brasillach mémorandum écrit par robert brasillach pour la préparation de son procès ok3

Upload: bibliothequenatio

Post on 05-Apr-2018

218 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    1/44

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    2/44

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    3/44

    Le texte prsent ici est un mmorandum crit par RobertBrasillach la prison de Fresnes dans lattente de son procs. Le prisonnier se prparait, avec laide de ses compagnons de cellule, rpondre aux questions qui pourraient lui tre poses au tribunal.

    la barre, Robert Brasillach ne put sexpliquer que sur certains points ; le Mmorandum dtaille ces points et il contient desdveloppements sur les questions qui ne furent pas abordes durantle procs. Il permet de comprendre les motivations de RobertBrasillach durant la Collaboration et claire la destine de lcrivainentran dans la tourmente de la guerre, fascin par la force des jeunesses fascistes mais fermement attach aux principes dunationalisme franais.

    Dans ce document, plus politique et biographique que judiciaire,Robert Brasillach revient sur ses relations avec les Allemands depuisson retour de captivit jusqu son refus de partir en Allemagne en1945, son soutien la Lgion des volontaires franais, sa mfiancevis--vis de la Milice, ses rapports avec le gouvernement de Vichy,la crise de Je suis partout , la justification de son antismitisme, etc.

    Ce Mmorandum ntait pas destin au public, mais son intrt

    explique sa publication dans lesuvres compltes de RobertBrasillach. Loriginal a t perdu, le texte a t reconstitu partir dedeux copies dactylographies. Quelques mots manquants, insrsentre crochets, ont t restitus par Maurice Bardche, dont nousavons conserv les notes. Elles ont t intgres avec la mention NDMB avec celles que nous avons ajoutes en fin de livret. Lescommentaires inscrits dans la marge par Robert Brasillach ont t

    transforms soit en inter-titres, soit en notes de bas de page.

    1

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    4/44

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    5/44

    RETOUR DE CAPTIVIT D. : Comment avez-vous t libr de votre captivit en

    Allemagne ?R. : Jai t fait prisonnier le 22 juin 1940 avec larme de lEst

    que commandait le gnral Cond. Une demande de libration futadresse en juillet par le ministre de lInformation du gouvernementfranais au gouvernement allemand, qui a libr dans le seul mois de juillet environ 200 000 prisonniers : fonctionnaires, agents desservices publics, etc. Il ne faut pas oublier que dans lensemble unmillion de prisonniers a t libr : est-ce que cela fait un million detratres ? Le gouvernement me rclamait au titre du ministre delInformation afin de me confier un poste. La demande fut adresse la commission de larmistice de Wiesbaden, et y fut porte par lecapitaine Henri Massis1, attach au gnral Huntzinger 2. Elle mit fortlongtemps aboutir, et avait t, je crois, renouvele. Lorsque je fuslibr, fin mars 1941, je le fus avec un lot de camarades rclamscomme fonctionnaires ou assimils des fonctionnaires, en particulier du ministre des Finances. (Tous les rgimes ont toujours besoin de collecteurs dimpts, ce nest pas toujours lavis descontribuables). Je demandai quel titre jtais libr : les officiersfranais qui soccupaient des besognes bureaucratiques du camp medirent que jtais galement rclam par le gouvernement. Je nai eu ce sujet aucune entrevue ni aucune explication, encore moins

    aucun marchandage de la part des Allemands du camp.

    3

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    6/44

    D. : Dans ces conditions, comment tes-vous rentr Paris et non Vichy pour vous occuper dun journal qui ntait pas unorgane officiel ?

    R. : Je suis partout paraissait depuis deux mois quand je suisrentr Paris, o se trouvait mon domicile. Tout naturellement, mesanciens camarades du journal dy offrirent la place que jy avaisavant la guerre. Mais on me demanda aussitt de venir Vichy, auministre de lInformation, puisque ctait le ministre qui mavaitrclam. Jeus un entretien avec des officiers de marine du cabinetde lamiral Darlan, alors chef du gouvernement et ministre delInformation. On me proposait de devenir Commissaire dugouvernement au cinma franais. Jtais lauteur, en collaboration3,dune Histoire du Cinma, qui devait dailleurs reparatre souslOccupation malgr le vif loge quelle fait du cinma amricain,quelque quarante pages consacres Charlie Chaplin, et llogequelle fait du cinma sovitique, considr par nous comme lemodle dun cinma neuf et rvolutionnaire. Cette Histoire duCinma a t traduite en Amrique par un organisme officiel de

    faon servir de base lenseignement. Jallguai nanmoins quemes connaissances taient dordre artistique et historique, et que jignorai la technique et laspect financier du problme. On insista pour que jaccepte. Je finis par me dcider, et nous envisagemesmme, Je suis partout , les modalits de mon dpart du journal entant que rdacteur en chef. Je pris contact avec les services officielsdu cinma, je minstallai rue de Babylone, o je reus tout de suitequelques visites. On me dit en juillet que ma nomination tait signe.Mais M. Galey4 dsirait le poste. Il me tlphona un beau matin,quarante-huit heures aprs que ma nomination meut t annonce par lui-mme, que les Allemands qui nen avaient pas t avertis, syopposaient. Je partis pour Vichy, o je dclarai que je ne voulais pasmendier aux Allemands lautorisation doccuper un poste dans unministre franais, et les choses en restrent l. Je navais donc plusqu conserver mon poste de rdacteur en chef de Je suis partout ,que joccupais, encore une fois, avant la guerre. M. Benoist-Mchin,

    4

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    7/44

    sous-secrtaire dtat auprs de lamiral Darlan, fut charg par celui-ci de demander lhtel Majestic les raisons du refus allemand. Onlui dit quon voulait que je vienne demander ce poste moi-mme. Ilrpondit que ctait peu probable que jaccepte.

    D. : Vous avez publi fin mars, alors que vous tiez encore encaptivit, un article dansJe suis partout. Comme lavez-vous fait parvenir ?

    R. : Je partageais la chambre du camarade qui soccupait de ladestination du courrier. Je venais dapprendre que Je suis partout

    avait reparu. Trop de souvenirs et damitis mattachaient ce journal pour que je ne dsire pas y crire. Je men ouvris cecamarade, qui me dit quil se chargeait aisment de faire parvenir cetarticle en France. Jy exprimai mon adhsion la politique qui taitalors trs populaire auprs des prisonniers, qui y voyaient le moyende relever la France et de prparer leur retour, et il se chargea de lefaire transmettre. Rien ntait dailleurs plus facile, et jai moi-mme, par la suite, reu plusieurs fois des lettres en dehors ducourrier ordinaire, ou des articles, ou le texte de confrences prononces dans les camps : certaines ont t faites sous lgide desCercles Ptain5, par des prisonniers qui font semblant aujourdhuidavoir toujours appartenu la Rsistance, et que jaurai la charitde ne pas nommer.

    LA DFAITE

    D. : Vous vous tes rjoui de la dfaite.

    R. : La dfaite a t pour moi une grande douleur. Les armesde lEmpereur sont vaincues..., disaient les rpublicains de 1870.

    Je ne lai jamais dit ni pens un instant. Ce ntait pas pour moi

    5

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    8/44

    les armes de la Rpublique mais les armes de la France. Jairacont dans mes articles, trs probablement, comme javais tchoqu de voir des officiers franais se livrer des explosions de joie immodre, et mme boire le champagne en public, le 17 juin

    1940. Mais la dfaite [tait regarder] comme un fait, une donne, et jai pens quon pouvait [se servir de] la douleur mme que nouscausait ce mal pour rendre la France sa vigueur et sa force, commela France vaincue de 1870 avait trouv dans la dfaite llan qui adonn naissance son Empire colonial.

    D. : En somme, vous avez dsespr de la victoire future de votre pays.

    R. : Cela est dj arriv la France, dans son histoire, dtrevaincue. Celui qui en 1815 ne croyait pas la dfaite de la France lamoins bien servie que celui qui, admettant cette dfaite, faisait de laFrance, six mois plus tard, la puissance prpondrante au Congrs deVienne. Presque tout le monde admettait cette dfaite. M. Gide,aujourdhui figure minente du Front national des crivains, crivait cette poque (et il a republi cette pense en mai 19..) : Composer avec lennemi dhier ce nest pas la lchet, cest sagesse 6 . Et il ajoutait mme : Je sens en mois dillimites possibilits dacceptation. Je nai jamais dit ni cru cela. Il matoujours paru quil y avait des limites, prcisment aux acceptations,et cest pour les rendre moins pnibles que jai suivi la politique quenous avions adopte. Je suis plusieurs fois revenu sur lide que laCollaboration avait pour condition sine qua nonelindpendancefuture de la France. Jcrivais le 11 dcembre 1942 : Tout est subordonn pour nous la condition pralable de la dure et delexistence de la patrie. Et encore : Il y a aujourdhui des enfantsqui ne savent pas encore parler et qui tentent vers nous leurs petitesmains. Nous ne voulons pas leur remettre une France dont ilsauraient honte.

    6

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    9/44

    LE FASCISME D. : Vous avez voulu que la France se mette lcole dune

    puissance trangre, en devenant fasciste .

    R. : Jai pens que les ides politiques nappartenaient pas un pays dtermin. Les rpublicains prennent les ides librales lAngleterre et aux tats-Unis sans vouloir que la France soitanglaise ou amricaine, les communistes la Russie sans vouloir, jesuppose, que la France soit russe.

    D. : Le fascisme a men lAllemagne sa perte.R. : On peut rpondre que cest le rgime autoritaire qui permet

    lAllemagne de rsister comme elle fait en ce moment, seule contrele monde, et penser que si lAngleterre et les tats-Unis avaient tdes nations fascistes, il naurait peut-tre pas fallu tant de temps cinq cent millions dhommes pour en vaincre moins de centmillions.

    D. : Le fascisme, en tout cas, tait lidologie dun pays en guerre avec la France.

    R. : Jai accept cette guerre une fois quelle a t dclare.Pendant les hostilits effectives envers lAllemagne, je nai riencrit, quand il marrivait dcrire, qui ait pu encourir les foudres de

    la censure la plus pointilleuse. Jai toujours fait une distinction entrece quon appelle dune manire gnrale les ides fascistes et les pays o ces ides taient au pouvoir. Je pouvais demeurer fasciste,souhaiter le fascisme en France, et souhaiter en mme temps ladfaite des pays fascistes en guerre avec mon pays. Je veux tre persuad que si, par hypothse, il y avait demain un conflit entre laFrance et lURSS, comme il faillit clater en 1940, les communistes

    franais lutteraient contre lURSS avec le dsir de la victoire.

    7

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    10/44

    GAULLISTES ET MAQUISARDS D. : Vous avez trait le gnral de Gaulle de tratre.

    R. : Pourquoi me fait-on ce reproche avant davoir jug lesgnraux qui ont condamn mort le gnral de Gaulle ? On ne les amme pas arrts. Y aurait-il donc deux justices ?

    D. : Vous avez attaqu les maquisards.

    R. : Jai toujours dit que la Rsistance comprenait dhonntesgarons, anims par le plus vif sentiment patriotique. Je suis moi-mme intervenu pour ceux que lon me signalait. Mais des journauxclandestins eux-mmes faisaient tat de lexistence de bandesterroristes, mais japprenais tous les jours des assassinats de paysans,sans aucun motif politique, et parfois de familles entires. Lesinformations que javais ne me permettaient pas de voir autre chose,et je savais que le maquis lui-mme, en Savoie par exemple,organisait la rpression contre le terrorisme pur.

    D. : Il fallait faire la distinction.

    R. : Nous tions en guerre civile, la Cour de cassation arcemment reconnu que larmistice tait une suspension darmes, sielle a cru devoir dclarer que lennemi nen restait pas moinslennemi. Mme si lon admet cette dernire affirmation, la

    reconnaissance de larmistice suspension darmes interdit donclexistence dune guerre de francs-tireurs. Le gouvernement sedressait contre elle, les tribunaux la condamnaient. Jai admis toutcela comme lgitime. La guerre civile, que je dplore, tait un fait.En temps de combat, il faut considrer ladversaire en adversaire.Mon souhait le plus cher, que jai frquemment exprim, tait queles adversaires fraternels soient un jour rconcilis. Le terme

    dadversaire fraternel avaient dailleurs t employ par un de ceuxqui mcrivaient, bien que ne pensant pas comme moi.

    8

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    11/44

    LES COMMUNISTES ET LES OTAGES D. : Vous avez demand la mort des chefs communistes juste

    avant que naient lieu les excutions de Chteaubriant.

    R. : Jignorais totalement lexistence des otages deChteaubriant, et jai toujours dsapprouv la politique dotages, parce que jai toujours eu un sentiment trs vif de la responsabilitdirecte. Si jai demand quon sen prenne aux chefs qui avaient prisla responsabilit des attentats contre les Allemands, ctait pour viter la mort des innocents qui y taient trangers et que lesAllemands pouvaient prendre comme otages. plusieurs reprises, le

    gouvernement nous assura dailleurs que les Allemands renonaient la politique dotages pour celle de la responsabilit directe. Si lamort de Franais tait invitable, il fallait dabord sauver ceux quinavaient rien fait. La cessation des attentats contre des soldatsallemands isols aurait vit les excutions dotages et le cours de laguerre nen aurait pas t chang.

    Jajoute que la question des otages est une des plus douloureuses

    qui puissent se poser en pays occup. Mais, en application de laConvention de Genve, la prise dotages civils est conforme aux loisde la guerre pour garantir lobservation par les habitants des zonesoccupes des prescriptions de lautorit militaire. Ils peuvent trecondamns mort et excuts. Cest ce qua dcid rcemment pour Strasbourg le GQG7 des forces expditionnaires allies. Il estdailleurs pnible pour un Franais de penser que Strasbourg estconsidre par les Allis comme territoire occup et quon y imposedes mesures rserves lennemi. Mais cela confirme le caractre juridique quoique regrettable des mesures sur les otages.

    D. : Aujourdhui les Allemands menacent de tuer les dports franais pour prendre la dfense de gens comme vous.

    9

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    12/44

    R. : Je nai pas demand aux Allemands de prendre ma dfense.Si javais voulu me mettre sous leur protection, noubliez pas que jene serai pas ici. Et il me parat mal venu de me parler dotages moiquand je me suis constitu prisonnier la suite de larrestation de

    toute ma famille, effectue pour me forcer me rendre.

    ALLIS D. : Vous avez attaqu Roosevelt.

    R. : Les tats-Unis, aprs une campagne violente contre Hitler,ne sont pas entrs en guerre en 1939. Ils ont laiss sans rponselappel de Paul Reynaud en 1940. Ils ne sont entrs en guerre que sur lattaque du Japon en 1941. Ils ont refus de reconnatre longtempsle Gouvernement provisoire de la Rpublique, et personne na jamais pu en donner de raisons valables, alors quils avaientreconnu, comme je lai soulign plusieurs fois, des gouvernementsqui ne reprsentaient certes pas ce que reprsentait la France doutre-mer comme richesse et comme forceA. Il ma donc apparu quilsfaisaient tout en apparence pour tenir la France dans un tat desujtion et dinfriorit contre lequel les journaux clandestins de laRsistance et le gouvernement dAlger ont souvent protest. Il y atrois mois encore, le gnral Eisenhower demandait aux ouvriersfranais en Allemagne de se rvolter puisque les troupesamricaines approchaient : si lon a procd des excutions de nos

    malheureux compatriotes abuss par des promesses htives, cest cette hte, justement, quon le doit. Le dput communiste JacquesDuclos a pu dire en novembre sans crainte dtre contredit que lasituation des pays occups, sans charbon B, sans travail, sanstransports, sans colis familiaux, tait pire que sous lOccupation,

    A.Loi cash and carry . Pendant que nos soldats se faisaient dj tuer, les US exigeaientle paiement comptant du matriel de guerre... Cest pour cela que jai parl de

    lhypocrisie de R.B. Le charbon.

    10

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    13/44

    et tout le monde sait que la raison en est dans le fait que lesAmricains ne sintressent qu leur guerre. Ce sont l des faits, etnon de la polmique.

    D. : Vous avez attaqu lAngleterre.

    R. : LAngleterre sest servie des troupes franaises pour conqurir la Syrie. Aprs quoi elle nous a fait perdre notre mandatsur la Syrie. Le gouvernement dAlger a protest, et nous avons pu,nous Franais de toutes opinions, en concevoir les craintes les pluslgitimes pour notre Empire. Je nai pas besoin, je suppose, bien

    quon jette aujourdhui un voile pudique sur les faits, de rappeler queles plus hautes autorits [morales] franaises, que les cardinaux ont protest contre la manire dont les bombardements taient excutsavec un plus grand souci de la vie des pilotes anglais que de celledes civils franais. Je ne vous [apprendrai] pas que les journaux de laRsistance, Dfense de la Franceen particulier, ont violemment protest contre le sauvage bombardement de Nantes8. Tout celaninspire pas un vif amour des Anglo-SaxonsC.

    D. : Ce ntait pas une raison pour collaborer avec lAllemagne.

    R. : Au moment de Montoire9, jtais en captivit. Je puistmoigner de limmense esprance que la politique ouverte alorsavait fait natre chez les prisonniers. Je ne voyais pas comment on pouvait faire autrement que suivre la politique du gouvernement, etil ntait pas dans mon temprament de le faire dune faon passive.Tant que jtais prisonnier, tant officier, je nai voulu avoir aucunrapport particulier avec les officiers allemands du camp, et jairefus formellementde collaborer lorgane de propagande allemandeauprs des prisonniers,Trait dunion . Mais en 1941 je redevins libre.Jappris en revenant que lambassadeur Abetz10 faisait dire par desofficieux quil tait personnellement partisan dune paix sans annexion,

    C. Labandon de la bataille Dunkerque. Mers el-Kbir. Madagascar.

    11

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    14/44

    et mme que la question dAlsace-Lorraine tait rserve. La politique de Montoire me paraissait le seul moyen dviter unecatastrophe nationale sans prcdent. Mais je maperus vite delhostilit quelle rencontrait auprs dune partie de lopinion. On me

    conseilla mme de demeurer dans lexpectative, de ne rien crire. Jerpondis ceux qui me conseillaient ainsi que je me rendais parfaitement compte des dangers de ma politique. La victoire delAmrique me paraissait certaine ; je savais que si elle se produisait,on en voudrait toujours ceux qui avaient soutenu la ncessit delentente avec le vainqueur. Nanmoins, il fallait considrer lintrtdu pays. Je me disais que les Franais patriotes ne devaient paslaisser des [tiers] le soin dapprocher les partenaires du dialogue.Ils devaient tre reprsents dans chaque camp, les gaullistes devantobtenir que la France, en cas de victoire des Allis, retrouvt sonrang de grande puissance, les collaborationnistes, en cas de victoireallemande, devant obtenir que la France ft traite le mieux possible.Cela nest pas absurde : encore une fois, cest ce qui sest pass en1815, et en 1866, lAutriche, battue par la Prusse Sadowa, salliaavec elle dans une paix sans annexion. Hier la Roumanie tait enguerre contre la Russie. Aujourdhui, vaincue et occupe par elle,elle est devenue son allie. Considrez-vous comme des tratres lesRoumains qui collaborent ainsi avec les Russes pour essayer desauver, aprs une guerre malheureuse, ce qui reste de leur patrie ? Jenentendais absolument pas par l jouer double jeu. Jai horreur dudouble jeu. Je pensais au contraire que chacun devait jouer loyalement sa partie pour sauvegarder les [intrts] de la France.

    Tout me donnait raison en apparence, le communiqu militaire, laflotte anglaise qui fondait, lavance en Russie. Aujourdhui vous pensez que lopposition sans merci tait plus juste. Je ne discuterai pas les faits. Mais il sen est fallu de peu, avouez-le, que voscontradicteurs ne deviennent les derniers dfenseurs de la causefranaise.

    12

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    15/44

    La Collaboration debout et non couche

    D. : Vous avez pu vous apercevoir que la politique decollaboration tait une duperie.

    R. : Je nai pas dfendre ici lensemble de la politique decollaboration. Je puis dire seulement que cette collaboration a t la politique de lexistence mme et de la dure de la patrie. Mme enadmettant que lAllemagne devait tre vaincue, il a t bon,lhistoire le dira, quun mince rideau de collaborationnistes fassecran entre loccupant et loccup. Cest grce ce rideau quil ny a pas eu 6 millions de prisonniers, que pendant les premires annes

    lAllemagne a cru une entente, ne sest pas livre des mesurestrop brutales. Imaginez-vous ce quaurait t un pays priv de sescadres, avec ses lites [captives], ses hommes peu prs tousdports, non seulement ceux que nous avons vu partir, mais vingtfois plus ? Les collaborationnistes, et je ne parle que des sincres, pas du tout de ceux qui jouaient double jeu, ont permis aux autres devivre dabord, de sorganiser, et mme, aprs tout, de rsister. Lescrivains collaborationnistes ont permis par ce [moyen], le silencedes autres, et leur action souterraine. Les hommes politiquescollaborationnistes ont permis aux autres de nouer leurs liens et leursmanuvres, de prparer un avenir de rechange. Cest labri de lacollaboration que la France a pu vivre.

    D. : Les Allemands ont nanmoins commis des atrocits. Or vous

    avez crit que vous les teniez pour des copains et des frres .R. : Je ferai dabord remarquer que ces phrases ont t crites

    avant les grandes tragdies de lOccupation : Ascq, qui est davril1944, Oradour, qui est de juin 1944. Les massacres dotagesmont toujours paru une chose rvoltante, mais je suis bien obligde convenir, avec lhistoire, quils ne sont lapanage daucun

    peuple. Il y a quarante ans les Anglais, lindignation unanime,

    ont procd de mme avec les Boers. Les communistes ont runi

    13

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    16/44

    des [documentations] impressionnantes et inpuisables sur les procds employs par la France en Indochine en 1930 aprs larvolte de [Yen-Bay]11. Je relisais au mois daot, un livre de MmeAndre Viollis, prfac par Andr Malraux,SOS Indochine, en

    mme temps que je lisais dans les journaux nouveaux les rcitsdatrocits varies. Ils avaient lair calqus sur ceux de MmeViollis : villages passs au fil de lpe, enfants massacrs, torturessexuelles par leau ou llectricit, etc. Il faut dcidment se dire queles polices [politiques] sont les mmes sous tous les rgimes. Je nai pas pens quil fallait confondre la France entire avec les [salarisde la Gestapo], pas plus quil ne fallait confondre les massacreursdOradour avec les soldats dont la rsistance et le courage sontsalus aujourdhui par la presse anglaise, et dont jestimais alors,avec le marchal Ptain, quils dfendaient la civilisationoccidentale. Il sagissait pour moi de donner une expression un peu[littraire] au terme bien connu de frres darmes dans une luttecommune.

    D. : Mais lennemi reste lennemi.R. : Le colonel de Gaulle crivait en 1934, donc aprs

    lavnement de Hitler au pouvoir, quon pouvait rver aux grandeschoses que la France et lAllemagne pouvaient faire ensemble. Biendautres ont fait ce rve, si rve il y a.

    D. : Il ne sagit pas dune simple divergence dopinion.R. : Cest M. Churchill qui, saluant rcemment dans un discours

    prononc en Angleterre le succs lectoral de M. Roosevelt, scriaittextuellement : Quel exemple pour ces tats o les divergences politiques narrivent pas se rsoudre par des discours ou desbulletins de vote, o tre dans la ligne et ny pas tre deviennent unequestion de vie ou de mort, que tranchent la violence et lintrigue, et o il peut y avoir seulement un troit foss qui spare jamais

    14

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    17/44

    les gouvernants et leurs victimes. Voil ce que lon pense dans untat qui se vante bon droit de respecter la libert dopinion. LaRvolution de 1789 a sur les mains le sang dAndr Chnier et lesang de Lavoisier. Les prisons sont remplies aujourdhui dAndr

    Chniers et de Lavoisiers. La France senlve sa propre crme her own cream, dit la presse amricaine. Lavenir pourra nous endemander compte.

    D. : Vous auriez pu vous apercevoir que la Collaboration tait une duperie, et rompre plus nettement avec elle. Pourquoi ne paslavoir fait ?

    R. : Nous avons aval des couleuvres. Ne lavez-vous pas fait ?Mers el-Kbir 12, la Syrie, la non-reconnaissance avant la libration.Vous avez tenu dans lespoir de lavenir, comme nous.

    (La solidarit des prisonniers. Lincident Nol B. Les vads).

    Les responsables de la dfaite

    D. : Vous avez demand la mort pour ceux que vous appeliez lesresponsables de la dfaite.

    R. : Jai t svre pour ceux que jestimais responsables de ladfaite prcisment parce que je souhaitais la victoire. Je ne puisconsidrer autrement que comme des coupables ceux qui ont prcipit la France dans une guerre alors quelle navait ni alliscapables de la secourir, ni chars, ni avionsD. Cet tat de choses avaitt dnonc par tous les crivains politiques et militaires, y comprisle gnral de Gaulle, mais les politiciens ne les ont pas couts.

    D. : Vous avez demand la mort pour Mandel, et la Milice aassassin Mandel.

    D.Reynaud tenu pour le mauvais gnie dont le vrai nom tait Mme de Porte par E. J. Boisdans Le Malheur de la France.

    15

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    18/44

    R. : Je tenais Mandel pour un des responsables de lexcitation la guerre, cette guerre que nous avons aborde sans prparation etsans armement. Cest ce titre que je le tenais pour coupable destin tre jug daprs les lois en vigueur. Je nai pas du tout approuv

    son excution clandestine, acte impolitique et impossible dfendre.

    D. : Vous avez cependant fait lapologie du meurtre de Dormoy.

    R. : Cela na aucun rapport. Mandel tait prisonnier, doncinoffensif et respecter au titre de prisonnier. Dormoy, en rsidencesurveille, donc libre dans sa ville, complotait contre le

    gouvernement. Son excution est un acte de guerre civile : Dormoyavait sur la conscience, outre son activit dalors, son pass que niles hommes de droite ne peuvent dfendre, puisquil les a combattus par tous les moyens, ni les communistes, puisquil les a fusills Clichy en 1937 et que LHumanit la attaqu au moins aussiviolemment que les gens de droite.

    La Collaboration

    D. : Vous avez reconnu le gouvernement de la dfaite.

    R. : Larmistice du 25 juin 1940 a t salu par la quasi-unanimit des Franais avec un soulagement indicible. Il avait tdemand par le gouvernement rgulier de la Rpublique, alors prside par M. Albert Lebrun, sur informations donnes par legnral Weygand, chef de larme. Il paraissait invitable depuis laretraite des Flandres. Dans un de ses livres, Au fil de lpe, lecolonel de Gaulle avait mme jadis crit que devant une armemotorise la dfaite tait certaine une fois Sedan pris. Sedan a t pris le 14 mai. la suite de larmistice, lAssemble constituante a, sa majorit, confi le pouvoir au marchal Ptain le 10 juillet. M.Lebrun a dmissionn et accept la lettre de remerciements dumarchal, qui prenait rgulirement sa suite. M. Jeanneney,aujourdhui vice-prsident du gouvernement provisoire, dclarait

    16

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    19/44

    le mme 10 juillet : Jatteste M. le marchal Ptain notrevnration et la pleine reconnaissance qui lui est due pour unnouveau don de sa personne. Nous connaissons la noblesse de sonme, elle nous a valu des jours de gloire. [Quelle nous claire] en

    ces jours dpreuve et nous prmunisse au besoin contre toutediscorde. Tous les tats du monde reconnaissaient legouvernement du marchal, y compris le Vatican, les tats-Unis, lesdominions anglais. Et je noublie pas les Soviets, qui ont eu leur ambassade Vichy jusquen juin 1941. Comment ne pas tenir cegouvernement pour rgulier ? Ltranger le reconnaissait, la Franceesprait en lui, les fonctionnaires lui prtaient serment de fidlitE,lEmpire dans sa majorit le suivait. Les marins franais rfugis enAngleterre, qui ntaient certes pas soumis la pression allemande,demandrent presque tous rentrer en France. Cest cegouvernement qui, le 28 octobre 1940, proclamait : Jentreaujourdhui dans la voie de la collaboration. Je me demandecomment on pouvait ne pas croire sa lgitimit. Elle avait pour garants le pape, le marchal Staline et M. Roosevelt qui lui adressaitdes envoys extraordinaires, lglise, la magistrature, la marine etlesprance des Franais. Et mme une partie de la clandestinit delaquelle nous pouvions croire ntre spars que par des nuances(citation de Dfense de la France).

    AFRIQUE

    D. : Vous avez protest contre le dbarquement alli en Afriquedu Nord.

    R. : Le dbarquement amricain, contre lequel la politiqueofficielle avait pris davance position, pouvait paratre, aprslexprience syrienne, une atteinte douloureuse au patrimoine national.Ce patrimoine mtait particulirement cher puisque, quelques jours

    prs, le dbarquement tait lanniversaire de la mort de mon pre,E. Dcret du 17 juillet 40.

    17

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    20/44

    officier tomb pour la conqute du Maroc il y a trente ans, et quandla radio mannonait que les Amricains taient Port-Lyautey, je pouvais songer quune rue de Port-Lyautey porte le nom de mon pre. Tout, en outre, dans ces premiers jours, nous faisait croire

    lunit franaise contre ce dbarquement. Nous avions entendu parler des mesures prises pour le repousser. Et je pourrais citer telles paroles qui nous furent rapportes, et qui manaient du gnral Juin,aujourdhui chef dtat-major de la Dfense nationale. La Cour estimera-t-elle quil est inutile de revenir sur cela, et que le rle que joue le gnral Juin doit nous faire un devoir de ne pas le mettre encause ? En ce cas, je minclinerai devant lintrt de mon pays mmesi cela doit tre prjudiciable ma dfense.

    D. : Vous pouvez citer les paroles auxquelles vous faitesallusion ?

    R. : Lambassadeur Abetz tenait trs rarement, je crois, desconfrences dinformation. Pour ma part, je crois navoir assist qulune delles, dans lt 1942. Il nous parla, entre autres choses, dugnral Juin qui, comme un certain nombre dofficiers coloniaux,avait t libr de captivit pour dfendre lEmpire contre uneventuelle attaque anglo-saxonne. Lambassadeur Abetz dit laconfiance quil avait en ce gnral, il fit mme une plaisanterie cesujet : Les Russes disent quils ont le gnral Hiver, mais vousavez le gnral Juin, cela vaut mieux. Et il nous dclara que legnral Juin avait affirm sa libration de hautes personnalitsallemandes dont Abetz se trouvait tre, je crois bien : Mon plus grand bonheur serait dtre admis cooprer rejeter les Anglo- Amricains la mer avec le marchal Rommel et dentrer en gypte son ct. Ctait au moment de loffensive de Rommel, le plushaut degr de la puissance allemande. On pouvait croire que toute laFrance, y compris ses meilleurs chefs militaires, voulait faire denotre pays lassoci de cette victoire.

    18

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    21/44

    La LVF

    D. : Vous avez fait lapologie de la LVF, organisme allemand.

    R. : Jai tenu la LVF13 pour un acte politique important, dans

    lhypothse de la victoire allemande. Ctait en effet ter la Francesa condition de vaincue, en faire une associe de lAllemagne. Naturellement, il ne sest jamais agi que dun volontariat, et je nai jamais rien crit qui puisse passer pour favoriser une mobilisation au profit de lAllemagne hypothse que je tenais pour absurde. Je nai jamais fait appel en faveur de lenrlement la LVF, jai mmerefus de faire partie du conseil de la LVF, comme me le proposait

    M. de Brinon. Mais jai tenu saluer, toutes les fois que jai pu, lecourage de ceux qui se battaient, dans une formation trangre, maisreconnue par le gouvernement franais, salue par le Marchal, quinont jamais port les armes contre des Franais, et qui ont t, ensomme, une Lgion trangre se battant ltranger contre un autre peuple.

    D. : Pourquoi, si vous faisiez lloge de la LVF, ne vous y tes-vous pas engag ?

    R. : Je nai jamais particip quelque combat que ce soit, jaitrop le respect du sang humain et surtout du sang de la jeunesse ;mais ayant vu de prs ceux qui sy taient engags, la manire dontils se battaient, mme si le pass de tous, au-dehors surtout, ntait pas toujours irrprochable, jai cru de mon devoir et en tout cas demon droit strict de le faire savoir mes compatriotes.

    D. : Ils portaient luniforme ennemi.

    R. : Vous savez trs bien la raison de cet uniforme. La Francentait pas en guerre avec la Russie, ils devaient prendre luniformedun belligrant pour ntre pas traits en francs-tireurs. Prisonniers enuniforme, je pense que les Russes les traitent en prisonniers de guerre

    19

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    22/44

    et ne les fusillent pas. Je sais que porter un uniforme tranger dun pays qui vous a vaincu, obir aux ordres dun chef tranger est pnible. Les combattants de la LVF, ils me lont dit, en ont souffertau dbut. Mais ils ont considr quils devaient laccepter pour tre

    fidles leur idal, pour lutter contre un adversaire quils ontdailleurs souvent appris estimer, et les dcorations franaises,gagnes dans la guerre de 1914 ou celle de 1939, quils portaient sur leur uniforme allemand les ont bientt persuads que cet uniformetait nationalis. Dans toute guerre idologique, on peut voir detelles lgions. En Espagne, des deux cts, des trangers ontcombattu sous luniforme du parti quils servaient. En 1916, cestauprs des Allemands et des Autrichiens que le hros delindpendance polonaise Pilsudski sest battu contre les allis.Aprs la guerre de 1870, la France vaincue envoyait en Chine uncorps expditionnaire qui se battait aux cts des Anglais sous lesordres dun gnral allemand, le marchal Waldersee. Ctait la premire arme europenne .

    Ressources

    D. : Quelles ont t vos ressources ?

    R. : Rdacteur en chef de Je suis partout , je touchais ce titre 8 000francs de fixe par mois. Tel tait mon traitement. Avant la guerre,Lazareff, rdacteur en chef de Paris-soir , touchait, 30 000 francs par mois, plus une note de frais mensuelle de 30 40 000 francs.Aujourdhui, le traitement officiel de la presse de Paris est de 15 000francs pour un rdacteur en chef, traitement minimum. Mais ce ntaient pas mes seules ressources, car mes articles, mes romans publis enlibrairie, etc., compltaient naturellement mes appointements. Danslensemble, jai gagn pendant lOccupation, suivant les droits dauteuret le travail variable que je fournissais, de 10 000 20 000 ou 25 000francs par mois. Ces ressources ont naturellement beaucoup diminu la suite de mon dpart de Je suis partout , et je nai plus crit que des

    articles dans des journaux qui me les payaient 500 ou 600 francs.

    20

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    23/44

    Ma vie a dailleurs toujours t celle que je menais avant la guerre.Je partageais un appartement avec ma sur, mon beau-frre et leursenfants. Cet appartement comportait un loyer de 7 000 francs par an.Je possdais avant la guerre une Simca, je nai jamais eu dauto ni de

    permis de circuler pendant la guerre. On ignore certainement monnom dans les grands restaurants, chez Maxims ou la Tour dargent. Je continuais mener peu prs une vie dtudiant. Jenavais pas de gardes du corps, pas de policiers dans lantichambre(notre appartement ne comporte dailleurs pas plus dantichambreque dascenseur), je nai jamais reu une lettre de menaces chez moi,alors que rien ntait plus facile que de savoir mon domicile. Je naieu besoin de recourir aucune protection.

    D. : Quelles taient les ressources deJe suis partout?

    R. : Je ne me suis jamais occup de grer les intrts matriels de Je suis partout . Toutefois, jtais assez au courant, comme tous lesrdacteurs, de son fonctionnement pour pouvoir rpondre en gros cette question. Je suis partout a toujours couvert ses frais. Unhebdomadaire qui tire plus de 50 000 exemplaires gagne delargent sil est administr avec prudence. Avant la guerre Je suis partout , qui a toujours dpass ce chiffre, couvrait donc dj sesfrais, bien quil ait eu peu de publicit. Depuis la guerre, son tirage amont 100 000, puis 150 000, puis 200 000 exemplaires et mme je crois un peu plus. Personne nest oblig dacheter unhebdomadaire, si lon est oblig dacheter un quotidien, ne serait-ceque pour savoir quand seront valids les tickets de charbon (on na pas ce souci aujourdhui, bien entendu) ; il faut donc penser que ce journal ne dplaisait pas. Il est devenu par la force des choses uneimportante affaire. La publicit tait abondante et fort chre. Lenombre des pages tant moindre quavant-guerre, malgrlaugmentation du prix du papier et des frais dimprimerie, les bnficestaient suffisants, le plus ignorant pourrait le constater, pour que le

    journal nait besoin daucune subvention de quelque origine quelle ft.

    21

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    24/44

    Dautant plus quil y avait Je suis partout peu de personnel, peudappointements levs. On se contentait la fin de lanne dedonner un supplment de piges qui portait peu prs lensembledes traitements et paiements aux prix pratiqus par les autres

    journaux. Je dis peu prs. Ainsi, si je donnais un roman Je suis partout il mtait pay 20 000 francs, tandis queGringoire payait200 000 francs un roman La Varende. Tout cela restait donc [dansla norme] habituelle des prix sinon au-dessous. Quand jai quitt Je suis partout je crois que les traitements ont t beaucoup augments.On me promettait moi 25 000 francs par mois si javais continu tre rdacteur en chef. Jai prfr men aller. Lorsquils sont partisen Allemagne, les collaborateurs de Je suis partout , ma-t-on dit, ontemport peu prs 500 000 francs chacun. Inutile de dire que je nesuis pas de ces bnficiaires, pas plus que je nai t des migrs enAllemagne.

    Rive Gauche

    D. : Pour quelle raison tes-vous entr au Conseil

    dadministration de Rive Gauche , organe de propagandeallemand ?

    R. : Rive Gauchentait pas un organisme de propagande, maisune entreprise commerciale. Je connaissais de longue date le prsident du Conseil dadministration, Henry Jamet. Il avait faitentrer un de mes parents, Henri Bardche, comme chef de la sectionfranaise. cette poque-l une entreprise allemande sise Cologneavait le monopole de lchange des livres entre France et Allemagne. Rive Gauchedsirait pouvoir vendre directement aux librairiesallemandes et surtout aux universits allemandes dsireuses desapprovisionner en ditions franaises douvrages savants ouclassiques. cet effet, Henry Jamet pensa que ses ngociationsseraient plus appuyes si dans le Conseil dadministration entraientdes personnalits franaises politiques et littraires, et me demanda

    den faire partie. Jacceptai, pensant tre utile ainsi dune part

    22

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    25/44

    Henri Bardche et dautre part favoriser une expansion du livrefranais ltranger. En juillet 1943 la libre fourniture du livrefranais lAllemagne fut en effet accorde Rive Gauche.

    D. : Quels appointements aviez-vous pour cela ?

    R. : 3 000 francs de livres prendre la librairie par an, je ne lesai mme jamais pris.

    D. : Mais navez-vous pas reu des actions de la socit, cadeauque lon vous faisait ?

    R. : Les actions nont jamais t cres. Il ma t rserv une partie des actions, comme dautres actionnaires. Mais elles nedevaient mappartenir que si je les payais. On na tabli aucuncertificat daction mon nom. Jignore la situation des autresactionnaires ce sujet, mais la mienne est trs nette. Si un jour javais dsir acheter des parts de cette socit, jaurais pu le faire.

    Mais en attendant les parts ne mappartenaient pas.

    D. : tiez-vous donc un homme de paille ?

    R. : Non, je laurais t si javais sign un transfert dactions aucompte dun tiers. L mes actions ntaient mme pas tablies. Celaest facile prouver. Elles taient laisses mes possibilits

    financires, si je le dsirais, et je me contentais de faciliter dans lamesure de mes moyens lexpansion du livre franais ltranger.

    Rapport inexact du 13 octobre [1944] Rive Gauchevendait 10 livres franais contre 6 allemands. Hachettevendait plus de livres allemands que Rive Gauche.Directeur libraire de mtier, 60 Franais contre 3 Allemands dans le personnel.La propagande est faite par les diteurs et non par le libraire.Inaugure par Philippon, actuel Prsident du Cercle de la librairie.

    23

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    26/44

    Embauches pour lAllemagne [empches] au contraire.Commandes aux prisonniers sur demandes des camps transmises par [leservice Scapini] (3% des affaires)14.

    La relve

    D. : Vous avez fait de la propagande pour la relve.

    R. : On oublie un peu trop maintenant que la relve est une idene dans les camps de prisonniers. Partout ds 1940, ds 1941, onentendait dire dans les camps : Quand viendra la relve ? Centait pas une plaisanterie, mais un vu trs profond. Ce vu a ten France exprim par le premier Commissaire aux prisonniers,Pinault, ancien prisonnier lui-mme. Quand Laval a annonc quunaccord tait intervenu ce sujet, beaucoup danciens prisonniers onttrouv la mesure excellente. Si cet accord avait t profitable, et jenoublie pas que, quels quaient t ses [inconvnients], des dizainesde milliers de mes camarades sont rentrs cause de lui, je lauraistoujours soutenu, et tous les prisonniers avec moi. Un remplacementntait mme pas prjudiciable [au pays] puisquon aurait remplacun homme par un autre. Laccord, je le sais [prvoyait un changede] un pour trois. [Mais], je sais aussi que toutes les familles qui onteu des prisonniers sont daccord avec moi, mme si elles nosent pasle dire. Toute ma politique a t domine par la hantise du million decamarades rests l-bas. Ceux qui nont pas connu [la captivit] ne peuvent pas comprendre. Mais le jour o la relve est devenue autrechose, je ne lai plus soutenue.

    D. : Quentendez-vous par l ?

    R. : Je veux dire le jour o elle est devenue une rquisition pure etsimple, sans contre-partie, laquelle on na donn le nom de relveque par habitude. Le Service obligatoire du travail devait, daprs lesdclarations primitives, se faire en France : on nous a tromps ce

    sujet, on nous a parl dentreprises utiles ltat, de grands travaux.Quand on a eu compris quil sagissait denvoyer en Allemagne

    24

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    27/44

    des milliers sinon des millions des ntres, je nai pas march. Jetrouvais cela inhumain, et antipolitique au possible. Jestimais quectait une faute contre la politique laquelle je restais attach. Et jai mme rompu avec Je suis partout en partie cause de lattitude

    que javais lgard de la relve, pour laquelle je ne voulais pasquon fasse de propagande. La mme volution a t suivie par desconfrres de zone sud, et le Figaro navait pas manqu, au dbut, delouer la relve comme il convenait.

    La Milice

    D. : Avez-vous fait lloge de la Milice ? Vous avez crit unarticle sur Darnand.

    R. : Jai crit un article sur Darnand avant que la Milice15 ne ftorganise, mme en zone sud, la suite dune interview de Darnand parue dans Gringoire. Le pass militaire de Joseph Darnandmapparaissait comme trs brillant, et je ne pouvais oublier quiltait lhomme qui, la suite dun coup de main qui nous donna deslments prcieux sur loffensive allemande de juillet 1918, permit Foch de prparer la contre-offensive finale des Allis. Foch etPoincar lavaient salu comme un artisan de notre victoire. Il me paraissait capable dapporter la France de la dfaite un renouveaustrictement franais. Mais ds que la Milice fut organise, jecommenais men mfier. Elle mapparut non comme un partigouvernemental form en accord avec le Marchal, mais comme unesorte de police politique, o des lments troubles pouvaientaisment se glisser parmi des lments honntes. Jexprimai monopinion plusieurs jeunes gens qui sy taient affilis dans lautrezone. Cela alla mme si loin que deux dentre eux se virentreprocher par Darnand en personne dtre en correspondance avecmoi et on leur lut de mes lettres, qui avaient t ouvertes par lesservices de renseignements de la Milice. Ils quittrent alorslhebdomadaireCombat . Je maperus que ma correspondance avec la

    zone sud tait surveille. Quand la Milice vint en zone nord, en 1944,

    25

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    28/44

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    29/44

    obissant des chefs militaires. Le SS prtait serment un chef politique, il perdait en ralit sa nationalit franaise, il sengageait pour servir mme contre des compatriotes. Cela est si vrai que beaucoup de soldats de la LVF en 1941, lorsquon les ramena du

    front de lEst, se refusrent sengager contre le maquis franais.Certains dentre eux, auprs desquels les Allemands avaient fait dessondages, furent mme renvoys trs brutalement en France lasuite de ce refus, alors quils avaient pass plusieurs mois en Russie.Mais leur engagement ne prvoyait pas une telle utilisation. Le SSau contraire naurait pas pu discuter, tant un soldat politique,soumis corps et me ses chefs, totalement et absolument. Cest pour cela que jai fait toujours une diffrence entre les deuxformations.

    Campagne antidmocratiques

    D. : Vos campagnes antidmocratiques faisaient le jeu delAllemagne, et taient imposes par elle.

    R. : Jai dit que si les Allemands marchaient sur leurs pieds, centait pas une raison pour marcher sur la tte afin de se diffrencier deux. Et un savant franais na pas rougir davoir utiliser unedcouverte allemande. Mais dailleurs les ides de lAllemagnehitlrienne ne sont pas allemandes. Lcole antidmocratiquefranaise est riche. Pour ne pas parler du temps prsent, ni Joseph deMaistre, ni Bonald, ni Balzac, ni Baudelaire ntaient infods Hitler, et ils taient antidmocrates. Le plus grand crivainamricain, Edgard Poe, tait un antidmocrate acharn.

    D. : Cela nempche pas que vous avez, en soutenant une causeantidmocratique, affaibli la France en lui conseillant de se mfier de ses institutions.

    27

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    30/44

    R. : Je faisais cela pour redonner la France sa vigueur. LaFrance de Louis XIV ntait pas dmocratique, celle de Napolonnon plus, et ce sont les plus hauts moments de lhistoire de France.M. Churchill a reconnu souvent quil fallait se mettre lcole des

    nations non dmocratiques pour dfendre la dmocratie. lheurequil est, lAllemagne antidmocratique tient tte au monde entier.Avant la guerre, jaurais voulu mon pays dbarrass des querellesintrieures, de la dmagogie, de la puissance des intrts particuliers,de lintrigue des comits, de la servitude des lections malcomprises. En quoi cela affaiblissait-il la France ? En quoi vouloir lui donner autant de puissance que les autres nations tait-il undanger pour elle ? Attaquer les hommes et les institutions qui luifaisaient mal, tait-ce la dmoraliser ou la gurir de son mal ? Alors,dites-moi si, aujourdhui, ils travaillent pour la [grandeur] de laFrance ceux qui affirment que ses plus grands artistes sont destratres, que ses deux plus grands sculpteurs vivants, admirs auxtats-Unis et en Russie, Maillol et Despiau, sont des tratres, que sesmeilleurs peintres, quelques-uns de ses meilleurs crivains,danciens soldats illustres, des vques et un cardinal, des savantsutiles dans tout lunivers, sont des tratres ? Cest en faisant direcela, il me semble, que la France travaille contre elle-mme, commedit la presse anglaise, enlve sa propre crme, her owncream, et te la jeunesse la foi dans la vitalit et le pouvoir crateur de son pays. Pour moi, jai toujours fait la diffrence entrela France et ses institutions passagres, dont tout le monde avoueaujourdhui quelles doivent tre rformes, et quon se garde

    dailleurs de remettre en vigueur.

    D. : Vous avez dmoralis la France.

    R. : Je ne lai jamais fait. Jai toujours respect la vitalitfranaise. (Dfense de larme en 1940. Lettre du chef dtat-major de Cond, de centaines de prisonniers, polmique avec...)

    28

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    31/44

    Dpart de JSP

    D. : Quelles sont les raisons de votre dpart deJe suis partout?

    R. : Javais Je suis partout avant la guerre une situation morale

    prpondrante que je nai retrouve tout fait mon retour, oladministrateur gnral, Charles Lesca, devenu directeur du journalet principal actionnaire, voulait jouer un rle plus important. Il y eutentre nous de srieuses divergences la fin de 1942, en particulier quand certains journaux blmrent les marins de ne pas avoir cdleur flotte lAllemagne, et que jobligeai Je suis partout dclarer que le jour de Toulon tait un jour de deuil et que nous nous

    refusions faire de la politique ce sujet. mesure que le tempsscoulait, au cours de lanne 1943, les divergences devenaient plusgrandes entre groupes au journal : ceux qui, maintenant la mme politique, ne voulaient pas bourrer le crne leurs lecteurs, et ceuxquon peut appeler les ultras qui prenaient une positionextrmiste, dabord avec Doriot, puis plus tard, aprs mon dpart,avec Darnand. La crise clata au moment de la premire affairedItalie, en t 1943. Il y eut une runion des principauxcollaborateurs, o les deux groupes firent valoir leurs vues. CharlesLesca en profita pour faire valoir ses droits de directeur. Oppos lui, je rclamai lautorit absolue sur le journal, de faon le diriger ma guise, et viter ce que je tenais pour des erreurs. Jusque-l,chaque collaborateur tait pratiquement indpendant, suivantlhabitude de notre camaraderie. En somme, je rclamai les pleins pouvoirs. Jexposai les grandes lignes de ce que je dsirais faire. Jene voulais pas quon rptt longueur de journe que lAllemagneallait gagner la guerre, ni que lItalie tait une fidle allie delAllemagneF, ni que le dbarquement en Sicile ou Naples tait unchec. Je ne voulais pas quon fit une propagande abusive en faveur de la relve, expliquant que si ce moment-l, comme le bruit encourait, Laval venait de refuser Sauckel un million dhommes, jtais, moi, du ct de Laval contre Sauckel. On acceptait peu prs

    F. Mussolini, juin 1943.

    29

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    32/44

    ce dernier point mais on voulait continuer attaquer ceux qui blmaient la relve, en particulier les vques de France et jetrouvais cela illogique. Je me refusais faire confiance au PPF dansson ensemble et ses vues politiques. Je me refusais la faire

    Darnand et sa milice quon voulait introduire en zone nord. Bref, jevoulais quon restt Franais, et que, toujours soucieux dunerconciliation franco-allemande, on naffirmt pas que lAllemagnetait sre de gagner, ce qui me paraissait une absurdit chaque jour plus grande. On refusa de me suivre sur une telle politique, et jedonnai ma dmission de rdacteur en chef. Cela effraya un peu mesanciens amis, qui se rendaient compte que cela ferait mauvais effet lextrieur. On insista pour me retenir. Le journal faisant des affaires prospres, on proposa daugmenter mon traitement, de me donner 25 000 francs par mois, de me [verser] un rappel pour le roman que javais publi. Je refusai. On essaya alors de me garder commecollaborateur, mais je ne voulais absolument pas quon pt croire, lextrieur, que jtais solidaire dune politique que je napprouvais pas. Quels que soient les avantages matriels que jaurais pu ytrouver, je refusai galement, prfrant crire dans des journaux quime paieraient 5 ou 600 francs larticle, mais o je ne serais quuninvit irresponsable des articles dautrui. Je fis un roman Rvolution nationalequi mtait pay 1 000 francs la page de journal. Deux de mes amis me suivirent dans mon dpart, car ilsnavaient aucune confiance dans lesprit politique de mes ancienscamarades. La suite tait facile prvoir et ne me regarde pas. Je suis partout devint un organe de plus en plus li aux ultras , la

    Milice, voire la Waffen SS, se fit interdire en zone sud o legouvernement franais avait conserv beaucoup plus de prrogatives, alors que cest moi qui lavais fait admettre dans cettezone, et finalement, en aot 1944, ses principaux collaborateurssenfuyaient en Allemagne. Je refusai, bien entendu, de lesaccompagner et dabandonner mon pays. Je nai pas juger danciens amis, mais je puis dire que je ntais plus avec eux,

    comme la suite la prouv.

    30

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    33/44

    Les juifs

    D. : Vos campagnes antismites taient inspires par lAllemagne.

    R. : Je nai pas toujours t antismite. Jai eu, et jai toujours, dela curiosit pour le peuple juif, pour sa rsistance, son originalit.Mais en 1936, on a pu voir un ministre comportant trente-septministres, attachs de cabinets, directeurs, qui taient juifs. On peutestimer que cest beaucoup. Il y a eu en 1938 certaine [runion] de propagande pour les livres franais ltranger qui tait prside par M. Jean Zay, juif, ministre de lducation nationale, assist de son

    directeur de cabinet M. Abraham, juif, accompagn de MmeBrunschvicg, juive, sous-secrtaire dtat, et de M. Marx, juif,directeur des uvres franaises ltranger. Pour comble, cetterunion se tenait lhtel Rothschild. Ntait-ce pas excessif ?

    D. : Mais lantismitisme est allemand et hitlrien.

    R. : Drumont, antismite franais, a publi La France juivetroisans avant la naissance de Hitler. Gobineau crivait sous le SecondEmpire. Napolon tait antismite, et Voltaire, et Saint Louis. QuandlAllemagne ouvrait la porte aux Juifs, il y avait en France des partisantismites. Aujourdhui encore, jai lu dans des journaux qui paraissent Paris quil existe un problme juif, un problme de non-assimilation, cela sous la plume de M. Duhamel, des frres Tharaud,crivains rsistants, et dans LAurore.

    D. : Ne fallait-il pas, sous loccupation allemande, viter daborder ce problme ?

    R. : Je pourrais vous rpondre que jen ai beaucoup moins parl, coup sr, sous loccupation quauparavant. Je pourrais vousrpondre aussi que lorsque je vois dans la presse daujourdhuiattaquer le gnral Weygand, on ne se soucie pas du tout du fait

    31

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    34/44

    quil est prisonnier en Allemagne. Jai dit ce que je pensais et voiltout. Je napprouve aucune violence physique, jai trouv dplorableet inhumain quon ait, dans certains cas, spar les femmes juives deleurs enfants. Je me suis brouill avec Cousteau, Je suis partout ,

    parce que, en 1943, il voulait rclamer des mesures plus nergiquescontre les juifs, et que je nen voyais pas lutilitG. Je continue penser que le juif est, sauf exception, un peuple inassimilable,htrogne, et quil y a l un problme grave, tout fait indpendantde loccupation allemande. Mais je naime rien de ce qui estirraisonn et inhumain, et je nai approuv ni svices ni tortures, pas plus que je ne les approuverais contre les Noirs en dautres pays.

    Voyage en Russie

    D. : Pour quelles raisons avez-vous accompagn Brinon en Russie ?

    R. : Brinon17 tait prsident de la LVF, organisme officielfranais. Il devait aller linspecter, et dsirait tre accompagn dedeux journalistes. Il songea tout naturellement, et indpendammentmme de nos personnes, au rdacteur en chef du plus importantquotidien, Le petit parisien, et au rdacteur en chef du plusimportant hebdomadaire, Je suis partout . Cest ainsi quil nousdemanda, Claude Jeantet et moi, de venir en Russie, de faon dire ce que nous aurions vu. Jy suis donc all en qualit de journaliste, naturellement curieux des choses de notre temps, commeClaude Jeantet tait lui-mme all en Russie avant la guerre pour lasignature du pacte franco-russe, galement invit par un membre dugouvernement franais.

    D. : Ce voyage tait un voyage de propagande allemande.

    G.Cousteau dit en 1944 que je lui ai refus un article.

    32

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    35/44

    R. : Jai dit exactement ce que javais vu. Je ne prtends pas,ignorant le russe et lallemand, avoir donn une image complte dela Russie en guerre, et mme de la Russie occupe. Aussi me suis-jecontent de raconter ce que je voyais, et pas autre chose. Je nai t

    soumis pour cela aucune pression. Jai fait quatre ou cinq articles Je suis partout , plus tard un Rvolution nationale. Jy ai dit, entreautres choses, la curieuse attraction quexerait la Russie sur lAllemand, le respect que le soldat avait pour le soldat, et cette idedune entente ncessaire qui, parfois, savouait franchement. Quant la LVF, jai dit ce que jai vu, et rendu hommage aux combattants.

    D. : Vous avez particip la propagande allemande en crivant un article sur Katyn.

    R. : Jeantet et moi sommes les seuls journalistes franais avoir vu Katyn. Cette visite ne faisait pas partie du voyage primitif, il nesagit donc pas dune pression, et il a fallu que nous demandions ytre conduits. LEurope entire parlait de Katyn. Les Polonaisavaient, ne loubliez pas, fait une demande denqute la Croix-Rouge, conjointement avec les Allemands, chose extraordinaire ; laRussie avait rompu les relations diplomatiques avec eux ce sujet,des neutres, des mdecins de tous pays staient penchs [sur lescadavres], sur les fosses. Nous voulions voir Katyn, nous lavons vu,et nous avons dit ce que nous avons vu. On a retir devant nous descadavres dune fosse. On a coup au couteau leurs vtementsabsolument colls, et on en a retir des papiers et des journaux dontles faces intrieures taient encore lisibles. Rien ntait postrieur avril 1940, donc au moment o Katyn tait en Russie libre, avant laguerre avec lAllemagne. Je ne puis dire autre chose que ce que jaivu. Des Polonais sont alls Katyn, des officiers prisonniers, des prtres, des officiers anglais et amricains galement prisonniers.Personne ne peut avoir de doutes ce sujet. Jignore totalement lesraisons de cet acte, mais je ne puis dire autre chose que ce que jai

    vu. Le gnral Sikorski devait-il rompre avec Moscou sans cela ?

    33

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    36/44

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    37/44

    R. : Aux mois de juin et juillet, je me trouvais dans ma famille en province. Je rentrai bicyclette Paris au dbut daot. La dbcleallemande en France saccentuait, et il devenait vident que laFrance entire allait tre vacue. Les Allemands avaient fait offrir,

    on le sait, ceux des Franais qui voudraient les suivre, un lieudasile en Allemagne. Une runion eut mme lieu ce sujet lacorporation de la presse. Je ny assistai pas, et je refusai de partir.Des amis me firent offrir de passer en Suisse. On moffrait leconcours dsintress de passeurs de la Rsistance qui avaient gardtoute leur sympathie pour moi. Je refusai galement. On nemporte pas la patrie la semelle de ses souliers18. Et puis la question deresponsabilit. Ceux qui restaient. Les [circonstances] du dpart. Lesvoitures de Brinon. On insista au moins pour que je reste cach, sousune fausse identit, et on soffrit me faire avoir par la Prfecture de police toutes les pices didentit parisienne que je voudrais,absolument authentiques, cartes dalimentation, etc. Je refusaigalement. Je quittai mon appartement, car je ne savais pas si deslments irresponsables nallaient pas au mpris de tout [organisme]central de la Rsistance se livrer des attaques violentes. En fait,mon appartement fut occup au dbut de septembre, et ma sur ne put mme pas y pntrer pour y chercher des vtements dhiver pour ses enfants. Elle y pntra un jour cinq minutes pour sapercevoir que les occupants avaient entrepris un vritable dmnagement detout ce qui lui appartenait elle et non moi, des livres dtudes demon beau-frre, et mme de ses vtements elle. Je demeurais chezdes amis lorsque jappris larrestation de toute ma famille, petit

    petit : mon beau-frre, mon beau-pre19

    , qui navait jamais fait de politique de sa vie, ma mre enfin. Mon grand-pre, vieillard dequatre-vingt-cinq ans20, fut transport lhpital, o il mourut troissemaines plus tard boulevers de ce quil avait vu. Avec une brutalitinoue, ma mre fut jete en prison, dans des cellules de 4 mtres sur 5 o il y avait trente personnes sur huit paillasses, mle aux prostitues et aux voleuses. Elle y resta trois semaines sans lombre de

    raison. Elle y serait peut-tre encore si je ntais pas l moi-mme. Je pouvais craindre quon arrtt ma sur, quaurait-on fait des enfants ?

    35

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    38/44

    On les aurait sans doute mis lAssistance, comme le petit bb deGeorges Albertini dont on a arrt les parents et les grands-parents,et qui vient dy mourir. Je dcidai donc daller au-devant des policiers et jallai la Prfecture. Jeus bien un peu de mal me faire

    arrter. On ne voulait pas de moi. Jerrai dans les couloirs. Je navais pas de mandat darrt. Il me semblait que jembarrassais les gens. Jedclarai que je navais jamais approuv ce procd darrestation par otages. Le fonctionnaire de la Prfecture qui mcoutait voulut bienmassurer quil blmait larrestation de ma mre. Ds que monarrestation fut connue elle fut libre, mais pas avant. Elle nen avait pas moins pass trois semaines dans les pires conditions matrielleset morales. Je navais pas voulu dune part abandonner les militants,dautre part exposer ma famille.

    REGRETS, FLEURS ET COURONNES D. : Vous vous tes tromp sur les faits. Naurait-il pas mieux

    valu ne pas crire ?R. : Dautres se sont tromps avant moi, depuis M. Blum qui en

    1932 crivait que Hitler tait loign de lesprance mme du pouvoir jusqu M. Paul Reynaud qui scriait en 1940 que la routedu fer tait dfinitivement barre, jusqu M. Schumann de la radiode Londres qui affirmait que 1942 serait 1918 il va y avoir deuxans , sans parler de ceux qui en 1914 annonaient la mort du Kaiser comme on annonce depuis trois mois celle de Hitler.

    D. : Regrettez-vous ce que vous avez crit ?

    R. : Si je vous disais oui, vous penseriez que cest pour sauver ma peau et vous me mpriseriez. Je nai rien regretter desintentions qui mont fait agir. Jai pu me tromper, comme tout

    homme, sur les faits ou sur les personnes, mais je me dis quil y a,

    36

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    39/44

    lheure quil est, des jeunes gens et des jeunes filles qui pensentavec amiti ce que jai crit, mme sils ne sont pas daccord avecmoi sur la politique. Je pense quil y en a sur le front en Lorraine,qui ont t dj sur le front tunisien ou italien, qui portent dans

    larme Leclerc luniforme franais et qui savent que je nai jamaisvoulu leur apprendre autre chose que lamour de la vie, le couragedevant la vie, que jai voulu conomiser leur sang, et cela me suffit pour ne rien regretter de ce qui a t moi-mme.

    D. : Ne regrettez-vous pas davoir engag des jeunes gens danscette voie ?

    R. : Sils ont le regretter aujourdhui, ce nest pas moi quilsdoivent en demander compte, cest ceux qui remplissent les prisons et les camps de 300 000 Franais, dressent partout des poteaux dexcution, donnent au monde stupfait limage duneFrance qui ne cherche pas la rconciliation de ses fils (la presseanglo-saxonne tmoigne de cet tonnement), mais sacharne ajouter aux blessures de la guerre trangre les horreurs de la guerrecivile. Voil les vrais ennemis des jeunes gens que vous maccusezdavoir entrans. La cinquime colonne, cest vous qui la faites entraquant des Franais qui se disent que, perdus pour perdus, il vautmieux prendre un fusil. En tout cas ceux qui mont cout, ou quisont mme alls au-del de ce que je leur ai dit, pourront me rendrecette justice qu lheure du danger, je nai pas fui ailleurs et que jesuis rest volontairement parmi eux pour courir les mmes risquesqueux.

    37

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    40/44

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    41/44

    1. Henri Massis (1886-1970) tait un intellectuel nationaliste franais. Proche de lActionfranaise, il se rallia au gouvernement de Vichy.

    2. Le gnral Charles Huntziger (1880-1941) prsidait les dlgations franaises quisignrent larmistice avec lAllemagne puis lItalie les 22 et 24 juin 1940. Secrtairedtat la Guerre dans le Gouvernement de Vichy, puis commandant en chef des forcesterrestres, il est dcde dans un accident davion en 1941.

    3. crit avec son beau-frre Maurice Bardche, louvrage tait paru en 1935.4. Louis-mile Galey (1904-1997) tait un architecte franais. Proche dEmmanuel

    Mounier et de la revue Esprit , il militait pour la Troisime force , qui tentait dedpasser le marxisme et le capitalisme par la planification et le corporatisme. Durant laguerre, il devint donc Commissaire du gouvernement du Comit dorganisation delindustrie cinmatographique qui permit de nombreuses avances pour le cinmafranais. Il poursuivit, aprs-guerre, sa carrire dans le cinma.

    5. Les Cercles Ptain organisaient la vie morale et intellectuelle des soldats Franais prisonniers en Allemagne. Ils permirent lorganisation de centres de documentation, decercles dtudes, de confrences, etc., en liaison avec ltat franais.

    6. Andr Gide, Journal , 5 septembre 1940.7. Grand quartier gnral.8. Les 16 et 23 septembre 1943, les Allis bombardrent la ville de Nantes en Bretagne. Au

    total, 1 463 civils y perdirent la vie et plusieurs milliers de personnes furent blesses.

    9. Cest Montoire, le 24 octobre 1940 que le marchal Ptain annona le dbut de laCollaboration lors dune entrevue avec Adolf Hitler.

    10. Otto Abetz (1903-1958) fut lambassadeur de lAllemagne Paris durant la SecondeGuerre mondiale. Amoureux de la culture franaise, il avait uvr avant la guerre pour lerapprochement entre la France et lAllemagne ; durant la guerre, il fut un actif et sincre partisan de la Collaboration.

    11. Le Parti nationaliste vietnamien (Vit Nam Quc Dn ng, VNQD) organisa unemutinerie dans une garnison du nord de lIndochine le matin du 10 fvrier 1930. Aprsune apparence de victoire initiale, la rvolte fut rapidement mte. La justice poursuivra547 personnes, dont 80 seront condamnes mort (tous les condamns ne seront pas tousexcuts), 102 aux travaux forcs perptuit, 2 la dtention vie, 243 la dportationet 43 dautres peines de travaux forcs. Dix-huit insurgs ont t acquitts et 58relchs faute de preuves. Le Parti communiste profita de ces jugements pour organiser une campagne dagitation.

    12. Le 3 juillet 1940, la marine britannique attaqua une escadre franaise dans le port deMers el-Kbir en Algrie franaise. Cette lche attaque se solda par la mort de 1 297

    marins franais.

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    42/44

    13. La Lgion des volontaires franais contre le bolchevisme (LVF) fut cre en juillet 1941aprs lattaque de lURSS par lAllemagne. Elle permit aux Franais de combattre auxcts des Allemands et de nombreux volontaires europens contre le bolchevisme. Ellevit le jour grce la volont des partis les plus avancs dans la Collaboration (le PPF deDoriot, le RNP de Dat, le MSR de Deloncle, etc.). La LVF avait laval du Marchal quicrira : En participant cette croisade dont lAllemagne a pris la tte, acqurant ainside justes titres la reconnaissance du monde, vous contribuez carter de nous le pril bolchevique. [] la veille de vos prochains combats, je suis heureux de savoir quevous noubliez pas que vous dtenez une part de notre honneur militaire.

    14. [NDMB] Ces notes sont destines rpondre aux diffrents points dun rapport de policequi se trouvait au dossier.

    15. La Milice franaise vit le jour le 30 janvier 1943 pour lutter contre les actes terroristes dela Rsistance et appuyer la politique du gouvernement de Vichy. Sous lautorit officiellede Pierre Laval, elle tait dirige par Joseph Darnand. Antismite, anticommuniste,anticapitaliste et rvolutionnaire, elle fut durement frappe par les rsistants avantdobtenir dtre arme.

    16. Maurice Sarraut, homme politique radical-socialiste influent de la IIIe Rpublique etdirecteur de La Dpche de Toulousese rallia ltat franais. En butte lhostilit descollaborationnistes, notamment cause de sa proximit avec la franc-maonnerie, il seradans un premier temps brivement arrt, en janvier 1943, avant dtre assassin le 2dcembre. Si la Rsistance est souponne, des miliciens seront arrts mais librs peu

    aprs, sur intervention de Darnand notamment.17. Fernand de Brinon (1885-1947), avocat, journaliste et homme politique fut avant la

    guerre un partisan du rapprochement franco-allemand. Durant la guerre, il est appel augouvernement et reprsente les autorits de Vichy auprs des Allemands. Cest au Fortde Montrouge, tout comme Robert Brasillach, quil est excut le 15 avril 1947.

    18. Cette phrase avait t prononce par Danton, refusant de quitter la France alors queSaint-Just prparait son arrestation. Jug coupable, il fut excut le 5 avril 1794.

    19. [NDMB] Le docteur Maugis, chirurgien Sens, avec lequel la mre de Robert Brasillach

    stait remarie en 1918.20. [NDMB] Jacques Redo, grand-pre maternel de Robert Brasillach, qui tait venu habiter

    chez le docteur Maugis en 1942.

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    43/44

  • 7/31/2019 brasillach Mmorandum crit par Robert Brasillach pour la prparation de son procs ok3

    44/44