brutus expliqué littéralement par É. pessonneaux,... et traduit par j.-l. burnouf

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  Cicéron (0106-0043 av. J.-C.). Cicéron. Brutus expliqué littéralement par É. Pessonneaux,... et traduit par J.-L. Burnouf. 1881. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence  2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected] .

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Cicron (0106-0043 av. J.-C.). Cicron. Brutus expliqu littralement par . Pessonneaux,... et traduit par J.-L. Burnouf. 1881.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numriques d'oeuvres tombes dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur rutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n78-753 du 17 juillet 1978 : *La rutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la lgislation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La rutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par rutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits labors ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accder aux tarifs et la licence

2/ Les contenus de Gallica sont la proprit de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code gnral de la proprit des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis un rgime de rutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protgs par un droit d'auteur appartenant un tiers. Ces documents ne peuvent tre rutiliss, sauf dans le cadre de la copie prive, sans l'autorisation pralable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservs dans les bibliothques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signals par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invit s'informer auprs de ces bibliothques de leurs conditions de rutilisation.

4/ Gallica constitue une base de donnes, dont la BnF est le producteur, protge au sens des articles L341-1 et suivants du code de la proprit intellectuelle. 5/ Les prsentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont rgies par la loi franaise. En cas de rutilisation prvue dans un autre pays, il appartient chaque utilisateur de vrifier la conformit de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage respecter les prsentes conditions d'utilisation ainsi que la lgislation en vigueur, notamment en matire de proprit intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prvue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute dfinition, contacter [email protected].

LES

AUTEURS

LATINS ONE NOUVELLE D'APRS MTHODE EXPLIQUS

PAR DEUX TRADUCTIONS FRANAISES "" F ETJUXTAI.I"* PRSENTANT AMOTP-XKIS LEMOT L'UNE LITTRALE CORRESPONDANTS DES LATINS -,UbjaD MOTS ET DUTEXTEATIN L CORRECTEPRCDE L'AUTRE avec des sommaires et des notes PAR UNE SOCIT DE PROFESSEURS ET DELATINISTES

CICERON BRUTUS EXPLIQCli LITERALEKE: PAK i PESSOKEAUX Professonr ljcceHenriV aa I ET TRADUIT S FRANAIS E PAR .. I,. KUKXOUF

PARIS LIBRAIRIE HACHETTE ET C* 79 79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN,

LES

AUTEURS

LATINS

D'APRS MTHODE UNE NOUVELLE EXPLIQUS PAR DEUX TRADUCTIONS FRANAISE

a t expliqu littralement par M. . Pessonneaux, Cet ouvrage ancien professeurau lyce Henri IV. La traductionfranaise est celle de J. L. Burnouf.

G A IN UILE SI HT ET, RUE Ml N0N, 2 IMPRIMERIE PARIS,

LES

AUTEURS

LATINS D'APRS MTHODE UNE NOUVELLE EXPLIQUS

/ permanents perptua; furent tablis constitutoe unt s lui tant-jeune-homme, hoc adolescente, f quoeuerunt nulla; antea qui n'existaient pas auparavant (L. enim Piso, (car L. Pison, tribunusplebis, tribun du peuple, tulit primus legem porta le premier une loi depecuniisrepetundis, sur les affaires-de-concussion, Censorino Manilio Censorinuset Manilius et tant consuls. consulibus ; Piso etiam ipse Pison aussi lui-mme causas et.egit, plaida galement des causes, et fnit auctor aut dissuasor et appuya ou combattit multarumlegum; beaucoup de lois; isque et reliquit orationes, et celui-ci aussia laiss des discours, quasevanueruntjam, qui ont disparu dj, et annales, et des annales, s crites certes avec-scheresse) Bcriptosane exiliter) ; ;

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BRUTUS.

puli, quibus aderat Carbo, jam magis patronum desiderabant, tabella data; quam legem L. Cassius, Lepido et Mancino consulibus, tulit. XXVIII. Vester etiam D. Brutus, M. filius, ut ex familiari ejus L. Attio poeta sum audire solitus, et dicere non inculte solebat, et erat quum litteris Latinis, tum etiam Grascis, ut temporibus illis, eruditus. Quas tribuebat idem Attius etiam Q. Maximo, L. Paulli nepoti : et vero ante Maximum, illum Scipionem, quo duce privato Tib. Gracchus occisus esset, quum omnibus in rbus vehementem, tum acrem aiebat in dicendo fuisse. Tum etiam P. Lentulus ille princeps, ad rempublicam duntaxat quod opus esset, satis habuisse loquente dicitur. Iisdemque temporibus L. Furius Philus perbene latine loqui pulabatur, litteratiusque, quam ceteri. P. Seasvola valde prudenter et acute, paullo etiam copiosius; nec multo minus prudenter M' Manilius. Appii Glaudii, revenir Carbon,j'ajouterai que, depuisl'usage desscrutins secrets, tabli par Cassiussousles consuls Mancinuset Lepidus, les causes soumises au jugement du peuple avaient plus que jamais besoin du secoursde l'loquence. XXVIII. Votre famille, Brutus, a produit aussi un hommedont j'ai souvent entendn faire l'loge par le pote Attius son ami. C'est Dcimus,fils de Marcus : il s'exprimaitavecassez d'lgance, et possdaitfort bien pour son temps les lettres grecqueset latines. ! Attius rendait le mmetmoignage de Q. Maximus, petit-fils de L. Paulus. Avant Maximus, il citait encore celui des Seipions qui, sans tre revtu d'aucune autorit publique, donna la mort Tibrius Gracchus. Ce Romain, selonlui, portait dans ses discours toute l'nergie de son caractre passionn. Ajoutons P. Lentulus, prince du snat : il eut, dit-on, toute l'loquencequi est ncessaire l'hommed'Etat. Ajoutonsencore L. Philus, renommpar la puret de son style, et plus lettr que les prcdents;P. Scvola,qui se distinguait par la finesseet le jugement, et mme par quelque j abpndance; M' Manilius, dont les lumiresgalaient presquecelles j de Scvola; enfin AppiusClaudius, qui avaitde la facilit, maisun J

BRUTUS. 113 et les jugementssoumis-au-penple, et judicia populi, Carbo aderat, auxquelsCarbonassistait, quibus avaientbesoindes-lorsplus-que-jamais desiderabant magis jam d'un avocat, patronum, unetablettetant donne tabelladata ; ; laquelleloi quamlegem T, Cassiusproposa, L. Cassiusulit, t et Lepiduset Mancinus Lepicio Mancino tant consuls. consulibus. XXVIII. Vester autem XXVIII.Maisvotre-porent filiusM., d Dcimus,tils e Marcus, Decimns, ut sumsolitnsaudire commej'ai eu coutumede l'entendre del'ami de lui, ex familiari jus, e L. Attiusle pote, L. Attiopoeta, et avait coutumede parler et solebat icere d non sans-lgance, noninculte, eterateruditus et taitinstruit litteris Latinis, non-seulement ansles lettres Latines, d quum maisencoredans les Grecques, tumetiam Gra;cis, ut teniDoribus illis. pour ce temps-l. IdemAttius tribuebat quoe Le mmeAttiusattribuaitce-mrite Q. Maximusaussi, Q. Maximoetiam, de L nepoti . Paulli ; petit-fils L. Paulus; etveroaiebat et en vritil disait, anteMaximum, avant Maximus, illumScipionem, le-fameux Scipion tant-chef quoprivatoduce lequel simple-particulier Tib. racchus ccisusesset, Tib. Gracchus avaitt tu, G o fuisse avoirt passionn vebementem in e non-seulement n tonte chose, quum omnibusrbus, tumacremin dicendo. luais encorenergiqueen parlant. Tum etiamP. Lentulus, Et puis encoreP. Lentulus, illeprinceps, ce prince-du-snat, diciturhabuisse est dit avoireu satiseloquentia;, assezd'loquence, quod opusessetduntaxat pour ce-quitait besoindu moins ad rempublicam. pour le gouvernement. Et dansle mmetemps Iisdemque temporibus L. FuriusPhilus putabatur L. Furius Philustait cru loquilatine perbeue parler en-latinfort-bien litteratiiisque quamceteri. et plus littrairementqueles autres. P. Scavola P. Scvolaparlait valde prudenteret acute, trs-sagementet finement, etiamcopiosius aulo: mmeun peuplus-abondamment; p necM' Manilius et M' Manilius multominusprudenter. pas beaucoupmoins sagement. OratioAppiiClaudii La paroled'AppiusClaudius BRUTUS 8

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BRUTUS.

volubilis, sed paullo fervidior erat oratio. In aliquo numro etiam M. Fulvius Flaccus, et G. Gato, Africani sororis (ilius, mdiocres oratores ; etsi Flacci scripta sunt, sed ut studiosi litterarum. Flacci autem asmulus P. Decius fuit, non infans ille quidem, sed ut vita, sic oratione etiam turbulentus. M. Dnisus, G. F., qui in tribunatu G. Gracchum, collegam, iterum tribunum, fregit, vir et oratione gravis, et auctoritate ; eique proxime adjunctus C. Drusus frater fuit. Tuus etiam gentilis, Brute, M. Pennus facile agitavit in tribunatu G. Gracchum, paullum astate antecodens. Fuit enim M. Lepido et L. Oreste consulibus quasstor Gracchus, tribunus Pennus, iiius M. filius, qui cum Q. jElio consul fuit; sed omnia is summa sperans, asdilitius est mortuus. Nam de T. Flaminino, quem ipse vidi, nihil accepi, nisi latine diligenter locutum. XXIX. lis adjuncti sunt C. Gurio, M. Scaurus, P. Rutilius, C. Gracchus. De Scauro et Rutilio breviter licet dicere, quof eu trop de vhmence.On tient encore quelque compte de Fulv. Flaccus et de C. Caton, neveu du second Africain, tous deux orateurs mdiocres.Il existe cependant des crits de Flaccus; mais ils n'attestent que son amour pour les lettres. Son mule, P. Dcius, n'tait pas sans talent oratoire; mais son esprit turbulent se remarque jusque dans le dsordre de son langage. M. Drusus, fils de Caus, qui, dans son tribunat, sut arrter les entreprises de son collgue C. Gracchus, tribun pour la seconde fois, fut galement distingu par la force de son loquence,et par son grand caractre. A ct de lui se place son frre C. Drusus. N'oublions pas, mon cher Brutus, votre parent M. Pennus, qui fut aussi dans son tribunat un redoutable adversaire pour le second des Gracques. Il tait un peu plus g que ce dernier : car Gracchusfut questeur sous les consuls Lepidus et Orests; et Pennus, dont le pre, Marous, avait t consul avec P. Elius, tait alors tribun. Pennus, qui pouvait prtendre tout dans la carrire des honneurs, mourut aprs son dilit. Quant T. Flamininus, que j'ai encore vu moi-mme, tout ce que je sais de lui, c'est qu'il s'exprimait avec une grande correction. XXIX. A tous ces noms on joint C. Curion, M. Soaurus, P. Rutilius et C. Gracchus. Nous dirons peu de mots de Scaurus et de

erat volubilis, seclpaulofervidior. M.Fulvius Flacons, et C.Cato, filiussorosisAfricani, oratoresmdiocres, in aliquo numroetiam; etsiscriptaFlacei sunt, sedut studiosilitterarum. P. Deciusautem fuitoemulus lacei, F noninfansille quidem, sedut turbulentusvita sicorationeetiam, M. Drusus,filiusC., quifregit in tribunatu C. Gracchum,collegam, iterumtribunum, vir gravis et oratione, et auctoritate . ; C.queDrusus frater fuitadjunotusei proxime. Tuusenim gentiis, Brute, M. Pennusagitavit facile intribunatuC. Gracehum, antecedensaullumoetate. p Enim M.Lepidoet L. Oreste consulibus, Gracohusuit qusestor, f Pennustribunus^ filiusillius Marci, quifuit consul cumQ. /Elio; sedis sperans omniasumma, inortuus sedilitius. est Namnihil aocepi deT. Flaminino, vidi quem ipse, nisilocutumdiligenter latine. XXIX.lis sunt adjuncti C. Curio,M. Soaurus, P. Rutilius,C. Gracohus. Licetdicerebreviter

BRUTUS. 115 tait abondante, maisun peu trop-vhmente. M. FulviusFlaccus, et C. Caton, fils de la soeurde l'Africain, orateursmdiocres, sont dans quelqueestimeaussi; bien-quedescritsdeFlaccusexistent, mais cotrmed'un amateurdeslettres. MaisP. Decius fut rival d Fiaccus, nonsans-talentlui du moins, mais commedsordonn dans sa vie de mmedansson langageaussi M. Drusus, filsde Caus, qui abattit dans son tribuuat 0. Gracchus,soncollgue, t une-seconde-foisribun fut un hommedistingu et par sa parole, et par l'autorit(de sa personne); et C. Drususson frre a t ajout lui tout--ct Carton parent, Brutus, M. Pennusattaqua aisment dans son tribunat G. Gracohus, le prcdantun peu par l'g6. Car M. Lpiduset L. Orests etaru-consuls, Gracchus fut questeur, et Pennus fut tribun, filsdece Marcus, qui fut consul avec Q. JLlius ; maislui aspirant tout ce-qu'ily-a de grand, mourut aprs-son-dilit. Car je n'ai rien appris de T. Flamininus, quej'ai vu moi-mme, si ce n'est qu'il parla correctement en-latin. XXIX. A ceux-l ont t joints C. Curion,M. Scaurus, P. Rutilius, C. Gracchus. On peut parler en-peu-de-mots

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BRUTUS.

rum neuter summi oratoris habuit laudern; et utercrue in multis causis versatus erat. In quibusdam laudandis viris, etiamsi maximi ingenii non essent, probabilis tamen industria : quanquam iis quidem non omnino ingenium, sed oratorium ingenium dfait. Neque enim refert videre, quid dicendum sit, nisi id queas solut et suaviter dicere : ne id quidem satis est, nisi id, quod dicitur, sit voce, vultu, motuque conditius. Quid dicam, opus esse doctrina? sine qua etiamsi quid bene dicitur, adjuvante natura, tamen id, quia fortuito ft, semper paratum esse non potest. In Scauri oratione, sapientis hominis et recti, gravitas summa, et naturalis queedam inerat auctoritas, non ut causam, sed uttestimonium dicere putares, quum pro reo diceret. Hoc dicendi genus ad patrocinia mediocriter aptum videbatur; ad senatoriam vero sententiam, cujus erat ille prinRutilius, qn ne furentni l'un ni l'autre de grands orateurs, et qui tous deux plaidrent beaucoup de causes. On a vu souventdes hommesestimables,qui, sans tre dousd'un gnie suprieur,se recommandaient cependantpar d'utiles travaux. Au reste ce n'est pas le talent, c'est le talent oratoirequi manquait ceux dont nous parlons. En effet, ce n'est pas assezde voir ce qu'il faut dire, si on ne sait point le dire avecagrment et facilit; et cecine suffitpoint encore, si ce qu'on dit n'est anim par la voix, le geste, le regard. Ai-jebesoin d'ajouterqu'il faut avec celaconnatreles rgles? sans elles, tout ce que le talent naturel fait dire de bien est le fruit d'une inspirationdu moment,sur laquelleon ne peut pas toujours compter. Le langage de Scaurusannonceun hommesage et droit; : il y rgne une dignitparfaite, un ton qui commande confiance la ce n'est point un avocatqui plaide, c'est un tmoinqui dpose. Ce style ne paraissait convenir que mdiocrementau barreau, maisil convenaitparfaitementaux dlibrations u snat, oSeaud

117 BRUTUS. de Scauruset Rutilius, deScanroet Rutilio, dont ni-1'un-ni-l'autre quorumneuter n'a eu la gloire habuithudem de grandorateur; summioratoris; et l'un-et-1'autreavaientpris part et uteraue erat versatus beaucoup in multiscausis. d'affaires. Chez certainshommes In quibusdamvirs jaiuiandis, dignes-d'loges, etiamsinon essent quoiqu'ilsne fussentpas d'un gniesuprieur, ingenii maximi, tamenindustriaprobabilis: cependantune activit estimablefut : le bien-que gnie quanquamingenium n'ait pasmanqu tout--fait non defuitomnino ceux-cicertes, iis quidem, sedingeniumoratorium. mais-bienle gnieoratoire. Nequeenim refertvidere Car il n'importepas de voir ce qu'il y a dire, quid sit dicendum, si tu ne peux pas dire cela nisiqueasdicereid avec-aisance avec-agrment et solutet suaviter; ; ne id quidemest satis, cela mme ne suffit pas, si ce qui est dit nisi id quod dicitur sit conditiusvoce, n'est pas anim par la voix, le visage,et le geste. vultu, motuque. Quiddicam, Pourquoi dirai-je tre besoinde la science? opusessedoctrina sine qua sans laquelle etiamsi uid diciturbene, quand-mme uelquechoseestdit bien, q q la nature aidant, naturaadjuvante, id tamen, cela pourtant, commeil a lieu par hasard, quia fit fortuito, non potest esse ne peut pas tre semperparatum. toujoursprt. Gravitas Une dignitparfaite, summa, et quoedam et certaineautorit auotoritas naturelle, naturalis, ineiat in orationeScauri, rsidait dansle langage de Scaurus, hominissapientiset recti, hommesage et droit, ut putares de sorte que tu aurais cru non dicerecansam, lui non plaider une cause, sedtestimonium, mais dposer n tmoignage, u quumdiceretpro reo. quantiil parlait pour un accus. Hoe genus dicendi Ce genre de style videbntur paraissait mediocriter ptum mdiocrement a propre ad patrocinia; la dfeuse-des-accuss; ad sententiam mais une dlibration vero du snat, seuatoriam,

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BRUTUS.

ceps, vel maxime : significabat enim non prudentiam solum, sed, quod maxime rem continebat, fidem. Habebat hoc a natura ipsa, quod a doctrina non facile posset; quanquam bujus quoque ipsius rei, quemadmodum scis, praecepta sunt. Hujus et orationes sunt, et trs ad L. Fufidium libri, scripti de vita ipsius acta, sane utiles, quos nemo legit; at Cyri vitam et disciplinam legunt, praeclaram illam quidem, sed neque tam rbus nostris aptam, nec tamen Scauri laudibus anteponendam. Ipse etiam Fufidius in aliquo patronorum numro fuit. XXX. Rutilius autem in quodam tristi et severo gnre dicendi versatus est; et uterque natura vebemens et acer. Itaque quum una consulatum petivissent, non ille solum, qui repuisam tulerat, accusavit ambitus designatum competitorem, sed Scaurus etiam absolutus Rutilium in judicium vocavit. Multaque opra, multaque industria Rutilius fuit ; quae rus occupait la premireplace. Il prouvait la fois les lumires, et, ce qui tait plus essentiel,la bonne foi de l'orateur. Scaurusternit de la nature ce prcieux avantageque l'art ne donnepoint. Ce n'est pas que l'art, commevous savez, n'lvejusque-lses prtentions. Il existe de Scaurus des discours, et sa vie, crite par luimme, en trois livres ; elle est ddie L. Fufidius qui eut aussi quelquerputation au barreau. Personnene la lit, malgr le profit qu'on en pourrait tirer ; et cependanton lit la Vie et l'Education de Cyrus, ouvrage trs-beau sans doute, mais moins appropri a nos moeurs,et qui en vrit n'est pas prfrable celui de Scaurus. XXX. Quant Rutilius, sa manire avait quelque chose de srieux et d'austre. Scauruset lui taient l'un et l'autre d'un caractre violentet irascible.Aussi tous deux ayant demanden mme temps le consulat, celui qui fut repouss ne manqua pas d'accuser de brigue son heureux comptiteur; et bientt Scaurus, absous, traduisit son tour Rutilius en justice. Rutilius tait fort occup au barreau, et cettegrande activit lui faisait d'autant plus d'honneur,

BRUTUS. 119 dont il tait prince, cujusille erat princeps, il convenait velmaxime: mmebeaucoup: car il annonait enim significabat non-seulementes lumires, l nonsolumprudentiam, la sed fidem, [rem. mais-encore bonne-foi, quod continebat maxime ce qui renfermaitsurtoutla chose. Habebata natura ipsa hoc, Il tenait de la nature mmecela, quodnon possetfacile qu'il n'aurait pu facilement a doctrina; emprunter l'art; sunt quanquam proecepta quoiqu'ily ait desprceptes pour cettechosemmeaussi, hujusrei ipsiusquoque, sois. quemadmodum ainsi-quetu le sais. Il existeaussi des discoursde celui-ci, Suntet orationeshujus, ettrslibri ad L. Fufidium et trois livres L. Fufidius seripti de vita ipsius acta, critssur la viedelui passe, saneutiles, certainement tiles, u quosnemolegit : quepersonnene lit; at leguntvitam mais on lit la vie et l'ducationde Cyrus, et disciplinam Cyri, illam quidem, fort-belle elle assurment, prseclaram sednequetam aptam mais ni autant approprie nostris nos moeurs, rbus, nectamenanteponendam ni pourtantprfrable laudibus Scauri. aux mritesde Scaurus. Fufidius fuit etiam Fufidius lui-mmefut aussi ipse in aliquo numro dans quelqueestime es-avocats. patronorum. parmi-1 XXX. Rutilius autem XXX. MaisRutilius versatus est s'adonna in quodamgnredicendi certain genre oratoire tristiet severo : srieuxet austre : etuterque et l'un-et-1'autre (Rutiliuset Scaurus), vehemens acernatura. et vhment t animnaturellement. e Itaque O'est-pourquoi commeils avaient-brigu quum petivissent consulatum le consulat en-mme-temps, una, nonsolumille, non-seulement celui, quitulerat repulsam, qui avaitprouvun refus, accusavit ambitus accusade brigue competitorem designatum, soncomptiteur sign, d sedetiamScaurus mais encoreScaurus absolutus absous vocavit utilium R appela Rutilius in judicium. eu jugement. Rutiliusfuit Rutiliusfut et d'une grande occupation, multaque pra, o et d'une grondeactivit multaquendustria; i

BRUTUS. 120 erat propterea gratior, quod idem magnum rmmus de juro respondendi sustinebat. Sunt ejus orationes jejunse; multa praeclara de jure : doctus vir, et Groecis litteris eruditus, Panaetii auditor, prope perfectusin Stoicis; quorum peracutura et artis plnum orationis genus, scis tamen esse exile, nec satis populari assensioni accommodatum. Itaque illa, quoe propria est hujus discipline, philosophorum de se ipsorum opinio, firma in hoc viro et stabilis inventa est. Qui quum mnocentissimus in judicium vocatus esset (quo judicio convulsam penitus scimus esse rempublicam), quum essent eo tempore eloquentissimi viri L. Grassus et M. Antonius consulares, eorum adhibere neutrum voluit : dixit ipse pro sese; et pauca G. Cotta, quod sororis erat filius, et is quierat adolescens. Sed dem tamen ut orator ; quanquam Q. Mucius enucleate ille quidem et polite, ut solebat, nequaquam autem ea vi atque copia, quam genus illud judicii et magnitudo causas postulabat. Habemus igitur in Stoicis qu'il tait encorel'oracle du droit, sur lequel il donnait de frquentes consultations. Ses discours ont de la scheresse; rien de plus beau : que ses ouvrages de jurisprudence. Il tait savant et trs-vers dans ; les lettres grecques. Disciple de Pantius, il avait presque atteint la perfection dans le genre des Stociens, qui est, comme vous savez, ? plein d'art et de finesse, mais sec et peu propre faire de l'effet sur une grande assemble.Il a ralis l'ide que les philosophes de cette ; cole ont du sage, et a prouv, par son exemple, qu'elle n'est point 5 une chimre. Mis en jugement malgr sa parfaite innocence (procs ' qui bouleversa presque la rpublique), il pouvait charser de sa dfensedeux consulaires trs-loquents, L. Crassus ou M. Antonius. Il ne voulut s'adresser ni l'un ni l'autre ; il se dfendit lui-mme. C. Cotta, son neveu, ajouta quelques mots, et, quoique fort jeune, il , fut vraiment orateur. L'augure Mucius parla aussi avec sa nettet et son lgance accoutume, mais non avec cette force et cette abondance qu'exigeaient la nature du procs et la grandeur de la cause'

BRUTUS. 121 erat qua> gratior prop t ee , qui tait p'.us-agrablepar l que le mmehomme exerait quod idem sustinebat munus magnum l'importantefonction de de rpondresur le droit. respondendi jure. Orationes jus sunt jejunaa; Les discoursdelui sont secs : de multapraeclara jure : beaucoupde belleschosessur le droit hommesavant, vir octus, et eruditnsiitteris Greecis, et instruit dans les lettres grecques, audiiorPanaetii, disciplede Pantius, prope perfectusin Stocis; presqueparfait parmi les Stociens; sois quorum genus orationis dont tu sais le genre de langage peracutumet plnum artis, trs-fin et plein d'art, tre cependantsec, essetam-n exile, nec satis accommodatum et pas assezappropri l'approbationpopulaire. assensioni populari. c C'est-pourqnoi ette opinion favorable Itaqne illa opinio des philosophes pliiiosopliorum mmesur eux-mmes, ipsorumde se, qui est propre quteest propria cette secte, hujusdisciplina;, inventaest firmaet stabilis a t trouvesolideet stable dans cet homme. in hocviro. Quumqui innocentissimus Commecelui-citrs-innocent vocatus essetin judicium avait t cit en jugement (par lequel procs (quo judicio nous savonsla rpublique scimus rempublicam esseconvulsam avoir t bouleverse entirement), penitus), quumessenteo tempore lorsqueexistaient cette poque deuxhommestrs-loquents viri eloquentissimi L. Crassuset M. Antonius L. Crassuset M. Antonius i v consulares, oluit personnages-consulaires,l voulut adhibere neutrumeorum : employerni l'un-ni-1'autred'eux : dixit ipse pro sese; il parla lui-mme pour soi; et C. Cottapauca, et C. Cotta dit quelquesmois, quoderat filius sororis, parce qu'il tait fils de sa soeur, et is quidemtamen et lui certes pourtant ut orator; commeorateur; quanquamerat adolescens. quoiqu'il ft adolescent. SedQ. Mucius Mais Q. Mucius(parla aussi) illequidamenueleate, lui cerfs avecnettet, et pdite, et lgamment, ut solebat, commeil avait coutume autem ea vi, maisnullementaveccette force, nequaquam et cette abondance, atque copia, quamillud genusjudicii que ce genre de jugement et magnitudocausoe et la grandeur de la cause postiilabat. exigeait.

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BRUTUS.

oratoribus Rutilium, Scaurum in antiquis : utrumguc tamen laudemus, quoniam per illos ne hase quidem in civitate gnera hac oratoria laude caruerunt. Volo enim, ut in scena, sic etiam in foro, non eos modo laudari, qui cleri motu et difficili utantur, sed eos etiam, quos statarios appellant, quorum sit illa simplex in agendo veritas, non molesta. XXXI. Et quoniam Stoicorum est facta mentio, Q. iElius Tubero fuit illo tempore, L. Paulli nepos, nullo in oratorum numro, sed vita severus, et congruens cum ea disciplina, quam colebat : paullo etiam durior ; qui quidem in triumviratu judicaverit contra P. Africani, avunculi sui, testimonium, vacationem augures, quo minus judiciis operam darent, non habere. Sed ut vita, sic oratione durus, incultus, horridus; itaque honoribus majorum respondere non potuit. Fuit autem constans civis, et fortis, et in primis Graccho Rutilius sera donc un orateur Stocien, et Scaurus un orateur antique. Nous leur donnerons cependant des loges l'uu et l'autre, pour avoir lev parmi nous ces deux genres jusqu' la hauteur de l'loquence. Car je veux qu'au forum ainsi qu'au thtre, on n'applaudisse pas uniquement ceux qui se livrent des mouvements imptueux et fatigants : une action calme, simple, naturelle, et qui n'a rien de pnible, mrite aussi notre estime. XXXI. Puisque nous avons parl des Stociens, citons encore Q. jElius Tubron, petit-fils de Paul Emile, qui vivait la mme poque. Il n'tait point orateur, mais il pratiquait dans toute leur svrit les principes de sa secte; il les poussait mme l'excs, puisque, tant triumvir, il pronona contre l'autorit de Scipion l'Africain, son oncle, que les augures ne sont pas dispenss,par leur charge des fonctions djuges. Son langage ressemblait ses moeurs: il tait dur, austre, nglig; aussi ne put-il atteindre l'illustration de ses anctres. Ce fut, du reste, un citoyen ferme et coura-

Habcmusgitur Rutilium i inoratoribus tocis, S in Scaurum antiquis ; tamenutrumque, laurlemus per quoniam illos nehoee uidemgnera q i carueruntn civitate haclaudeoratoria. Volo enim,ut in scena, sicin foro, noneosmodolaudari, qaiutanturmotu cleri etdifficili, sedeosetiam, quos ppellantstatarios, a illa quorum veritas in agendo sitsimplex, on molesta. n XXXI.Et quoniam mentio Stocorum facta est, Q.jEliusTubero, L nepos . Paulli, fuitillotempore innullonumro oratorum, sedseverus vita, etcongruens ea cum disciplina colebat: quam etiamdurior; paullo in quiquidem triumviratu judicaverit, contraestimonium t P.Africani, ui avunculi, s Augures non haberevacationem darent operam qnominus judiciis. Sed durus, inoultus, horridus, sicoratione, .vita; itaque non potuitrespondore lionoribus majorum. Fuitautemcivis constans, etfortis,

BRUTUS. 123 Nous avons donc Rutilius parmi les orateurs Stociens, Scaurus parmi les anciens : louons cependantl'un-et-1'autre, puisquegrce eux pas mme cesgenres manqurentdansnotrecit de ce mrite oratoire. Car je veux, commesur la scne, de mmeau barreau, non-pas ceux-l seulementtre lous, qui se livrent un mouvementrapide et difficile, mais ceux aussi, que l'on appellestatarii (calmes), dont le naturel dans l'action-oratoire soit simple,non pnibie. XXXI. Et puisque mention des Stociens a t faite, Q. iEiius Tubron, pitit-fils de L Paullus, fut c u ce temps-l nullementau nombre desorateurs mais austre dans sa conduite, et s'accordant avec les principes-de-lasecte qu'il suivait : un peu mmeplus rigide ; puisquedans son triumvirat il pronona contrairement l'autorit de P. l'Africain, son oncle, les augures ne pas tre exempts de donnerleur temps aux-fonctions-de juges. Mais il tait dur, inculte, nglig, autant dans son langage que dans sa vie ; c'est-pourquoi il ne put atteindre l'illustration de ses anctres. Maisce fut un citoyen ferme, et courageux,

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molestus, quod indicat Gracchi in eum oratio : sunt etiam in Gracchum, Tuberonis. Is fuit mediocris in dicendo, doctissimus in disputando. Tum Brutus, Quam hoc idem in nostris contingere intelligo, quod in Grascis! ut omnes fere Stoici prudenlissimi in disserendo sint, et id arte faciant, sintque arehitecti poene verborum; iidem traducti a disputando ad dicendum, inopes reperiantur. Unum excipio Gatonem, in quo, perfectissimo Stoico, summam eloquentiam non desiderem ; quam exiguam in Fannio, ne in Rutilio quidem magnam, in Tuberone nullam video fuisse. Et ego, Non, inquam, Brute, sine causa; propterea quod istorum in dialecticis omnis cura consumitur; vagum illud orationis, et fusum, et multiplex non adhibetur genus. Tuus autem avunculus, quemadmodum sois, habet a Stoicis id, quod ab illis petendum fuit; sed dicere didicit a dicendi geux, et l'un des plus constants adversaires de C. Gracchus; on peut en juger par un discours de ce tribun contre lui. Il nous en reste aussi de Tubron contre Gracchus. S'il n'eut pour la parole; qu'un talent mdiocre, il excellait dans la discussion. Ainsi, dit Brutus, il en est de nos Stociens comme de ceux de la Grce. Ce sont d'habiles dialecticiens, des architectes de paroles, qui lvent avec beaucoup d'art l'difice de leur argumentation. Transportez-les au forum, on ne leur trouve plus que de 1B strilit ; j'en excepte le seul Caton, la fois Stocien accompliet grand orateur. Mais je vois que Fannius eut peu d'loquence,que; Rutilius n'en eut pas beaucoup, et que Tubron en manqua tout ' fait. Cela vient, rpondis-je, de ce qu'ils s'occupent uniquementje la dialectique, et qu'ils ngligent ces dveloppementsqui donnent au discours de l'tendue, de la richesse, de la varit. Votre oncle, au contraire, comme vous le savez, a pris des Stociens ce qu'il en .. fallait prendre ; mais il a tudi l'art de parler l'cole des maints

BRUTUS. 125 et dsagrable et molestus avant tout Gracchus, iu primisGraccho, indicatoratic Gracchi ce qu'indiqueun discours de Gracchus quod ineum; dirig-contrelui : il y en a ausside Tubron suntetiamTuberonis inGracclmm. dirigs-contreGracchus. Celui-cifut mdiocre Is fuitmediocris en parlant, trs-habile d in dicendo. octissimus in disputando. en discutant. Alors Brutus, TumBrutus, Combienje comprends Quamintelligo cette mmechosese rencontrer hocidemcontingere, dans les ntres, in nostris, in ! que dansles Grecs! quod Graecis en ite que presquetous les Stociens ut fereomnesStoici sont trs-habiles sintprudentissimi discuter, in disserendo, et faeiant d arte, i et font (.elaavec-art, et sont en quelquesorte sintque aene p des architectesde paroles; architecti verborum; iidem traducti ces-mines-Stociens transports a disputandod dicendum, de la oiscussion la parole, a sont reconnusstriles. reperiantur inopes. C Excipio atonemunum, J'excepte Caton seul, S inquo, toicoperfectissimo, dans lequel,Stocienaccompli, nondesiderem je n'aurais-pas--regretter summam ia plus grandeloquence eloquentiam ; video quam exiguam que je vois faible inFannio, dans Fannius, nernagnam quidem pas grande mme inRutilio, dans Rutilius, fuisse ullamin Tuberone. avoir t nulle dans Tubron. n Et ego,inquam,Brute, Et moi, dis-je, Brutus, nonsinecausa : je dis quece n'est pas sans raison: proptereauod par-la-raisonque q omnis ura istorum c toute la peine de ceux-ci consumitur dialecticis est employe la dialectique; in ; illudgenusorationis ce genre de langage e vagum, t fusum, tendu,et riche, etmultiplex et vari nonadhibetur. n'est pas employ. Tuusautemavunculus, Maiston oncle, ainsi que tu le sais, quemadmodum sois, nabet Stoicisid, a a pris des Stocienscela, fuit ab quod petendum illis; qui fut devant-treemprunt eux; seddidicitdicere mais il a appris .parler a magistris desmatres de la parole, dicendi,

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magistris, eorumque more se exercuit. Quod si omnia a philosophas essent petenda, peripateticorum institutis commodius fingeretur oratio. Quo magis tuum, Brute, judicium probo, qui eorum [id est, ex vetere academia] philosophorum sectam secutus es, quorum in doctrina atque prasceptis disserendi ratio conjungitur cum suavitate dicendi et copia: quanquam ea ipsa peripateticorum academicorumque consuetudo in ratione dicendi talis est, ut nec perficere oralorem possit ipsa per sese, nec sine ea orator esse perfectus. Nam ut Stoicorum adstrictior est oratio, aliquantoque contractior, quam aures populi requirunt; sic illorum liberior et latior, quam patitur consuetudo judiciorum et fori. Quis enim uberior in dicendo Pltone? Jovem sic aiunt philosophi, si graece loquatur, loqui. Quis Aristotele nervosior, Theophrasto dulcior? Lectitavisse Platonem studiose, audivisse etiam Demosthenes dicitur; idque apparet ex gnre de l'loquence, et il s'est exerc d'aprs leur mthode. S'il fallait se borner aux leons des philosophes,les pripatticiensseraientles plus propres de tous former l'orateur. Aussi, mon cher Brutus, je vous flicite d'avoir embrassune secte, celle de l'ancienne aca demie, dont^les prceptes et la doctrine runissent la mthode philosophique la douceur et l'abondance de l'locutiou. Disons-le toutefois : le systmeque suiventles pripatticiens et les acadmiciens, dans l'exposition de leurs ides, n'est pas capable de former un seul orateur parfait, quoiqu'on ne puisse sans son secours arriver la perfection. Car si le langage des Stociens est trop serr et trop concis pour faire impression sur une assemble, la manire de ces philosophes est un peu trop lche et trop diffuse pour la tribuneet le barreau, Qui jamais a dploy dans son style plus de richesse que Platon ? Si Jupiter parlait grec, disent les philosophes, il parlerait comme ce grand homme. Quel crivain fut plus nerveux qu'Aristote, plus doux que Thophraste? On dit que Dmosthne lisait souvent Platon ; il l'avait mme entendu. On le reconnat au

BRUTUS. 127 se exercuitque moreeorum. et s'est exerc d'aprs la mthoded'eux. si Que si tout Quod omnia devait-tre emprunt essent etenda p aux philosophes, a philosophis, oratiofingeretur l'loquenceserait faonne institutis commodius plus-convenablement ar ls principes p des pripatticiens. peripateticorum. Par l j'approuve plus, Brutus, Quo probomagis, Brute, ta manire-de-voir, luiim judicinm, toi-qui as embrassla secte quiseeutuses sectam de ces philosophes oornm philosophorum ;idest,exvetereacademia), (c'est--dire, de l'ancienne acadmie), dans la doctrinedesquels in doctrinaquorum et l'enseignementdesquels atqne prajceptis la mthodede-discussion ratiodisserendi s'allie uonjungitur cura avec la douceur du langage suavitatedicendi et l'abondance. et copia. Quanquamea consuetudo Cependantcette habitude des pripatticiens peripateticorum et des acadmiciens academicorumque inratione dans la manire de parler dicendi, esttalis, est de-tellenature, utnecpossitipsaper sese que elle ne peut par elle-mme former tin orateur-pnrfait, oratorem, perficere necoratoresseperfectus ni l'orateur ne peuttre parfait sine ea. sans elle. Nam oratio Stoicorum Car commele langage des Stociens ut estadstrictior, est plus-serr, contractior, et un peu plus-concis, aliquantoque aures populi quam que lesoreilles du peuple le demandent; requirunt ; sicillorumliberior de mme le langaged'eux est plus libre et plus diffus, etlatior, quam patitur consuetudo que le permetl'usage et des tribunaux et du barreau. judiciorum fori. e Quis nimuberior Platone Car qui fut plus abondant que Platon in dicendo? en parlant? aiunt Les philosophes disent Philosopha Jovem loqui sic, Jupiter parler ainsi, si loquaturgrace. s'il parlait-en-grec. Quis nervosiorAristotele, Qui fut plus nerveuxqu'Aristote, dulcior Theophrasto? plus doux queThophraste? Domosthenes dicitur Dmosthneest dit lectitavisse Platonem avoir-lu-souventPlaton audivisseetiam; avec soin, l'avoir entendu mme; studiose, idque et cela se reconnat apparet

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et granditate verborum : dicit etiam in quadam epistola hoc ipse de sese. Sed et hujus oratio in philosophiam translata, pugnacior (ut ita dicam) videtur, et illorum in judicia, pacatior. XXXII. Nunc reliquorum oratorum esttes, si placet, et gradus persequamur. Nobis vero, inquit Atticus, et vehementer quidem, ut pro Bruto etiam respondeam. Gurio fuit igitur ejusdem setatis fere, sane illustris orator, cujus de ingenio ex orationibus ejus existimari potest. Sunt enim et alise, el pro Ser. Fulvio, de inctstu, nobilis oratio. Nobis quidem pueris, omnium optima putabatur, quse vis jam comparet in hac turba novorum voluminum. Pi'33clare, inquit Brutus, teneo, qui islam turbam voluminum effecerit. Et ego, inquam, inteliigo, Brute, quem ricas; certe enim et boni aliquid attulimus juventuti, magnificentius, quam fuerat, genus dicendi, et ornatius; et nocuimus fortasse, quod veteres orationes post nostras, non choix et la noblessede ses expressions, et il le dit lui-mmeformellementdans une lettre. Mais son loquence,transporte dans la philosophie,paratrait, si j'ose ainsi parler, trop belliqueuse,et celle de Platon serait trop pacifiquedevant un tribunal. XXXII. Continuons, si vous le dsirez, de passer en revue les autres orateurs, suivant l'ordre des temps et leurs degrs de mrite. Certes, dit Atticus, nous le dsirons vivement, car je rponds ici pour Brutus et pour moi. -Eh bien! repris-je,presque la mme poque, brilla Curion dont on peut apprcier le talent par les discours qu'il a laisss.Le plus clbrede tous est celui qu'il pronona pour Serv. Fulvius, de inceslu. Dans notre enfance, ce plaidoyer passait pour le chef-d'oeuvrede l'loquence; aujourd'hui on le remarque peine dans la foule des ouvragesqui ont paru depuis. Je sais fort bien, dit Brutus, de qui nous vient cette foulede nouvelles productions. Et moi, rpliquai-je, j'entends fort bien qui vous voulez dsigner. Il est vrai que j'ai fait quelque bien la et jeunesse, en donnant l'exemple d'une locution plus pompeuse plus orne; mais je lui ai peut-tre fait tort en ce que, depuis qu'on a mes discours, le plus grand nombre ne lit plus ceux des anciens;

BRUTUS. 129 au choix desmots ex gnreverhorum et leur noblesse : : et granditate dicitipse etiam hoc de sese il dit lui-mmecela de soi dans certainelettre. in quadamepistola. Maiset l'loquence celui-ci, de Sedet oratiohujus, translatain philosophiam, transportedansla philosophie, sembletrop-belliqueuse videturpugnacior (pourainsi parler), (ut ita dicam), et cellede ceux-l, dans les tribunaux, et illorumin judicia, semblerop pacifique. t pacatior. XXXII. Nunc persequa- XXXII. Maintenantcontinuons, si placet, [mur, si tu veux,et les les poques oetatest gradus e degrs(dmrite) desautresorateurs. reliquorumoratorum. Celaplat nousen vrit, Nobisvero, dit Atticus, inquitAtticus, et vivement ertes, etvehementer c quidem, etiam pour queje rpondeaussi utrespondeam pour Brutus. proBruto. Ainsi-doncCurionfut Igitur Curio fuit fereejnsdemastatis, presquede la mmepoque, oratorsane illustris, orateur assurmentillustre, du talent duquel deingeniocujus on peutjuger e potest xistimari ex orationibus d'aprs les discoursde lui. ejus. Suntenimet alise, Car il y en a et d'autres, et orationobilisde incestu et un discoursfameuxdeincestu pro Ser. Fulvio. pour Ser. Fulvius. Nobisquidempueris Nous du moins enfants putabaturoptima omnium, il passait-pourle meilleurde tous, v quffi ix coinparetjam lui-qui -peine apparat maintenant in bacturba dans cettefoule de volumesnouveaux. voluminum novorum. Teneoproeclare, Je sais fort bien, dit Brutus, inquitBrutus, quieffecerit qui a produit istamturbam voluminum. cette foulede volumes. Et ego intolligo, Brute, Moi aussi je comprends,Brutus, inquam,quemdicas; dis-je, qui tu veux dire; certeenim et attulimus certeseu effet et nous avons apport la jeunessequelquechosede bon, juventuiialiquid boni, -savoir manirede parler une genusdicendi e e magnificentiust ornatius, pius-pompeuse t plus-orne quamfuerat; qu'ellen'avait t; et nocuimusortasse, et nous lui avons nui peut-tre, f quod veteresorationes parceque lesanciensdiscours desitse t legipostnostras, ont cessd'tre lus aprs les ntres, Sun 9 BRUTUS

BRUTUS. 130 a me quidem (meis enim illas antepono), sed a plerisque legi sunt desitas. Enumera, inquit, me in plerisque : quanquam video mihi multa legenda jam te auctore, qua; antea contemnebam. Atqui hoec, inquam, de incestu laudata oratio, puerilis est locis multis : de amore, de tormentis, de rumore, loci sane inanes ; verumtamen, nondum tritis nostrorum hominum auribus, nec erudita civitate, tolerabiles. Scripsit etiam alia nonnulla, et multa dixit, et illustria, et in numro patronorum fuit : ut eum mirer, quum et vita suppeditavisset, et splendor ei non defuisset, consulem non fuisse. XXXIII. Sed ecce in manibus vir, et praestantissimo ingenio, et flagranti studio, et doctus a puero, C. Gracchus. Noli enim putare quemquara, Brute, pleniorem et uberiorem ad dicendum fuisse. Et ille, Sic prorsus, inquit, existimo; atque istum de superioribus poene solum lego. non pas moi, cependant,car je les mets bien au-dessusdes miens. Comptez-moi, eprit Brutus, dans le grand nombre. Au reste,je r vois prsentque je dois lire, sur votre parole, bien des ouvrages dont j'ai fait peu de cas jusqu'ici. Quoi qu'il en soit, dis-je mon tour, ce discours si vant de Curion est puril en beaucoup d'endroits: ce que l'orateur dit de l'amour, de la torture, des bruits publics, n'est qu'une suite de frivoles lieux communs,supportables toutefois dans un ^tempso le got, moins dlicat, n'avait pas encore pur l'oreille des Romains. Curion a laiss quelquesautres crits. Il parla souvent, et fut un des plus clbresavocatsde son temps. Aussije m'tonne qu'ayant fourni une carrire assezlongue et assezbrillante, il n'ait jamais t consul. XXXIII. Maisvoicienfin un homme dou du plus beau gnie; passionnpour l'tude, et form ds l'enfance par de savantesleons; c'estC.Gracchus.Gardez-vousde croire, Brutus, quepersonne ait eu jamais une loquenceplus riche et plus abondante. C'est aussi l'opinion que j'ai de lui, rpondit Brutus, et il est presque le seul des anciens que je lise. Lisez-le,repris-je, mon cher Bru-

131 BRUTUS. non par moidu moins non a me quidem enim illasmeis), (carje prfreeux aux miens), (antepono mais par le grand nombre. seda plerisque. m dans le grand nombre, Enumera ein plerisque, Compte-moi dit-il, bien queje voie inquit,quanquamvideo devoir-trelus par multalegendamihi beaucoup-d'ouorages dsormaissur ta parole, [moi jam te auctore, antea. que je mprisaisauparavant. contemnebam quoe Atqui hsecoratio lau Cependant discoursvant ce deincestu,inquam, [data Deincestu, dis-je, est puril en beaucoupd'endroits; estpuerilismultisloeis; sur locide amore,de tormeutis, lespassages l'amour,sur la torture, de rumore,sane inanes; sur le bruit-public, sontcertesfrivoles verumtamenolerabiles, mais toutefois t supportables, auribus les oreilles de nos concitoyens nostrorum hominum noudum n'tant pas encore exerces, tritis, neccivitateerudita. et la citn'tant pas instruite. autres ouvrages, etiamnonnullaalia, Il a crit aussiquelques Scripsit etdixitmulta, et il a dit beaucoupde choses et illustria, et clbres, et fuitin numro et a t compt-au-nombre des avocats, patronorum ; nt mirereum de 6ortequeje m'tonnelui nonfuisseconsulem, n'avoir pas t consul, quumet vita quand et la vie lui avait-t-donneongue, suppeditavisset, l et splendor et quel'clat nondefuisset i. e n'avait pasmanqu lui. XXXIII.Sedecce XXXIII. Mais voici inmanibus vir, -notre-porteun homme ingenio rsestantssimo, du gniele plus beau, p et studioiiagranti, ardent et d'un-got-pour-1'tude et doctusa puero, et instruit ds l'enfance, C. Gracchus. C. Gracchus. Noli nimputare e En effetneva pas croire quemquam, Brute, fuisse personne,Brutus, avoir t et pleniorem uberiorem plus abondantet plus riche addicendum. pour parler. - Et ille, Et lui, Sicexistimoprorsus, Ainsije pensetout--fait, dit-il ; ; inquit et je lis lui atque istum lego pane solum presqueseul desuperioribus. parmi lesanciens. Imocenseo Bien plus je suis d'avis, plane, inquam, rute, legas. B dis-je, Brutus, que tu leliso.

BRUTUS. 132 Imo plane, mquam, Brute, legas censeo. Damnum enim illius immature interitu res romanas latinasque litteroe fecerunt. TJtinamnon tam fratri pietatem, quam patriae, proestarc voluisset! quam ille facile taii ingenio, diutius si vixisset, vel paternam esset, vel avitam gloriam consecutus ! Eloquentia quidem nescio an habuisset parem neminem. Grandis est verbis, sapiens sententiis, gnre toto gravis : manus extrema non accessit operibus ejus ; praeclare inchoata multa, perfecta non plane. Legendus, inquam, est hic orator, Brute, si quisquam alius, juventuti : non enim solum acuere, sed etiam alere ingenium potest. Huic successit oetati C. Galba, Servii illius eloquentissimi viri filius, P. Grassi eloquentis et jurisperiti gner. Laudabant hune patres nostri, favebant etiam propter patris memoriam; sed cecidit in cursu. Nam rogatione Mamilia, Juurthinas conjurationis invidia, quum pro sese ipse dixisset, oppressus est. Exstat ejus peroratio, qui epilogus dicitur: qui tanto in honore, pueris nobis, erat, ut eum etiam ediscetus, lisez-le sans cesse.Sa mort prmature fut une perte pour la rpublique romaine et pour les lettres latines. Pourquoi fallait-il qu'il aimt son frre plus que sa patrie? qu'il et t facile un tel gnie, s'il et vcu plus longtemps,d'galer la gloire de son pre ou celle de son aeul! Peut-tre qu'en loquence il n'et jamais trouvpersonne qui l'galt lui-mme.Ses expressions sont nobles, ses penses solides, l'ensemble de sa compositionimposant.Il n'a pu mettre la derniremain ses ouvrages. Plusieurs sont d'admirables bauches,qui seraientdevenusdes chefs-d'oeuvre. ui, BruO tus, si un orateur mrite d'trelu par la jeunesse,c'estC. Gracchus. La lecture de ses discoursp >uttout la fois aiguiserl'esprit et fconder l'imagination. Aprslui vient dans l'ordre des tempsC. Galba, fils de l'loquent Servius,et gendre de P. Crassus,orateur et jurisconsulte.Nospres estimaientson talent; ils s'intressaientmme ses succs,en mmoire de celui dont il tenait le jour; mais il fit naufrage loin du port. Accus d'aprs la loi du tribun Mamiliuscontreles complices deJugurtha, il se dfenditlui-mme, et fut immol la haine du peuple. Nous avons sa proraisonconnue sous le nom d'pilogue.

Resenimromans l litteroequeatinse feceruntdamnum interituimmaturoillius. Dtinamvoluissetprsestare non pietatem lam fratri, quampatrire! Quamfaciletali ingenio illeessetconsecutus, si vixissetdiutius, gloriamvel paternara, velavitam! Nescioan habuisset neminem parem eloquentia quidem. Est grandisverbis, sententiis, sapiens gravisgnretoto : manus extremanon accessit operibus jus; e multainchoataproeelare, nonperfectaplane. Hicorator, inquam, Brute, e legendus stjuventuti, si quisquamalius : e potest nim nonsolumacuere, sedetiamalere ingenium. Huicsstati successit C. Galba, filiusillius Servii, viri eloquentissimi, gnerP. Crassi, e eloquentis t jurisperiti. Nostripatres laudabanthune, favebaut tiam, e propter memoriam patris; sedceciditin cursu. NamrogationeMamilia e oppressusst invidia oonjurationisJugurthinoe, quumdixissotipse pro sese. Peroratioejus exstat, qui dicitur epilogus: quierat in tanto honore, nobispueris,

BRUTUS. 133 Carla rpublique romaine et les lettreslatines ont fait une perte par la mort prmaturede celui-ci. Plt-au-cielqu'il et voulu montrer de l'affectionnon-pas tant son frre) qu' sa patrie! Combienaismentavec un tel gnie il aurait acquis, s'il avait vcu plus longtemps, la gloire de son pre, ou deson aeul! Je ne sais pas s'il aurait eu personnegal pour l'loquencedu moins. Il est noble par les expressions, judicieuxpar les penses, imposantpar l'ensembletout-entier: la derniremain n'a-pas-t mise aux oeuvresde celui-ci; beaucoup sont bauchesbien, non acheves entirement. Cetorateur, dis-je, Brutus, doit tre lu par la jeunesse, plus que tout autre: il peut en effet non-seulementaiguiser, mais encorenourrir l'esprit. A ce siclesuccda C Galba, fils de ce Servius, homme trs-loquent, gendre de P. Crassus, hommeloquentet vers-dans-le-droit. Nos pres louaient celui-ci, ils le favorisaientmme, eu mmoirede son pre; mais il fit-naufrage dans le trajet. Car d'aprs la loi Mamilia il fut crassousl'odieux des complices Jugurtha, de aprs-queileut parllui-mmepoursoi. La proraison de lui subsiste, qui est appelepilogue: tait en si grand honneur cet-pilogue nous tant enfants,

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remus. Hic, qui in collegio sacerdotum esset, primus post Romam conditam judicio publico est condemnatus. XXXIV. P. Scipio, qui est in consulatu mortuus, non multum ille quidem, nec saspe dicebat, sed et latine loquendo cuivis erat par, et omnes sale facetiisque superabat. Ejus collega L. Bestia bonis initiis orsus tribunatus (nam P. Popilium vi G. Gracchi expulsum sua rogatione restituit), vir et acer, et non indisertus, tristes exitus habuit consulatus. Nam invidiosa lege Mamilia [quaestio] C. Galbam sacerdotem, et quatuor consulares, L. Bestiam, C. Catonem, Sp. Albinum, civemque prasstantissimum L. Opimium, Gracchi interfectorem, a populo absolutum, quum is contra populi studium stetisset, Gracchani judices sustulerunt. Hujus dissimilis in tribunatu, reliquaque omni vita, civis improbu6 C. Licinius Nerva non indisertus fuit. G. Fimbria temporibus iisdem fere, sed longius aetate nroveclus Elle tait si estimedansnotre enfance, qu'on nous la faisait apprendre par coeur.C'est le premier membred'un collge de prtres qui, depuisla fondation de Rome, ait t condamndans une causepublique. XXXIV. P. Scipion, qui mourut consul, tait peu disert, et ne parlait pas souvent; mais il ne le cdait personne pour la puret du langage, et il n'avait pas de rival pour la finesseet la plaisanterie. Son collgue, L. Bestia, tait un homme ardent et qui n'ignorait pas l'art demanier la parole. Dans son tribunat il rendit la patrie Popilius, que la violence de C. Gracchusen avait arrach: heureux dbut, cruellementdmenti par l'issue malheureusede ton consulat. En effet, des arrts dicts par la haine frapprent, au nom de la loi Mamilia, un homme revtu du sacerdoce,C. Galba, quatre consulaires,L. Bestia, C. Caton, Sp. Albinus, et enfinL. Opimius, ce grand citoyen qui donna la mort Gracchus, et qui, absous par le peuple dont il avait t l'adversaire, fut condamn par les juges que Gracchusavait faits. Un hommebien diffrentde Bestiaiiansson tribunat et dans tout le reste de sa vie, C. Licinius Nerva fut mauvais citoyenet assezbon orateur. C. Fimbria, qui vcutcette poque,

BRUTUS. 135 e ut edisceremus tiam eum. quenousapprenions-par oeur melui. c m Le premier, Primus, depuis Romefonde, postRomamconditam, qui ft dansun collge qui essetin collegio de prtres, sacerdotum, est celui-ci fut condamn hic oondemnatus par un jugement public. judieiopublico. XXXIV.P. Scipio, XXXIV. P. Scipion, qui mourut quirnortuusest in consulatu, pendant son consulat ne parlait pas beaucoup nondicebatmultnm lui du-moins, ni souvent, illequidem,nec sape, jed et erat par cuivis mais et il tait gal n'importe-qui en parlant latin, latine, loquendo et il surpassait tout-le-monde et superabatmnes saleet facetis. par la finesseet les plaisanteries. Son collgueL. Bestia EjuseollegaL. Bestia, orsusbonisinitiisribunatus ayant-bien dbutdans son tribunat t (namrestituitsua rogatione (car il rintgrapar sa proposition P. Popilium L. Popilius vi expulsum C. Gracchi), chass par la violencede C. Gracohus), viret acer, homme et ardent, etnon indisertus, et non sans-loquence, habuitexitus tristes eut une issue malheureuse consuiatus. de sonconsulat. Namlege Mamilia Car d'aprs la loi Mamilia une enqutedicte-parla haine, invidiosa (qnaestio) C (sustulit) . Galbam, fit-disparatreC, Galba, sacerdotem, prtre, et quatuorconsulares, et quatre consulaires, L. Bestiam, . Catonem, L. Bestia,C. Caton, C Sp.Albinum; Sp. Albinus; et les juges faits-par-Graccbus judicesqueGracchani sustulerunt . Opimium, condamnrentL. Opimius, L civem praestantissimum, citoyenminent, interfectorem meurtrier de Gracchus, Gracchi, absolutum populo, a absouspar le peuple, quumis stetisset aprs-quecelui-ci avait tenubon contrastudium populi. contre la volontdu peuple. Dissimilis Diffrentde celui-ci hujus in tribunatu, dans son tribunat, et dans tout le reste de sa vie, omuiquceliqua vita, r C. Licinius,civisjmprobus, C. Licinius, citoyenpervers, nonfuit indisertus. ne fut pas dpourvu-d'cloquence, C, Fimbria C. Fimbria feraiisdemtemporibus, presque la mme poque, a sedlongius proveotus etate, mais beaucoup-plus vancen ge, o

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habitus est sane (ut ita dicam) truculentus patronus, asper, maledicus, gnre toto paullo fervidior, atque commotior, diligentia tamen, et virtute animi, atque vita, bonus auctor in senatu. Idem tolerabilis patronus, nec rudis in jure civili, et quum virtute, tum etiam ipso orationis gnre liber : cujus orationes pueri legebamus, quas jam reperire vix possumus. Atque etiam ingenio, et sermone eleganti, valetudine incommoda, C. Sextius Galvinus fuit; qui etsi, quum remiserant dolores pedum, non deerat in causis, tamen id non saepe faciebat. Itaque consilio ejus, quum volebant, homines utebantur ; patrocinio, quum licebat. Iisdem temporibus M. Brutus, in quo magnum fuit, Brute, dedecus generi vestro, qui, quum tanto nomine esset, patremque optimum virum habuisset et juris peritissimum, accusationem factita verit, ut Athenis Lycurgus : is magistratus non petivit, sed fuit accusator vehemens, et molestus, ut facile cerneres namais beaucoup plus longtemps, passa, il faut le dire, pour un avocat brusque, de mauvaise humeur. Il tait mordant, satirique et en gnral trop passionn et trop vhment ; toutefois son zle, ses moeurs, et l'nergie de son caractre, lui donnaient de l'autorit dans le snat. Du reste, il plaidait avec quelque succs, connaissait le droit civil, et portait dans ses discours toute l'indpendance de sa vertu. Nous les lisions dans notre enfance ; on aurait peine les trouver aujourd'hui. Aveo de la grce dans,l'esprit et dans le langage, Sext. Calvinus eut une sant des plus mauvaises. Quand la goutte lui laissait quelque relche, il ne refusait point une cause; mais cela n'arrivait pus souvent. Aussi prtait-il le secours de ses lumires toutes les fois qu'on le voulait ; celui de sa voix, toutes les fois qu'il le pouvait. A la mme poque vivait M. Brutus, dont la conduite fut un affront pour votre famille. Sans respect pour le nom qu'il portait, ni pour les vertus d'un pre, excellent citoyen et grand jurisconsulte, il se fit, commel'Athnien Lycurgue, nn mtier de l'accusation. Il nedemanda point les magistratures, mais ce fut un accusateur violent et redout. Il tait facile de voir qu'une perversit rflchieavait touff

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habitusest sane passa-pour-tre assurment (pourainsi parler) (utita dicam) un avocatbrutal, t patronusruculentus, rude, mdisant, asper,maledicus, un peu trop-passionn paullofervidior en gnral, totognre. et trop-vhment; ; atquecommotior bonne autorit nanmoins bonustamen auctor dans le snat in senatu e diligentia, t virtute animi, par le zle et par la force de l'esprit, et par les moeurs. vita. atque Idem patronustolerabilis, Le mmefut un avocatsupportable, .ni ignorant dans le droit civil, necrudisin jurecivili, et libre non-seulement ar sa vertu, etliberquum virtute, p mais encore tumetiam gnre orationis ipso par le genre mmede son loquence. Nous lisionsdans-notre-enfance Legebamus pueri orationes les discours de celui-ci, cujus, quaspossumusvix lesquels-nouspouvons-peine dsormaistrouver. jam reperire. C. Sextius Calvinus C. Sextius Calvinus fuitvaletudineincommoda, fut d'une sant mauvaise, etiam ingenio et aussi d'un esprit atque etsermone et d'un langage gracieux ; eleganti; etsiqui non deerat causis, bien-qu'il ne refust pas des causes, quumdolorespedum quand les douleursaux pieds lui avaient-laiss-du-relche, remiserant, tamen faciebatssepeid. cependantil nefaisait pas souventcela. non homines utebantur C'est pourquoi on usait Itaque des conseilsde lui, consilioejus, quumvolebant; quand ou voulait; patrociuio, quum licebat. desonloquence,quandf/tait-possible. Iisdem A la mmepoque temporibus M.Brutus," M. Brutus, in quomagnumdedecus eu qui une grande honte fuitvestrogeneri, Brute, fut voire famille, Brutus, qui,quumesset qui, quand il portait nomine un nom si iirand, tanto, et avait eu pour pre habuissetque patrem virumoptimum, uu hommeexcellent et trs-habile daus le droit, peritissimumque juris, faetitaverit ccusatiouem, fit mtier d'accusation, a ut LycurgusAthenis: commeLycurgue Athnes: is non petivit magistratus, il ne brigua pas les charges, sedluit accusator mais fut un accusateur veliemens molestus, et violentet redout, nt cerueresfacile eu-sorte-que tu aurais vu facilement

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turale quoddam stirpis bonum degeneravisse vitio depravatee voluntatis. Atque eodem tempore accusator de plbe L. Coesulenus fuit, quem ego audivi jam senem, quum ab L. Sabellio multam lege Aquilia de injuria petivisset. Non fecissem hominis paene infimi mentionem, nisi judicarem. qui suspiciosius aut criminosius diceret, audivisse me neminem. XXXV. Doctus etiam Grascis T. Albucius, vel potius, pasne Groecus ; loquor, ut opinor; sed licet ex orationibus judicare. Fuit autem Athenis adolescens ; perfectus Epicureus evaserat, minime aptum ad dicendum genus. Jam Q. Catulus, non antiquo illo more, sed hoc nostro (nisi quid fieri potest perfectius) eruditus : multas litterae, summa non vitoe solum atque naturas, sed orationis etiam comitas; incorrupta quasdam latini sermonis integritas; quae perspici quum ex orationibus ejus potest, tum facillime ex eo libro, quem de consulatu et de rbus gestis suis conscriptum en lui le germe des vertus hrditaires. Le plbien Csulnus fut un autre accusateur du mme temps. Je l'ai entendu dans sa vieillesse, lorsqu'il poursuivait Sabellius en rparation de dommages aux termes de la loi Aquilia. Si j'ai fait mention d'un homme auss' obscur, c'est qu' mon avis je n'ai jamais entendu personne qui st avec plus d'adresse noircir les intentions et supposer des crimes. XXXV. T. Albuciustait instruit dans les lettres grecques, ou plutt il tait presque Grec lui-mme : telle est du moins mon opinion; on peut au reste en juger par ses discours. Athnes fut le sjour de sa jeunesse ; il en 6ortit picurien achev: or, l'cole d'Epicure ne forme pas d'orateurs. Q. Catulus tait savant, non la manire des anciens, mais la ntre, ou s'il en est une meilleure, la sienne.Il avait beaucoup de littrature, une grande douceur de langage aussi bien que de moeurs et de caractre, enfin une diction pure et que ne dparait aucune tache. Cette prcieuse qualit se reconnat dans ses discours, et surtout dans l'histoire de son consulat et de ses actionB,

BRUTUS. 139 certain avantage de race bonum stirpis quoddam naturale donn-par-la-nature vitio avoir dgnrpar le vice degeneravisse d'une volont dprave. voluntatis epravatoe. d Et la mme poque Atqueeodemtempore d L. Cesulnusde-uaissance-plbienne L. Csesulenus e plbe fut un autre accusateur. fuit accusator. Egoaudiviquemjam senem J'ai entendu celui-ci dj vieux, lorsqu'il avait demand une amende quumpetivissetmultam L. Sabellius abL. Sabellio aux-termes-de-la-loi Aquilia. legeAquilia. mentionem Je n'aurais pas fait mention Nonfecissem d'un homme presqueinfime, hominis paeneinfimi, si je ne jugeais pas nisijudicarem meaudivisse neminem moi avoir entendu personne quidiceret qui parlt suspiciosius, plus-en-levantdes soupons, autcriminosius. on plus-en-supposant-descrimes. T XXXV. . Albucius XXXV. T. Albucius etiamdoctus Groecis, tait aussi instruit en grec velpotiuspmeGroeous : ou plutt presqueGrec: loquor,ut opinor; je dis, commeje pense ; sedlieet udicare mais il-est-permis d'en juger j exorationibus. par sesdiscours. FuitantemAthenis Or il vcut Athnes adolescens ; ; [tus, pendant-sa-jeunesse evaseratEpicureus perfec- il tait devenupicurienaccompli, secte nullement apte genusminimeaptum ad dicendum. parler. JamQ. Catulus eruditus, Et puis Q. Catulus instruit, nonillo more antiquo, non cette manire antique, sedhoc nostro ; mais cette-manire ntre; (nisiquid perfectius ( moins que quelquechoseplus-parfait potestiieri): puisseexister): multa; itteroe, l beaucoup de littrature, summa omitas une trs-grande douceur c nonsolum vitse non-seulementde moeurs et de caractre, atquenaturse, sedetiam orationis; mais encorede langage; certaine puret quasdam integritas sans mlange incorrupta sermonisatini ; l de diction latine ; quajpotestperspici laquellepeut tre aperue quumex orationibus ejus, non-seulement par les discours de lui, tumfacillimeexeo libro, mais trs-facilement par ce livre, quem,conscriptum lequel, crit de eonsulatu sur ion consulat

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molli et Xenophonteo gnre sermonis, misit ad A. Furium poetam, familiarem suum : qui liber nihilo notior est quam illi trs, de quibus ante dixi, Scauri libri. Tum Brutus, Mihi quidem nec iste notus est, nec illi sed haec mea culpa est; nunquam enim in manus inciderunt, Nunc autem et a te sumam, et conquiram ista posthac curiosius. Fuit igitur in Gatulo sermo latinus ; quas laus dicendi non mediocris ab oratoribus plerisque neglecta est : nam de sono vocis, et suavitate appellandarum litterarum, quoniam filium cognovisti, noli exspectare quid dicam. Quanquam filius quidem non fuit in oratorum numro, sed non deerat ei tamen in sententia dicenda quum prudentia, tum elegans quoddam et eruditum orationis genus. Nec habitus est tamen pater ipse Catulus princeps in numro patronorum ; sed erat talis, ut, quum quosdam audires, qui tum erant proestantes, videretur esse inferior; quum aut^m ipsum audires sine comparatione, non modo contentus esses, sed melius non crite avec une grce digne de Xnophon, et ddieau po'teFuriiis son ami. Cet ouvrage n'est pas plus connu que les trois livresde Scaurus dont j'ai dj parl. J'avoue, dit Brutus, que je ne connais pas plus ces ouvrage l'un que l'autre, mais c'est ma faute : il est vrai qu'ils ne me sont jamais tombs entre les mains. A prsent je vous prierai de mele* prter, et de mon ct je rechercherai plus curieusement cesancien' ns productions. Catulus, repris-je, parlait donc avec une admirable puret, mrite plus grand qu'on ne pense, et que la plupart des orateur' ngligent beaucoup trop. Je ne dirai rien du son de sa voix et du charme de sa prononciation, puisque vous avez connu son fils. Ce fils ne fut pas compt au nombre des orateurs ; mais il ne manquait ni de lumires pour opiner dans le snat, ni d'lgance et de goil pour dvelopperson opinion. Le pre lui-mme ne tenait pas le premier rang parmi les avocats clbres. Quand on entendait ceuxqui rgnaient alors au barreau, il paraissait leur tre infrieur; maisquano on l'entendait lui-mmeet sans lecomparer d'autres, on tait satisfait;

et de suis rbus sermonismolli gnre et Xenophonteo, misitadpoetarnA. Furium, familiarem : suum quiliber est nihilo notior, quamilli trs libri Scauri, dequibusdixi ante. Tum Brutus, Nec iste estnotusmihi quidem, necilli ; sedhac culpa est mea; enim nunquam i incideruntn manus. Nuncautem etsumama te, et conqniram ista curiosiusosthac. p Igitur sermolatinus fuitin Catulo; laus qufe dicendi nonmediocris e neglectast a plerisque oratoribus. Nam exspectare noli dicamdesono vocis, quid etsuavitate litterarum appellandarum, quoniam cognovistifilium. filius quidem Quanquam nonfuit innumrooratorum, sedquumprudentia insententiadicenda, [nis tumquoddamgenus oratioe elegans t eruditum nondeerattamen ei. Necpaterpse Catulus i habitus est tamen princeps in numropatronorum; sederat talis ut videreturesse inferior, quumaudiresquosquam quierant tum proestantes ; quumautem audires ipsum sinecomparatione,

141 BRUTUS. et sur ses actions dans un genre de style gracieux et -la-faon de Xnophou, il adressaau pote A. Furius, sonami : celivre n'est en-rien plus connu, que ces trois livres de Scaurus, dont j'ai parl auparavant. Alors Brutus, ni ce livre-ci n'est connu de moi du moins, ni ceux-l ; mais cette faute est mienne; car jamais ils ne sont tombs entre mesmains. Mais maintenant je les emprunterai toi, et je m'enquerrai deces ouvrages avec-plus-de-curiosit l'avenir. Ainsi doncla langue latine fut dans Catulus, ce mritede la diction qui nfest pas sans-importance a t nglig par la plupart des orateurs. Car ne veuille pas attendre ce queje dirai du sonde sa voix, et dela douceur deslettres devant-tre-prononces, puisque tu as connu son fils. Bien que sonfilscertes ne ft pas au nombre des orateurs, mais non-seulementles lumires pour sonavis devant- tre-exprim, mais-encoreun genre de langage lgant et soign ne manquait pourtant pas lui. Et le pre lui-mmeCatulus ne fut pas regard pourtant commele premier au nombredes orateurs; mais il tait tel qu'il paraissait tre infrieur, quand tu entendaiscertains hommes, qui taient alors minents; mais quand tu l'entendais lui-mme sans comparaison,

BRUTUS. quaereres. Q. Metellus Numidicus, et ejus collega M. Silanus, dicebant de republica quod esset illis viris et consulari dignitati satis. M. Aurelius Scaurus non saepe dicebat, sed polite; latine vero in primis est eleganter locutus. Quae laus eadem in A. Albino bene loquendi fuit. Nam flamen Albinus etiam in numro est habitus disertorum. Q. etiam Caspio, vir acer et fortis, cui fortuna belli crimini, invidia populi calamitati fuit. XXXVI. Tum etiam C. et L. Memmii fuerunt oratores mdiocres, accusatores acres atque acerbi : itaque in judicium capitis multos vocaverunt, pro reis non saepe dixerunt. Sp. Thorius satis valuit in populari gnre dicendi, is, qui agrum publicum, vitiosa et inutili lege, vectigali levavit. M. Marcellus, iEserninipater, non ille quidem in patronis, sed et in promptis tamen et non inexercitatis ad dicendum, fuit; ut filius ejus, P. Lentulus. L. etiam Gotta, prastorius, in mej42 je dis plus, on ne voyait rien de mieux dsirer. Q. Metellus Numidicus, et son collgue M. Silanus, russirent assez dans l'loquencepolitique pour soutenir un grand nom et la dignit consulaire. M. Aurelius Scaurus parlait rarement, mais avec got ; il se distingua surtout par l'lgance et la puret de sa diction. A. Albinus eut, comme lui, le mrite d'une correction parfaite. Quant au ilamine Albinos, il tenait son rang parmi les orateurs aussi bien que Q. Cpion,homme plein de vigueur et de fermet, qui fut accus des torts de la fortune, et victime de la haine du peuple. XXXVI. Alors vivaient aussi Cet L. Memmius,orateurs mdiocre, accusateurs ardents et passionns. Ils appelrent en jugement beaucoup de citoyens ; ils en dfendirent trs-peu. Sp. Thorius fut un orateur populaire assez en crdit. C'est lui qui, par une loi aussi mauvaisequ'inutile, dchargea d'impts les terres du domaine public. M. Marcellus, pre d'Eserninus, ne compta point parmi les avocats, Il avait cependant, ainsi que P. Lentulus, son fils, cette facilit que donne l'habitude de la parole. L. Cotta, qui fut prteur, tait encore

BRUTUS. 143 t nonmodoessescontentus, non-seulementu tais satisfait, melius. maistu ne cherchais pas mieux sednon quoereres N Q. Metellusle-Numidique, Q. Metellus umidicus, et Silanuscollguede lui, et Silauuscollegaejus, disaientsur les-affaires-publiques de dicebant republica ce qui tait suffisantpour ces hommes quodessetsatisillis viris consulari. et pour la dignit consulaire. et dignitati M.AureliusScaurus Seaurus M. Aurelius ne parlait pas souvent, nondicebatssepe, mais avec lgance sedpolite ; ; v mais il parla latin locutus eroest latine in avec-lgancearmi les premiers. p eleganter primis. laus Ce mmemrite e Quai adem bene de parler bien dicendi fut dans A. Albinus. fuitin A. Albino. flamenAlbinus etiam Car le flamineAlbinus aussi Nam e fut comptau nombre habitus st in numro disertorum. des hommes-loquents. etiam, Q. Cpiongalement, Q. Csepio viraceret fortis, hommevhmentet courageux, oui ortunabelli f qui la fortune de la guerre fut tourne--crime, fuitcrimini, iuvidia opuli qui la haine du peuple p fuitcalamitati. fuit une-came-de-malheur.. XXXVI. um etiam T XXXVI.Alorsaussi fuerunt . et L. Memmii, vcurent C. et L. Memmius, C oratores orateursmdiocres, mdiocres, accusatores acres accusateursardents acerbi: et cruels : atque vocavernnt ultos iis citrentbeaucoup-de-gens m itaque injudicium en jugement-pourcrime-capital capitis; ; non dixeruntscepe ils ne plaidrentpas souvent proreis. pour desaccuss. T Sp. horiusvaluit satis Sp. Thoriuseut assezde crdit in gnre dicendipopulari, dans le genre oratoire populaire, isquilevavitvectigali lui qui dchargead'impt les terres du-domainepublic agrum publieum, vitiosaet inutili. lege par une loi mauvaiseet inutile. M. M. Marcellus, Marcellus, paterEsernini, i pre d'-fiserninus, nonfuit ille quidem ne fut pas lui du-moins inpatronis, au-nombredes avocats, sedtamenet in promptis maistoutefoisparmiles-gens-prts etnoninexercitatis et non peu-habitus addicendum parler; ; utP. Lentulus,filius ejus. commeP. Lentulus, le fils de lui. L. Cottaetiam, proetorius, L. Cotta aussi, ancien prteur,

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diocrlum oratorum numro, dicendi non ita multum laude processerat, sed de industria, quum verbis, tum etiam ipso sono quasi subrustico prosequebatur atque imitabatur antiquitatem. Atque ego et in hoc ipso Gotta, et in aliis pluribus, intelligo, me non ita disertos homines et retulisse in oratorum numerum, et relaturum. Est enim propositum colligere eos, qui hoc munere in civitate functi sint, ut tenerent oratorum locum : quorum quidem quae fuerit ascensio, et quam in omnibus rbus difficilis optimi perfectio atque absolutio, ex eo, quod dicam, existimari potest. Quam multi enim jam oratores commemorati sunt, et quam diu in eorum enumeratione versamur, quum tamen spisse, atque vix, ut dudum ad Demosthenem et Hyperidem, sicnunc ad Antonium Crassumque pervenimus? Nam ego sic existimo, hos oratores fuisse maximos, et in hisprimum cum Graecorum gloria latine dicendi copiam oequatam. un orateur mdiocre. S'il ne fut pas remarquable par son talent, il le fut par les expressionssurannes et l'accent un peu rustique qu'il affectait pour se donner une physionomieantique. Je dois, l'occasion de Cotta et de plusieurs autres, vous faireun aveu; c'est que j'ai mis et que je mettrai encore au nombre des orateurs des hommes qui avaient assez peu d'loquence. Mais je me suis propos de runir tous ceux qui ont exerc dans Romele noble ministre de la parole. Une simple rflexion fera sentir par queli degrs a pass ce grand art, et combienen tout genre il est difficile d'atteindre la perfection. Que d'orateurs j'ai dj cits ! que de temps pass cette rapide numration ! et cependant, c'est en nous sauvant -travers la foule que nous sommesarrivs chez les Greci Dmosthneet Hypride, et chez nous Crassus et Antoine ; car ce sont, mon avis, nos deux plus grands orateurs, et les premiers Romains qui aient lev l'loquence cette hauteur o l'avail porte le gnie de la Grce.

in numrooratorum mediocrium, non processeratita multum laudedicendi, sed prosequebatur atqueimitabatur de antiquitatem industria, quum verbis, tumetiamsono ipso quasisubrustico. Atqueego, et in hoc ipso Cotta, etin pluribus aliis, intelligome retulisse et relaturum in numerumoratorum hommesnon ita disertos. enim est Propositum eos colligere qui functi sint in civitate hoc munere uttenerentlocumoratorum ; potestexistimari exeoquoddicam, qusjfueritascensioquorum, etquamdifficilis in omnibusrbus perfectiotque absolutio a optimi. Quammulti enim oratores commemorati jam, snnt et quamdiu versamur inenumeratione eorum, quumtamen pervenimus spisse, tque vis, a nt dudum adDemosthenem et Hyperidem, sicnunc ad Antonium Crassumque. Namego existimosic, hos fuisse maximosoratores, et in his primum dicendilatine copiam cum ffiquatam gloria Groecorum. BRUTUS

BRUTUS. 145 au nombredes orateurs d'un-talent-mdiocre, ne s'tait pas avancfort loin par le mritede la parole, maisil poursuivait et il imitait l'antiquit de dessein-prmdit, non-seulementpar les expressions, mais encorepar l'accent lui-mme en-quelque-sorte un-peu-rustique. Et moi, et -proposde ce mmeCotta, et -proposde plusieursautres, je reconnaismoi avoir inscrit et devoir inscrire au nombredes orateurs des hommesassez peuloquents. Car je mesuispropos de runir ceux qui ont exercdans l'Etat ce ministre que ils tinssent la place d'orateurs; on peut juger d'aprs ce queje dirai, quel a t le progrs de ceux-ci, et combienestdifficile en toutes choses la perfectionet l'achvement de-ce-qu'il-y-a-de-meilleur. Car combiend'orateurs ont t cits dj, et combien longtempsnous-restons l'numrationde ceux-ci, quand cependant nous-sommes-arrivs -travers la foule, et avec-peine, commetantt Dmosthne et Hypride, de mmemaintenant Antoine et Crassus. Car pour-moije pense ainsi, eux avoir t les-plus-grandsorateurs, et en eux pour-la-premire-fois la facult de parler latin gale la gloire des Grecs. 10

BRUTUS. XXXVII. Omnia veniebant Antonio in mentem ; eaque suo quaeque loco, ubi plurimum proficere et valere possent, ut abimperatore quits, pedites, levis armatura, sic ab illo in maxime opportunis orationis partibus collocabantur. Erat memoria summa, nulla meditationis suspicio; imparatus semper aggredi ad dicendum videbatur ; sed ita erat paratus, ut judices, illo dicente, nonunquam viderentur non satis parati ad cavendum fuisse. Verba ipsa non illa quidem elegantissimo sermone; itaque diligenter loquendi laude caruit : neque tamen est admodum inquinate locutus; sed illa, quaa proprie laus oratoris est in verbis. Nam ipsum latine loqui, est illud quidem, ut paullo ante dixi, in magna laude ponendum ; sed non tam sua sponte, quam quod est a plerisque neglectum : non enim tam prasclarum est scire latine, quam turpe nescire ; neque tam id mihi oratoris boni, quam civis romani proprium videtur. Sed tamen Antonius in verbis et eligendis (neque id ipsum tam leporis causa, quam ponde146 XXXVII. Rien n'chappait au gnie d'Antoine; et il plaait toujours ses moyens dans l'endroit le plus propre les faire valoir. Semblable un gnral qui disposehabilement sa cavalerie, son infanterie, ses troupes lgres, il donnait chacun de ses arguments la place o il pouvait produire le plus d'effet. Il avait une vastemmoire. Chez lui pas la moindre trace de travail, et on et dit qu'il parlait toujours sans prparation ; mais il tait si bien prpar, que les juges, en l'coutant, semblaientquelquefoisn'tre pas eux-mmes assez prpars se mettre en garde contre sou loquence. Quant son langage, il n'tait pas d'une lganceparfaite ; et, sans parler d'une manire incorrecte, il manqua pourtant du mrite de l'locntion, je veux dire de cette qualit de l'locution qui est un mrite pour l'orateur. Car si la correction du langage, comme je l'ai dit tout l'heure, est un titre d'loge, c'est moins par elle-mme que parce que la plupart la ngligent. En effet, il n'est pas si beau de savoir le latin que honteux de l'ignorer : c'est moins la scienced'un orateur que celle d'un citoyen romain. Au reste, dans le choix des mots, o il cherchait l'effet plutt que la grce, dans la maniredo

XXXVII.Omnia veniebantin mentem Antonio; eaquecollocabanturab illo suo quoeque loco, ubipossentproficere et valereplurimum, in partibus orationis maximeopportunis, sic ut quits,pedites, armaturalevis, ab imperatore. summaerat, Memoria nulla suspicio meditationis ; videbatur semperaggredi ad dicendumimparatus; sederat paratus ita, ut judices,illo diceute, viderenturnonnunquam nonfuissesatis parati ad cavendum. Verbaipsa, non illa quidem sermone ; elegantissimo itaquecaruit laude loquendi iligenter; d nequetamenlocutus est admoduminquinate; sedilla, quseproprie estlaus oratorisin verbis. Namipsumloqui latine, estillud quidem, ut dixi paulloante, in ponendum magna laude; sed nontam sponte sua, quam quod neglectumest a plerisque ; non enimest tampraaclarum scirelatine, quamturpe nescire; id neque videturmihi tam propriumboni oratoris quamcivisromani. SedtamenAntonius in verbiseligendis, i (nequed ipsum

147 BRUTUS. XXXVII. Toutes-choses venaient la pense Antoine; et elles taient placespar lui chacune sa place, o elles pouvaientprofiter et avoir-de-1'effete plus, l dans les parties da discours les plus avantageuses, de-la-faonque cavaliers,fantassins, troupes armes--la-lgre, sont-pluces le gnral. par Une mmoiretrs-grandetait -lui, aucun soupon de travail-prparatoire; il paraissait toujours se mettre parler sans-prparation ; mais il tait prpar de telle-sorte, que les juges, lui parlant, semblaient quelquefois n'avoir pas t assezprpars se-mettre-sur-leursgardes. Les termes mmes,non eux certes taientd'un langage trs-lgant; aussi manqua-t-il du mrite de parler correctement; et pourtant il ne parla pas tout--fait sans-puret; mais de-ce-me'ri(e, proprement qui est le mrite de l'orateur dans les mots. Car le mrite mmede parler latin, est celui-l du moins, commeje l'ai dit un peu auparavant, devant-tretenu en grande estime; mais non tant de soi-mme, que parcequ'il a t nglig : par ie-plus-grand-nombre car il n'est pas si beau de savoir-paWeratin, l qu'i'i esthonteux de ne pas savoir; et cela ne parat pas moi aussi propre un bon orateur que un citoyen romain. Mais pourtantAntoine, dans les mots devant-tre-choisis, (et il ne faisaitpas cela mme

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ris), et collocandis, et comprehensione devinciendis, nihil non ad rationem, et tanquam ad artem dirigebat ; verum multo magis hoc idem in sententiarum ornamentis et conformationibus. Quo gnre quia prasstat omnibus Demosthenes, idcirco adoctis oratorum est princepsjudicatus. S/M^aTa enim quas vocant Groeci, ea maxime ornant oratorem ; eaque non tam in verbis pingendis habent pondus, quam in illuminandis sententiis. XXXVIII. Sed quum hase magna in Antonio, tum actio singularis : quae si partienda est in gestum atque vocem, gestus erat non verba exprimens, sed cum sententiis congruens; manus, humeri, latera, supplosio pedis, status, incessus, omnisque motus cum verbis sententiisque consentions ; vox permanens, verum subrauca natura. Sed hoc vitium huic uni in bonum convertebat. Habebat enim flebile quiddam in questionibus, aptumque quum ad fidem faciendam, tum ad misericordiam commovendam : ut verum viles placer, dans la structure des priodes, il n'tait rien chez Antoine qui ne ft calcul, rien o ne prsidt un art secret. Mais il excellait surtout embellir ses penses de l'clat des figures. C'est aussi le triomphe de Dmosthne, qui doit sa supriorit en oe genre le titre de prince des orateurs ; car ce sont les figures (tel est le sens du nom employ par les Grecs), qui fournissent l'orateur ses plus magnifiquesornements. Or, c'est moins en donnant du coloris l'expression que de l'clat la pense, qu'elles produisent leurs plus beaux effets. XXXVIII. Antoine joignait ses grandes qualits un mrite particulier d'action. Si l'action a deux parties, la voix et le geste, son geste exprimait moinsles paroles que les penses.Le mouvementde ses mains, de ses paules, de son corps, de ses pieds, sa position, sa dmarche, tout enfin tait dans une harmonie parfaite avec les ides et le fond des choses.Sa voix tait soutenue, quoique un peu sourde. Mais il possdait le talent unique de faire tourner co dfaut mme son avantage : car il avait dans les morceaux pathtiques un accent

BRUTUS. tam causa leporis quam ponderis), etcollocandis et devinciendis comprehensione, dirigebat nihil non ad rationem, et tanquam ad artem ; verum etiam hoo idem multomagis in ornamentissententarum, et conformationibus. Quia Demosthenes proestatomnibusquo genejudicatus est idcirco [re, princepsoratorum a doctis. Ea enim quoeGroeoi vocanttr^v7//.aTcc, ornant maxime oratorem; eaquehabent pondus, nontam inverbispingendis, quamin sententiis illuminandis. XXXVIII. Sdquum hssoin Antonio, tum actio singularis ; si quoepartienda est in gestnunatque vocem, gestuserat non exprimensverba, sed congruens cum sententiis; manus, humeri, latera, supplosiopedis,.status, incessua, omnisque motus consentiens um verbis c sententiisque; voxpermanens, verumsubraucanatura. Sedhoc vitium convertebat huic uni in bonum. Habebat enim in questionibus quiddamfiebile aptumque quumad faciendamfidem, tum ad commovendam

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autant en vue de la grce que:de l'effet), et devant-tre-placs et devant-tre-enchans dans la priode, disposait tout d'aprs un calcul, et commed'aprs-les-rgles-de-I'art; mais encoreil faisaitcette mme-chose bien davantage dans les ornementsdes penses, et dans les figures. CommeDmosthne l'emporte sur tons en ce genre, il a t jug pour-cela le prince des orateurs par les savants. Car oes-tropes ue les Grecs q appellenta^^arx, parent avant-tout l'orateur; et ellesont de l'effet, non pas tant pour colorer les mots, que pour les penses devant-tre-rehausses. XXXVIII. Mais non-seulement ces qualits taientdans Antoine, mais-encoreune action remarquable; si celle-ti doit-tre-divise en geste et voix, un geste tait lui non exprimant les paroles, mais s'accordant avecles penses ; mains, paules,hanches, mouvementdu pied, position, dmarche, et tout mouvement d'accordavec les mots et les ides; voix soutenue, mais un-peu-rauquenaturellement. Maisce dfaut se changeait pour lui seul en avantage. Car il avait dans les plaintes quelque ehosede lamentable et propre tant inspirer la confiance, que exciter

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deretur in hoc illud quod Demosthenem ferunt ei, qui quaesivisset, quid primum esset in dicendo, actionem ; quid secundum, idem, et idem tertium, respondisse. Nulla res magis pntrt in animos, eosque fingit, format, flectit, talesque oratores videri facit, quales ipsi se videri volunt. Huic alii parem esse dicebant, alii anteponebant L. Crassum. Illud quidem certe omnes ita judicabant, neminem esse, qui, horum alterutro patrono, cujusquam ingenium requireret. Equidem, quanquam Antonio tantum tribuo, quantum supra dixi, tamen Crasso nihil statuo fieri potuisse perfectius. Erat summa gravitas; erat cum gravitate junctus facetiarum et urbanitatis oratorius, non scurrilis, lepos; latine loquendi accurata et sine molestia diligens elegantia; in disserendo mira explicatio; quum de jure civili, quum de aequo et bono disputaretur, argumentorum et similitudinum copia. de tristesse bien propre inspirer la confiance, et porter l'motion dans l'me des auditeurs. On voyait se justifier en lui ce mot de Dmosthne, qui, interrog quelle tait la premire qualit de l'orateur, rpondit l'action; la seconde, l'action; la troisime, l'action. L'action, en effet, est ce qu'il y a de plus capable de pntrer dans les coeurs; elle les remue, elle les faonne en quelque sorte et les plie son gr; elle montre en un mot l'orateur, tel que lui-mme veut paratre. Quelques-uns lui comparaient, d'autres lui prfraient Crassus. Tous convenaient que, quand on avait l'un ou l'autre pour dfenseur, il n'en fallait pas dsirer un plus habile. Pour moi, malgr le grand loge que je viens de faire d'Antoine, et dans lequel je persiste, je pense qu'il ne peut avoir exist rien de plus parfait que Crassus. Il avait une gravit noble, mle de cet enjouement et de cette plaisanterie fine et ingnieuse, qui sied l'orateur et ne dgnre jamais en bouffonnerie. Il parlait avec une puret et une correction loigne de toute recherche. Ses ides se dveloppaient avec une nettet admirable; et, lorsqu'il discutait sur le droit civil ou sur l'quit naturelle, les preuves et les exemples lui venaient en abondance.

BRUTUS. 151 la compassion : : misericordiam ut illud videretur verum en sorte que cela paraissait vrai en lui, que l'on rapporte in illo, quod ferunt Demosthenem respondisse Dmosthneavoir rpondu celui qui avait demand ei qui qusssivisset quelle chose tait la premire quid esset primum en parlant, in dicendo, il rpondit 'action ; l actionem ; quellechosetaitla seconde, quidsecundum, il rpondit a mme, l idem, et la mmela troisime. et idemtertium. Aucunechose Nullares pntrtmagis in animos ne pntre plus dans les coeurs format, flectit, et les faonne, forme,plie, eosquefingit, et fait les orateurs oratores facitque videritaies paratre tels qnalesipsi voluntse videri. que eux-mmesveulent soi paratre. AliidicebantL. Crassum Les uns disaientL. Crassus esseparem huic, tre gal celui-ci, aliianteponebant. les autres prfraient(Crassus). Tous du moins Omnes certe i judicabantllud quidemita, se-prononaientsur ceci certes ainsi, neminem esse, qui, personnen'tre, qui, alterutrohorum patrono, 'un-ou-1'autred'eux tant dfenseur, reqnireret ngenium i regrettt le talent de qui-que-ce-soit. cnjusquam. Equidem, uanquamtribuo Pour moi, quoiquej'attribue q tamu'm autant Antoine, Antonio, quantumdixi supra, queje l'ai dit plus-haut, tamenstatuo cependantj'tablis nihil perfectiusCrasso rien de plus parfait que Crassus avoir pu exister. fieri. potuisse Gravitassummaerat ; Une gravit trs-grandetait en-lui; cumgravitatejunctus erat la gravit tait joint un charmedans les plaisanteries, leposfacetiarum, et dans l'enjouement, eturbanitatis, oratorins,non scurrilis; d'orateur, non de-bouffon; accurata une lgancesoigne elegantia l loquendi atine, pour-parler latin, et diligenssine molestia. et exacte sans affectation. mira Une nettet admirable Explicatio in disserendo; en discutant; une abondanced'arguments copiaargumentorum et de comparaisons, etsimilitudinum, quumdisputaretur quand on discutait sur le droit civil, dejurecivili, quumdeaeqno etbono. quand sur le juste et le bon.

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XXXIX. Nam, ut Antonius conjectura movenda, aut sedanda suspicione aut excitanda, incredibilem vim habebat : sic in interpretando, in definiendo, in explicanda sequitate, nihil erat Crasso copiosius ; idque quum saepe alias, tum apud centumviros in M' Gurii causa cognitum est. Ita enim multa tum contra scriptum pro oequo et bono dixit, ut hominem acutissimum, Q. Scaevolam, et in jure, in quo illa causa vertebatur, paratissimum, obrueret argumentorum exemplorumque copia. Atque ita tum ab his patronis aequalibus, etiam consularibus, causa illa dicta est, quum uterque ex contraria parte jus civile defenderet, ut eloquentium jurisperitissimus Crassus, jurisperitorum eloquentissimus Scasvola putaretur. qui quidem quum peracutus esset ad excogitandum, quid in jure, aut in oequo verum aut esset, aut non esset, tum verbis erat ad rem cum summa brevitate mirabiliter XXXIX. Si Antoine avait un talent incroyable pour faire natre des conjectures, ou pour exciter et dissiper des soupons, Crassus excellait dans l'art d'interprter et de dfinir, et il dveloppait, avec une fcondit sans gale, les principes de l'quit. C'est ce qu'il prouva mille fois, surtout devant le tribunal des centumvirs, dans l'affaire de M' Curius. Il fit si bien valoir la justice naturelle contre une pice crite, qu'il accabla sous le poids de ses arguments et de ses exemples l'homme le plus habile et le plus profondment vers dans le droit civil, Q. Scvola, quoique ce procs roult tout entier sur le droit. Ces deux grands hommes, tous deux consulaires, tous deux peu prs du mme ge, plaidrent cette cause l'un contre l'autre, et dfendirent chacun de son ct les principes du droit civil, de manire faire penser que Crassus tait le plus habile jurisconsulte d'entre les orateurs, et Scvola le plus grand orateur d'entre les jurisconsultes. Scvola dmlait avec une rare sagacit le vrai et le faux dans une question de droit positif ou naturel; et il exposait sa pense avec une proprit d'expression et une bri-

BRUTUS. XXXIX. Nam ut Antonius v habebat im incredibilem movenda onjectura, c aut sedandaaut excitanda suspicione, sicnibilerat Crasso copiosius in interpretando, in definiendo, in explicanda ; oequitate idque cognitumest, samealias, quum tumapud centumviros, incausaM' Curii. Tumenim dixit ita multa protequoet bono contra scriptum, utobrueret copia rgumentorum a exemplorumque Q.Seoevolam, hominem acutissimum, etparatissimum jure, in inquoillacausavertebatur. i Atquella causa dicta est itatumab his patronis, asqualibus, etiam consularibus, quum uterque, exparte contraria, defenderet civile, jus utCrassus putaretur jurisperitissimus eloquentium, Scoevola eloquentissimus jurisperitorum : quiquidem esset quum peracutus ad excogitandum verumesset quid aut nonesset injure, sutin aequo, tumerat mirabiliter aptus verbis rem ad

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XXXIX. Car commeAntoine avait une puissanceincroyable pour-faire-natre une conjecture, ou pour-dissiper ou pour exciter un soupon, ainsi rien n'tait plus fcondque Crassus pour interprter, pour dfinir, pour dvelopper les-principes-de-1'et cela fut connu, [quit; non-seulementsouvent ailleurs, mais-encoredevantles centumvirs, dans l'affaire de M' Curius. Car alors il dit tant-de-choses en-faveurdu juste et du bon contre une pice-crite, qu'il accabla par le-grand-nombre des arguments et des exemples Q. Scvola, hommetrs-habile, et trs-vers dans le droit, sur lequel cette causeroulait. Et cettecause fut plaide de-telle-sortealors par ces avocats, du mmege, mme consulaires, quand l'un et l'autre, d'un ct oppos, dfendait les-principes-du-droit rVil, c que Crassustait cru le plus-habile-jurisconsulte parmi les orateurs, Scvolale plus loquent des jurisconsultes: celui-ci certes (Scvola) en mme-temps-qu'il tait trs-habile pour dmler quoi de vrai tait ou n'tait pas dans le droit-oeri*, ou dans le droit-noturei, p de-plusil tait merveilleusement ropre par les expressions la pense

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aptus. Quare sit nobis orator in hoc interpretandi, explanandique, et disserendi gnre mirabilis, sic ut simile nihil viderim ; in augendo, in ornando, in refellendo magis existimator metuendus, quam admirandus orator. Verum ad Grassum revertamur. XL. Tum Brutus, Etsi satis, inquit, mihi videbar babere cognitum Scaevolam ex iis rbus, quas audiebam saspe ex Rutilio, quo utebatur, propter familiaritatem Scaevolas nostri, tamen ista mihi ejus dicendi tanta laus nota non erat. Itaque cepi volupta