bruno viard - pierre leroux une critique socialiste de la terreur

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Romantisme Pierre Leroux : une critique « socialiste » de la Terreur M. Bruno Viard Résumé Cet article veut montrer que loin d'être un utopiste, Pierre Leroux, dans les années 1830 et 1840, a été prophète dans la mesure où il a ajouté à la critique de l'individualisme et du capitalisme une critique du totalitarisme et de la Terreur tournée autant vers le passé (Inquisition, 1793) que vers l'avenir des sociétés européennes. Sa première acception du mot socialisme proclame cette perversion en 1834. A partir de 1845, Leroux change de terminologie, mais non de pensée, en égalant socialisme et république. L'article montre dans cette pensée un caractère dialectique opposable à la dialectique hégélienne. Abstract This article wants to show that, far from beeing an utopist, Pierre Leroux, in 1830s and 1840s, has been a prophet because he adds to criticism of individualism and capitalism a criticism of totalitarism and Terror that concerns as much the past (Inquisition, 1793) as the future of European societies. The first meaning of the word socialism in Leroux (and in French language !) proclaims this perversion in 1834. From 1845, Leroux gives a new meaning to socialism that integrates liberty and becomes nearly syononymous with Republic. His thought constitues a political philosophy with a dialectical side which contrasts with Hegelian dialectic. Citer ce document / Cite this document : Viard Bruno. Pierre Leroux : une critique « socialiste » de la Terreur. In: Romantisme, 1996, n°91. Corps et Âme. pp. 79-88. doi : 10.3406/roman.1996.3074 http://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_1996_num_26_91_3074 Document généré le 23/09/2015

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Résumé: Cet article veut montrer que loin d'être un utopiste, Pierre Leroux, dans les années 1830 et 1840, a été prophète dans la mesure où il a ajouté à la critique de l'individualisme et du capitalisme une critique du totalitarisme et de la Terreur tournée autant vers le passé (Inquisition, 1793) que vers l'avenir des sociétés européennes. Sa première acception du mot socialisme proclame cette perversion en 1834. A partir de 1845, Leroux change de terminologie, mais non de pensée, en égalant socialisme et république.L'article montre dans cette pensée un caractère dialectique opposable à la dialectique hégélienne

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Page 1: Bruno Viard - Pierre Leroux Une Critique Socialiste de La Terreur

Romantisme

Pierre Leroux : une critique « socialiste » de la TerreurM. Bruno Viard

RésuméCet article veut montrer que loin d'être un utopiste, Pierre Leroux, dans les années 1830 et 1840, a été prophète dans la mesureoù il a ajouté à la critique de l'individualisme et du capitalisme une critique du totalitarisme et de la Terreur tournée autant vers lepassé (Inquisition, 1793) que vers l'avenir des sociétés européennes. Sa première acception du mot socialisme proclame cetteperversion en 1834. A partir de 1845, Leroux change de terminologie, mais non de pensée, en égalant socialisme et république.L'article montre dans cette pensée un caractère dialectique opposable à la dialectique hégélienne.

AbstractThis article wants to show that, far from beeing an utopist, Pierre Leroux, in 1830s and 1840s, has been a prophet because headds to criticism of individualism and capitalism a criticism of totalitarism and Terror that concerns as much the past (Inquisition,1793) as the future of European societies. The first meaning of the word socialism in Leroux (and in French language !)proclaims this perversion in 1834. From 1845, Leroux gives a new meaning to socialism that integrates liberty and becomesnearly syononymous with Republic. His thought constitues a political philosophy with a dialectical side which contrasts withHegelian dialectic.

Citer ce document / Cite this document :

Viard Bruno. Pierre Leroux : une critique « socialiste » de la Terreur. In: Romantisme, 1996, n°91. Corps et Âme. pp. 79-88.

doi : 10.3406/roman.1996.3074

http://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_1996_num_26_91_3074

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Bruno VIARD

Pierre Leroux : une critique « socialiste » de la Terreur

Philoctète ou le socialisme [...] Vous êtes tous des héros qui voulez conquérir llion, mais vous n'avez pas les flèches d'Hercule.

(La Grève de Samarez, p. 494)

Tony Judt pouvait écrire récemment en conclusion d'un livre consacré à la complicité de beaucoup d'intellectuels français avec la terreur soviétique après la Seconde Guerre mondiale :

Ce n'est qu'entre la chute de Pol Pot et la célébration du bicentenaire de la Révolution française que l'idée prit racine que la Terreur révolutionnaire pouvait être un objet d'étude, plutôt que d'admiration. [...] Ainsi fut enterré un trope littéraire et politique qui, de Buonarotti à Sartre, n'avait pas quitté la littérature française, repris en un savant déchant par cinq générations d'historiens, de Louis Blanc à Michel Vovelle '.

Relire Pierre Leroux 2, c'est à la fois lui donner raison et tort. Raison, parce que l'oubli d'où Leroux commence à peine à sortir grâce aux efforts de quelques chercheurs français et italiens 3 confirme bien la quasi-impossibilité d'être écouté dans laquelle se trouvait un penseur de gauche non-conformiste et hostile à la dictature du prolétariat. Mais tort, parce que toute l'œuvre de Leroux est un démenti criant à l'affirmation de Tony Judt que les socialistes français n'ont vu dans la Terreur qu'« idéal, méthode, nécessité, métaphore ». On sait combien il est difficile de réviser une réputation faite ; la fin du dogmatisme marxiste devrait pourtant obliger à des révisions en chaîne. Ainsi, les auteurs d'encyclopédies ou de manuels répètent, le plus souvent sans se rapporter aux textes, des jugements formés au temps du scientisme ou du léninisme tout puissants. Exemple, la douzième édition du manuel où les étudiants en Sciences Politiques de Paris étudient l'histoire des idées politiques, et où on peut lire : « Poussant jusqu'à la confusion la plus totale la vocation de la synthèse, Pierre Leroux présente

1. Tony Judt, Un passé imparfait. Les intellectuels en France, 1944-1956, Fayard, 1992, p. 352. 2. Parmi les œuvres et articles que nous citerons, n'ont pas été réédités « Du progrès législatif » (Revue

encyclopédique, novembre 1832), « D'une nouvelle typographie » (Revue indépendante, 1843), « De la recherche des biens matériels » (Revue sociale, 1845-1846), le « Discours sur la doctrine de l'Humanité » (Revue sociale, 1847), le Cours de phrénologie (Louis Nétré, Jersey, 1853), et « Comment délivrer la France de la tyrannie » (L'Espérance, 1858-59). Le Discours aux politiques, De l'individualisme et du socialisme et De la Doctrine de la perfectibilité sont cités dans le volume A' Œuvres édité par Slatkine en 1978. Le même éditeur a réédité en 1992 Y Encyclopédie nouvelle (abrégée dans nos références par E.N.). La grève de Samarez a été rééditée par Jean-Pierre Lacassagne chez Klincksieck en 1979. A signaler enfin chez Payot, 1994, Aux philosophes, aux artistes, aux politiques. Trois discours et autres textes et, par l'auteur de cet article, un volume de Morceaux choisis de l'ensemble de l'œuvre de Leroux, à paraître chez L'Age d'Homme, ainsi qu'un volume contenant De l'individualisme et du socialisme et De l'égalité, à paraître chez Slatkine (Genève, coll. « Fleuron»).

3. En particulier « Les amis de Pierre Leroux » (39, rue Emeric David, 13100, Aix-en-Provence), qui préparent le colloque du bicentenaire de la naissance de P. L. en 1997, et l'équipe des philosophes de l'Université de Lecce en Italie.

ROMANTISME n°91 (1996-1)

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une sorte de « portrait-robot » d'un socialisme attendri qui se confond avec la religion de l'humanité ; c'est le Bérenger du socialisme » 4.

Les deux sens du mot socialisme

Le regard porté par les écrivains du XIXe siècle sur la Terreur comporte un double enjeu : le jugement qu'ils portaient sur 1793 était aussi un acte provoquant ou invalidant les Terreurs à venir, et que le XXe siècle a effectivement connues. Leroux en avait pleinement conscience. Appelant socialisme le « prétendu droit absolu de la société sur la conscience de ses membres », il désignait plus que la Terreur par ce mot, mais l'incluait à coup sûr, écrivant par exemple :

Le socialisme absolu n'est pas moins abominable ni moins absurde que l'individualisme dont nous venons de voir les déplorables effets ; et l'on oublie que c'est parce que l'humanité était lasse de ce socialisme qu'elle s'est précipitée dans la liberté absolue, tombant de Charybde en Scylla. [...] Le socialisme, à force de tuer et de persécuter, s'est tué lui-même. Il fit boire la ciguë à Socrate, et mit Jésus-Christ sur la croix : il a brûlé Jean Huss et Jérôme de Prague. Qu'il soit maudit et rejeté pour toujours. Oui, s'il n'était possible d'avoir une religion et une société qu'à la condition de voir reparaître le socialisme, plutôt point de religion, plutôt point de société, (article Culte de YE.N., p. 159)

L'intérêt de la critique leroussienne de la Terreur est qu'elle n'est le fait ni d'un nostalgique de l'ordre ancien ni d'un doctrinaire libéral. Dans La Grève de Samarez, Leroux écrira : « C'est moi qui le premier, me suis servi du mot socialisme. C'était un néologisme alors, un néologisme nécessaire... ». L'histoire des idées et l'histoire du socialisme autant que l'histoire de la sémantique sont intéressées par le fait, bien oublié, mais qui ne peut, rétrospectivement, que paraître prémonitoire, que la première acception du mot socialisme fut péjorative, synonyme de ce que nous nommons aujourd'hui collectivisme et (avec Hannah Arendt et François Furet) totalitarisme. En 1834, dans un admirable texte de quinze pages qui résonne comme un manifeste, De l'individualisme et du socialisme 5, Leroux renvoyait dos à dos l'« Etat nain » et l'« Etat hydre ». Il pensait à 93 en forgeant le néologisme socialisme, mais aussi à des Terreurs plus anciennes ou, au contraire, à venir :

N'allez pas faire de la société une espèce de grand animal dont nous serions les molécules, les parties, les membres, dont les uns seraient la tête, les autres l'estomac, les autres les pieds, les mains, les ongles, les cheveux. [...] L'individu [...] n'est plus qu'un sujet humble et soumis. [...] Le voilà devenu fonctionnaire, et uniquement fonctionnaire ; il est enrégimenté, il a une doctrine officielle à croire, et l'inquisition à sa porte (p. 374).

Dans une note rajoutée en 1850, Leroux précisera : « Ce que j'attaquais [...], c'était les faux systèmes mis en avant par de prétendus disciples de Rousseau égarés à la suite de Robespierre et de Babeuf, sans parler de ceux qui amalgamaient à la fois Saint-Simon et Robespierre avec de Maistre et Bonald » (p. 376). L'article Culte de l'Encyclopédie Nouvelle indique plus précisément que, si l'individualisme procède d'un abus du principe de liberté, c'est d'un abus du principe d'égalité que procède le socialisme :

4. Jean Touchard, Histoire des idées politiques, PUF, 1991, p. 557. 5. Ce texte a été récemment publié par la Revue de Psychologie de la Motivation, n° 10 (83, avenue

d'Italie, 75013, Paris).

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Vous êtes amené avec Rousseau à penser : « Le souverain peut tout ; il est omnipotent ; chaque citoyen lui a remis ses pouvoirs [...] ». Voilà où vous conduit le sentiment de l'égalité. [...] La loi ne sera jamais que l'expression de la majorité, et un fait de domination de la majorité sur cette minorité. [...] L'homme ne peut remettre aux mains de l'Etat ni sa pensée, ni son amour, ni ses amitiés, ni la direction de son travail, ni le fruit de son travail, en un mot une multitude d'actes qui constituent sa personnalité (p. 160).

Même si ce thème n'est pas développé ici, il faut indiquer nettement que Leroux n'est pas moins véhément pour attaquer (dans les années 30 et 40) l'individualisme, le « capitalisme », « l'exploitation des prolétaires par les bourgeois » ; au contraire, puisque c'est là le mal dont avait à souffrir la société post-révolutionnaire, et particulièrement sous la Monarchie de Juillet. Tout le problème à ses yeux est que la liberté et l'égalité sont, l'une et l'autre, des valeurs fondamentales sur lesquelles il n'est pas question de transiger : or, elles sont largement antagonistes, et, l'une, prenant le pas sur l'autre, risque d'entraîner la société dans un processus de pulvérisation ou au contraire d'agglutination aveugle et brutale.

Le titre du présent article est justifié par un important changement de terminologie (mais non de pensée) de la part de Leroux :

Depuis quelques années, on s'est habitué à appeler socialistes tous les penseurs qui s'occupent de réformes sociales. [...] Nous sommes socialistes sans doute, mais dans le sens où nous le sommes ; nous sommes socialistes, si l'on veut entendre par socialisme la Doctrine qui ne sacrifiera aucun des termes de la formule : Liberté, Fraternité, Egalité, Unité, mais qui les conciliera tous.

Comme on le voit dans cette note rajoutée en 1845 à De l'individualisme et du socialisme (p. 376), de même que Leroux adopta le mot idéalisme à condition de le faire sortir du mot idéal et non pas idée (article Berkeley de YE.N.), il accepta et revendiqua le mot socialisme à condition de lui faire désigner des réformes sociales et non la priorité donnée à la société sur l'individu. Déplacer la fraternité au centre de la triade, c'était investir le sentiment, la psychologie, la religion (on verra en quel sens), d'une responsabilité essentielle dans l'Etat, la responsabilité de réconcilier la liberté et l'égalité. L'affrontement de la Constituante et de la Convention, de l'intérêt privé et de l'intérêt général, de L'Esprit des lois et du Contrat social avait en effet persuadé Leroux que le noyau du problème politique venait de ce que la liberté et l'égalité étaient antinomiques. « Ils vont se faire une guerre atroce. Aussi Robespierre et la Convention n'ont-ils pu les proclamer tous deux, et ensuite, la Révolution a été le sanglant théâtre de leur lutte : les deux pistolets chargés l'un contre l'autre avaient fait feu » {De l'individualisme..., p. 378).

Soljénitsyne retrouvait une partie des idées de Leroux quand il affirmait dans son discours des Lues en 1993 à l'occasion du bicentenaire du soulèvement de la Vendée :

La Révolution française s'est déroulée au nom d'un slogan intrinsèquement contradictoire, et irréalisable : « Liberté, égalité, fraternité ». Mais dans la vie sociale, liberté et égalité tendent à s'exclure mutuellement, sont antagonistes : car la liberté détruit l'égalité sociale, c'est même là un des rôles de la liberté, tandis que l'égalité restreint la liberté, car autrement on ne saurait y atteindre. Quant à la fraternité, elle n'est pas de leur famille, ce n'est qu'un aventureux ajout au slogan : ce ne sont pas des dispositions sociales qui font la véritable fraternité, elle est d'ordre spirituel 6.

6. Alexandre Soljénitsyne, Le Monde du 28 septembre 1993.

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Le début de la citation rejoint Leroux, mais celui-ci en réfuterait la conclusion. « Je mets la fraternité au centre », disait-il, au lieu de l'écarter en acceptant la séparation évangélique du spirituel et du temporel, distinction qui n'a pu avoir de valeur que provisoire, mais qui est aussi absurde dans le fond que celle de l'âme et du corps, du ciel et de la terre, dualismes communs au spiritualisme catholique et au matérialisme. Non qu'il voulût investir les religions instituées d'aucun pouvoir politique (il vota l'abolition du salaire des prêtres le 18 septembre 1848) : c'est au contraire à la société laïque de « se faire religion » (Aux politiques, p. 143). C'est donc à la religion qu'incombe la responsabilité du « difficile mais non insoluble problème de l'accord de la liberté avec l'association » (De la doctrine de la perfectibilité, p. 65). Leroux concevait Dieu comme immanent à la vie, et, tout en admirant l'Evangile, considérait le catholicisme comme caduc. La religion républicaine qu'il appelait de ses vœux serait une synthèse dynamique et en actes du meilleur des traditions de l'Humanité, en particulier la liberté grecque, la fraternité chrétienne et l'égalité des Philosophes. Le « difficile problème » ne peut être résolu a priori par aucune technocratie et la laïcité se trompe de combat, si elle se réduit à un neutralisme equidistant de chaque individualisme : elle doit au contraire être substantielle, c'est-à-dire développer le sentiment de fraternité, ou d'amitié, le seul capable de réconcilier la liberté ou amour de soi et d'égalité ou amour des autres. Je ne peux ici que faire cette allusion aux riches psychologie et anthropologie leroussiennes 7.

Une admiration critique de Rousseau, de Robespierre et de Saint-Simon

Admirateur fervent de Rousseau « docteur de l'égalité », « qui a osé prendre le parti de l'humanité », Leroux n'en a pas moins adressé des critiques aux disciples de Rousseau qui, faute d'avoir su organiser la souveraineté du peuple, n'ont fait « que la transporter, par délégation, dans les mains d'une assemblée, qui la mettra dans les mains d'une majorité, qui, à son tour, la remettra à quelques meneurs, peut-être à un seul » (Aux politiques, p. 247). En 1847, le Discours sur la doctrine de l'Humanité approfondira la critique du Contrat social : Rousseau a trouvé la formule de son contrat dans Hobbes, mais il a conclu à la liberté là où Hobbes avait conclu au despotisme. Seulement Hobbes fut « meilleur logicien » que Rousseau.

Le pacte social (écrit Rousseau) donne au Corps politique un pouvoir absolu sur tous (ses membres) (Livre II, chap. 4). [...] Il dit ailleurs : « Quiconque refusera d'obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps ». (Livre I, chap. 7). Il est vrai qu'il ajoute : « Ce qui ne signifie pas autre chose sinon qu'on le forcera d'être libre ». Mais cette façon de forcer les gens d'être libres me paraît ressembler furieusement à ce mot du bourreau de don Carlos, qui lui disait à l'oreille en l'assassinant : « Prince, c'est pour votre bien ! » [...] C'est se jouer de la raison humaine que de raisonner ainsi. C'est ce mauvais raisonnement qui a servi à légitimer la guillotine. [...] Notre Révolution a été la sanglante application de cette erreur (Discours sur la doctrine de l'Humanité, 4e article, p. 3-4).

Leroux montre que Rousseau s'est caché la vérité en substituant au terme de majorité qu'il lisait dans Hobbes (voluntas majoris partis) celui de volonté générale.

7. Pour une étude plus complète de la philosophie et de l'anthropologie de Leroux, je renvoie à mon étude « Essai de déchiffrement de la triade », Bulletin des Amis de P. L, n° 12, mai 1995, p. 177-202.

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En effet, à moins que tous ne pensent identiquement de même dans tous les cas possibles (et alors un gouvernement serait chose assez inutile), il y aura division, et par conséquent majorité et minorité. [...] La Majorité aura donc sur la Minorité le droit absolu que l'Etat, par le contrat social a reçu sur tous les citoyens {ibid., p. 4).

Leroux montre aussi que la principale occasion de division naîtra de l'inégalité de la propriété, que Rousseau admet dans une certaine mesure : des hommes inégaux en tant que propriétaires ne peuvent manquer de s'affronter au conseil souverain.

En dépit des critiques qu'il adressa à Robespierre, Leroux exprima son approbation devant le « sentiment d'un nouvel ordre social à fonder » qui se manifeste dans le projet que Robespierre écrivit pour la Déclaration des droits de 1793. Il approuva particulièrement le droit de tout homme au travail ou à l'assistance ainsi que l'idée que le droit de propriété soit soumis à la loi et proportionné au travail.

Hommes illustres de la Convention, vous sentiez profondément l'avenir : mais vous n'avez eu qu'un moment, et c'était au milieu du carnage. [...] Vous avez entrevu les éléments de cet ordre nouveau quand vous passiez devant l'échafaud comme des ombres {Aux politiques, p. 149).

Le cas du saint-simonisme est assez différent car il s'agit d'une expérience vécue par Leroux : c'est à partir de là qu'on peut vraiment comprendre sa prise de conscience du danger que constitue le socialisme absolu. Le « jeune » Leroux avait été co-fondateur et co-directeur d'un journal libéral, Le Globe, de 1824 à 1830. Il s'engage dans le mouvement saint-simonien de novembre 1830 à novembre 1831. Il n'acquiert sa maturité politique définitive qu'à partir de 1832. Même si l'analyse de ses positions fait voir un fond républicain permanent 8 qui nuance son engagement libéral (le libéralisme antérieur à 1830 n'ayant d'ailleurs pas le même sens que celui qui suivra) comme son engagement saint-simonien, il reste que son expérience politique connaît deux ruptures, quand il rejoint puis quand il quitte le saint-simonisme. Le titre De l'individualisme et du socialisme résume en les simplifiant ses deux engagements successifs, l'un et l'autre réaction- nels (contre le despotisme des Bourbons puis contre l'anarchie de la Monarchie de Juillet) et partiellement contradictoires ; lesquels pourraient d'ailleurs être aussi symbolisés spatialement par les deux étages de l'hôtel de Gesvres, 6 rue Montsigny : Le Globe occupait le troisième et L'Organisateur saint-simonien le second. En novembre 1830, Leroux n'eut donc qu'un étage à descendre quand il vendit son journal à la secte. On voit comment la dialectique propre à la triade républicaine telle que la pense le Leroux de la maturité procède de la synthèse de ses deux expériences successives.

Leroux, jusqu'à la fin de sa vie a proclamé son estime et sa très grande dette envers Saint-Simon (qu'il n'avait rencontré qu'une fois, peu avant sa mort, au début de 1825). Une critique de taille est pourtant faite en 1846 dans De la recherche des biens matériels : Saint-Simon n'a pas vu que le capitalisme prolonge la conquête féodale sous une autre forme. « L'industrie capitaliste me fait l'effet des galères de Brest ou de Toulon ». Mais ce qui importe surtout au présent article, c'est que les écrits de Leroux, dans les années qui suivent 1832, sont fortement marqués, en négatif, par les travers du saint- simonisme enfantinien. C'est vraiment là qu'il conçut les dangers de l'élitisme, de l'autoritarisme et de la hiérarchie mis au service de la cause du peuple. Il critiqua, à plusieurs reprises, la valorisation de sociétés abusivement organiques et la notion d'époques entièrement critiques (voir par exemple l'article Eclectisme, de VE.N.,

8. Ibid., p. 187 et 188.

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p. 470). Il se livra sous le nom de messianisme à la critique avant la lettre du culte de la personnalité. Bref, l'erreur du saint-simonisme fut « de mépriser et de déprécier les institutions de pure liberté, et de ne pas voir leur immense utilité et leur absolue nécessité » {Aux politiques, p. 192). Il faudrait enfin signaler, dans l'article Egalité de VE.N., une remarquable lecture critique de La République qui s'achève par ces mots, allusifs aux intellocrates enfantiniens et qui pourraient nous en évoquer d'autres :

Ces vieillards sublimes sans cœur et sans entrailles, que Platon met à la tête de sa cité, pourraient bien, s'ils étaient de bonne foi, entraîner l'humanité dans un ascétisme insensé ; ou s'ils se laissaient gagner aux passions de la terre, devenir d'habiles hypocrites ou de grands mystificateurs. Témoin la papauté qui, comme je le montrerai tout à l'heure, a réalisé jusqu'à un certain point le gouvernement de Platon (article Egalité de YEN., p. 630).

On ne saurait trop insister sur l'influence du saint-simonisme compte tenu de l'importance et de la diversité de sa postérité. Cette initiative courageuse et généreuse dégénéra en une secte d'illuminés. Mais elle fournit nombre de cadres du capitalisme au XIXe siècle en même temps qu'elle fut, à beaucoup d'égards, la véritable matrice du socialisme français puis marxiste pour le meilleur et pour le pire. Leroux précisément, à partir de 1832, s'employa à faire le tri entre ce meilleur et ce pire, ce qui lui permit, avec un siècle d'avance sur ses premiers successeurs modernes (B. Souvarine par exemple, d'ailleurs lecteur de Leroux 9) de faire une critique socialiste de la terreur d'Etat. Son influence fut très grande tant dans les milieux ouvriers qui le portèrent brillamment à la représentation nationale que parmi les intellectuels français et européens de la génération romantique. Mais sa voix fut étouffée comme trop libérale pour les uns, trop socialiste pour les autres après le 2 décembre. A cette date, la publication de ses Œuvres complètes resta interrompue et ce n'est qu'en 1978 qu'un éditeur suisse, Slatkine, entreprit d'exhumer ses livres. Une traversée du désert de 130 ans exactement, car le vrai tournant fut la catastrophe de juin 48.

Ainsi, Tocqueville s'écriait le 12 septembre 1848 à la tribune de l'Assemblée que le trait qui caractérise le mieux « les socialistes de toutes les couleurs, de toutes les écoles », c'est « une défiance profonde de la liberté, [...] l'idée que l'Etat ne doit pas seulement être le directeur de la société, mais doit être pour ainsi dire le maître de chaque homme, son précepteur, son pédagogue » 10. C'était ignorer délibérément ce que Leroux proclamait à la même tribune deux semaines plus tôt (en pleine conformité avec ses affirmations d'il y a vingt-cinq ans) :

Je ne suis pas socialiste si on entend par ce mot une opinion qui tendrait à faire intervenir l'Etat dans la formation d'une société nouvelle. [...] Il ne s'agit pas de faire intervenir l'Etat dans les relations sociales ; mais entre l'intervention de l'Etat dans les relations sociales et la négation de toute médiation et de tout droit tutélaire de sa part, il y a un vaste champ où l'Etat peut marcher et doit marcher. [...] L'Etat doit intervenir pour protéger la liberté des contrats, la liberté des transactions ; mais il doit intervenir aussi pour empêcher le despotisme et la licence, qui, sous prétexte de liberté des contrats, détruiraient toute liberté et la société toute entière. [...] Deux abîmes bordent la route que l'Etat doit suivre ; il doit marcher entre ces deux abîmes : inter utrwnque tene 10.

9. Voir Les amis de P. L, n° 9 et passim. 10. Le Moniteur Universel, Journal officiel de la République française, les 31 août et 13 septembre

1848, p. 2417 et 2232.

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Pierre Leroux : une critique « socialiste » de la Terreur 85

L'esprit physicien et l'esprit géomètre

C'est un trope classique dans la pensée traditionaliste, de Burke et Chateaubriand à Barrés et Maurras, que d'opposer à la raison et aux abstractions théoriques révolutionnaires une conception de l'histoire liée à la nature, exprimant par des métaphores végétales de croissance les précieuses sédimentations de la tradition. Bien qu'il appartienne à un tout autre courant de pensée, Leroux n'ignore pas la part de vérité que comporte ce point de vue. C'est en disciple de Lamarck et de Geoffroy Saint- Hilaire qu'il conçoit le devenir historique dans le prolongement de l'évolution biologique. Les siècles et les générations sont à l'humanité ce que les genres et les espèces sont aux animaux (article Conscience de VE.N.). Les métaphores végétales sont fréquentes sous la plume de Leroux. Il en résulte deux conséquences :

Sont également et fondamentalement dans l'erreur et ceux qui, sans tradition et sans désir de perfectionnement, prétendent régenter l'avenir ; et ceux qui, se rattachant à une tradition de deux mille ans de date, comme au seul point solide qui existe, voudraient y amarrer l'Humanité (De la doctrine de la perfectibilité, p. 84).

L'article Certitude de VE.N. reprend ces idées d'une manière remarquable. Leroux y distingue trois écoles qui se disputent sur le principe de certitude et qui ont, chacune, « un de vrai pour deux de faux » : la vérité est dans la synthèse. La première, ne se réclamant que de la tradition, prétend amarrer l'Humanité à des principes surannés. Les deux autres veulent régenter l'avenir arbitrairement. L'école de Galilée et Bacon ne se fonde que sur l'observation et l'expérience : cet esprit physicien correspond en politique à l'individualisme. L'école de Descartes, au contraire, ne se fie qu'à la raison individuelle (« II ferme les yeux et raisonne ; il s'isole de l'humanité tout entière, et raisonne ; il fait taire en lui toute voix du cœur et raisonne »). D'où l'esprit géomètre. « Rousseau procéda à la manière des géomètres quand il écrivit son Contrat social. Mais il ne parvint qu'à soumettre l'individu à la société, au nom de la souveraineté du peuple ».

Voilà l'origine diverse de ces deux écoles qu'on vit plus tard lutter si terriblement pendant la Révolution. Les uns proclamèrent l'individualité, et sous ce nom, ils entendirent des passions, des besoins, des plaisirs, des sensations : c'est l'école sensualiste ou matérialiste. Les autres proclamèrent la société, et au nom de la société, ils commandèrent, non seulement le dévouement et le sacrifice, mais l'abnégation et la destruction de toute individualité : c'est l'école du Contrat social, continuée par la Montagne. Déshériter l'humanité de tout son passé, retrancher l'histoire comme un chaos indigeste et inutile à connaître, ne pas se douter que la société humaine se succède de siècle en siècle dans une œuvre collective, et que le présent est engendré du passé, comme il servira à engendrer l'avenir, voilà ce que firent, avec une égale confiance, les deux écoles morales et politiques dont nous parlons. Elles nièrent, elles méconnurent tout rapport de filiation et de descendance dans l'humanité, et elles essayèrent de construire a priori la morale et la politique. Mais ce même esprit qui les portait à ne rien voir de collectif dans l'humanité, devait les empêcher d'apercevoir aucun lien moral entre les hommes d'une même génération ; et ils aboutirent, comme cela devait arriver, à n'avoir d'autre principe de certitude que la lutte des égoïsmes, ou bien une sorte de tyrannie matérielle, imposée au nom de la souveraineté du peuple (article Certitude de VE.N., p. 384).

Egalité de droit et égalité de fait

Leroux aurait certainement approuvé Vaclav Havel lorsqu'il écrivait en 1978 : « Les mouvements dissidents n'envisagent pas l'idée d'un coup d'Etat politique, non

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pas parce qu'ils trouvent cette solution trop radicale, mais bien au contraire parce qu'ils ne la trouvent pas assez radicale » u. Affilié à la Charbonnerie de 1820 à 1822, Leroux vit immédiatement « les défauts qui ont perdu cette association » :

Je me demandai si la Charbonnerie, qui ne me paraissait avoir aucune chance de succès comme conspiration à main armée, ne pouvait pas se poser un but tout différent et se transformer en conspiration pacifique, ayant pour objet de propager les idées libérales qui en étaient l'âme {D'une nouvelle typographie, p. 276).

Deux ans plus tard, Leroux fondait Le Globe. Il n'approuva guère les barricades de juin 48, même s'il se battit tant qu'il le put à l'Assemblée contre la répression, avant d'en être lui-même victime, plus tard, à Londres et à Jersey, après le 2 décembre. Ayant accueilli 1830 avec enthousiasme, il fut vite déçu, mais soucieux qu'un nouveau 93 ne lui succède pas. Ce fut chose assez aisée que d'abattre « le régime théologique féodal ressuscité », mais, désormais, l'adversaire est une portion importante du Tiers-Etat « maîtresse des instruments de travail », compétente, cultivée :

Avec quoi le combattrez-vous, avec quoi vaincrez-vous et ses intérêts et ses préjugés, si vous ne le transformez pas moralement ? Car ce n'est pas lui seul qu'il faut détacher du système de l'individualisme politique ; c'est aussi le peuple des prolétaires, le peuple, qui, par l'effet inévitable de sa condition, reçoit les idées échappées au luxe des riches. [...] Ainsi, c'est la nation tout entière qu'il faut élever, transformer. Et où est votre Dix- Huitième siècle, votre siècle d'idées, votre siècle préparateur? {Aux politiques, p. 194).

Ceci vaut condamnation du babouvisme et du blanquisme, du léninisme même. Le marxisme a, lui aussi, condamné le blanquisme et le terrorisme comme méthodes minoritaires et aventuristes, mais le terrorisme moderne, lui, s'est reconnu dans le marxisme. On peut penser avec François Furet que « le legs philosophique central du marxisme au terrorisme est constitué par la critique de la démocratie formelle et de l'illusion de la citoyenneté politique dans une citoyenneté bourgeoise » 12. Il n'existe pratiquement pas de textes de Marx consacrés à la politique, autres que critiques 13 ; la transition de la dictature du prolétariat est, elle-même, très peu définie. Qui l'exercera ? Combien de temps ? Dans quelles formes constitutionnelles et juridiques ? C'est que, pour Marx, l'Etat est un leurre, le produit et le masque des rapports d'exploitation. Le primat marxiste accordé à l'économie correspond à une impasse faite sur la politique, mais une impasse qui, surtout avec le léninisme, a débouché sur l'idée que l'Etat bourgeois pouvait être livré à tous les outrages, terrible erreur. La position de Leroux est tout à fait différente. Il avait, bien avant Marx, analysé le divorce du fait et du droit dans la société moderne régie par les principes de l'économie politique anglaise. « Le Code civil et le Code pénal ne reconnaissent point de classe et ne distinguent pas entre les citoyens », remarque l'article Egalité de VE.N. (1838). Comme Tocqueville 14, Leroux, qui a beaucoup médité sur les sociétés à castes depuis la plus haute antiquité, compte pour un immense événement l'abolition des castes. Mais, c'est pour mettre en évidence aussitôt une persistante inégalité de fait aux plans économiques et culturels, dans l'accès aux places et fonctions de l'Etat, entre les sexes.

H. Vaclav Havel, Essais politiques, Calmann-Lévy, 1990, p. 127. 12. François Furet, Terrorisme et démocratie, Fayard, 1985, p. 18. 13. Voir Georges Lavau, Le marxisme, dans Histoire des idées politiques, ouvr. cité, p. 617-665. 14. Pour un parallèle Leroux/Tocqueville, je renvoie à mon article « De l'individualisme et du

socialisme selon Leroux et selon Tocqueville », Le Banquet, n° 13, 1993.

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Pierre Leroux : une critique « socialiste » de la Terreur 87

La société, en proclamant la concurrence, n'a donc pas fait autre chose jusqu'ici qu'une grande ironie : c'est comme si elle avait organisé un champ clos où des hommes garrottés et désarmés seraient livrés à d'autres munis de bonnes armes. Le spectacle de liberté que présentent le travail et l'industrie ressemble beaucoup, en vérité, au bagne de Toulon (p. 612).

Pourtant : Considérant la marche nécessaire du progrès du genre humain, je dis que cette phase de privation vaut mieux, mille fois mieux, pour la cause du peuple que la phase précédente. Ce n'est pas le présent en effet qu'il faut voir ; c'est le présent par rapport au passé et par rapport à l'avenir. Le droit de tous à l'intelligence est aujourd'hui proclamé : voilà une révolution immense ; car le droit proclamé et non réalisé est supérieur à l'usage qui n'était pas revêtu du droit (p. 615).

Leroux résumait bien la partie politique de son œuvre quand il écrivait depuis Jersey en 1858 : « J'ai porté la République dans le Socialisme et le Socialisme dans la République » (« Comment délivrer la France de la tyrannie » dans L'Espérance, p. 170). Cela veut dire que la lutte pour l'égalité formelle et la lutte pour l'égalité économique doivent aller de pair. D'une part, la république a vocation de réaliser l'égalité économique (Leroux avait assigné en janvier 1832 à sa Revue encyclopédique la tâche de traiter de « la grande question du prolétariat »). D'autre part le socialisme se doit d'être libéral. De fait, Leroux consacra autant d'effort à la question politique et constitutionnelle qu'à la question économique. Dès novembre 1832, un an donc après sa rupture avec le saint-simonisme, il préconisait la complémentarité des deux actions, « perfectionner l'instrument de législation » et « accomplir le but social », cela contre la « double tendance » actuelle, les uns « haletant après les réformes de fonds », les autres faisant du gouvernement représentatif considéré pour lui-même « un jouet inutile » (Du progrès législatif).

Fond et forme, âme et corps, droit et fait, progrès et tradition, égalité et liberté, ces couples dont il vient d'être ici question sont toujours traités par Leroux selon une méthode qui mérite d'être appelée dialectique 15, mais une dialectique originale, différente de la dialectique hégélienne, qui ne pratique pas la négation de la négation ; la synthèse chez le philosophe de la triade se construit par la coexistence de la thèse et de l'antithèse et par leur intégration dans un ensemble nouveau qui concilie l'union et la distinction.

(Université de Provence)

15. Pour une analyse élargie de cette question, je renvoie à nouveau à mon article cité note 7. La comparaison avec la dialectique hégélienne a été faite par Fernando Fiorentino, Filosofia religiosa di Leroux ed eclectismo di Cousin, Milella, Lecce, 1992, p. 313 et « Le mot Humanité chez Leroux » dans Bulletin des Amis de P. L, n° 12, mai 1995, p. 153-154.

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88 Bruno Chaouat, Restaurer les Mémoires d'outre-tombe, p. 106

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T'as tort deTDnloir afficher cette grande annonce dans ce mois -ci mon bonhomme., par le froid aucune espèce de colle ne prend ! —