biographie de p.l.ag.o déc. 1993

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La Biographie d'un Présidentiable, Maître Pierre-Louis Agongjo-Okawé, candidat du Parti Gabonais du Progrès à la présidentielle gabonaise du 5 décembre 1993. Éditions Mikambi, Déc. 1993

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Page 1: Biographie de P.l.ag.o déc. 1993
Page 2: Biographie de P.l.ag.o déc. 1993

En couverture

Me Pierre-Louis Agondjo-Okawé,57 ans, marié, 11 enfants, Avocat-Professeur,Honorable Député à l’Assemblée nationale gabonaise,Président du Parti gabonais du Progrès (P.G.P.)Candidat du P.G.P. à l’élection présidentielle de décembre 93.

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Préface: Le sens d’un combat

Dans les pages qui suivent, oeuvre de la jeune et dynamique équipe du journal «LE PROGRESSISTE», le lecteur prendra plus ample connaissance de la très riche personnalité du Président du Parti Gabonais du Progrès (P.G.P.), Me Pierre-Louis Agondjo-Okawé, Avocat-Professeur, combattant de la liberté de la première heure.

De réputation nationale et internationale, homme simple, homme de principes dont la rigueur effraie tous les fossoyeurs des libertés, Me Pierre-Louis Agondjo-Okawé étonne par la précocité de son amour pour J’intérêt général, pour les libertés syndicales et politiques et son sens inné de l’organisation comme moyen de parvenir au triomphe des idéaux qui l’ont inspiré et t’inspirent dans sa lutte contre les forces de régression sociale.

Comme le lecteur s’en apercevra. la vie de Me Agondjo-Okawé est marquée par la constance d’un combat commencé très tôt, comme élève puis comme étudiant et enfin comme avocat et professeur. Il aurait pu, comme beaucoup de ses camarades. choisir la voie de l’enrichissement facile par l’entrée dans l’appareil d’État où sévissent la concussion et la corruption. Beaucoup de ses anciens camarades sont aujourd’hui milliardaires. Le premier avocat gabonais aurait pu suivre cette pente qui a mis aujourd’hui le Gabon par terre. Il a choisi la voie difficile de l’honneur, de la dignité et de la défense de la justice sociale. Constance d’un combat qui lui a fait connaître les affres de la prison et les tracasseries de toutes sortes.

Les Gabonaises et les Gabonais se souviennent aussi du rôle éminent joué par le parti de Me Agondjo-Okawé et sous sa direction pour l’instauration en 1990, au cours de la Conférence Nationale, cours de la Conférence, du multipartisme intégral et immédiat arraché de haute lutte au Parti Démocratique Gabon (P.D.G.) et son Président fondateur Omar Bongo. C’est aussi Me Agondjo-Okawé qui, contre vents et marées réussira à sauvegarder le P.G.P. dont la liquidation était programmée par le pouvoir après l’ignoble assassinant du Premier Secrétaire Général du Parti Joseph Rendjambé.

Fin stratège, il réussira à implanter et à consolider à l’intérieur et à l’extérieur du territoire, le P.G.P. qui est aujourd’hui une force politique incontournable sur l’échiquier politique gabonais. C’est cet homme que le Congrès Extraordinaire du P.G.P. a choisi pour mener aux côtés de ses pairs de la Coordination de l’Opposition Démocratique (C.O.D.) la lutte pour l’alternance en vue du changement réel le 5 décembre 1993.

Les militantes et les militants du P.G.P. ont fait le bon choix. Puisse Je peuple gabonais le confirmer pour l’établissement d’un État de droit et le triomphe des libertés.

Benoît Mouity-Nzamba, Vice-Président du P.G.P.

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CHAPITRE I

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ENFANCE

SCOLARITÉ

ET VIE FAMILIALE

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L’enfance

Les conditions de la naissance

Pierre-Louis Agondjo-Okawé est né le 30 décembre 1936 dans une petite localité appelée Awouta (on parle d’Omboué par commodité), située loin de son propre village du nom de Kongo dans le Fernan-Vaz. Cette naissance qui intervient hors de Kongo, son village ancestral, survient peu après les difficultés obstétricales successives rencontrées par sa mère, Madame Anina Germaine, qui a perdu au cours de ses précédentes maternités deux garçons jumeaux morts à leur naissance, puis un autre garçon qui est également décédé peu après l’accouchement.

À la suite de ces malheurs répétés, la sœur aînée de sa grand-mère, Madame Etombé z’Olago qui avait une amie, Madame Ogandag’Olindi, spécialiste de tradigynécologie (gynécologie traditionnelle), décide d’emmener sa nièce dès les premiers mois de la grossesse du futur Agondjo chez cette femme, habitant le village d’Awouta, à quinze minutes de pirogue du village Kongo. Elle soigna alors sa mère à l’aide d’herbes, jusqu’à la naissance du jeune Agondjo, qui signifie en Nkomi herbes ou l’enfant qui naît grâce aux herbes. En effet, matin et soir, sa mère devait manger des herbes hachées pour son traitement. Utilisé en médecine moderne, il interdit tout rapport sexuel.

Ce 30 décembre 1936, maman Anina Germaine accouche à Awouta d’un enfant de sexe masculin. Chez les Nkomi, le premier enfant qui naît dans ces conditions porte trois types de noms: Agondjo, Ogandaga, lnango ou Nango, pour rappeler l’arbuste qui participe à cette médecine, Ogandag’igondjo, inango ou nango étant le médicament ou l’enfant qui naît grâce à une médication. L’enfant qui suit le premier né s’appelle Akendengué, ce qui veut dire en Nkomi le deuxième enfant né grâce à cette médication. Akendengué vient de okendé kendé, qui signifie «nous sommes tranquilles» ou «]a tranquillité».

En effet, Pierre-Louis Agondjo-Okawé a un frère du nom d’Akendengué Maur qui vit à Ouagadougou (Burkina Faso) né au cours du même séjour auprès de la praticienne Ogandag’Olindi, et ce n’est qu’après cette deuxième naissance que la mère et les deux enfants regagnèrent le village de Kongo. Le troisième enfant est généralement dénommé Avouelé, qui vient de vouelé vouelé, et qui signifie «merci» en Nkomi. Après la naissance du troisième enfant, on reprend le cycle normal des noms. Revenu dans son village, le jeune Agondjo vit avec ses

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grands-parents maternels car entre temps ses parents ont divorcé et sa mère a épousé Charles Ping, un Chinois. De ce second mariage est né un enfant de sexe masculin, Jean Ping qui aurait été appelé Avouelé si sa naissance était intervenue au village, mais qui porta le nom de son père.

L’enfance au village

Resté au village avec sa grand-mère qui rendit sa naissance possible, le jeune Agondjo-Okawé, comme les autres enfants de son âge, commence à s’initier aux premières notions de culture traditionnelle, c’est-à-dire à appartenir à des sociétés initiatiques de son âge, à jouer du tam-tam, à apprendre à tâter les cordes de la cithare, etc. De temps en temps, il va vivre avec sa grand-mère paternelle habitant un autre quartier du village.

Jusqu’à l’âge de dix ans, il grandit donc au village, élevé essentiellement par des femmes qui le couvrent de leur affection. Au cours de cette période, il a un penchant pour ce qui est intellectuel, sans qu’il en mesure la portée réelle. Le dessin est la première chose qui frappe son imagination. Par suite, tout dessin relatif à la broderie dans le village (napperons, taies d’oreillers, etc ... ) lui est confié. Il lui est même arrivé de dessiner un jeu de cartes complet en reproduisant les illustrations des rois, des dames et des valets.

La scolarité

Les études primaires

Un fait inattendu va modifier le cours normal de sa vie. Un jour

d’octobre 1946, M. Ayouné Jean Rémy arrive à Kongo. Il est apparenté à Agondjo par son père du clan Adjéna, clan paternel de la mère de Me Agondjo, et par sa mère du clan Avandji, clan des grands-parents d’Olago-Vandji arrière-grand-père maternelle de Me Agondjo. Une des tantes d’Ayouné épousait aussi Olago-Vandji. Par cette affiliation, M. Ayouné est l’oncle de Me Agondjo, du côté maternel. Il trouve le jeune Agondjo en train de dessiner. Fasciné, il demande si le jeune garçon fréquente une école.

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On lui répond que non. Il s’énerve et dit qu’on l’emmène dès le lendemain à l’école Sainte-Anne du Fernan-Vaz. Il charge alors l’un de ses oncles, Martin Rendjago, de l’y conduire avec un de ses cousins un peu plus âgé que lui, douze ou treize ans environ.

C’est ainsi que le 27 octobre 1946, il rentre à l’école de Sainte- Anne du Fernan-Vaz. Son entrée tardive à l’école est dûe pour l’époque à son jeune âge. Rappelons qu’à cette date il n’est âgé que de dix ans. Il est alors classé dans la catégorie des petits, par opposition à la catégorie des moyens (14-16 ans) et des grands (17-20 ans). Tous les élèves sont logés à l’internat, il n’y a pas d’externat Les petits doivent avoir des protecteurs qui les gardent des brimades des moyens et des grands fréquentant la section de menuiserie. A cette préoccupation s’ajoute un handicap, la distance qui sépare le village de Kongo de l’école Sainte- Anne. Il faut la parcourir en deux ou trois heures de navigation en pirogue et à la rame. Enfin le voilà tout de même à l’école et quand il arrive à Sainte-Anne, il est précédé d’une certaine réputation d’enfant intello., d’enfant prodige. Il y avait sept classes à l’école, du débutant jusqu’en C.M.2. Parmi les petits il y a, entre autres, le futur Professeur Kombila Pierre André et ses frères et Hervo Akendengué Augustin.

Il s’y inscrit et dans cette classe, il ne passe que les trois mois du premier trimestre. Après les vacances de Noël, la direction de l’école décide de l’admettre en C.P.l. Dans cette classe, il occupe les premiêres places du début jusqu’à la fin de l’année. Il passe normalement en C.P.2 et, à nouveau il domine ses condisciples en occupant toujours les premières places. C’est ainsi que lors des dernières compositions, on décide de le faire participer aux examens de fin d’année avec les C.E.1. pour l’admission en C.E.2. Il prend part à ces examens et en sort deuxième. Il passe au C.E.2., sans avoir fait le C.E.l.. Ses maîtres à l’époque avaient pour noms Julien Mbourou, l’ancien député, au cours débutant et Rémy Ogoula en C.E.1.

En arrivant à Sainte-Anne, le jeune Agondjo fait la connaissance de l’abbé Augustin Eléwanyet, Galoa de Lambaréné originaire d’Ashouka et du même clan que son père M. Okawé. Il le prend en affection. Quand arrivent les vacances de l’année 1946-1947, l’abbé Augustin Eléwanyet décide que le jeune Agondjo ne partira pas dans son village auprès de ses parents; il estime que cet enfant, brillant élève, une fois reparti au village, va s’initier au bwiti et à d’autres pratiques traditionnelles condamnables; il risque ainsi de perdre le bénéfice des études. Il fait comprendre aux parents que l’enfant restera à la mission et que pour le voir, ils devront venir à Sainte-Anne.

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Le jeune Agondjo passa donc toutes ses vacances à l’internat, en particulier au campement de pêche de Mboumba où les petits s’occupaient à rechercher du poisson tandis que les grands péchaient à la senne.

Au cours des vacances de l’année scolaire 47-48, l’abbé Augustin Eléwanyet est affecté à Oyem. Il décide naturellement d’emmener Agondjo avec lui et demande l’autorisation à ses parents. Ces derniers adoptent des attitudes contrastées. Tandis que sa mère et son oncle paternel (à la place de son père absent de Kongo) donnent leur accord, ses grands-parents sont plutôt réservés. Ces hésitations n’empêcheront pas le jeune Agondjo de suivre l’abbé Augustin à Oyem. A l’internat, il s’adapte facilement à son nouveau milieu social et apprend rapidement le fang qu’il parle parfaitement par la suite grâce à ses amis d’école. Sa première composition de l’année scolaire 48-49 à Oyem est catastrophique dans toutes les matières. Il est classé dernier pour la première fois depuis le début de ses études primaires.

Il se reprend vite et cravache dur pour rattraper son retard et comble rapidement ses lacunes dans toutes les matières, sauf en calcul où il obtient des notes en dents de scie. A la dernière composition de la même année, il est classé premier et passe en C.M.1 L’année suivante, l’abbé Eléwanyet est affecté à Bitam et le jeune Agondjo repart avec lui dans cette ville. Sur le plan scolaire, il n’éprouve plus que quelques difficultés en calcul.

Quand il termine le C.M.1 à Bitam, l’abbé Augustin Eléwanyet décide de l’envoyer au Séminaire Saint-Jean de Libreville, contre son gré. Il le lui dit à la veille de son départ. Il est inscrit en C.M.2 à l’École Mont- Fort. Au Séminaire Saint-Jean où il est pensionnaire, il fait la connaissance de Paul Malékou, Julien Mezui, Michel Abessolo, Martin Alihanga, Lazare Digombé, Ngoua Noël, etc. A la fin de l’année scolaire il passe le concours d’entrée en sixième au collège Bessieux en même temps que Mba Ndong Marc, le seul condisciple qui a réellement rivalisé avec lui, de telle sorte que quand il était premier, Mba Ndong Marc était deuxième et inversement, de la classe de sixième jusqu’en terminale. II restera encore au Séminaire une année. Ne supportant pas le régime alimentaire imposé par cette institution, il tombe malade.

A sa sortie d’hôpital, il rechute et quitte le Séminaire tout en poursuivant ses études secondaires au collège Bessieux. Il y rencontre, entre autres Jules Bourdès Ogouliguendé, Nyalendo Jean-Paul et Ndouna Dépénaud. Ce dernier interrompra ses études en classe de seconde pour préparer une carrière administrative dans une école de Brazzaville.

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1 - Pierre-Louis Agondjo-Okawé, élève de 3e au collège-Bessieux en 1955.

2 - Avec Jules Bourdès-Ogouliguendéà Lille, en 1961.

3 - Deux étudiants gabonais dans les rues de Lille en 1961, Paul Malékou et Pierre-Louis Agondjo-Okawé (en lunettes).

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Outre ces derniers, Agondjo note la présence d’Abiaghe Angoué, l’actuel gouverneur de l’Ogooué-Maritime qu’il rattrape en classe de cinquième alors que plus tard arrivent à Bessieux Oyé Mba, Rendjambé Joseph, Essongué Michel, Rémondo Max, Rédombo Ernest, Ayo Barro et Damas Ozimo Claude, etc. Le collège Bessieux ne possédant pas de classes terminales à cette époque, il quitte l’établissement pour le lycée Félix Éboué, actuel lycée national Léon Mba, après avoir collectionné la majorité des prix.

Au cours de l’année scolaire 1957-1958 éclate la grève au lycée Félix Éboué. Tous les établissements secondaires de Libreville ferment pendant trois mois. Cette grève, liée au problème de la mauvaise alimentation des internes, va provoquer une contre-grève de la majeure partie du corps professoral du lycée, de telle sorte qu’en fin d’année, les épreuves du baccalauréat étant corrigées à Bordeaux en France, le lycée n’eut qu’un seul élève admis au baccalauréat et en série sciences expérimentales, tous les autres élèves étant «recalés» dans Ies autres séries.

Le cursus universitaire

En fin d’année scolaire 1958-1959, Pierre-Louis Agondjo-Okawé obtient avec la plupart de ses condisciples son baccalauréat, série philosophie, et s’envole pour la France pour poursuivre ses études supérieures. Comme à cette époque les étudiants gabonais se concentrent dans les trois académies de Paris, Lille et Poitiers, il s’inscrit à la Faculté de Droit et Sciences Économiques de Lille et Mba Ndong Marc à celle des Lettres de la même ville en même temps que Mintsa Mi Owono, Owono Nguéma, Nguéma Isaac, Malékou Paul, Rémondo Max, Nzé Emmanuel, Nzé Samuel, Bourdès Ogouliguendé, etc. Cette colonie estudiantine gabonaise retrouve à Lille des anciens étudiants comme Michel Abessolo, Nang Ekamkam et Julien Mezui. Les autres bacheliers de l’époque dont Michel Antchouet, Bouma Maurice et Emmanuel Sipamio Berre sont acheminés sur l’Université de Poitiers. Dès sa première année universitaire 1959-1960, il est lauréat de la Faculté de Droit et Sciences Économiques de Lille (le lauréat est celui qui est le premier d’un concours primé par une médaille). Il passe normalement en deuxième année avec mention passable et, vers la fin de cette deuxième année, il a des problèmes avec les autorités gabonaises qui lui reprochent son activisme politique et qui par suite lui suppriment la bourse.

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C’est le début des ennuis politiques. Exaspéré par cette mesure qu’il trouve injuste, il déclare au Président Léon Mba que désormais il réussira ses examens avec au moins la mention assez bien, ce qu’il réalise, tout en travaillant comme surveillant au lycée technique d’Armentières, à 40 kilomètres de Lille.

A la fin de la quatrième année, il prépare simultanément le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (C.A.P.A.) et deux diplômes d’études supérieures (D.E.S.) en Histoire du Droit qu’il obtient avec mention très bien et celui de Droit privé. Il bat ainsi un record depuis la fondation de la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de Lille. Sur les conseils de son Professeur de Droit, M. Pierre Legendre, Pierre-Louis Agondjo-Okawé monte à Paris au cours de l’année universitaire 1965-1966 pour préparer le concours d’agrégation d’Histoire du Droit.

Le voilà donc à Paris sans bourse. Son premier réflexe est de trouver du travail. Dans le même temps il s’inscrit à l’agrégation à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il obtient une aide du Centre National de la Recherche Scientifique (C.N.R.S.) pour un travail de recherche ponctuel qui lui permettra de suivre en attendant l’avis sur son dossier d’Assistant dans le département d’Histoire du Droit. L’année suivante, sa demande est agréée. Il devient ainsi l’Assistant du Professeur Michel Alliot de cette célèbre l’Université parisienne, dans la section d’Histoire du Droit et dans la sous-section d’Anthropologie juridique.

Il faut préciser que le Professeur Michel Alliot qui a enseigné un peu partout en Afrique, notamment à Dakar et à Madagascar, est l’ancien recteur de l’Académie de Versailles. Aujourd’hui à la retraite, il reste responsable du Laboratoire d’Anthropologie Juridique dont son ancien assistant Pierre-Louis Agondjo est actuellement l’un des membres.

Issu d’une grande famille dont il est l’aîné, Pierre-Louis Agondjo perd son père M. Okawé, mort par accident du travail en 1965, alors qu’il est encore étudiant en France. Sa mère, alors brouillée avec Charles Ping, vit seule avec sa grand-mère et tous les autres membres de la famille. Sous la pression de ses enfants, maman Anina se réconcilie avec Charles Ping. Chez les Nkomi qui relèvent du matriarcat comme les Punu, les Massango et bien d’autres ethnies du Gabon, le chef de famille est le frère de la mère. Mais le jeune Agondjo n’a pas d’oncle utérin, c’est donc le frère de sa grand-mère qui est le chef de la famille. Il s’agit d’Ilougou Pierre; mais celui-ci meurt en 1966 et le jeune Agondjo en tant qu’aîné devient automatiquement chef et seul responsable de la famille.

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Cette situation le dissuade de poursuivre la préparation de son concours d’agrégation en Histoire du Droit. Il décide de ne se consacrer qu’à son doctorat en Droit. En 1967, il soutient sa thèse de doctorat en Droit intitulée «Structures parentales gabonaises et développement» avec la mention très bien, les félicitations du jury et le prix de thèse (thèse à imprimer), d’autant que pour mieux s’imprégner de la notion de coutumes, il avait suivi à la Sorbonne des cours de sciences religieuses, de linguistique, de sociologie, d’ethnologie et d’anthropologie. Pendant qu’il enseigne à Panthéon-Sorbonne, étant titulaire du C.A.P.A., il prête en septembre 1967, au Palais de Justice de Paris, le serment de l’Ordre des Avocats. C’est aussi au cours de cette même année que meurt le Président Léon Mba à l’Hôpital Claude-Bernard à Paris. Il effectue son stage d’Avocat au cabinet du Professeur de Droit Denis Bredin, Avocat à la Cour d’Appel de Paris. Il. s’inscrit également, à l’Institut d’Études Judiciaires de Paris dont il obtient le diplôme. Le 10 août 1968, il décide enfin de rentrer définitivement au Gabon, malgré les ennuis qui 1’y attendent pour s’occuper de sa famille. Il revient au pays avec deux professions, celle d’Avocat et celle d’Enseignant. Le Gabon n’a pas encore d’Université. Il postule donc un agrément au Gabon en qualité d’Avocat-Professeur puis, en tant qu’Enseignant, il sollicite les Universités de Yaoundé et de Brazzaville, à la seule condition de bénéficier de quinze jours d’autorisation d’absence par mois pour sc rendre au Gabon. Cette condition rejetée par les autorités rectorales de Yaoundé est acceptée par celles de Brazzaville, dans le cadre de la F.E.S.A.C., (Fondation de l’Enseignement Supérieur en Afrique Centrale).

Me Agondjo se rappelle toujours son séjour universitaire français. En particulier, il garde un souvenir impérissable et impressionnant des événements de mai 1968, événements qu’il a vécus et qui furent pour lui des moments historiques au cours desquels il prit conscience de l’extraordinaire force que possède une foule en colère. Il ne fut donc pas étonné par l’ampleur des événements qui ont secoué la ville de Port-Gentil en 1990. En se rappelant son cursus universitaire en France, il mesure l’effort accompli depuis ce 27 octobre 1946 où, pour la première fois, il rentre à l’école de Sainte-Anne du Fernan-Vaz, ne connaissant aucun mot de français, n’ayant pour seul bagage linguistique que le nkomi, langue qu’il maîtrise parfaitement et qui lui a permis de s’intéresser un peu plus tard à la linguistique, et qui reste pour lui un outil de travail dans ses recherches historiques et anthropologiques.

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Il en vient aussi à justifier sa vocation pour le Droit à une suite de circonstances dont l’influence fut décisive dans son devenir. C’est d’abord son enfance au village où il vit auprès de ses grands-parents, tous grands chefs coutumiers. Il baigne donc dans le milieu de la chefferie, de la justice, du Droit et du pouvoir, le milieu des trancheurs de litiges, les juristes (lkambi).

Ce milieu va, très tôt, marquer le jeune Agondjo par l’amour du Droit, le refus de l’injustice et de l’oppression. Car le milieu des chefs, c’est aussi celui de la politique, de la résistance à l’oppression coloniale. Son arrière-grand-père maternel, Olago-Vandji était l’un des chefs supérieurs des Nkomi et sera successivement remplacé par ses enfants Ilougou y’Olago et Ndouani y’Olago, tous classés dans la lignée des chefs récalcitrants du village Kongo. Entre 9 et 10 ans, le jeune Agondjo est marqué par deux événements, dont l’un se produit au village Awouta, et l’autre à Kongo. À Awouta, la fille du chef Nkala yi Nkoma, du nom d’Evouandénoréma, actuellement à Omboué, est agressée par un milicien. Elle n’hésitera pas à boxer ce milicien.

L’autre événement aura lieu à Kongo et opposera M. Ziza yi Mboza, oncle du jeune Agondjo, à un milicien qui sera roué de coups par le sieur Ziza, l’intello. du village qui n’accepte pas l’oppression coloniale. Mais si à Awouta le jeune Agondjo assiste en spectateur, à Kongo, il participera à sa manière à l’action contre le milicien, en s’emparant de sa chéchia qu’il transformera en ballon de football. Pour lui, la situation coloniale est vécue à travers les actes répressifs des miliciens et la résistance multiforme des villageois contre ces agissements.

Me Agondjo cite également son professeur de philosophie au lycée Félix Éboué. Un personnage qui semble avoir joué un rôle important dans le choix de sa filière. Lorsqu’il lui rendait les meilleures copies de philosophie, son professeur lui faisait remarquer son style et son raisonnement de juriste. Mais ces influences n’auraient pas eu de prise définitive sans son propre choix. Il se disait qu’en choisissant les études de Droit, il ferait en quelque sorte un retour aux sources, à la coutume qui lie les membres d’un groupe sociolinguistique, la famille, avec le respect des traditions. Ce rôle que sa famille joue dans sa vie politique et professionnelle est très important.

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La vie familiale

La famille stricto sensu

Quand Me Agondjo parle de sa famille, il change de ton et même d’attitude. Il prend un air grave et détendu. Sa famille, affirme-t-il sans détours, est l’élément régulateur de sa vie et en tant que tel, elle lui est indispensable à tout moment. Il sait ce qu’il dit, lui qui, marié depuis 1961 est actuellement père de onze enfants.

Membre d’une nombreuse famille dont il est l’aîné, Me Agondjo est imprégné des traditions des grandes familles. Il est okambi. Régi par la tradition matrilinéaire qui le sépare très tôt de son père par le divorce de ses parents, il souffre beaucoup de n’avoir pas grandi auprès de son père Okawé qu’il ne rencontra qu’à l’âge de quatorze ans. Cet état de choses a consolidé sa conviction à rester entouré des siens. Il œuvre en ce sens pour éviter les mêmes frustrations à ses enfants. Aujourd’hui, quand l’Anthropologue Pierre-Louis Agondjo-Okawé nous expose son expérience familiale, son propos se situe délibérément au-delà de son cercle familiale pour englober sa dimension d’homme d’État.

En l’occurrence, il fait la distinction entre la famille stricto sensu et la famille lato sensu. La famille stricto sensu, c’est celle du type occidental, essentiellement composée du père, de la mère et des enfants, par opposition à la famille africaine plus large. La femme, dans le premier cas, joue le rôle de gestionnaire du foyer conjugal. C’est elle qui s’occupe des enfants à la maison quand le mari est absent. Madame Agondjo Okawé, née Ngowé Joséphine, qui a accepté pour le meilleur et pour le pire, en 1961, de prendre pour époux Pierre-Louis Agondjo-Okawé, serment dénié par bon nombre de femmes dans certaines circonstances, mène une vie pieuse auprès de celui qu’elle a aimé.

Elle a toujours été présente dans les moments difficiles, quand il était étudiant sans bourse ou quand son mari était en prison au Gabon. Elle a lutté de force inégale avec le pouvoir pour obtenir l’hospitalisation et de meilleures conditions de détention pour son époux, sans oublier leur séjour à Brazzaville où en l’absence de son mari, elle a supporté la tension de plusieurs tentatives de coups d’État. Les uns diront qu’il a eu de la chance, les autres penseront qu’il a tiré un bon lot de loterie.

Dotée d’une sensibilité inimaginable et d’un sens d’équité remarquable, Madame Agondjo Joséphine combat comme son mari l’arbitraire et l’injustice sous toutes ses formes.

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1 - Avec Jean Ping, son frère, à Port-Gentil, en 19532 - Avec ses parents maternels au quartier Grand village, à Port-Gentilen 19553 - Madame Agondjo, alors fiancée, en 19564 - M. et Mme Agondjo après la naissance de leur fille aînée , Idjoruba, à Lille en 1964.

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La famille, c’est aussi les frères et les rapports qu’il entretient avec ces derniers, en particulier avec Jean Ping, son frère utérin, mais adversaire politique parce qu’il est membre du P.D.G. et de surcroît ministre d’un système qu’il combat. Me Agondjo reconnaît volontiers que son frère Ping représente pour lui à la fois son malheur et son bonheur.

Son malheur parce que certains de ses adversaires politiques se servent de son frère, en tant que gendre du Président Bongo, pour échafauder de faux scénarios qui ne cadrent pas avec la réalité. Ils ignorent que la politique est comparable à une société initiatique à l’instar du mouiri ou du ndjembé. Ici, les notions de paternité et de fraternité perdent leur sens usuel et cèdent la place au code initiatique qui bouleverse les hiérarchies parentales. Dans ce type de société, le petit-fils par exemple, parce qu’il est le premier initié, dirige son grand-père. Mais dès qu’ils sortent de ce cadre, les hiérarchies parentales reprennent automatiquement leurs droits. On peut évoquer le décès de leur grand-mère pour illustrer ce qui vient d’être dit, décès au cours duquel Me Agondjo et Jean Ping se sont tous deux retrouvés réunis pour les obsèques. Après l’inhumation, chacun est reparti rejoindre sa famille politique.

Mais pour Me Agondjo, Jean Ping c’est aussi son bonheur, tout simplement parce qu’il est son frère et qu’il le restera pour la vie. Dans cette situation, Me Agondjo n’est ni le. premier, ni le seul à avoir un parent appartenant à un Parti au pouvoir autre que le sien. Le Président du P.G.P. évoque pour convaincre, le temps où Léon Mba était l’adversaire politique de Jean Hilaire Aubame le cas de Luc Ivanga, actuellement membre du Rassemblement National des Bûcherons (R.N.B.). Alors que ce dernier militait dans le Bloc Démocratique Gabonais (B.D.G.), son frère Adiahénot était membre de l’Union Démocratique et Socialiste Gabonaise (U.D.S.G.) que présidait Jean Hilaire Aubame. Luc Ivanga ne fut jamais considéré comme un faux opposant.

Point n’est besoin de citer des situations identiques observables de nos jours, tant elles sont nombreuses. L’important en politique, explique Me Agondjo, ce n’est pas ce que les gens disent de vous, mais ce sont les actes concrets qui sont posés et qui différencient les hommes politiques d’une même nation. Il le prouve en montrant qu’aux dernières élections législatives, Jean Ping avait été battu par un candidat du P.G.P. que lui-même avait soutenu. la démocratie étant la respect des opinions d’autrui, Me Agondjo applique cette règle dans ses rapports avec Jean Ping.

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Il en résulte que tout en étant l’adversaire politique de son frère, Me Agondjo respecte ses opinions politiques, même s’il ne les partage pas. Toutes les allégations relatives à ce sujet sont donc des arguments de propagande politicienne. Ils visent à masquer la réalité. Car la réalité est connue de tout le monde. Aucun des détracteurs de Me Agondjo n’est en mesure de montrer en quoi son frère en tant que gendre de Bongo favoriserait sa propre situation. L’on comprend pourquoi cette propagande a pour but de détourner l’opinion des vrais questions qu’elle doit se poser justement sur les rapports passés et actuels de bon nombre d’hommes politiques gabonais avec le fondateur du système monolithique gabonais. En effet, il est de notoriété publique que certains «opposants de circonstance» ont été reçus et nourris par Bongo et d’autres logés dans des hôtels de la place par celui qu’ils n’osent plus nommer aujourd’hui. Voilà qui relève du vécu des Gabonais et qui devait faire scandale, mais que l’on s’empresse de passer sous silence.

A ce propos, Me Agondjo souhaite qu’au cours de cette campagne électorale, tous les candidats à la présidence de la République, y compris le candidat naturel du P.D.G., évoquent au cours d’un débat télévisé leur parcours politique pour éclairer l’opinion nationale sur la part prise par les uns et les autres dans la lutte contre le système monolithique de la Rénovation et donc dans l’avènement du multipartisme au Gabon.

La famille lato sensu

Mais la vie familiale ne s’arrête pas à la famille stricto sensu, ni à son clan des Ananga, elle s’étend aussi aux clans frères des Aziza, Anionga, Aryaguè, Azèguè, Adjavi, Asono, Azandi, aux clans des grands-parents et arrière-grands-parents des Adjéna, Ilongo, Ekamamu, Akasoviba, Asavu, Adjuba, Anuva, Agambo, Ayirui, Ndiwa, Agendjé. Un proverbe nkomi dit qu’un noble (Awontché) doit avoir au moins quinze clans, ce qui lui permet d’y baigner comme un poisson dans l’eau, de les assister ou d’en être assisté, de faire jouer la fraternité et la solidarité parentale à chaque instant.

La famille, c’est aussi la correspondance des clans cités ci-dessus dans les autres ethnies : dans la Nyanga, Me Agondjo est petit-fils dans les villages Bagambu (Agambo), dans l’Ogooué-Lolo, les Magamba sont ses grands-parents comme dans les villages Lumbu les Musanda (Adjéna) ou Punu les Bayéma. Il est fils dans les villages Fang du clan Yengwi (Avemba) etc. C’est ainsi qu’il est le petit-fils de Mouity-Nzamba, de Mbou-Yembi, de feu Moutsinga Paul, de feu Cyprien Moung

uengui

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Mounguengui, neveu de Madame Maganga-Moussavou, de Moun-Gou-Ngou Christian, fils de Mengome Atome, cousin de Ndong-Allogho ou des enfants Ondo, entre autres. Il profite de ses connaissances ethnologiques pour développer ses relations familiales extra-ethniques en tant qu’être détribalisé, en tant que Gabonais fier d’être partout au Gabon chez lui, à l’aise. Car la famille pour Me Agondjo, c’est aussi ceux des siens qui sont maintenant ailleurs, soit dans d’autres localités du Gabon, soit dans d’autres ethnies myéné. Il a ainsi une partie de sa famille chez les Galoa à Latnbaréné, ce sont les Ndjawé, les Rossatanga, les Okawé, les Révangué, les Capito, les Fanguinonvény, etc. Une autre partie se trouve à Libreville, les Aguékaza, notamment ceux de Nomba. Le nom Okoka que portait son grand-père maternel et celui d’ Angandiet que portait son oncle sont d’origine Aguékaza.

C’est pourquoi Ambaye Olivier était son oncle. Lorsqu’il quitte le séminaire, il habite Nombakélé, chez sa grande tante Ngwè-Nanga, sœur du vieux Obélembia et grand-mère de Madame Anguilé Gustave et de la veuve Owassango. C’est là qu’il rencontre pour la première fois Gustave Anguilé, mari de sa cousine, alors éminence grise des divers gouvernements Léon Mba, en sa qualité de ministre des Finances. Cette famille descend d’Onanguiromba, frère d’Olago-Vandji du village Kongo. En raison de la distance entre le colIège Bessieux et Nombakélé,il vit à Nkembo chez la cousine de sa mère, Madame Rémondo, mère de mère de M. Rémondo Max, qui le considère en toutes circonstances comme l’aîné des enfants du foyer Rémondo, de la quatrième jusqu’en terminale. La famille, c’est enfin tous ceux qui ont contribué à sa naissance comme les clans Akori et Arondoma du village Awouta. La famille d’Ogandag’Olindi est ainsi liée à la sienne par la tradigynécologie. Il en est de même de la famille Attipoé qui a aussi contribué à Port-Gentil, LibreviIle et Bitam à son éducation d’adolescent Sa dernière famille est naturellement le P.G.P. Il considère les militants de son Parti un peu comme ses parents au-delà de ceux qui le sont effectivement par le lien du sang ou du clan.

Ainsi, la famille, dans le sens où le vit quotidiennement Me Agondjo transcende-t-elle l’idée que l’on s’en fait traditionnellement. Puisant ses racines dans le clan géniteur, ce lieu de l’imprégnation culturelle, elle jaillit des carcans et des préjugés ethniques et régionalistes tissés par la force de l’habitude pour éclater aux dimensions de la nation, une et indivisible. C’est ici que pour l’homme politique qu’est le président du P.G.P., la famille devient l’un des cadres où se conforte sa raison d’être et d’agir pour l’intérêt général qui, depuis sa prime jeunesse, a décidé Me Agondjo-Okawé à se mettre debout pour un long itinéraire syndical et politique.

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La fidélité en amitié

L’Honorable Pierre-Louis Agondjo-Okawé, Député du P.G.P.lors de l’enterrement du Député suppléant Paul Moutsinga,en compagnie de Benoît Mouity-Nzamba, Vice-Président du P.G.P.

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CHAPITRE II

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ITINÉRAIRE SYNDICAL

ET POLITIQUE

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L’engagement

Dans le vécu de Me Agondjo, l’action syndicale et l’engagement politique sont les deux facettes d’un même combat. Ils trouvent leur origine dans la situation de l’Afrique, du Gabon en particulier et partant des Gabonais auprès desquels Me Agondjo n’a jamais cessé de se battre pour l’indépendance, la justice sociale et les libertés fondamentales. Ici, itinéraire syndical et politique du militant et histoire de l’Afrique et du Gabon se confondent pour donner sa véritable dimension à la personnalité de Me Agondjo, personnalité façonnée par un engagement de première heure et sans discontinuité jusqu’à ce jour.

Le militant révolutionnaire

En effet, Pierre-Louis Agondjo-Okawé pose ses premiers actes politiques en 1958 au Gabon lors du référendum, mais c’est en France avec le syndicalisme étudiant que ses élans politiques trouvent leurs racines, syndicalisme qui suscite une réaction violente du pouvoir. A cause de son militantisme, Me Agondjo déjà redouté par le pouvoir, échappe à une arrestation pendant qu’il se trouve à Lille. Cette arrestation se justifie aussi par ses activités dans le M.G.A.P. (Mouvement Gabonais d’Action Populaire), parti politique clandestin dans lequel militait aussi Nzoghé Nguéma. Me Agondjo s’exile en Suisse où il reste trois mois à rechercher un statut de réfugié politique. N’eut été ses professeurs français, séduits par son intelligence pour s’étonner qu’un de leurs étudiants abandonne ses études, Me Agondjo aurait, comme Ondo-Nzé et Ndong-Obiang, séjourné en prison sous le Président Léon Mba.

Devenu une machine lourde et sans vie, le M.G.A.P. est dissout et donne naissance au P.G.T. (Parti Gabonais du Travail) à la tête duquel on retrouve Me Agondjo. Le P.G.T. mène alors un travail clandestin grâce à ses structures disséminées sur le territoire national gabonais, sous l’impulsion de certains de ses membres dont le retour au Gabon avait été recommandé par le Parti.

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Avec la fin d’études en France d’un nombre élevé de ses militants, ce Parti perd peu à peu de sa vitalité et s’essouffle. Ses objectifs alors inspirés par la ligne de la Fédération des Étudiants d’Afrique Noire en France (F.E.A.N.F.) dont certains membres avaient pour noms, Owono Nguéma, Lemboumba Lépandou, Feu Paul Moukambi, etc., allaient de «l’intégration des intellectuels au sein des masses» à «la prise du pouvoir par les voies légales».

En tant que syndicaliste, représentant les étudiants gabonais en France membres de l’Association Générale des Étudiants du Gabon (A.G.E.G.), les activités de Pierre-Louis Agondjo-Okawé consistaient, entre autres, à se rendre de temps en temps au Gabon pour assister à la Commission des bourses afin de défendre les intérêts de ses condisciples vivant en France. Ces voyages étaient payés par le gouvernement gabonais. Les syndicats avaient alors non seulement un aspect corporatiste, mais aussi politique. Ils s’étaient ralliés aux partis politiques révolutionnaires africains dont la préoccupation était l’indépendance ou soutenaient leur ligne politique. D’où le qualificatif de révolutionnaire qui se justifiait par les actes qu’i1s posaient.

C’est ainsi que les étudiants gabonais, sur l’appel de la F.E.A.N.F., ont mandaté certains de leurs camarades au Gabon pour la campagne en faveur du NON au référendum gaulliste. Quand Me Pierre-Louis Agondjo-Okawé rentre au Gabon en 1968, l’A.G.E.G. existe encore.

Mais elle est déjà minée par l’existence de deux courants opposés. Le courant «entriste» dont Jules Bourdès Ogouliguendé et un peu plus tard Ndémezo’o, seront les apologistes patentés. Les tenants de cette tendance étaient favorables à l’idée de rentrer dans le système Bongo avec pour dessein de le transformer de l’intérieur. Ndémézo’o pour sa part prit comme prétexte la thèse maoïste dite des «Trois mondes» pour justifier son entrée officielle dans le P.D.G. Selon lui, la Chine aidait le Gabon à lutter contre les menaces du révisionnisme et du social-impérialisme soviétique. Et comme pour Ndémézo’o le Parti Communiste chinois représentait la révolution dans le monde, les révolutionnaires gabonais ne pouvaient que soutenir Bongo et le P.D.G. A l’opposé se trouvaient ceux qui, comme Me Agondjo, pensaient, et le présent leur en donne raison, que pour mieux combattre un système, il fallait lutter en dehors de celui-ci. Phagocytée et infiltrée par les agents du pouvoir, l’A.G.E.G. placée sous la houlette de Ndémézo’o était condamnée à l’éclatement et à la désintégration après le retour au Gabon des ténors dont Me Agondjo.

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L’expérience devait montrer que Ndémézo’o était chargé par Bongo de liquider cette association jugée trop révolutionnaire par le pouvoir, à un moment où tout ne procédait que de la volonté de Bongo. La lutte pour l’indépendance réelle

En 1960, année de l’indépendance du Gabon, Me Agondjo est en France. Cet événement n’arrive pas sans provoquer une vive réaction des étudiants gabonais. C’est que l’indépendance des colonies françaises en Afrique est posée depuis 1958 par les intellectuels africains. Mais la métropole écarte toute idée allant dans ce sens, objectant leur manque d’expérience dans de nombreux domaines, dont celui de l’économie et de l’industrie, ces secteurs devant rester l’apanage de la France, comme l’affirmaient certains pendant le référendum de 1958. Cette argumentation se heurtera à une contradiction majeure de la part des intellectuels africains quand, deux années plus tard, l’indépendance fut accordée. Les syndicats gabonais en l’occurrence s’interrogeront sut ce revirement soudain de la part de la France.

Il est clair qu’en deux ans les colonies n’avaient pas rattrapé leurs insuffisances. Les intellectuels avaient compris qu’il ne s’agissait là que d’une indépendance factice. Pierre-Louis Agondjo-Okawé était de ceux qui voulaient une indépendance réelle, au contraire de Léon Mba et d’Aubame qui la souhaitaient sous la forme décidée par la métropole, c’est-à-dire favorable à la consolidation de la mai mise de la France dont l’empire colonial se trouvait en ébullition. Car ce n’est pas de gaieté de cœur que De Gaulle décide de l’indépendance de l’Afrique. Il se rend à l’évidence que l’autorité française dans les colonies s’était fragilisée.

Ainsi, au Cameroun voisin, il y avait à cette époque Oume Nyobé à la tête de l’Union du Peuple Camerounais (U.P.C.) qui, dans une guérilla sans concessions, exigeait l’indépendance du Cameroun. Il en était de même au Togo et à Madagascar, ces mouvements venaient après ceux d’Algérie et surtout après la terrible défaite française dans la cuvette de Dien Bien Phu en Indochine. De Gaulle, tirant les leçons de cet échec avait amorcé des négociations secrètes qui aboutiront aux accords d’Evian. D’une intelligence remarquable, visionnaire à souhait, De Gaulle voulait préserver les intérêts à long terme de la France dans le contexte des rivalités Est-ouest. Il lui fallait trouver le moyen de «reculer pour mieux y sauter». Lorsqu’il est rappelé au pouvoir en 1958, c’est en réalité à une Algérie française qu’il songe, d’où cette célèbre phrase qui lui est attribuée : «L’Algérie sera française aujourd’hui et toujours» .

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De fait, son premier voyage en Algérie est du type impérialiste. Aux prises avec la réalité des colonies, il est gagné par des sentiments plus subtiles.

Dans cette circonstance, la Guinée aura été un élément catalyseur dans le changement d’attitude de De Gaulle. A cette époque Sékou Touré, visiblement anti-impérialiste déclarait: «je préfère être un chien efflanqué et libre que d’être un chien gras avec une corde au cou». Devant cette réalité dans les colonies, De Gaulle crée la Communauté franco-africaine. Cette organisation qui ne durera que le temps d’un feu de paille. Les colonies deviennent indépendantes en association avec la France, ce qui fera dire aux intellectuels africains syndicalistes qu’il s’agissait d’une indépendance qui n’en était pas une, la France continuant à diriger les colonies sous le verni d’une pseudo-indépendance.

Léon Mba pourtant opposé à l’indépendance accepte néanmoins le poste de Président de la République. La réaction des révolutionnaires gabonais est vive. Ils n’hésitent pas à lancer des propos du genre «M. Léon Mba, vous êtes Président avec les attributs, sur le plan international d’un chef État, mais le véritable chef État c’est l’Ambassadeur de France.» En effet la situation du Gabon n’aura pas évolué d’un iota. Pour preuve Bongo prend la tête du pays sans avoir été élu par le peuple gabonais, ni avoir été désigné par Léon Mba qui, à l’époque, agonisait. Les derniers moments de vie de cet homme historique furent à la fois tristes et pitoyables. La salle dans laquelle il fut interné ressemblait à une véritable forteresse. Même ses femmes n’en avaient pas accès. Deux Gabonais auront ce privilège : Bongo et Rawiri. Eux seuls auront vécu ce qui s’était réellement passé. Ils en conservent jalousement le secret face à l’histoire et sur la base d’une confiance entre les deux hommes.

La salle, interdite au reste des Gabonais était pourtant accessible aux Français dont la présence régulière ne fait l’ombre d’aucun doute, en particulier une certaine Madame Gorne, en sa qualité de maîtresse de Léon Mba, dit-on. La version officielle donnée de la mort du premier Président du Gabon est tellement entourée de zones d’ombre que ses enfants ne semblent pas en être convaincus.

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L’on sait par exemple que Léon Mba avait des comptes en Suisse. Curieusement, ses enfants ne sont jamais rentrés en possession de cet argent épargné dans les banques de ce pays. On pense que la seule qui en connaissait les numéros est Madame Gorne qui s’en est probablement appropriée. Me Agondjo, pour cette affaire, sera d’ailleurs consulté par les parents du défunt. Il est donc permis d’avancer que l’indépendance du Gabon, pour ne parler que de ce pays, est «une indépendance octroyée». Voilà pourquoi la France exploite en toute liberté les richesses du Gabon. D’où la présence au pouvoir de Bongo dont le rôle déterminant se résume à préserver les intérêts de la France. Mais le caractère de l’indépendance du Gabon ne suffit pas à expliquer la mainmise de la France sur le Gabon.

La France choisit Bongo

Les origines géographiques de Bongo constituent aussi un élément moteur ayant guidé les Français dans le choix de cet homme. Franceville d’où est issu Bongo regorge des minerais fort cotés en bourse à l’époque, dont certains comme l’uranium et le manganèse seront classés stratégiques dans les Accords de Coopération. Tournée vers le Congo voisin sous régime communiste et donc sous influence de l’ex-U.R.S.S, Franceville se trouve au centre d’une région que la métropole considère comme un point faible capable d’entraîner tout le Gabon dans le giron soviétique. La France met Bongo à la tête de ce pays en espérant qu’une fois au pouvoir, il détournera l’attention des habitants de la capitale altogovéenne de culture congolaise (d’où les noms des quartiers comme Babembé, Poto Poto; des habitudes vestimentaires, notamment chez les femmes marquées par le port du pagne et l’usage de la langue munu kutuba) vers le reste du Gabon. D’ailleurs Me Agondjo qui a longtemps séjourné au Congo, lorsqu’il entreprend en 1971 un voyage à Franceville, est fortement frappé par la manière dont vivent les habitants de cette ville. Il ne trouve aucune différence entre eux et les Congolais. Le choix de Bongo, le moins crédible de tous les "hommes politiques gabonais issus de la région, s’explique aussi par le fait qu’il était manipulable. Ce qui ne pouvait pas être le cas d’Amogho, d’une maturité politique évidente et alors très contestataire aux yeux des Français qui l’ont connu lors de son passage au Haut Conseil de l’Afrique Équatoriale Française (A.E.F.).

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Des hommes et des idées en Afrique Centrale

L’échec de la Fédération centrafricaine

Amogho y siégeait (au Haut Conseil de l’A.E.F.) aux côtés de Barthélémy Boganda, Président de cette institution. Ce fervent «Centrafricain» dont l’aura était suffisamment forte, était l’homme d’État en Afrique Centrale le plus représentatif des aspirations africaines. Il connaissait notamment le sort réservé aux Africains. On peut croire que, clairvoyant et révolutionnaire, Boganda était l’homme dont l’Afrique avait besoin. D’aucuns pensent que cet homme était le Krumah d’Afrique Centrale. Originaire d’Oubangui-Chari, actuel Centrafrique (ainsi baptisé en raison des visées centrafricanistes de Boganda), Barthélémy Boganda lance l’idée des États-Unis d’Afrique Centrale qui, malheureusement, se heurte à l’opposition de certains Africains dont les Gabonais. Le Gabon bénéficiait alors d’un prestige lié à la possession d’immenses ressources minérales, mais aussi d’une tradition de pourvoyeuse de ressources aux autres pays de l’A.E.F. à ses dépens, ce qui faisait dire que le Gabon était «la vache à lait» de l’A.E.F. De plus, les Gabonais étaient conscients de leur taux de croissance démographique relativement faible comparé aux autres pays de la région. Ils ne pouvaient donc pas être favorables à l’idée pourtant noble de ce grand homme historique que fut Boganda .

Le foisonnement démocratique gabonais

Si De Gaulle n’avait pas institué au Gabon cette «indépendance octroyée», ce subterfuge soutenu par ceux qu’on appelait à l’époque «les laquais de l’impérialisme» ou «les chiens rampants», la démocratie amorcée au cours des années soixante, grâce au pluralisme politique, aurait atteint des proportions contraires à l’actuelle démocratie balbutiante. Avant que Bongo n’instaure le Parti unique en 1968, le Gabon voit surgir des partis politiques animés par des personnages au charisme certain. Parmi ceux-ci, le Bloc Démocratique Gabonais (B.D.G.) fondé par Gondjout et Léon Mba.

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Ce dernier fut un moment considéré par la France et les forces économiques comme un révolutionnaire. Le B.D.G. était de fait rattaché au R.D.A. qui partageait le programme communiste, sauf l’idéologie sur l’athéisme. Le peuple gabonais foncièrement animiste, partageait mal les vues communistes sur l’aspect philosophique, notamment le matérialisme dialectique. Le R.D.A. militait à l’origine en faveur de l’émancipation de l’Afrique Noire, ce qui avait donné à Léon Mba une image de communiste. Aubame quant à lui était l’homme des milieux chrétiens. Son Parti, l’Union Démocratique Socialiste Gabonaise (U.D.S.G.), professait un socialisme chrétien. Il siégeait à l’Assemblée nationale française aux côtés du Mouvement Républicain Populaire (M.R.P.), Parti essentiellement chrétien.

Le Parti de l’Union Nationale Gabonaise (PUNGA) de René Paul Souzatte, qui arrive un peu plus tard professe, du moins sur le plan théorique, une idéologie socialisante. Quand ce Parti s’établit, le socialisme d’Aubame et de Léon Mba n’est plus qu’une vue de l’esprit. Le PUNGA arrive donc à point nommé et va donner une bouffée d’oxygène à ces deux aînés visiblement en perte de vitesse. Léon Mba qui est pourtant considéré par la France comme révolutionnaire perd peu à peu sa fibre militante et se retrouve dans le camp des impérialistes. Devant ce revirement idéologique, la métropole ne voit plus en lui «Le diable communiste». Léon Mba devient ainsi l’homme des forestiers qui le mèneront au pouvoir. Les forestiers étaient alors très puissants en raison de l’exploitation du bois qui, à cette époque, était la première richesse du pays sinon sa principale activité économique comme l’est le pétrole de nos jours. Ainsi’, Léon Mba devenu l’homme des forestiers se retrouve face à une dissidence menée par Jean Hilaire Aubame et René Paul Souzatte. Il s’insurge désormais contre toute rébellion naissante, notamment celle de certains de ses compagnons de lutte anti-impérialiste. René Paul Souzatte sera arrêté et jeté en prison, tandis que le PUNGA disparaissai t.

Lorsque Jean Hilaire Aubame s’allie à Gondjout, une alliance contre nature au demeurant, Léon Mba devient encore plus autoritaire. Son poste de Président à l’Assemblée aidant, Gondjout utilise la voie parlementaire en faveur d’une motion de censure. Elle est adoptée à la fois par les hommes favorables à Aubame et par une fraction du B.D.G. en vue de renverser Léon Mba. Quand ce dernier l’apprend, sa réaction est brutale. Outre qu’il en informe ses amis français qui lui conseillent un coup État constitutionnel, il fait arrêter Gondjout et ses complices qui échouent en prison.

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Contre toute attente, Léon Mba, soucieux d’une certaine unité nationale, met à ses côtés Aubame qui devient Ministre des Affaires Étrangères. En fait, Léon Mba croit avoir pulvérisé toute la rébellion pour gouverner en paix. Mais il trouve Aubame encore plus encombrant. Les rapports entre les deux hommes sont de plus en plus tendus. Aubame est finalement démis de ses fonctions gouvernementales. Quelques années après, c’est le putsch de 1964 au cours duquel plusieurs Gabonais furent tués par les forces françaises venues rétablir Léon Mba au pouvoir.

L’autoritarisme appelle la révolte

Quand éclate ce putsch, Me Agondjo est en France depuis 1959. Il fait partie des jeunes gabonais qui voient un signe avant-coureur du changement politique manqué en 1960. Mais quand la France décide de remettre Léon Mba au pouvoir, tous les espoirs suscités par ce putsch volent en éclats. Dans les conditions de l’époque, les révolutionnaires gabonais en France ne comprendront pas une telle attitude de la part de la France. Car ce putsch n’était rien d’autre qu’un dépôt légal d’un Président par l’armée nationale. Il s’agissait donc d’une affaire intérieure au Gabon. Même si certains voyaient derrière ce putsch la main américaine, on ne peut pas dire que le contraire aurait dissuadé les Français d’intervenir. De Gaulle n’avait jamais accepté qu’on ébranle ce qu’il avait mis en place.

Me Agondjo à cette époque est à Lille et ne descend à Paris que lorsqu’il apprend la nouvelle. A peine arrivé à la Gare du Nord, il est ébloui par le grand titre du journal Le Monde : «Le coup État maté au Gabon». Il s’écroule en sanglots. Voilà qui lui permet de mesurer la dimension de l’indépendance arrachée au colonisateur qui forge la conscience, nationale par rapport à l’indépendance obtenue par les Gabonais. Les étudiants gabonais, venus de partout convergent alors à Paris qui devient le temps de l’événement le lieu d’une sorte d’État-major. Tous les particularismes ethno-régionalistes s’estompent pour faire place à un happening centré sur une préoccupation commune les plongeant dans une vive émotion. Visiblement impuissants devant cette triste affaire, les étudiants n’avaient rien d’autre à faire que remplir des sceaux de larmes destinées à leurs frères qui avaient payé de leur vie la tentative de renverser le pouvoir.

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Le parcours du combattant

Dans le mouvement associatif

Il commence avec Joseph Rendjambé qui est entré au collège Bessieux peu après son aîné Pierre-Louis Agondjo Okawé, et qui se retrouve pendant ses vacances scolaires avec lui à Omboué, aux côtés de René Paul Souzatte, pour faire campagne contre le OUI au référendum de 1958. Trois pays du Continent africain avaient voté pour le NON à cette occasion : la Guinée, le Niger et en troisième position le Gabon. Mais dans ce dernier cas, le OUI l’a finalement emporté. Cet échec était lié au revirement de Jean Hilaire Aubame en faveur du OUI et ce, malgré le désaveu de certains membres de son Parti dont Messieurs Simost, Nkombé et Otando.

La présence remarquée de Me Agondjo pendant cette période de la vie politique du Gabon attire l’attention des autorités qui commencent à s’intéresser aux activités du jeune lycéen. C’est aussi en cette année 1958 qu’il se lance dans l’action syndicale et associative. Il est tour à tour Président de l’Union des Jeunes du Fernan-Vaz (U.J.F.), membre du bureau de l’Association des Élèves des Établissements Secondaires du Gabon, puis Secrétaire Général, chargé de l’implantation de l’Organisation de Coopération Intellectuelle (O.G.A.C.I.), le paysage politique national étant dominé par l’action de trois grands partis politiques dont le B.D.G., l’U.D.S.G. et le PUNGA déjà présentés.

Dès sa première année d’études universitaires à Lille, il est élu au Comité exécutif de l’Association Générale des Étudiants du Gabon (A.G.E.G.). Il est membre de la F.E.A.N.F. aux côtés de Henri Lopez (Congolais) du Dr Baroum (Tchadien), de Alpha Condé de Guinée, de Dieng Amadi du Sénégal, de Pouzère de Centrafrique et de Dossou de l’actuel Bénin, etc. Il approfondira sa formation syndicale en participant aux travaux de différentes commissions des congrès organisés par cette fédération. Chargé par l’A.G.E.G. d’une mission de sensibilisation pendant ses vacances à Port-Gentil et à Omboué en 1961, il publie dès son retour en France un compte-rendu dans la revue «L’Étudiant du Gabon», qui lui vaut la suppression de sa bourse.

Quand il rentre en août 1968 au pays, les libertés syndicales et politiques sont bâillonnées. Il n’existe qu’une seule cellule syndicale, la Confédération Syndicale Gabonaise (COSYGA) et le Parti Démocratique Gabonais (P.D.G.) qui sont des structures institutionnalisées de l’État.

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Ce parcours syndical qui achève aussi sa formation politique le conduit une fois au Gabon à la création d’associations qui ont pour but l’éducation et la formation des jeunes. C’est ainsi qu’il participe avec beaucoup d’autres ressortissants de la localité à la création de l’Amicale d’Etimboué (AMETI), dont la première manifestation significative est la célébration du centenaire du Fernan-Vaz, au cours de laquelle les membres de l’amicale évoquent l’histoire de la résistance des habitants à la pénétration française dans le département.

A l’Université où il est enseignant, il aide, aux côtes de Rendjambé, les étudiants à créer une organisation de défense de leurs intérêts placée sous la présidence de Nzoghé Anselme. Les autorités politiques qui suivent les activités de cette organisation arrêtent les membres du bureau exécutif et les professeurs supposés être les instigateurs. Pierre-Louis Agondjo-Okawé et Joseph Rendjambé sont de ceux-là.

Il fut un temps où le Gabon et le Congo ne présentaient aucune différence. L’un se disait capitaliste et l’autre communiste. Mais quant au fond c’était les mêmes régimes monolithiques, jusqu’à la phraséologie : «Comité central» ici, «Comité Central» là-bas; «Bureau politique» et «Camarade» se retrouvaient chez l’un comme chez l’autre. Le Congo sur le plan démocratique n’était pas une référence. Les contacts de Me Agondjo avec la société congolaise étant multiformes, il se réjouissait de rencontrer au Congo ses frères d’armes de la F.E.A.N.F. ou de l’A.G.E.G.

Entre Libreville et Brazzaville, l’expérience congolaise

L’expérience congolaise était pour lui bénéfique car elle lui avait permis d’examiner l’application de la théorie marxiste sur le terrain. Il faut dire que son expérience congolaise, au-delà d’un intérêt intellectuel, fut douloureuse à cause des putschs manqués, le premier s’étant produit alors qu’il séjournait au Gabon et sa famille au Congo. Ce putsch qui conduira certains durs du régime à l’exil, tel Me Moudiléno-Massengo qui, pendant le putsch, se réfugiera chez Me Agondjo dont le domicile était proche. Il sera obligé de s’exiler en France. Établi dans ce pays comme Avocat depuis lors, son mutisme étonne face à l’évolution politique dont son pays est l’objet.

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Me Agondjo vécut des moments forts particulièrement rudes. Par exemple il fut fortement bouleversé quand, rentré au Congo, il trouva une amie dont le mari, M. Matchokota qui occupait alors de hautes fonctions, était devenue veuve. Le pouvoir avait fait découper son mari en morceaux. Me Agondjo juge cette période comme une phase trouble de l’histoire du Congo. Malgré tous ces drames, il fut tout aussi surpris sur le plan des loisirs par rapport au Gabon.

Ainsi les Congolais commençaient à danser à sept heures du matin et cela pouvait durer jusqu’au lendemain. Le Congo pour lui était un drôle de pays. On lui apprit que tout ce qu’il avait vu jusque-là n’était rien comparé à l’époque de Fulbert Youlou. L’expérience congolaise fut enrichissante sur certains points, notamment en raison des contradictions inter-ethniques dont résultaient la grande coupure entre le Nord et le Sud, coupure que l’on retrouve partout, avec au Sud le leadership des Lari réfractaires à l’hégémonie des Mbochi du Nord. Le Congo étant une fenêtre sur l’autre rive a permis à Me Agondjo d’avoir une vision large sur le Zaïre. Tous ces contacts lui ont permis de tirer des enseignements utiles pour le Gabon.

Me Agondjo allait au Gabon tous les quinze jours pour travailler à son cabinet d’Avocat. Ce genre d’activité était supposé être un laboratoire propice à la contestation et ne pouvait à n’en point douter que provoquer une levée de boucliers de la part du pouvoir. Malgré tout, il ne s’était jamais mis à l’idée que la création de son cabinet pouvait constituer une menace pour l’autorité de l’État. Il ne pouvait déjà pas l’ouvrir, car il était alors stagiaire chez Me Julien.

Le jeune avocat voyageait à ses frais entre Brazzaville et Libreville. C’est d’ailleurs dans le souci d’alléger ses frais de transport qu’il s’inscrira à la Faculté de Lettres pour bénéficier du tarif préférentiel auquel avaient Droit les étudiants. Me Agondjo jouissait d’une autonomie financière vis-à-vis de l’État gabonais.

En dépit de ses distances avec le pouvoir, Bongo le fera convoquer à plusieurs reprises pour lui tenir des propos du genre «Tu ne me fais pas peur ... C’est pas parce que tu es le premier avocat de ce pays (...) il paraît que tu me traites d’ignare ... » Me Agondjo en conclut qu’il était l’objet d’une campagne de délation alimentée de rapports compromettant qui étaient l’œuvre d’avocats français qui voyaient d’un mauvais œil l’installation d’un concurrent autochtone. Ce fut en particulier le cas de Me Vannoni alors Doyen des avocats du Gabon, qui se trouvait être aussi l’avocat de l’État gabonais et du Président de la République.

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Du reste les rapports entre M Agondjo et Me Vannoni seront des plus orageux jusqu’à la retraite de ce dernier.

L’universitaire novateur Lorsque Me Agondjo rentre en 1968, il n’y a pas d’Université au Gabon. Mais il y a ce qu’on appelait à l’époque la F.E.S.AC. (Fondation de l’Enseignement Supérieur en Afrique Centrale) qui avait vu le jour quelques temps plus tard. Les Instituts et Facultés étaient concentrés à Brazzaville. Il postule donc une place d’enseignant. Quand le Gabon décide de mettre sur pied cette Fondation, au départ «École de Droit et de Sciences Économiques» qui deviendra par la suite la Faculté de Droit, principale structure universitaire baptisée «L’École de Droit de Libreville», Me Agondjo s’installe à LibreviIle. Mis au fait des performances du jeune universitaire Pierre-Louis Agondjo-Okawé par les autorités universitaires congolaises, le corps enseignant librevillois lui réserve un accueil bien mérité. Il faut préciser que si les performances au Congo du jeune enseignant ont conquis le giron universitaire gabonais, c’est à cause d’un cours très célèbre qu’il introduira dans les programmes de la F.E.S.A.C . Le succès qu’arrache ce cours est tel que, une fois au Gabon, Me Agondjo recevra, de temps en temps la visite de certains universitaires congolais qui venaient pour se donner tout l’outillage nécessaire.

Ce cours portait sur l’histoire des institutions et des faits sociaux. Un cours qui posera des problèmes sans précédent et qui de nos jours a connu une révision qui le transformera en cours d’Anthropologie juridique. C’est en 1970 qu’il enseigne pour la première fois au Gabon. Avec Nguéma Isaac, il introduit une innovation à la Faculté de Droit de Libreville. Nguéma Isaac était un de ses condisciples à Lille et passera comme Agondjo par le Laboratoire d’Anthropologie Juridique de cette Université. Très liés par le destin, les deux hommes auront le même Directeur de thèse avant de se retrouver comme enseignants dans la même Faculté. Le tandem décide donc de fonder à la Faculté une section de Droit traditionnel à côté de celle de Droit privé et public qui seule existait à cette époque.

La nouvelle Section de Droit traditionnel donnait des cours mi- traditionnels, mi-anthropologiques et même sociologiques. L’opportunité de cette section trouve sa raison dans les mutations sociologiques du Gabon.

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Notons que l’Université du Gabon, une fois créée, se trouvait sous la tutelle de l’Université de Nancy en France. C’est ainsi que chaque fin d’année académique, l’Université de Nancy déléguait un Professeur qui venait superviser les examens, et la relation était parfaite tant que rien ne l’ébranlait. C’est à la fin de l’année 1971 que Me Agondjo entame réellement son parcours du combattant, véritable chemin de croix, qui commence notamment avec un rapport cinglant de la part du spécialiste de Nancy. Ce dernier supportait mal que le cours français soit remplacé par un cours d’histoire des institutions africaines. Ce qui avait valu à Me Agondjo l’image d’antifrançais et son expulsion de l’Université qui, à l’époque, avait Owono Nguéma pour recteur.

Les autorités universitaires de Libreville embarrassés devant l’idée de réintroduire le cours français dans les programmes et conserver ou retirer simplement le cours litigieux, décidèrent de mettre à la place un cours de Droit musulman. On dépêchera donc de France un spécialiste dans ce domaine. Bongo s’étant converti à l’islam, le cours de Droit musulman trouvait sa justification. Ce cours sera dispensé jusqu’en 1976. Entre temps, Me Agondjo est jeté en prison et il y restera jusqu’à cette date qui sera aussi celle de sa réintégration en Faculté de Droit de Libreville. En effet, la même année, il lui sera proposé un poste de Ministre qu’il refusera. Une deuxième offre lui sera faite en ligne droite avec son profil. Il est donc nommé Doyen de la Faculté de Droit de Libreville. A peine est-il installé au décanat qu’il réintroduit le cours de Droit traditionnel. Il l’enseigne jusqu’à nos jours.

Le doyen rigoureux

Dans ses fonctions de Doyen, Me Agondjo incarne la rigueur. Pourtant, en 1979, deux événements vont marquer sa vie. Le premier se produit alors que Jean Boniface Assélé est Ministre de l’Éducation nationale et de l’Enseignement Supérieur. A l’Université des partiels sont organisés. Le chef de la scolarité a pour nom Soka, grand militant tapageur et zélé du P.D.G. Au matin, tous les étudiants attendent que commencent les examens. Quand Me Agondjo arrive, il est surpris de constater que rien n’a été fait du côté du chef de la scolarité à qui revenait le devoir d’organiser matériellement les examens et qui dit-on, était parti pour l’aéroport accueillir Bongo, en espérant que les examens seraient reportés au lendemain. Me Agondjo, dans sa grandeur d’homme de rigueur, mit tout en place pour permettre aux étudiants de composer.

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Et cela fut fait malgré le retard observé. Tout comme Madame Ibinga Mangwangu alors Secrétaire Général de la Faculté de Droit et Sciences économiques, il ne cache pas sa rage contre cette dérive idolâtrique du chef de la scolarité. Ce dernier, interpellé et réprimandé par le Doyen Agondjo, cherche à se venger. Il s’arme d’un rapport de quatre pages dans lequel figure toute une série de mensonges contre lesquels Me Agondjo et Madame Ibinga s’inscrivent en faux. A la suite de ce rapport le Président Bongo prend un décret disposant que, dorénavant, tout le corps enseignant serait à l’aéroport à son départ comme à son arrivée, décret qu’il s’empresse de retirer, dissuadé par Me Agondjo qui n’hésite pas à relever le caractère impertinent de ce décret susceptible de provoquer des troubles à l’université.

C’est au cours de l’année 1979 que se produit le deuxième incident. Ndouna Dépénaud vient d’être assassiné. La peur hante tous les esprits. L’air du temps est très morose. Un soir, des individus en uniforme et encagoulé investissent très tard dans la nuit le bureau du Doyen Agondjo. La scène se passe sous le regard craintif d’un veilleur de nuit à qui, après constat, il sera demandé de conduire les inconnus au domicile de Me Agondjo. Malgré les menaces, le gardien dira ne pas connaître le domicile de Me Agondjo. Informé le lendemain, Me Agondjo foncera Droit chez Assélé son ministre de tutelle et chef de la Police. Ce dernier va commencer par organiser sa protection en mettant à sa disposition des tireurs d’élite autour lui, à l’Université et à son domicile. Alertés, ses parents vont débarquer à libreville pour «remettre la vie d’Agondjo» entre les mains du chef de l’État, donc de le rendre responsable de tout ce qui pouvait lui arriver. La réponse fut l’expulsion de Me Agondjo du décanat. Ultime étape du parcours du combattant avant les présidentielles, la lutte pour la survie du Parti Gabonais du Progrès (P.G.P.), dont la liquidation était programmée par le pouvoir aussitôt après sa fondation.

La création du P.G.P.

Il convient de rappeler d’abord que la création du P.G.P. est une œuvre commune. Elle se déroule aussi bien à Libreville qu’à Port-Gentil. En effet, le document de politique intérieur voit le jour dans la capitale gabonaise et sera adopté dans l’Ogooué-Maritime. Cette première ébauche est signée de Pierre-Louis Agondjo-Okawé qui bénéficiera un peu plus tard de la confiance de ses pairs pour présider aux destinées de la nouvelle structure politique.

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Hommage à Joseph RendjambéLa marche de la Coordination de l’Opposition Démocratique (C.O.D.) à l’occasion du premier anniversaire de la mort du premier Secrétaire Général du Parti Progressiste Gabonais (P.G.P.)

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Nan Nguéma, Nan Békalé, Joseph Rendjambé et Aganga Akélaguelo s’attélèrent à l’élaboration minutieuse des documents de politique économique, sociale, culturelle et étrangère. La Constitution de ce dossier aboutit à la naissance du P.G.P. et à l’installation d’un bureau le 10 mars 1990, après le dépôt légal du dossier au Ministère de l’Administration du Territoire.

À la suite d’un bref séjour à Port-Gentil, Me Agondjo se rapproche des associations politiques adolescentes et en fin stratège met au point avec elles le Front Uni des Associations et Partis Politiques de l’Opposition (F.U.A.P.O.). Dans un premier temps, ce front estompe les craintes des uns et des autres. Sous cette bannière, les partis et associations arriveront sereins à la Conférence Nationale et balayeront d’un revers de la main l’idée du R.S.D.G. Me Agondjo évoque avec émotion le rôle joué par Rendjambé à cette assemblée.

La mort de ce dernier demeure un mystère pour le Président du P.G.P., une perte énorme pour le P.G.P. Joseph Rendjambé était en effet une personnalité disposant d’une longue expérience politique et de connaissances dans des domaines variés. Il était dynamique et possédait un sens de l’organisation irréprochable . Aussi sa précieuse contribution à l’édification de la Conférence Nationale laisse des souvenirs inoubliables dans la mémoire de ses concitoyens.

Comme toute structure vi,vante, le Parti Gabonais Gabonais du Progrès a connu des divergences. Les premières sont nées de l’existence au sein du Parti d’une tendance favorable à une politique libérale impliquant (la privatisation totale de l’économie. Elle était alors soutenue par Marc Nan Nguéma. L’autre tendance, proche d’une économie de marché pouvant sauvegarder le parapublic, était développée par Agondjo et Rendjambé .

Au cours de l’année 93, une nouvelle raison de divergences est apparue au sein du Parti en liaison avec le courant du Pari. Quand nous nous étonnons de l’absence des ténors de ce courant au Congrès Extraordinaire de juillet 93 et lui demandons si ces militants étaient exclus du Parti, Me Agondjo répond par la négative et éclaire notre lanterne sur la question. Le Pari, explique-t-il, n’a été exclu par aucune instance du P.G.P., c’est tout le sens de la conférence de presse du P.G.P. du 10 février 1993. Le Pari s’est marginalisé lui-même. Il avait des griefs contre le Parti, des griefs de trois ordres.

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Certains étaient justifiés. Par exemple les membres de ce courant reprochaient au Parti de ne pas peaufiner son image de marque et de ne pas se préoccuper des problèmes de communication au sein du Parti. Sur ce point, ils avaient raison et le Parti le leur avait fait comprendre.

D’autres griefs relevaient de la compétence du Congrès et de la base, en l’occurrence les problèmes du tribalisme et de la géopolitique. Ils estimaient que le Bureau du Parti avait été mal formé au Congrès parce qu’on avait trop tenu compte des considérations régionales et ethniques alors qu’il ne fallait tenir compte, selon eux, que de la compétence et de la valeur des membres du Bureau.

Il y avait également le problème des courants. Le Pari est un courant reconnu comme tel depuis le dernier congrès Ordinaire après des débats houleux. Mais ce n’est pas le Pari qui pose ce problème aujourd’hui, c’est une frange du Pari. Il y a des Parieurs qui sont restés dans le Parti, ils n’ont pas suivi les ténors du courant. Le Parti a estimé qu’il fallait les laisser agir malgré l’étiquette de staliniens purs et durs qu’on lui colle. Le problème sera réglé lors du prochain Congrès Ordinaire du Parti. Aujourd’hui le débat théorique sur les courants paraît évacué. De fait, dans la pratique, le courant du Pari aura démontré les limites de cette formule dans l’état actuel des mentalités. Cette expérience se révèle donc utile dans la mesure où elle aura permis non seulement au P.G.P., mais aussi aux autres partis, de réf1échi sur la notion de courant et de son fonctionnement. Comme quoi, l’expérience en valait la peine et le P.G.P. est fier de l’avoir initiée dans l’intérêt bien compris de la démocratie pluraliste au Gabon.

Confronté à l’adversité, Me Agondjo sait désormais que sa propre survie n’a d’intérêt que si elle est utile au Gabon et aux Gabonais. Au-delà de ses compatriotes, les perspectives de son engagement sont toujours restées ouvertes sur tout ce qui, de part le monde, en Afrique plus spécialement où la démocratie se fraye un chemin étroit, lutte pour les mêmes idéaux que lui. Le Bâtonnier Agondjo s’emploie ainsi dans la défense des faibles avec enthousiasme et abnégation, servi en cela par sa foi en l’avenir et son immense compétence.

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L’Avocat des causes perdues

Homme politique de renommée nationale et internationale, brillant Professeur d’Université, Anthropologue et Spécialiste du Droit Traditionnel et membre de plusieurs Organismes internationaux, Pierre- Louis Agondjo-Okawé qui préside avec dynamisme et altruisme aux destinées de la première force de l’Opposition gabonaise est un Avocat émérite. Il l’a démontré, au péril de sa vie, en plusieurs circonstances dont nous ne retenons que les plus saillantes.

Le procès de Madame veuve Mba Germain Sa première plaidoirie politique eut lieu en 1971 lors du procès de Madame veuve Mba Germain, victime d’une chasse à l’homme organisée par les Services secrets de Bongo. Une affaire qui fera grand bruit dans l’opinion nationale et internationale, au point que le pouvoir tentera de galvauder le procès pour calmer les ébullitions. A cette époque, se mêler d’une histoire qui entame directement l’autorité de l’exécutif relevait, à ne point douter, de la pure témérité. Me Agondjo qui est constitué partie civile par la famille du défunt accepte de plaider gracieusement pour la veuve qui fait l’objet de plusieurs tortures morales et physiques de la part du pouvoir. Elle avait été emprisonnée pour outrage au Président de la République. Et pourtant, elle n’avait fait que réclamer le cadavre de son mari.

En dépit des menaces de mort et la campagne d’intimidation orchestrées contre sa personne, le jeune avocat qu’il est alors s’engage coûte que coûte à plaider pour des raisons fondamentales .

Au-delà de Madame veuve Mba Germain, il voit d’abord la justice et les libertés et en toile de fond sa situation de premier avocat gabonais. Car pour lui, certaines personnes doivent payer de leur vie pour la survie d’autrui. Toutefois, sa détermination à défendre ce cas dépassera aussi les injonctions des notables de l’Ogooué-Maritime qui s’y opposeront «Qu’espérez-vous réussir face à la puissance de Bongo, au lieu de postuler un poste au gouvernement, afin d’aider toute la province Vous préférez lutter contre lui par simple orgueil» lui avaient-ils clamé la veille du procès. Au terme d’une plaidoirie anthologique, il démontera les écheveaux dressés par le pouvoir dont il prouvera aussi la culpabilité dans l’assassinat de Mba Germain.

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1 - Me Agondjo, l’Avocat dans ses œuvres

2 - La rentrée judiciaire , au fond à gauche on reconnaît

Pierre Fanguinovény , Me Agondjo (1er plan à droite)

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Cet acte de courage fera de lui une légende et atteindra au paroxysme de sa profession. Mais le pouvoir, machiavélique, ne le lui pardonnera pas. Il est accusé d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État. L’an 1972, il est arrêté, jugé et condamné à huit ans de travaux forcés.

L’avocat sans frontières

Plusieurs années plus tard, le courage et l’abnégation qui l’animent à reculer les limites de l’impossible le conduisent à Abidjan en 1992. Là-bas, il sera l’avocat de Laurent Barbeau, homme politique ivoirien, avec qui il entretenait des rapports très limités. Le fait le plus marquant est qu’ils sont tous deux idéalistes, défenseurs de la justice, de la liberté et de la démocratie en Afrique. Leurs adversaires respectifs sont Houphouêt-Boigny et Omar Bongo.

Barbeau, figure emblématique du paysage politique ivoirien, détenteur du doctorat d’histoire-géographie, éprouve une passion folle pour le barreau et regrette parfois de n’y avoir pas fait carrière. L’un et l’autre emprisonnés, humiliés puis exilés, semblent avoir une destinée conjointe qui se résume dans ces mots : Justice sociale et courage. Une fois rendu dans la salle d’audience du Tribunal d’Abidjan, Me Agondjo est choqué et indigné quand il remarque que quatre de ses collègues députés sont enchaînés et menottes aux poignets. Alors il déclare d’entrée de jeu devant le Juge unique et l’assistance qu’il avait effectué le déplacement de Libreville à Abidjan non seulement pour défendre ses collègues députés, professeurs et syndicalistes, mais aussi ses compatriotes.

En effet dans le lot des conjurés se trouvaient le mari d’une Gabonaise et l’épouse (première journaliste de Côte d’Ivoire), d’un médecin gabonais en service au Centre Hospitalier Universitaire d’Ajamé. Ce dernier est en effet originaire de Lambaréné dans le Centre-ouest du Gabon. Le batonnier Pierre-Louis Agondjo-Okawé défendait là des combattants de la liberté. Cette action était bénévole, puis que les titres de transport étaient à sa charge. En revanche, “pour tout l’or du monde”, martèle-t-il, il n’aurait jamais défendu un dictateur comme Moussa Traoré. Il avait d’ailleurs décliné l’offre d’aller défendre le frère de Sassou Nguesso, l’ancien Président de la République Populaire du Congo.

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Le temps de la réflexion

Défendre les libertés, c’est ce qu’il fait lorsqu’il réapparaît lors du procès qui opposa le journal “Misamu” aux députés du Parti Démocratique Gabonais (P.D.G.) de la province du Haut-Ogooué. Il était reproché à cette publication d’avoir diffamé ces messieurs. Cette plaidoirie sera la dernière du genre. Une disposition du Code électoral stipule qu’un député-Avocat (il est le seul dans ce cas à l’Assemblée nationale) n’a plus le droit de plaider devant la la chambre administrative sur les délits de presse, une mesure discriminatoire prise dans le but inavoué de régler des comptes avec lui.

De toute évidence, pour Me Agondjo, il y a des procès que l’on perd mais dont on est tout de même satisfait ) pour le travail accompli qui se manifeste par les réactions du public. L’avocat plaide parfois tout en sachant que son client n’obtiendra pas gain de cause, car certaines sentences sont connues d’avance. C’est le cas des procès Mamboundou et Moubandjo. Alors qu’une sorte d’anachronisme s’était installé, ces procès se révéleront intéressants. Ils ont lieu alors que le Gabon est entré dans le multipartisme. Les faits reprochés aux accusés datent de l’époque du monopartisme. Ils auraient pu être relégués aux calendes grecs ou simplement annulés. Car la privation de la liberté amène le peuple à disposer d’un seul moyen légitime pour évincer le régime en place: le coup d’État. L’histoire démontrera par exemple que l’affaire Moubandjo était dépourvue de sens dans la mesure où tous les concernés ont été victimes de duperies: Moubandjo, Bongo et l’État gabonais.

Quant au procès Mamboundou, il aura été encore plus instructif dans la mesure où il a révélé la pratique de la torture au Gabon, le caractère irrégulier de la procédure pénale entreprise en raison de l’intrusion des services secrets qui n’ont jamais comparu lors des audiences Me Agondjo n’a jamais cédé face aux pressions indirectes qu’il subissait de la part du pouvoir à travers les membres de sa famille ou certains de ses amis. Chaque fois, il évoque son épouse qui, comme lui, n’admet pas l’injustice et l’arbitraire et qui lui est d’un soutien non négligeable lors de nombreux affrontements avec le pouvoir. Le temps et l’habitude feront prendre du plaisir à sa progéniture.

Ses parents au contraire s’inquiètent de son avenir, ils songent toujours aux représailles du régime pouvant engendrer son élimination physique. D’ailleurs il a longtemps été emprisonné et en est sorti malade; sa mère a frôlé la folie, ne pouvant supporter les sévices subis par son fils aîné. Bien que certains juges aient été étudiants de Me Agondjo, ce dernier sait ôter sa veste d’enseignant devant la Cour. Car l’avocat doit une certaine déférence au Juge qui, en retour, lui doit aussi du respect.

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A la suite d’un procès gagné ou perdu, il estime que l’essentiel est qu’il dise «J’ai bien fait mon travail». Une conscience professionnelle paisible, indifférente aux humeurs de l’auditoire. Car selon lui, l’avocat n’est pas payé pour le résultat, mais pour le travail accompli. On l’aura compris, Me Agondjo est un homme de principes. C’est à n’en pas douter ce qui le différencie plus encore de toutes les personnalités de sa génération, en particulier des autres candidats aux élections de décembre 1993.

Opinion sur les hommes

Au cours de son parcours du combattant, Me Agondjo a rencontré des hommes politiques gabonais acteurs de la vie politique passé ou récente. Il en parle avec le souci de tirer les uns de l’oubli et la volonté de se situer par rapport à d’autres.

Paul-Marie Yembi

Paul-Marie Yembi a injustement été présenté comme un bouffon. Cet homme historique que les gabonais connaissent peu ou presque pas mérite plus d’égards que certains ministres gabonais aujourd’hui. Il est fort regrettable que l’on juge Yembi non pas sur la base d’une valeur intrinsèque, mais sur la manière dont il parlait le français. Le Président du P.G.P. reste sensible au sort dont cet homme est l’objet.

Il estime qu’on peut être éminent penseur, intelligent ou savant dans sa langue maternelle. La maîtrise du français ne conférant pas un rang de mérite intellectuel, il serait donc souhaitable que les Gabonais réhabilitent Paul-Marie Yembi dans sa grandeur d’homme politique historique, car Paul-Marie Yembi était très enraciné et méritait mieux que le sort qui lui est réservé.

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René Paul Souzatte

De René Paul Souzatte, personne n’en parle, hormis le P.G.P. qui essaie d’exhumer ce grand acteur de l’histoire politique du Gabon. Sa petite fille a témoigné sa gratitude au Président du P.G.P. lors d’une rencontre à Paris. Il n’est pas évident que le pouvoir actuel puisse réhabiliter ce grand homme. Pour preuve la collection “Mémorial du Gabon” qui aurait pu devenir un repère et un outil historique voire une vitrine pour la nouvelle génération, brille plutôt par des contrevérités d’une vacuité certaine. Elle est tellement truffée de mensonges qu’on s’en voudrait d’y figurer. Jean Hilaire Aubame

Me Agondjo qui était trop jeune à l’époque de la grande activité politique de Jean Hilaire Aubame n’a pas eu de rapports avec l’un des acteurs du putsch de février 1964. Lorsque Jean Hilaire Aubame sort de prison et se rend en France, il reçoit la visite d’un jeune étudiant gabonais très contestataire qui déplore ce qui lui était arrivé. Pierre-Louis Agondjo-Okawé n’était déjà plus loin de son retour au Gabon.

Omar Bongo Malgré la dérive totalitaire dont Bongo est l’incarnation, il reste néanmoins le beau-père du Président du P.G.P. en ce sens que son frère Ping a eu deux enfants avec sa fille. Étant l’aîné de la famille à laquelle Ping appartient, la tradition gabonaise voudrait que Me Agondjo soit le gendre et Bongo le beau-père, d’où ses rapports au demeurant antinomiques en raison même de la nature des deux hommes. En effet, Me Agondjo n’a jamais eu de rapports normaux de gendre à beau-père avec Bongo. Les rapports politiques très conflictuels ont contribué à les éloigner l’un de l’autre. Me Agondjo préfère du reste ce type de rapports non possessifs. On entend souvent dire dans le milieu présidentiel qu’Agondjo serait un antitéké. certains pensent même que si Ping n’épouse pas la fille de Bongo c’est à cause de son mépris pour les gens du Haut-Ogooué. Ce procès d’intention bien curieux relève probablement d’une fausse compréhension des choses dans ce milieu qui ne se fait pas à l’idée que Me Agondjo combat un système politique incarné, par Bongo et non une ethnie.

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Jean-Jacques Bouckavel

Cet homme a marqué son époque. Membre de l’Assemblée de l’Union Française aux côtes de Paul Gondjout, sénateur et de ]. H. Aubame député, il transitera par le P.D.G. qui l’a pressé comme un citron jusqu’à son dernier jus avant de s’en débarrasser. Une théorie bien connue des milieux pédégistes et qui marche très bien. Certains lutteurs gabonais ou présumés tels en ont fait les frais.

Mba Abessole et Nzoghé Nguéma

Les rapports de Me Agondjo et Nzoghé Nguéma se situent à deux niveaux. Ils auront des rapports militants dans le M.G.AP. et dans le P.G.T. Car les deux hommes commencent à lutter en France. Il y a néanmoins une complicité idéologique qui a survécu jusqu’à nos jours, notamment dans le F.U.AP.O. et dans la C.O.D. Ils entretiendront par la suite des rapports amicaux. Mba Abessole en revanche n’a pas eu de liens avec le Président du P.G.P., bien que les deux hommes se soient retrouvés au collège Bessieux. C’est en France, un été, qu’il rencontre Mba Abessole accompagné de Max Anicet Koumba, l’un et l’autre étant très liés à l’époque. Les trois hommes échangent des propos dans un café. Les rapports entre Me Agondjo et Mba Abessole sont très conflictuels, non pas tant en raison de leur nature opposée, mais des divergences entre leurs deux partis sur l’approche des problèmes gabonais.

Mihindou Mi Nzamba

Mihindou Mi Nzamba est le client de Me Agondjo, n’en déplaise à certains. «Je défends le Droit et la justice et non les individus» se plaît à dire Me Agondjo. Lorsqu’il prend en main la défense de cet homme, Mihindou est déjà à son troisième emprisonnement, en raison de ses démêlés avec le pouvoir. Il sera toujours défendu autant que de besoin.Mais Me Agondjo regrette néanmoins le fait que son client ait posé certains actes.

Jules Bourdès Ogouliguendé

Jules Bourdès Ogouliguendé et Pierre-Louis Agondjo-Okawé étaient des amis. Ils se retrouvent d’abord au collège Bessieux, puis à Lille.

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Ogouliguendé était pour Me Agondjo plus qu’un frère et il est resté en France malgré les divergences politique entre eux, divergences nées dans les milieux révolutionnaires gabonais en France.

Le retour au Gabon de plusieurs révolutionnaires dans un tel système (le système Bongo) bien qu’à dessein, n’aura contribué qu’à les avilir, en ce sens qu’ils seront broyés par un système qu’ils étaient supposés combattre. Rentrés au bercail, Me Agondjo Okawé et Ogouliguendé sont restés chacun sur sa position. Ogouliguendé est rentré dans le système.

Me Agondjo reconnaît malgré tout que cet homme est l’un des rares gabonais à avoir conservé sa rigueur d’analyse. II n’hésitait pas à exprimer son désaccord quand c’était nécessaire. II a donc conservé ses, convictions idéologiques tout en servant le pouvoir et s’est enfoncé jusqu’au point de non retour. Actuellement cet homme est en dissidence avec le pouvoir. Mais il aurait été souhaitable qu’il posât cet acte bien avant la Conférence nationale, car après celle-ci, tout le monde pouvait parler librement, sans prendre beaucoup de risques. Aujourd’hui poule, mouton et lion se retrouvent dans le même parc.

Pouzère

C’est dans la F.E.A.N.F. que Me Agondjo fait la connaissance de Pouzère à l’époque militant de l’Union des Étudiants Centrafricains (U.J.E.C.), Section de la F.E.AN.F. En France, les deux hommes partagent le même espace résidentiel avant de se retrouver au Gabon, d’abord à l’Université de Libreville , puis au sein du barreau. Ils se partagent le cabinet de Me Agondjo. Pouzère va jouer un rôle déterminant lorsque Me Agondjo s’envole pour Bangui apporter une contribution militante à Abel Ngoumba.

Oyé Mba

Oyé Mba quant à lui a utilisé ses anciennes relations scolaires et universitaires dans l’Opposition pour rencontrer Me Agondjo. L’entrevue dura deux heures. De cet échange de vues, il ressort des conceptions divergentes sur la fonction de Premier Ministre. Oyé Mba déclara sur le champ qu’il était légaliste, de nature calme et sereine, sous-entendu que Me Agondjo était un homme agité.

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Les deux hommes se quittèrent sur un constat de désaccord. Le leader du P.G.P. avait cru cependant qu’Oyé Mba demeurerait un technocrate, mais il se détrompa très rapidement à la suite des événements de Ntoum. C’est l’occasion de faire un sort à l’idée selon laquelle Me Agondjo peut devenir «Premier Ministre de Bongo» après un éventuel échec à l’élection présidentielle de décembre 1993. Rien n’est moins sûr. Pour deux raisons, l’une politique et l’autre constitutionnelle.

Dans le premier cas, il doit obtenir l’aval de son Parti et celui des autres forces de l’Opposition réelle. La formation d’un gouvernement d’Union nationale au sortir des législatives de 1990 en est une parfaite illustration. Une frange de l’Opposition avait émis le vœu d’entrer dans le gouvernement, mais il n’en fut rien car la majorité ne le voulait pas. En particulier Me Agondjo et Mba Abessole refusèrent officiellement leur participation parce que ce gouvernement était contraire à l’esprit de la Conférence Nationale, même si par la suite, Mba Abessole envoya tout de même Madame Cécile Nkama et réclama la Primature à Bongo par lettre. Aussi paraît-il nécessaire d’éclairer l’opinion sur cette question d’importance capitale.

En effet, dans le second cas, «Me Agondjo Premier Ministre de Bongo», signifierait qu’il aurait été battu dans une élection uninominale et dans ce cas de figure, la Constitution stipule clairement qu’il faut attendre dix-huit mois avant de prétendre à une quelconque nomination. Il en découle que cette perspective relève d’une vue de l’esprit. Si les candidats du Rassemblement National des Bûcherons (R.N.B.) et du Parti Gabonais du Progrès (P.G.P.) restaient les seuls postulants au second tour des élections présidentielles, il n’y aurait qu’à appliquer la charte de la C.O.D., c’est-à-dire que le meilleur gagne. Cette situation, qui est de plus en plus envisageable au P.G.P., se nomme «Gagner dès le premier tour», c’est-à-dire battre Bongo dès le 5 décembre.

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Me Agondjo au meeting de la C.O.D. au Stade annexe le 8 septembre 1990.(Au second plan, assis à droite l’Honorable Mbou -Yembi, le leader historique du F.A.R.,Forum Africain de la Reconstruction).

La lutte pour la transparence aux élections de décembre 1993

Signature des actes établissant le COPEL

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CHAPITRE III

*

BILAN ET PERSPECTIVES

D’UN HOMME DE PRINCIPES

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Me Agondjo est un homme de principes. De ce point de vue, il force l’admiration, y compris celle de ses adversaires les plus acharnés. Pour eux comme pour les Gabonais auprès de qui il brigue aujourd’hui les suffrages, le Président du P.G.P. a démontré sa capacité à parler sans détours et à tenir ses engagements. Il rassure ainsi ses alliés de la C.O.D. tout en effarouchant ses adversaires pour qui la vérité n’est pas toujours bonne à dire et qui changent d’opinion comme la girouette tourne au vent. Dans la pratique, Me Agondjo, en homme politique responsable désireux de voir réussir l’expérience démocratique gabonaise, sait en arriver au compromis sans se compromettre.

Depuis la Conférence nationale plus encore qu’auparavant, alors que le régime monolithique imposait partout le black-out, l’opinion nationale et internationale a appris à mieux connaître et à vérifier le comportement de cette personnalité qui ne laisse personne indifférent.

Placé avec son parti au centre de tous les événements marquants du Gabon et ce sans éclIpse et surtout du côté de ceux qui luttent pour la paix, la justice et les libertés fondamentales, Me Agondjo envisage avec sérénité l’échéance présidentielle. Fidèle aux fondements de son action, Me Agondjo nous livre son jugement sur les événements et sur les hommes qui les ont accompagnés avec la franchise que chacun se plaît à lui reconnaître.

Seul le souci pour la démocratie peut motiver un tel exercice auquel chaque candidat devait souscrire pour la clarté du débat démocratique.

Les relations avec le R.N.B.

ou la pomme de discorde

Les relations entre le leader du R.N.B. (Paul Mba Abessole) et

celui du P.G.P. (Me Agondjo) ne sont pas au beau fixe avant et pendant la Conférence Nationale (mars-avril 1990). Depuis lors de nouvelles raisons de discorde sont apparues. La Conférence Nationale avait été convoquée sur le plan endogène et exogène en raison de la dégradation progressive du tissu économique et social. La crise mondiale et les événements de l’Est ayant sonné le glas des États européens, avaient engendré la Conférence Nationale du Bénin, la première du genre.

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Elle sera suivie de celle du Gabon, essentiellement préparée par les partis proches de la mouvance présidentielle dont le P.D.G., le Moréna et les Bûcherons. Le R.S.D.G.

L’orientation liminaire de cette assemblée consistait en l’adoption des textes réglementant les statuts du Rassemblement Social Démocrate Gabonais (R.S.D.G.) créé par Bongo pour remplacer le P.D.G. Me Agondjo s’était opposé, contre l’avis de Mba Abessole, au Rassemblement Social Démocrate Gabonais (R.S.D.G.). Ce dernier n’obtiendra pas l’approbation du F.U.A.P.O. et de certains groupes et associations qui, bien au contraire, présenteront des préalables dans lesquels ils refuseront leur participation. Car, pour toutes les forces vives de la nation, cette Conférence Nationale devait accoucher de la démocratie multipartite immédiate. La souveraineté de cette instance ne pouvait se matérialiser sans la libération des prisonniers politiques, le retour des exilés et une amnistie générale, la protection morale et physique des participants aux travaux de la Conférence Nationale. Elle supposait aussi une ordonnance reconnaissant ce forum. Bénéficiant du soutien de la France et d’un appareil répressif (la Garde présidentielle, la Police, la Gendarmerie et l’Armée), Bongo n’admettra pas la souveraineté de la Conférence Nationale, Mba Abessole aussi. L’on comprendra donc pourquoi de nombreuses décisions prises lors de ce grand forum seront tout simplement violées par le gouvernement de transition d’Oyé Mba.

Les législatives boycottées

Après la condamnation par Mba Abessole des événements de Port-Gentil survenus après la mort de Joseph Rendjambé, l’animosité entre les deux hommes prendra de l’ampleur. D’aucuns affirment que cette confrontation d’opinions entre les deux partis est à l’origine de la défaite de l’Opposition aux élections législatives. Au sortir de ces dernières, Me Agondjo est frustré par la défaite imméritée des forces du changement. Mais il envisagea tout de même l’avenir avec sérénité.

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Pour le leader du P.G.P., l’enjeu des élections législatives de 1990 était d’une importance capitale en raison du besoin de la renaissance démocratique. Il fallait relever le niveau de l’Assemblée nationale en obtenant la majorité afin de mieux contrôler l’influence de l’exécutif représenté par Bongo. Fort malheureusement, deux incidents majeurs viendront compromettre les chances de l’Opposition. D’une part la fraude massive orchestrée par le P.D.G. et d’autre part le boycott du scrutin au second tour par les Bûcherons sous la direction de Paul Mba Abessole. Les candidats de cette formation se trouvaient pourtant en ballottage favorable dans plusieurs circonscriptions électorales. Cette victoire aurait pu déboucher sur des élections présidentielles honnêtes et crédibles tout en évitant une contestation comparable à celles du Nigéria ou du Congo. Les élections présidentielles et locales engagent également un certain nombre de sacrifices au plan financier. Les contraintes électorales sont aujourd’hui énormes parce qu’elles nécessitent des dotations matérielles importantes. C’est pourquoi plusieurs militants du P.G.P. sont absents sur le terrain. Entre autres moyens, ils leur manque des véhicules, le P.D.G. ayant habitué les populations aux «pots de vin».

Le gouvernement de crise et la candidature à la candidature de la C.O.D.

«Le gouvernement de crise» et «La candidature à la candidature» ont été de nouvelles occasions de mésentente. Constatant le blocage des institutions en 1991, le Parti Gabonais du Progrès (P.G.P.) avait proposé par la voix de son leader la mise en place d’un «Gouvernement de crise» qui devait être confié à un opposant (qui n’était pas nécessairement Me Agondjo). Étant donné que le P.D.G. détient la majorité parlementaire, il était impossible que ce gouvernement siège sans suspension de la Constitution, de manière à éviter une éventuelle motion de censure. Cette excellente proposition constitue un document muet dans les archives du P.G.P., qui n’est pourtant jamais entré dans un gouvernement. Plusieurs partis l’ont fait et des scissions se sont produites dans leurs structures. De même, compte tenu de son positionnement favorable dans les sondages, Me Agondjo a avancé l’idée de «La candidature à la candidature» de la C.O.D. qui, de son point de vue, relève du bon sens dans la stratégie de l’opposition pour la victoire aux présidentielles.

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Le problème de l’origine des fonds dont disposent les partis de l’Opposition a contribué de près ou de loin à envenimer les rapports entre le P.G.P. et le R.N.B. Plusieurs personnes et non des moindres n’ont pas hésité à voir dans les relations parentales de Me Agondjo l’origine des fonds du P.G.P. Me Agondjo n’a jamais caché son agacement à ce sujet en montrant que c’est au contraire le R.N.B. qui recevait des milliardaires dits opposants certains de ses moyens d’action.

Ce qui amène le leader du P.G.P. à justifier l’origine de ses revenus. Il reconnaît être un privilégié par rapport aux autres membres de son parti en raison de sa profession d’avocat au barreau à partir de laquelle il gagne paisiblement sa vie. C’est pourquoi certaines opérations ne peuvent s’effectuer sans recourir à son apport financier personnel.

Ainsi, l’immeuble qui abrite les services du journal «Le Progressiste» est l’une de ses propriétés privées. Il l’a acquis à la suite d’un achat, grâce au prêt de l’Union Gabonaise de Banque (U.G.B.). Il en est de même de son logement qu’il a obtenu à la suite d’une location-vente de dix ans. Ses biens matériels sont donc acquis de manière régulière et progressive, avec des prêts bancaires constants. Ses principales sources de revenus sont son salaire de Maître de Conférences à l’Université, soit environ un million de francs C.F.A., sans oublier. les gains que lui rapportent ses nombreuses plaidoiries. Un seul dossier traité à son cabinet d’avocat procure des sommes importantes pouvant aller jusqu’à cinq millions lorsque l’affaire s’avère fructueuse. Les abonnements souscrits par des Compagnies pétrolières comme Elf-Gabon ou des sociétés d’assurances constituent des gains sûrs. Qu’il y ait procès ou pas, ces entreprises versent des numéraires tous les trimestres.

Il faut également noter qu’à une certaine époque, il était l’avocat de toutes les grandes entreprises du Gabon. Quand Me Agondjo plaide une affaire basée sur deux cent à trois cent millions par exemple, il récupère légalement 12% de cette somme. D’esprit indépendant, le célèbre avocat a tenu à assurer son autonomie financière en choisissant délibérément sa profession. Il était donc impensable pour lui d’être magistrat ou greffier. Il n’aurait jamais été indépendant. indépendant. Jouissant d’une indépendance économique complète, il a toujours refusé d’entrer dans les gouvernements de Bongo. Qui d’autre, parmi les candidats, est prêt à faire cette même opération vérité sur ses revenus ?

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La création de la C.O.D.

Elle appelle une mise au point du leader du P.G.P. pour deux raisons. D’une part lors de sa création, d’aucuns se posaient la question de voir naître une nouvelle structure alors que le F.U.A.P.O. venait de mourir d’une absence d’entente entre ses fondateurs et d’autre part le boycott observé par le R.N.B. jusqu’en juillet dernier.

Aux dires de Me Agondjo, lorsque la C.O.D. est créée, le F.U.A.P.O. n’est pas encore mort. La C.O.D. est envisagée, explique-t-il, comme une structure plus large que le F.U.A.P.O. Ce dernier, à sa création, ne regroupait que certains partis dont le P.G.P., la fraction du Moréna de Nzoghé Nguéma, l’ancienne Association à caractère politique de Mengome-Atome, etc. C’était un groupe considéré à l’époque comme celui des radicaux. Le R.N.B. ne s’y était pas associé. Des Partis comme l’Union Socialiste Gabonaise (U.S.G.) qui avaient participé aux premières négociations pour la création du F.U.A.P.O. ne s’y sont pas associés non plus. Pour l’U.S.G. par exemple, le mot front était rebutant. Ses représentants voulaient une autre dénomination. Après la Conférence Nationale, il y a eu des bouleversements au sein même du F.U.A.P.O. Des structures nouvelles ont été créées et se sont même fractionnées. Par exemple Mengome-Atome avait réussi, après la Conférence Nationale, à regrouper une quinzaine d’Associations à caractère politique, regroupement suivi de fractures. Le P.S.G. naît après la Conférence Nationale. Le R.N.B. avait amorcé un rapprochement avec certains partis membres du F.U.A.P.O. et n’invoquait plus sa non-violence par rapport aux “violents du F.U.A.P.O”. Il était donc bon que le F.U.A.P.O. soit élargi et si l’on voulait élargir le front, il était difficile de demander aux gens de rentrer dans le F.U.A.P.O. Il fallait donc créer une structure plus large comprenant le F.U.A.P.O., le R.N.B. et d’autres . Ce qui a été fait, et la C.O.D. est née.

Mais s’agissant de sa création, les contacts qui ont été menés l’ont été un peu (c’est l’impression de Me Agondjo) contre le P.G.P. Il y a eu deux réunions auxquelles le P.G.P. ne prit pas part. A un moment donné la presse s’en est saisi en disant qu’il y avait une structure en train de se créer et deux partis en étaient absents, le P.D.G. et le P.G.P. Me Agondjo interviewé, renvoya la presse aux initiateurs de la C.O.D., car il ignorait pourquoi le P.G.P. avait été écarté des discussions.

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Par la suite, Mengome-Atome qui menait les négociations, fit comprendre à Me Agondjo la nécessité de la présence du P.G.P. dans la nouvelle structure. Au début, ce fut l’actuel Vice-président, Mouity-Nzamba qui conduisait la délégation du P.G.P. aux débats relatifs à la C.O.D., c’est-à-dire à la troisième réunion.

Telles furent les conditions de création de la C.O.D. Une fois la C.O.D. constituée, le P.G.P. en a respecté les dispositions et contribué à la renforcer, notamment par la charte signée à Port-Gentil. Pour ceux qui trouvent que les dispositions de la charte de la C.O.D. sont contraires à une stratégie unitaire, Me Agondjo répond que la C.O.D. n’est pas un parti. Il s’agit d’une structure qui est large, une structure qui regroupe des partis aux idéologies parfois divergentes. Et Me Agondjo d’ajouter : «Nous sommes considérés par le R.N.B. et par d’autres partis de la C.O.D. comme des marxistes impénitents, d’autres se disent plutôt d’obédience démocratique chrétienne ou libérale, etc. Toujours est-il que nous n’avons pas également les mêmes approches des problèmes. Vous pouvez noter par exemple à propos des stratégies électorales que nous sommes divergents et c’est tout à fait normal.» Me Agondjo fait remarquer que le R.N.B. qui avait gelé ses activités au sein de la C.O.D. y est revenu il y a deux mois, à la veille du Congrès extraordinaire du P.G.P. tenu en juillet dernier.

L’adhésion de personnalités indépendantes

A la question de savoir quelle attitude adopte la C.O.D. face aux personnalités indépendantes qui frappent à sa porte, Me Agondjo commence par confirmer cette démarche de la part des intéressés, c’est-à-dire Ogouliguendé, Sambat, Mébiame et Maury. Il précise que cette démarche a été aussi celle du P.L.D., actuellement à la C.O.D. parce que le P.G.P. en a parrainé la candidature. L’on se rappelle que ce parti a eu des divergences avec le P.G.P. C’est ce dernier qui pouvait donc bloquer la candidature du P.L.D. Mais pour montrer 1a volonté de voir s’unir l’Opposition, le P.G.P. a parrainé cette candidature après que le P.L.D. ait accepté la charte de la C.O.D. Par contre aucune décision n’a encore été prise quant à l’adhésion des personnalités.

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En effet, la charte de la C.O.D. ne prévoit pas l’adhésion des individus. Le problème qui se pose à la C.O.D. à l’heure actuelle est celui de savoir s’il faut modifier la charte de manière à aboutir à une formule d’association avec eux. Mais en procédant ainsi, une question de taille va se poser, celui du mode de rotation au sein de la C.O.D. De plus, Me Agondjo se demande quel rapport il y aura entre un parti et une personnalité dans les décisions à prendre et comment vont s’exprimer d’un côté les partis et de l’autre les personnalités. La question reste donc posée et n’a pas encore reçu de réponse.

Quelle stratégie pour gagner en décembre 93 ?

Le leader du P.G.P. reconnaît que la lecture de la charte pose un

problème, parce que selon les intérêts de chaque parti, elle induit une stratégie particulière. En particulier l’article 9 est rédigé de telle sorte que chaque parti y trouve son compte. Que dit cet article? Il dit qu’au premier tour des élections, chaque parti présente son propre candidat, et au deuxième tour, tous les partis soutiennent le candidat le mieux placé. Mais le même article dit aussi que la C.O.D. peut présenter un candidat unique. Pour développer son point de vue, le R.N.B. ne tient compte que de la partie de cet article qui l’arrange, c’est-à-dire la première.

En revanche le P.G.P. met l’accent sur la deuxième partie et donc sur la candidature unique, parce qu’il privilégie le premier tour des élections. Le Président du P.G.P. pense que l’élection de Bongo se jouera au premier tour. Si l’Opposition l’élimine dès le premier tour, il n’y aura plus de problème majeur au second tour. C’est le meilleur de l’Opposition qui gagnera et avec lui toute l’Opposition. Le R.N.B. pense qu’il n’y aura pas de problème au premier tour et que l’élection se jouera au deuxième tour. Ce n’est pas évident pour le P.G.P. et son leader.

La charte prévoit également que des partis de la C.O.D. peuvent soutenir le candidat présenté par un autre parti.

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Il y a donc trois hypothèses, conclut Me Agondjo. Et d’ajouter: «Ces trois hypothèses nous permettent de ne pas bloquer la machine. Deux partis, le P.G.P. et le F.A.R. présentent deux candidats à la candidature à l’heure actuelle. Il y a d’autres congrès qui se préparent, nous ne saurons pas quelle position ils vont adopter. S’ils adoptent la première hypothèse, nous le regretterions, car nous irions aux élections en rangs dispersés. Si l’on adopte la deuxième hypothèse, nous irions aux élections avec plus d’assurance. Si l’on adopte la troisième hypothèse enfin, deux ou trois partis de la C.O.D. pourront présenter un candidat commun.»

Me Agondjo ne cache pas son pessimisme quant à la volonté des autres partis à rechercher les moyens d’une stratégie unitaire. C-’est ce qui ressort de la présentation qu’il fait des différentes positions avancées au sein de la C.O.D.

Selon le Ieader du P.G.P., ces stratégies sont, de deux sortes. Celle qui a été proposée par le R.N.B. et celle qu’avance le P.G.P., sans négliger une autre stratégie du même R.N.B. qui apparaît comme anti- C.O.D., c’est-à-dire celle de l’Union Républicaine (U.R.), baptisée parfois «Forum» ou «Convention». L’U.R. regrouperait tous les partis politiques, toutes les personnalités, peu importe leur, étiquette politique, pourvu que Bongo soit écarté du pouvoir. C’est la première stratégie à laquelle Me Agondjo s’est toujours opposé, parce qu’elle est, fondée sur les alliances contre nature et susceptible d’aboutir à une situation à la Congolaise. Certes Me Agondjo veut le départ de Bongo, mais pas Bongo tout seul. Le fondateur du P.D.G. fait partie d’un système et c’est ce système qu’il faut éradiquer, Bongo compris. Cette première stratégie fait apparaître une divergence entre le R.N.B. et le P.G.P. La ligne de fracture qui en résulte divise sans doute les autres partis.

L’autre stratégie provient aussi du R.N.B. Elle met l’accent sur la première partie de l’article 9 de la charte de la C.O.D. et celle du P.G.P. qui part du même article mais pour prendre en compte la deuxième partie du même article. Il y a donc d’un côté (R.N.B.) la candidature multiple au premier tour, et de l’autre (P.G.P.), la candidature unique au premier tour.

La candidature multiple au premier tour donne la primauté au deuxième tour en admettant comme hypothèse que Bongo ne pourrait pas passer au premier tour, ce qui est, de l’avis de Me Agondjo, «vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué».

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II montre que la victoire de Bongo n’est pas une hypothèse à écarter en s’appuyant sur plusieurs. raisons :

Première raison : Bongo et plus encore son parti, malgré les divergences en son sein, est encore présent et il est implanté partout à travers le territoire national.

Deuxième raison: Bongo dispose de moyens importants qui lui permettent de faire une campagne dynamique.

Troisième raison: Bongo a des soutiens extérieurs importants et l’Opposition devait en tenir compte, beaucoup de chefs d’État ayant été déjà élus uniquement grâce à ces soutiens extérieurs.

Quatrième raison: la lassitude peut s’emparer de l’électorat de l’Opposition face à nos divisions.

Cinquième raison: La fraude.

Me Agondjo ajoute: «Je dis qu’il ne faut pas négliger ces aspects et décréter ex-

abrupto que Bongo ne sera pas élu dès le premier tour. Or il lui surfit de 50,1% pour être élu. Nous pensons que la multiplicité des candidatures est suicidaire, d’autant plus que c’est aussi la stratégie du candidat du P.D.G. Ceux qui préconisent la stratégie des candidatures multiples se retrouvent avec lui sur cette même stratégie des candidatures multiples. Pourquoi? Parce qu’elle va fragiliser les candidats susceptibles de le battre au premier tour. C’est une stratégie qui s’appuie sur les candidatures ethniques. Chacun va capitaliser les voies de son ethnie pour battre Bongo, je suis d’autant moins certain que dans une même ethnie, il va y avoir plusieurs candidatures. Vous voyez par exemple chez les Myénés, nous sommes déjà trois, Bourdès, Maury moi. Voilà une petite ethnie qui se paie le luxe d’avoir trois candidats et ce n’est pas fini, peut-être qu’il y aura d’autres.»

En revanche la candidature unique a cet avantage, aux yeux de Me Agondjo, d’avoir le soutien de la population. Partout où il est passé dans le pays l’électorat de l’Opposition souhaite cette candidature unique. Elle permettrait, sur le plan matériel et humain de faire des économies par rapport aux moyens colossaux dont dispose Bongo. Me Agondjo voit cette cette candidature non seulement du point de vue matériel et financier, mais surtout du point de vue politique. D’où la proposition suivante:

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«Nous mettrions en commun le peu d’argent dont chaque parti dispose pour faire campagne, nous répartirions les équipes à travers le territoire à sensibiliser. Cette candidature unique évite les attaques frontales et fractionnistes pendant la campagne. Car si au sein de la C.O.D., sur le plan théorique, nous parlons un langage unitaire, sur le terrain certains candidats de la C.O.D. se sentiront obligés de dire “moi l’enfant du coin” et d’attaquer d’autres candidats de la C.O.D.»

Les risques pris par les candidatures multiples au premier tour sont surtout des dérapages verbaux tribalistes dont les traces sont difficiles à effacer dans les mémoires même si le candidat lui-même ne les tenait pas, il y aura toujours quelque militant zélé pour le faire, comme l’expérience l’a montré lors des législatives de septembre-octobre 90. Le leader du P.G.P. se rappelle que dans la Nyanga, la Ngounié, l’Ogooué-Lolo, le Woleu-Ntem, on n’a pas hésité à le traiter de candidat myéné. Dans la Nyanga on est allé plus loin en soutenant que c’est Agondjo et les myénés qui ont arraché Gamba à la Nyanga. Or chacun sait que lorsque Gamba fut rattaché à l’Ogooué- Maritime, Me Agondjo était encore étudiant, et en France.

C’est pourquoi quand d’autres disent «tous derrière le candidat le mieux placé au deuxième tour», le P.G.P. dit «tous derrière le candidat le mieux placé au premier tour», car dans ce cas de figure l’Opposition a le plus de chance d’avoir une situation à la centrafricaine, c’est-à-dire Bongo éliminé dès le premier tour, encore qu’il ne soit pas évident que Bongo soit éliminé au second tour. À supposer également qu’il y ait ballottage entre deux candidats, il y a des candidats qui sont des repoussoirs. Si Bongo se retrouvait face à un candidat repoussoir au deuxième tour, l’Opposition aura contribué à faire le lit de sa victoire. Quand on demande à Me Agondjo si cette perception des choses ne sera pas remise en cause par une amnistie de Mamboundou, le leader du P.G.P. répond par la négative et ce pour deux raisons. La première est démocratique. Mamboundou, en tant que citoyen gabonais a le droit de créer son parti et le sien est l’un des plus anciens pour avoir été fondé avant la Conférence Nationale. Le parti de Mamboundou est d’ailleurs légalisé. On ne voit donc pas pourquoi Mamboundou viendrait bouleverser l’échiquier politique gabonais. Me Agondjo pense que cette amnistie aurait dû intervenir avant les élections pour permettre à Mamboundou, s’il le désirait, de se présenter comme candidat à la présidence. Cela aurait permis une clarification du jeu politique, car certains disent que Mamboundou est un opposant authentique.

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Il y en a aussi qui pensent que l’Union du Peuple Gabonais (U.P.G.), le parti dont il est président, est le parti des Bapounous. Si Mamboundou était au Gabon, on aurait pu le vérifier sur le terrain. S’il rentrait, il n’y aurait plus de mythe Mamboundou.

Le deuxième argument militant pour une amnistie de Mamboundou est juridique et politique. Si Mamboundou a été condamné à dix ans d’emprisonnement par contumace en rentrant au Gabon il sera arrêté et jugé de nouveau. C’est la procédure normale. Faut-il aller jusque-là ? Me Agondjo ne le souhaite pas et l’explique: «Il y a deux formes d’amnistie. L’amnistie de la peine et l’amnistie des faits. Cette dernière est la meilleure pour Mamboundou. Elle lui permettrait de rentrer librement et ceci est d’autant plus nécessaire que sur le plan politique les faits dont Mamboundou est accusé se sont produits sous la dictature du P.D.G. Or nous sommes désormais dans un État multipartite, un État de droit. La non-amnistie de Mamboundou est anachronique et je pense que depuis la Conférence Nationale, l’amnistie de Mamboundou s’impose.»

Les conditions d’organisation des élections de décembre 93

Me Agondjo estime que les conditions de la transparence ne seront jamais complètes pour assurer des élections démocratiques en décembre. La première raison de ce pessimisme est liée au découpage électoral actuel. Il pense qu’il ne sera pas modifié d’ici les élections présidentielles et même fait, ce ne sera possible que lorsque le recensement général (décompte des résidents en territoire gabonais) sera terminé. Or il ne le sera pas avant 1995. Nous allons donc élire notre président et nos conseillers sur la base de l’ancien découpage de la période monopartite. Il faut noter également la confusion des genres qui fait que le recensement administratif (décompte des électeurs), a lieu en même temps que le recensement général. Le recensement administratif est actuellement orienté vers la fraude. Le code électoral a été voté par les seuls députés pédégistes, c’est pourquoi l’Opposition l’avait attaqué devant la Cour Constitutionnelle.

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Il est revenu devant le Parlement une deuxième fois. Les Pédégistes n’ont pas voulu tenir compte des amendements de l’Opposition. Ils n’ont entendu discuter que des seuls articles censurés par la Cour Constitutionnelle. Le code électoral est donc taillé aux mesures du P.D.G. Il peut frauder. Dans les commissions de recensement, le P.D.G. qui contrôle l’administration préfectorale accepte en principe la liste des représentants de l’Opposition, mais lorsqu’il s’agit de se déplacer ou de se nourrir, les représentants de l’Opposition doivent utiliser leurs propres moyens. Or le recensement est fait par l’administration, c’est elle qui devait donner les moyens et non les partis.

Il s’agit là d’une manière élégante, parfaitement illégale, pour écarter l’Opposition en disant «nous respectons puisque nous vous associons» ou «débrouillez-vous par vos propres moyens» Le P.G.P. a saisi le Premier Ministre de cette question. Il s’est contenté de répondre: «On a pas les moyens, l’État n’a pas les moyens». Voilà qui montre bien qu’ils sont prêts à frauder. Ils utilisent également d’autres techniques déjà expérimentées aux dernières élections législatives. On informe seulement les militants du P.D.G. du jour où la commission passera dans le village. Le moment venu, les Pédégistes attendent la commission alors que les militants de l’Opposition vaquent à leurs travaux, qui à la pêche, qui aux champs. Ainsi, quand la commission passe, ils sont absents. La troisième technique a consisté, à l’ouverture officielle du recensement, à recenser les Pédégistes dès le mois de mars.

Les militants de l’Opposition (tous partis confondus) ne se rendent pas compte qu’ils sont en train de jouer avec le feu en ne s’inscrivant pas sur les listes électorales, jusqu’à ce que le jour du vote venu il leur soit répondu «Eh bien, vous n’êtes pas inscrits, vous ne votez pas.» Une autre pratique consiste à donner un récépissé à certains inscrits et rien à d’autres. Il n’y a donc pas de preuve que vous êtes inscrits. Cela permet aux Pédégistes de faire du «brouillage» comme ce fut le cas lors des dernières législatives. Il est arrivé aussi qu’ils vous remettent un numéro ne correspondant pas à celui figurant sur la liste électorale ou au numéro du bureau de vote. De guerre lasse, vous rentrez chez vous sans avoir voté. Ce qui fait des voix en moins pour l’Opposition. Une solution reste possible pour déjouer les manœuvres du P.D.G. Il s’agirait de trouver un terrain d’entente avec les candidats indépendants pour assurer la transparence lors des élections.

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Me Agondjo pense que Le COPEL peut être un cadre adéquat si son fonctionnement était normalement assuré. Il a, au contraire de la C.O.D., l’avantage de regrouper les partis et les individus. La vigilance exercée par l’Opposition dans les bureaux de vote n’exclut pas la présence des observateurs étrangers. Me Agondjo se rappelle que c’est un des préalables de la C.O.D. et une des raisons du voyage de l’Opposition à Washington. Toute l’Opposition est d’accord pour penser que la présence de ces observateurs étrangers va limiter la fraude. Parfois, dans certains pays, lorsque ces observateurs constatent que les élections n’ont pas été transparentes, même si le président est élu comme au Cameroun, ce président est d’avance discrédité. Les observateurs qui ont quitté le Togo ont permis de mettre la France en difficulté et de discréditer l’élection d’Eyadéma.

Les Allemands ont claqué la porte pour exiger la transparence lors des législatives togolaises. Me Agondjo aurait souhaité qu’ils le fissent avant les présidentielles de l’été dernier. Maintenant qu’Eyadéma est bien rétabli, lui exiger la transparence apparaît comme une simple déclaration de principe sans effet dans la pratique. Il ne fait pas de doute que sans vigilance accrue, l’Opposition aura beaucoup de mal à endiguer la fraude organisée par le P.D.G., encore que le leader du P.G.P. se rappelle qu’une fraction de l’Opposition ne fut pas exempt de cette pratique lors des législatives de 90. Il affirme : «Je n’admettrai jamais qu’un opposant comme moi triche. C’est clair.»

Au lendemain des présidentielles

Avec le franc parler qui le caractérise, Me Agondjo lie son attitude au lendemain des présidentielles de décembre 93 au respect de conditions élémentaires dans le déroulement du scrutin. Il s’agit pour lui d’enlever tout élément d’incertitude à l’opinion nationale et internationale. Si les élections se déroulent dans des conditions satisfaisantes, il ne voit aucune raison de refuser le verdict des urnes, y compris dans le cas d’une victoire de Bongo. Il est bien évident pour lui qu’en cas de fraude dûment constatée, notamment par les instances prévues à cet effet, le leader du P.G.P. s’en remettra d’abord aux instances de son parti et se rapprochera des autres composantes de l’Opposition pour étudier la conduite à tenir, en conformité avec le vœu du peuple gabonais.

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En l’occurrence, Me Agondjo ne sera à l’origine d’aucune action tendant à favoriser les conditions d’une guerre civile, comme cela s’est passé dans d’autres pays, notamment dans l’Angola voisin. En cas de victoire d’un autre candidat de l’Opposition que lui, il examinera tranquillement les propositions de l’élu. Si les conditions du changement sont réunis, le P.G.P. sera partie prenante du gouvernement. Dans le cas contraire, le P.G.P. restera dans l’Opposition. Dans le cas de sa victoire, il fera appel aux autres forces de l’Opposition. Me Agondjo estime que dans la situation actuelle du Gabon, aucun parti de l’Opposition ne peut gouverner le Gabon isolément. Dans cette même hypothèse, il procédera à la dissolution de l’Assemblée nationale et organisera des élections législatives pour doter le pays d’une nouvelle majorité au Parlement. Il reconnaît que les cinq années suivant la défaite de Bongo seront très difficiles car il faudra rétablir les équilibres fondamentaux et Reiter les Gabonais pour un effort soutenu, redonner confiance aux investisseurs étrangers, renégocier avec la Banque mondiale, le FMI et les autres partenaires économiques capables de sortir le Gabon du gouffre dans lequel Bongo l’a plongé.

Le financement des partis

Le problème des moyens, notamment financiers, est un sujet de préoccupation majeur pour le leader du P.G.P., nous savons que c’est une des raisons qui le poussent à préconiser la candidature unique. Il sait que le pouvoir s’est organisé de manière à accentuer les difficultés de l’Opposition en restreignant les conditions du financement des partis, par le biais de dispositions légales en apparence, à l’origine desquelles se trouve la majorité pédégiste.

En effet, un texte sur les partis politiques avait été voté en même temps que la Constitution. Il prévoyait le financement des partis. Seulement, l’Opposition n’avait pas été vigilante. Aujourd’hui, le P.D.G. fait remarquer que le texte stipule que l’État, «peut» financer les partis. ce verbe est aujourd’hui utilisé pour ne pas financer les partis politiques.

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Pour l’Opposition, financer les partis signifie procéder à la fois au financement des campagnes et à celui du fonctionnement d’un parti. Car ce dernier est aussi très important. Par exemple un parti qui n’a pas de siège doit bien louer une maison pour abriter ses activités.

Il est de notoriété publique que des hommes du P.D.G. continuent, sous couvert de titres du genre “Conseiller du Président”; à être grassement payés, pas moins de 2,5 millions par mois. Un premier financement de la campagne avait été fait en 1990. Me Agondjo rappelle que chaque candidat du P.D.G. avait reçu officieusement 20 millions pour le premier tour. Au second tour, seuls les partis ayant obtenu au moins un député, six se trouvaient dans ce cas, avaient eu un financement. Dans le budget de 92/93, il a été prévu 1 00 millions pour le financement des partis. L’Opposition avait dénoncé l’insuffisance de cette enveloppe, mais sa voix n’a pas été entendue et le budget ne fut pas voté par l’Opposition. De plus les partis ayant été légalisés après la Conférence Nationale ne sont pas concernés par cette enveloppe. Les 100 millions ont donc été partagés, en fonction du nombre des députés, entre les partis représentés à l’Assemblée nationale.

Le constat à faire ici c’est l’écart entre ce qui avait été donné en 1990 et ce qu’on vient de donner aux partis. Les partis ayant des élus au premier tour en 90 avaient reçu au total 50 millions dont 20 millions au premier tour et 30 millions au second tour et une Pajero pour circuler. Or pour les élections présidentielles des 5 et 19 et les locales du 27 décembre 93, le P.G.P., pour ne citer que ce cas, n’a reçu que 12 millions, c’est-à-dire juste le nécessaire pour payer la caution d u candidat.

Pendant ce temps, le candidat naturel du P.D.G. s’arrange pour faire le tour du Gabon, juste à un mois de la campagne officielle, en tant que président de la République en exercice, Me Agondjo en convient. Seulement quand on constate que partout les militants du P.D.G. arborent l’effigie de Bongo, le président du P.G.P. comprend mal qu’il s’agisse d’une visite du chef de l’État. Il s’agit bel et bien de campagne électorale et les militants de l’Opposition qui ne sont pas dupes le traitent comme un candidat en campagne. Il est vrai que sur ce plan, Me Agondjo compte œuvrer de toutes ses forces pour qu’au moment de la campagne officielle, tout candidat puisse parler librement de son projet de société, que le pouvoir ne l’empêche pas de parler et qu’il ne soit pas agressé d’une manière ou d’une autre.

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Car si cela devait être le cas, la campagne se transformerait en un règlement de compte d’une province à une autre. Et quand on pose à Me Agondjo la question de savoir s’il se rendra en campagne dans le Haut-Ogooué, il répond : «Bien sûr que je vais y aller. Je mettrai sans doute un gilet pare-balles, mais je vais y aller.» (rires)

De la souveraineté nationale

Chacun connaît le souci du leader du P.G.P. pour la souveraineté nationale. Nous avons vu que son premier engagement politique est liée à cette exigence. L’actualité a permis à Me Agondjo d’aborder ce sujet à l’occasion des prises de position de l’O.N.U. en Haïti, dominé par l’application du «Droit d’ingérence démocratique»

Il rappelle d’abord que le «Droit d’ingérence» humanitaire ou «Droit d’ingérence démocratique» est une notion nouvelle qui est apparue depuis bientôt deux ans. C’est à partir de la Guerre du Golfe que l’on a commencé à parler du «Droit d’ingérence humanitaire», notamment pour les populations kurdes. On a ensuite parler de «Droit d’ingérence démocratique» en Afrique. Me Agondjo pense que ces droits d’ingérence sont en contradiction avec le Droit international qui prône la souveraineté des États. Et de se poser une première question: « Sommes-nous réellement souverains?» Question à laquelle il répond par la négative. Il explique cette situation par l’état de sous-développement des États africains. Malgré des attributs de souveraineté nationale et internationale ces États n’ont pas la maîtrise de leurs économies. Dès lors que les intérêts étrangers sont prédominants dans un pays, ils ont nécessairement des incidences sur la politique et sur la notion de souveraineté. C’est pourquoi certains affirment que les États africains sont des États néocolonisés et non des États souverains.

Le leader du P.G.P. en vient ainsi à manifester son opposition à l’ingérence des États étrangers lisible à la présence des bases militaires étrangères dans les États africains. Elles constituent une confirmation de l’absence de souveraineté des États africains, du Gabon plus particulièrement. Les militaires étrangers qui occupent le sol national peuvent intervenir à tout moment. Au Gabon, cette force militaire est déjà intervenue à deux reprises, en 1964 et en 1990. Les dictatures africaines sont souvent soutenues par des intérêts étrangers et les Africains sont condamnés à faire appel à ces mêmes États pour se débarrasser de leurs dictateurs.

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1 - Le sit-in devant le Camp du Général De Gaulle à Libreville.2 - L’avocat à son bureau de travail, répondant à nos questions.

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Le «Droit d’ingérence» qui est un Droit nouveau est exercé de manière trop partiale et discriminatoire pour emporter l’adhésion de Me Agondjo. L’on se rend bien compte que selon qu’on est en Afrique (en Somalie) ou en Europe (en Bosnie-Herzégovine), le Droit d’ingérence n’est pas appliqué de la même manière. La notion de Droit d’ingérence mérite donc d’être affinée. L’O.N.U. étant contrôlée par les grandes puissances, on peut dire que ce sont elles qui exercent cette prérogative. Il est difficile d’appliquer ce nouveau Droit sans implications politiques, économiques et stratégiques, sans remettre en cause la souveraineté des États ou renforcer leur dépendance extérieure.

Les problèmes de société

Face aux questions que se posent les Gabonais, il nous a paru utile de faire connaître l’opinion de Me Agondjo sur les problèmes de société, bien que certains aient déjà reçus une réponse du président du P.G.P lors de ses conférences de presse ou dans des articles du journal «Le Progressiste».

La santé du candidat

Certaines personnes mal intentionnées font courir la rumeur selon laquelle Me Agondjo souffrirait de la maladie de Parkinson. Voilà qui n’est pas vrai, car il s’agit d’un tic nerveux. Me Agondjo reconnaît par contre être diabétique. Il doit cette maladie à un choc psychique consécutif soit aux sévices physiques subis lors de son emprisonnement, soit à un excès de sucre dans le sang. Beaucoup d’autres hommes politiques, et non des moindres, en ont souffert avant lui, le Raïs Nasser en particulier.

Le traumatisme psychique causé par des conditions inhumaines de trois ans de détention à la Prison Centrale de Libreville ont laissé des séquelles sur ce lutteur de la première heure.

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Coupé du monde, sa famille ne pouvant le voir, vivant seul dans sa cellule, il a failli mourir. Il a dû faire la grève de la faim parce qu’on ne voulait pas le soigner. Il a fallu que son épouse menace le Dr Ngoubou qui était en même temps Ministre et médecin de la prison pour obtenir gain de cause. Après cette démarche, il fut admis à l’hôpital et soigné par le Dr Labegore, malgré son statut de prisonnier dangereux. L’exercice de la fonction de président de la République n’étant pas incompatible avec le diabète, il met le gouvernement en garde contre toute tentative d’intimidation à ce sujet. Autant dire que, hormis ce mal, Me Agondjo ne souffre d’aucune autre maladie.

Le syndicalisme

La constitution gabonaise reconnaît le droit à tout travailleur de se syndiquer. Malgré tout ce que l’on a pu raconter sur le SEENA, Me Agondjo déclare que ce syndicat n’est pas phagocyté par la C.O.D. Il affirme ne pas avoir d’éléments suffisants pour prouver qu’il est manipulé par le R.N.B. Il suppose qu’il est autonome et qu’il défend les intérêts de la corporation. Il en est de même du SNEC dont il est membre de droit en tant qu’enseignant du Supérieur. Il considère que l’action syndicale peut parfois favoriser le dialogue constructif, aussi conseille-t-il aux pouvoirs publics d’éviter d’exercer une pression exagérée sur les forces de sécurité pour éviter des morts lors des manifestations, comme ce fut le cas de la jeune institutrice Martine Oulabou.

Enseignants et chercheurs

Quant au fonctionnement de l’Université Nationale du Gabon et à la valeur des enseignants, qu’il a observés sans discontinuité depuis 1970, hormis les années de son emprisonnement, il reconnaît, pour le regretter, la baisse sensible du niveau des étudiants et de la qualité des enseignements qui sont deux phénomènes indissociables. Il trouve plusieurs raisons au mauvais niveau des étudiants. Parmi les plus évidents il cite la baisse du niveau général des cycles primaire et secondaire. Les conditions de fréquentation et d’obtention du baccalauréat ne lui semblent plus fiables.

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Autant de raisons qui expliquent le faible taux de réussite dans l’ensemble de l’Université. A cela il ajoute le niveau de recrutement des Professeurs, le traitement, les conditions de travail et de vie des enseignants qui affectent la qualité des enseignements dispensés.

Sur le statut des Chercheurs, il en distingue deux types. Les Chercheurs patentés affiliés au CENAREST et les Enseignants chercheurs. Les premiers sont spécialement confinés dans cette activité et les seconds sont plus orientés à l’élargissement des connaissances susceptibles de soutenir leurs cours. Me Agondjo pense que quelque soit son statut, le Chercheur est souvent livré à lui-même. Il est sans soutien. Il préconise la valorisation de la fonction de chercheur, notamment par des recyclages à l’étranger, par l’attribution de bourses de recherches et l’encouragement à la publication de travaux de recherches.

La presse

Sur la presse, Me Agondjo juge la décision prise par le gouvernement d’interdire la parution des journaux libres comme une atteinte aux libertés fondamentales, une décision grave ct lourde de conséquences, surtout à l’approche des élections présidentielles. Il justifie la création des radios libres par l’absence d’accès aux médias de l’État qui restent le monopole du pouvoir et du P.D.G. A l’allure où vont les choses, constate-t-il, chaque parti risque de créer sa propre radio, pourvu que la diffusion d’informations soit crédible et tende à la formation politique et civique du citoyen.

La politique des dons

Le président du P.G.P. condamne la politique des dons instituée par le P.D.G. Le Parti Gabonais du Progrès l’a pratiquée bien avant, notamment dans le Haut-Ogooué où le Dr Luma a donné des groupes électrogènes à certains villages qui les ont réclamés. Mais il s’agit de dons de particulier à particulier. A contrario, Me Agondjo estime qu’un gouvernement ne doit pas pratiquer une politique de dons. Un gouvernement gouverne. Il doit appliquer un plan qui est le budget, car son rôle est précisément de satisfaire les besoins des Gabonais.

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Or là où le bas blesse c’est que ces dons apparaissent comme de véritables dons, alors qu’ils résultent de fonds publics. Et le président du P.G.P. de préciser: «Vous me direz, mais le P.D.G. peut aussi faire des dons ? Je vous répondrai qu’il y a d’abord le président qui fait des dons, il y a sa femme qui fait des dons, excluons cela. Est-ce que Je P.D.G. peut faire des dons ? Nous disons non, parce que le P.D.G. n’a pas d’argent. Il prend tout, il puise tout dans les caisses de 1’État.»

Voilà qui permet à Me Agondjo de faire une mise au point sur l’affaire Lourna, ce membre du P.G.P. dont la femme doit d’avoir échappé à la mort à un don de Bongo. «Que s’est-il donc passé à propos de Louma? La femme de Louma était gravement malade et nous-mêmes avons constaté à l’époque que cette dame allait mourir. Le médecin qui la suivait refusait son évacuation sanitaire en France. C’était apparemment un pédégiste. Les parents de Madame Louma dont beaucoup sont pédégistes disaient: “Voilà, Bongo est prêt à faire évacuer Madame Lourna. Seulement, avec votre comportement de radicaux, vous allez refuser, et si elle en venait à mourir?”

Le Bureau National s’est donc réuni pour examiner cette affaire. Que n’allait-on pas dire, sinon que Je P.G.P. a provoqué la mort d’une fille du Haut-Ogooué expressément, à cause de son entêtement, de son aveuglément. Nous avons donc autorisé Lourna à faire évacuer sa femme en acceptant l’argent de Bongo. Et cette dame a été évacuée et sauvée dc la mort. Mais aujourd’hui, ceux qui nous le reprochaient prennent l’argent d’un milliardaire du régime passé à «l’opposition». Quelle différence y a-t-il entre l’argent de ce milliardaire et celui de Bongo? Nous avons endosser la responsabilité d’autoriser Lourna à faire soigner sa lemme. Nous n’avions pas de moyens pour assurer son évacuation en France. Devions-nous sacrifier cette femme sur l’autel des principes? En bons Staliniens, nous aurions dû la sacrifIer, n’est-ce pas? Mais nous sommes de simples humains. L’histoire jugera si nous avons commis une erreur ou non.»

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Pour conclure

Cet opuscule, comme l’a écrit Benoît Mouity-Nzamba, n’a pas la prétention de donner de manière exhaustive les multiples facettes de la biographie du candidat du P.G.P. C’est la contribution d’une équipe de jeunes journalistes. Ils se veulent avant tout des militants du Parti et comme tels au service du journal du Parti, «Le Progressiste».

I1 est notre modeste contribution à la campagne du Parti pour le succès de son candidat synonyme de paix, de justice sociale, pour le rayonnement et la prospérité du Gabon et du respect de sa souveraineté. Mais la saga pittoresque d’un combattant pour les libertés n’est jamais complète de son vivant. De belles pages restent encore à écrire, tant sur l’histoire du Gabon que sur ceux qui incarnent les forces agissantes dans les soubresauts de l’histoire. Pierre-Louis Agondjo-Okawé est de ceux-là. Si son combat pour un véritable État de droit, pour un État démocratique est à peine gagné, l’histoire déjà s’accélère et l’entraîne dans d’autres méandres, ceux du chemin de la Présidence, car la réalisation de la société dont il rêve et pour laquelle il s’est toujours battu n’est vraiment envisageable que si ceux qui ont toujours pensé et y ont consacré leur vie en supervisent l’organisation.

Tel est le sens qu’il convient de donner aux premiers pas vers la Présidence de la République de celui qui, au moment où nous écrivons ces lignes, n’est encore que «Candidat à la candidature», Me Pierre-Louis Agondjo-Okawé .

Les auteurs.

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Table des matières

Préface : Le sens d’un combat ........................................................ p. 4

Chapitre I : Enfance, scolarité et vie familiale

L’enfanceLes conditions de la naissance ........................................... p. 6

L’enfance au village ............................................................ p. 7

La scolarité Les études primaires ............................................................ p. 7

Le cursus universitaire ........................................................ p. 11

La vie familiale La famille stricto sensu ...................................................... p. 15

La famille lato sensu ........................................................... p. 18

Chapitre II : Itinéraire syndical et politique

L’engagementLe militant révolutionnaire ................................................... p. 22

La lutte pour l’indépendance réelle ..................................... p. 24

La france choisit Bongo ......................................................... p. 26

Des hommes et des idées en Afrique CentraleL’échec de la Fédération Centrafricaine ............................. p. 27

Le foisonnement démocratique gabonais ........................... p. 27

L’autoritarisme appelle la révolte ......................................... p. 29

Le parcours du combattantDans le mouvement associatif ............................................... p. 30

Entre Libreville et Brazzaville:l’expérience congolaise ....................................... ..................... p. 31

L’universitaire novateur .......................................................... p. 33

Le doyen rigoureux ................................................................... p. 34

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La création du P.G.P. ................................................................. p. 35

L’avocat des causes perduesLe procès de madame veuve Mba Germain ....................... p. 39

L’avocat sans frontières .......................................................... p. 41

Le temps de la réflexion .......................................................... p. 42

L’opinion sur les hommesPaul-Marie Yembi .................................................................... p. 43

René P. Souzatte , J.H. Aubame, Omar Bongo ................ p. 43

J.J. Bouckavel, P. Mba Abessole Nzoghe Nguéma, Mihindou Mi-NzambaJ. B. Ogouliguendé ..................................................................... p. 45

Pouzère, Oyé Mba ..................................................................... p. 47

Chapitre III : Bilan et perspectives

Les relations avec le R.N.B. ou la pomme de discorde ..................... p. 50Le R.S.D.G., les législatives boycottées ............................... p. 51

Le gouvernement de crise,la candidature à la candidature de la C.O.D. ........................ p. 52

Le R.S.D.G., les législatives boycottées ............................... p. 51

La création de la C.O.D. ........................................................... p. 54

L’adhésion des personnalités indépendantes ..................... p. 55

Quelle stratégie pour gagner en décembre 1993 .................................. p. 56Les conditions d’organisation des élections ....................................... p. 60

Au lendemain des présidentielles .......................................... p. 62

Le financement des partis ......................................................... p. 63

De la souveraineté nationale .................................................... p. 65

Les problèmes de société .......................................................................... p. 67

Pour conclure ............................................................................................. p. 71