birman joël et hoffmann christian, « le sujet en excès dans la biopolitique »

8
Topique, 2013, 123, 101-108. Le sujet en excès dans la biopolitique joël BIRMAN Christian hoFFMANN La question du sujet est présente dans le champ des pratiques psy d’au- jourd’hui comme un impératif majeur. on peut même dire qu’on peut faire une coupure entre les pratiques cliniques qui reconnaissent la pertinence de la réfé- rence au sujet et celles où elle est ignorée. La publication, pendant ces dernières années des différents codes nosogra- phiques du dSM, montre l’existence d’un projet psychiatrique et médical où le sujet a été exclu d’une façon progressive et radicale du champ de la psycho- pathologie, qui est dorénavant axé sur le concept de trouble. En outre, le concept médical de syndrome prend toute la scène dans la description des souffrances psychiques, de telle façon que le discours psychiatrique se pré- sente selon la même logique qui a caractérisé le discours de la clinique médi- cale ces dernières années. Si auparavant, en effet, le discours de la clinique médicale était axé sur la description de la maladie, qui était la figure théorique et rhétorique majeure, ces dernières années la figure du syndrome a pris une place stratégique dans le discours médical. C’est le syndrome qui est l’objet des stratégies thérapeutiques et des procédures médicales. La même chose se produit avec le nouveau discours psychiatrique, qui prend à la lettre la nou- velle rhétorique médicale. Les nouvelles descriptions du dSM illustrent ce processus logique et rhé- torique d’une façon exemplaire et caricaturale. La résultante majeure de cela a été l’exclusion du sujet du discours clinique, et même de pratique clinique, avec toutes les conséquences imaginables sur les pratiques thérapeutiques. Si le sujet disparaît, l’individu souffrant se réduit à sa maladie et disparaît comme personne. Il se réduit à partir de là au signe numérique d’une évaluation quan- titative pour nourrir les recherches épidémiologiques. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.22.198 - 16/10/2013 23h22. © L'Esprit du temps Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.22.198 - 16/10/2013 23h22. © L'Esprit du temps

Upload: feng

Post on 03-Oct-2015

3 views

Category:

Documents


0 download

DESCRIPTION

Le sujet en excès dans la biopolitique

TRANSCRIPT

  • Topique, 2013, 123, 101-108.

    Le sujet en excs dans la biopolitique

    jol BIRMAN

    Christian hoFFMANN

    La question du sujet est prsente dans le champ des pratiques psy dau-jourdhui comme un impratif majeur. on peut mme dire quon peut faire unecoupure entre les pratiques cliniques qui reconnaissent la pertinence de la rf-rence au sujet et celles o elle est ignore.

    La publication, pendant ces dernires annes des diffrents codes nosogra-phiques du dSM, montre lexistence dun projet psychiatrique et mdical ole sujet a t exclu dune faon progressive et radicale du champ de la psycho-pathologie, qui est dornavant ax sur le concept de trouble. En outre, leconcept mdical de syndrome prend toute la scne dans la description dessouffrances psychiques, de telle faon que le discours psychiatrique se pr-sente selon la mme logique qui a caractris le discours de la clinique mdi-cale ces dernires annes. Si auparavant, en effet, le discours de la cliniquemdicale tait ax sur la description de la maladie, qui tait la figure thoriqueet rhtorique majeure, ces dernires annes la figure du syndrome a pris uneplace stratgique dans le discours mdical. Cest le syndrome qui est lobjetdes stratgies thrapeutiques et des procdures mdicales. La mme chose seproduit avec le nouveau discours psychiatrique, qui prend la lettre la nou-velle rhtorique mdicale.

    Les nouvelles descriptions du dSM illustrent ce processus logique et rh-torique dune faon exemplaire et caricaturale. La rsultante majeure de celaa t lexclusion du sujet du discours clinique, et mme de pratique clinique,avec toutes les consquences imaginables sur les pratiques thrapeutiques. Sile sujet disparat, lindividu souffrant se rduit sa maladie et disparat commepersonne. Il se rduit partir de l au signe numrique dune valuation quan-titative pour nourrir les recherches pidmiologiques.

    top 123 E4 INT ... - _ET 27/06/13 10:00 Page101

    Doc

    umen

    t tl

    cha

    rg

    depu

    is ww

    w.ca

    irn.in

    fo -

    Unive

    rsit

    de

    Paris

    7 -

    - 8

    1.19

    4.22

    .198

    - 16

    /10/

    2013

    23h

    22.

    L'E

    sprit

    du

    tem

    ps

    Docum

    ent tlcharg depuis www.cairn.info - Universit de Paris 7 - - 81.194.22.198 - 16/10/2013 23h22. L'Esprit du temps

  • Si ce cadre est la rfrence de travail pour la constitution de la politique desant pour la collectivit, entame par ltat, on peut galement remarquer quese dploie l-dessus un discours prventif du risque, o celui-ci sinscrit danslhorizon politique de la socit contemporaine. on reprend ici le concept de risque dans un cadre calculateur, politique et conomique du contrle dusocial. on sait bien que le concept et le mot risque est ambigu et polys-mique, mais on peut bien remarquer qu travers la prsume sant des indi-vidus, ce qui est mis en scne, cest un discours sur le risque social, cono-mique et politique, avec tout le dploiement inattendu que a reprsente pourle lien social.

    on peut dire que lenjeu majeur de tout ce processus est luniversalisationde la biopolitique, qui envahit tous les champs de lespace social. Cest lamdicalisation de lespace social qui est le corrlatif de la biopolitique.Comme disait Foucault, dans un cours au Collge de France, la fin desannes 1970, cest le gouvernement des vivants qui est loprateur politiquemajeur de la bio-politique, o la dmocratie moderne sest constitue.

    Ce processus dune mdicalisation linfini met en question lexpriencede la clinique. Comme on sait, selon Foucault, dans la Naissance de la cli-nique, la constitution de la clinique dans le discours de lanatomo-pathologie,faisait une place un sujet de la finitude. En effet, ce sujet tait dfini par lerapport la mort, au fur et mesure que la vie tait dfinie par Bichat commelensemble des forces qui sopposent la mort. Cest par ce biais que la ques-tion de lindividualit de la maladie et de la singularit du malade a t miseen scne par la clinique au dbut du XIXe sicle.

    on peut dire que les nouvelles modalits prises par la pratique mdicalecontemporaine nont plus rien voir avec lexprience clinique. Cest causede a que la question du sujet a t vacue de la pratique mdicale actuelle,avec toutes les consquences que cela implique du point de vue bio-politique.

    La question fondamentale pose par cette pratique mdicale sans sujet, sur-tout, mais pas seulement dans le champ psychiatrique parce que sur un autreplan la mme question se trouve aussi dans la mdecine somatique, est dor-dre thique. Cest--dire, la question dtre malade nimplique pas lindividudans une exprience vitale, o son tre est mis en question. Au contraire, aufur et mesure quil y a un impratif infini de normalisation ax sur les statis-tiques et les calculs des risques tablis par le discours pidmiologique, lin-dividu doit rpondre au chiffrage de la norme et il ne peut pas tre interpellen tant que sujet dans lexprience de la maladie.

    Cela veut donc dire que la question de la responsabilit subjective a tvacue de la pratique mdicale. Ce qui reste cest une responsabilit dordrejuridique, fonde par des normes tablies par le discours mdical et transfor-mes dans un discours de risques, aux niveaux social et politique. Au registredu rapport entre le mdecin et le patient, qui est-ce quon veut faire remarquer

    102 TopIQuE

    top 123 E4 INT ... - _ET 27/06/13 10:00 Page102

    Doc

    umen

    t tl

    cha

    rg

    depu

    is ww

    w.ca

    irn.in

    fo -

    Unive

    rsit

    de

    Paris

    7 -

    - 8

    1.19

    4.22

    .198

    - 16

    /10/

    2013

    23h

    22.

    L'E

    sprit

    du

    tem

    ps

    Docum

    ent tlcharg depuis www.cairn.info - Universit de Paris 7 - - 81.194.22.198 - 16/10/2013 23h22. L'Esprit du temps

  • dans ce contexte, cest le mdecin en tant quagent normalisateur qui appelleles patients la responsabilit. Nanmoins, cette responsabilit nest pas auxniveaux subjectif et thique, mais aux niveaux social et juridique, o la ques-tion de la norme est tout fait cruciale.

    Ce qui veut dire que le discours mdical prend une direction tout faitmorale au dtriment de lthique, parce que cest la norme qui est toujours enquestion et pas le rapport singulier du sujet envers ce discours moral. Encontre partie, on peut bien remarquer que lindividu nest plus un sujet dansces conditions-l, il est plutt assujetti.

    Cependant, si la responsabilit subjective du sujet a t vacue du dis-cours et de la pratique mdicale, cela veut dire quon ne peut pas constituer undispositif de soins o le transfert peut se configurer et se dployer en tant queoprateur thrapeutique. Bien sr, ce processus produit plusieurs effets nga-tifs dans le psychisme des patients, qui ne sont pas toujours remarqus etreconnus avec la gravit que a mriterait par les praticiens. par contre, lespatients souffrent de ce manque de reconnaissance, qui les isole du lien soi-gnant avec comme consquence un repli sur eux-mmes, qui va en directiondune dshumanisation provoque par le dispositif de soins.

    un des effets majeurs, mais pas le seul, cest la constitution de la rsis-tance la gurison. on peut rappeler que Freud avait dj reconnu ce phno-mne en le dsignant par le concept de raction thrapeutique ngative , enparlant de la clinique psychanalytique, mais on peut llargir vers dautresespaces cliniques. Il faut dire que cest grce la raction thrapeutiquengative que Freud a remarqu les effets pouvantables et mortifres de lapulsion de mort.

    dans cette direction de lecture des impasses de la pratique mdicaleactuelle, on peut remarquer une sorte de production du masochisme chez lespatients, qui comme une poudre enflamme les nouvelles formes de souf-frances, qui ne sont pas gurissables cause de la surdit du mdecin dans ledispositif psychiatrique daujourdhui.

    Cest cause de cela que la question du sujet nest pas seulement fonda-mentale pour rtablir un discours proprement clinique aujourdhui, dans lechamp de la pratique mdicale et psychiatrique, mais aussi urgent, cause deseffets effrayants provoqus dans le corps et le psychisme des patients.

    pour reprendre cette question on va rappeler quelques commentaires sur laquestion du sujet et de la subjectivit, des points de vues philosophique et psy-chanalytique, pour cerner et saisir les conditions de possibilits dun disposi-tif de la clinique, o la problmatique du sujet est fondamentale.

    on peut dire que depuis Kant, dans La critique de la raison pratique, il yavait dj une distinction et mme une opposition entre les registres du sujetet du moi. En effet, si le pauvre moi empirique peut devenir lobjet de laconnaissance scientifique, ce nest pas le cas du sujet, sans lequel il ny aurait

    joL BIRMAN, ChRISTIAN hoFFMANN LE SujET EN EXCS dANS LA BIopoLITIQuE

    103

    top 123 E4 INT ... - _ET 27/06/13 10:00 Page103

    Doc

    umen

    t tl

    cha

    rg

    depu

    is ww

    w.ca

    irn.in

    fo -

    Unive

    rsit

    de

    Paris

    7 -

    - 8

    1.19

    4.22

    .198

    - 16

    /10/

    2013

    23h

    22.

    L'E

    sprit

    du

    tem

    ps

    Docum

    ent tlcharg depuis www.cairn.info - Universit de Paris 7 - - 81.194.22.198 - 16/10/2013 23h22. L'Esprit du temps

  • pas de connaissances, la condition que lui-mme nentre pas dans le champde la connaissance. Le champ du discours proprement thique est ax sur leregistre du sujet.

    Ce qui signifie que tout le champ de la responsabilit suppose la rfrenceessentielle au registre du sujet. En effet, pas de responsabilits thiques sanssujet et rciproquement, de telle faon que le moi ne peut pas tre le soutieneffectif dun horizon thique. dans ce sens, le moi peut tre le ple dun pro-cessus de moralisation, o lhomognit subjective simpose face une vraiesingularit et la responsabilit du sujet.

    hegel a relanc cette opposition kantienne dune faon systmatique, enopposant les registres de lthique et de la morale, en rappelant la dimensioncode et historique de la morale par contraste la dimension singulire delexprience thique. En effet, ce qui simpose dans cette exprience, cest lafaon par laquelle un sujet se positionne face au code moral, o le sujet prenddes risques par sa libert et il se singularise en tant que tel. Cest par ce biais,quon peut remarquer comment la question de la responsabilit implique aussibien la libert que la singularit.

    Schopenhauer a pris cette mme voie dans la critique quil a fait de la tra-dition mtaphysique, en mettant laccent sur le registre de la volont pour fon-der une autre philosophie et une autre thique. par le biais de la volont, cestla primaut de la reprsentation qui a t mise en question, o le moi en tantque centre des processus reprsentationnels serait dirig par la volont. onpeut remarquer que le sujet est le corrlatif du registre de la volont, o est axtout le projet thique et philosophique de Schopenhauer. La question de la res-ponsabilit et mme de la libert se joue maintenant dans le nouveau champouvert par la volont.

    on peut bien voir comme il y a dj chez Schopenhauer des allusions auxregistres de linconscient et de la pulsion, parce que le registre de la volont,par opposition aux registres du moi et de la reprsentation, renvoie quelquechose qui dpasse le registre du moi, de la reprsentation et de la connais-sance. on est dj dans le registre de lau-del proprement dit, o le sujet estmaintenant act.

    Nietzsche a bien compris le bouleversement thorique introduit par la phi-losophie de Schopenhauer, en relanant la catgorie de la volont sous laforme de la catgorie de la volont de puissance. par ce biais-l, on ne peutpas penser la volont sans la puissance et rciproquement. La puissance estloprateur majeur de cette conjonction. Le rapprochement de Nietzsche desnouvelles recherches biologiques, qui ont marqu sa pense plusieursmoments de son parcours philosophique, prcipite toute cette problmatique la limite du vivant.

    La construction du discours freudien et de la psychanalyse sest ancredans cette tradition philosophique, qui de Kant Nietzsche a boulevers la

    104 TopIQuE

    top 123 E4 INT ... - _ET 27/06/13 10:00 Page104

    Doc

    umen

    t tl

    cha

    rg

    depu

    is ww

    w.ca

    irn.in

    fo -

    Unive

    rsit

    de

    Paris

    7 -

    - 8

    1.19

    4.22

    .198

    - 16

    /10/

    2013

    23h

    22.

    L'E

    sprit

    du

    tem

    ps

    Docum

    ent tlcharg depuis www.cairn.info - Universit de Paris 7 - - 81.194.22.198 - 16/10/2013 23h22. L'Esprit du temps

  • tradition mtaphysique. Si lopposition entre le moi et le sujet est au dbut dece renversement dans la tradition philosophique, o le corrlatif est lopposi-tion entre les registres de la morale et de lthique, on peut voir avec clartcomment les problmatiques de la volont et de la volont de puissance sontles points darrive. Cest dans cette brche-l que Freud, avec la constitutionde la psychanalyse, a invent le concept dinconscient, o il a inscrit le regis-tre de la pulsion.

    La question du sujet a t conue par Freud au niveau de linconscient,dans un rapport serr avec lexigence de travail faite au psychisme par la forcede la pulsion. Cest de cette faon que la question de la responsabilit se posedsormais au niveau de linconscient. une nouvelle faon denvisager la cli-nique sesquisse partir de ces prsupposs-l, de telle faon que la questionde lthique en conjonction avec les questions de la libert et de la singularitdessinent un nouveau champ pour penser une clinique axe sur le sujet.

    Comme nous lavons dit depuis le dbut, si la psychanalyse a construit unnouvel espace clinique sur ces coordonnes, cet espace a t dplac autantvers la clinique mdicale que la clinique psychiatrique. Ces coordonnes delexprience analytique nous permettent de faire la critique de la psychiatriebiologique et cognitive, ainsi que la critique de la clinique mdicale centresur lobjectivation du symptme et du syndrome. Le point central de cette cri-tique, cest la dimension tout fait fondamentale du registre thique dans lespratiques cliniques.

    Quest ce que a veut dire ? dabord, il faut bien opposer le registrethique et celui de la morale, o le premier implique le sujet dans sa singula-rit face au code moral de valeurs qui est fig malgr le fait quil soit histo-rique. Ainsi, le sujet dans sa singularit prend une position face au code moral,o se rvlent sa libert et sa responsabilit. Nanmoins, cette responsabilitimplique aussi le dsir du sujet, de telle faon que si le sujet nassume pas sondsir, il est amen dune faon dcisive vers la culpabilit. Celle-ci est tou-jours lindice dun renoncement par le sujet dassumer son dsir, avec tous lesrisques que a implique, du point de vue de la scurit et de la morale tablie.

    Cest dans ce registre quil faut remarquer que dans les socits moderneset dans la contemporanit, le discours moral a pris une direction tout faitnormative, comme le montre Foucault dans sa lecture sur la socit discipli-naire et sur la biopolitique. En effet, les sciences humaines et la mdecine ontforg des normes pour rgler les subjectivits et les liens sociaux, de faon promouvoir un processus massif de normalisation. Selon Foucault, la mde-cine depuis le XIXe sicle a pris la place stratgique de modle pour lensem-ble des sciences humaines, de par le fait que le discours mdical a forg lesconcepts de normal, danormal et de pathologique, pour penser le malaisesocial, psychique et corporel. Cest par ce biais que le processus de normali-sation a pris corps, aux niveaux individuel et collectif.

    joL BIRMAN, ChRISTIAN hoFFMANN LE SujET EN EXCS dANS LA BIopoLITIQuE

    105

    top 123 E4 INT ... - _ET 27/06/13 10:00 Page105

    Doc

    umen

    t tl

    cha

    rg

    depu

    is ww

    w.ca

    irn.in

    fo -

    Unive

    rsit

    de

    Paris

    7 -

    - 8

    1.19

    4.22

    .198

    - 16

    /10/

    2013

    23h

    22.

    L'E

    sprit

    du

    tem

    ps

    Docum

    ent tlcharg depuis www.cairn.info - Universit de Paris 7 - - 81.194.22.198 - 16/10/2013 23h22. L'Esprit du temps

  • Si on considre encore que la discontinuit historique qui a t promise parla modernit a impliqu la substitution de lidal de la sant la place delidal du salut, qui tait tout puissant dans la tradition occidentale depuislmergence historique du christianisme, on peut remarquer comment les dis-cours normalisateurs occupent tout le champ de la morale.

    Alors, si on reprend maintenant le dbut de notre parcours, pour conclure,il faut dire avec insistance que les nouvelles coordonnes des pratiques cli-niques, aussi bien mdicales que psychiatriques, sont orientes par les imp-ratifs de la normalisation. Mme si on se dplace du discours sur la maladievers les discours du syndrome et du trouble, la perspective de normalisationest tout fait prsente. on peut dire encore que le dplacement de la figure dela maladie vers les figures du syndrome et du trouble a t fait pour optimiserla stratgie de la normalisation.

    dans ce contexte, face au discours mdical et suppos scientifique, lepatient occupe une position dassujettissement, o il est destin la culpabi-lit du fait quil ne peut affirmer sa position subjective face la toute puis-sance du discours mdical. En effet, il faut suivre la lettre les prescriptionsmdicales pour se protger et avoir une certaine scurit, mais le prix payerpar le sujet est celui de la culpabilit.

    Force est de dire avec Foucault que la normalisation trouve sa limite dansla rsistance du sujet pour ne pas tre compltement assujetti et domin par lepouvoir. Cest l quon peut retrouver la puissance dsirante du sujet qui faitle contre point aux stratgies de la normalisation, au fur et mesure que leregistre du sujet dborde le champ des normes.

    Cest ainsi quune dimension dinattendu se prsente dans lespace de laclinique mdicale et psychiatrique, o une autre possibilit de la clinique seprsente et o une thique du soin simpose. on peut trouver l lactualit dela psychanalyse dans le champ de la mdecine, malgr les critiques adresses la psychanalyse par le discours mdical et le discours psychiatrique dans lacontemporanit, qui condensent aujourdhui le champ de la biopolitique.

    jol BIRMAN426, Rua Major Rubens vaz

    22420-001 gavia Rio de janeiroBrsil

    [email protected]

    Christian hoFFMANN3, rue des Chantiers

    75005 [email protected]

    106 TopIQuE

    top 123 E4 INT ... - _ET 27/06/13 10:00 Page106

    Doc

    umen

    t tl

    cha

    rg

    depu

    is ww

    w.ca

    irn.in

    fo -

    Unive

    rsit

    de

    Paris

    7 -

    - 8

    1.19

    4.22

    .198

    - 16

    /10/

    2013

    23h

    22.

    L'E

    sprit

    du

    tem

    ps

    Docum

    ent tlcharg depuis www.cairn.info - Universit de Paris 7 - - 81.194.22.198 - 16/10/2013 23h22. L'Esprit du temps

  • Jol Birman, christian Hoffmann Le sujet en excs dans la biopolitique

    Rsum : Le discours mdical prend aujourdhui une direction tout fait morale audtriment de lthique, parce que cest la norme qui est toujours en question et pas le rap-port singulier du sujet envers ce discours moral. Ce processus dune mdicalisation lin-fini met en question lexprience de la clinique. Comme on sait, selon Foucault, dans laNaissance de la clinique, la constitution de la clinique dans le discours de lanatomo-pathologie, faisait une place un sujet de la finitude. En effet, ce sujet tait dfini par lerapport la mort, au fur et mesure que la vie tait dfinie par Bichat comme lensembledes forces qui sopposent la mort. Cest par ce biais que la question de lindividualit dela maladie et de la singularit du malade a t mise en scne par la clinique au dbut duXIXe sicle. on peut dire que les nouvelles modalits prises par la pratique mdicalecontemporaine nont plus rien voir avec lexprience clinique. Cest cause de a quela question du sujet a t vacue de la pratique mdicale actuelle, avec toutes les cons-quences que cela implique du point de vue bio-politique. Nous pouvons reconnatreaujourdhui que la normalisation trouve sa limite dans la rsistance du sujet pour ne pastre compltement assujetti et domin par le pouvoir. Cest l quon peut retrouver la puis-sance dsirante du sujet qui fait le contre point aux stratgies de la normalisation. Au furet mesure que le registre du sujet dborde le champ des normes, il ouvre une autre cli-nique o simpose une thique du soin. Ce qui peut faire lactualit de la psychanalysedans le champ de la mdecine.

    Mots-cls : Clinique mdicale et psychiatrique Norme Morale thique Sujet psychanalyse.

    Jol Birman, christian Hoffmann The Excessive Subject in Bio-politics.

    Abstract : Medical discourse is becoming increasingly moral in contemporarysociety, to the detriment of ethics, as everything now revolves around the norm, rather thanthe individuals singular relationship with moral discourse. This process leads to unboun-ded medicalisation of the subject and undermines the experience of clinical practice. Weare all aware that, as Foucault pointed out in The Birth of the Clinic, the constitution ofclinic in anatomo-pathological discourse created a place for a finite subject. In this light,the individual was defined by their relationship with death, as life came to be defined byBichat as a group of forces opposing death. It is from this perspective that the question ofthe individuality of an illness and the singularity of the sick person was staged by clinicalpractice in the 19th century. We might argue that the new processes introduced by contem-porary medical practice have very little in common with clinical experience. It is for thisreason that the question of the subject has been totally eradicated from current medicalpractice, and this has serious consequences from a bio-political perspective. Today, it isclear that normalisation has found its limits in the resistance the individual opposes to itsoverriding power in order to escape total submission. This is where the power stemmingfrom the subjects individual desire may be pinpointed, balancing out the normalisationprocesses to which he or she may be subjected. As the individual beings to overrun thisframework of norms, paths are opened to an alternative form of clinical practice in whichan ethics of care is essential and which lies at the heart of the topicality of psychoanalysis

    joL BIRMAN, ChRISTIAN hoFFMANN LE SujET EN EXCS dANS LA BIopoLITIQuE

    107

    top 123 E4 INT ... - _ET 27/06/13 10:00 Page107

    Doc

    umen

    t tl

    cha

    rg

    depu

    is ww

    w.ca

    irn.in

    fo -

    Unive

    rsit

    de

    Paris

    7 -

    - 8

    1.19

    4.22

    .198

    - 16

    /10/

    2013

    23h

    22.

    L'E

    sprit

    du

    tem

    ps

    Docum

    ent tlcharg depuis www.cairn.info - Universit de Paris 7 - - 81.194.22.198 - 16/10/2013 23h22. L'Esprit du temps

  • in the field of medicine.Key-words : psychiatric and Medical Clinical practice Norms Morals Ethics

    Subject psychoanalysis.

    108 TopIQuE

    top 123 E4 INT ... - _ET 27/06/13 10:00 Page108

    Doc

    umen

    t tl

    cha

    rg

    depu

    is ww

    w.ca

    irn.in

    fo -

    Unive

    rsit

    de

    Paris

    7 -

    - 8

    1.19

    4.22

    .198

    - 16

    /10/

    2013

    23h

    22.

    L'E

    sprit

    du

    tem

    ps

    Docum

    ent tlcharg depuis www.cairn.info - Universit de Paris 7 - - 81.194.22.198 - 16/10/2013 23h22. L'Esprit du temps