation humaine ,sont les dernières étapes qui marquent l'histoire de l'environnement de l'archipel .

Si les chèvres sont les premiers animaux domestiques à avoir foulé le sol des Jua nFernândez, d'autres furent également élevés ou livrés à eux-mêmes sur chacune de sîles . C'est ainsi que des cochons, des vaches, des chevaux, des ânes, des mules, de smoutons, de la basse-cour, des chiens et des chats, furent tour à tour apportés et vécu -rent en nombre plus ou moins important suivant les époques .

Mais l'homme, plus récemment, a aussi introduit dans l'archipel, pour des raison sde chasse, de simple plaisir, ou d'autres qui restent plus obscures, différents animau xcommensaux ou sauvages du continent sudaméricain ou même d'Europe .

Ajoutons encore les introductions non voulues par l 'homme, mais qui accompa-gnent ses activités et dont il est par là l'agent, et nous aurons fait à peu près le tou rdes causes d'introductions animales aux Juan Fernândez .

Voyons maintenant l'état actuel de cette faune introduite, assorti de quelques com-mentaires glanés sur le terrain .

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VERTÉBRÉ S

MAMMIFÈRE SIl s'agit uniquement de Mammifères terrestres .

RongeursMus musculus, la souris commune, se rencontre aussi bien dans le village et se s

abords sur l'île Robinson Crusoe que beaucoup plus loin dans la nature . Égalementsur Alejandro Selkirk .

Rattus norvegicus, le rat de Norvège ,Rattus rattus, le rat noir ; ces deux compères, aux Juan Fernàndez comme ailleurs ,

ont su parfaitement s'adapter, depuis le XVI e siècle, aux conditions de vie de l 'archi-pel . Aujourd'hui ils sont partout et leur influence sur l'environnement est discrèt emais certaine . Capables de se nourrir aussi bien des oeufs et des petits des oiseaux quinichent au sol ou dans les branches (ce sont d'excellents grimpeurs que j ' ai vus sou -vent évoluer dans les arbres des forêts, même les plus reculées), ce sont aussi d egrands consommateurs de graines qui limitent ainsi la reproduction naturelle de sespèces les plus sensibles . Leur sexualité est, comme il se doit, des plus efficace e tdurant nos séjours, nous avons parfois dû batailler avec eux pour préserver notr eespace .

Orvctolagus cuniculus, le lapin de garenne, introduit seulement depuis le débutdu XX e siècle sur les îles Robinson Crusoe puis Santa Clara pour satisfaire la pas-sion de la chasse insulaire (et parfois aussi, hélas, pour titiller l'administration duParc, comme les lâchers qui ont eu lieu sur quelques-uns des Morros isolés dans l amer et qui ont éliminé la végétation primitive), cette introduction a eu des consé-quences dramatiques, en particulier en favorisant l ' érosion . Le lapin, en creusant se sterriers, aère les sols dénudés par l ' action humaine et celle des troupeaux, contribuantainsi fortement à leur assèchement et à leur dispersion par les vents et la pluie .

De plus, son action prédatrice sur les végétaux n'est pas mince . Bien que chasséavec assiduité (une prime à la queue de lapin a été instaurée par le Parc), « Jeannot »lutte de toutes ses capacités sexuelles et continue à faire la nique à ceux qui vou-draient l'éliminer. Il faut souhaiter que des mesures plus radicales que l'incitation à l achasse soient prises pour stopper son action néfaste sur la nature fragile de l ' archipel.

Herbivore sCapra hircus, appelé Chivo, c ' est la chèvre des Juan Fernàndez, dont la présenc e

depuis la découverte des îles semble avoir « créé » une forme particulière, assez peti-te, courte sur patte, avec des cornes bien développées . Elles ont été très abondante ssur les trois îles . Santa Clara était appelée autrefois l'Île aux Chèvres (fig . 11) ; elle sen ont disparu depuis quelques années . Sur Robinson Crusoe, la population est trè sréduite et à peu près maitrisée par la chasse ; mais la liberté totale de ces chèvres rest eune menace pour la végétation . Sur Alejandro Selkirk la population, encore trè simportante au début de nos voyages en 1998-99 (5 à 6 000 individus), a fait l'obje td'une chasse organisée par le Parc National de l'Archipel et le nombre actuel a consi -dérablement diminué. Personnellement, je ne pense pas qu'il faille éradiquer cett echèvre de l'archipel : premièrement parce que depuis le XVI e siècle le paysage es tmarqué par son action (je pense particulièrement au plateau d 'altitude sur l 'îleAlejandro Selkirk où les lambeaux de pelouse qui émaillent le matorral de fougère ssont très certainement en partie entretenus par les chèvres . Ces pelouses sont l'habi-tat de l'unique orchidée connue de l'archipel !) ; deuxièmement parce que je pense

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possible d'utiliser ces animaux (en petits troupeaux maitrisés) pour résorber certain sfoyers de végétaux envahissants (ronces, maquis, . . .) en particulier dans la zone péri-phérique du village de San Juan Bautista . Et puis les chèvres donnent du lait, bie nmeilleur que celui des boites en carton .

Equus domesticus, et Mulet ; actuellement chevaux et mulets sont entretenus surl'île Robinson Crusoe pour servir de monture et d'animaux de bât . Leur nombre n'estpas très grand et ne semble pas poser de problèmes très importants s'ils n'augmentepas .

Bos taurus : l'élevage des vaches dans l'archipel est un problème épineux de rela-tion entre l 'administration du Parc National et le Grupo Ganadero (Groupe des Éle-veurs) . Actuellement le nombre de bêtes qui s ' ébattent librement en divers points d el 'île Robinson Crusoe et sur une partie du rivage au sud d'Alejandro Selkirk dépass ede très loin le nombre de têtes possibles en fonction des capacités du terrain . Le résul-tat est catastrophique : surpâturage jusqu 'à l'érosion, bêtes efflanquées, problème sd'eau, gêne occasionnée par les troupeaux dans les loberias (territoire terrestre de sotaries) en particulier sur l'île Alejandro Selkirk, Et les éleveurs en font un point d'af-firmation de leurs droits en se réclamant, comme partout, de la tradition (rappelon sque l'activité principale de l'archipel est la pêche à la langouste et que l'élevage, qu ine consiste en rien d'autre qu 'à laisser les animaux en liberté, n'a jamais été qu'u nappoint de nourriture pour une population qui n'est arrivée là qu'au milieu du XIX esiècle) . Il est à souhaiter que la discussion franche et l'évidence des problèmes vien-nent apaiser ces frictions inutiles et préjudiciables à la qualité de l'environnement e tde la vie dans l'archipel .

CarnivoresFelis domesticus : il s'agit du chat domestique qui s'est ensauvagé en s'échappan t

de la compagnie des hommes et en trouvant des conditions suffisantes de survie . Ilprend son tribut sur les rats envahisseurs, ce qui serait un bienfait s'il s'en tenait là ,mais aussi sur les populations de pétrels qui nichent au sol [sur l 'île AlejandroSelkirk, nous avons vu des dizaines et des dizaines de cadavres de Pterodroma exter-na et P. longirostris qui ne pouvaient certes pas tous être imputés à l'action de la buse(Buteo polyosoma exul)], sur tous les petits oiseaux de la forêt et même en s'attaquantaux popitos nouveaux-nés (bébés otaries) . Toujours très discret, c 'est un animal dif-ficile à chasser mais dont les griffes et les dents sont redoutablerrient efficaces .

Canis fainiliaris, le chien domestique, semble-t-il, accompagne l'homme partou toù il va. Dans l'Histoire il fut même employé par les Espagnols qui lâchèrent de smolosses dans les îles afin que ceux-ci déciment les populations de chèvres qui ser-vaient de ravitaillement aux navires anglais . Aujourd 'hui les chiens ensauvagés on tdisparu et les gardes du Parc veillent à ne pas laisser divaguer les errants . Mais par-fois, comme cette nuit du 21 au 22 janvier 2001, une bande de chiens « fous » fit l aroute depuis le village de San Juan Bautista jusqu'à la loberia de Tierras Blancas, àla pointe ouest de l'île Robinson Crusoe, et massacra litéralement environ 200 otarie sde tous âges . Je visitai les lieux de ce carnage le 24 janvier et garde le souvenir d'u nmonceau de cadavres incroyable, d'une pestilence insupportable, d'un monstrueu xnuage de mouches bourdonnantes et d'un tapis épais de grouillants asticots . Leschiens coupables furent abattus pour qu'ils ne recommencent pas et qu'ils n'en entraî-nent pas d'autres . Mais beaucoup de bons toutous vivent paisiblement au village o ùils servent de compagnie et d'auxiliaires de chasse . Ils sont aussi à l'origine des nom-breuses puces qui infestent le village .

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Nasua nasua, c'est le coati . petit animal sudaméricain à longue queue annelée e tmuseau pointu, un peu plus gros qu'un chat, qui fut introduit d'Uruguay dans l'îl eRobinson Crusoe par un colon allemand dans la deuxième moitié du XIXC siècle . Lecoati est à peu près omnivore et cause des dégats notables à la fois dans les popula-tions animales indigènes (il mange de tout des oiseaux, des insectes, des arach-nides, . . .) et dans les populations végétales (il ronge et griffe l'écorce des troncs ave cdélectation) . Il est chassé, mais n'étant pas comestible, sa capacité de reproductionl ' emporte sur les prélèvements cynégétiques (fig . 12) .

OISEAU XIl s'agit uniquement d'oiseaux terrestres :Columba lii'ia, ou Paloma, c'est le pigeon commun qui niche surtout dans le s

falaises maritimes . On ne sait pas exactement à quelle époque il fut introduit mais i lpeut être présent depuis longtemps sur les îles Robinson Crusoe et Santa Clara . Latrès grande majorité des individus est de couleur sombre . On en rencontre très peu àl ' intérieur des terres et pour cette raison il n'est peut-être pas un grand disséminateu rd'espèces de plantes envahissantes, niais c'est un granivore de plus dans l'archipel ,qui pourrait peut-être devenir, à la faveur d ' une nouvelle introduction végétale, auss iennuyeux que le merle des Falklands .

Passer don►esticus, ou Gorrién, c'est le moineau des villes, le piaf sympathiqu equi égaye les rues de Santiago . Son introduction est récente car il n'est pas signal édans la liste établie par E . LONNBERG (1921) sur la base du matériel rapporté lors d el 'expédition suédoise de C . SKOTTSBERG en 1916-1917 . On le trouve sur toutes le sîles, et bien entendu dans le village de San Juan Bautista . Encore un granivore !

AMPHIBIEN SAnouresPleuroder'na thaul, ou Sapito de quatro ojos, la grenouille à quatre yeux doit so n

nom à deux taches ocellées à l'arrière du corps ; elle a été introduite du continent l'an-née 1960 . On en ignore la raison, mais ce nouvel insectivore représente un dange rpotentiel pour les populations d'insectes et « petites bêtes » indigènes parmi les -quelles on trouve de très nombreux endémiques . Partout où il y a de l'eau douce dan sles parties basses de l'île, cette grenouille s'est installée et se multiplie rapidement.Elle ne semble pas avoir trouvé de prédateur (fig . 2) .

INVERTÉBRÉS

Il est bien difficile, évidemment, dans des groupes qui restent malgré tout asse zmal connus . faute d'études récentes, de savoir précisément quelles sont les espèce sintroduites par l'homme . Je nie bornerai donc à ne faire état que des animaux pourlesquels existent déjà des données, ainsi que de ceux dont l'apparition très récent epose des problèmes nouveaux . Il ne s'agit que d'Invertébrés terrestres, Arthropodesou Mollusques .

ARTHROPODES

INSECTESAPHANIPTÈRESLes Puces semblent être apparues sur l ' archipel avec l'homme : Pulex irritais, et

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le cortège des animaux qui l'ont accompagné, puce des chiens, Cnetocephalus canis.Je ne sais pas si les rats et les oiseaux de ces îles ont des puces mais je sais enrevanche que les lapins ont la réputation de n'en pas avoir ; ce qui d'ailleurs empêchede limiter les populations par la myxomatose, véhiculée par les puces . A ma connais -sance, aucune étude de parasitologie n'a été menée dans l'archipel .

COLÉOPTÈRESUn Charançon, parasite des cultures sur le continent est apparu assez récemmen t

dans le jardin expérimental du Parc . Il est probablement arrivé avec les fruits e tlégumes que le village importe régulièrement du port de Valparaiso . Mais, par mal -heur, il semble raffoler de quelques-unes des plantes endémiques cultivées dans c ejardin et en quelques années, ce Charançon se rencontre de plus en plus couramment ,y compris à l'extérieur du village .

HYMÉNOPTÈRESLes Fourmis n'ont jamais fait partie des espèces signalées par les naturalistes qu i

sont passés précédemment dans l'archipel . Pourtant aujourd 'hui, sur l ' île RobinsonCrusoe, les fourmis sont apparues dans le village de San Juan Bautista et commen-cent à former des colonies dans la nature . Je ne sais pas quel peut être l'impact de cesinsectes sociaux sur les écosystèmes insulaires, mais il me semble que des étude sentomologiques sont urgentes sur ces problèmes .

La Guêpe, Vespa germanica, par contre, est réputée pour sa carnivorité et sonagressivité envers les insectes et les arachnides . J ' ai malheureusement eu le privilèg ede la voir apparaitre sur l'île Robinson Crusoe au mois de janvier 2001, lors de mondernier voyage . La réaction du Parc National a été immédiate et le nid a été détrui tdès qu'il a pu être localisé . Mais était-ce le seul ? Apparemment non, car après avoi rlancé par voie d'affiches un avis de recherche auprès de la population du village ,d'autres nids ont été signalés . . . et détruits, mais que nous réservera l'avenir ?

Et qu 'en est-il des Diptères, moustiques et autres mouches, qui n'ont sûrement pa smanqué de venir du continent avec les montagnes de nourriture, fraîche et moin sfraîche, qui arrivent relativement régulièrement par bateau ? Il est certain que d ' ore set déjà, de nombreux insectes, parasites ou non, sont arrivés et continuent à arrive ravec le flux des marchandises et des gens qui ne cessent d'aller et venir entre le conti -nent et l'archipel . Mais est-il possible de mettre en place une barrière sanitaire ou tou tau moins un filtre pour tout ce qui arrive du continent ? C'est un défi de plus pour le sautorités du Parc, de la CONAF et du SAG (Servicio Agricola y Ganadero) .

ARACHNIDE SLoxoscelida eLoxosceles laeta, cette araignée redoutable, appelée au Chili aralia de los rin-

cones, est chaque année la cause de plusieurs morts sur le continent . Sa présence dansl'île Robinson Crusoe a été attestée pour la première fois par la capture de deux spé-cimens (une femelle adulte et un immature) lors de notre seconde expédition d enovembre 1998 à février 1999. La détermination en a été faite par le Laboratoire d eZoologie (Arthropodes) du MNHN de Paris . Les études biochimiques du venin (toxi -ne) et des symptomes ainsi que le cadre clinique provoqué par la morsure de cett earaignée ont été étudiés pendant de très nombreuses années par le Dr. H. Schenoneau Chili . Ce petit animal dangereux pose un véritable problème de santé publique . I lest probablement arrivé par bateau avec les denrées alimentaires fraiches il y a déj àquelques temps (la capture d'un individu immature montrant que l'animal a vraisem-blablement eu le temps de se reproduire) .

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MOLLUSQUE S

D'après l'étude de N . ODHNER parut en 1921, à la suite des expéditions suédoisesde 1916-1917, menées par C . SKOTTSBERG dans l'archipel (voir bibliographie) plu -sieurs escargots et limaces ont été introduits par l'homme :

GASTÉROPODE SZonitidaeHyaliniâ cellaria, H. alliaria,HelicidaeHelix aspersa, c'est « notre » escargot Petit Gris qui se rencontre sur toutes les île s

de l'archipel .Limacida eLimax arborum,Agriolimax agrestis ,Milax gagates

CONCLUSION

Malgré la relative pauvreté en animaux qui frappe le visiteur lorsqu'il débarqu edans l'archipel, il 'faut se rendre compte que la très grande majorité des espèces es tpourtant endémique. Et il n'y a pas à douter que des études menées sur des groupe soubliés, ou peu traités, puissent encore ajouter à l'originalité biologique de cet archi-pel extraordinaire.

Comme pour les introductions végétales, les introductions animales passées etactuelles posent des problèmes souvent extrêmement compliqués et coûteux àrésoudre . Il faudrait souhaiter d'une part, que des moyens suffisants (nationaux' etinternationaux) soient employés à résoudre certains des problèmes urgents qui met-tent gravement en péril les écosystèmes et la qualité des paysages de cet endroi tunique au monde, et, d'autre part, que des mesures soient prises en amont des diffi-cultés (certaines sont en effet prévisibles) plutôt que de laisser se développer de ssituations à risque-qui deviennent rapidement des problèmes insurmontables .

L'archipel des Juan Fernàndez est l'un des lieux de la planète dans lequel on ren-contre le plus fort taux d 'endémisme, c 'est à dire d'originalité biologique par rapportà l'ensemble des êtres vivants, végétaux et animaux, qui l'habitent . Les richessespotentielles d'application de cette diversité exceptionnelle ne sont pratiquement pa sconnues pour le moment .

A ces divers titres, l'archipel des Juan Fernàndez représente un inestimable patri-moine pour l'humanité toute entière . Il faut espérer qu'avec les autorités locales et le spartenaires internationaux que nous sollicitons, nous saurons en préserver l'intégrali -té de la valeur qui s'exprime dans la variété des espèces vivantes, dans l'originalit édes écosystèmes et dans la qualité de son environnement et de ses paysages .

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