blue ocean strategy

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The methodology and approach "Blue Ocean Strategy" applied to the policy. Strategy and Politics in the furtur.

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Page 1: Blue Ocean Strategy

Essai sur le renouveau de la stratégie politique :

« De l’innovation-valeur en Politique. » Gilles DARRAGI

« La difficulté n'est pas de comprendre les idées nouvelles, mais d'échapper aux idées anciennes. » [John Maynard Keynes]

Auteur : Gilles DARRAGI – Copyright 2009 1

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Introduction : « Le contexte de la mission ».....................................4 Pourquoi une approche business de la politique ? ........................................................ 4 Un constat, une hypothèse sur l’évolution en stratégie................................................. 6 Les outils d’analyses, le périmètre, le plan de développement..................................... 8 Blue Ocean Strategy: une méthodologie d’analyse et de diagnostic............................ 8 Le périmètre et le plan de développement du sujet..................................................... 10

Partie 1 : Le business politique dans ses bases stratégiques et marketing classique. .........................................................................12

Chapitre 1 : L’analyse des données, pratiques et des outils politiques traditionnels.................................................................................................... 12

1.1 La démarche stratégique classique en politique.................................................... 12 1.2 La stratégie marketing politique............................................................................. 14 1.3 Les modes d’opérations « traditionnels »............................................................... 16 1.4 Les nouveaux modes d’opérations Politique 2.0.................................................... 17

Chapitre 2 : Etude du cas ontogénétique, la révolution stratégique américaine du business Politique de 2000- 2008 ......................................... 19

2.1 La campagne de 2000 de Georges Bush, cas type de l’approche classique......... 20 2.2 La campagne de 2004 d’Howard Dean, une prémisse du changement ............... 23 2.3 La campagne de 2008 de Barack OBAMA, l’innovation en résultats................. 25 Conclusion : Prémisses de nouvelles fondations du jeu et des enjeux en Politique ?.......................................................................................................................................... 29

Partie 2 : D’une stratégie et d’un marketing « de Marque » vers une stratégie d’Innovation -Valeur en politique ............................31

Chapitre 3 : Les nouveaux fondements de la stratégie politique moderne versus la vision traditionnelle des politiques ............................................... 31

3.1 Un énorme positionnement et investissement Internet ......................................... 31 3.2 La stratégie de l’innovation-valeur en politique.................................................... 33

3.2.1 L’alignement et les obstacles stratégiques ...................................................... 41 La stratégie Judo appliquée par Obama à ses adversaires ........................................ 43 3.4 Un marketing classique basé sur « les valeurs » dans un univers taylorien. ...... 45 3.5 Un marketing innovant basé sur les cibles eux-mêmes dans un univers crowsourcing. .................................................................................................................. 46 3.6 Une remise en cause des fondamentaux stratégiques dans le business Politique48

Conclusion générale : Une absence de lecture globale et des signaux de changement de paradigme ? .........................................50

Sources : Bibliographie, Publications / Etudes et sites Internet. ..56

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Introduction : « Le contexte de la mission » Pourquoi une approche business de la politique ? En préliminaire, il me paraît nécessaire de faire un court rappel de l’étymologie de deux concepts : l’entreprise et le politique, En effet, il convient de rappeler que « L’entreprise », au sens étymologique est dérivé de entreprendre, daté environ de 1430-40 dans le sens de « prendre entre ses mains ». Aux environs de 1480, il prit le concept actuel de « prendre un risque, relever un défi, oser un objectif », puis celui que nous identifions quasi exclusivement au domaine du business d’aujourd’hui, l’entreprise, la firme. Aussi, toute entreprise, qu’elle soit militaire, économique, politique ou même sociétale, se doit d’avoir une réelle stratégie et un marketing définis. Une stratégie pour vaincre et un marketing pour convaincre à moindre coût, autrement dit, pour vaincre économiquement, c'est-à-dire de manière efficiente. Toute entreprise politique moderne se dirige vers une prise en compte des ces facteurs dans leur construction business. Cela peut se traduire par le «Yes we can» de la campagne USA d’Obama 2008, car c’est bien dans un cadre et une logique d’entreprise que cette campagne politique s’est construite. Enfin, en ce qui concerne le concept « politique », l’étymologie fait comprendre que la politique n’est que la gestion de la première grande entreprise d’un pays, ni plus ni moins. Etymologiquement, ce concept trouve son origine dans deux termes grecs :

" polis ", qui signifie " cité, peuple " (au sens politique du terme) ;

"ikos", suffixe d'adjectif qui donne "-ique" en français.

Le terme "politique" a commencé à être employé dans son sens actuel au 13e siècle après J.C. Il signifie alors " science du gouvernement de l'état". En 1361, sa définition s'élargit aux affaires publiques et en 1552, la politique englobe les affaires de l'état. La politique est l'ensemble des pratiques, des faits, des institutions et des décisions d'un gouvernement, d'un état ou d'une société dans le but de la meilleure gestion. Par l’étude rapide de ces deux termes, nous abordons le préliminaire contextuel de mon sujet, il m’apparait important d’éclairer les idées qui sous-tendent la genèse de celui-ci sous la dimension business. Le sujet peut paraitre étonnant dans le cadre d’une approche et d’un tel corpus business. Mais nous allons voir d’une part, que la pratique du domaine politique relève du business par ces tactiques confirmées ou de ses stratégies innovantes et d’autre part, que si l’idée initiale de tout un chacun est d’imaginer un apport de la sphère entrepreneuriale à la sphère politique, l’histoire ayant de nombreux exemples en ce sens, il n’en demeure pas moins qu’il y a un renversement de tendance comme cela arrive souvent dans l’action et la pensée humaine. Je commencerais par rappeler brièvement, de quelle façon, le mouvement d’inspiration entrepreneuriale a marqué le domaine politique par une véritable empreinte business. Aux Etats-Unis, ce courant fût impulsé par des chefs d’entreprise s’impliquant dans le management politique, mouvement particulièrement renforcée au cours de la deuxième guerre

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mondiale. En effet, de nombreux chefs d’entreprises renommés se sont appliqués à être des gestionnaires de talents pour le gouvernement. Il s’agissait de ces "Dollar-a-year men". A cette période tout un chacun était persuadé que les hommes politique n’avaient pas les connaissances et étaient incapable de gérer les affaires du pays. C’est ainsi que des grands managers de la sphère économique se sont investis dans le monde de la politique, tel McNamara qui a dirigé le pentagone pendant la guerre du Vietnam. Ces hommes étaient payés un dollar (« a Dollar-a-year men»), le gouvernement n’étant pas autorisé à accepter des services gratuits. Par la suite, ce mouvement a contraint les hommes politiques à se vêtir aussi de l’habit de l’homme d’entreprise. Les arguments économiques devenant aussi des tendances dans les campagnes politiques, au départ aux Etats-Unis, pour devenir une tendance européenne et enfin, mondiale Et ce, à tel point que des hommes de business se sont portés candidats à la présidence des Etats-Unis, tel que Mitt et George Rommeys ou Ross Perot. Historiquement, la sphère entrepreneuriale se révèle être un guide de la sphère politique bien plus naturel que la position inverse d’apprentissage par le monde du business des nouvelles pratiques du monde politique. Mais nous allons voir que les campagnes aux Etats-Unis de 2000 à 2008 et particulièrement la campagne exceptionnelle d’Obama de 2008, constitue une réelle base de renouvellement des pratiques marketing et de communication dans le monde de la politique Business, mais aussi dans l’avenir dans le Business tout court. Les concepts générés au cours de cette campagne, leurs applications aux individus considérés au-delà des traditionnelles cibles marketing, la stratégie clairement innovante et l’usage des nouvelles technologies pour réaliser ces objectifs et l’apport financier sont autant de signaux faibles et d’indices d’une évolution majeure en cours. Certains historiens parlent déjà d’un projet « Manhattan politique » (allusion au « Projet Manhattan » ayant permis la fabrication des premières bombe H ) selon les auteurs « M.Libert et M.Faulk ». Enfin, parmi les autres éléments qui font similitudes entre le business politique et le business économique, il y le financement, nerf de toute guerre a-t-on coutume de dire, financement principalement orienté vers le financement des campagnes électorales, mais non exclusivement. A ce titre, dans le domaine du financement, la tenue de comptes spécifiques est sans doute l’une des plus notables, en dépit d’une certaine opacité, non seulement parce que les règles d’écriture de ces inventaires si méconnues sont largement instrumentalisées au sein des états-majors mais parce que leur technicité volontaire dissuade trop souvent de tenter de s’y intéresser. On y découvrirait pourtant une similitude exemplaire à la démarche économique. Charges d’emprunt, biens immobiliers, transfert vers les branches régionales et locales, origines des dons, souscriptions et autres cotisations, locations de salles, paiement de permanents, tirage d’affiches, crédits, investissements. Dans ces lignes budgétaires, se dévoile un mode d’organisation, celui d’une entreprise de type économique spécialisée dans le démarchage électoral. Max Weber a raison: « le parti moderne est le pendant en politique de l’entreprise capitaliste ».

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Dans la partie "Produits, pourraient être intégrés, les aides de l'État, les cotisations annuelles des membres, les contributions spéciales, celles des parlementaires mais aussi les donations des supporters, les bénéfices dérivés des entreprises commerciales, les produits financiers, les emprunts, les « cadeaux » et produits de la mobilisation des fonds, tandis que dans la section "Charges", il sera fait état des locations, charges de personnel, actions publicitaires, dépenses électorales. Produits, charges, bénéfices, tout s’objective sur le plan comptable, à la manière d’une firme tournée vers la conquête des suffrages et la gestion des mandats. Enfin, deux facteurs majeurs s’imposent dans le cadre global de notre travail. D’une part sur l’évolution marketing, nous constatons qu’il s’agit là, d’une vraie tendance, historique des pratiques du marketing et de la communication d’entreprise qui s’imposent au monde politique. A ce titre, nous verrons dans un chapitre consacré à ce thème, l’usage classique des outils et concepts de marketing appliquée à la politique. Un fait notable, depuis plus d’une décennie est l’accentuation de la porosité des concepts du business qui se sont faits plus prégnants dans le cadre des campagnes politiques réduisant la frontière entre les pratiques de ces deux mondes du business et du politique. Ce facteur est en grande partie, favorisé par l’évolution du business basée sur le matériel vers l’économie dite immatérielle, la prégnance de l’économie de l’immatérielle se faisant plus fortes chaque année. Les outils et concepts de la stratégie et du marketing de l’immatériel se révèlent très adaptés à la stratégie et au marketing politique. De cette évolution des faits, il peut être fait état, à titre d’exemple, de Google qui a une capitalisation boursière de 142 Milliards $ et de Boeing, de 43 Milliards $ ! Il est déjà établi que l’économie immatérielle dépasse l’économie matérielle avec pour conséquence que les règles ne sont pas les mêmes puisqu’en effet les logiques stratégiques nouvelles impactent même l’économie matérielle, dans ses processus de relation avec les clients et l’ensemble de la chaine d’entreprise et de ses stakeholders. D’autre part, un autre facteur d’appui et de genèse de cette évolution est l’apparition d’Internet, phénomène qui a fait évoluer les approches et les pratiques traditionnelles dans le marketing et la stratégie aussi bien dans le monde des affaires que dans les pratiques sociales. L’émergence par Internet d’une nouvelle économie immatérielle, d’un nouveau territoire favorise et impose l’impact d’internet dans tous les secteurs de l’économie industrielle et accentue les transversalités dans les stratégies de différents domaines ou secteurs de la société qu’ils soient économiques, politiques ou sociétales. Ainsi, l’apparition prégnante du concept sociétale dans le monde des affaires, dont le « développement durable » ou « la responsabilité sociale des entreprises » ne sont qu’une émergence du politique dans le monde des affaires rendu possible uniquement par les possibilités qu’Internet et sa logique imposent aux décideurs et gouvernants. Un constat, une hypothèse sur l’évolution en stratégie Le constat préliminaire orientant mon analyse stratégique se fonde sur deux dimensions, d’une part, les changements technologiques et pratiques sociétales qui en découlent, d’autre part, la démarche, les nouveaux concepts émergeants dans la chaine de valeur et les relations entre les utilisateurs-clients et les entreprises économiques, politiques ou sociétales. L’expression de ces nouveaux concepts se concrétise particulièrement par un certain nombre d’éléments.

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Les pratiques des nouvelles technologies sociales (blogs, wikis, vidéos virales, etc..) sont au cœur de ce nouveau changement et nous étudierons comment ces pratiques modifient les rapports traditionnels du marketing avec ces cibles. Le renouveau des pratiques d’adhésion à une marque (le candidat est une marque dans le marketing politique) dont la campagne d’Obama a fait évoluer notablement la construction de cette notion de marque, a créé une adhésion de nature différente et plus profonde et plus active des cibles. Le marketing politique a intégré de manière plus poussée les logiciels de gestion de la relation clientèle. L’ensemble des nouveaux canaux de communication a été utilisé pour étendre et consolider cette relation, la communication basée sur le temps réel avec les cibles a été très poussée. L’équipe du Président OBAMA est parvenu à faire partager une vision avec ses électeurs cibles et l’ensemble des sympathisants. Une vision partagée particulièrement avec ses militants, à l’image d’un chef de grande entreprise qui se doit d’impulser une vision génératrice afin de rendre cohérente et d’orienter les décisions, mais aussi d’être le vecteur aussi bien culturel que le supporter de la stratégie appliquée dans son groupe, son alignement stratégique. Enfin, dans le marketing traditionnel l’idée de promouvoir ses objectifs par ces propres forces est un classique même si les nouvelles pratiques politiques sont allées plus loin. Elles ont en effet, démontré que l’idée de prise de responsabilité collective aussi bien dans l’atteinte de ces objectifs que dans la réalisation du message est tout à fait réalisable et surtout que la représentativité des valeurs ne suffit plus aux utilisateurs qu’ils soient consommateurs ou électeurs. Certains auteurs parle de consomacteurs (courant marketing du « cons’action ») ou consommation responsable. Cette notion est le corollaire de la notion de co-producteur dans la consommation des nouveaux produits et services qui se font jours dans notre société économiquement fondée directement ou indirectement sur plus de 60 % sur Internet, en 2008 ~ 42 000 Milliards $. Il est à noter que pour un futur géant comme la Chine, Internet représente déjà 15 % de son PIB en 2009. Ainsi, en synthèse, nous pensons que les nouvelles pratiques stratégiques et marketing se fondent sur les évolutions suivantes : - le marketing basé sur une marque à partir des valeurs construites, puis associé à cette marque ne suffit plus, - la stratégie basée sur les forces, les faiblesses et les facteurs de taille ne sont plus les caractéristiques essentielles des réussites modernes, - la stratégie et le marketing utilisés dans le cadre du business politique dessinent désormais une implication des clients cibles, en construisant une relation et en autorisant la co-production afin d’étendre le concept de cibles clients vers celui de « consom-acteurs » et de fait donc, d’une implication et d’un statut d’acteur dans la chaine de valeur de tout entreprise et de l’entreprise du business politique.

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Les outils d’analyses, le périmètre, le plan de développement Deux inspirations méthodologique, « Blue Ocean Strategy1 » et le « Judo Strategy 2» Blue Ocean Strategy: une méthodologie d’analyse et de diagnostic Si on synthétise la philosophie du « Blue Ocean Strategy », dont « le principe consiste à créer un marché nouveau en déplaçant les frontières afin d’attaquer un secteur d’activité non-occupé, libéré de tout acteur concurrent, en pratiquant avec conviction une politique et un positionnement d’innovation », alors, la stratégie de l’élection présidentielle de 2008 de Barack Obama se révèle être un cas ontologique pour une telle analyse. Ainsi, la stratégie dite « Océan Bleu » dont les concepts et les outils sont très adaptés pour l’analyse de la chaine de valeur, me sont apparus adaptés afin analyser les faits et les données de la stratégie de Barack Obama afin d’en modéliser la stratégie. Question : Barack Obama a-t-il construit un océan bleu ? A-t-il déplacé et reconstruit les frontières de son marché ? Quels sont ses facteurs clés de son succès ? Quel est sa chaine de valeur ? Quelle a été sa logique stratégie ? Et surtout la concrétisation de sa stratégie ? Quels dangers de réalisation sont à surveiller ? Peut-on envisager de s’inspirer de ses principes pour construire une stratégie dans le cadre français ? Avec quelles limites et quels impacts ? Blue Ocean, les outils de stratégie, les cadres et les méthodologies utilisés. Nous avons sélectionné huit des douze outils clairement identifiés et reconnus, par les auteurs eux-mêmes, que propose la méthode « Blue Ocean Strategy » pour constituer une analyse stratégique, non que nous n’ayons pas tenus compte des outils manquants afin d’enrichir notre réflexion, mais le choix de trancher sur les modélisations les plus pertinentes pour ce cas d’analyse, l’a emporté sur un principe d’exhaustivité et l’exercice formel.

Valeur Innovation La courbe Stratégie 4 cardes d’actions Matrice ERRC

Carte Migration Les Non-clients Les 4 Obstacles Le Point de bascule

1 de Chan Kim et Renée Mauborgne 2 de David B. Yoffie et Mary Kwak

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Judo Strategy: Une méthodologie de positionnement tactique et d’attaque

Cette méthode stratégique adresse un parallèle entre le judo et la stratégie de nouveaux entrants qui ont réussi contre toute attente, à supplanter les leaders. L'intérêt de cette analyse est de fournir un cadre à la réflexion, en montrant comment les principes bien connus du judo peuvent se transposer à l'entreprise. Cette approche stratégique est structurée essentiellement autour de trois principes que les auteurs ont identifiés comme fondamentaux.

L'essentiel des principes fondamentaux du judo peuvent se résumer en trois actions qui sont le mouvement, l’équilibre et l’effet de levier.

Le concept de « Judo Strategy » a été crée et développé par David B. Yoffie et Mary Kwak, Professeur à Harvard Business School. L’impulsion créatrice des auteurs est liée au constat d’un paradoxe de la stratégie des entreprises et ce, en dépit du fait que les nouveaux entrants souffrent de nombreux désavantages par rapport aux acteurs en place, ils réussissent parfois néanmoins à surpasser les géants. Parmi les exemples connus, on compte Netscape face à Microsoft (au moins pendant un certain temps), des compagnies aériennes comme People Express ou Frontier, qui ont surpassé les principaux transporteurs, Sega face à Nintendo dans les jeux vidéo, suivi de Sony face à Sega. La « Judo Strategy » s'inspire en partie d'un article très connu du Rand Journal of Economics : "Judo Economics" de Judith Gelman and Steven Salop (1983). Dans ce modèle faisant référence à la théorie des jeux, un nouvel entrant sur un marché choisit délibérément une faible capacité et des prix bas. Le leader doit alors faire à un choix, soit casser les prix pour reprendre la totalité du marché, soit céder une petite part de marché au challenger. Si le challenger calcule bien, le leader choisira la seconde option et le nouvel entrant bénéficiera d'une prise sur le marché. Dans ce cas, le "poids" du leader est sa base client. Bénéficier de beaucoup de clients implique qu’une baisse des prix est très coûteuse, le leader est donc désavantagé (c’est un principe utilisé dans la stratégie de B.Obama comme nous le verrons plus loin, j’appelle cela « cannibaliser ces actifs »). L'hypothèse implicite est que le leader ne peut pas différencier ses prix selon ses clients. C'est ce qui a causé la perte de nombreuses start-up dans le domaine du transport aérien. En utilisant les techniques de yield management, les principaux transporteurs ont trouvé des façons d'égaler les bas prix des start-up vis-à-vis de leur cible, sans pour autant baisser tous leurs prix.

Dans le monde des affaires, la taille est souvent considérée comme un facteur de succès déterminant. Pourtant, la « Judo Strategy » montre comment des acteurs marginaux sur le marché réussissent à s'imposer face à des concurrents bien plus puissants. Pour cela, il s’agit de s’inspirer de la stratégie du judo en tirant parti de la force de son adversaire pour le déséquilibrer et le faire chuter.

Les trois principes de cette stratégie : rester en mouvement pour retarder l'attaque, déséquilibrer son adversaire, jouer de l'effet de levier pour le faire chuter. Nous illustrerons comment l’équipe de Barack Obama a mis en pratique ses principes stratégiques.

L’analyse stratégique par de la « Judo Strategy » permet de fournir un cadre de réflexion à ce paradoxe : comment B.Obama a pu affronter des adversaires plus expérimentés, plus connus, plus aguerris politiquement, que lui ?

Cette méthode d’analyse fournit aussi des recommandations stratégiques que les challengers tout comme les leaders trouveront très utiles. L’assimilation au judo s’explique, pour les

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auteurs de cette approche, par le fait que l'art japonais du judo enseigne la manière d’utiliser le poids de l'adversaire contre lui et l’art de transformer sa force en faiblesse. Cette approche rappelle les trois "étapes" du judo. Premièrement, utilisez le mouvement pour surprendre un adversaire de poids. Deuxièmement, déséquilibrez-le tout en gardant votre équilibre. Troisièmement, utilisez l'effet de levier pour décupler vos propres forces et jeter à terre votre adversaire. Ces trois étapes servent pour structurer et expliquer de nombreux cas d'utilisation de cette méthode dans les affaires.

La « Judo Strategy » est un outil d’analyse intéressant entre des challengers "agiles" et de "lourds" leaders. Cela rend cette approche complémentaire d’une analyse d’innovation-valeur telle que le « Blue Ocean Strategy ».

Le périmètre et le plan de développement du sujet Le périmètre du sujet est délimité principalement aux aspects stratégiques, une extension de celui-ci aux dimensions marketing et de communication nous a paru nécessaire dans la mesure où ces dimensions éclairent la stratégie en politique. Néanmoins, par obligation de pertinence et de cohérence avec notre corpus, nous limiterons notre sujet sur les plans du contexte global et de l’environnemental, bien que nous pensions que la réflexion stratégique du business politique nous semble en grande partie corrélée à l’évolution globale et les schémas sous-jacents de l’économie moderne avec la prégnance de l’immatérielle et de sa nouvelle logique sous-tendue très anti-taylorienne. Ces dimensions de connaissance ne seront pas traitées, mais pour autant sans que cette absence n’infirme nullement nos analyses et conclusions sur le plan de vue stratégique. Le développement du corpus de mon étude de consulting est structuré en deux parties, schématiquement, la première partie permet d’analyser les faits et de comprendre ce qui est à l’œuvre dans ce qui apparait comme une nouvelle approche stratégique du business politique, la seconde partie (en rédaction pour 10/2010) modélise et cadre la nouvelle approche de la stratégie en politique, puis décrit la mise en œuvre du Réseau Social Politique pour les élections de 2012 qui concrétise, même de façon singulière et partielle, ces nouveaux fondamentaux de la stratégie politique. Pour être plus précis sur les deux ensembles de cette étude, je dirais que le premier concerne le recueil des données et le traitement du domaine stratégique et marketing en politique, en décrivant les composants classiques de l’élaboration stratégique en politique depuis les années 40-50, puis dans le cadre de l’expérience ontogénétique de la nouvelle stratégie politique de l’élection américaine de 2008, de faire une analyse et d’en décrire les fondamentaux à travers une approche objective et chiffrée. C’est ainsi que dans notre plan, nous décrirons la stratégie classique des campagnes politique, puis nous aborderons factuellement et en chiffres, la campagne présidentielle de Barack Obama de 2008 dans le but de faire une analyse comparative avec les approches stratégiques « orthodoxes » des acteurs du business politique. Nous illustrerons notre position stratégique au cours des différents chapitres en mettant à l’épreuve notre analyse par des modélisations que permettent les outils de « Bleu Ocean Strategy » et l’approche de la « Judo Strategy » et cela nous permettra de valider par la mise en mouvement des données du terrain vers une modélisation de nos intuitions et de la

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confronter aux outils rationnels afin de valider notre diagnostic, puis de construire une vision de ce qui est à l’œuvre dans le renouveau stratégique en politique, en identifiant des variables clés du renouveau stratégique en politique afin de diagnostiquer à travers les fondamentaux la nouvelle stratégie qui émerge en « business politique ». Enfin, nous traiterons de la conception et de la mise en œuvre d’un dispositif adapté à des élections françaises, avec des contraintes, un environnement et des enjeux très différents, mais en innovant dans la lignée du nouveau schéma et des concepts stratégiques modélisés dans l’étape précédente. Puis, nous expliciterons les choix et difficultés majeurs que nous pourrions rencontrés dans la conception stratégique et la mise en œuvre du réseau social politique pour les élections de 2012. Dans le cadre de notre conclusion, nous prendrons un point de vue traitant du mouvement fondamental sur lequel la nouvelle stratégie s’appuie pour constituer les frontières de ce nouveau territoire. A l’image de l’iceberg, les éléments visibles de ce mouvement de fond du renouveau stratégique nous semblent les premières formes d’une nouvelle base de la relation des clients avec les entreprises, quelle qu’elles soient, de la société moderne et donc aussi le « fossoyeur Titanic » de la société taylorienne.

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Partie I : Le business politique dans ses bases stratégiques et marketing classique

Chapitre 1 : L’analyse des données, pratiques et des outils politiques traditionnels 1.1 La démarche stratégique classique en politique La stratégie politique suit un schéma très similaire aux processus stratégiques de l’entreprise. En premier lieu, sera défini le type de but visé, s’agit-il d’une stratégie de conquête ou une stratégie de maintien (dite aussi de notoriété) qui s’identifie à une stratégie de marque commercialement. Cela s’organise par une première phase de l’analyse, c’est une étape d’étude de l’environnement (du contexte et du terrain), il s’agit de rechercher les aspirations de la population et révéler le positionnement initial des autres hommes politiques adverses vis-à-vis du sien. Cette étape est fondamentale car l’ensemble de la stratégie découlera des ses résultats. L’analyse objective du terrain s’appuiera sur tous les types de données statistiques (INSEE, Institut, etc..) ou recueil de terrain direct. Le traitement des ces données sera orienté vers une interprétation subjective des destinataires cibles de la stratégie. Dans une seconde phase, l’étude de la concurrence est réalisée, l’objectif étant d’évaluer les facteurs clés de positionnement de la concurrence en rapport avec ses propres facteurs clés de positionnement. Cette veille sera maintenue en termes de veille informationnelle pendant toute la durée de la campagne. Enfin, les moyens financiers et humains disponibles pour la stratégie seront évalués pour cadrer la cohérence de l’alignement opérationnel souhaité. Un point notable au domaine politique est la disponibilité des ressources humaines à travers le réseau de militants ce qui constitue une caractéristique très particulière de la stratégie politique. Une deuxième caractéristique est l’ajustement dynamique des ressources financières qui peuvent affluer au cours de la campagne. Cette donnée oblige une réévaluation continue d’une campagne dans ces aspects opérationnels ce qui se révèle très complexe dans les faits, l’approche et l’organisation hiérarchique ne permettant pas une adaptation des choix planifiés en amont durant la campagne.

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La démarche stratégique politique classique peut se caractériser par les étapes décrites dans le tableau suivant :

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1.2 La stratégie marketing politique En dépit du fait que l’objet d’application soit de nature complètement différent, c’est dans le même but que son confrère du marketing commercial, que le marketing politique intervient dans la genèse et la conception produit, le modifiant le cas échéant, en fonction des besoins des clients. Dans un cas, l’objectif opérationnel est l’incitation à l’achat, quand dans l’autre cas, l’objectif est l’incitation au vote. Les différences se situent ailleurs, deux facteurs semblent fondamentalement les différencier. La première différentiation, le marketing politique ne peut pas travailler sur la valeur d’usage qui est fondamentale dans le marketing commerciale. En effet, il n’y pas d’utilisation de l’homme politique à l’instar d’un acheteur qui va utiliser un aspirateur ou une voiture achetés. En effet, il n’existe aucun bénéfice tangible direct et dans un délai immédiat du résultat de son choix de vote. Les outils du marketing commercial ne seront donc pas utilisables tels quels.

Les différents outils de marketing et de communication politique peuvent se résumer de la façon suivante:

- Le marketing direct par courrier - L'affichage - Meeting - Les rencontres sur le terrain et le tractage (canvassing) - Le télémarketing - Les colonnes politiques dans la presse, à la radio et à la télévision - Les débats politiques - La présence audio-visuelle (télévisuelle et radio) en général - Le web et les blogs

Ceux-ci peuvent être classifiés, de manière classique, en trois catégories : - Les modes d’actions historiques, touts les moyens antérieurs aux moyens de communication de masse. - Les modes d’actions audiovisuelles (communication de masse) - Enfin, les modes du marketing direct et les nouveaux medias. Pour notre part, nous les organiserons de façon synthétique en les regroupant par modes d’opération traditionnels et en nouveaux modes d’opérations Politique 2.0. L’autre différence, qui est l’impact du résultat, varie dans un cas de manière très différente. L’échec du marketing commercial peut avoir pour conséquence, une baisse des ventes, quand dans l’autre cas, l’échec du marketing politique peut avoir pour conséquence que l’homme politique ne sera pas élu. Il s’agira alors d’une disparition complète et binaire du résultat qui peuvent engendrer les fameuses traversés du désert que tant d’hommes politiques connaissent dans leurs vies, même si des retours très favorables sont possibles en France, mais beaucoup moins aux USA. Classiquement dans la stratégie de conquête électorale, le marketing politique est un mix adapté du marketing et d’une variante de la communication qui consiste à promouvoir un homme ou un projet politique sur le modèle des techniques de marketing commercial.

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Approche onéreuse, la démarche a recours notamment à des techniques de ciblage et à des modes de communication proches de ceux de la publicité, associée à des méthodes de persuasion rhétorique autour de thèmes de campagne dont le choix, le fond et la forme sont considérés comme primordiaux pour séduire les électeurs cibles. Le marketing et la communication politique requièrent des moyens importants et coûteux en raison de : • L’analyse des segments, de l'opinion, y compris des motivations inconscientes pour chaque segment de population ciblé. • Une veille politique pour maintenir la réactivité du candidat à tout élément nouveau de son marché, de sa concurrence. • La conception de messages et d'argumentaires pour construire son image et sa cohérence, tout en s’adaptant aux tendances. • Enfin, la mise en place d'actions de communication au niveau des médias dans une optique de construction de marque. Du fait de ces coûts élevés, le marketing politique dans sa complétude est utilisé prioritairement lors de la durée des campagnes électorales ou en périodes de crise. Néanmoins, de plus en plus souvent, on assiste à des actions permanentes et en profondeur qui tendent à l’éloigner du marketing de propagande (ce qui correspond à une stratégie plus proche de la publicité dans le monde du business) retrouvant par là, l’ensemble plus efficace des approches de marketing politique global que les campagnes américaines ont renouvelées. Enfin sur le fond, le marketing politique actuel jouit, de fait, d’un certain nombre d’avantages sur les aspects représentatifs des valeurs et sur le registre de l’émotionnel, d’avantage que sur le contenu des programmes ou des sujets techniques précis. Cela se traduirait dans le monde du business de construire et capitaliser sur une marque sans pour autant que la qualité de ses produits et de services soit en cohérence. Nous décrirons comment le renouvellement du marketing politique par les campagnes américaines de 2004 et surtout de 2008 ont initié une évolution et réussit à concrétiser et donner forme à de nouvelles pratiques stratégiques.

Du coté des hommes, le maître d’œuvre principal du marketing politique est le « spin doctor » (terme usité à la base aux USA, puis généralisé à l’ensemble de la planète), il s’agit en France du rôle distribué, souvent au directeur de campagne ou au conseiller, selon l’organisation.

On nomme Spin doctor, un conseiller en communication et marketing politique agissant pour le compte d'un homme ou d'une femme politique, le plus souvent lors de campagnes électorales en vue d'une victoire à une élection. Le spin doctor a une influence considérable sur le discours, le programme et les initiatives de son client. En ce domaine deux spin doctors célèbres ont acquis une réputation très sulfureuse, liée à des affaires de fuites ou de désinformation de la presse ce qui s’apparente ni

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plus ni moins aux aspects « noirs » de l’intelligence économique. Il s’agit de Karl Rove, conseiller de G.W. Bush, surnommé son « baby genius » et de Alastair Campbell, Conseiller de Tony Blair. Tous deux eurent un rôle crucial dans le « marketing » de la guerre en Irak, et bien sûr dans le style et le programme de leurs clients. 1.3 Les modes d’opérations « traditionnels »

o Les opérations directes (tracts, meeting, canvassing..etc ;) Il y a encore une à deux décennies, la démarche d’envoyer des « courriers standards » se pratiquait par la quasi-totalité des entreprises politiques et ce, en dépit du fait que cela s’apparentait, par les destinataires cibles, à de la presse partisane. Il y a peu de différence entre la perception d’un tract-courrier et le journal partisan, ce dernier étant perçu de manière similaire. Le défaut principal étant que ces démarches sont assimilées par les cibles comme de la communication publicitaire. La réponse à ce constat a été d’évoluer vers le marketing direct par courrier permettant ainsi une relation moins anonyme avec le destinataire cible. La mise à contribution de l’informatique a permis de personnaliser le fond et la forme en fonction des destinataires (coordonnées, nom, profession, etc..) atteignant ainsi l’objet de marketing direct par le biais de « lettre personnalisée ». L’aspect formel a pu lui aussi être amélioré, améliorations aboutissant à une pénétration, en termes de communication, des cibles plus performantes. Les inconvénients majeurs de cette approche se trouvent dans son coût élevé et dans un faible impact en terme de rentabilité. Par ailleurs, les nouvelles lois attachées au respect de la loi « informatique et libertés », étant précisé que tous les pays ont leur CNIL sous une forme ou une autre, a quelque peu remis en cause les processus habituels, fermant ainsi peu à peu, les possibilités de cette démarche. Le porte-à-porte, dit aussi canvassing, c'est-à-dire les visites sur les lieux de travail, les visites de quartier ou la classique visite de marché sont les modes d’actions idéaux du marketing politique. Dans ce mode d’action, on obtient le résultat le plus élevé : 1 vote acquis pour 14 actions de porte à porte. La comparaison avec les envois par courrier est de 1 vote acquis pour 100 000 courriers standards ou tracts envoyés (source Terra Nova).

o Les opérations Gutenberg (presse, affiche, etc..) Du coté de l’imprimé, il existe soit la presse partisane ou ce qu’on qualifie de presse non-partisane. C’est cette dernière qui suscite l’attention particulière du marketing politique. En effet, sa pérennité n’est pas soumise à des aléas de parti, l’avantage d’une ouverture vers un ciblage étendu dépassant le cadre de ses propres partisans, focalise de nombreuses ressources. De même, la qualité dont celle-ci fait preuve demeure un atout non-négligeable dans la communication persuasive. Concernant l’affichage, tout un chacun a rencontré les panneaux légaux d’élections. Quant aux autres méthodes d’affichage, ils relèvent du classique affichage sauvage ou bien de l’affichage payant, commercial, vecteur traditionnel dont les effets sont surtout informationnels ou propagandistes avec les résultats très faibles qu’on leurs connait, si ce n’est de faire connaitre le nom et le visage d’un candidat inconnu au départ d’une campagne.

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o Les opérations Audio-visuelles Dans la pratique du marketing politique, les outils audio-visuels sont la télévision et la radio. Bien que ce dernier outil soit moins usité que par le passé, il reste un support obligatoire pour les débats orchestrés par les équipes de campagne, souvent avec la complicité des journalistes. Il est plus facile pour la maitrise des messages de campagne et d’un investissement moins coûteux, aussi garde t-il une certaine prépondérance dans de nombreuses stratégies opérationnelles de communication. En dépit du fait que le média télévision est plus recherché par les hommes du marketing politique, deux défauts majeurs y sont souvent rencontrés : - La lenteur des impacts du message transmis par ce type de média ce qui est en dissonance

avec la brièveté des campagnes politiques. - La difficulté de maitrise sur le message audio-visuel lui-même, communication non-

verbale, etc. de là, les conseiller en communication sur le travail de l’apparence physique, la gestuelle, la voix et la tentative du contrôle du non-verbal de l’homme politique

Sur le fond, ce média renforce le principe « KISS principle, Keep It Simple, Stupid .», explicité plus bas qui trouve pleinement une cristallisation avec l’usage de ce média. La stratégie politique de fond est ici, soumise à la stratégie de communication qui est elle-même tributaire des formats des émissions ou débats télévisuelles. Une étude sur l’évolution des arguments en politique entre les différents médias, presse, radio, télévision, etc.…est sans doute à faire. 1.4 Les nouveaux modes d’opérations Politique 2.0 Il est important dans ce domaine de distinguer ces outils selon deux approches, la première en identifiant les possibilités techniques, la deuxième en identifiant les usages par les organisations.

o Internet, web 1.0 et web2.0 Sous l’aspect technique, deux périodes catégorisent les possibilités offertes par ce genre d’outils, ce que l’on a appelé d’une part le web 1.0 qui permettait : - De consulter des informations, on pourrait presque dire, à l’image du Minitel. Il s’agit

d’une communication unidirectionnelle, mais avec le feedback ciblé potentiel qu’offre Internet.

- La communication entre utilisateurs (chat, forum, etc..) en temps réel. Ce qui constituait un premier pas vers la communication bidirectionnelle.

- La deuxième vague s’est concrétisée par ce que l’on a appelé le Web 2.0 (ce fameux article de Dale Dougherty en 2003 utilisant cette expression de web 2.0, diffusée par Tim O'Reilly en 2004, l’éditeur américain Tim O'Reilly, et consolidée en 2005 avec le position paper « What Is Web 2.01 », s'est imposée à partir de 2007).

1 http://oreilly.com/web2/archive/what-is-web-20.html

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C’est principalement la bande passante élargie qui a imposé cette technique, dite « Internet riche ». J’emprunte à Tim O'Reilly la synthèse des pratiques caractérisant le Web 2.0, texte de O’Reilly et Battelle de 20091, qui résument comme-suit les principes-clés des applications web 2.0 :

le web comme plate-forme ;

les données comme « connaissances implicites » ;

les effets de réseau entrainés par une « architecture de participation », l'innovation comme l’assemblage de systèmes et de sites distribués et indépendants ;

des modèles d’entreprise poids plume grâce à la syndication de contenus et de services ;

la fin du cycle d’adoption des logiciels (« la version bêta perpétuelle »).

Cela se traduit dans l’usage politique sur les possibilités suivantes :

- L’internaute peut participer aux contenus en ligne, de manière très simple. L’apparition des blogs entérine cette pratique.

- L’internaute peut mettre en ligne des vidéos, bandes sonores, des photos, etc. La technologie mobile, lui permet de prendre des photos ou vidéos et de les mettre en ligne dans les quelques minutes qui suivent, créer des podcasts, etc.…Il peut même se créer de véritables petites chaines TV privées, diffusables en relais, par d’autres sites bénéficiant de cet effet réseau consubstantiel d’Internet, etc.…

Dans son usage actuel, Internet devient bien plus qu’un canal de transmission d’autres médias ce qui change la nature de la communication traditionnelle dans son essence, dans la relation émetteur aux récepteurs passifs, même si la richesse des usages est encore loin d’être exploitée de cette nouvelle nature de la communication.

o Les portails, intranet les réseaux sociaux

Pour le coté usage, nous nous intéresserons à la dimension organisationnelle, dans le champ politique traditionnel, les usages actuels du web dit 2.0, sont de deux modes, le premier très orthodoxe, puis un second innovant que les campagnes américaines de 2004 et 2008 ont particulièrement révélées, les réseaux sociaux :

- Le site ou portail internet et les intranets ont en commun d’une part, de porter la parole officielle des organisations et d’autre part, de respecter un mode d’organisation hiérarchisé et contrôlé.

- Les réseaux sociaux, au sein desquels les individus sont reliés entre eux dans cet espace

web 2.0 par des liens créés lors des interactions sociales étant précisé que la principale caractéristique de ces espaces, est que le fondement, le centre de gravité du système, n’est plus le contenu, mais le lien social, la relation.

Nous aborderons les impacts de ces nouveaux constituants, pratiques et la manière dont ils ont influencé la stratégie en politique dans les chapitres suivants.

1 http://www.web2summit.com/web2009/public/schedule/detail/10194

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Chapitre 2 : Etude du cas ontogénétique, la révolution stratégique américaine du business Politique de 2000- 2008 Aucun business ne peut prospérer sans un enjeu majeur qu’est l’argent, beaucoup d’argent ! Je citerai juste quelques montants représentatifs de l’évolution financière aussi bien dans le cadre de la conquête des campagnes politiques que dans la nécessaire surface financière pour maintenir ses acquis de campagne afin de pouvoir conserver un impact durant l’exercice du pouvoir et de la prochaine campagne. Pour donner une dimension rapide des enjeux financiers aux Etats-Unis, voici le chiffre que cite en 2004 le « Center for Responsive Politics » pour les seules fonctions fédérales, les candidats et leurs partis politiques avaient dépensé 3,9 milliards de dollars, en augmentation de 30 % avec les élections fédérales de 2000. Pour les seuls candidats de l’élection présidentielle de 2004, J.Kerry a récolté 235 millions de dollars, en sus des 75 millions de dollars de financement public. G.Bush quant à lui, était parvenu à lever 270 millions de dollars, en sus des 75 millions de dollars d’argent public. Nous verrons plus loin le montant des élections présidentielles de 2008 aussi bien globalement que pour les élections primaires et post-primaires des candidats et nous constaterons de nouveaux records d‘investissements. D'après « l'Internet Inside Weekly » de Doug Anmuth, analyste chez Lehman Brothers, les annonceurs actifs aux Etats-Unis pourraient dépenser plus de 110 millions de dollars en publicités web politiques en 2008, soit 3,6% des 3 milliards de dollars de dépenses publicitaires politiques estimées pour l'année, tous médias confondus. Sur ces 110 millions de dollars, 42,5 millions de dollars concerneraient directement la campagne présidentielle 2008, une campagne dont le coût total aurait approché les 5 milliards de dollars. Quid de la France? Même s‘il est vrai que le fonctionnement légal ne permet pas d’afficher ces montants là, le montant d’une campagne présidentielle est approximativement de 35 millions d’euros par candidat, il n’en demeure pas moins que nous évoluons vers ce type de logique. A ce titre, le vif débat de novembre dernier sur le montant des commandes de sondages par l’Élysée - plus de 3 millions d’euros dans une année - en dit long sur le poids financier du business politique. De plus en France, les hommes politiques n’hésitent pas à contourner le système de financement règlementé. En effet, si un particulier ne peut donner que 7.500 euros par an à un parti, il peut, en revanche, donner à autant de partis politiques qu'il le souhaite. Par ailleurs, les partis politiques peuvent financer d'autres partis politiques, sans limite de plafond. Nul étonnement qu’il existe plus de 230 partis politiques en France et que l’ensemble des hommes politiques de premier plan en ont un, voire plusieurs. Ainsi, nous voyons même surgir des partis politiques dont l’objectif est la simple gestion financière des campagnes. Mais, revenons sur le mouvement caractérisant l’évolution de fond dans la stratégie politique. Nous allons étudier, à travers trois cas symptomatiques, l’évolution de cette dernière décennie de la stratégie politique au Etats-Unis qui est le berceau de cette nouvelle logique.

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2.1 La campagne de 2000 de Georges Bush, cas type de l’approche classique Le schéma classique de la campagne de G.W Bush est très similaire aux campagnes habituelles se déroulant aux USA. Le principal objectif dans ce type de campagne est de fédérer les cibles, à savoir les militants et sympathisants du candidat, le jour du vote. L’organisation a d’ailleurs une expression précise pour décrire un aspect de cette stratégie de communication : « l’effet agenda », qui se définit par la synergie potentielle qui nait de la rencontre de plusieurs actions en simultanées afin de créer des échos dans les médias de toute nature et renforcer l’impact communicationnel à un moment particulier et à faire résonnance. On constate que les principes premiers de cette démarche sont proches de la logique marketing et publicitaire classique, la maitrise des messages et les messages eux-mêmes doivent être en accord avec ce type de stratégie qui se traduit synthétiquement par le « KISS principle, Keep it simple, stupid » dont de nombreuses variantes existent : « Keep it Simple & Smart; Keep it Sober & Significant; Keep it Short & Simple ». Le « Keep it simple, stupid » est un principe philosophique qui désigne le fait que la simplicité dans la conception devrait être le but recherché et que toute complexité non-nécessaire devrait être évitée afin d’empêcher l’interrogation par les destinataires. Cette approche est, dans l’esprit, un proche cousinage conceptuel avec l’approche taylorienne des problèmes qui est de simplifier les taches complexes. Les hommes du business politique l’ont mise brillamment en pratique grâce à nos "Dollar-a-year men". Aussi, retrouve-t-on une organisation très taylorienne dans l’opérationnel d’une campagne traditionnelle, organisation efficace dans le monde de l’économie matérielle, industrielle et postindustrielle. Bien que les organisations de campagne s’adaptent et puissent se dire « ad hoc », dans la réalité, celles-ci respectent systématiquement deux types de structures qui se sont là encore, développés avec une logique très taylorienne : Une organisation dite « horizontale » qui favorise la centralisation des décisions et la division des tâches. Puis, par la suite un assouplissement s’est fait jour à travers l’organisation dite « verticale » qui a cherché à renforcer la rapidité de réaction et une meilleure efficacité des tâches en réduisant la centralisation totale avec des secteurs spécialisés. Le défaut majeur de cette organisation est une grande lenteur dans le processus de décision et comme inconvénient secondaire, une inadéquation à tout aspect innovant au cours d’une campagne. Par ailleurs, cette organisation privilégie les décisions centralisées et donc la centralisation des propositions, ainsi que le manque de reconnaissance des forces actives de la campagne que sont les militants et les sympathisants. En outre, le désengagement est très rapide dans ce type d’organisation, c’est la raison pour laquelle, elle ne fonctionne efficacement que dans des périodes brèves.

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Sur l’approche stratégique classique en politique, une forte thématisation des campagnes et mise en œuvre à travers les médias, les plans médias s’enchainent dans l’objectif de frapper large et intensément sur une période brève. Avec la structure associée, pensée idéale, qu’est le schéma horizontal taylorien de l’organisation de la campagne. Nous pouvons identifier les facteurs clés de la stratégie classique en politique comme : - Une organisation centralisée et hiérarchisée - Un positionnement du candidat sur les valeurs identifiées au cours de la thématisation - Une thématisation de la campagne basée sur les études marketing « ad hoc »des besoins. - Un contact direct, valorisant le candidat, avec les plus gros contributeurs de dons et les

soutiens prestigieux qui sont des relais d’opinions très forts. - Une campagne de médias et communication de masse composée de colloques, comité de

soutien, de visites, le plus optimum possible dans un calendrier serré, avec la simple limité qu’un candidat ne peux pas se démultiplier…

- Une campagne de représentants d’un parti avec les meetings du parti importants. C’est cette stratégie politique, avec quelques variantes d’organisation et de messages, qui est reproduite depuis les années 50 Si nous synthétisons cette stratégie classique des campagnes politique dans ces critères fondamentaux, nous obtenons la courbe de valeur d’analyse suivante :

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2.2 La campagne de 2004 d’Howard Dean, une prémisse du changement Doté de moyens financiers très inférieurs aux autres candidats démocrates aux primaires, mais habilement secondé par Joe Trippi, son directeur de campagne (lui même issu de la silicon valley), Howard Dean a misé toute sa campagne sur l’utilisation d’internet et plus précisément, communautés type meetup, listes de discussion, blogs, et même SMS. Dès le début de la campagne des primaires, l’ancien gouverneur du petit Etat du Vermont (nord-est) a créé la surprise en parvenant à lever 7,5 millions de dollars de fonds pour sa campagne en trois mois, dont plus de la moitié sur la toile. Sur la totalité de sa campagne, il a recueilli 41 millions de dollars ! Howard Dean a ainsi ouvert la voie à des candidats très peu connus, ayant un accès limité aux formes traditionnelles de financement de leur campagne, comme les dîners formels ou les donateurs individuels importants. La contribution moyenne en ligne pendant les trois premiers mois de la campagne de Dean fût seulement de 112 dollars, mais avec près de 60.000 contributions, le fonds a rapidement grossi. Les partisans de Howard Dean ont espéré aussi que le soutien à la base généré par l’internet se traduirait en votes. Ils ont mis en place un système d’organisation des réunions partout dans le pays via Meetup.com, un site commercial habituellement plutôt fréquenté par les fans de la série télévisée Star Trek. Le résultat a été l’organisation de plus de 500 réunions qui ont attiré plus de 100.000 personnes. Le directeur de campagne de Dean, Joe Trippi, avait prédit que face au succès de son candidat en ligne, Internet aurait un impact aussi important en 2004 sur la politique américaine que l’arrivée de la télévision dans la campagne Kennedy-Nixon de 1960. Force est de constater qu’il ne s’était trompé que d’une élection. Il est certain que la campagne présidentielle américaine de 2004 fût un véritable laboratoire d’innovations techno-politiques. L’équipe de Howard Dean a multiplié les initiatives : la mise en place de "DeanSpace » (http://www.deanspace.org). Le projet a eu pour but de développer et de fournir des outils de publication, permettant aux sympathisants de créer des blogs ou des sites de campagne communautaires. L’équipe de Howard Dean a estimé que plusieurs centaines de communautés de blogs allaient voir le jour au cours de la campagne. L’idée était de créer sur mesure des outils bien adaptés pour le faire, permettant notamment d’animer les sites/blogs facilement, de syndiquer du contenu entre communautés, etc. Une version "DeanSpace 0.95" suivie la premier version : tous "les développements se firent en OpenSource", l’idée d’associer l’esprit de l’open source et la campagne était calculée du plan de vue de l’image. Un site dédié fut mis en place pour assister les utilisateurs dans leur "déploiement" et pratique.

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Dean a marqué des points sur Internet et visé un double objectif, d’une part rallier la communauté des développeurs, d’autre part, diffuser gratuitement sur Internet les outils permettant d’augmenter le nombre de sites de soutien. "Les fondements de la campagne de Howard Dean sur Internet ont été plus pertinents, plus habiles et plus nombreux que pour tout autre candidat – l’impact en ligne s’est chiffré en centaines de milliers et à augmenter tout le long de sa candidature». L’objectif était que l’énergie générée en ligne rejaillisse sur la campagne « dans la vraie vie ». En ce point, même si stratégiquement, Dean avait clairement analysé ce facteur, il n’est pas parvenu à créer un alignement stratégique dans les aspects de sa stratégie opérationnelle. Si beaucoup l’on donné comme un candidat malheureux à la primaire présidentielle en 2004 face à John Kerry, il est le premier candidat à avoir su maîtriser internet dans sa logique opérationnelle toute nouvelle en politique. Il a contribué principalement par la suite à élaborer la stratégie politique gagnante d’Obama : - La stratégie des 50 Etats « 50-state strategy » (se battre dans tous les états) - Allongement de la campagne des primaires, afin de mieux structurer le terrain - Le concept de la « révolution du 100 $ » - Un réseau Internet « party builder » (préfiguration de MyBO d’Obama) - Un programme de petits dons en ligne « democracy bonds » - Un programme de porte à porte ou canvassing ou encore « Neighbor to neighbor » L’équipe de Barack Obama va en tirer les leçons et gagnera par la bonne compréhension de la nouvelle logique politique naissante en construisant la stratégie opérationnelle idoine, mais surtout en comprenant que de nouveaux fondamentaux émergents. Il réussira à traduire ces fondamentaux en une véritable stratégie de conquête et à traduire en vote ces nouvelles formes d’engagements

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2.3 La campagne de 2008 de Barack OBAMA, l’innovation en résultats

General Election Candidates

Chuck Baldwin Constitution

Bob Barr Libertarian

John McCain Republican

Cynthia McKinney Green

Ralph Nader Independent

Barack Obama Democrat

Une révolution, la preuve par les chiffres

- Les chiffres des enjeux et des cibles : La dernière fois où l’Amérique a connu une telle mobilisation remonte à 1908. La victoire aux présidentielles du 4 novembre de Barack Obama semble être un parcours hors normes. Le premier Afro-Américain à la Maison Blanche a été accompagné d’un taux de participation record. En effet, 64,1% des Américains se sont rendus aux urnes pour choisir leur président, alors qu'aux élections présidentielles précédentes, l'abstention atteignait, en moyenne, 50%. Barak Obama a obtenu 52% des suffrages exprimés. Le scrutin présidentiel donne à Barack Obama une large majorité de plus de 365 électeurs (seulement 270 sont requis pour avoir la majorité). Les 538 grands électeurs se sont réunis le 15 décembre pour désigner officiellement le président Barack Obama et le vice-président Joseph Biden. Barack Obama devait convaincre les Blancs (74% de la population américaine). Chez ces derniers, il a obtenu 43% de leurs suffrages contre 55% pour McCain. Les Blancs qui gagnent moins de 50.000 dollars par an ont voté à 47% pour Barack Obama contre 51% pour John McCain. Le sénateur de l’Illinois a par ailleurs fait carton plein au sein de sa communauté (95%) et a obtenu plus de 60% des suffrages auprès des Latinos et des Américains d’origine asiatique. Le vote des femmes était aussi important pour Barack Obama. Là encore, il a obtenu leurs suffrages. En effet, les femmes qui représentent 53% de la population américaine ont voté à 56% pour lui. Pari réussi également auprès des franges les plus jeunes de la population qui lui ont témoigné leur soutien tout au long de la campagne. Les 18-29 ans (18% de l’électorat) ont voté à 66% pour Obama, contre 32% pour John McCain. Là encore, les jeunes blancs (11%) ont fait la différence en votant à 54% pour Obama. Le nouveau

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président américain a fait également un bon score auprès des 30-44 ans qui constituent 29% de l’électorat : 52 contre 46%. Chez les 45-59 ans, il ne devance le républicain John McCain que d’un point (50 contre 49 %). Que retenir de ces chiffres : Dans un premier temps et dans un but comparatif, analysons les résultats des élections depuis 1996 :

Vote populaire Grands électeurs

Bill Clinton 44 909 806 (43 %) 370 1992

George Bush 39 104 550 (37,4 %) 168

Bill Clinton 47 400 125 (49,2 %) 379 1996

Bob Dole 39 198 755 (40,7 %) 159

George W. Bush 50 459 211 (47,9 %) 271 2000

Al Gore 51 003 894 (48,4 %) 266

George W. Bush 62 041 268 (50,7 %) 286 2004

John Kerry 59 028 548 (48,3 %) 251 Avec 52% des suffrages, on ne peut parler d’une « vague de fond », de « raz de marée » au sens absolu, en faveur d’Obama, mais il s’agit d’une nette victoire. De plus, si on considère les différents handicaps initiaux qui lui sont associés : Afro-américain, inconnu a l’échelle nationale, des nettes positions sociales, cela peut s’interpréter comme une vraie victoire stratégique de sa campagne. Quelles ont été les facteurs notables de cette victoire ? Celle-ci a été rendue possible par l’afflux des nouveaux électeurs (11% du corps électoral) et par leur vote massif (69%) pour le nouveau Président. De même le vote « Noir » (95%), et des Latinos et autres « minorités » (plus de 60%) de même que le vote « jeune » (18-29 ans : 66% pour Obama) ont été déterminants. En clair, Barak Obama a remporté les élections présidentielles, en grande partie du fait du vote massif des nouveaux électeurs, pour l’essentiel, « noirs » et « jeunes ». Nous allons examiner plus loin comment sa stratégie et sa mise en œuvre de conquête se sont parfaitement alignées sur ces cibles.

- Les chiffres de l’organisation, un positionnement majeur sur Internet : Selon les données de l’étude Pew Internet and American Life Projet qui a récemment rendue public son analyse sur le rôle joué par Internet lors de la campagne présidentielle américaine de 2008, il ressort de ladite étude que près des trois quarts des internautes américains (74% exactement) ont été politiquement actifs sur la toile au cours de cette période, que ce soit pour s’informer et/ou participer, soit plus de la moitié de la population adulte américaine (55%). Les auteurs de l’étude distinguent les activistes politiques en ligne (”online political users”) en trois catégories proches en fonction des activités pratiquées sur Internet :

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- S’informer en ligne sur la campagne électorale : sans surprise, il s’agit de la pratique la plus courante (60% des internautes) ; - Communiquer avec ses pairs sur internet au sujet de la campagne électorale : 38% des internautes ; - Échanger et/ou recevoir des contenus sur la campagne électorale : 59% des internautes (sans doute aurait-il fallu isoler ici les “transmetteurs” des “récepteurs”). Un autre constat sur la différence d’engagement sur Internet peut se poser en ses termes: Quel est le rapport dans les investissements publicitaires entre Obama et McCain sur Internet ? Le président élu des Etats-Unis, Barack Obama, a investi plus de 16 millions de dollars en publicité sur internet pour sa campagne électorale en 2008, contre 3,6 millions pour le candidat du camp adverse, John McCain et ce, selon le rapport publié par la commission fédérale des élections américaines.

Selon le Washington Post, les chiffres de la campagne électorale de Barack Obama furent les suivants : - 13 millions d'adresses dans l'e-mail collectées, - 500 millions de dollars rassemblés en ligne et 250 millions de dollars des « grands » donateurs, - 3 millions de donateurs en lignes qui ont fait 6,5 millions de dons, - 80 dollars en moyenne pour chaque don, - 3,2 millions d'amis sur Facebook, - 2 millions de profils créés sur le réseau My.BarackObama.com1, - 1 million de participants dans le programme pour l'envoi de SMS, - 400 000 postes dans les blogs écrits par des bénévoles, - 200 000 événements organisés par des bénévoles, - 35 000 groupes locaux actifs en faveur d’Obama, - 3 millions d'appels téléphoniques effectués au cours des 4 derniers jours via le web, sans compter les bénévoles travaillant sur la campagne. Ces données indiquent bien les deux grandes forces d’Internet dans cette campagne : d’une part, la capacité à lever des fonds et la possibilité de tisser un lien étroit avec des réseaux de supporters actifs sur le terrain. Aujourd’hui, l’argent de la campagne a été dépensé, mais il reste au nouveau président un autre trésor, son immense base de contacts. Placée entre les mains d’experts du marketing direct, elle sera un atout considérable pour une communication gouvernementale plus ciblée, plus personnalisée et plus proche des citoyens. D’ailleurs, les candidats à la carrière du business politique se bousculent, puisque plus de 200 000 candidatures ont été reçues via le site « change.gov » pour faire partie de la nouvelle équipe gouvernementale de Barack Obama. La révolution dans son aspect financier Pour la première fois dans l'histoire américaine, les deux candidats finaux à la présidentielle ont recueilli à eux seuls, plus de 1 milliard $ (1,113 Milliards $) Deux critères factuels majeurs sont à souligner dans cette campagne de 2008, le dimensionnement financier et la méthode dans les levées de fond financier. Le dimensionnement financier se révèle être unique

1 http://my.barackobama.com

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Cela équivaut en contribution totale pour l’année 2008 (contributions des primaires comprises, ex: Hilary Clinton > 221 Millions de dollars), la somme de 1. 718 Millions de dollars, ce qui en fait la campagne politique la plus chère de l’histoire moderne. En guise de comparaison, il nous parait utile de présenter la synthèse des décennies précédentes :

Total Contributions to Presidential Candidates*

Total Receipts

Total Receipts

Year 2004 2000 1996 1992 1988 1984 1980 1976

Total * $880.5 $528.9 $425.7 $331.1 $324.4 $202.0 $161.9 $171.0

Primary Receipts General Election Public Funding Convention Public Funding

* En millions Les chiffres ne sont pas corrigés de l'inflation

En l’espace d’une génération, les montants financiers investis ont été multipliés par 10 !

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De plus, il est important de comprendre que ces moyens financiers sont récoltés, mais surtout qu’ils sont dépensés sur une période de 12 à 18 mois. Nous sommes en droit de nous interroger sur ce phénomène et de nous poser la question de savoir quelle industrie affiche des dépenses similaires de 1,7 milliards de dollars en marketing, communication et en publicité, dans un délai aussi bref. Quelle industrie possède des moyens d’investissement aussi importants dans une si brève période afin de mettre en jeu une stratégie de conquête de parts de marché ? Ce qui précède est symptomatique d’un renouveau dans le développement économique en termes d’investissement et en termes de charges de l’industrie de la politique et il ne s’agit ici que de l’investissement temporel attaché à la période de la campagne présidentielle. Voici pour information, la synthèse du cadre juridique des financements par donations :

Les limites imposées pour 2008 en termes de dons.

A un candidat ou à son comité de campagne par élection

A un parti (national et local) par an

A tout autre association politique par an

Les particuliers 2 300 dollars 38 500 dollars 5 000 dollars

Le comité du Parti national

5 000 dollars Pas de limite 5 000 dollars

Comités locaux des partis

5 000 dollars Pas de limite 5 000 dollars

Les PAC 7 300 dollars 15 000 dollars 10 000 dollars

Comités de campagne

2 000 dollars Pas de limite 5 000 dollars

Source : Commission électorale fédérale / Décembre 2007 Conclusion : Prémisse de nouvelles fondations du jeu et des enjeux en Politique ? Selon l’étude Terra Nova1, un « think Tank » français, Barack Obama innove en important dans le monde politique, le modèle des campagnes de cause caritative. C’est la première campagne politique de type téléthon (selon les propos de Terra Nova), ayant importé dans le monde politique le modèle des campagnes de cause caritative. Certes, si une telle métaphore peut sembler une bonne illustration pour la simplification, il y a toutefois, très peu de pertinence dans le cadre d’une analyse d’autant qu’elle n’explique pas les facteurs clés de la stratégie. Quels sont les faits et les questions fondamentales de la stratégie de B.Obama dans la campagne présidentielle de 2008, « la meilleure campagne jamais réalisée », selon les propos de Barack Obama.

1 http://www.tnova.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=560&Itemid=20

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A sa candidature le 10 février 2007, Barack Obama est un politique peu connu, sans expérience, de dimension nationale avec seulement deux années de présence à Washington comme sénateur de l’Illinois. Dés lors, comment expliquer sa victoire extraordinaire contre Hillary Clinton dans les primaires démocrates et son succès historique, le 4 novembre 2008, face à John McCain? Sa campagne est basée sur une stratégie nouvelle, il ne s’agit plus d’une campagne politique traditionnelle, de conviction des électeurs sur des valeurs mais d’une campagne visant à créer une dynamique, une campagne de mobilisation, citoyenne avant même d’être électorale. Il s’agit de s’adapter aux nouveaux facteurs clés de cet environnement sociétal et technique en pleine évolution. La mobilisation, puis le vote citoyen a battu un record absolu de 131 millions. Plus de 12,9 % de nouveaux électeurs, 15 millions de citoyens qui ne votaient plus, retournent aux urnes. Le taux de participation atteint 63% des électeurs en âge de voter, au lieu de 55% en 2004, et des participations habituelles entre 50 et 55% depuis quasiment un demi-siècle. Il faut remonter à la campagne de John Kennedy en 1960 pour retrouver un tel score. Mobilisation militante et surtout citoyenne avec plus de 13 millions de personnes qui ont participé à la campagne d’Obama, 3 millions ont fait des donations et. 1.2 millions ont milité sur le terrain, du jamais vu en temps de campagne. Barack Obama a créé un immense mouvement, une « communauté Obama ». Examinons quels ont été la stratégie et le positionnement qui ont permis cette conquête et surtout sur quels fondements cela s’appuie.

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Partie II : D’une stratégie et d’un marketing « de Marque » vers une stratégie d’Innovation -Valeur en politique

Chapitre 3 : Les nouveaux fondements de la stratégie politique moderne versus la vision traditionnelle des politiques Comme le management stratégique traditionnel d’entreprise qui fait largement appel à l’emploi des matrices stratégiques pour préparer ses décisions, matrices issues de cabinets ou d’experts (tels que McKinsey, A.D. Little, BGC, Ansoff…), les décideurs politiques utilisent aussi cette approche et bien qu’elles constituent une solide base d’analyse et connaissent une application dans un nombre non négligeable d’analyse stratégique, celles-ci sont peu productives dans une approche qui consiste à rechercher une innovation “disruptive”. Par rapport aux pratiques traditionnelles, jugées plus « rentables » sur le court terme pour l’entreprise visée, les objectifs innovants sont évalués remettants en cause systématiquement le business model des entreprises concernées et donc dangereux. Le choix de l’innovation incrémentale est toujours validé même dans le cas de changement de paradigme économique d’un secteur, à l’image du secteur de l’édition à l’heure actuelle, se dirigeant vers le codex numérique. En effet, les théories de l’analyse concurrentielle mises en lumière par Michael Porter et celles du benchmarking proposées par RC Camp sont peu adéquates dans les logiques stratégiques de rupture. Ces approches traditionnelles se complètent habituellement par une étude marketing approfondie et segmentée des goûts, besoins et attentes des clients, comme nous l’avons déjà vu dans le chapitre précédent. Mais nous allons voir que l’équipe de B.Obama s’est retrouvée en position d’une quête d’espaces stratégiques non exploités et de la création d’une demande nouvelle, dans des conditions qui ont favorisé une rupture dans le monde de la stratégie politique. En focalisant sur les non-votants (non-clients) ou vers ceux qui refusaient de s’engager ou qui avaient abandonné « les produits de l’entreprise politique ». L’équipe de B.Obama va se focaliser là où par essence, il existe une zone des non-clients et un espace de non-écoute des organisations « du secteur politique » et construire une stratégie basée sur de nouvelles pratiques et de nouveaux facteurs clés de la chaine de valeur. 3.1 Un énorme positionnement et investissement Internet La revitalisation démocratique opérée par Barack Obama passe certes par la mobilisation de masse, mais en construisant un programme de masse sur le « micro-targeting ». Ainsi, Internet qui est l’épine dorsale d’une telle campagne tant off line que on line va lui permettre la réalisation de cette première ambition, en ciblant de manière très fine ses « clients ». La campagne d’Obama et le «système d’information» de son organisation ont été construits autour de son site Internet et du réseau social des militants et sympathisants par le biais des vidéos, mailings, mobile, présence sur les nouveaux médias. Il a fait participer des millions de sympathisants et des indécis à une campagne militante en étant capable de les organiser en équipe, de les former, de les suivre. A la base de sa campagne, il y a l’expérience du community organizing, pratiquée personnellement par B.Obama à Chicago, une véritable expérience de terrain pendant des années.

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Il a développé un militantisme «à la carte» et «affinitaire». La campagne s’est adaptée aux sympathisants et non l’inverse. La campagne a été poussée vers les cibles et non dans la logique classique de faire venir les cibles à la campagne. Il leurs a permis de militer à «la carte» en fonction de leurs affinités et de leur disponibilité, en construisant sur la confiance et dans la durée. L’organisation de B.Obama a préparé durant quatre ans la victoire. Les grands outils de la campagne (site Internet, réseaux sociaux, porte-à-porte, base de données, financement on line par petits dons) ont été pensés, réalisés et testés par le parti. Il s’est déployé sur tout le territoire américain (50-State Strategy) pour préparer le travail de terrain. Dès le départ et durant toute la campagne de B.Obama, ce dernier avait une équipe dédiée à la stratégie en ligne (Internet) de base de 11 personnes sur un effectif total dédié en stratégie de 30 personnes, un nombre concernant l’équipe en ligne qui est monté encore plus haut vers la fin du cycle des présidentielles. Selon le rapport Edelman 20091, les hommes clés de cette stratégie ont été :

- Joe Rospars était le Directeur des Nouveaux médias pour l'année 2008 de la campagne de Barack Obama à la présidence des États-Unis, Fondateur de l’agence « Blue State Digital » (Une des meilleures agence de stratégie Internet)

- David Plouffe, est un stratège politique américain, comme directeur en chef de la campagne présidentielle 2008 de Barack Obama.

- L'équipe comprenait également Chris Hughes, l'un des co-fondateurs de Facebook et Kevin Malover, fondateur de l’agence de Voyage en ligne Orbitz.

- Julius Genachowski, business man et fondateur de LaunchBox Digital and Rock Creek Ventures.

- Obama a également intégré d’éminents groupes de conseillers y compris Eric Schmidt CEO de Google, PDG fondateur et Craig Newmark fondateur de la Craigslist.

Comme on peut le constater, il ne s’agissait pas d’une improvisation dans son positionnement sur Internet, les commandes ont été clairement données à des hommes faisant partie des meilleurs du business en stratégie Internet. Un point fondamental est de constater que parmi les avantages de la mise en œuvre sur le nouveau territoire d’Internet était le support que cela représentait pour « casser » les anciennes pratiques, redistribuer les centres de pouvoir et de décisions, réorganiser le fonctionnement de l’organisation politique classique. Tous ces éléments sont essentiels pour réussir l’application d’une stratégie basée sur l’innovation, comme nous allons le voir dans l’analyse et le diagnostic de la stratégie de l’entreprise B.Obama. .

1 Social Pulpit - Barack Obamas Social Media Toolkit 1.09.pdf

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3.2 La stratégie de l’innovation-valeur en politique Il apparait que toute bonne stratégie peut se synthétiser en une idée simple, concrète et claire, l’illustration de ce présupposé peut parfaitement s’éclairer par la stratégie de Barack Obama. Quelques temps après la victoire de Barack Obama, une question fondamentale a été posée par un des grands experts politiques américains n’ayant pas anticipé une telle victoire. Cette question synthétisant la problématique stratégique auquel a été confrontée l’équipe de Barack Obama fut la suivante : « Comment un candidat quasi inconnu, ayant quasiment aucune expérience à l’échelle nationale, ne possédant aucun des grands donateurs de son parti, ne faisant pas l’adhésion de ses pairs, qui plus est afro-américain, a-t-il pu devenir le 44ème président des Etats –Unis ? » Cette question est fascinante de part sa simplicité, sa concrétude et sa clarté concernant les obstacles qu’il fallait dépasser pour constituer une stratégie gagnante dans les élections présidentielles de 2008. Voyons comment la stratégie y répond… Comme les auteurs de la méthode « Blue Ocean Strategy » nous le décrivent, un profil stratégique à fort potentiel possède trois qualités essentielles : focalisation, divergence et un slogan percutant. Ces critères fondamentaux se retrouvent dans la stratégie de Barack Obama : - Focalisation sur les Nouvelles Technologies, une organisation Internet tentaculaire. - Divergence de la logique de ses concurrents et divergence dans sa relation aux cibles (militants,

sympathisants, indécis), divergence par la mise en œuvre, l’empowerment. - Un slogan percutant : « Yes we can ! », Porteur de vision, rassembleur et valorisant directement

les militants et sympathisants. Nous pouvons analyser et concrétiser les critères clés de la stratégie de l’équipe de B.Obama avec celle traditionnelle de ses concurrents et les pratiques du « business politique ». La matrice ERRC nous permet de révéler et cristalliser son positionnement par rapport aux critères clés reconnus.

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Le renforcement du critère de démarquage dans la stratégie de B.Obama a été clairement illustré dans une étude sur les marques Obama et McCain qui ont été évaluées par un expert en stratégie de marques Patt Cottingham de Genuine Imprints, Ltd . L’article « Marque Obama ou Marque McCain? » synthétise très bien les différentiations gagnantes de l’image de B.Obama construites par sa stratégie : - Les logos (* cf : annexe): universel et ouvert, symbolique pour Obama versus d’inspiration

militaire aux icones et couleurs traditionnelles de MCain. - Les slogans : le « Yes we can » d’Obama opposé aux différents messages complexes et

conservateurs de McCain « Le pays d’abord », Le changement auquel tu peux croire », « Réforme Paix Prospérité », « N’espérez pas une vie meilleure votez pour ».

- Positionnement : la marque Obama est positionnée sur le nous/les gens. Le positionnement de la

marque McCain est basé sur le Moi/McCain (Un classique personnalisation des stratégies de campagne).

- Les valeurs : La marque Obama a été en phase avec ces valeurs d’espoir et d’unité, la marque

Mccain à communiqué sur le pays et le service ce qui a été très complexe à représenter et à relier au réel.

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- Missions : une marque doit avoir une mission clairement définie afin que son message aille dans une direction identifiée par tous. La mission d’Obama est d’apporter « Le changement à l’Amérique ». Le fait qu’il soit le premier afro-américain à postuler au poste de président des Etats-Unis est la personnification de cette mission. Il ne peut y avoir de plus grand changement qu’une administration Obama et que la famille Obama à la Maison Blanche. Les affirmations de McCain selon lesquelles il apportera des réformes à Washington avec des solutions intrépides sont plus difficiles à « acheter ». La marque McCain n’a simplement pas démontré que son administration serait différente de celle des huit années sous George W. Bush car fondamentalement, elle joue dans le même registre stratégique.

- Vision : enfin, chaque grande marque doit avoir une grande vision. La vision de la marque

Obama « Une Nation » est enveloppée dans sa citation « Il n’y a pas une Amérique Noire et une Amérique Blanche et une Amérique Latino et une Amérique Asiatique; il y a les Etats-Unis d’Amérique. » Ce regard est le principe unitaire que la campagne Obama a répandu dans tout le pays. La vision de la marque McCain est celle d’un monde qui est plus menaçant et basé sur la peur. Il dit: « Nous devons gagner en Irak. Si nous nous retirons, ce sera le chaos et ils nous pourchasseront à la maison ».

Parmi les autres critères crées par la stratégie d’Obama, il y eu l’empowerment, terme anglais traduit par autonomisation ou capacitation qui est la prise en charge de l'individu par lui-même, de sa destinée économique, professionnelle, familiale et sociale. C’est dans cette optique que par le biais de sa stratégie, de B.Obama a construit l’organisation et son dispositif Internet tentaculaire. Un premier fait est la transformation de l’usage d’Internet qui s’est mué en un outil de mobilisation et d’organisation pour les équipes de volontaires dont la véritable épine dorsale était le site mybarackobama.com (« MyBO »). De plus, les stratèges de la campagne de B.Obama ont pris en compte, dans les processus et fonctions Internet, le rôle du bouche-à-oreille, du viral, dans une société où la recommandation est l’élément de persuasion le plus efficace, dans la prise en compte d’un des facteurs de sa stratégie : le principe de non-exclusion et d’ouverture de son organisation. Il convient également de faire état de la forte cohérence entre la personnalité d’Obama d’une part, sa façon d’organiser sa campagne d’autre part et enfin son programme. Cela s’est exprimé dans la campagne à travers la volonté notamment de partager la stratégie de campagne aux électeurs, à tous les électeurs dans une approche non-partisane, non-exclusive, ce qui a également permis, de créer un critère nouveau qu’est la valorisation des militants. L’appropriation de la campagne par les militants a été clairement favorisée par le dispositif et ses fonctions. En effet, chaque électeur a pu réaliser sa propre création à partir des éléments d’identité visuelle d’Obama, et on a vu se multiplier les stickers, les graphismes, les affiches, et même l’utilisation en propre de l’image d’Obama comme «Obama pour les gays» ou «Obama pour l’Arizona». Cela a eu pour avantage de puiser dans la créativité de milliers de personnes mais également de pousser chacun à diffuser du «Obama» en transmettant autour de soi ses propres créations, tout en permettant sa propre valorisation.

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Toutefois, cela a eu pour contrepartie, pour Obama et son équipe, d’accepter de ne plus diffuser eux-mêmes les messages et donc ne plus en avoir la totale maîtrise de la campagne, ce qui est impensable dans une stratégie de communication classique tel que l’ont pratiquée ses adversaires et même son adversaire final, en l’occurrence, McCain. Avec la conséquence logique pour la pleine expression de ces nouveaux critères, d’augmenter la temporalité de la campagne, sa durée afin de permettre ces changements dans les pratiques. Si nous représentons l’ensemble de ces nouveaux critères et cristallisons sa nouvelle stratégie, nous obtenons ainsi la nouvelle courbe d’innovation-valeur représentative de la stratégie de B.Obama, face aux stratégies « orthodoxes » mis en place par ces concurrents.

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La stratégie d’innovation-valeur de l’équipe B.Obama apparait clairement dans le canevas stratégique. Nous avons vu dans les chiffres et les choix faits par B.Obama lors de notre chapitre précédent que les fondamentaux sont clairement en corrélation avec les choix opérationnels de son équipe. Cette analyse est confirmée sur l’aspect fonctionnel, en positionnant les activités respectives des entreprises politiques en présence sur la carte de positionnement des activités PMS de la méthodologie « Blue Ocean Strategy», cela nous permet de renforcer la visualisation de la stratégie de l’équipe de B.Obama en différenciation opérationnelle de l’équipe traditionnelle de Bush et en partie de McCain. Il est intéressant de s’interroger et de vérifier à la lueur d’une analyse du portefeuille d’activités de « l’entreprise politique Obama» si nous sommes dans un mouvement en évolution ou en rupture. Les activités constituantes tout portefeuille « d’entreprise politique » peuvent se décrire comme suit : - La Stratégie - Le Marketing - La Communication - L’Organisation / Fonctionnels - La Logistique - La Gestion RH

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Après visualisation sur la carte PMS, nous pouvons constater que le choix de l’équipe de B.Obama est un choix de rupture. Il fait bouger de manière importante les activités clés et fait migrer en grande partie les autres, hormis la communication qui est demeurée assez traditionnelle au sein de « son portefeuille d’activités », même si l’investissement a été très fort dans le territoire d’Internet comme nous l’avons vu précédemment. Mais peu de risque ont été pris sur les médias traditionnels, les processus et les pressions classiques sur ces médias ont été maintenus dans la forme. On voit bien que le modèle Bush / McCain est resté sur un cadre connu, dans une logique « orthodoxe » de la campagne, même si des évolutions sur la logistique et l’organisation par intégration des technologies Internet ont été faites pour accentuer leurs présences sur ces nouveaux médias. Mais, aucune stratégie consubstantielle à ces nouvelles pratiques qu’Internet rend possible, pas plus d’évolution sur la vision des acteurs, les militants, les sympathisants comme co-auteurs, coproducteurs de l’entreprise politique avec pour conséquence un dispositif stratégique ne permettant aucune possibilité d’ouverture des cibles, ce qui a mené à l’échec de la campagne des leaders face à cet inconnu qu’était B.Obama. Examinons la manière dont les cibles ont été identifiées et quelles sont-elles ? Comme nous l’avons identifié dans le chapitre consacré aux chiffres et aux faits de la campagne 2008 de B.Obama, ce sont les jeunes et les minorités qui ont en grande partie contribués au succès de B.Obama. Comment l’équipe d’Obama a-t-elle fait le choix de ces cibles ?

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Dans le cas de la stratégie de conquête de B.Obama, l’usage de l’outil des trois cercles de non-clients permet de modéliser parfaitement le positionnement pour ce qui est des cibles visées. Pour le premier cercle de nons-clients imminents que sont les démocrates ou sympathisants démocrates qui est constitué des sympathisants mouvants, c’est par le critère d’offre de l’empowerment que l’équipe Obama a fortement remobilisé ce public d’électeurs. Pour le deuxième cercle de non-clients qui est constitué des communautés défavorisées d’origine afro ou hispano américaine qui ne votaient pas du fait de l’éloignement existant entre eux et les propositions habituelles en terme d’identification, d’usage, de croyances et de possibilité d’hériter d’un réel impact dans leur vie, ils se sont retrouvés identifiés dans les origines de B.Obama, mais aussi dans son message sur le renouveau et l’espoir. Enfin, le troisième cercle de non-clients qui correspond bien aux clients inexplorés traditionnellement, est constitué du public de jeunes, public des « digitals natives », dont les pratiques multi-formes sur Internet sont quotidiennes. Ces derniers ont été séduits par le dynamisme et le modernisme de la campagne de B.Obama dû notamment aux technologies Internet. C’est en grande partie ce public qui a dynamisé la campagne sur Internet, s’engageant par la porosité comportementale de ses pratiques. Je reviendrais sur cette nouvelle façon de s’engager en politique dans le cadre de mes conclusions. Je ferais un commentaire sur un aspect de la mise en œuvre de la stratégie. Celle-ci a perpétuellement été au centre de l’opérationnel de l’équipe de B.obama. Cette préoccupation est clairement explicitée par David Plouffe1 (Le directeur de campagne) dans une interview dans le « Washington Post2 » dans lequel, il explique le souci de s’appuyer sur une logique bottom-up et surtout comment réussir à appliquer et concrétiser une stratégie. Nous allons examiner les problématiques génériques de l’alignement stratégiques de la campagne de B.Obama.

1 http://en.wikipedia.org/wiki/David_Plouffe 2 http://www.washingtonpost.com/wp-srv/politics/documents/transcript_david_plouffe_011209.html

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3.2.1 L’alignement et les obstacles stratégiques Il est un point important dans la suite de la maitrise et des choix stratégiques que sont l’alignement et les obstacles stratégiques à l’innovation. Dans le cadre du « business politique », les grands obstacles à un alignement stratégique en se basant sur les éléments de la « Strategy Blue Ocean » sont :

Par confort de lecture, les facteurs de freins, décrits en liste sont les suivants : - Obstacle cognitif : Pratiques ancrées des consultants politique, Centralisation ; Une

concentration intellectuelle sur les médias. - Obstacle financier : Des ressources anticipées, faibles si le candidat est inconnu ; des dépenses

trop planifiées, en concurrence avec les autres planifications des candidats. - Obstacle de la motivation : Hiérarchie de la planification générale ; Centralisation des décisions - Obstacle des lutes de pouvoir : Lutte de pouvoir des militants ; une hiérarchie dans les actions,

une logique séquentielle. Comme on peut le voir, ces facteurs de perturbation et de freins de l’alignement stratégique sont en grande partie un héritage des pratiques traditionnelles des campagnes politiques.

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Une réponse globale : par un changement de paradigme du management, par ce qui s’apparente par la mise en place par un management par le point de bascule, du moins cette grille de lecture nous facilite grandement les grands points critiques de l’alignement stratégique :

Par confort de lecture, les facteurs de dépassements, décrits en liste sont les suivants: - Souplesse du cognitif : Focalisation sur les actions guérillas ; Suivi temps réels des actions ;

Décentralisation des décisions locales. - Ouverture du financier : Des ressources financières en continue et ouverture des contributeurs

au-delà des grands contributeurs grâce au dispositif internet de recueil, de fonds. - Renforcement de la motivation : Réorganisation des missions des militants, ils ne militent plus,

mais forment à une nouvelle façon de militer ; ouverture vers de nouvelles cibles de l’action militante : Engagement simple, peu consommateur en ressources.

- Atténuation des luttes de pouvoir : Réorganisation des missions des militants avec pour conséquence une redistribution des logiques de pouvoir; Nouveaux décisionnaires car nouvelle chaine de commandement et orientation plus locale.

Comme on peut le voir, les facteurs opérationnels sur lesquels l’équipe de B.Obama s’est concentrée, sont tous orientés vers un renforcement de l’alignement stratégique en focalisant les énergies sur certains facteurs clés. Enfin, nous allons voir un dernier élément du cadre stratégique global qui permet d’appréhender et d’éclairer plus complètement le positionnement et les choix stratégiques des stratèges de B.Obama.

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3.3 La stratégie Judo appliquée par Obama à ses adversaires Parmi les différents modèles d’analyse et de construction stratégique, la « Judo Strategy » nous a semblé complémentaire à la « Strategy Blue Ocean » pour faire comprendre la situation et les choix de l’équipe stratégique de Barack Obama. Comme nous l’avons précédemment souligné, au début de la campagne des primaires, B.Obama n’est pas réellement dans une position de challenger. Du plan de vue des facteurs clés d’une campagne traditionnelle, il est un faible face à des forts. La position des stratèges d’Obama a été de créer une force de sa situation de faiblesse initiale et la « Judo Strategy » se révèle très explicative de leur stratégie. Comme je l’ai expliqué, j’emprunte aux auteurs de cette approche stratégique la quintessence de la « Judo Strategy » qui se caractérise par l’état d’esprit de ne pas opposer la puissance à la puissance ce qui se révèle être une approche nourrissant la réflexion stratégique de voie alternative telle que la « Strategy Blue Ocean », d’autant que certains principes sont communs aux deux approches stratégiques. La méthode du « Judo Strategy » repose principalement sur trois principes qui nous permettent d’éclairer un peu plus précisément certains choix du cadre stratégique de l’équipe Obama: - Le Mouvement, ne pas suscitez d’attaque (« La stratégie du chiot » : Ne pas s’afficher trop tôt comme un adversaire important), définir son cadre de concurrence et une fois prêt agir rapidement. - L’Equilibre en prenant prise sur son adversaire sans force, éviter les combats sans objectif et accompagner les attaques, esquiver et ne pas combattre frontalement. - L’Effet de levier en transformant les actifs de l’adversaire en faiblesses et en transformant les partenaires ou les concurrents de ces adversaires en partenaires. Comment l’équipe d’Obama a-t-elle mise ces techniques en pratique ? Quels en ont été les points forts ? Les facteurs clés se révèlent sous une forme différente de la chaine d’innovation-valeur de la « Strategy Blue Ocean » mais nous pouvons vérifier la parenté directe de ces facteurs entre les deux approches stratégiques. En premier lieu, l’équipe de B.Obama a choisi son rythme, un rythme de campagne différent de leurs adversaires, les campagnes sont habituellement brèves et fortes (médiatiquement, financièrement, etc…). Or, l’allongement et l’élargissement de la campagne ont permis à B.Obama de construire une position petit à petit en utilisant ce qui s’apparente clairement à : - La « stratégie du chiot » en commençant très tôt afin de ne pas générer une attaque lorsqu’il était faible. L’augmentation de la durée de campagne et l’approche discrète ont permis de travailler en « douceur », sans motiver une attaque prématurée et sans s’afficher immédiatement comme dangereux et ce d’autant que les usages d’entrer en campagne tardivement ne permettaient pas à ses adversaires de lui répondre. Ainsi, l’élargissement du territoire à l’ensemble des 50 états simultanément lui a permis de bénéficier d’un vrai socle de militants et sympathisants actifs et prêts au combat simultanément dans les 50 états le moment venu. En second lieu, les choix de positionnement dans ses attaques ont été de ne pas répondre frontalement mais chercher la rupture de l’équilibre adverse.

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En créant, chose innovante, un site contre les rumeurs « Fight the Smears 1», alimenté par les électeurs, gérer par les militants et permettant non seulement de corriger les rumeurs, mais aussi d’être un contre pouvoir aux médias ce qui a permis de rétablir « son » équilibre. Et, d’accompagner et amener sur son terrain les autres candidats, les échanges avec McCain sont symptomatiques, une étude qui a analysé le vocabulaire et la rhétorique des candidats McCain et Obama souligne que : - Dans le cadre des échanges rhétoriques, B.Obama n’a jamais réfuté les problèmes ou les questions. Au cours de l’affrontement des débats sur les points forts de ses adverses, il utilisait systématiquement le « vous avez raison, mais… », accompagnant toujours l’attaque et expliquant ce qui les séparait. Le désamorçage des affrontements a été symptomatique de son positionnement, imposer son rythme a été un perpétuel souci de l’équipe d’Obama avec l’objectif de rompre l’équilibre adverse. Enfin, un effet de levier mis en application par B.Obama est intéressant à plus d’un titre. D’une part, il est symptomatique de l’aveuglement de ses adversaires pour la nouvelle approche stratégique de l’équipe de B.Obama, d’autre part, c’est un cas très représentatif d’une stratégie d’attaque des actifs de la concurrence par effet de levier. B.Obama s’est positionné sur le changement, son profil s’y prêtait parfaitement, mais cela n’est qu’une partie de l’iceberg car cela lui a surtout permis de retourner les actifs de ses adversaires. En effet, l’approche classique des campagnes mettent en lumière l’expérience des candidats, l’expérience politique nationale, l’expérience du pouvoir, l’expérience des médias. B.Obama en se positionnant sur le changement, invalidait de fait ses valeurs, pire il en faisait un véritable inconvénient. Il s’agit ici pour les adversaires de B.Obama, d’une véritable cannibalisation de leurs propres actifs puisque le critère d’expérience se retournait contre ses concurrents. Ce qui est très étonnant, c’est que pas un seul adversaire n’a changé son positionnement au cours de la campagne sur ce critère fondamental des campagnes habituelles. Un tel aveuglement s’est poursuivi bien après les primaires, L’équipe de stratèges de McCain continuant à positionner leurs candidats sur ce facteur clé sans comprendre que plus son équipe avançait son argument d’expérience, plus McCain était cannibalisé auprès de l’ensemble du public. Cet effet de levier sur l’expérience a été aussi utilisé sur bien d’autres facteurs clés comme la gestion des grands donateurs par McCain, accréditant l’idée d’une hiérarchie top-down de la démocratie, l’équipe d’Obama s’est quant à elle focalisée, en premier lieu, sur son programme de « democracy bonds ». Rappelons rapidement les principaux facteurs de la stratégie de B.Obama attachés à la « Judo Strategy »: - La stratégie des 50 Etats « 50-state strategy » (se battre dans tous les états) : Mouvement - Allongement de la campagne des primaires, afin de mieux structurer le terrain : Mouvement - Un programme de porte à porte (canvassing) « Neighbor to neighbor » : Equilibre - Un réseau Internet « party builder » (préfiguration de MyBO d’Obama) : Equilibre - Création du site « Fight the Smears » : Equilibre - Un positionnement sur le changement : Effet de levier - Un programme de petits dons en ligne « democracy bonds », le concept de la « Révolution du 100 $ » : effet de levier

1 http://www.fightthesmears.com/

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Après la phase majeure du diagnostic stratégique, il reste à se poser la question du cadre de vente de celle-ci à ses cibles, de sa mise en forme et des fondements logiques de son marketing.

3.4 Un marketing classique basé sur « les valeurs » dans un univers taylorien. Tous les travaux dans ce domaine affichent l’électeur comme un substitut du consommateur classique, tant la construction du marketing politique s’est faite sur les bases de celles de l’entreprise.

A ce titre, Kotler affirmait « vendre un homme politique comme un savon». Aussi, l’électeur dans le marketing traditionnel (dit aussi « orthodoxe ») est assimilé à un simple consommateur.

L’objectif des marketeurs en politique est donc, identique à l’approche des marketeurs de l’entreprise, c'est-à-dire autant à chercher à influencer les électeurs que de « coller » à leurs attentes, avec le corpus des instruments marketing que nous avons déjà vus plus haut. Mais rappelons, en une courte synthèse, les fondamentaux de cette approche orthodoxe du marketing.

L' « orthodoxie » marketing1 : nécessaire mais plus suffisante en politique

Concrètement, différents travaux montrent les limites de l'approche par la « diffusion de la valeur au consommateur », qui est dominante en marketing. Ce modèle, hérité de Kotler et largement adopté par les entreprises, vise à déceler les attentes et besoins des consommateurs, à formuler une proposition de valeur et à influencer le consommateur. Bien que cette perspective soit nécessaire, elle n'est plus suffisante pour se différencier car elle aboutit à une similarité généralisée des actions marketing. En outre et paradoxalement, elle éclipse le consommateur en se focalisant trop étroitement sur les réponses aux besoins et la pression marketing sur le consommateur. Les usages, la consommation, la production de valeur par le consommateur sont totalement négligés par cette approche.

L'idéologie dominante du marketing management :

la diffusion de valeur vers le consommateur (d'après Kotler, 2000)

C’est dans ce schéma de « fabrication d’électeurs » à l’identique de l’entreprise en cherchant à « fabriquer des clients » que l’ère industriel a permis l’épanouissement d’une stratégie top-down et un marketing push efficace. Un marketing push : « Un marketing des valeurs » en politique La conséquence directe de cette approche est une logique basant ces processus et messages sur des valeurs les plus acceptés par les cibles. Le candidat doit représenter une marque porteuse de ces

1 Paragraphe : Réflexion, textes, commentaires et schémas basés en grande partie sur « Piloter l’interaction avec le consommateur : Un impératif pour le marketing Janvier 2007 » Gaël Bonnin, Edhec.

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valeurs afin de déclencher l’action d’achat (ici, l’action du vote). Nous sommes dans une approche purement représentative et délégataire du pouvoir. Il s’agit d’une démarche au cœur de la logique de masse taylorienne, les outils et méthodes appliqués par les marketeurs politique sont en cohérence avec ces fondamentaux : « on vend le candidat » et ses valeurs qui sont (on l’espère) en phase avec les remontées d’étude du marché. Les élections de 2000 à 2008 ont permis de prendre conscience de la limite du système pour notre société post-industrielle. 3.5 Un marketing innovant basé sur les cibles eux-mêmes dans un univers crowsourcing. Quelles prémices de changement ou quels signaux de changement ?

Un univers avec un nouveau concept stratégique : Internet chaudron du «Crowdsourcing ».

Le crowdsourcing est un néologisme conçu en 2006 par Jeff Howe et Mark Robinson, rédacteurs à Wired magazine. Inspiré de l'outsourcing, qui consiste à faire réaliser en sous-traitance et donc à externaliser des tâches qui à la base n’est pas du métier fondamental de l'entreprise mais avec certaines différences essentielles. En effet, le crowdsourcing consiste à l’appliquer ou non au cœur de métier et à utiliser la créativité, l'intelligence et le savoir-faire d'un grand nombre d'internautes et ce, au moindre coût. La traduction littérale de crowdsourcing est « approvisionnement par la foule », traduction qui ne reflète toutefois pas le véritable contenu du vocable. Une autre proposition de traduction pourrait être : « impartition à grande échelle » ou encore « externalisation à grande échelle». De nombreux cas d’illustrations1 fascinants sont là pour affirmer l’émergence de nouveaux fonctionnements sur ce terrain, le plus emblématique de l’enjeu, compte tenu de son échelle financière, est sans aucun doute le cas de Rob McEwen2, inspiré par la démarche de Linus Torvalds. Ce dernier, PDG de Goldcorp, société minière de l’Ontario de 50 millions de dollars en 1993, au bord de la faillite, a imaginé pour s’en sortir, de mettre en ligne ses secrets les plus précieux, à savoir ses données géologiques et a fait appel aux chercheurs épars sur le Web, transformant ainsi un mode d’exploration suranné en une machine de prospective tirant parti des meilleurs talents. Offrant 575.000 dollars, la Société a reçu des propositions d’environ mille prospecteurs virtuels. Les origines et les méthodes utilisées par les internautes géologues parfois amateurs étaient diverses et inattendues. Ils ont signalé 110 cibles sur le terrain dont 50 % n’avait pas été repéré par l’entreprise, dont plus de 80 % ont fourni des quantités d’or très importantes. Depuis le lancement du défi, huit millions d’onces ont été découvertes ce qui a permis à la Société Goldcorp de se remettre à flot. En 2007, son chiffre d’affaires a ainsi atteint 13 milliards de dollars. Ce qui précède, est un exemple de Crowdsourcing très rentable et une démarche innovante à l’encontre de tous les logiques et stratégies de ce milieu, des compagnies minières, très fermées comme on peut l’imaginer..

On comprend avec cet exemple la puissance de la co-production potentielle de ses clients, consommateurs ou simplement tous les stakeholders et du nouveau modèle de partage du pouvoir, l’information étant une des formes variées du pouvoir.

Bel exemple de cas à étudier en intelligence économique et partage des connaissances pour fonder une stratégie. Nous allons voir quelle émergence et quelle formalisation apparaissent dans le domaine marketing.

1 Wikinomics by Don Tapscott and Anthony Williams 2 http://en.wikipedia.org/wiki/Rob_McEwen

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Un marketing pull : Un marketing de rupture en politique

Une rupture dans la pensée marketing1

Notre réflexion s’appuie sur la perspective d'analyse et les travaux qui ont leurs origines dans un courant de pensée émergeant, cristallisé récemment par deux travaux fondateurs (Vargo et Lusch, Evolving to a New Dominant Logic for Marketing, janvier 2004, Journal of Marketing ; Arnould et Thompson, Consumer Culture Theory, Journal of Consumer Research, mars 2005). Ces deux travaux préfigurent une rupture dans les pratiques et stratégies du marketing. La solidité théorique et la convergence entre différentes recherches indiquent qu‘au-delà des effets de mode, cette nouvelle vision des consommateurs et du marketing offre un très fort potentiel d'innovation.

Une synthèse des évolutions des courants de pensée en marketing

De nouveaux leviers d'innovation marketing La perspective d'interaction consommateur-marketing-valeur est fondée sur le principe que c'est le consommateur qui transforme la proposition de valeur en valeur effective à partir de l'interaction entre l'offre marketing et ses propres logiques d'usage. Cette perspective est plus complète et plus en phase avec le contexte concurrentiel et social contemporain des entreprises. Ces travaux de recherche sont menés dans cette logique pour comprendre ce processus d'interaction, évaluer les adaptations nécessaires des pratiques marketings et développer des modèles d'action sur les marchés innovants.

Il est notable de constater que l’approche marketing basée sur ces nouveaux fondamentaux est mise à l’épreuve actuellement dans le domaine du business politique et c’est bien sur cette logique que l’équipe de B.Obama a conçu sa stratégie marketing.

1 Paragraphe : Réflexion, textes, commentaires et schémas basés en grande partie sur « Piloter l’interaction avec le consommateur : Un impératif pour le marketing Janvier 2007 » Gaël Bonnin, Edhec.

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Une perspective d'analyse alternative:

L'interaction consommateur-marketing-valeur (schéma construit à partir de Arnould et Thompson, 2005 ; Arnould, 2005 ; Koenig, 1996)

3.6 Une remise en cause des fondamentaux stratégiques dans le business Politique Si l’on se doit d’être factuel sur les constituants de la stratégie de l’équipe de B.Obama, nous la décririons avec les facteurs et les actions opérationnels suivants : Les leviers essentiels de la campagne MyBO se sont appuyés sur les choix majeurs qui en ont fait une campagne de mobilisation et de communauté en dépassant le marketing traditionnel dans ses démarches afin d’obtenir une implication militante étendue et innovante, même si certains aspects orthodoxes n’ont pas été délaissés comme l’application du ciblage (Micro-targeting), etc. Les fondements marketing et opérationnels de la campagne ont été construits sur un message collectif, déclinable et ouvert (de manière à dépasser le parti) dans le but de fédérer les nouvelles cibles, jeunes et minorités non-votantes initialement, s’associant ainsi les cibles les plus dynamiques. L’usage majeur des nouvelles technologies a été fortement mis à contribution afin de bénéficier de nouvelles pratiques et de créer une rupture dans les anciennes approches stratégiques et marketing. Enfin, la remise en cause de la hiérarchie taylorienne top-down industrielle s’est transformée en une organisation décentralisée et un commandement « guérilla » dans lequel le pouvoir a été partagé. La synthèse des points clés de la campagne présidentielle de B.Obama de 2008 peut se concrétiser par des facteurs clés opérationnels dans le but de servir de cadre de réflexion à une transformation de cette approche et d’une mise en œuvre opérationnelle en France dans le cadre des élections de 2012: Commencer tôt la mise en oeuvre, Construire sur des fondamentaux permettant une forte croissance, Innover lorsque nécessaire; faire tout le reste simplement et concret, Rendre le tout simple à trouver, à partager et à agir, Choisir l’endroit où vous souhaitez agir, cibler.

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Orienter l’enthousiasme en ligne dans des activités de campagne, ciblées afin d’étendre les objectifs, Intégrer la campagne de sensibilisation en ligne (online advocacy) dans chacun des éléments de la campagne, - Un campagne de recueil de dons en ligne, - Un axe de communication sur la personne du candidat, mais surtout sur des valeurs à partager, à s’approprier, - Une organisation décentralisée, - Un lien du « online » et « offline » très abouti, - Un relais sur les réseaux sociaux existants très élaboré, - Simplifier l’engagement des sympathisant ou indécis (« one click »), - Des outils opérationnels pour participer selon différents niveaux, - Un commandement « guérilla » (centre de commandement délocalisé, mais hiérarchique, suivi et encadrement présents), - Une segmentation aboutie des publics (Jeunes, femmes, No-CSP, etc…), - Achat et surtout constitution d’une base de données élaborée (identique à Catalist aux USA), - Un usage personnalisé, prononcé et lié de tous les outils « nouvelles technologies » (sms, emails, réseaux, etc.…), - Autonomisation et Responsabilisation politique des militants (Empowerment, logique militante « peer-to-peer »), - Un tableau de bord de gestion de « Sa » campagne pour chaque militant, - Créer un sentiment d’appartenance et de reconnaissance des militants et sympathisants, dépasser le cadre d’un parti, Pour aller plus loin, « Issue du Rapport Edelman Digital1 » Voir le rapport Edelman Digital qui a écrit un document qui nous emmène à l’intérieur de la campagne Obama. Ce document peut-être téléchargé. Il donne quelques leçons sur la stratégie d’utilisation des médias sociaux dans la campagne d’Obama. Dans la suite de cette analyse et du diagnostic du renouveau stratégique et marketing des campagnes présidentielles américaines de 2000,2004 et 2008. Du cadre stratégique globale et des aspects opérationnels analysés et décrits que nous allons travailler la proposition de construire un premier essai de Réseau Social Politique pour les élections de 2012 (en rédaction pour le 10/2010). Nous allons vous en décrire la trame stratégique proposée puis le déroulement opérationnel qui a suivi, dans le chapitre suivant.

1 http://www.edelman.com/image/insights/content/Social%20Pulpit%20-%20Barack%20Obamas%20Social%20Media%20Toolkit%201.09.pdf

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Conclusion générale et prospective : Une absence de lecture globale et une ignorance des signaux faibles du changement stratégique en politique ? 1

Avant de traiter la conclusion sur la dimension de fond de l’innovation-valeur dans le domaine de la stratégie politique et des idées clés qui ont été développées au cours de mon consulting project, ainsi que de mon expérience dans la conception et mise en œuvre du réseau social politique « IDForte », je m’arrêterais un instant sur la dimension méthodologique et donc sur ma démarche de modéliser et d’accéder à l’analyse et au diagnostic stratégique en politique sur un mode identique à l’entreprise et au business en général. Trois questions me paraissent englober l’évaluation de la modélisation que j’ai développée au cours de ce travail, la question de la pertinence, la question du résultat et la question de l’évolution-pérennité. De la pertinence, je dirais que l’approche m’apparait avoir répondu aux attentes sur les aspects d’analyse et de diagnostic. La stratégie de l’entreprise B.Obama me parait plus lisible et plus claire par l’analyse et l’usage des outils modélisants, tels que l’utilisation de « Blue Ocean Strategy » et de la « Judo Strategy » appliquée sa démarche stratégique. L’identification de la stratégie B.Obama prend du relief et gagne en cohérence dans la lecture de son positionnement, de ses facteurs clés et de son ancrage avec les données recueillies et traitées. La question du résultat, revient à dire « Cette modélisation permet-elle de nourrir et d’enrichir une stratégie et d’identifier des facteurs clés ? ». La réponse est, indéniablement, oui, même si du point de vue de l’alignement stratégique cela est plus complexe, la réflexion stratégique de tout projet politique peut sérieusement trouver une aide à la construction d’innovation en politique par cette approche. De plus, j’ajouterais que contrairement à la démarche stratégique actuelle, plus appuyée sur des fondamentaux de marketing et de communication, il me semble que ce type de nouvelle approche réintroduit des bases fondamentales, effectivement, stratégiques. Quant à l’aspect concernant l’évolution, donc la pérennité de cette approche, il semble bien que la mise en œuvre de l’innovation-valeur en politique soit le futur fondement du changement de paradigme actuel en politique. En effet, l’ensemble des valeurs et de la stratégie traditionnelle en politique semble avoir atteint ses limites, les facteurs macro et environnementaux, tels que la montée en puissance de l’économie immatériel, du libre accès à l’information, des nouveaux modèles sociétaux et de nouveaux « business models » d’entreprises, ne sont que quelques exemples des signaux faibles qui accélèrent sérieusement ce changement de paradigme dans la réflexion stratégique. Enfin, pour finir sur la synthèse méthodologique, j’illustrerais une des difficultés majeures du renouveau stratégique en politique que j’ai de nombreuses fois citées et parce que je l’ai vécue, je veux parler de l’alignement stratégique (aussi bien humain que conceptuel), par un schéma représentatif de cette difficulté que j’emprunte au management par la performance2.

1 Cette conclusion emprunte très largement au texte : “E-Democracy vs. Open Democracy » Laurence Allard et Olivier Blondeau. 2 Schéma librement adapté à l’alignement stratégique

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Ce schéma illustre parfaitement l’écueil de l’alignement stratégique, la courroie de transmission, représentant deux éléments principaux que sont d’une part les différents schémas de compréhension synthétisé par ce que j’ai appelé « l’entonnoir stratégique » et d’autre part : la communication humaine. Pour revenir sur le fond du sujet et de mon expérience du réseau social politique « IDForte » et compte tenu de mes propos précédents, j’ai conscience que certaines interrogations paraissent légitimes : « Pourquoi ce mouvement de fond n’est-il pas perçu avec l’acuité et la pertinence nécessaire à la mise en œuvre et à la pratique de ce renouveau stratégique en politique ? Pourquoi cela n’est-il pas appréhender clairement par les stratèges français ? Pour répondre à ces questions nous devons revenir sur les fondements de la réflexion stratégique de la politique et d’Internet selon les stratèges politiques classiques et nous interroger en liminaire sur leurs positions de « l’Internet Politique ». Dans les grandes lignes de leurs réflexions, sur ce que je regrouperais sous le terme de, la « démocratie électronique1 » et aussi des nouvelles caractéristiques qu’ils en dégagent, cela peut se synthétiser par les réponses suivantes:

1 Réseau Social Politique, Communauté Politique, Site de débat Politique, Portail Politique, etc…

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- L’Internet politique peut : améliorer l'information du citoyen, pallier le manque de transparence du jeu politique

- L’Internet politique peut : ouvrir le débat et la discussion comblant l'étroitesse voire la fermeture de l'espace public.

- L’Internet politique peut : autoriser la délibération et la prise de décisions corrigeant les phénomènes de marginalisation des citoyens dans les processus décisionnels.

Cela traduit un schéma de réflexion qui est fondé sur :

- l’idée d'un citoyen actif et éclairé et de la transparence politique, - la réduction de la réflexion du cadre de démocratie au débat, - et, enfin, sur le risque important d'une société sans médiateurs, qui considère les corps

intermédiaires (partis, syndicats, médias) comme le fonctionnement logique et idéal des systèmes politiques.

Si l'on examine les dispositifs de « démocratie électronique » qui ont été expérimentés en France depuis le début des années 2000, on constate que, systématiquement, trois axes sont mobilisés, mais qu'ils donnent lieu à une « mise en procédure » dans les dispositifs d'e-démocratie.

Cette procéduralisation de la démocratie en ligne s'est déclinée en une séquentialisation des activités proposées dans ces dispositifs (s'informer, débattre, délibérer). Chaque axe constitue donc une étape dans une succession, qui plus est, est linéaire et chronologique. Il y a ainsi un temps pour l'information, un autre pour le débat et un dernier pour la prise de décision. On retrouve ici la logique de séquentialisation taylorienne des tâches. Conscients des défauts de cette logique, les concepteurs de ces dispositifs de démocratie électronique, tout en gardant ce système procédurale, tentent d'en corriger à chaque fois les défauts liés à une telle schématisation de la vie démocratique : Pour ne citer que quelques exemples, on ajoutera ici des systèmes de gestion de réputation ou de vote (rating) pour évaluer la pertinence ou l'origine de telle ou telle information, on privilégiera les outils de type wiki, qui favorisent la rédaction collective ou l'annotation de documents afin de permettre la recherche de consensus. On mettra en place des dispositifs de type sites de réseaux sociaux pour encourager l'agrégation de collectifs permettant l'émergence d'une parole experte. Cette approche de la démocratie électronique, définie selon une procédure ordonnée et linéaire, s’accommode, à bien des points de vue, des schémas de pensée actuellement en cours dans la conception stratégique en politique. La difficulté, reconnue par de nombreux chercheurs qui s'accordent pour le constater, réside dans le fait que ce dispositif ne rencontre pas une popularité (une masse critique) suffisante pour en assurer la pertinence et une certaine représentativité. Cela oblige souvent, il faut bien l'admettre, les concepteurs de ces dispositifs à embaucher des équipes de rédacteurs pour animer eux-mêmes ces sites de débat démocratique, singeant ainsi une participation publique au débat. Il faut admettre que prendre la réflexion politique et en l'occurrence la démocratie électronique, sous l'angle de la procédure, s’assimile à un horizon stratégique globalement taylorien. C'est un choix qui relève d'options stratégiques classiques et politiques extrêmement balisées, et que je crois, dépassées. En effet, sur le concept de fond, des chercheurs pointent deux grands types de failles dans ces expériences de démocratie électronique développées en France depuis quelques années. La première touche à la question de la démocratie conçue comme une procédure et la seconde concerne les effets de dissymétrie inhérents à une démocratie pensée comme un régime discursif dans un espace rationnel, très pratique dans le modèle de réflexion stratégique et d’analyse taylorien, que l’on peut traduire comme suit :

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Dans un système pur et parfait, dans lequel les citoyens seraient libres, égaux et liés par aucun engagement préalable, l'approche procédurale pourrait avoir sa pertinence et permettre que se déploie un débat dans lequel la délibération, entendue comme une recherche de consensus rationnel, soit fondée sur un échange persuasif. Il s’agit ici des errements de la réflexion stratégique contenue dans l'idée de démocratie électronique, il convient d'examiner cette posture idéaliste qui consiste à concevoir la démocratie comme un espace rationnel fondé sur la primauté du régime discursif. Dans les faits et compte tenu du fait que le succès n’est jamais au rendez-vous de l’ensemble de ces expériences faites au cours de ces dernières années, les stratèges et les concepteurs de ces dispositifs ont alors deux alternatives, qui sont empiriquement toujours constatées : soit, ils décident eux-mêmes de faire le débat en embauchant des équipes de rédacteurs et en modifiant l'adresse IP de leur machine, c'est-à-dire qu'ils simulent une participation sur le site, et dans ce cas la discussion se transforme immédiatement en opération de communication, soit ils recherchent de l'audience en essayant de jouer la pervasivité des réseaux. Il s'agit alors de porter le débat sur des sites de réseaux sociaux (SNS) en créant un groupe Facebook par exemple ou en générant du contenu sur les sites de partage de contenus comme YouTube, Dailymotion, Flickr, etc.

Il semble évident qu’un facteur ne semble pas compris, la participation en ligne reste tributaire, à la fois du capital social des acteurs engagés et à la fois de leur régime discursif, qui peut prendre des formes et des supports d'expression alternatifs. Il n’existe pas (ou plus) d’unicité d’expression de l’objet politique.

Je citerais Madame Laurence Monnoyer-Smith qui conclut ainsi une de ces articles sur le sujet1 en affirmant l'idée selon laquelle « il serait ainsi opportun de réfléchir à la manière d'intégrer dans les débats ces nouveaux objets qui circulent dans l'espace public, via Internet notamment, de façon à mobiliser une population réfractaire aux formes traditionnelles de discussion politique. En ce sens, toute procédure figée de débat public constitue un frein à son développement et à son appropriation par un large public ; c'est bien là d'ailleurs que réside toute l'ambiguïté de son institutionnalisation ». Il s’agit d’intégrer dans la réflexion stratégique, le changement de paradigme des nouvelles pratiques sociétales de la politique et les nouvelles logiques des outils émergeants d’Internet. Pour illustrer ce diagnostic, je reprends deux conclusions des auteurs Henry Jenkins2 et de John Fiske3 sur les nouveaux modes d’investissement et d’appréhension de la politique.

S'appuyant sur les études récentes du Digital Youth Project4, Henry Jenkins démontre que les opportunités d'engagement pour la « génération Y », celle dite des « natifs digitaux », toujours connectée et mixant devoirs scolaires (learning), pratiques récréatives (messing, hanging out) et plaisir de la bidouille informatique (geeking), sont plus fortes que jamais. Il insiste sur la porosité des frontières entre participation culturelle et engagement civique dans leurs pratiques mêmes des TIC.

Dans le prolongement de ces études, signalons qu’en août 2008, une enquête réalisée par téléphone aux États-Unis, auprès de 2251 adultes de plus de 18 ans, a donné lieu à un rapport particulièrement éclairant sur les pratiques politiques en ligne5.

1 Monnoyer-Smith, « Le débat public en ligne : une ouverture des espaces et des acteurs de la délibération ? » 2 H. Jenkins, Convergence Culture. Where old and new media collide 3 John Fiske , Routledge, 1988 4 M. Ito, (dir.), « Living and learning with new media ». 5 A. Smith, K. Lehman Schlozman, S. Verba et H. Brady, « The Internet and civic engagement », Pew Internet & American Life Project, 2009

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Il en ressort, par exemple, que si les jeunes de 18 à 29 ans utilisent plus Internet que les autres tranches d'âge pour un engagement civique ou politique, les critères sociodémographiques (éducation, revenus, etc.) déterminent peu ces pratiques en ligne, à l'inverse de ce qui a été mesuré off line depuis 1948 par l'American National Election Studies (ANES), 34 % d'entre eux postent sur Internet des contenus touchant aux questions politiques. Cette « activité s'élargissant vers l'engagement politique ou civique », en allant même vers ce qui émerge actuellement comme un slacktivism : devenir ami d'un homme politique sur Facebook en un clic ou soutenir une cause en en devenant « fan ».

Ainsi, dans une atmosphère de « démocratie sémiotique », telle que l'a métaphorisée John Fiske à propos des interprétations pluralisées des programmes de la télévision de masse et qui semble être devenue réalité sur Internet, le « pouvoir-dire » des praticiens d'Internet en cet âge « expressiviste », peut se documenter et se décliner suivant différents registres, à travers diverses sources d'information et suivant des procédures qui n'ont rien à voir avec les débats publics construits de toutes pièces, au sujet de questions éloignées ou mal posées. Le débat des publics peut, lui, se lire, s'entendre, se voir sous un jour chaotique, certes, mais qui exprime néanmoins pleinement l'empowerment des citoyens.

Le Politique remix

Les remixes nous semblent constituer de bons exemples de l’empowerment pour qui veut étudier de l'intérieur comment les contenus auto-créés peuvent être le support d'une expression politique et participer du débat des publics sur Internet. Le remix, sous ses formes plurielles (de la modification minimale d'un contenu à la recréation maximale), est un procédé d'écriture fréquent sur Internet. Il participe typiquement de la digital literacy au sens où l'on apprend sur le Web à s'exprimer en remixant, ne serait-ce que lorsqu'on « copie-colle » un lien vers une vidéo, vers un site, etc., pour l'adjoindre à un contenu de son cru. De nombreux exemples de ce type de pratique élargie de la politique, illustrant la porosité de l’action et de l’engagement politique peuvent être cités, tels que : - le « #hashtag » : C'est par un « hack d'usage » que la fonction politique de Twitter s'est révélée dans sa dimension d'empowerment. Certains utilisateurs ont eu l'idée de générer des mots-clés non naturels (en ajoutant un # devant un mot ou un groupe de mot), des hashtags – qui relèvent informatiquement parlant des microformats se surajoutant aux langages informatiques type html –, pour ouvrir un canal de communication qui pouvait être récupéré par certains moteurs de recherche. Exemple de #hashtag : « #votereport » pour surveiller les bureaux de vote lors de la dernière élection présidentielle aux États-Unis.

À titre de comparaison, on peut citer cette récente étude américaine visant à contribuer au débat sur la participatory culture, tramant les expériences d'open democracy aux États-Unis qui portent sur les mashups et les remixes politiques de la dernière campagne présidentielle de 2008 – sachant qu'un Américain sur quatre a regardé les vidéos du candidat Obama, notamment sur YouTube. Partant du constat que les analyses des user generated content comme forme d'engagement politique, portent trop souvent sur les blogs, les auteurs ont choisi d'étudier plutôt la montée des mashups politiques vidéo, avançant l'hypothèse que ces productions se posaient en allégorie de la capacité d'agir des citoyens. Retraçant l'historique des citizen video remixes, depuis « Vote different » (2007) jusqu'au célèbre « Yes we can » (2008), les auteurs de cette étude ont distingué trois allégories de ce qui amène des citoyens à s'engager dans la création d'un remix politique :

la défense d'une cause ; la protestation politique ; le témoignage.

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« Yes we can », 2008

La dynamique interprétative et l'ouverture des textes propres à la culture contemporaine du remix sont typiques de la « démocratie sémiotique digitale ». Cette culture du remix est aujourd'hui une des modalités de participation à la vie politique, illustrant comment le « nous » d'un pays, d'un groupe, d'une cause, etc., est porté par la voix singulière de chacun au sens symbolique du terme, comme le proposait déjà le philosophe américain Emerson.

En d’autres termes, plus business, on pourrait dire qu’il s’agit dans les cas de la vente d’innovation de vendre le marché qui va avec. En effet, il s’agit de vendre plus qu’un produit ou une solution, mais surtout une nouvelle vision du monde, une manière radicalement nouvelle d’aborder le problème, cela ne peut se faire avec l’économie de remettre en cause les valeurs traditionnelles autour desquelles s’est construite la vision « orthodoxe » de la stratégie, à un moment temporel. La difficulté majeure qui est rencontrée, pour l’ensemble des stratèges politiques, peut se synthétiser par les oppositions dans les notions de e-government à celle de government 2.0, ou plus exactement de « E-Democracy vers l’Open Democracy », entre un monde dont la base de réflexion stratégique cherche l’optimisation et l’économie de moyens versus un monde dont le fondement stratégique nécessite une redéfinition de son espace et de ces facteurs clés, c'est-à-dire un monde d’innovation-valeur.

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Sources : Bibliographie, Publications / Etudes et sites Internet.

Livres de référence du consulting Project

o « Blue Ocean » – De W. Chan Kim, R. Mauborgne - Harvard Business School Press o « Judo Strategy » - David B. Yoffie Mary Kwak - Harvard Business School Press o « Freakonomics » –Steven Levitt o « Les macroeffets de nos microdecisions » – Thomas C.Schelling o « Tipping Point » - Malcolm Gladwell o « L’analyse des sites internet »– S.Rouquette o « L'anti bible du marketing et du management » - Paul Millier o « Communication et marketing de l’homme politique » – Philippe J.Maarek o « Pensée sociale » – C.Guimelli o « Psychologie Politique » – M.L Rouquette o « L'utile Et Le Futile - L'économie de L'immatériel»

O. Jacob, 1994 Charles Goldfinger. o « Crossing the Chasm » Marketing and Selling High-Tech Products to Mainstream

Customers, Harper Business Essentials, 1991

Publications / Études / Journaux

o « Étude internationale sur les collaborateurs parlementaires et leurs usages d'information et de communication on et off line ». By Edelman &

StrategyOne o Report Politics de Terra Nova 2008, janvier 2009 o Etude “The Internet's Role in Campaign 2008”, Pew Internet april 2009. o Etude The Future of the Internet III in 2020. Pew Internet. o Etude “Social Pulpit - Barack Obamas Social Media Toolkit” (Edelman) o Etude “E-Democracy vs. Open Democracy » Laurence Allard et Olivier Blondeau o Washington Post, 2008 & 2009

Sites Internet spécialisés en stratégie et en politique.

o MyBO – Organizing for America: http://my.barackobama.com o Fight the Smears : http://www.fightthesmears.com/ o Blue Ocean Strategy : http://www.blueoceanstrategy.com/ o Judo strategy : http://www.people.hbs.edu/dyoffie/html/ o Open Secret : http://www.opensecrets.org/pres08/ o Rear Clear Politics : http://www.realclearpolitics.com/ o E-politics 2008 http://www.epolitics.com/ o The Pew Research Center's Internet : http://www.pewinternet.org/ o Signaux faibles / Veille & Prospective : http://www.signaux-faibles.fr/ o Politique net : http://www.politique.net/ o Edelman’studies : http://www.edelman.com/ o http://www.fondapol.org o http://thinkingwithedelman.fr/blog/

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