bloch - fons et tellus et la cività

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  • 7/22/2019 Bloch - Fons et Tellus et la Civit

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    Raymond Bloch

    Fons et Tellus et la CivitIn: Mlanges de l'Ecole franaise de Rome. Antiquit T. 99, N2. 1987. pp. 563-571.

    Rsum

    Raymond Bloch, Fons et Tellus et la Civit, p. 563-571.

    La Civit est une colline isole, 5 km environ au sud de Bolsena. Dans une basilique d'poque flavienne, bordant le forum du

    ct du lac, a t dcouverte une ddicace, Fons et Tellus, les ddicants tant Aulus et Lucius Seius, curateurs de l'eau.

    L'inscription a t bien publie par Mireille Corbier dans MEFRA, 95, 1983, 2, p. 719-756. Le gentilice Seius d'o est issu le

    cognomen du fameux Sjan, lui-mme originaire de Volsinies, et le titre de curator aquae ont attir son attention.

    C'est l'union de l'Eau et de la Terre divinises qui est l'objet du prsent article. Exceptionnelle, elle trouve cependant son

    parallle en pays osque, dans le sanctuaire de Mefitis Rossano di Vaglio, fouill par Adamesteanu. Un rcent article de M.

    Lejeune intitul Mezfitis, desse osque (CRAI, janv.-mars 1986, p. 202-213) tudie les inscriptions osques qui y

    (v. au verso) sont venues au jour. L'une d'entre elles est consacre la Terre et l'Eau mfitiennes . On retrouve ainsi l'union

    de la Terre et de l'Eau qui peut avoir une origine trusque. En effet, au pied de la Civit, naissent deux sources qui ravitaillaient

    en eau la ville romaine de Volsinies et d'autre part, l'arrire du temple, une trs profonde faille, d'origine volcanique, est

    apparue. Ces deux particularits gologiques rendent compte d'une ddicace adresse aux deux divinits telluriques, Fons et

    Tellus.

    Citer ce document / Cite this document :

    Bloch Raymond. Fons et Tellus et la Civit. In: Mlanges de l'Ecole franaise de Rome. Antiquit T. 99, N2. 1987. pp. 563-571.

    doi : 10.3406/mefr.1987.1558

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1987_num_99_2_1558

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_mefr_3953http://dx.doi.org/10.3406/mefr.1987.1558http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1987_num_99_2_1558http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1987_num_99_2_1558http://dx.doi.org/10.3406/mefr.1987.1558http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_mefr_3953
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    RAYMOND BLOCH

    FONS ET TELLUS ET LA CIVIT

    II n est certainement pas facile de revenir sur des travaux antrieurstrs loigns dans le temps et si j ai accept cependant de le faire danscette journe consacre Bolsena, c est que je ne voulais pas paratre portermoins d intrt que jadis des recherches qui m ont toujours t cur.J ai choisi comme thme d un expos rapide une question concernant la fois le site de la Civit et la cit de Volsinies romaine qui s est dveloppe aprs 264 et la chute de Volsinies trusque, l emplacement del actuel Bolsena.Voici maintenant une trentaine d annes, entour d une quipe dejeunes chercheurs, provenant de l cole franaise de Rome de villes deprovince franaise ou d autres pays, constamment aid par mon fidle etregrett chef de chantier Vittorio Sottile, auquel a succd son fils Antonio ai dcouvert, environ 5 kilomtres au sud de Bolsena, sur une colline appele La Civit - et ce nom mme tait rvlateur - une petitecit archaque trusque dominant la contre environnante. Il n est pasdans mon intention de revenir sur la description dtaille de ces recherchest l on se rfrera pour la question de l habitat, du temple trusquequi a t dgag son extrmit nord et des tombes qui ont t dcouvertsn contrebas aux tudes parues depuis lors et qui ont contribu fairele point de ces explorations1.Bien des savants et amis, disparus depuis lors, ont supervis la prospection de ce secteur, ainsi R. Bartoccini qui dirigeait la Surintendancedes antiquits de l trurie mridionale, et G. Foti, inspecteur du Muse de

    1 Les fouilles de la Civit ont suscit quantit de remarques en des crits diversqu il m est impossible de citer ici. Bornons-nous rappeler l ouvrage o l on trouvera la description de la recherche et les conclusions principales qui s en dgagent c est celui que j ai publi en 1972 sous le titre Recherches archologiques enterritoire volsinien. De la protohistoire la civilisation trusque (BEFAR, 220), Paris,1972. Signalons encore que Giovanni Colonna qui connat admirablement la rgiona prt attention aux donnes de la Civit en plusieurs de ses crits.MEFRA - 99 - 1987 - 2 p. 563-571.

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    564 RAYMOND BLOCHla Villa Giulia. Le directeur de l cole franaise de Rome tait alors JeanBayet auquel je dois toute ma reconnaissance; il succdait AlbertGrenier, initiateur des fouilles de Bolsena et prcdait Pierre Boyanc etGeorges Vallet, tous passionnment intresss par les travaux de l colequi se sont dvelopps dans l ensemble du secteur archologique et toutspcialement sur le site fcond de la ville romaine. Tous ont droit notrereconnaissance comme tous les savants italiens qui ont prcd ou suiviR. Bartoccini. Et aujourd hui la prsence de Massimo Pallottino, conseillert ami de toujours, nous est particulirement prcieuse. Ce sont MmePelagatti et Charles Pietri, directeur de l cole franaise de Rome, aidsde leurs quipes respectives, qui se sont donn cur, avant d ouvrir Bolsena le muse archologique qui lui manquait, d organiser l expositionde la Piazza Navona et de susciter le colloque qui nous runit ujourd hui. J ai voqu des fouilles remontant plus de trente annes. Depuislors, comme il est naturel, il y a t fait allusion en divers crits de valeurconcernant tel ou tel aspect des donnes archologiques nouvelles qu ellesvaient apportes. Mon attention s appliquera seulement aujourd hui une inscription qui a t dcouverte au cours de l t 1977. Il s agit d untexte pigraphique latin qui a t mis au jour dans les fouilles de la Volsi-nies romaine et plus prcisment dans la basilique d poque flavienne quiborde le forum du ct du lac. Le bloc portant cette inscription a-t-il tremploy dans la construction de cet difice? On ne peut en dcider.L tude de cette inscription a t confie par Georges Vallet et SergeDucroux, un de ses inventeurs, Mme Mireille Corbier qui en a fait part auCongrs international d pigraphie grecque et latine qui s est tenu Athnes e 7 octobre 1982. Sa communication s intitulait : Ddicace Fons etTellus dcouverte Bolsena. Elle en a donn une publication exhaustivesous le titre : La famille de Sjan Volsinies : la ddicace des Seii curato-res aquae2.Je dois beaucoup de reconnaissance Mme Mireille Corbier quim avait fait parvenir ses deux crits. Je l en ai remercie et lui ai dit,naturellement, mon intention de me servir aujourd hui de ses travaux.Elle se serait certainement trouve parmi nous si elle n tait pas partie, ily a peu de temps, en tourne de confrences aux tats-Unis.Partons de la figure (fig. 1) reprsentant l inscription sur son bloc denenfro. Comme le souligne Mireille Corbier, Y ordinano en est soigne,la graphie lgante. Le texte dvelopp se lit : A(ulus) L(ucius) Seii, A(uli)

    2MEFRA, 95, 1983, p. 719-756.

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    FONS ET TELLUS ET LA CIVIT 565f(ilii), curatores aquae ex aere conlato, Fonti, Telluri, sacr(um) - plutt quesacr[um] - c est--dire: Aulus et Lucius Seius, fils d Aulus Seius, curateurs de l eau, (ont fait lever ce monument) consacr Fons et Tellusavec l argent collect.

    50 100cmIFig. 1 - Le bloc inscrit (dessin d Henri Broise).

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    566 RAYMOND BLOCHTout est intressant dans ce texte et peut-tre avant tout le gentiliceSeius d o est issu le cognomen du fameux Sjan, prfet du prtoire de 14 31 ap. J.-C. et que Tacite (Ann. VI, 8) appelle Seianum Vulsiniensem. Lecorrespondant en trusque du gentilice est attest Orvieto et Bolsenasous la forme Sete. Mireille Corbier a trs soigneusement tudi le titrede curator aquae qui n a pas d apparatre dans les municipes avant quecelui de curator aquarum fasse son apparition Rome en 1 1 av. J.-C. Ladate de l inscription est de la fin du Ier sicle avant notre re ou du dbutdu Ier sicle de notre re.Mon intention est d insister sur l aspect religieux de ce texte, sur lavnration conjointe de Fons et de Tellus, puisque c est ces deux divini

    tsu avait t ddi un difice, aujourd hui disparu, construit la suited une collecte. Le groupement Fonti Telluri, avec une asyndte courantedans les ddicaces religieuses, s adresse deux divinits telluriques, Fons,dieu des sources, Tellus, desse de la terre.De toute vidence, la ddicace qui, sous cette forme, est unique dansl tat actuel de notre documentation pigraphique, s explique par les deuxparticularits gologiques majeures de la colline de la Civit, une failletrs profonde que nous avons dgage l arrire du temple cit plushaut, une source jaillissant au pied de la colline, la Sorgente delle bucine, peu distante elle-mme d une seconde source dite Turona dont leseaux ont d tre mles celles de la premire quand, l poque romaine n aqueduc amena l eau bienfaisante jusqu la ville romaine de Volsi-nies. Sans ces deux sources, l habitat de la Civit n aurait sans doutejamais exist3.On trouvera dans les pages 735 739 du volume cit des MEFRA unebonne analyse des exemples pigraphiques o figurent les noms des divinits Fons et Tellus, vnres toujours isolment. Pour la premire fois,elles sont ici associes l une l autre. Il faut noter qu inversement l unionde Crs ou de Terra avec les nymphes des sources n est pas rare dansl pigraphie du monde romain.

    tudions prsent avec prcision le nom et les caractres de cesdeux divinits. Fons, source, fontaine, est un terme qui se retrouve danstoutes les langues romanes, sauf le roumain. Dans le dictionnaire tymologique d Ernout-Meillet, il est soulign que les Anciens rattachaient leterme fundo (Paulus Festus, 74, 28), sans doute cause de la prononciatione jons avec un ferm; des notations tardives remplacent mme le

    3 Cf. le chapitre XIII, intitul Recherches sur la colline de la Civit, problmese datation dans le volume cit supra, p. 2 n. 1 p. 159-198.

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    FONS ET TELLUS ET LA CIVIT 567o par un u {juntes : Priscien, II, 27, 18; Thesaurus, VI, 1028, 31 o le terme figure sur un cachet d oculiste). On en a rapproch le sanscrit dhan-vati, il court, il coule mais peut-tre, comme le suggrent Ernout-Meillet, s agit-il d un ancien nom religieux qui ne se retrouve nulle partailleurs.Il est intressant de prter attention aux termes grecs. Fons correspond la fois , eau courante, source et , fontaine.L tymologie de n est pas sre. On en a rapproch le verbe ,planter, fixer, rendre solide congeler, coaguler cause du froid de lasource qui glace. Mais le rapprochement est loin d tre sr. peutreposer sur *krasna et l on a aussi , source, conduite d eau etau figur, ruisseau de sang, coule de lave, flot de paroles.

    Rome, Fons, divinis, avait une ara sur le Janicule4 et reut untemple en 231 av. J.-C, hors les murs, sans doute devant la porte fontina-lis. C est peut-tre vers la mme poque que Fons fut introduit dans lagnalogie des premiers rois du Latium comme fils de Janus. L affinitde sens entre les mots source et commencement dut inspirer cettefiliation.Gnralement, les sources sont, en Italie, la suite de la Grce, consacres aux nymphes mais n oublions pas qu avant de devenir, l instar dePosidon, dieu de la mer, Neptune prsidait dans la pninsule aux eauxvives et jaillissantes.Passons prsent au deuxime terme de la ddicace volsinienne : Tel-luri, et la prsence de Tellus ne saurait ici tonner. C est Rome une per

    sonnification de la terre nourricire, honore galement sous le nom deTerra Mater et identifie la desse grecque G, Gaia. L loge de la Saturniaellus par Virgile5 est demeur fameux. On sait que bien des motsdans les langues indo-europennes dsignent sous une forme semblable,le sol, la plaine, ainsi talam en sanscrit. Il existe en latin un masculin tel-lumo dont la forme a t rapproche du type trusque lucumo. On peut sedemander si un mot, italique l origine, n aurait pu tre emprunt parl trusque puis, aprs modification, par le latin.Est-il possible de trouver hors du latin, mais non loin de lui, l unionde l Eau et de la Terre ainsi divinises? Il me semble que des recherchesrcentes en pays osque le permettent effectivement. Songeons aux in scriptions qu a livres, depuis une quinzaine d annes, le sanctuaire de

    4 Cic, de leg. II, 56.5 Virgile, Gorgiques, II, 136.

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    568 RAYMOND BLOCHMefitis Rossano di Vaglio, soigneusement fouill et tudi par notreconfrre et ami Adamesteanu. Ces textes pigraphiques, au nombre d unecinquantaine, constituent un prcieux apport pour notre connaissance dela langue osque mridionale et permettent aussi de mieux dfinir lescaractres de la desse Mefitis dont Monsieur M. Lejeune vient toutrcemment de tracer le portrait6. Le sanctuaire lui-mme est un sanctuaire source, vocation confdrale, qui a t frquent du IVe au Iersicle av. J.-C7.Il faut remarquer qu une faible distance de l, l habitat de Serra diVaglio, que fouille et tudie Mme Giovanna Greco, constitue dans la Basilica n pays samnite, un habitat antrieur dont l activit se situe de la finde l ge du bronze au Ve sicle de notre re. Il prsente les caractresd un site indigne trs largement influenc par les Grecs.Mais revenons Mefitis, dont / intervocalique est celui d une dessenon latine, mais bien osque. Le site mfitien le plus connu est sans doutecelui d Ampsanctus (fig. 2), aujourd hui Ansanto, qui est install la lisire e sources volcaniques dgageant une odeur sulfureuse, susceptible,selon les Anciens, de donner la mort celui qui la respirait. Il tait connudans toute l Italie pour son aspect spectaculaire et effrayant, comme denombreux textes en tmoignent. C est ce caractre spcifique qui, selonM. Lejeune, a fait basculer Mefitis dans le monde des dmons. Une mtonymie a transform le thonyme qui est devenu un appellatif dsignant lapuanteur. Ce sens a persist dans les langues romanes.Mais Rossano di Vaglio, a, pour sa part, une grande source d eaupure et non pas sulfureuse et Mefitis y devait tre, l origine, une dessede source, salutaire et bienfaisante. On voit comment le caractre diffrent de deux sites profondment religieux a pu faire basculer la natured une mme divinit. Rossano, Mefitis est associe Jupiter ce quimontre son importance parmi les populations locales. Il est une inscription armi la moisson de textes dcouverts, qui nous intresse particulirementci. C est l inscription RV-52, selon la numrotation de M. Lejeune.Elle indique que le domaine du sanctuaire tait consacr la Terre etEau mf itiennes : (voir le latin humus) [] (voir le grec) []. Nous retrouvons ici une union thologique voisine decelle de Fons et Tellus Bolsena bien que, selon une habitude religieusetrs rpandue en pays osque et qu on relve plusieurs reprises sur la

    6 M. Lejeune, Mefitis desse osque, dans CRAI, janvier-mars 1986, p. 202-213.7 On trouvera de prcieuses indications ce sujet dans le livre / Lucani de MmeA. Pontrandolfo-Greco.

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    FONS ET TELLUS ET LA CIVIT 569

    INSCRIPTIONS INDIGENESINSCRIPTIONS LATINEStextes ui

    1 LAVS POMPEIA2 CREMONA3 ROMA4 ATINA5 EQVVS TVTICVS6 CAPVA7 AECLANVM8 AMPSANCTVS9 POMPEII10 Russano di V.11 POTENTIA12 GRVMENTVMFig. 2 Localisation des cultes de Mfitis (1 : CIL V 6353 - 2 : Tacite, Hist. Ill, 33 -3 : Varron, L.L. V 49; Festus, p. 439 Lindsay - 4 : CIL X 5047 - 5 : CIL IX, 1421 -6 : CIL X 3811 - 7 : Vetter 162 - 9 : Vetter 32 - 11 : CIL X, 130 131, 132 133 - 12CIL X 130 133 - Pour 8 et 10 voir texte de l article).

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    570 RAYMOND BLOCHtablette de bronze trouve prs d Agnone, dans le Samnium, les deux divinits soient troitement associes Mfitis dont elles dpendent8. Mais cen est pas le cas, on l a vu, Bolsena.

    Ajoutons enfin que Rossano di Vaglio a fourni (RV-19) le mot interprt par M. Lejeune comme la source divinise dans une inscriptioncomprenant deux thonymes en asyndte : , c est--dire Jupiter, la Source9.Les indications sommaires que je viens de vous prsenter dmontrent, il en tait besoin, l importance des recherches archologiques etphilologiques qui se droulent en pays osque et leur incidence sur notreconnaissance des religions de l Italie centrale. On se rfrera aux importants ravaux de nos collgues et amis, Aldo Luigi Prosdocimi et UgoBianchi 10.Cette union de l eau et de la terre divinises Rossano di Vaglio, dela source et de la terre galement divinises Volsinies, existait-elle djdans la Volsinies trusque et la ddicace volsinienne aurait-elle ainsi uneorigine toscane? Le fait que le groupement Fonti Telluri n apparat pi-graphiquement nulle part ailleurs rend la chose vraisemblable. Dans lesdiffrents cas que nous venons d envisager sont unies entre elles deuxdivinits bienfaisantes, la Terre et l Eau pure jaillissante, la source. Jeserais trop incomplet si je ne rappelais pas ici un fait bien connu : leseaux thermales chaudes sulfureuses n taient pas dans l Italie ancienne,o leur nombre tait trs grand, l objet d une moindre vnration et unetabella defixionis, une tablette en plomb, est rvlatrice cet gard11. Lelieu de sa dcouverte est une source thermale de la ville toscane d Arezzo.Aprs le nom de celui dont on souhaitait la perte, un certain Q. Letinius

    8 On sait qu Agnone, dans un bois sacr appartenant Crs (hurtil kerriiin =in luco cereali) neuf divinits sont qualifies de Cereales-Kerriio. La Crs d Agnoneapparat nettement comme une desse agraire, elle est entoure de divinits deseaux, les lymphes ou nymphes (c est--dire les sources, les pluies et peut-tre lesdieux de la rose).9 M. Lejeune, Noms osco-ombriens des eaux, des sources et des fontaines, dansL Italie prromaine et la Rome rpublicaine. Mlanges offerts J. Heurgon (Collectione l cole franaise de Rome, 27), 1976, p. 551-571.10 Cf. A. L. Prosdocimi, Le lingue italiche. L umbro. L osco, dans Lingue e dialettidell Italia antica, ouvrage dirig par A. L. Prosdocimi et correspondant au volumeVI de la srie Popoli e civilt dell Italia antica, 1978, p. 543-559, 585-789, 825-913.U. Bianchi, Gli dei delle stirpi italiche, dans la mme srie, volume VII, 1978, p. 191-236.11 L inscription figure au CIL, XI, 1823, ainsi que dans les Defixionum tabellaed Audollent, Paris, 1904, au n 129.

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    FONS ET TELLUS ET LA CI VITA 571Lupus, l auteur de la dfixion dsigne, comme c est l habitude dans cegenre d excration, les divinits charges d assurer sa mort et c est ainsiqu il les nomme (uti vos) aquae ferventes sive vos Nymphas sive quo alionomine voltis adpellari. Eaux chaudes ou bien Nymphes, l hsitation estrvlatrice.Nous rencontrons ici, dans le domaine trusque romanis, les nomsdes nymphes qui ont inspir de bonnes tudes notre collgue, J.-M. Pailler t qui si souvent sont considres en Italie comme en Grce, commeles gnies des eaux jaillissantes, gnies bienfaisants ou bien au contrairedangereux pour les hommes. Ce sont les Grecs qui leur ont donn formehumaine et peut-tre mme leur nom en les dtachant de l lment aquatique avec lequel sans doute l origine elles se confondaient12. Nombrede ces nymphes, vous le savez, sont devenues partie intgrante du cortgede Posidon, puis de Neptune. En effet, ces dieux, venus avec les migrations ndo-europennes, ne dominaient pas les mers qui n taient gureconnues elles-mmes l origine dans la civilisation indo-europenne.Dans le monde grec, Posidon tait au dpart un dieu chtonien redoutable.n Italie, Neptune tait le dieu des eaux, des fleuves et des sources.Parvenus sur les rives de la Mditerrane, ils sont devenus progressivementomme par ncessit, les souverains des mers dont le mondemoderne n a pas perdu le souvenir.En rsum, pour revenir notre propos, il ne me parat pas indiffrente trouver en pays trusque et en pays osque des ddicaces desdivinits semblables. Fonti Telluri d une part, Homoi et udoi mefitiais del autre. Car nous nous trouvons dans les deux cas dans des contres volcaniques et sismiques o reconnaissance, dvotion et crainte se dirigeaient tout naturellement vers les divinits des sources bienfaisantes etredoutables, vers la terre et le monde chtonien d o provenaient la fcondit es moissons, les sources elles-mmes mais aussi les mouvements deterrain, les grondements et les explosions si redouts encore l poquemoderne. La ddicace romaine passionnante qui nous a retenus, rcemment ortie des fouilles exemplaires de la Volsinies romaine, devait tre lereflet de croyances et de dvotion vivantes en pays trusque, trs probablement Orvieto d o sont venus les habitants de la nouvelle ville, plussrement encore de la Civit.

    Raymond Bloch12 Cf. Mircea Eliade, Trait d histoire des religions, nouv. d., Paris, 1964,p. 177. On trouvera dans ce livre de beaux passages sur les eaux et le symbolismeaquatique.

    MEFRA 1987 2. 38