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http://lib.ulg.ac.be http://matheo.ulg.ac.be Boko Haram au Nigeria : une nouvelle forme de terrorisme ou un mouvement militant religieux ? Auteur : Rautu, Iulia-Simina Promoteur(s) : Kabamba, Bob Faculté : Faculté de Droit, de Science Politique et de Criminologie Diplôme : Master en sciences politiques, orientation générale, à finalité spécialisée en relations internationales Année académique : 2015-2016 URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/1517 Avertissement à l'attention des usagers : Tous les documents placés en accès ouvert sur le site le site MatheO sont protégés par le droit d'auteur. Conformément aux principes énoncés par la "Budapest Open Access Initiative"(BOAI, 2002), l'utilisateur du site peut lire, télécharger, copier, transmettre, imprimer, chercher ou faire un lien vers le texte intégral de ces documents, les disséquer pour les indexer, s'en servir de données pour un logiciel, ou s'en servir à toute autre fin légale (ou prévue par la réglementation relative au droit d'auteur). Toute utilisation du document à des fins commerciales est strictement interdite. Par ailleurs, l'utilisateur s'engage à respecter les droits moraux de l'auteur, principalement le droit à l'intégrité de l'oeuvre et le droit de paternité et ce dans toute utilisation que l'utilisateur entreprend. Ainsi, à titre d'exemple, lorsqu'il reproduira un document par extrait ou dans son intégralité, l'utilisateur citera de manière complète les sources telles que mentionnées ci-dessus. Toute utilisation non explicitement autorisée ci-avant (telle que par exemple, la modification du document ou son résumé) nécessite l'autorisation préalable et expresse des auteurs ou de leurs ayants droit.

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http://lib.ulg.ac.be http://matheo.ulg.ac.be

Boko Haram au Nigeria : une nouvelle forme de terrorisme ou un mouvement

militant religieux ?

Auteur : Rautu, Iulia-Simina

Promoteur(s) : Kabamba, Bob

Faculté : Faculté de Droit, de Science Politique et de Criminologie

Diplôme : Master en sciences politiques, orientation générale, à finalité spécialisée en relations internationales

Année académique : 2015-2016

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/1517

Avertissement à l'attention des usagers :

Tous les documents placés en accès ouvert sur le site le site MatheO sont protégés par le droit d'auteur. Conformément

aux principes énoncés par la "Budapest Open Access Initiative"(BOAI, 2002), l'utilisateur du site peut lire, télécharger,

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Faculté De Droit Et De Science Politique

Ecole liégeoise de Criminologie J. Constant

Département de Science Politique

BOKO HARAM AU NIGERIA : UNE NOUVELLE FORME DE TERRORISME OU

UN MOUVEMENT MILITANT RELIGIEUX ?

Mémoire rédigé par Iulia-Simina Rautu en vue de l’obtention du grade de

Master en Science Politique, orientation générale, à finalité spécialisée en relations

internationales. Année académique 2016-2017.

Promoteur : Bob KABAMBA

Lecteurs : Pierre VERJANS, Jean-Claude MPTU

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Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidé de près ou de loin à réaliser ce

mémoire et plus largement à ceux qui m’ont soutenue et accompagnée tout au long de mes

études.

Merci à Monsieur Bob KABAMBA qui a accepté d’être mon promoteur et qui m’a aidée tout

au long de ma recherche.

Merci à Monsieur Pierre VERJANS et à Monsieur Jean-Claude MPTU pour leurs conseils

avisés.

Merci à toutes les personnes qui ont accepté de répondre à mes questions, malgré leurs

emplois du temps chargé.

Merci à monsieur Robert Peeters et à sa famille pour m’avoir écoutée, conseillée, et aidée et

surtout, pour ces deux belles années passées à Liège.

Merci à ma famille, surtout à ma tante, pour son soutien tout au long de mes études.

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Table des matières

Introduction…………………………………………………………………………………5

Méthodologie…...……………………………………………………………………………7

I. Le concept d’Etat…………………………………………………………………………9

1. Définition de l’Etat...….………………………………………………………………………9

2. Caractéristiques et prérogatives de l’Etat…………………………………………………10

II. Le terrorisme, considérations théoriques….…………………………………………13

1. Définition du terrorisme………………………………………………………………13

2. Différence entre terroristes et combattants de la liberté ?.............................................15

3. Terrorisme et morale……………..……………………………………………………16

4. Le terrorisme comme stratégie contre le gouvernement………………………………18

5. Typologie des terrorismes…..…………………………………………………………20

a) Des sectes politico-religieuses……………………………………………………………………………20

b) Des mouvements nationalistes ou autonomiste…………………………………………………………...22

III. Etude de cas : Boko Haram, une nouvelle forme de terrorisme ou un mouvement

militant religieux ?

1. La population Haoussas………………………………………………………………23

a) Histoire………………………………………………………………………23

b) Religion……………………………………………………………………...25

c) Culture (langage, organisation sociétale).…………………………………………26

2. Les origines de l’organisation Boko Haram…………………………………………30

3. L’idéal politique de Boko Haram : la création d’un Califat …………………………38

Qu’est-ce que c’est la charia ?..................................................................................................40

a) Origines………………………………………………………………………40

b) Structure………………………………………………………………………42

c) Application……………………………………………………………………43

4. L’expansion de Boko Haram vers les autres territoires………………………………44

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5. Les réfugiés versus les fidèles de Boko Haram…….…………………………………48

6. La ramification de Boko Haram: une évolution vers terrorisme ?................................52

6.1 Le gouvernement Nigéria et leurs actions.……………………………………………52

a) Les répressions exercées par les autorités policières…..………………………………52

b) Les services de renseignements dans la lutte contre Boko Haram………………………54

Boko Haram- forme de reconnaissance internationale

7. Boko Haram perçue comme une menace pour la sécurité globale et pour le continent

africain….……….……………………………………………………………………………56

a) Le positionnement de l’Union Européenne par rapport à cette question……………………57

b) L’Union Africaine et Boko Haram……………………………………………............58

Conclusion...…………………………………………………………………………………60

Bibliographie...………………………………………………………………………………62

Annexes………………………………………………………………………………………69

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Introduction

Boko Haram occupe une place primordiale dans l’actualité de l’Afrique de l’Ouest, surtout au

Nigeria. Souvent qualifié de groupe terroriste, secte ou mouvement islamiste, Boko Haram, de_

son vrai nom Jama’atu Ahlis Sunnah Lidda’awati Wal Jihad, existe depuis 2000.

Suite aux recherches préliminaires, la question manifeste est la suivante : Est-ce que Boko

Haram représente une nouvelle forme de terrorisme ou une nouvelle forme d’étatisation en

Afrique ?

Il convient donc d’apporter quelques précisions conceptuelles avant d’entamer ce travail.

Le peuple nigérian a éprouvé depuis longtemps un sentiment d’insécurité, car toute une série

de crises et de conflits religieux ont affecté sa vie, même avant l’existence de Boko Haram. La

révolte Maitatsine, celle de Kaduna et Bulumkutu ou bien celle de Bauchi en constituent des

exemples.

L’existence de cette organisation a soulevé des interrogations sur les raisons qui pourraient

expliquer son émergence.

Au Nigeria, il existe une forte disparité entre le Nord sahélien pauvre et le Sud maritime qui

connaît l’aisance économique. C’est ainsi que des facteurs politiques internes, sociaux, voire

religieux ont contribué pleinement à la création de ce climat de rébellion. En outre, la religion

a été fortement instrumentalisée afin de cacher les problèmes socio-économiques.

De ce fait, Mohammed Yusuf, le leader spirituel, a créé un centre de prédication devant sa

maison, centre qui d’ailleurs a connu un large succès. Un gouvernement, des ministères, une

branche militaire, une ferme, une entreprise ont été mis en place. En outre, plusieurs émirs, y

compris du Thad et du Niger, ont été d’accord de prêter allégeance à ce chef spirituel.

En examinant la situation dans cette perspective, on pourrait affirmer que Mohammed Yusuf a

commencé la construction d’un État dans un autre État. Bon nombre de jeunes ont été attirés

par l’État de Yusuf car il leur offrait de la nourriture, de l’eau, des médicaments.

Or, dans les médias, les membres de Boko Haram sont perçus comme des malades mentaux qui

ne savent pas ce qu’ils veulent. Donc, la forte curiosité par rapport à Boko Haram provient d’un

étonnement à propos du nombre si élevé de fidèles. D’autant plus que le mouvement est perçu

par la plupart des leaders comme un danger pour la sécurité globale, pas seulement pour le

continent africain. Même les acteurs non-étatiques sont préoccupés. En plus, leurs attaques,

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leurs exécutions, l’enrôlement des enfants, ou les violences sexuelles ont été jugés comme

crimes de guerre et crimes contre l’Humanité par les différentes instances internationales.

Afin de répondre à ma question de recherche, plusieurs points sont abordés tout au long de ce

travail, à savoir: la charia, la question des exactions commises par les forces de sécurité, mais

aussi, la question d’une éventuelle reconnaissance internationale.

Autant de questions qui viennent à l’esprit quand on étudie l’organisation Boko Haram et ses

implications. Au vu des considérations énoncées ci-dessus, j’espère avoir apporté des éléments

nouveaux à la compréhension de ce sujet.

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Méthodologie de la recherche

Ma recherche ne vise pas une présentation exhaustive des aspects positifs ou négatifs liés à

l’existence de l’organisation fondée par Mohamed Yusuf au Nigeria. Le but de cette

investigation scientifique est d’apporter des éléments de réponse à la question déjà énoncée

dans l’introduction : « Est-ce que Boko Haram représente une nouvelle forme de terrorisme ou

une nouvelle forme d’étatisation en Afrique ? »

Mon hypothèse est la suivante : Boko Haram ne peut pas être tout simplement qualifié

d’organisation terroriste. Même si les actions de Boko Haram se rapprochent de ce qu’on

appelle classiquement terrorisme, il faut tenir compte du fait que le fait que le terrain africain

est sensiblement différent de la culture étatique européenne ou américaine.

Pour démontrer cette hypothèse, je vais m’appuyer sur un cadre théorique qui vise à clarifier

tant les différences conceptuelles entre l’État westphalien et l’État africain, que les différences

conceptuelles entre les terroristes et les combattants de la liberté.

La notion de « nouvelle forme d’étatisation en Afrique » fait référence à la possibilité d’une

création étatique en Afrique faisant fi des considérants démocratiques ou culturels existant dans

les sociétés contemporaines. L’application de la charia serait un élément important dans ce sens.

La notion d’ethnicité doit être prise en compte car Boko Haram vise surtout les territoires de la

population haoussas, une communauté qui, malgré son ancienneté, n’a jamais réussi à se

rassembler sous une formation étatique. Au contraire, cette communauté a été répartie sur le

territoire de plusieurs pays tel que le Nigeria, le Niger, le Bénin ou même le Tchad.

D’autre part, la notion de « nouvelle forme de terrorisme » fait référence à de multiples aspects.

Malgré les nombreuses définitions du terrorisme, il faut reconnaitre le fait qu’aujourd’hui,

certaines organisations, malgré leurs actions violentes, malgré leurs attaques contre les civils,

ont des objectifs clairs. Ces organisations justifient leurs attaques en disant qu’ils luttent contre

les injustices commises par le gouvernement. Ils ont des revendications précises. Or une

organisation terroriste classique agit aveuglement, sans tenir la route d’un plan cohérent. Le

contexte de la mondialisation a bien sûr aussi contribué à l’évolution de leurs tactiques, mais

ce qui est important à retenir est le fait que les actions de ces nouveaux terroristes sont beaucoup

plus ciblées qu’auparavant.

En ce qui concerne l’étude de cas, la méthodologie employée renvoie à une analyse des données

qui permettent de comprendre pourquoi Boko Haram a émergé sur le territoire du Nigeria. Cette

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analyse explique surtout pourquoi, depuis 2009, l’organisation est tombée dans la clandestinité

et a pris une tournure terroriste. Il s’agit essentiellement de l’utilisation des références présentes

dans des articles scientifiques et d’autres sources secondaires comme l’analyse des vidéos

diffusées par le leader de l’organisation ou des articles de presse.

Toutefois, cette recherche présente des limites au niveau de l’analyse de terrain.

Premièrement, je me suis retrouvée dans l’impossibilité de me rendre sur place afin de mener

des entretiens individuels avec la population ou avec les membres de l’organisation. C’est à

cause de cela que j’ai éprouvé des difficultés à construire une hypothèse objective. J’ai été

obligée de me forger une opinion par le truchement des spécialistes qui se sont rendus sur le

terrain.

Ensuite la deuxième difficulté est que les données officielles avancées par différentes ONG et

institutions internationales concernant le nombre des réfugiés, le nombre des fidèles et le

nombre des victimes ne coïncident pas. En outre, les journaux se contredisent en ce qui concerne

le décès éventuel d’Abubakau Shekau.

À cause de ces limites, cette recherche correspond plutôt à une analyse de réflexions de

spécialistes. Néanmoins, tant les études scientifiques déjà existantes que les articles de presse

et les documents officiels des institutions internationales fournissent des indicateurs importants

afin de comprendre les multiples enjeux.

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Chapitre I : L’État

1 Une définition de l’État

Carré de Malberg définit l’Etat comme une « communauté d’hommes, fixée sur un territoire

propre et possédant une organisation d’où résulte pour le groupe envisagé dans ses rapports

avec ses membres une puissance suprême d’action, de commandement et de coercition »1.

Cela signifie que l’État doit réunir trois grandes conditions pour exister : population, territoire

et puissance publique.

En ce qui concerne le premier critère, la population, il faut souligner qu’il n’existe aucune

condition regardant la taille de la communauté. Le nombre des membres peut donc être diffèrent

d’un État à l’autre. Ainsi, on retrouve des communautés très petites telles que la Principauté

d’Andorre ou la Principauté de Monaco2, mais on peut aussi bien retrouver des communautés

vraiment larges telles la République Populaire de Chine3.

Le territoire est défini « comme l’espace à trois dimensions (sol, sous-sol et espace aérien) où

s’appliquent les règles juridiques posées par les gouvernants »4. Marlberg, par exemple, note

que le territoire « comprend aussi la couche atmosphérique située au-dessus de ce sol et les

portions de mer qui baignent le territoire de l’État »5. Donc le territoire, comme la population,

peut être très étendu ou très petit.

Finalement, la puissance publique, selon Marlberg, est liée à la notion de souveraineté. Le

concept moderne de souveraineté a été développé par Bodin6. D’ailleurs la puissance publique

se définit comme « la capacité d’imposer des actes unilatéraux, c’est-à-dire des normes dont la

validité est indépendante du consentement de l’assujetti »7. Pour Bodin la souveraineté est

absolue, permanente, indivisible; c’est la puissance absolue d’une République. Bodin a mis

en évidence un élément très important : la magistrature et l’armée sont indispensables pour

l’existence d’un État souverain. Ensuite, au XVIIe, Locke a avancé une conception juridique de

1 BEHRENDT Christian, BOUHON Fréderic, Introduction à la théorie générale de l’Etat, Bruxelles, Larcier, Collection de la Faculté de droit de l’université de Liège, 2014, p. 80. 2 Cet État dispose d’une population inférieure à 100 000 personnes. 3 En 2014 la taille de sa population dépassait 1,3 milliards des personnes. 4 BRAUD Philippe, Sociologie politique-cinquième édition, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 2000, p. 109. 5 BEHRENDT Christian, BOUHON Frédéric, Introduction à la théorie générale de l’Etat, op. cit., p. 79. 6 Jean Bodin a développé le concept de souveraineté dans son ouvrage Les six livres de la République. 7 BRAUD Philippe, Sociologie politique-cinquième édition, op. cit., p. 114.

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la souveraineté, puis Rousseau au XVIIIe siècle a évoqué une dimension sociale, à savoir

l’exercice de la volonté générale. Selon l’approche juridique, la souveraineté se définit comme

la puissance illimitée d’un État qui a la compétence de ses compétences et qui se manifeste par

la Charte de l’ONU. Mais le paradoxe8 entre la théorie et la pratique existe, car la souveraineté

des États plus faibles n’est pas toujours respectée. À présent, la souveraineté est relative à cause

de l’émergence de toute une série d’acteurs.

Le 26 Décembre 1933, une Convention signée à Montevideo concernant les droits et les devoirs

des États, adoptée par la septième Conférence internationale américaine, ajoute dans son article

1er une quatrième condition : « la capacité d’entrer en relation avec les autres États »9. Ce qui

signifie qu’un État doit jouir aussi de la reconnaissance internationale.

2 Caractéristiques et prérogatives de l’État

On se pose souvent la question de l’utilité de l’État. La plupart des textes traitant de ce sujet ont

montré que l’État a comme but principal de veiller au maintien de l’ordre. Une des plus

importantes particularités de l’État est la fonction de coercition. Néanmoins, il existe certaines

limites à l’usage de cette fonction. Selon l’auteur Watsuji Tetsuro, l’imposition des lois signifie,

en fait, une « attitude d’éducation, d’orientation, de moralisation »10. Donc, en utilisant d’autres

termes, cela signifie que l’État doit faire usage de sa fonction de coercition afin de garantir une

protection pour tous, afin de dépasser l’état de nature11.

Bien évidemment, les lois diffèrent d’un État à l’autre, mais elles existent bel et bien, partout

dans le monde. On les retrouve même au sein des sociétés « primitives ». Les organisations des

clans ou des lignages, souvent appelées « l’État en germe », étaient régies par des règles bien

strictes. Le chef représentait l’autorité, autorité qui souvent était associée à la force militaire12.

8 BAYRAMZADEH Kamal, Les notes prises lors du cours « Crises et conflits au Moyen-Orient », ULG, mars 2016. 9 Montevideo Convention on the Rights and Duties of States, Montevideo, le 26 décembre 1933. 10 WATSUJI Tetsuro, « L’Etat », Laval théologique et philosophique, vol. 64, n° 2, 2008, p. 351. 11 D’ailleurs le Contrat de Rousseau s’oppose à l’état de désordre. Jean Jacques Rousseau dit que l’état de nature peut être dépassé. Selon lui, le Contrat Social est le seul instrument juridique qui a vocation de mettre en œuvre le principe d’égalité. 12 WATSUJI Tetsuro, « l’Etat », op. cit., p. 353.

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La coercition étatique peut être exercée à travers « la pénalité » et « l’exécution forcée »13. Cela

veut dire que l’État, afin d’assurer son rôle de protecteur, doit mettre en place une organisation

législative et qu’il doit se doter d’une administration judiciaire et d’une branche exécutive14.

D’ailleurs, de nombreux auteurs classiques15 (dont certains ont déjà été mentionnés) se sont

intéressés à la question de l’État et de ses caractéristiques.

Selon Hobbes16, l’Etat s’est doté de plusieurs attributs de souveraineté parmi lesquels on peut

retrouver le droit de juger, le droit de faire la guerre, le pouvoir de battre monnaie, de disposer

de propriété, etc. À cet égard, l’État dispose de toute une série des prérogatives assez étendues17.

Cependant, il est primordial de souligner les différences entre les conceptions africaine et

occidentale de l’État.

L’État africain pose plusieurs défis aux scientifiques. On se demande souvent comment

comprendre les enjeux politiques contemporains africains. D’autant plus qu’il subsiste de

nombreux débats. Pour répondre à cette question, il faut remonter à l’ère coloniale, même

précoloniale.

Selon la vision européocentrique des scientifiques, le continent africain a été jugé comme étant

un objet de l’Histoire, donc étudié par le biais des préjugés. L’État africain a été toujours analysé

en faisant référence à l’État westphalien.

Mais pour certains auteurs, étudier l’État africain sans prendre en compte le fait que le continent

africain jouit de sa propre histoire, de sa propre tradition et culture serait réducteur. Bayart, par

exemple, refuse la thèse du dépendantisme africain. Même avant l’arrivée des Européens,

l’Afrique18 était déjà organisée selon des structures sociales.

La notion étatique implique intrinsèquement la notion des frontières, or, cette notion occupe

une place importante dans les débats scientifiques. Jean Gottman définit la frontière comme

étant « la ligne qui limite l’espace sur lequel s’étend une souveraineté nationale. Le long de la

frontière deux souverainetés entrent en contact et s’opposent ; de part et d’autre de cette ligne,

13 BRAUD Philippe, Sociologie politique-cinquième édition, op. cit., p. 125. 14 Montesquieu dans son ouvrage, De l’esprit des lois, établit une division du pouvoir entre la branche exécutive, la branche législative et la branche judiciaire. 15 Bodin, Hobbes, Rousseau. 16 Dans son ouvrage, le Léviathan, Hobbes estime que la souveraineté a une portée positive. 17 BRAUD Philippe, Sociologie politique-cinquième édition, op. cit., p. 134. 18 KABAMBA Bob, Politologie africaine-syllabus, Liège, Presses Universitaire de Liège, année académique 2014-2016, p. 14.

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tracée d’abord sur une carte, démarquée ensuite sur le terrain, les autorités ne sont pas les

mêmes, les lois ne sont pas les mêmes ; donc l’organisation des sociétés diffère »19.

Les frontières africaines ont été établies lors du Congrès de Berlin sans prendre en compte la

réalité ethnique, identitaire, linguistique, religieuse ou politique de la société africaine.

Auparavant, l’Afrique ne connaissait pas la frontière ligne, mais la frontière établie par des

éléments naturels tels que les montagnes, les lacs ou les rivières. Certains auteurs, tel que

Benmessaoud, considèrent que « la persistance des conflits armés, des tensions entre États ou

les velléités sécessionnistes de certains peuples au sein des États découlent de l’application du

principe de l’intangibilité des frontières africaines »20.

Bayart, dans son ouvrage, l’État en Afrique : la politique du ventre, accorde beaucoup

d’importance à la question de l’ethnicité, du tribalisme. Les différentes ethnies21 existaient bel

et bien avant l’arrivée des Européens, sauf qu’après l’émergence de l’État-nation, les ethnies

sont entrées en concurrence afin d’acquérir le pouvoir central.

Donc parler de l’État en Afrique est un sujet complexe et de nombreux auteurs ont examiné

cette question. C’est ainsi que différentes opinions ont émergé. Néanmoins, un fait reste acquis :

le colonisateur européen a transposé tel quel sur le continent africain un modèle d’organisation

spatiale et politique faisant fi de la réalité du continent africain. Le peuple africain22 est un

peuple prisonnier de son passé, un peuple qui a payé un lourd tribut à l’histoire.

19 BOUVIER Pierre, « Un problème de sociologie politique. Les frontières africaines », Revue de sociologie politique, n° 4, 1972, p. 687. 20 KABAMBA Bob, Politologie africaine-syllabus, op. cit., p. 52. 21 BAYART François, L’Etat en Afrique : la politique du ventre, Paris, Fayard, 1989, p. 181. 22 HAZOUME Alain, HAZOUME Edgard, Afrique, un avenir en sursis, Paris, Harmattan, 1988, p. 25.

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Chapitre II : Le terrorisme, des considérations théoriques

1 Définition du terrorisme

Définir le mot terrorisme représente un vrai défi. Jusqu’à présent, il n’existe aucun consensus

sur la définition exacte de ce terme. Alex Schmid et Albert Jongman23 ont recueilli 109

définitions du terme. Les conclusions de ces chercheurs montrent qu’il est primordial

d’identifier toute une série de composantes principales dont la violence, les objectifs politiques

ou bien la terreur24 afin de pouvoir cataloguer une organisation comme étant terroriste.

Etant donné que Boko Haram a été qualifié de terroriste par plusieurs instances internationales,

à la fois acteurs étatiques et non-étatiques, y compris par l’Union européenne et les États-Unis,

on a décidé de prendre comme référence les définitions officielles britannique et américaine :

La définition britannique du terrorisme met en évidence les éléments suivants : « le terrorisme

est l’usage de la force à des fins politiques et inclut n’importe quel usage de la violence dans le

but de provoquer la peur dans le public ou dans une fraction quelconque du public »25.

La définition venant des États-Unis identifie le terrorisme comme « l’utilisation illégale ou la

menace de violence contre des personnes ou des biens, pour servir des objectifs politiques et

sociaux. Le but est généralement d’intimider ou de contraindre un gouvernement, des individus

ou des groupes à modifier leur comportement ou leur politique »26.

Mais dans certains pays tels que la Syrie, la Libye, l’Iran ou d’autres pays du Tiers-Monde, le

terrorisme est perçu d’une autre manière. Pour eux, les trois éléments clés ne suffissent pas. Car

la guerre conventionnelle ou toute autre espèce de guerre telle que guérilla font usage de la

violence à des buts politiques.

Néanmoins le terrorisme reste un phénomène qui n’est pas clairement compris par tout le

monde, car les gouvernements ne réussissent pas à se mettre d’accord sur la définition de ce

concept. Les débats sur le terrorisme entrainent une série des questions : quelle est la différence

23 Des chercheurs néerlandais de l’Université de Leyde. 24 La violence figurait en 83.5% des definitions, les objectifs politiques en 65%, alors que la terreur en 51%. 25 Definition trouvée in CHALIAND Gérard et BLIN Arnaud, Histoire du terrorisme de l’Antiquité à l’Al Qaida, Paris, Bayard, 2004, p. 25. 26 Loc. cit.

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entre le terrorisme et le droit de faire la guerre ou le droit de faire les révolutions ? Les

gouvernements peuvent-ils aussi provoquer les actes terroristes27?

On qualifie les actes terroristes de crimes, mais cela n’a pas été toujours le cas. Au XXe siècle,

les révolutionnaires socialistes russes étaient fiers de s’appeler terroristes. À présent, le

terrorisme est devenu un terme péjoratif28. Même si le terrorisme29 n’est pas une donnée

nouvelle dans les sociétés, puisqu’ il remonte à l’Antiquité, c’est seulement au XXe siècle qu’on

a commencé à se préoccuper de la manière dont on définit cette notion. A travers le temps, on

a connu plusieurs tentatives pour trouver une définition unanime, mais on a encore du mal à se

mettre d’accord sur cette question-là.

Au cours des siècles, le terrorisme évolue30, il adopte de nouvelles techniques. Par exemple

durant les années 1980, la destruction des avions par des bombes était un acte très courant.

Maintenant cette technique est vraiment isolée, car d’autres moyens d’actions existent.

Selon les spécialistes qui ont travaillé là-dessus, la mondialisation a transformé beaucoup la

manière dont les terroristes organisent leurs activités. À présent les terroristes utilisent les

populations immigrées ou les diasporas afin d’atteindre leurs objectifs.

En Occident on juge comme étant terroristes toutes les organisations qui sont considérées

comme illégitimes, donc tombées dans la clandestinité.

Aujourd’hui, on définit souvent le terrorisme comme étant une stratégie de lutte prolongée. La

majorité des terroristes veulent renverser le gouvernement tout en provoquant le chaos, le

désordre social. Or, auparavant, les actions des terroristes n’étaient pas nécessairement ciblées.

Ce changement témoigne de l’émergence d’une nouvelle forme de terrorisme.

Quoique le terrorisme ne jouisse pas d’une définition qui soit acceptée par tous, il existe une

série de techniques semblables. Généralement, ces techniques31 s’opposent aux conventions de

droit et les terroristes recourent à des pratiques telles que l’attentat à la bombe, le détournement

d’avion, l’assassinat ou la prise d’otage.

27 KEGLEY W Charles Jr., The New Global Terrorism: characteristics, causes, controls, New Jersey, Prentice Hall, 2003, p. 16. 28 Loc. cit. 29 HENNEBEL Ludovic, LEWKOWICZ Gregory, « Le problème de la définition du terrorisme » in HENNEBEL, L., VANDERMEERSCH, D., (ed.), Juger le terrorisme dans l’État de droit, Bruxelles, Bruylant, 2009, pp. 17-59. 30 HEISBOURG François, Hyperterrorisme: la nouvelle guerre, Paris, Odile Jacob, octobre 2001, p. 25. 31 Ibid., p. 28.

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Pour certains auteurs tels que Higins, le terrorisme n’a pas vraiment un caractère juridique, mais

il serait plutôt un label administratif afin de qualifier certaines situations.

Pour une meilleure coopération sur la scène internationale32 dans la lutte contre le terrorisme,

il serait important d’arriver à un consensus visant à sa définition. Néanmoins, sur le plan

national, depuis les évènements du 11 septembre 2001, chaque nation a pris conscience de ce

danger. Donc même si le terrorisme n’a pas la même résonnance partout dans le monde, chaque

État dispose de sa propre stratégie pour se protéger contre ce genre d’actions violentes.

2 Quelles différences entre les terroristes et les combattants de la liberté ?

On se demande s’il existe vraiment des différences entre les terroristes et les combattants de la

liberté. Il est évident que la réponse apparaît souvent contradictoire, en fonction de la catégorie

des acteurs auxquels on adresse la question.

D’un côté, les groupements terroristes33 soutiennent qu’ils agissent en tant que libérateurs,

qu’ils sont des combattants contre l’oppression politique, économique, religieuse ou sociale.

D’un autre côté, les politiciens perçoivent le terrorisme et les combattants de la liberté comme

deux notions antagonistes. Le président Bush, par exemple, dit dans son discours : « la

différence entre les terroristes et les combattants de la liberté est parfois brouillée. Certains

disent qu’un terroriste pour l’un est un combattant de la liberté pour l’autre. Je rejette cette

opinion. Les différences philosophiques sont absolues et fondamentales »34.

Selon certains auteurs, les terroristes sont ceux qui veulent renverser un régime démocratique

en utilisant les armes de la terreur. Seul l’État détient la compétence de qualifier un acte d’acte

terroriste.

Pour ces raisons, la définition du terrorisme n’émane pas d’un critère qui soit vraiment objectif,

mais plutôt subjectif. Celui qui est considéré comme terroriste par certains peut être identifié

comme un combattant de la liberté par des autres. Par exemple, aux yeux des Nazis, les

32 HENNEBEL, L., Vandermeersch, D., (ed.), Juger le terrorisme dans l’Etat de droit, op. cit., pp. 28-30. 33 BAUER Alain, BRUGUIERE Jean-Louis, Terrorisme, terrorismes ? Les 100 mots du terrorisme, Paris, Presses Universitaires de France, «Que sais-je ?», 2010, p. 128. 34 CHALIAND Gérard et BLIN Arnaud, Histoire du terrorisme de l’Antiquité à l’Al Qaida, op. cit., p. 31.

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maquisards français étaient vus comme des terroristes, alors que de l’autre côtée de la barrière,

ils étaient considérés comme de vrais combattants35 pour la liberté de la France.

Depuis toujours, le mot « terrorisme » a suscité beaucoup de controverses. Les scientifiques se

sont toujours demandé « quel degré d'injustice et de violence autorise à utiliser les moyens du

terrorisme »36.

La distinction entre les terroristes et les combattants de la liberté est illusoire, parfois même

tendancieuse. L’éthique37 est souvent mise en avant lorsqu’il s’agit de qualifier un acte de

terroriste.

Les groupes identifiés38 comme étant des terroristes se défendent en disant que leur manière

d’agir représente une réponse contre les actions des puissances dites démocratiques qui très

souvent infligent les principes de droit. Selon eux, ils agissent pour défendre une juste cause.

Tous les groupements qui sont qualifiés de terroristes par les Nations Unies, à savoir l’IRA en

Irlande, ou même les groupes palestiniens ou tchétchènes se considèrent comme de vrais

combattants de la liberté de leur pays. Ils affirment que leurs actions, même s’il s’agit des

actions caractérisées par une violence extrême, sont utilisées en dernier ressort afin de

combattre les injustices de ceux qui se présentent en tant que démocrates39.

3 Le terrorisme et la morale

On dit souvent que les terroristes font la guerre selon leurs propres normes. Pour les sociétés

occidentales, le terrorisme représente une forme immorale de guerre. Mais pour bien

comprendre la distinction entre la perception occidentale du terrorisme et la perception non-

occidentale il faut suivre les débats concernant la morale.

Plusieurs questions se posent : d’où provient la morale ? Comment la définir ? S’agit-il de la

même opinion sur la morale partout dans le monde ?

35 ROULEAU Eric, « Le bien, le mal et le terrorisme », Le monde diplomatique, mai 2007, p. 25. 36 « Définir le terrorisme : une proposition », http://www.huyghe.fr/dyndoc_actu/4e23ddce85f91, consulté le 29 avril 2016. 37 Loc. cit. 38 CHALIAND Gérard, BLIN Arnaud, Histoire du terrorisme de l’Antiquité à Daesh, Fayard, septembre 2015, p. 713. 39 Moira McDowall, « Le terrorisme est-il une forme de guerre juste », Centre Avec, http://www.centreavec.be/site/le-terrorisme-est-il-une-forme-de-guerre-juste, consulté le 13 novembre 2015.

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Selon Émile Durkheim, la morale est « entendue comme un ensemble des jugements que les

hommes, individuellement ou collectivement, portent sur leurs propres actes, comme sur ceux

de leurs semblables, en vue de leur attribuer une valeur très spéciale, qu’ils estiment

incomparable aux autres valeurs humaines (…) les jugements moraux occupent une place à part

dans l’ensemble des jugements humains, et c’est tout ce qui nous importe »40.

Donc, selon cette définition, l’homme réagit de manière spontanée, il émet des appréciations

positives ou négatives, selon un principe aveugle. « La méthode de l’appréciation », comme le

souligne Durkheim, n’est pas la même chez tous les individus. Certains individus peuvent

blâmer une action tandis que leurs voisins peuvent peut-être l’apprécier. Un individu n’est pas

obligé d’accepter comme moral tel ou tel acte. Un individu41 peut qualifier d’immorales des

pratiques qui sont unanimement respectées par tous et vice-versa.

L’idéal moral n’est pas le même partout. Il change toujours selon les époques et les lieux.

Lorsqu’on parle de l’idéal moral42, on est frappé par sa diversité, par exemple l’idéal moral de

Rome n’était pas le même que celui de Grèce. C’est pareil pour l’idéal du Moyen-Âge par

rapport à l’époque moderne.

« La morale d’un peuple exprime son tempérament, sa mentalité, les conditions dans lesquelles

il vit : c’est un produit de son histoire. Elle fait partie intégrante de chaque civilisation ; or, si

toutes les civilisations ont un fond commun, cependant, elles ne se rassemblent que par les

caractères les plus généraux. Chacune a son individualité, et, par conséquent ne dépend que

pour partie des facultés humaines en général. Il en est de même de la morale »43.

Selon Durkheim, chaque peuple est bien imprégné par l’originalité, ce qui suppose également

que chaque peuple a ses propres perceptions en ce qui concerne la morale. Il serait erroné de

dire que la morale est une sorte de standardisation, que partout dans le monde les mêmes

principes régissent les débats sur la morale. Si deux peuples sont confrontés à un même

problème, il se pourrait qu’ils agissent de manière contradictoire, en trouvant des solutions

complètement opposées. Des caractères distinctifs concernent la nature du bien et du mal. Par

conséquent, avant d’étudier les faits dits moraux ou immoraux, il faut prendre en compte la

société dont ils émanent. Mais il faut aussi prendre en compte les traces historiques de cette

40 DURKHEIM Emile, Introduction à la morale (1917), version électronique réalisée par Jean-Marie Tremblay. 41 Ibid., p. 8. 42 Ibid., p. 11. 43 Loc. cit.

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société, les ancrages sociaux. Il convient aussi de déterminer s’il s’agit de phénomènes de

conscience individuelle ou de conscience collective44.

Selon la loi internationale, le terrorisme ne jouit pas d’un statut légal surtout en raison du fait

que les terroristes ne font pas la distinction entre les combattants et les non-combattants. Donc,

à partir de ce postulat, on ne peut pas identifier le terrorisme comme une forme légale de guerre.

On ne peut cependant le décrire non plus comme une forme immorale de guerre.

Le plus souvent les États émettent des jugements de morale pour justifier ou pour blâmer les

guerres. Néanmoins ces jugements peuvent être erronés car chaque nation est influencée par ses

propres normes culturelles. Donc les considérations partisanes, les jugements émotionnels et

irrationnels prennent la place de l’objectivité45.

Par conséquent, le terrorisme aux yeux des sociétés occidentales est une forme immorale de

guerre. Pourtant certaines lois d’exception ou des réglementations d’urgences adoptées par les

mêmes sociétés occidentales peuvent s’inscrire aussi dans le champ de l’immoralité.

Finalement la moralité n’est rien d’autre chose qu’une notion relative46.

4 Le terrorisme comme stratégie contre le gouvernement

Parfois les insurgés considèrent qu’il n’y aucune autre solution que de se présenter en tant que

groupement terroriste afin d’attirer l’attention du gouvernement. Les insurgés sont bien

conscients du fait qu’ils ne pourront jamais gagner une confrontation physique avec les forces

du gouvernement. Donc ils vont faire usage du facteur psychologique47. A part ce dernier, les

terroristes utilisent aussi d’autres techniques : la propagande par l’action, l’intimidation, la

stratégie du chaos, la stratégie d’usure ou le terrorisme expressif.

Le fondement de « la propagande par l’action »48 se base sur le fait que les terroristes

considèrent que les attaques violentes constituent l’unique moyen de signaler le besoin de

changement du régime. Néanmoins, la propagande par l’action ne représente que la première

étape de la lutte.

44 Ibid., p. 20. 45 CHALIAND Gérard et BLIN Arnaud, Histoire du terrorisme de l’Antiquité à l’Al Qaida, op. cit., p. 34. 46 CHARLES Benjamin, «La théorie de la guerre juste face au terrorisme et à la lutte antiterroriste», Centre d’études des politiques étrangères et de sécurité, Université du Quebec à Montréal, décembre 2007, p. 8. 47 CHALIAND Gérard et BLIN Arnaud, Histoire du terrorisme de l’Antiquité à l’Al Qaida, op. cit., p. 44. 48 Ibid., p. 38.

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L’élément psychologique représente une composante essentielle dans la compréhension de

cette notion. Le terrorisme a comme objectif d’affaiblir la confiance de l’adversaire, de le

déséquilibrer. Comme il s’agit d’une lutte de longue durée, l’impact psychologique est un

facteur important dans la stratégie des terroristes49.

L’intimidation représente un autre type d’action menée par les terroristes. À travers une série

d’assassinats ou d’enlèvements, ils sont parvenus à intimider une catégorie cible de la

population telle que les juges, les jurys ou même les journalistes. À part les fonctionnaires qui

sont contraints de subir l’intimidation des terroristes, une grande partie de l’opinion publique

tombe sous cette terreur. L’objectif des terroristes est de manipuler la population afin de

remporter le soutien public50.

Ce qui signifie qu’à travers l’intimidation, les terroristes visent à obliger la population à

s’engager plutôt que de confronter les véritables opposants. Donc les catégories neutres sont

ciblées51.

La provocation constitue également une manière d’agir. Carlos Marighella a publié en 1969 le

Mini-manuel de la guérilla urbaine en disant « le gouvernement n’a pas d’autre alternative que

d’intensifier la répression. Les réseaux policiers, les fouilles domiciliaires, les arrestations

d’innocents et de suspects, les bouclages de rue rendent la vie en ville insupportable. Les

assassinats politiques et la terreur policière deviennent la routine […] Le peuple refuse de

collaborer avec les autorités, et le sentiment général est que le gouvernement est injuste,

incapable de résoudre les problèmes et a recours purement et simplement à la liquidation

physique de ses opposants »52. L’idée c’est que les terroristes utilisent cette stratégie dans le but

de détruire la confiance que la population pourrait avoir dans l’efficacité du gouvernement.

De tout temps, les terroristes ont utilisé le chaos pour rendre le gouvernement plus fragile. Donc,

ils se sont servis d’attaques aveugles dans divers endroits publics. Comme la propagande par

l’action, la stratégie du chaos n’a pour intérêt que d’installer la peur au sein de la population

afin de déstabiliser le système. Il s’agit plutôt d’un moyen de lutte.

49 Ibid., p. 36. 50 CHARLES Benjamin, «La théorie de la guerre juste face au terrorisme et à la lutte antiterroriste», op.cit., p. 53. 51 CHALIAND Gérard et BLIN Arnaud, Histoire du terrorisme de l’Antiquité à l’Al Qaida, op. cit., p. 39. Dans cet ouvrage on peut retrouver des exemples d’intimidation utilisés contre la population. Par exemple en 1955, le FLN algerien a interdit à la population de fumer. Ceux qui n’obéissaient pas ces règles étaient fortement punis. 52 Loc. cit.

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La plupart des groupements d’insurgés estiment que le terrorisme est une stratégie de lutte

contre le gouvernement en place. Comme on l’a déjà mentionné, ils savent très bien qu’ils ne

peuvent pas gagner une confrontation physique. Néanmoins ils estiment qu’ils ont une

meilleure capacité à résister. En utilisant la stratégie d’usure, les terroristes espèrent que

finalement le gouvernement finira par renoncer. Mais dans certains cas, le terrorisme est jugé

comme étant un acte irrationnel53, ayant comme principal moteur d’action la pure vengeance.

Tel est le cas du terrorisme moluquois et arménien, car les actions de ces jeunes-là sortent du

champ politique rationnel.

5 Typologie des terrorismes

Il faut tenir compte du fait qu’il existe une typologie des terrorismes. Donc, on peut distinguer :

a) les groupements terroristes fondés sur une idéologie de gauche ou de droite ;

b) les groupements terroristes qui se revendiquent comme étant des mouvements

nationalistes-séparatistes ou autonomistes ;

c) les sectes politico-religieuses.

Le terrorisme religieux

Parfois, certains groupements terroristes se réclament du courant religieux. Surtout les dernières

années où on assiste à une véritable montée en puissance de ce courant religieux. La version

islamiste intégriste radicale est la plus connue comme s’inspirant de la religion, mais on en

compte aussi d’autres54. Durant des siècles et des siècles, la terreur a été utilisée afin de justifier

le fanatisme religieux55. En ce qui concerne le terrorisme arabo-musulman, il remonte au XXe

siècle. Dans les années 70, l’échec d’unification de certains pays arabes a donné naissance au

courant islamiste.

Néanmoins il est important de souligner que l’islam n’est pas forcement arabe56. Certains

essaient de comprendre le terrorisme par le texte sacré des musulmans. Or il est tout à fait faux

53 CHALIAND Gérard et BLIN Arnaud, Histoire du terrorisme de l’Antiquité à Daech , op. cit., p. 243. 54 Par exemple les sikhs qui desiraient créer le Khalistan, ce qui signifie le pays des Purs. La fermeture du Temple d’or à Amritsar a determinée l’éclat d’un conflit quia fait 20 000 victimes. 55 KEGLEY W Charles Jr., The New Global Terrorism: characteristics, causes, controls, op. cit., p. 122. 56 HEISBOURG Francois, Hyperterrorisme: la nouvelle guerre, op. cit., p. 209. En fait on peut trouver l’islam en Europe, Asie, Afrique. Pour plus d’informations concernant le salafisme, consulter les pages 30-32.

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d’essayer de comprendre les actions d’individus seulement à travers leur religion57, sans

prendre en compte les aspects sociaux, économiques, culturels dans lesquels ils vivent.

En ce qui concerne le rôle que la religion joue dans le déroulement des conflits de l’époque

moderne, il fait l’objet de trois théories58.

Tout d’abord, Samuel Huntington59 et sa théorie du choc des civilisations. Selon cette théorie,

la rivalité entre les grandes puissances du monde serait remplacée par le choc des civilisations.

Cela signifie que la religion représente le seul moteur des conflits.

Selon Huntington, « les grandes religions sont les fondements des grandes civilisations ». En

plus il existe « une capacité du religieux à cristalliser les identités collectives en période de

crise : Dans le cours d’une guerre, les différences identitaires s’estompent, et finit par l’emporter

celle qui, au regard du conflit, est la plus signifiante. Elle est presque toujours définie par la

religion »60.

Ensuite, une deuxième théorie qui pourrait être énoncée est celle des instrumentalistes. Selon

eux61, la religion ne représente pas la raison pour laquelle les conflits éclatent, mais les divers

groupements peuvent l’utiliser afin de justifier leurs actions.

Finalement, la troisième théorie faisant référence à la religion et aux conflits est la théorie

constructiviste. Aux yeux des constructivistes, la religion ne représente ni une cause ni un

instrument, mais au contraire, elle serait le moyen à travers lequel les différentes parties

pourraient communiquer. La religion représente plutôt un moyen de communication et de

médiation.

Les groupements terroristes qui se revendiquent comme étant des mouvements nationalistes-

séparatistes ou autonomistes.

Dans le cadre des conflits ethniques, la terreur est souvent utilisée. Après la fin de la Guerre

Froide, le nouvel ordre international est marqué par toute une série de conflits interethniques.

57 GHALIOUN Burhan, « Islam et terrorisme. De l'origine de la violence dans les pays musulmans », Confluences Méditerranée, 1/2002, n°40, p. 116. 58 MIHAI Andreea-Cristina, «Terorismul religios, o noua violenta arhaica? », (Le terrorisme religieux, une nouvelle violence archaique?)Perspective Politice, decembre 2009, p. 61. 59 Professeur à l’Université Harvard et fondateur de la revue Foreign Policy. 60 HUNTINGTON P. Samuel, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 2000, p. 401. in PELLETIER Denis, « Religion et violence. », Vingtième Siècle. Revue d'histoire 4/2002, no 76, pp. 25-33. 61 MIHAI Andreea-Cristina, «Terorismul religios, o noua violenta arhaica? », op.cit., p. 61.

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Ces conflits62 ont lieu partout dans le monde : au Caucase, dans les Balkans, le sud de l’Asie et

le centre de l’Afrique.

Ces conflits sont caractérisés par une violence extrême63 envers les citoyens, souvent en

recourant à des pratiques telles que la purification ethnique ou même le génocide64 afin

d’instaurer le climat de terreur qui oblige les victimes à quitter leur maison.

Les groupes terroristes qui se revendiquent autonomistes ou séparatistes ont du mal à vaincre

les forces gouvernementales. Toutefois, si certains groupements terroristes65 réussissent à

menacer l’existence même de l’État, alors la guerre civile devient une réalité et il est beaucoup

plus difficile de mettre fin au conflit.

Donc, dans ce contexte, les Nations Unies se sont vues obligées d’intervenir. Même si certaines

missions dans des pays tel que le Nicaragua, El Salvador ou le Mozambique ont été couronnées

de succès, les missions de maintien de la paix sont assez difficiles à cause d’une série de

facteurs. Le plus important d’entre eux est le refus des parties impliquées d’arriver à un

compromis.

62 KEGLEY W Charles Jr., The New Global Terrorism: characteristics, causes, controls, op. cit., p. 122. 63 Par exemple en Tchétchénie ou en Bosnie. 64 KEGLEY W Charles Jr., The New Global Terrorism: characteristics, causes, controls, op. cit., p. 122. 65 Loc. cit.

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III Étude de cas : Boko Haram, une nouvelle forme de terrorisme ou un mouvement

militant religieux ?

1 La population haoussas

D’importantes communautés se trouvant au Nord du Nigeria66, du Bénin, du Ghana, du

Cameroun et au sud du Tchad et du Niger s’identifient comme faisant partie de la population

haoussas (voir l’annexe 1). Le mot haoussas ne fait pas référence uniquement à l’ethnie, mais

il s’agit d’un terme qui désigne toute la culture haoussas, à savoir la langue, la religion et les

coutumes. En fait, haoussas signifie « commerçant ambulant musulman »67.

Les Haoussas sont nombreux surtout au Nigeria (trente millions des personnes), soit

l’équivalent d’à peu près 22% de la population de ce pays. Dans les autres pays, leur nombre

est plus réduit, à savoir neuf millions d’Haoussas au Niger. Malgré le fait qu’ils soient plus

nombreux au Nigeria qu’au Niger, il faut souligner qu’ils sont majoritaires dans ce dernier pays.

Ce phénomène est lié à la taille de la population de ces deux pays : le Nigeria est le pays le plus

peuplé68 d’Afrique alors que le Niger69 ne compte que 18 millions d’habitants. La Côte d’Ivoire

compte 121 000 habitants Haoussas, le Cameroun 400 000 habitants Haoussas, le Tchad

200 000 et le Soudan 600 000.

Par ailleurs, la langue haoussas est parlée par deux millions d’habitants au Ghana, 121 000 en

Côte d’Ivoire, 400 000 au Cameroun, 200 000 au Tchad et 600 000 au Soudan.

Les Haoussas, en raison du fait qu’ils ont été chassés par les Touaregs, ont émigré vers le nord

du Nigeria. Ainsi leur histoire70 remonte même avant l’an 1000 de notre ère.

Les règnes haoussas doivent leur existence au phénomène de migration vers le sud de l’Afrique

de l’Ouest. La légende dit que la région « infestée par le terrible serpent71 Sarki »72 était dirigée

66 Pays situé en l’Afrique de l’Ouest. 67 Informations trouvées sur le site Civilisations connues : Civilisations africaines, « Le Niger : les Haoussas », http://historia-mundi.forumculture.net/t56-le-niger-les-haoussas, consulté le 3 février 2016. 68 Plus de 181 millions d’habitants en 2015. Selon les estimations, la population de ce pays pourrait atteindre 440 millions d’habitants d’ici à 2050. 69 La population haoussas s’est établie dans les régions Maradi, Tahoua, Zindei, Dosso. 70 Ibid., http://historia-mundi.forumculture.net/t56-le-niger-les-haoussas, consulté le 3 février 2016. 71 Il est considéré comme l’animal totémique des Haoussas. 72 Informations trouvées sur le site de la revue Géographie et Histoire du matriarcat : les origines primordiales de l’Humanité, « Matriarcat Haoussa (Niger – Nigéria) : reine-mère et serpent-totem d’une civilisation », http://matricien.org/geo-hist-matriarcat/afrique/haoussa/, consulté le 3 février 2016.

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par une reine. Mais un jour, un homme a tué le serpent. Ce héros, Bayajidda, était le fils du roi

de Bagdad. Durant sa visite à Bornu, il avait appris qu’à Daoura un serpent empêchait la

population de consommer l’eau de la fontaine du village. En récompense d’avoir tué le serpent,

Bayajidda s’est marié avec la reine. Suite à ce mariage, la reine et Bayajida ont eu un fils,

Bawo73 qui à son tour a eu six fils.

C’est à partir de ce moment que les règnes Haoussas vont être fondés. La légende dit aussi qu’il

en existe deux types : les bokoi et les banza. Ça veut dire que les règnes haoussas bokoi74 sont

considérés comme purs en raison du fait qu’ils ont été fondés par les six fils de Bawo, tandis

que les règnes haoussas banza75 sont jugés comme étant illégitimes car ces règnes ont vu le jour

grâce aux autres nobles haoussas.

Les règnes haoussas bokoi sont les suivants : Dawra, Kano, Rano, Zaria, Gobir, Katsena, Biram.

Le septième règne, Biram, a une origine plus particulière car ce règne a été fondé par le premier

fils de Bayajidda. Selon l’histoire, Bayajidda76 au moment où il a tué le serpent et pouvait ainsi

se marier avec la reine, était déjà marié avec Magira, dont il avait un fils.

Afin de rendre hommage au culte du serpent sacré, les rois des règnes haoussas bokoi étaient

appelés Sarki.

Ainsi les États Haoussas se sont établis entre le territoire du fleuve de Niger et du Lac du Tchad.

L’immigration et les conquêtes ont fortement marqué la formation de cette population.

Néanmoins, l’histoire n’avance pas une date exacte concernant le moment de la naissance du

peuple Haoussas. Au-delà de la légende, tout ce qui est consigné et retenu par l’histoire est

représenté par le fait que ces États Haoussas sont le résultat d’un mélange entre les outsiders,

les étrangers donc, et les populations locales suite à l’urbanisation dans le nord du Nigeria.

Dès le début de leur existence, l’occupation principale de ces royaumes haoussas a été le

commerce, ainsi que l’agriculture. Kano, par exemple, était reconnu pour ses activités liées au

secteur du coton teint et du cuir marocain. Parmi les autres royaumes haoussas on peut rappeler

le Zaria77, qui était spécialisé dans le commerce des esclaves, Katsina et Kano qui sont devenus

des centres sur les routes des caravanes.

73 SHILLINGTON Kevin (editor), Encyclopedia of African History (vol 2), New York, Routledge, 2005, p. 617. 74 L’histoire retient sept règnes haoussas bokoi. 75 Ces règnes vont s’établir plutôt vers le sud de la région. 76 SHILLINGTON Kevin (editor), Encyclopedia of African History, op. cit., p. 617. 77 Ibid., p. 618.

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a) La religion

Les Haoussas sont devenus des musulmans depuis le XVe siècle. Néanmoins ils ont gardé de

fortes relations avec les cultes animistes. Ainsi, même si l’islamisation s’est passée en

permutant le panthéon coutumier Asna avec Allah78, la religion Asna joue encore un rôle

déterminant dans la vie des Haoussas.

La religion Asna se distingue par toute une série de cultes à des divinités. Ainsi les cultes sont

vraiment nombreux. Par exemple, le culte Bori peut être retrouvé dans chaque quartier de

chaque village. Les cultes supposent des sacrifices, des chasses rituelles ou bien des danses de

possession.

Les auteurs qui ont travaillé sur ce sujet ont dévoilé de vraies fresques de la vie religieuse des

Haoussas. Il existe tout un rituel de préparation avant le déroulement des danses de possessions.

Afin de prendre part à ces rituels, il faut être habillé d’une manière tout à fait spécifique 79.

Un responsable existe aussi, car chaque village compte un chef de la Confrérie qui est appelé

Sarkin Bori. Bien évidemment l’appellation de Sarkin Bori80 représente un hommage pour la

légende qui est à la base de la naissance des royaumes haoussas.

Dans le haoussas, le mot asna signifie non-musulman. Par conséquent, les principes de la

religion traditionnelle, évoquée surtout par le culte de possession bori, s’opposent aux piliers

de la croyance islamique.

Tout au long de l’histoire, le terme asna a connu différentes phases dont un temps81 mythique,

l’époque des premières fondations82 et les fondations83 postérieures.

Il faut souligner que l’islam a pénétré l’espace revendiqué par la population Haoussas84 à travers

différentes vagues de migrations, provenant surtout du Mali. Par conséquent, il ne s’agit pas

d’une imposition faite par la guerre.

78 Ibidem., http://historia-mundi.forumculture.net/t56-le-niger-les-haoussas, consulté le 5 février 2016. 79 Loc. cit. 80 Loc. cit. 81 Il s’agit d’un temps ahistorique qui correspond à l’existence souterraine des groupes s’appelant asna trous. À cette époque-là ils considéraient qu’il y avait deux mondes : leur monde souterrain et le monde étranger, extérieur. 82 Cette période correspond à l’émergence des premières communautés villageoises dont l’économie agricole occupe une place importante. Toujours à cette époque, on a mis en place les dieux et les objets de culte, donc les savoirs religieux. 83 De nombreux migrants se sont installés dans la région d’Ader et ont contribué ainsi au développement des objets de culte. 84 Ibidem., http://matricien.org/geo-hist-matriarcat/afrique/haoussa/, consulté le 5 février 2016.

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Deux grandes confréries ont aidé à la propagation de l’islamisme dans la communauté

haoussas : la confrérie Tijanya et la confrérie Qadriah. L’émergence de la confrérie Tijanya

date du début du XXe siècle. Elle se caractérise par la tolérance vis-à-vis des non-musulmans.

Par contre, la confrérie Qadriah85 est connue dans l’histoire comme plus radicale, surtout à

cause de son système répressif à l’égard des femmes.

Ainsi, il y a une forte opposition entre le projet sociétal avancé par les adeptes de la religion

asna et les idées développées par les membres de la communauté islamique. En d’autres termes,

il existe un conflit d’intérêt au sein de la population haoussas, ce qui signifie que ce n’est pas

par hasard que précisément cette partie de l’Afrique est visée par Boko Haram. En rencontrant

un milieu propice, Boko Haram a ainsi réussi à s’implanter là-bas.

b) Culture

L’Afrique de l’Ouest est une région marquée par une grande disparité culturelle. Dans cette

partie du monde on retrouve de nombreuses ethnies, chacune ayant ses propres traditions et

coutumes.

Ce qui est vraiment distinctif du continent africain est le fait qu’habituellement une population

dépasse les frontières physiques de son pays. Par exemple, on peut trouver au moins dans six

pays des gens qui se réclament de la communauté haoussas. Ces personnes sont liées les unes

aux autres en raison de leur histoire, de leur religion et surtout en raison de leur culture.

Lorsqu’on dit culture86, il faut prendre en compte plusieurs éléments tels que le langage ou

l’organisation sociétale.

Voici donc une des grandes particularités de l’État africain, conformément à ce qui a été

expliqué dans le cadre théorique portant sur les questions étatiques. Il faut bien prendre en

compte des différences par rapport à l’État tel qu’il est compris dans sa conception occidentale.

Si, en Europe, chaque ethnie correspond, dans la plupart des cas, à un État spécifique, ce n’est

pas la même situation en Afrique. L’Afrique de l’Ouest est bien imprégnée par une pluralité

culturelle.

c.1) Le langage

85 ÉCHARD Nicole, « Histoire et phénomènes religieux chez les Asna de l’Ader (pays hausa, République du Niger) », Systèmes de pensée en Afrique noire, 1 | 1975, p. 63-77. 86 KABAMBA Bob, Politologie africaine-syllabus, op. cit., p. 6.

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Les États de l’Afrique de l’Ouest87 ont gardé comme langue officielle le français, l’anglais et

le portugais, à savoir la langue des anciennes colonies. Néanmoins, les langues nationales

jouissent aussi d’une place privilégiée.

Le continent africain compte environ 2000 langues vivantes. Notons qu’une langue vivante est

considérée comme telle dans le cas où cette langue est parlée par au moins un locuteur. En

Afrique de l’Ouest, on retrouve à peu près 1200 langues88 vivantes, donc cette partie du

continent est caractérisée par une incroyable diversité.

Chaque langue fait partie d’une famille linguistique. Subséquemment on peut identifier quatre

grandes familles.

La famille Niger-Congo, qui regroupe environ 1500 langues vivantes, est par conséquent une

des plus grandes familles linguistiques de la planète (22% des langues de la planète et 71% des

langues africaines). Le groupe bantou89 est le plus répandu, surtout dans l’Afrique

subéquatoriale.

La famille Nilo-Saharienne comprend 197 langues vivantes, ce qui signifie qu’à peu près 35

millions de personnes utilisent couramment ces langues. Parmi ses douze groupes de langues,

uniquement deux— le songhai90 et le kanouri91— se retrouvent sur le territoire de l’Afrique de

l’Ouest.

La famille khoisan mobilise seulement 22 langues92, ce qui fait d’elle la plus petite famille

linguistique du continent africain. Ces langues sont essentiellement utilisées en Namibie,

Angola, Botswana, Afrique du Sud.

Et finalement la famille afro-asiatique, qui nous intéresse dans ce travail. Même si cette famille

rassemble le haoussa, la première langue africaine en matière du nombre des locuteurs, il faut

signaler que l’afro-asiatisme n’est pas exclusivement93 africaine.

Le haoussa

87 Atlas régional de l’Afrique de l’Ouest, « Les Langues », p. 11. http://www.oecd.org/fr/regional/atlasregionaldelafriquedelouest.htm, consulté le 6 février. 88 Loc.cit. 89 Loc.cit. 90 Mali, Niger, Burkina, Bénin. 91 Niger, Nigeria, Cameroun et Tchad. 92 Ibidem., http://www.oecd.org/fr/regional/atlasregionaldelafriquedelouest.htm, consulté le 7 février 2016. 93 La péninsule Arabique.

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Le haoussa, ou en haoussa, hausanci, est une langue tchadique qui, petit à petit, a remplacé le

kanouri à Maiduguri et le peul à Yola. Les langues tchadiques peuvent être compartimentées

en plusieurs sous-groupes dont le tchadique occidental, le tchadique central, le tchadique

oriental, le masa.

Il s’agit d’une langue qui conserve le statut de langue officielle au nord du Nigeria, et celui de

langue nationale au Niger. Selon les estimations, plus de 60 millions94 de personnes connaissent

cette langue, à différents degrés bien sûr.

En ce qui concerne l’écriture, la langue écrite est basée sur le dialecte de Kano, les premiers

écrits remontent au XIXe siècle. Dans un premier temps, on a utilisé l’alphabet arabe qui a été

adapté selon les notations des langues africaines, ajami.

La langue haoussas se subdivise à son tour en dialectes parmi lesquels on peut reconnaitre le

dawranci, le kwannanci, le kananci, le damagaranci, le katagumci, l’ hadejiyanci, le sokotanci,

le gobirci, l’ adaranci, le kabbanci, le zamfaranci, le katsinanci, l’araouci, le kurfayanci et le

zazzaganci.

À partir de la colonisation britannique, l’alphabet latin a été introduit. Les Haoussas sont à

l’origine d’une vaste production littéraire : pièces de théâtre, romans, poésie ou bien contes.

Actuellement la langue haoussas95 est celle de plusieurs journaux et radios, tant africaines

qu’internationales. Ainsi BBC World Service96, Voice of America97, Deutsche Welle98, China

Radio International99, Radio Moscow100, IRIB101 et RFI102 transmettent leurs nouvelles dans

cette langue-ci.

c.2) L’organisation sociétale

L’artisanat et le commerce constituent une activité importante pour la population haoussas.

D’ailleurs la vie des habitants haoussas103 se rassemble autour de trois grands centres de

pouvoir : le palais de l’Émir, le marché et la mosquée.

94 A peu près 35 millions de personnes utilisent cette langue en tant que langue maternelle. 95 Ibidem., http://www.oecd.org/fr/regional/atlasregionaldelafriquedelouest.htm, consulté le 7 février 2016. 96 Grande-Bretagne 97 États-Unis 98 Allemagne 99 Chine 100 Russie 101 Iran 102 France 103 Ibidem., http://matricien.org/geo-hist-matriarcat/afrique/haoussa/, consulté le 6 février 2016.

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Même si leurs principales activités sont l’artisanat et le commerce, cela ne signifie pas que

l’agriculture104 est une occupation qui leur échappe. Au contraire, ils s’y dédient pleinement,

surtout pendant les saisons qui ne sont pas affectées par la sècheresse.

Leur vie artisanale est encadrée par une organisation socio-professionnelle stricte, appelée

Sanaa. Le tissage ou la cordonnerie105 sont des occupations courantes chez les Haoussas.

D’ailleurs les broderies haoussas sont reconnues dans la totalité de l’Afrique Occidentale.

L’architecture est aussi particulière dans cette région-ci, car les maisons haoussas sont

construites en terre rude. Ainsi, les peintures sont reconnues dans le monde entier. Les façades

sont abondamment colorées, en ayant des ornements typiques.

Les costumes des femmes sont tout à fait originaux. Certains auteurs disent même que ce sont

les femmes haoussas qui font la mode, leurs vêtements représentant en quelque sorte le point

de départ des tendances. Les pièces vestimentaires sont riches en broderies, toutes colorées et

ornées de nouveaux motifs.

Les femmes mettent aussi beaucoup l’accent sur les bijoux, surtout les perles. En résumé, la

population haoussas perpétue toute une série de traditions que Boko Haram voudrait remplacer

en introduisant dans la vie de ces gens106 des coutumes spécifiques de la culture islamique.

2 Les origines de l’organisation Boko Haram

Boko Haram constitue le principal sujet de discussion dans l’actualité de l’Afrique de l’Ouest,

surtout au Nigeria. Souvent qualifié de groupe terroriste, secte ou mouvement islamiste, il faut

souligner qu’en réalité, Boko Haram107 ne représente qu’une appellation populaire par facilité

de langage, son vrai nom étant Jama’atu Ahlis Sunnah Lidda’awati Wal Jihad.

Avant de présenter l’évolution temporelle de Boko Haram, il est important de signaler les

facteurs qui ont permis son élan.

Pour certains, Boko Haram est fortement inquiétant, surtout parce qu’il se développe dans un

pays qui, au fil des années, a connu d’s importantes tensions religieuses. Le Nigeria compte le

104 Ibidem., http://historia-mundi.forumculture.net/t56-le-niger-les-haoussas, consulté le 6 février 2016. 105 Ibidem., http://matricien.org/geo-hist-matriarcat/afrique/haoussa/ consulté le 6 février 2016. 106 Ibidem., http://historia-mundi.forumculture.net/t56-le-niger-les-haoussas, consulté le 7 février 2016. 107 I.S. Popoola, « Press and terrorism in Nigeria : a discourse on Boko Haram, Global Media Journal-African Edition, vol. 6, n°1, 2012, p. 46.

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plus grand nombre de musulmans108 d’Afrique. Les protestations islamiques existent dans ce

pays depuis les confréries Qadiriya et Tijanya déjà mentionnées quelques lignes plus haut.

Ensuite, le pays connaît des mouvements de type salafi109 qui prônent le retour à la religion

originelle des ancêtres, mais également des mouvements mahdistes et messianiques qui

soutiennent le fait qu’un prophète va arriver. Ainsi sous le commandement de Muhammad

Marwa, en 1980, on a connu l’insurrection Maitatsine. Finalement, les islamistes modernes, les

chiites, sont ceux qui vont inspirer, surtout au départ, les initiatives de Boko Haram. Ce groupe

des islamistes modernes a été créé en 1994 par Abubakar Mujahid.

Par conséquent, toute une série de crises et de conflits religieux ont marqué la vie des Nigérians,

même longtemps avant l’existence de Boko Haram. La révolte110 Maitatsine de l’année 1980 à

Kano, celle de Kaduna et Bulumkutu en 1984 à Yola ou bien celle de Bauchi en 1985 en sont

uniquement les exemples les plus connus.

Ces évènements ont constitué les premières tentatives d’imposer une idéologie religieuse. La

plupart de ces crises ont dépassé la sphère pacifique et pris une tournure violente. Tous ces

différents groupes et mouvements qui viennent d’être énumérés ont à la base des raisons111 bien

spécifiques : la volonté d’empêcher la croissance du pouvoir de certains groupes d’intérêts, qui

d’ailleurs étaient déjà au pouvoir. Donc il s’agit surtout du désir de remettre en cause l’existence

d’un régime qui n’agit plus dans l’intérêt de ses citoyens. A part les doléances religieuses, on a

pu identifier aussi des demandes d’ordre social provoquées par la pauvreté parmi les jeunes ou

bien l’existence de déséquilibres économiques.

Pérouse de Montclos remarque que ce sont surtout les combattants qui ont animé la révolte de

Maitatsine (avec laquelle Boko Haram se compare souvent en termes de l’idéologie), ceux qui

ont avancé des revendications similaires à celles d’aujourd’hui. Néanmoins, tous ces

mouvements ont été vaincus par l’armée nigériane au cours des années 1980, ce qui a conduit

à la dispersion de leurs membres et adeptes.

108 SLAVICEK Marie, « Le conflit principal n'oppose pas les chrétiens aux musulmans, mais Boko Haram à l'État », Jol Press, 19/03/2014, consulté le 20 février 2016. 109 Ce mouvement est apparu officiellement en 1978, mais jusqu’à 2011 il a été divisé en deux factions : l’une à Kaduna sous la direction de cheik Yusuf Sambo Rigachikun, et l’autre à Jos sous l’égide des cheiks Samaila Idriss, ensuite Sani Yahaya Jingir. 110 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine, « Boko Haram et le terrorisme islamiste au Nigeria : insurrection religieuse, contestation politique ou protestation sociale ? », Questions de recherche, n°40-juin 2012, p. 6. 111 ADESOJI Abimbola « The Boko Haram Uprising and Islamic Revivalism in Nigeria », Africa Spectrum, vol. 45, n° 2, 2010, p. 97.

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Au Nigeria, il existe une forte disparité112 entre le Nord sahélien pauvre et le Sud maritime qui

connait un meilleur développement économique. Ça veut dire qu’une des plus importantes

causes de l’essor du Boko Haram est la faible économie de ce pays-ci.

Mais l’économie ne représente pas l’unique motif de l’émergence de Boko Haram. Les facteurs

politiques internes, sociaux, économiques voire religieux113 se sont entremêlés. En fait, la

religion a été fortement instrumentalisée dans ce cas afin d’occulter les problèmes socio-

économiques. En consultant le cadre théorique de ce travail, on voit que la théorie des

instrumentalistes trouve son application dans la réalité via les phénomènes qui se passent en

l’Afrique de l’Ouest, surtout au Nigeria.

Bien que ce pays soit très riche en pétrole, à savoir le premier producteur114 de pétrole du

continent africain, environ 60% des Nigérians vivaient avec moins d’un dollar par jour en 2012.

Ainsi, malgré le fait que l’industrie soit en pleine croissance, la qualité de vie des gens ne s’est

pas améliorée. Au contraire, en 2004, 54% des nigérians étaient obligés de vivre avec la

modeste somme d’un dollar par jour.

Ce qui signifie que les citoyens sont souvent confrontés aux coupures d’électricité, au

chômage115 et aux inégalités. À cela s’ajoute l’amertume de voir que la situation, au lieu de

s’améliorer, est devenue plus précaire encore. En plus cette situation économique difficilement

supportable a été la plupart du temps ignorée par les autorités.

La principale cause de l’émergence de ce groupement est en fait la misère que les Nigérians

doivent endurer chaque jour. Selon les données fournies par l’Organisation Mondiale de la

Santé, l’espérance116 de vie ne dépasse pas 52 ans pour 61 ans en Afrique du Sud ou 73 ans en

Égypte. D’ailleurs le Programme des Nations Unies pour le Développement (Pnud) a rendu

public en 2014 un classement d’après lequel le pays occupait la 164e place sur 198 pays dans

la liste de l’indice du développement humain.

112 HUGON Philippe, « Le Nigeria miné par ses divisions internes », Grotius International, 04/02/2012, consulté le 21 février 2016. 113 A.F. Ahokegh, « Boko-Haram : a 21st Century Challenge in Nigeria », European Scientific Journal, septembre Edition vol. 8, n° 21, 2012, p. 47. 114 JAPHETH Omojuwa, « Nigeria : passer de la croissance au développement », La Libre Afrique, 09/08/2013, consulté le 21 février 2016. 115 COSSOU Sabine, « Boko Haram et la menace d’un djihad africain », Politique Internationale, n°148-Été, p. 2. 116 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine, « Nigeria Watch : fourth report on violence in Nigeria (2006-2014) », Nigeria Stability and Reconciliation Programme, juin 2014, p. 5.

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Il existe une forte disparité entre les jeunes et la classe pauvre par rapport à l’élite qui est très

riche. D’ailleurs le politologue Gilles Yabi a dit que Boko Haram « est le produit et le reflet

d’un Nigeria aussi riche, dynamique et puissant qu’outrageusement corrompu et impitoyable

pour les pauvres et les faibles »117. Le Nigeria est le pays le plus controversé de l’Afrique de

l’Ouest, ce qui le rend vulnérable. Les gens n’ont plus confiance dans le gouvernement, surtout

les jeunes, qui deviennent facilement des cibles pour les recruteurs de Boko Haram. Même

l’auteur-compositeur nigérian Keziah Jones, donc un acteur qui n’est pas politologue, a établi

ce constat en disant « le nord du Nigeria affiche les pires niveaux d’éducation et d’accès au soin

du pays »118.

Une autre raison à la base de l’expansion de Boko Haram est le grave problème de corruption

qui mine le pays. Human Rights Watch119 avance l’hypothèse que le système politique du

Nigeria éprouve des difficultés à punir la corruption, en donnant tout au contraire l’impression

qu’il l’encourage.

La corruption est fortement liée à l’aspect financier, soit le secteur pétrolier et gazier. En outre

plusieurs entreprises ont été impliquées dans de gros scandales. Malgré le fait que les différents

présidents ont fait des promesses en disant que des reformes seraient mises en place afin de

stopper le phénomène de corruption, le Nigeria reste encore déficitaire120 dans ce secteur. La

répression trop dure de la part des autorités, qui a culminé avec l’assassinat de Mohammed

Yusuf, a également fait basculer l’organisation dans le champ de la radicalisation. Mais avant

de développer ce point-ci, il faut tout d’abord connaitre le chemin qui a été parcouru par Boko

Haram depuis sa naissance jusqu’à présent.

En 2000, Mohammed Yusuf, un théologien qui a bénéficié d’une formation islamique en Arabie

Saoudite, a fondé le mouvement Boko Haram. Tout au début, Boko Haram était une petite

organisation islamique qui prônait surtout la stricte interprétation et implémentation de la loi

islamique121 au Nigeria.

Boko, ça provient de l’anglais « book » qui signifie livre, et haram en arabe ça veut dire interdit.

C’est pourquoi la plupart se sont mis d’accord pour souligner qu’en fait, Boko Haram traduit

117 COSSOU Sabine, « Boko Haram et la menace d’un djihad africain », art. cit., p. 2. 118 Art. cit. 119 PLOCH Lauren, « Nigeria : Current Issues and US Policy », Congressional Research Service, novembre 15, 2013, p. 7. 120 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine « Nigeria Watch : fourth report on violence in Nigeria (2006-2014) », op. cit., p. 6. 121 PLOCH Lauren, « Nigeria : Current Issues and US Policy », op. cit., p. 12.

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l’idée « l’éducation occidentale est un péché ». Pour certains, cette interprétation est

complètement fausse. Ainsi le sociologue Alioune Sale, directeur de l’African Futures Institut,

note que « le nom de Boko Haram n’implique pas que tout ce qui vient de l’Occident est

mauvais. Il voulait surtout dire, au départ, que les diplômes rapportés par les jeunes Nigérians

du Nord partis étudier en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis ne servent à rien au Nigeria

puisque ce sont les recommandations et les pistons qui comptent à leur retour, et non les

compétences »122.

Par son constat, le sociologue sénégalais souligne l’existence d’une société corrompue

fortement guidée par le népotisme. Comme il a déjà été évoqué précédemment, Boko Haram

est la conséquence de la corruption ainsi que d’une économie précaire. En plus, le taux du

chômage particulièrement élevé à cause d’une mauvaise reconnaissance des diplômes a

provoqué une importante frustration, surtout parmi les jeunes. Bref il ne s’agit pas de lutter

contre la modernité prônée par l’Occident, mais de combattre le système déficitaire qui a été

implanté.

À ses débuts, Boko Haram opérait dans un quartier à Maiguri (voir l’annexe 2) tout en

contrôlant quelques petites mosquées. Le prédicateur, Mohammed Yusuf, n’ayant pas reçu le

droit d’apparaitre à la télé et à la radio dans l’État de Borno, il a construit un centre de

prédication devant sa maison. En raison de son large succès (tout le monde au Nord demandait

ses cassettes), il a commencé la construction d’une mosquée. Ainsi il a mis en place un

gouvernement, des ministères, une branche militaire, une ferme, une entreprise. De plus,

plusieurs émirs, y compris du Tchad et du Niger123 ont été d’accord de prêter allégeance au chef

spirituel de Boko Haram.

En regardant la situation sous cette perspective, on a tous les éléments pour affirmer que

Mohammed Yusuf a commencé la construction d’un État dans un autre État. De nombreux

jeunes ont été attirés par l’État de Yusuf124 car il leur offrait de la nourriture, de l’eau, des

médicaments sur le modèle des Frères Musulmans d’Égypte. Mais à part le modèle des Frères

Musulmans, Boko Haram s’inspire aussi, au départ, des enseignements d’Ibrahim el-Zakzaky.

Quoi qu’on puisse trouver certains parallèles entre les anciens mouvements islamistes et Boko

Haram, le mouvement de Yusuf n’a pas rejeté la modernité occidentale par rapport à

122 COSSOU Sabine, « Boko Haram et la menace d’un djihad africain », art. cit., p. 2. 123 Art. cit. 124 AGBIBOA Daniel, « The ongoing campaign of terror in Nigeria : Boko Haram versus the State », Stability : International Journal of Security & Development, 2(3) : 52, p. 5.

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Muhammad Marwa125, par exemple. Le chef spirituel de Boko Haram était un homme d’affaires

très familiarisé avec l’utilisation des ordinateurs ou des téléphones portables. En plus, il n’a

jamais interdit à ses fidèles d’avoir en leur possession des montres126 de luxe ou des jeans.

Donc, on observe que tout ce qui relève du côté matériel est largement accepté et assimilé par

les membres de Boko Haram, alors que tout ce qui relève du coté immatériel, comme les idées,

coutumes ou comportements est fortement rejeté.

Dès le début, Boko Haram s’est lancé dans une confrontation contre l’État laïque, en laissant

de côté les mécontentements des tenants d’une approche islamique plus traditionnelle.

Néanmoins, le mouvement Boko Haram127 a eu des nombreux différents avec Jafar Adam, un

salafiste d’Ahl as-Sunnah wa al-Jama’a à Kano. Cet antagonisme est expliqué par le fait que

les deux leaders avaient des opinions tout à fait différentes concernant le modèle démocratique

occidental et la participation à un gouvernement laïque.

En outre, Mohammed Yusuf128 a refusé à ses fidèles la liberté de trouver un emploi dans une

administration publique par crainte qu’ils ne soient obligés de couper leur barbe. Donc, si par

rapport à certains aspects, Yusuf laisse une certaine liberté à ses fidèles (les montres de luxe,

les ordinateurs, etc.), d’autres pratiques sont censurées de manière irrévocable. En fait, le leader

de Boko Haram s’opposait à toute innovation politique importée par le colonisateur. C’est ainsi

que Jafar Adam, qui était moins inflexible à cet égard, a invalidé publiquement les croyances

doctrinaires de la secte. Mais il a été accusé d’être un collaborateur du gouvernement et il a été

assassiné à Kano en 2007.

Boko Haram comprend plusieurs étapes129 dans son évolution : ainsi on peut identifier une

phase initiale qui correspond aux toutes premières années de sa création, soit 2000-2003. Durant

cette période, on assiste à l’émergence des premières éléments constitutifs d’une organisation

qui se veut autonome par rapport aux autorités gouvernementales nigérians, à savoir la mise en

place d’un État dans l’État, ainsi que le formule un journaliste nigérian, Ahmed Salkida.

125 Muhammad Marwa s’est autoproclamé lors de l’insurrection de Maitatsine. À la suite à cette insurrection, on a assisté à la destruction de quartiers entiers, au massacre de ses fidèles et à la mort du leader de l’organisation. 126 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine, « Boko Haram et le terrorisme islamiste au Nigeria : insurrection religieuse, contestation politique ou protestation sociale ? », op. cit., p. 6. 127 Loc. cit. 128 Loc. cit. 129 Je note que je n’ai nulle part trouvé cette périodisation telle qu’elle, mais à la suite de mes lectures je me suis rendue compte que la plupart des spécialistes traitant la question de Boko Haram ont souligné le fait que les actions de cette organisation peuvent s’inscrire en plusieurs étapes.

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Ensuite, une deuxième étape coïncide avec la période de clandestinité, de 2009 à 2013. Le

groupe a commencé de plus en plus à être qualifié de terroriste. Finalement, la troisième période

de l’organisation, pendant laquelle plusieurs actions ont effrayé la région de l’Afrique de

l’Ouest, est marquée par une violence extrême. Le nombre des victimes n’a pas cessé

d’augmenter durant les années 2013-2015.

En 2009, le chef spirituel a été arrêté par les forces policières de Nigeria, et ensuite exécuté. Sa

mort a eu comme principale conséquence la fragmentation du mouvement Boko Haram, les

différentes sectes tombant ainsi dans la clandestinité.

Les forces de sécurité ont détruit les mosquées fondées par Mohammed Yusuf à Maiguduri et

à Markaz, et leurs chefs se sont exilés à l’étranger. Là-bas, ils sont entrés en contact avec

différents groupes djihadistes. Ainsi la secte a réussi à renaitre tout en établissant des cellules à

Kano, Oken dans l’Etat de Kogi ou à Kaduna. Mais la principale conséquence s’est déjà fait

ressentir, car en tuant le chef spirituel, on a tué l’unique possibilité de négociation entre le

groupement Boko Haram130 et les autorités nigérianes.

Concernant la fragmentation de l’organisation, celle-ci comprend deux ailes importantes qui

ont émergé et qui s’opposent l’une à l’autre. L’aile appelée Ansaru131, dirigée au début par

Abubakar Adam Kambar, a été fondée officiellement en 2011. Ansaru, à la différence de Boko

Haram, considérée plutôt comme une secte, se présente comme une organisation terroriste

professionnelle. Boko Haram comprend aussi des femmes et des enfants parmi ses membres.

En 2012, le leader d’Ansaru a été tué et ainsi remplacé par Khalid Barnawi qui est suspecté

d’être l’intermédiaire entre Boko Haram et AQIM.

En 2010, malgré le fait que les autorités aient déclaré la mort d’Abubakar Shekau dans une

vidéo, il s’est auto-proclamé imam. Après la mort de Yusuf Mohammad en juillet 2009, une

nouvelle ère commence pour Boko Haram. A partir de cette année, les attaques (voir l’annexe

3) vont se multiplier et les opérations vont s’étendre au-delà de l’État de Borno. En outre, la

secte va aussi cibler les églises, ce qui n’était pas le cas auparavant. Donc la plupart des centres

de police, mais aussi des écoles, les marchés ou bien les bars132 sont devenus des cibles

essentielles.

130 PEROUSE de MONTCLOS Marc Antoine, Nigeria’s interminable Insurgency ? Adressing the Boko Haram Crisis, Chatham House, Londres, septembre 2014, p. 11. 131 AGBIBOA Daniel, « The ongoing campaign of terror in Nigeria : Boko Haram versus the State », op. cit., p. 6. 132 PLOCH Lauren, « Nigeria : Current Issues and US Policy », op. cit., p. 13.

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Parmi les attaques de Boko Haram les plus médiatisées durant la période 2009-2013, on peut

citer l’affaire du 2 janvier 2012 ainsi que les nombreuses effractions bancaires. Le 2 janvier

2012, Abubakar Shekau a donné un ultimatum aux chrétiens : soit se convertir à l’islam, soit

quitter le territoire. La semaine suivante, plusieurs membres de Boko Haram ont attaqué des

nombreux communautés133 de l’État de Gombe et de l’Etat d’Adamawa.

Les Nations Unies estiment que durant cette période plus de 500 étudiants et 100 professeurs

ont été tués à la suite de ces attaques. Plus de 500 établissements scolaires ont été détruits et

plus de 15 000 étudiants ont été privés de leur droit à l’éducation.

Toujours en 2011, deux Européens ont été séquestrés dans le Nord du Nigéria. Tous les deux

ont été tués en 2012 durant l’opération de libération. On constate ainsi que, petit à petit, les

attaques se complexifient et abordent des techniques134 plutôt caractéristiques des opérations

terroristes.

A partir de 2013 (voir l’annexe 4), Boko Haram entre dans une autre étape marquée par encore

plus de violence. Leurs attaquent s’intensifient et sont médiatisées dans le monde entier.

D’ailleurs le kidnapping135 d’une famille française au nord du Cameroun est considéré comme

étant la première opération internationale de Boko Haram. On l’a qualifiée d’internationale en

raison du fait qu’ils ont agi en dehors du territoire de Nigeria.

Les instances internationales vont encore plus loin en affirmant « there is a reasonable basis to

believe that Boko Haram has committed crimes against humanity, namely acts of murder and

persecution, resulting in the killing of more than 1,200 Christians and Muslim civilians »136.

En mai 2013, un état d’urgence est déclaré dans plusieurs États du Nigéria. L’armée commence

à bombarder de nombreux villages qui sont suspectés de cacher les membres de Boko Haram.

En représailles, ceux-ci137 organisent des attentats dans certains endroits stratégiques. Pour la

première fois, on peut identifier une certaine stratégie dans le mouvement. Les violences ne

sont plus dispersées un peu partout sans une vraie cible.

133 PEROUSE de MONTCLOS Marc Antoine, « Nigeria’s interminable Insurgency ? Adressing the Boko Haram Crisis », op. cit., p. 12. 134 PLOCH Lauren, « Nigeria : Current Issues and US Policy », op. cit., p. 13. 135 Ibid., p. 15. 136 Cour Pénale Internationale, « Report on Preliminary Examination Activities », novembre 2012, p. 20. 137 KHADIDIATOU Cissé, « Quand la terreur s’appelle Boko Haram », Terangaweb, consulté le 10 février 2016.

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Les seules victimes du conflit entre les membres Boko Haram et l’armée sont les civils qui

n’ont pas les moyens nécessaires pour se battre, ni contre Boko haram, ni contre les forces

policières nigérianes.

Le 14 avril 2014, un attentat dirigé contre la capitale Abuja a coûté la vie à 88 personnes. Le

lendemain, plus de 200 jeunes filles ont été kidnappées en plein jour à l’internat du lycée de

Chibok (voir l’annexe 5). On suppose que les filles ont été dirigées vers la forêt de Sambisa,

un endroit déjà reconnu comme hébergeant138 les campements de Boko Haram.

Le 5 mai, Abubakar Shekau diffuse une vidéo où il reconnaît l’enlèvement des jeunes filles. Le

12 mai, il diffuse une autre où il déclare que la plupart d’entre elles ont été converties à l’islam

et les appelle ses sœurs. Pour qu’elles soient libérées, il impose une condition essentielle aux

autorités : libérer à leur tour certains prisonniers, ce que le gouvernement va refuser.

Marc Antoine Pérouse de Montclos souligne que le kidnapping s’est passé dans une région139,

où, historiquement, ce genre d’actions violentes ainsi que le mariage forcé étaient des pratiques

courantes.

3 L’idéal politique de Boko Haram : la création d’un Califat

Dans les médias, les membres Boko Haram sont perçus comme des malades mentaux qui ne

savent pas ce qu’ils veulent. Cependant, ils défendent toute une série de revendications parmi

lesquels quatre sont essentielles pour eux : ils veulent une application plus étroite du droit

islamique soit l’implémentation de la sharia, la liberté d’exercer le contrôle des mosquées,

extirper la mauvaise influence des occidentaux et la libération des prisonniers.

Pour ce qui relève de la mauvaise influence des occidentaux, l’ancien chef spirituel de Boko

Haram, Mohammed Yusuf, estimait que l’école occidentale anéantissait140 la culture islamique.

En outre, il interdisait à ses membres de fréquenter les établissements d’inspiration coloniale.

Selon lui, même si toutes les inventions et la technologie occidentale ne sont pas mauvaises, de

nombreux livres mettent en avant des valeurs artificielles.

138 Art. cit. 139 PEROUSE de MONTCLOS Marc Antoine, « Nigeria’s interminable Insurgency ? Adressing the Boko Haram Crisis », op. cit., p. 14. 140 TANCHUM Micha’el, « Al-Qa’ida’s West African Advance : Nigeria’s Boko Haram, Mali’s Touareg and the spread of salafi jihadism », Israel Journals of Foreign Affairs vol. VI, n°2, 2012, p. 76.

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Marc Antoine Perouse de Montclos établit un lien intéressant entre la trajectoire personnelle de

Mohammed Yusuf, qui n’a jamais réussi à devenir étudiant de l’Université de Maiduguri, et

son opposition contre « l’hérésie du darwinisme en biologie, la théorie du big-bang en sciences

naturelles, la révolution copernicienne en géographie, l’existentialisme en philosophie ou le

complexe d’Œdipe dans la psychanalyse freudienne »141.

L’auteur montre que Mohammed Yusuf éprouve un ressentiment général envers les savants,

musulmans et chrétiens, en raison de son passé. À plusieurs occasions, Yusuf a vivement

désapprouvé les professeurs de droit ou de science politiques. Il disait que les gens ne peuvent

en aucun cas mettre la loi du Dieu sous la tutelle humaine. Il critiquait surtout le manque de

respect envers les pratiques religieuses.

Après l’exécution de Mohammed Yusuf en 2009, Sanni Umaru142 a déclaré devant la presse

que Boko Haram ne s’opposait pas à « l’éducation moderne », mais à « un processus

d’occidentalisation perverti »143.

En fait, le modèle éducationnel hérité de l’époque coloniale est remis en cause par beaucoup

d’Africains, qu’ils soient musulmans ou chrétiens. Donc le reproche de Boko Haram contre le

modèle éducatif occidental ne représente pas du tout une nouveauté. De nombreux salafistes

ont remis en cause ce modèle en invoquant les fausses valeurs telles que l’homosexualité, les

expérimentations chimiques, l’érosion de l’environnement144 ou bien la ségrégation sociale.

Concernant la libération des prisonniers, on remarque cette revendication surtout dans les

discours d’Abubakau Shekau. Il manifeste expressément cette demande dans les deux vidéos

qu’il envoie à l’Agence de Presse Française, le 5 et le 12 mai. Shekau menace de vendre sur le

marché les jeunes filles kidnappées de Chibok qui n’ont pas été converties à l’islam si les forces

gouvernementales ne sont pas d’accord de libérer les prisonniers politiques. Dans son discours,

il reproche aux autorités le fait d’avoir tué de nombreux fidèles145 de Boko Haram durant leur

emprisonnement.

141 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine, « Boko Haram et le terrorisme islamiste au Nigeria : insurrection religieuse, contestation politique ou protestation sociale ? », op. cit., p. 8. 142 Sanni Umaru a été pour une courte période de temps le successeur de Mohammed Yusuf, mais il a été vite remplacé par Abubakau Shekau. 143 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine, « Boko Haram et le terrorisme islamiste au Nigeria : insurrection religieuse, contestation politique ou protestation sociale ? », op. cit., p. 8. 144 HIGAZI Adam, BRISSET-FOUCAULT Florence, « Les origines et la transformation de l'insurrection de Boko Haram dans le Nord du Nigeria. », Politique africaine, vol. 2, n° 130, 2013, p. 139. 145 PEROUSE de MONTCLOS Marc Antoine, Nigeria’s interminable Insurgency ? Adressing the Boko Haram Crisis, op. cit., p. 14.

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En ce qui concerne l’implémentation de la charia, la problématique est beaucoup plus complexe

qu’on pourrait croire. Afin de mieux comprendre les enjeux d’une telle revendication, il est

nécessaire d’analyser le passé colonial du Nigeria.

Il existe une méconnaissance146 à l’égard de la charia, souvent alimentée par deux points de vue

complétement erronés. Tout d’abord il s’agit d’une ignorance d’ordre historique : souvent on a

tendance à dire que la charia est une création islamique, alors qu’elle n’est rien d’autre qu’un

pilier fondamental de la religion musulmane, comme le Coran. Ensuite une deuxième

incompréhension limite la charia à une application pénale en évoquant des peines meurtrières.

Avant de continuer l’analyse, il convient d’expliquer la notion de charia (voir l’annexe 6).

Ainsi, la plupart des spécialistes du monde islamique se sont mis d’accord en disant que « la

charia se contente d’être un code de conduite qui gouverne la vie des musulmans de la naissance

jusqu’à la mort »147. Ça veut dire que la charia encode toute une série des règles et de pratiques

tant civiles que pénales. La loi islamique, soit la charia, dérive du Coran148 qui est un élément

de base de l’islam.

a) Les origines

L’islam est une religion à vocation universelle présentant une conception sociale et juridique.

Le premier modèle politique de l’islamisme a été réalisé à l’époque du prophète149 de

Mohamed. Mohamed, qui s’est marié à l’âge de 25 ans, est devenu prophète, c’est-à-dire le

dernier messager, à 40 ans. Selon lui, l’islam est la religion parfaite, la soumission à la volonté

divine et donc, une forme de la souveraineté. La source de la souveraineté pour l’islam, c’est la

divinité. Son rôle principal est la transmission du message divin. Ainsi Mohamed a réalisé ce

modèle à partir de la charia. Mais pour instaurer ce modèle, il a utilisé une lutte armée, le jihad.

Mohamed était un grand stratège, il a réussi instaurer un modèle politique. Le calife c’est le

substitut de Dieu sur la terre.

146 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine, « Le Nigéria à l’épreuve de la charia », Etudes, vol. 2/2001, n° 394, p. 154. 147 Loc. cit. 148 PANSIER Frédéric-Jérome, GUELLATY Karim, Le droit musulman, Paris, PUF, 2000, p. 23. 149 L’héritage arabe, « Histoire du prophète Mohamed », http://www.firdaous.com/00406-histoire-du-prophete-mohamed.htm, consulté le 10 mars 2016.

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Dès les premières années de l’indépendance du Nigeria, on assiste à l’émergence d’un conflit

interconfessionnel, entre les chrétiens du Sud et les musulmans du Nord. La religion150 joue un

rôle essentiel dans la société nigériane.

Les musulmans estiment qu’ils ont été discriminés, car ils ont été obligés d’assister au

phénomène de colonisation chrétien. Même si le colonisateur britannique ne leur a pas imposé

de se convertir au christianisme, leurs coutumes ont été affectées, surtout en raison de

l’organisation du gouvernement selon le modèle occidental. Devoir suivre le calendrier

orthodoxe, sans tenir compte de leurs jours fériés, mais aussi se trouver dans l’impossibilité de

suivre la loi islamique au détriment de la loi du colonisateur britannique, a été très mal vécu par

la plupart des musulmans151 du Nord-Nigeria.

Néanmoins, durant l’époque du colonisateur, la charia existait bel et bien. La question de la

charia devient un sujet sensible au moment où on a décidé d’uniformiser les deux systèmes

juridiques, à savoir celui du Sud chrétien et celui du Nord musulman. On assiste à un paradoxe,

car, durant la colonisation, la charia, en plus d’être introduite dans plusieurs endroits du Nord,

était appliquée d’une façon très dure. Dans le Nord, le colonisateur britannique laisse de larges

compétences judiciaires aux juges musulmans et aux émirs, alors que dans le Sud le modèle

judiciaire152 occidental est celui qui prime.

Toutefois, pendant le gouvernement des militaires, la charia va perdre le terrain au détriment

du droit anglo-saxon, ce qui prive les émirs des pouvoirs judiciaires. C’est ainsi qu’à partir de

ce moment, la crise nationale sur le sujet d’implémentation de la charia va commencer. En

1979, lors des travaux préparatoires153 à la Constitution, on assiste à la démonstration d’un

mécontentement qui va finalement déboucher sur un compromis : les non-musulmans qui vivent

dans le Nord-Nigéria bénéficient d’un principe dérogatoire, soit la non-application de la charia

en ce qui les concerne.

L’histoire retient aussi un autre moment clé relatif à cet aspect : la Constitution de 1989.

Dorénavant, la charia ne peut plus s’appliquer qu’aux musulmans. La charia représente toujours

un important sujet de débat au Nigeria, les opinions étant souvent contradictoires. Au niveau

national, de nombreuses interrogations surviennent sur l’application de la charia, car la situation

150 DANJIBO, D.N, « Islamic Fundamentalism and sectarian violence : the Maitatsine and Boko Haram Crisis in Northern Nigeria », Insitute of African Studies, University of Ibadan, p. 3. 151 LAST Murray, « La charia dans le Nord-Nigeria », Karthala, Londres, University College, 2000, p. 141. 152 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine, « Le Nigéria à l’épreuve de la charia », op. cit., p. 156. 153 Ibid., p. 157.

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est caractérisée par une bizarrerie juridique. En effet, comme le Nigéria154 a ratifié la

Convention contre la torture et la Déclaration universelle des droits de l’homme, les dispositions

pénales de la charia vont à l’encontre des principes qui émanent de ces deux documents.

Par conséquent, comme Pérouse de Montclos le relève dans ses articles, la charia pose beaucoup

de problèmes : « La police nationale doit-elle, en effet, veiller au respect de la charia ? Les

services pénitenciers doivent-ils assurer la garde des suspects reconnus coupables par un

tribunal islamique ? Un chirurgien ou un anesthésiste agréés doivent-il superviser l’amputation

des voleurs ? »155. Ainsi la société nigériane se caractérise par cette situation ambiguë, car

parfois même les chrétiens décident de faire appel aux tribunaux musulmans afin de récupérer

leurs préjudices commerciaux, mais en même temps, la charia est fortement contestée.

b) Structure (catégories d’infractions et diverses peines)

Parmi les plus importants principes de la charia, on retrouve l’interdiction de consommer de

l’alcool, l’imposition d’une séparation des sexes aussi bien dans les transports publics que dans

les écoles, ainsi que la peine à mort pour les criminels ou l’amputation des membres pour les

voleurs. Ainsi dans les États où elle est appliquée, les bordels ont été fermés et les prostituées

sont parties. Néanmoins, la fermeture des bordels156 n’a pas du tout empêché la fréquentation

des prostituées. Leurs clients se sont déplacés eux aussi.

La charia157 peut donc viser autant les pratiques religieuses telles que la purification rituelle et

la prière que les pratiques sociétales telles que les transactions financières, les dotations, les

règles d'héritage, les règles relatives au mariage, au divorce ainsi qu'à la garde des enfants, à la

nourriture, à la boisson (dont la chasse et les règles d'abattage rituel des animaux), à la guerre

ainsi qu'à la paix.

Par exemple, toute une série de règles guident la vie familiale. Ainsi, en droit musulman, les

adoptions ne sont pas acceptées, car c’est uniquement « la famille par le sang »158 qui est

reconnue. Selon les principes de la charia, la femme est dans une position nettement inférieure

par rapport à l’homme, même sur le plan successoral.

154 Ibid., p. 158. 155 Ibid., p. 159. 156 LAST Murray, « La charia dans le Nord-Nigeria », op. cit., p. 144. 157 Islam Wikibis, « La charia », http://www.islam.wikibis.com/charia.php, consulté le 18 février 2016. 158 Loc. cit.

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La polygamie au profit de l’homme est bien admise, quoiqu’il existe certains freins : le mari

peut avoir maximum quatre femmes, mais uniquement s’il s’engage à les traiter de manière

égale autant sur le plan sentimental que sur le plan matériel. D’ailleurs, la femme « ne peut

circuler en public que voilée et revêtue d’une robe longue »159 et surtout la femme ne peut

travailler dans les mêmes endroits publics où les hommes développent leurs activités.

La charia discerne deux types d’infractions : les crimes et les infractions moins graves. Parmi

ces infractions, on peut distinguer toute une série des pratiques qui sont considérées comme

allant à l’encontre de Dieu lui-même : les adultères, l’accusation non-fondée, le vol ou même

la consommation de boissons alcoolisées.

Quant aux peines infligées, la flagellation est la plus courante. Généralement on applique la

peine du fouet pour les adultères, la fausse accusation d’’adultère et la consommation d’alcool.

Le nombre de coups peut varier, ainsi jusqu’à 100 coups de fouet peuvent être administrés à

une personne qui a commis l’adultère. Mais en ce qui concerne l’adultère, la peine peut être

encore plus dure et aller jusqu’à la peine de mort. Celle-ci160 s’applique aussi en cas d’apostasie,

à savoir dans le cas où un musulman décide de renoncer à sa propre religion, en cas de crime,

de rébellion ou d’insurrection.

c) Application

Depuis l’indépendance, le Nigeria161 a connu aussi bien la voie militaire que la voie

démocratique, mais ces deux solutions semblent avoir échoué. C’est pourquoi de plus en plus

des voix réclament le retour complet de la charia, qui pourrait représenter la meilleure solution

pour une société harcelée par les conflits entre un Nord musulman et un Sud chrétien.

Néanmoins, une telle solution radicale requiert beaucoup de prudence, car l’histoire nous a

prouvé à plusieurs reprises, dans plusieurs endroits du monde, qu’il est très dangereux de ne

pas prendre en compte les revendications des différentes communautés ethniques ou

confessionnelles.

Dans le cas d’un État démocratique, ouvert à la négociation, les organisations réactionnaires

vont vite s’éparpiller ou se radicaliser dans le temps, comme ce fut le cas de Boko Haram.

159 PANSIER Frédéric-Jérome, GUELLATY Karim, Le droit musulman, op. cit., p. 67. 160 Islam Wikibis, « Le droit pénal musulman », http://www.islam.wikibis.com/droit_penal_musulman.php, consulté le 18 février 2016. 161 LAST Murray, « La charia dans le Nord-Nigeria », op. cit., p. 147.

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Dans le Nord du Nigeria, le premier gouverneur qui a annoncé l’application de la charia a été

celui de l’État de Zamfara. Quoique cette décision ait été dirigée par les hommes politiques

chrétiens du Sud, la réponse populaire a été extrêmement favorable. La plupart des membres de

la communauté musulmane ont soutenu ce plan d’application de la charia, en qualifiant le

gouverneur de « rénovateur »162.

Même si cette décision a été traitée de décision anticonstitutionnelle et « barbare » par les

dirigeants du Sud, huit autres États du Nord (voir l’annexe 6) ont suivi la voie choisie par l’État

de Zamfara. De ce fait, les neuf États où la charia est appliquée sont : le Zamfara, le Sokoto, le

Kebbi, le Niger, le Katsina, le Kano, le Jigawa, le Yobe et le Borno.

L’application de la charia est jalonnée par les nombreuses discussions sur la promulgation de

la législation, la création des cours de justice ou sur le mode d’application. La population croit

fortement dans la justice que la charia pourrait apporter au sein de leur société. Certains pensent

même à l’existence d’une nouvelle ère, d’importants changements qui vont améliorer les

dysfonctionnements163 de la société actuelle. Donc, on est confronté à une croyance de type

millénariste.

Toutefois, l’application de la charia164 se révèle assez difficile, car on peut toujours trouver des

moyens de contourner les règles, même s’il s’agit de règles très strictes. Par exemple, dans le

cas du transport en commun, il faudrait que les femmes et les hommes voyagent dans des

véhicules différents, ce qui peut s’avérer couteux. Or la charia promet une vie plus simple aux

gens, ce qui ne serait plus vrai si les prix augmentaient précisément à cause de l’implémentation

des nouvelles règles.

Dans son ensemble, la population pense que la charia pourrait lui garantir une vie meilleure,

que ses revenus pourraient augmenter grâce aux nouvelles lois. À Zamfara, on peut retrouver

de nombreux partisans de cette loi, mais il faut souligner que cet État est dominé165 par une

histoire particulière en raison de son caractère islamique plus radical.

162 LAST Murray, « La charia dans le Nord-Nigeria », op. cit., p. 142. 163 Ibid., p. 143. 164 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine, « Le Nigezria à l’épreuve de la charia », op. cit., p. 156. 165 LAST Murray, « La charia dans le Nord-Nigéria », op. cit., p. 145.

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4 L’expansion de Boko Haram dans les autres territoires dans la perspective temporelle

Jusqu’en 2009, Boko Haram a mené ses actions uniquement dans le Nord Sahélien. Durant la

première phase de son existence, l’organisation lutte essentiellement contre les institutions

gouvernementales, les hommes politique nigérians et les « mauvais musulmans ». Ils ne s’en

prennent pas aux chrétiens à cette époque-là. À part les « mauvais musulmans », les civils166

n’ont jamais été une cible dans les attaques organisées durant l’époque de Mohammed Yusuf

(voir l’annexe 7).

Auparavant, les attentats167 étaient organisés uniquement contre les commissariats de police,

les institutions de l’État nigérian telles que les bâtiments des administrations locales, les prisons

ou même les casernes militaires. La plupart de ces attaques ont été préparées, essentiellement à

Maiguri ou Damaturu, avec le clair objectif de pousser l’armée à se retirer de la région.

Après la mort du leader spirituel de l’organisation, Boko Haram change complétement sa

stratégie, d’autant plus qu’elle tombe dans la clandestinité. Par ailleurs, la répression policière

de 2009 a rendu la situation plus grave encore, car elle s’est étendue territorialement et a gagné

en brutalité. À la suite de la mort de Yusuf, il semble que la soif de vengeance168 soit l’unique

sentiment éprouvé parmi les membres de Haram.

Certains spécialistes ont avancé l’hypothèse qu’après 2009, Boko Haram ne connaît plus une

stratégie claire, que les différentes factions islamistes n’agissent plus en ayant les mêmes

motivations. Selon les journaux, « il est aujourd’hui difficile de mettre précisément le doigt sur

ce que le mouvement terroriste veut. Ses sévices demeurent infâmes : attentats, attaques

d’églises, incendies, massacres d’étudiants dans leur sommeil… »169.

En 2011, les membres Boko Haram ont fait circuler un document portant sur leur raison d’être.

« We want to reiterate that we are warriors who are carrying out Jihad (religious war) in Nigeria

and our struggle is based on the traditions of the holy prophet. We will never accept any system

of government apart from the one stipulated by Islam because that is the only way that the

Muslims can be liberated. We do not believe in any system of government, be it traditional or

orthodox, except the Islamic system which is why we will keep on fighting against democracy,

166 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine, « Boko Haram et le terrorisme islamiste au Nigeria : insurrection religieuse, contestation politique ou protestation sociale ? », op. cit., p. 13. 167 ANYADIKE, NKECHI O, « Boko Haram and National Security Challenges in Nigeria : causes and solutions », Journal of Economics and Sustainable Development, vol. 4, n°5, 2013, p. 18. 168 KHADIDIATOU Cissé, « Quand la terreur s’appelle Boko Haram », art. cit., p. 2. 169 Art. cit.

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capitalism, socialism and whatever. We will not allow the Nigerian Constitution to replace the

laws that have been enshrined in the Holy Qur’an, we will not allow adulterated conventional

education (Boko) to replace Islamic teachings. We will not respect the Nigerian government

because it is illegal. We will continue to fight its military and the police because they are not

protecting Islam. We do not believe in the Nigerian judicial system and we will fight anyone

who assists the government in perpetrating illegalities»170. (Boko Haram statement)

Même si les attaques ont connu une violence extrême, il est douteux que Boko Haram ait

abandonné complètement ses revendications, car, après 2009, on assiste à une internalisation

du conflit. En outre, dans ses vidéos, le nouveau leader—Abubakau Shekau— demande un

échange : la libération des prisonniers contre les jeunes filles kidnappées du lycée Chibok. Or

la libération des prisonniers est une des quatre principales revendications de Boko Haram.

Ils insistent également sur la question de l’implémentation de la charia dans tout le pays, car ils

veulent que les chrétiens adoptent aussi la religion musulmane. Ce n’est pas par hasard que les

filles kidnappées étaient chrétiennes et qu’ensuite elles ont été obligées d’embrasser l’islam.

Les membres de Boko Haram donnent l’impression d’avoir perdu de vue leurs revendications

à cause des attaques tout à fait effroyables qu’ils ont opéré, mais en réalité c’est même la

violence extrême de leurs actions qui montre la persévérance afin d’atteindre leur idéal, soit la

création d’un califat.

Par leurs attaques, surtout celle contre le lycée Chibok, Boko Haram a réussi à attirer l’attention

du monde entier. Ainsi certaines organisations ont parlé du fait que si le gouvernement nigérian

avait décidé de négocier avec eux, Boko Haram aurait pu obtenir une « légitimité politique dont

ils ne sont pas dignes »171. Ce qui prouve de nouveau qu’ils sont bien conscients de leurs

attaques et qu’il ne s’agit pas d’attentats aveugles.

L’attentat-suicide à Abuja contre le bâtiment qui abritait les bureaux de l’Organisation des

Nations Unies est considéré comme étant l’élément de rupture entre Boko Haram pendant

l’époque de Yusuf et Boko Haram après 2009. Selon les spécialistes il s’agit d’une

« profonde évolution de la secte »172, en raison de son internalisation.

170 AGBIBOA Daniel, « The ongoing campaigne of terror in Nigeria : Boko Haram versus the State », op. cit., p. 4. 171 KHADIDIATOU Cissé, « Quand la terreur s’appelle Boko Haram », op. cit., p. 2. 172 ANYADIKE, NKECHI O, « Boko Haram and National Security Challenges in Nigeria : causes and solutions », op.cit., p. 18.

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Ce qui signifie que Boko Haram va élargir son champ d’action au-delà du territoire du Nord

Nigérian. En outre les officiels de U.S. Africa Command ont annoncé que « there are elements

of Boko Haram that aspire to a broader regional level of attacks, to include not juste in Africa,

but Europe and aspirationnaly to the United States »173.

Les autorités soupçonnent Boko Haram d’avoir des liens avec d’autres organisations terroristes,

surtout Al Qaeda du Maghreb Islamique, mais aussi avec Al Shabaab, ou Al Qaeda de la

péninsule Arabe. Selon les représentants américains, Abubakar Shekau et Khalid al Barnawi,

ainsi que Abubakar Adam Kambar, deux autres membres actifs de l’organisation Boko Haram,

auraient des liaisons174 étroites avec Al Qaeda du Maghreb Islamique.

Les spéculations concernant le potentiel lien de Boko Haram avec d’autres organisations

terroristes, notamment Al Qaeda, ont été avancées en raison surtout de la déclaration d’Osama

Bin Laden, en février 2003. À l’époque, il a publiquement dit que le Nigéria devait être

« libéré »175.

Néanmoins les éléments concernant la coopération de Boko Haram avec d’autres organisations

reconnues comme terroristes ne sont pas très clairs. Le débat reste ouvert, car même les experts

se contredisent entre eux. Certains, tels que Montclos, disent que le fait d’avoir commencé à

attaquer les bâtiments et les officiels des Nations Unies, ainsi que l’usage de la technique de

l’attentat suicide, ne représenteraient pas des preuves176 solides de ce lien. D’autant plus qu’’il

existe des doutes en ce qui concerne l’attentat suicide : on a avancé plutôt l’hypothèse d’une

« erreur de manipulation des explosifs ». En outre, selon l’islamisme, le suicide est un péché et

il n’y a « aucun élément démontrant que Mohamed Yusuf aurait justifié cette pratique »177.

De plus en plus, les pays voisins du Nigéria ont commencé à être touchés par les actions de

Boko Haram. Néanmoins, la coopération au niveau régional est difficile, car il manque le

consensus. D’ailleurs suite au kidnapping par Boko Haram de 276 jeunes filles au lycée de

Chibok, le président François Hollande a organisé une réunion à Paris, le 17 mai 2014, afin de

discuter des problèmes de sécurité au Nigéria. Cette réunion a été fortement critiquée par tout

173 PLOCH Lauren, « Nigeria : Current Issues and US Policy », op. cit., p. 15. 174 MANNI Nathaniel, « Boko Haram : a threat to African ang global security », Global Security Studies, vol. 2, n° 4, 2012, p. 47. 175 PEROUSE de MONTCLOS Marc Antoine, « Nigeria’s interminable Insurgency ? Adressing the Boko Haram Crisis », op. cit., p. 18. 176 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine, « Boko Haram et le terrorisme islamiste au Nigeria : insurrection religieuse, contestation politique ou protestation sociale ? », op. cit., p. 14. 177 Ibid., p. 13.

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une série des chefs d’États africains, notamment le président rwandais Paul Kagame, « ces chefs

d’État ne sont même pas préoccupés par leurs propres problèmes, mais par la séance photo à

l’Elysée »178.

Toutefois, pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette relation entre le Nigéria et

ses voisins, il faut remonter jusqu’à l’époque de l’indépendance de ces pays. Sauf le Niger, tous

les autres États ont lutté contre le Nigeria à un moment donné. La région a été marquée par ces

conflits et, par conséquent, il est difficile à présent de mettre en place une vraie coopération

régionale.

Les spécialistes ont qualifié cette situation de « un test de résistance pour le Niger, le Cameroun

et le Tchad »179. Ces pays ont commencé à se préoccuper de la menace de Boko Haram. Malgré

cela, la coopération régionale demeure toujours difficile en raison des contraintes politiques,

démographiques et géographiques (voir l’annexe 8).

Ceci étant dit, quoique le débat reste ouvert concernant l’affiliation de Boko Haram aux autres

organisations terroristes internationales, on assiste quand même à une internalisation de ses

actions. Ce qui signifie que l’organisation se caractérise par une évolution multiple : à la fois

territoriale, en termes de brutalité, et à l’égard des cibles visées.

5 Les réfugiés versus les fidèles

A présent, Boko Haram est catalogué par la plupart des gens comme un des plus violents

groupes armés du monde entier. Leurs attaques, leurs exécutions, l’enrôlement des enfants, ou

les violences sexuelles180 ont été jugés comme crimes de guerre et crimes contre l’Humanité.

Malgré le fait qu’il existe de nombreux rapports sur le nombre des victimes de Boko Haram, il

s’avère extrêmement difficile d’identifier le chiffre exact des victimes et des réfugiés (voir

l’annexe 9), car les données révélées tant par FIDH que par Nigeria Watch ou Amnesty

International ne coïncident pas.

178 COSSOU Sabine, « Boko Haram et la menace d’un djihad africain », art.cit., p. 2. 179 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine, « Les enjeux régionaux de l’insurrection de Boko Haram dans le Nord-Est du Nigéria », Fondation Jean Jaurès, n°246, 10 février 2010, p. 8. 180 Rapport de FIDH, « Nigeria : les crimes de masse de Boko Haram », février 2015/N 656f, p. 3.

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Ainsi FIDH parlent de 13 000 victimes et 1,5 millions de réfugiés depuis 2009. En fait, l’année

2009 est qualifiée par certains spécialistes de « le tournant majeur de l’organisation », en raison

de la mort du leader spirituel de Boko Haram.

Human Rights Watch181 estime que près de 700 personnes ont été tuées par Boko Haram, et

ceci uniquement durant la période janvier-février 2014.

Toujours pour l’année 2014, Amnesty International182 soutient que près de 5000 personnes ont

été victimes de Boko Haram.

Concernant les réfugiés, une source onusienne a révélé qu’à peu près 650 000 personnes ont

quitté leur foyer, tandis que OCHA a estimé que « près de 10 000 Nigérians ont trouvé refuge

au Niger au cours du mois d’août 2014 »183.

L’évêque de Maiguri a montré son inquiétude au sujet des réfugiés en déclarant que les actions

de Boko Haram sont « comparables à celles de l’État Islamique en Irak et en Syrie, des milliers

de personnes ont été contraintes de se réfugier dans les grottes, sur les montagnes et dans les

forêts. Quelques-uns ont réussi à fuir »184.

En juillet 2009, les islamistes se sont confrontés avec la police durant quatre jours avant que

l’armée n’intervienne. C’est durant ces jours-là que Yusuf a été arrêté. Quatre jours sanglants

ont provoqué la mort d’environ 1500185 personnes dont 1000 étaient membres de l’organisation

Boko Haram. Ainsi, les combats entre les forces policières et Boko Haram ont fait des victimes,

tant parmi les civils que les membres de l’organisation.

À la suite des attentats186 commis par Boko Haram en 2014, les différentes sources évoquent le

fait qu’à Kaduna, 80 personnes ont été tuées, à Kano 60 personnes, à Jos 120 personnes, à Abuja

40 personnes.

Human Rights Watch avance l’hypothèse que plusieurs centaines de filles et femmes ont été

kidnappées par les membres de Boko Haram. Au cours de la seule année 2014, 276 lycéennes

181 DIDR, Etude, « Exactions et conquêtes territoriales attribuées à Boko Haram en 2014 », Ofpr, 25/11/2014, p. 4. 182 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine, « Nigeria : Boko Haram, les chrétiens... et les autres », Études 2014/12 (décembre), p. 17. 183 HAMA Boureima, « Violences au Nigeria : explosion du nombre des réfugiés au Niger en aout », RTBF, 04/09/2014, consulté le 10 avril 2016. 184 Fides.org, « Dénonciation de l’Evêque de Maiguri après la prise de 25 villes de la part de Boko Haram », 19/09/2014, consulté le 13 avril 2016. 185 Rapport de FIDH, Nigeria : les crimes de masse de Boko Haram, op. cit., p. 4. 186 DIDR, Etude, « Exactions et conquêtes territoriales attribuées à Boko Haram en 2014 », op. cit., p. 4.

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ont été enlevées à Chibok, 20 femmes dans le village de Garkin Fulani, 60 femmes et jeunes

filles à Gwarta, 40 à Wagga, et à peu près 100 femmes à Kummabza.

Il faut souligner que la plupart des villages se trouvent dans la proximité de Chibok. Donc il

s’agit d’une région où historiquement le mariage forcé était accepté par tous. Il semblerait, selon

un témoin des faits, que « les ravisseurs ont laissé 1500 nairas (environs 7 euros) et des noix de

kola dans chacune des maisons où ils ont enlevé une femme, apparemment en guise de dot »187.

Le journaliste Jean Philippe Rémy dit que « en ville il n’y a plus que les complices de Boko

Haram ou les vieux. Personne ne va aux champs »188. Ce qui signifie qu’à part ceux qui fuient

Boko Haram, certains lui sont fidèles.

Pour comprendre le succès de Boko Haram, il faut tout d’abord connaître l’histoire et la culture

de cette région-là. Parfois le combat armé de Boko Haram a été jugé comme étant un conflit189

entre les musulmans et les chrétiens. Néanmoins, à côté des disparités confessionnelles qui ont

marqué le Nigeria tout au long de l’histoire, il faut prendre en compte d’autres causes telles que

la situation économique précaire ainsi que le haut niveau de corruption.

Le niveau économique faible190 a déterminé un large changement social. L’économie de la

région est profondément affectée à cause du manque de main d’œuvre qualifiée. Or, la question

de la main d’œuvre est fortement liée au sujet de l’école occidentale. En suivant une formation

occidentale, de plus en plus de jeunes éprouvent des difficultés à trouver un emploi sur le

marché.

C’est ainsi que la plupart des parents rejettent le système éducationnel occidental, en envoyant

leurs enfants à une école coranique. A Kano, par exemple, plus de 80% des personnes entre 5

à 21 ans suivent les cours d’une école coranique.

L’urbanisation, ainsi que la pauvreté de plus en plus élevée, contribuent à la radicalisation de

ces jeunes. Une large partie de ces fidèles191 de Boko Haram soutiennent l’implémentation de

la charia.

187 Ibid., p. 5. 188 REMY Jean-Philippe, « Aux frontières du Califat de Boko Haram », Le Monde, 30/10/2014, consulté le 13 avril 2016. 189 International Crisis Group, « Northern Nigeria : Background to conflict », Africa Report, n°168, 2010, p.

1. 190 MANNI Nathaniel, « Boko Haram : a threat to african and global security », op. cit., p. 45. 191 International Crisis Group, « Northen Nigeria : Background to confilct », op. cit., p. 11.

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Il faut mentionner parmi les fidèles192 de Boko Haram des universitaires, des banquiers, des

hommes politiques, ainsi que des chômeurs, des toxicomanes ou même certains membres de la

sécurité nigériane. Donc ceux qui soutiennent la secte Boko Haram appartiennent à toutes les

couches de la société, qu’ils soient des intellectuels ou des gens pauvres et illettrés.

Selon Pérouse de Montclos193, le recrutement des fidèles comporte quatre étapes. La première

date de 2003-2009 et s’appelle la période Dawa sous Yusuf. À cette époque, on rejoint le groupe

par conviction religieuse, mais aussi à cause des conflits entre les parents et les jeunes ou même

pour les avantages en cas de mariage. Ainsi, les jeunes qui veulent se marier recevraient de

l’argent de la part de Boko Haram afin de payer la dot.

La deuxième période (2009-2013) s’appelle la période clandestine. Le groupement est qualifié

de terroriste, sous Shekau. Durant cette période, les jeunes vont rejoindre l’organisation à cause

des répressions militaires. Boko Haram a attaqué beaucoup de prisons pour libérer les

prisonniers, surtout les jeunes afin de les convaincre de rejoindre le groupe.

Néanmoins le nouveau leader, Shekau, éprouve du mal à attirer les fidèles. Certains experts

disent qu’il « n’a ni le charisme, ni l’art oratoire, ni l’éducation religieuse de son tuteur […] en

étant suspecté de fumer de la marijuana »194.

La troisième étape (2013-2015) est connue comme étant celle du recrutement forcé, via le

kidnapping local. Depuis avril 2014, Boko Haram, a multiplié le kidnapping des jeunes garçons.

Ces garçons sont « rééduqués » et ensuite utilisés dans les opérations militaires dites de

« première vague ».

Selon les experts, « ceux qui survivent et qui acquièrent de l’expérience sont utilisés lors de la

seconde vague qui vise à submerger les forces de sécurité. Ils procèdent toujours de la même

façon : ils envoient d’abord des enfants endoctrinés, puis viennent de jeunes combattants […]

Les enfants-soldats sont utilisés aussi pour obtenir des renseignements militaires avant ou

pendant les attaques : nombre d’éléments militaires, importance des cibles etc »195. Mais

certains vont aussi combattre avec Boko Haram afin de mettre la main sur les terres ou même

pour régler leurs comptes avec la population Haoussa.

192 AGBIBOA Daniel, « The ongoing campaign of terror in Nigeria : Boko Haram versus the State », op. cit., p. 5. 193 Les notes prises lors de la conférence soutenue par monsieur Perouse de Montclos à Liège, en novembre 2016. 194 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine, « Boko Haram et le terrorisme islamiste au Nigeria : insurrection religieuse, contestation politique ou protestation sociale ? », op. cit., p. 18. 195 Rapport de FIDH, « Nigeria : les crimes de masse de Boko Haram », op. cit., p. 19.

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Finalement, la quatrième période est potentiellement marquée par la régionalisation. C’est une

étape qui commence à partir de 2015. Pérouse de Montclos avance l’idée de plusieurs scénarios

possibles : soit l’internalisation, la récession, la négociation ou même la fin de l’organisation.

Il est important de souligner l’erreur stratégique commise par les forces196 de sécurité :

l’assassinat de Mohammed Yusuf. Il est devenu de cette manière un symbole de la résistance

contre les répressions de l’État. C’est ainsi que la plupart des Nigérians se sont transformé du

jour au lendemain en fidèles de Boko Haram. Son exécution a favorisé l’émergence d’un

courant de sympathie qui a légitimé « les éléments les plus radicaux de la secte »197.

Ceci étant dit, Boko Haram jouit d’un nombre important des fidèles. Des gens qui ont accepté

pour des différentes raisons de lutter afin de changer le climat politique et social de la région.

Néanmoins, les contestations à l’adresse de Boko Haram ne manquent pas. Aux yeux de

certains, c’est une organisation terroriste tandis que pour les autres il s’agit d’un groupement

qui jouit de la légitimité sociale.

6 Boko Haram se ramifie : une évolution vers le terrorisme ?

On a déjà évoqué à plusieurs reprises les différentes périodes qui ont marqué l’existence de

Boko Haram depuis 2000. Malgré le fait que tous les spécialistes du phénomène se soient mis

d’accord sur le fait que la secte connaît une radicalisation depuis 2009, des opinions divergentes

s’élèvent concernant la qualification de Boko Haram d’organisation terroriste.

Certes, les violences commises par Boko Haram se sont accrues depuis la mort du leader

spirituel. Néanmoins certains spécialistes avancent l’hypothèse que les forces policières

nigérianes font autant, sinon plus de victimes parmi les civils.

Selon cette interprétation, Boko Haram ne serait pas forcement une organisation terroriste, mais

plutôt un mouvement militant. La difficulté posée par ce sujet réside dans le manque d’éléments

permettant de trancher clairement la question. On ne peut trancher ni dans un sens, ni dans

l’autre.

196 Nigeria Watch Project, « Killings by the security forces in Nigeria : mapping and trend analysis (2006-2014) », IFRA, n° 37, 2014, p. 2. 197 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine, « Boko Haram et le terrorisme islamiste au Nigeria : insurrection religieuse, contestation politique ou protestation sociale ? », op. cit., p. 17.

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D’une part, l’acception classique du terrorisme ne s’applique pas à Boko Haram. D’autre part,

Boko Haram ne coïncide pas non plus avec ce qu’on appelle traditionnellement le mouvement

militant.

6.1 Le gouvernement du Nigeria et ses actions

a) Les répressions exercées par les autorités policières

Les forces de sécurité du Nigéria ont été soupçonnées d’avoir commis de nombreuses exactions

à l’encontre des civils. Amnesty International souligne que, « lors du premier semestre de 2013,

950 individus soupçonnés d’appartenir à Boko Haram seraient morts durant leur captivité, dans

des lieux gérés par des membres des Joint Task Force »198. Selon d’autres témoins, « on

n’entend plus jamais parler des suspects […] On ne sait pas qui a été exécuté et qui est toujours

détenu dans les cachots des bases militaires »199.

Le Nigeria est un état fédéral marqué par une très grande complexité en raison de l’existence

de 250 groupes ethniques. Ce qui signifie qu’il s’agit d’un pays divisé et confronté à des enjeux

sécuritaires200 importants.

Sous le mandat de Goodluck Jonathan201, la sécurité du pays était devenue de plus en plus

instable. Tout au début, les membres de Boko Haram ne se sont pas pris aux civils, mais la

répression très dure de la part des autorités nigérianes est à l’origine de l’accroissement de la

violence.

Les forces de police ainsi que l’armée ont mal géré la crise provoquée par les revendications de

Boko Haram. D’ailleurs, Marc-Antoine Pérouse de Montclos dit que les massacres policiers à

l’encontre des membres du mouvement ont provoqué une réaction proportionnée de celui-ci,

« en éliminant des villages entiers suspectés d’avoir collaboré avec les forces de sécurité. Avec

l’apparition de ces milices locales, on est entrés dans une fuite en avant monstrueuse où chaque

champ se livre à des massacres de masse. Les civils sont pris entre deux feux […] Depuis

l’instauration de l’état d’urgence en mai 2013 dans trois États du nord-est du Nigeria, l’armée

se rend aussi dans les campagnes où elle commet de nombreux massacres, bombarde les

198 DIDR, Etude, « Exactions et conquêtes territoriales attribuées à Boko Haram en 2014 », op. cit., p. 13. 199 Loc. cit. 200 ANYADIKE, NKECHI O, « Boko Haram and National Security Challenges in Nigeria : causes and solutions », op. cit., p. 13. 201 OMEDE A.J., « Nigeria : Analysing the security challenges of the Goodluck Jonathan administration », Canadian Social Science, vol. 7, n°5, 2011, p. 94.

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villages sans distinction. A force d’exactions, l’armée s’est mis à dos la population : de

nombreux habitants refusent de dénoncer les membres de Boko Haram, certains ont même

rejoint ses rangs »202.

« Les détentions arbitraires, les exécutions sommaires, les enlèvements de civils par les forces

de sécurité dans leur lutte contre Boko Harama »203 sont autant de motifs, avancés par FIDH

dans leur rapport, qui ont conduit Boko Haram vers la radicalisation.

Civilian Joint Task Force204 a pour objectif d’identifier les militants islamistes et de les éliminer.

Mais ces militaires ne connaissent ni la langue haoussa, ni kanouri, ce qui rend la situation

extrêmement difficile, car ils n’ont pas la capacité de distinguer les civils des combattants.

Donc le nombre des victimes à la suite de la mobilisation de la police et de l’armée fédérale ne

cesse de s’accroitre. « Dans ce cycle de répression et de représailles, ce sont évidemment les

civils qui pris entre deux feux paient le plus lourd tribut »205, font remarquer les experts.

En juin 2009, avant que Yusuf soit assassiné, a eu lieu la première confrontation directe entre

les membres Boko Haram et les autorités. Certains membres sont décédés à la suite d’un

accident de voiture. Alors, les fidèles206 de l’organisation se sont réunis pour participer à

l’enterrement. Ils ont refusé d’utiliser les casques pour des motifs religieux et la police a tiré

dans la foule. Mais plus grave encore, l’armée a interdit aux fidèles tant l’accès à l’hôpital- où

les blessés étaient soignés que le don de sang aux blessés.

Selon certaines théories, les autorités gouvernementales n’ont pas donné d’instructions à

l’armée pour que Yusuf soit assassiné. De fait, la Mopol207 aurait agi seule, sans obéir aux

ordres des commissaires de police. Mopol constitue pratiquement une branche autonome de

l’armée, et d’après certains témoins, ses membres auraient tué Mohammed Yusuf pour venger

la mort de leur leader.

202 DIDR, Etude, « Exactions et conquêtes territoriales attribuées à Boko Haram en 2014 », op. cit., p. 13. 203 Rapport de FIDH, Nigeria : les crimes de masse de Boko Haram, op.cit., p. 31. 204 Nigeria Watch Project, « Killings by the security forces in Nigeria : mapping and trend analysis (2006-2014) », op. cit., p. 34. 205 Rapport de FIDH, « Nigeria : les crimes de masse de Boko Haram », op.cit., p. 31. 206 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine, « Boko Haram et le terrorisme islamiste au Nigeria : insurrection religieuse, contestation politique ou protestation sociale ? », op. cit., p. 17. 207 Ibid., p. 18.

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Philippe Alston, représentant de la Commission pour les droits de l’homme des Nations Unies,

souligne que la police208 est responsable dès le début des années 2000 de toute une série

d’assassinats. Pour étayer ses propos, il fournit les chiffres suivants : 997 personnes en 2003 et

2987 en 2004.

Donc au départ, la secte de Mohammed Yusuf n’agit pas en tant qu’organisation terroriste, mais

« les répressions et les erreurs à répétition des forces de sécurité »209 ont déterminé la

radicalisation de Boko Haram. Certains considèrent que Yusuf a été éliminé car il « était un

élément rebelle et un témoin gênant, susceptible de révéler les turpitudes des autorités

locales »210.

b) Les services de renseignements dans la lutte contre Boko Haram : une potentielle

négociation ?

Comme déjà mentionné, l’élément déclencheur des confrontations entre Boko Haram et les

forces de l’État se situe en 2009.

A partir du mois d’août de 2012, Boko Haram a changé sa tactique en incluant aussi des attaques

cybernétiques. Systématiquement les membres de Boko Haram ont suivi via la technologie211

les activités des agents de renseignement de Nigeria.

Certains rapports ont avancé l’hypothèse d’une potentielle négociation entre Boko Haram et le

gouvernement nigérian. Néanmoins les violences continuent toujours.

« Un cessez-le-feu a même été annoncé le 17 octobre 2014 par le chef d’état-major de l’armée

nigériane. Une seconde vague de discussions est en cours. L’accord, qui n’a pas été validé par

les dirigeants de Boko Haram, doit notamment permettre la libération d’une partie ou de la

totalité des lycéennes contre une importante libération de prisonniers. Ces négociations ont été

rendues possibles par les connexions d’un responsable politique nigérian, l’ancien gouverneur

de l’État du Borno, Ali Modu Sheriff »212.

208 OJO Emmanuel, « Boko Haram : Nigeria’s extra-judicial state », Journal of Sustainable Development in Africa, vol. 12, n°2, 2010, p. 58. 209 PEROUSE de MONTCLOS Marc-Antoine, « Boko Haram et le terrorisme islamiste au Nigeria : insurrection religieuse, contestation politique ou protestation sociale ? », op. cit., p. 16. 210 Ibid., p. 18. 211 SOLOMON Hussein, « Counter terrorism », in KENT Daniel, « Anatomy of a crisis », CFA Institute, vol. 39, n°4, 2009, p. 36. 212 REMY Jean-Philippe, « Aux frontières du Califat de Boko Haram », art.cit.

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Mais le nouveau leader, Shekau, rejette toute forme de négociation. Dans ce sens, il a même

diffusé une vidéo en disant « c’est un mensonge […] nous n’avons signé de cessez-le-feu avec

personne […] nous ne négocierons pas. Quel est notre intérêt à négocier ? Allah nous a dit de

ne pas le faire »213.

À présent, la presse a diffusé des informations contradictoires sur la survie d’Abubakar Shekau.

Certains journaux ont titré que Shekau pourrait être mort, alors que des autres estiment qu’il est

toujours vivant. Parmi ceux qui ont annoncé la mort de Shekau, certains disent que le nouveau

leader de l’organisation serait disposé à négocier avec le gouvernement.

Quoi qu’il en soit, la mort de Yusuf214 a détruit toute opportunité de négociation, car sous

Shekau, Boko Haram est tombé dans la répression. Quant aux rumeurs sur la mort de Shekau

et son remplacement par quelqu’un qui serait ouvert à la négociation, les spécialistes n’ont pas

pour le moment assez de preuves les confirmant. On ne peut envisager que des scenarios.

7.Boko Haram- forme de reconnaissance internationale

7.1 Boko Haram perçue comme une menace pour la sécurité globale et pour le continent

africain

Boko Haram est perçue par la plupart des leaders comme un danger pour la sécurité globale,

pas seulement pour le continent africain. Même les acteurs non-étatiques, déclarent que « le

gouvernement nigérian, pour relever ce défi, doit absolument développer et adopter des

stratégies plus complètes pour réinstaller la sécurité dans le pays mais surtout dans le but d’une

réelle réconciliation »215.

Parmi les revendications de Boko Haram, on peut identifier l’instauration d’un califat.

Cependant, la reconnaissance internationale leur manque. En outre, sur la scène internationale,

la secte est considérée comme terroriste, ce qui signifie que ses adeptes sont loin d’être reconnus

comme des combattants.

Certaines enquêtes révèlent le fait que le conflit nigérian contre Boko Haram « répond aux

critères des conflits armés non-internationaux, à savoir des conflits armés qui opposent de

213 Art.cit. 214 Nigeria Watch Project, « Kilings by the security forces in Nigeria : mapping and trend analysis (2006-2014) », op. cit., p. 23. 215 KHADIDIATOU Cissé, « Quand la terreur s’appelle Boko Haram », art. cit.

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manière prolongée sur le territoire d’un État les autorités du gouvernement de cet État et des

groupes armés organisés ou des groupes armés organisés entre eux »216.

Selon l’article 8 de la Cour pénale internationale, Boko Haram serait coupable de toute une

série de crimes de guerre tels que les « exterminations, réduction en esclavage, transfert forcé

de population, emprisonnement, torture, mutilations, viols, esclavages sexuels, grossesses

forcées, enrôlement des mineurs et participation aux hostilités, le recrutement forcé et

l’utilisation d’enfants soldats »217.

Néanmoins certaines actions répressives de la part des autorités policières du pays peuvent aussi

s’inscrire dans la catégorie des crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Pour le moment, les interventions occidentales sont discrètes et timides.

a) Le positionnement de l’Union Européenne par rapport à cette question (UE a

inscrit Boko Haram parmi les organisations terroristes)

L’Union européenne a montré son inquiétude par rapport aux activités de Boko Haram,

qualifiés de terroristes depuis le 29 mai 2014. « À la suite de la décision des Nations Unies,

l’UE a ajouté Boko Haram à la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’applique le gel

des fonds et des ressources économiques ordonné par le règlement (CE) n° 881/2002, au moyen

du règlement d’exécution (UE) n° 583/2014 de la Commission du 28 mai 2014 »218.

En juin 2015, la Commission Européenne a fourni une aide humanitaire de 21 millions d’euros

afin de « venir en aide aux populations du Nigeria et des pays limitrophes qui sont victimes des

violences commises par Boko Haram »219.

Les autorités européennes ont manifesté surtout leur inquiétude par rapport au problème

d’accès, en déclarant : « L’accès est limité dans de nombreuses zones, notamment le long du

lac Tchad. Il faut faire tout ce qui est en notre pouvoir pour permettre aux organisations

humanitaires d’être sur place pour aider les populations qui en ont besoin »220.

216 Rapport de FIDH, « Nigeria : les crimes de masse de Boko Haram », op.cit., p. 32. 217 Loc. cit. 218 Communiqué de presse, « L’UE inscrit Boko Haram sur la liste des organisations terroristes », sur eeas.europa.eu, 2 juin 2014, consulté le 12 avril 2016. 219 GROS-VERHEYDE Nicolas, « L’Europe renforce son aide humanitaire au Nigeria face au Boko Haram », La Croix, 18/06/2015, consulté le 14 avril 2016. 220 Art. cit.

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A partir de 2014, plusieurs délégations européennes se sont rendues sur le continent africain

afin de discuter et trouver des solutions à la situation de crise provoquée par les actions

meurtrières de Boko Haram.

En janvier 2015, une troisième réunion portant sur le sujet de Boko Haram a eu lieu : « Cette

réunion a pour objectif de réfléchir en toute urgence sur les mesures nécessaires afin de rendre

effectif l'engagement des pays d'Afrique de l'Ouest et du continent en faveur d'une action

collective contre la secte islamiste qui ne cesse d'élargir et de consolider ses positions au nord-

est du Nigeria, devenant très active dans les zones frontalières avec le Niger, le Tchad et le

Cameroun »221.

Ainsi l’Union Européenne a décidé d’augmenter l’allocation en faveur du programme

« Facilité, paix pour l’Afrique ». FPA bénéficiera de 900 millions d’euros pour la période 2014-

2016. Françoise Collet, ambassadeur et chef de la mission de l’Union européenne au Cameroun,

a déclaré que « les fonds serviront aux besoins opérationnels et logistiques de la force »222.

Donc, malgré toute une série des réunions, malgré le fait que certains aides humanitaires ont

été allouées pour les victimes de Boko Haram, l’Union européenne n’est intervenue que très

discrètement.

b) L’Union Africaine et Boko Haram

L’Union africaine estime que Boko Haram représente une importante menace à l’adresse de

Nigeria, mais aussi pour les villes qui se trouvent à proximité.

Néanmoins, suite à toute une série de réunions portant sur la question de la sécurité et de la paix

en Afrique, les dirigeants223 ont annoncé que les pays africains n’ont pas les moyens pour

financer une guerre contre Boko Haram.

La présidente de la Commission africaine a déclaré que « Boko Haram est une menace mondiale

qui doit être affrontée à ce niveau, avec l'Afrique en tête de ces efforts »224. En outre, elle a

221 La Commission Européenne, « L’Union européenne présente à la 3ème réunion ministérielle sur la lutte contre Boko Haram », 22/01/2015, consulté le 12 avril 2016. 222 ABDELKADER Hakim, « Cameroun- lutte contre Boko Haram : l’Union Européenne va financer la force multinationale à hauteur de 32 milliards de Fcfa », Camerpost, 21/10/2015, consulté le 15 avril 2016. 223 « Union africaine : une force de 7500 hommes contre Boko Haram », Gabonlibre, 31/01/2015, consulté le 15 avril 2016. 224 « Union africaine : Boko Haram doit être combattu par un effort international », l’Afrik53, 27/01/2015, consulté le 15 avril 2016.

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déclaré « Je suis profondément horrifiée par la tragédie que Boko Haram continue d'infliger à

nos populations, enlevant des jeunes filles dans des écoles, incendiant des villages, terrorisant

des communautés entières et tuant gratuitement. Ce qui a commencé comme une bande

criminelle locale se propage maintenant en Afrique de l'Ouest et du Centre. Nous devons agir

maintenant, et agir ensemble contre cette menace croissante »225.

L’Union africaine a autorisé le déploiement de 7500 hommes pour lutter contre Boko Haram

pour « mettre fin aux abus épouvantables des insurgés nigérians »226.

Quant à la législation antiterroriste africaine, une Convention de lutte contre le terrorisme a été

adoptée en 1999. Selon l’article premier de cette Convention, le terrorisme est défini comme

« tout acte ou toute menace d’acte de violation des lois pénales de l’État partie […] d’intimider,

de provoquer une situation de terreur […], de perturber le fonctionnement normal des services

publics […], de créer une insurrection générale dans un État partie, ainsi que toute promotion,

financement, conspiration […] avec l’intention de commettre tout acte mentionné »227.

L’OUA distingue aussi la lutte pour la liberté et les actes terroristes, en soulignant que « les

considérations ethniques, raciales, idéologiques, philosophiques, politiques ou religieuses ne

peuvent pas justifier les actes terroristes »228.

225 Art. cit. 226 « L'Union africaine a appelé vendredi à la mise en place d'une force régionale de 7 500 hommes pour lutter contre la secte nigériane Boko Haram. Pour l'heure, des soldats tchadiens arrivés au Cameroun tentent de contrer les insurgés », France24, 30/01/2015, consulté le 20 avril 2016. 227 BETTATI Mario, Le terrorisme, les voies de la coopération internationale, Paris, Odile Jacob, mai 2013, p. 200. 228 Loc. cit.

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Conclusion

Dès le début de son existence, Boko Haram a suscité l’intérêt tant de la société civile que des

acteurs politiques. Née dans un contexte politique troublé, cette organisation a connu une

évolution controversée.

Qualifiée par certains de groupement terroriste, par d’autres de secte religieuse, sa nature a en

réalité posé beaucoup de difficultés aux experts. Boko Haram semblerait être un rassemblement

de malades mentaux qui tuent les gens depuis une dizaine d’années. Mais il faut être plus

vigilant par rapport à cette qualification. En effet, une analyse pertinente amène à se rendre

compte qu’en fait, certains éléments permettent d’affirmer que Boko Haram a commencé la

construction « d’un État dans un État ».

Carré de Malberg identifie comme constitutifs de l’État les éléments suivants : la population, le

territoire ainsi que le pouvoir public. Or, Boko Haram jouit de l’appui de nombreux fidèles. Il

contrôle une partie du territoire de la population haoussas, tout en disposant d’un pouvoir

économique, sans oublier le fait qu’il respecte la charia. Certes, il lui manque encore la

reconnaissance internationale, ainsi que toute une série d’éléments étatiques.

Il s’agit d’un sujet complexe et afin d’en comprendre les tenants et les aboutissants, il faut

remonter dans l’histoire de Nigeria et, surtout, étudier la population Haoussas. On observe que

ce n’est pas par hasard que les tentatives d’expansion de Boko Haram visent les territoires du

Nigeria du Nord, du Bénin, du Ghana et du Cameroun. Dès l’époque du colonisateur, la

question de la charia se pose. Tandis que certains soutiennent que seuls les musulmans veulent

appliquer cette loi, toute une série de chrétiens ont fait appel à son tribunal afin de résoudre les

différends commerciaux.

Parmi les plus importantes revendications de Boko Haram, on peut énumérer l’interdiction de

l’école occidentale, l’implémentation de la charia, l’extirpation de la « mauvaise influence »

occidentale ainsi que la libération des prisonniers. On discerne donc bien des objectifs derrière

les actions de Boko Haram.

Jusqu’en 2009, les revendications et la structure de l’organisation sont relativement simples à

comprendre : le leader, Mohammed Yusuf, est respecté par tous pour sa la capacité d’attirer un

nombre important de fidèles. L’organisation lutte contre les services de renseignement de l’État

nigérian sans attaquer les civils. Yusuf a même réussi durant cette période à rassembler les

fidèles au sein d’une communauté, tout en suivant le modèle étatique.

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Mais les choses deviennent de plus en plus difficiles après sa mort. Même si on observe une

continuité concernant les revendications, on voit bien que les moyens utilisés sont beaucoup

plus violents, les civils se transformant en cibles. Le nouveau leader, Shekau, perd le respect de

ses fidèles. Le recrutement des nouveaux membres se fait via la violence et les répressions.

Dans cette perspective, Boko Haram ne s’inscrit plus dans la catégorie des mouvements

militants religieux comme auparavant (lorsque Boko Haram était sous la direction de

Mohhamed Yusuf), mais plutôt dans le rang des nouvelles organisations terroristes.

Finalement, on ne peut trancher ni dans un sens ni dans un autre à cause du mélange des

éléments propres aux organisations terroristes et des éléments propres aux mouvements

militants. En fait, on constate une mixité des traits et caractéristiques qui sont particuliers à

l’organisation.

Pour répondre à la question de recherche : « Est-ce que Boko Haram représente une nouvelle

forme d’étatisation en Afrique ou une nouvelle forme de terrorisme ? », la proposition des

scénarios s’avère une meilleure solution. Un exercice de prospective pourrait être imaginé.

1. Le scénario privilégié serait celui d’une négociation entre les forces gouvernementales et

les membres de l’organisation. Dans ce cas, Boko Haram pourrait renoncer aux violences

contre l’acceptation par les autorités politiques de toute une série de leurs revendications.

De cette manière, le mouvement pourrait obtenir une espèce d’autonomie. Ainsi la notion

d’ethnicité serait fortement mobilisée dans ce scénario.

2. Un deuxième scénario serait favorable à l’État nigérian, ce qui suppose que les membres

de Boko Haram seraient tous éliminés. Néanmoins, ce scénario est très peu probable vu le

système corrompu. Une collaboration étroite entre toutes les autorités politiques serait

nécessaire, or, les intérêts cachés ne manquent pas.

3. Finalement, selon le troisième scénario, Boko Haram réussit à obtenir la reconnaissance

internationale. Si c’est le cas, il représenterait en fait une nouvelle forme d’étatisation en

Afrique. Ce qui est une forte possibilité. D’ailleurs, ce ne serait pas pour la première fois

qu’une construction étatique naitrait par la violence. La réalisation de ce scénario prendrait

cependant de longues années.

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