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BI-MENSUEL DIRECTEUR POLITIQUE BERTRAND RENOUVIN, I—*50^-1 ÉCOUTES 1 y a peu, on reprochait I à « L ' Evénement du J e u d i » d e f o n d e r s e s accusations sur de sim ples rumeurs. Notre confrère a s a n s d o u t e v o u l u s ' a m e n d e r puisqu'il appuie désormais ses enquêtes sur des preuves. L'ennui est que, dans l'affaire Garetta, ces preuves ont été obtenues par l'écoute clandestine d'une conver sation entre les avocats du méde cin emprisonné et un journaliste du Monde. Ce type d'écoute est évidem ment interdit, et la recherche de renseignements par ce biais est répréhensible sur le plan moral comme sur le plan pénal. A for tiori la publication de tout ou partie des enregistrements ainsi obtenus, qui d'ailleurs ne consti tuent pas des preuves. Malgré la gravité de ces infrac tions, L'Evénement a échappé à la saisie. Telle est la décision de la justice. Mais l'autorité de la chose jugée ne nous empêche pas de dire, avec la rédaction du Monde, qu'il faut voir dans cette pratique d e l ' é c o u t e c l a n d e s t i n e u n e « dérive des moeurs journalisti ques claire et consternante » qui déshonore ceux qui la pratiquent. M2242 -588 - 15 00 F FRANCE Les royalistes peuvent-ils encore espérer ? Ecolos Vers un lobby vert ? (p. 3) Tabac La rage réglementaire (p. 2)

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Page 1: BI-MENSUEL DIRECTEUR POLITIQUE BERTRAND … · ment interdit, et la recherche de renseignements par ce biais est répréhensible sur le plan moral comme sur le plan pénal. A for

B I - M E N S U E L DIRECTEUR POLITIQUE BERTRAND RENOUVIN,

I—*50 -1ÉCOUTES

1 y a peu, on reprochait

I à « L'Evénement duJ e u d i » d e f o n d e r s e sa c c u s a t i o n s s u r d e s i m

ples rumeurs. Notre confrère as a n s d o u t e v o u l u s ' a m e n d e rpuisqu'il appuie désormais sesenquêtes sur des preuves. L'ennuiest que, dans l'affaire Garetta, cespreuves ont été obtenues parl ' é c o u t e c l a n d e s t i n e d ' u n e c o n v e rsation entre les avocats du médecin emprisonné et un journalisted u M o n d e .

Ce type d'écoute est évidemment in terd i t , e t la recherche derenseignements par ce biais estrépréhensible sur le plan moralcomme sur le plan pénal. A fort ior i la publ icat ion de tout oupartie des enregistrements ainsiobtenus, qui d'ailleurs ne constituent pas des preuves.

Malgré la gravité de ces infractions, L'Evénement a échappé à lasaisie. Telle est la décision de lajustice. Mais l'autorité de la chosejugée ne nous empêche pas dedire, avec la rédaction du Monde,qu'il faut voir dans cette pratiqued e l ' é c o u t e c l a n d e s t i n e u n e« dé r i ve des moeurs j ou rna l i s t iques claire et consternante » quidéshonore ceux qui la pratiquent.

M2242 -588 - 15 00 F

F R A N C E

Les roya l is tesp e u v e n t - i l s

encore espérer ?

E c o l o s

V e r s u n

lobby vert ?(p. 3)

Ta b a c

La ragerég lementa i re

(p. 2)

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Soâàtà

Volutes

ç&li

Eco OS

Hypocrisies réglementaires U n e s o u r i s v e r t e . . .

Dft abord une confession, qui/ nous évitera peut-être troisd é s a b o n n e m e n t s d e n o n -fumeurs mi l i tan ts , dé fenseurs de la liberté de respi

r e r , e t t r o i s a u t r e s d e f u m e u r sacharnés, amis de la liberté d'inhaler. Je suis une fumeuse repentie,j'ai écrasé ma dernière dope il y adeux ans, j'ai été sur les nerfspendant un mois puis je n'y ai pluspensé jusqu'à cette nuit du 31octobre, où, campagne anti-tabacaidant, j 'ai rêvé que j'aspiraisvoluptueusement une bonne grossebouffée de Gaulo ise Bleue.

D ' o ù d e s s e n t i m e n t s m ê l é s .L'entrée en vigueur du décret surl'usage du tabac me range dans lecamp des vertueux, sans que j'aie àfaire le moindre effort : coup double ! Mais l ' interdict ion de fumerdans les lieux publics est, si je puisdire, irritante. Pourquoi ?

D'abord parce que l'État est parfaitement hypocrite dans cetteaffaire : il produit du tabac parSEITA interposée et réprime sonusage, il porte par conséquentatteinte à la santé publique (et paiepour les malades) tout en veillant àla salubrité de l 'air dans les halls de

gare et sur les quais du métro. Cen'est pas la première fois qu'il selivre à ce double jeu : tandis que lapolice dresse des procès verbauxpour racolage sur la voie publique.

L aM a i s

rovaMste aSOMMAIRE : p.2 : Hypocrisies réglementaires - p.3 : Une souns verte... - p.4 : Gossave the Qu...él}ec I - p.5 : Tntxjlationsd'un Japonais en Chine ■ p.e/7 : L'avenir duroyalisme - p.8 : Louis XVI, Roi réviolution-nalre ? - p.9 : Ernest Renan : le 19® siècleparie au 20® siècle - p. 10 : 25 octotrre - Lamédiocrité est-elle révolutionnaire ? - p. 11 :Action royaliste - p. 12 : Editorial : Lesplombs qui sautent.

REDACTION-ADMINISTRATION17, rue des Petits-Champs, 75001 Paris

Téléphone :(1) 42.97.42.57Dir. de la pubécation . Yvan AU MONTComm. paril. 51700 - ISSN 0151-5772Diffusion NMPP - Imprimé en France

vague néo-libérale achève de mourir sous nos veuxais 1 hyper-réglementation qui l'a accompagnée lui"s u r v i v r a -

le fisc encaisse sans sourciller lesimpôts des prostituées. Après l'Étatflic et maquereau, voici que l'Étatdevient tout à la fois cancérigène etcancérologue. Bravo !

Le deuxième motif d'irritation,c'est que le décret anti-tabac nousfait franchir un nouveau degré dansl'escalade réglementaire. On saitque le principe de la libre-concurrence exige une normalisation préalable des produits qui s'effectue tantbien que mal grâce à un surcroît debureaucratie : telle est la logiqueinfernale du « libéralisme » bruxellois, dont on tente de sortir par larègle de la subsidiarité qui recréera

immanquablement une diversitéfaussant les conditions idéales de laconcurrence. Mais en proclamantcette règle de l'action subsidiaireon ne s'est pas aperçu que les Étatnationaux l'appliquaient déjà par laforce des choses : la politique de1 environnement, par exemple, setraduit par une réglementation deplus en plus détaillée - du bruit autransport des ordures.Je n'ai rien contre ces dispositions

et je boucle ma ceinture de sécuritécomme tout le monde. Maisj'observe une tendance, et je crainsqu'on la pousse toujours plus loinau détriment de la liberté. Ira-t-on'pour des motifs de santé publique'jusqu'à obliger les citoyens à mettreun chandail à partir du 1" novembre ? Pourquoi n'interdit-on pas1 alcool qui est tout aussi pathogSicque le tabac ? Sera-t-on obUgé danun proche avenir de présenter nnpaquet de préservatifs à toute réquisibon, et de démontrer à un fonc-tionnau-e assermenté qu'on enconnaît l'usage ? C'est drqu'ilo y a pas de limites claires àacbyite réglementaire, qu'elle ris

Se'" " Pl* ar tLe troisième et dernier motif

d'irritation, c'est cette obsession dumonde pur qui caractérise certainsécologistes et qui pousse les plusr a d i c a u x à c o n s i d é r e r l ' h o m m ecomme un agent polluant. Dans lecas ,du tabac, cette obsession a deseffets ridicules : on interdit le tabacdans les gares et dans les stations demétros, riches en courants d'air quichassent la fumée, mais où surabondent les microbes de toutes sortes.Ces réticences quant à l'extension

des règlements n'implique aucunecomplaisance pour le tabagisme. 1'est vrai que le tabac des autres estpénible et dangereux dans ces espaces clos que sont les bureaux, le®compartiments des trains, etc-J observe simplement que jusqu''*présent nombre de rapports sociau*quotidiens se composaient grâce auxregies de la politesse - notanmieutquant à l'usage du tabac. La réglementation remplace la civilité.souplesse des comportements s''rigidifie en confrontations juridiqu ^assorties de sanctions, l'invitatio''amicale au respect d'autrui est remplacée par l'appel à la police,sem de la responsabilité de eha ua égard de chacun se perdra« lecture du texte réglementair.C est sans doute ce qu'on appeU"retour à l'authentique...

Je souscris un abonnement de troisement de trois m.ie m.. ^ ■ C 111

Annette DELR.^

mois (100 F). six

NOM :

A d r e s s e :

e n tun an (270 F). de soutien (500F)'(V Encadrez ia formule de votre

■ ■ Pfénom

Profession ;ROYALISTE, 17, rue des Petits Ph naissance ■

'^''ts-Lhamps ysom D^ P a n s - C C P i 8N paris

Royaliste 588

Ces « alliances buissonniè-res » comme titre jolimentL ibéra t ion (1) p ré ludent -elles à l'éparpillement desformations nouvelles, sont-

elles une étape vers le « pôleécologiste fort » que paraissent souhaiter leurs dirigeants, ou marquent-elles une subversion de la démocratie ?

Trempez-la dans l'huile...Le caractère « inclassable » des

amis de Lalonde et Waechter devraitnous être plutôt .sympathique. 11serait bon signe dans la mesure où ilrévèle l'irruption dans l'arène politique d'une force assez neuve pourprendre à conrte-pied la routinedroite-gauche et forcer l'ensembledes acteurs à une remise en causede leurs positions.

Ce dont on rêvait voilà quinze ansest largement dépassé quand la (listede compétition ou l'autoroute fontun détour pour épargner une fleurrcmiuquable ou un marais. On nepeut le nier, le militantisme écologique a complété d'une dimension leraisonnement technocrat ique.L'obligation de prise en compteglobale de leurs interventions obligepolitiques, ingénieurs et fmanciers àprévoir les impacts à long terme etmesurer leurs responsabilités en cequ'ils entreprennent. Cette considération refrène sans doute quelquesambitions, ivresses ou appétits, ouplutôt les soumet à l'arbitrage d'unnouveau partenaire dont il fauts'assurer la connivence. Après « lesocial ». voici « l'environnement »devenu l'une des instances de ladémocratie.Qu'elle soit de droite ou de gauche

n'est pas a /otot/discernable. De làà l'étiqueter tranquillement a-politique, U y a un saut dont il fauts'abstenir. Quelques traits fréquemment caricaturaux semblent dériverd'une philosophie implicite (2) : unnaturisme radical, aussi exclusif queles fondamentalismes pseudo-religieux, tend à envahir le champ desvaleurs absentes au risque d'éclipserpour de bon les multiples dimen-

Forts de leurs performances aux élections régionales, lesdeux mouvements écologistes ont pris, sur le marché de

l'embauche électorale, ime plus-value notable. Ils enprofitent pour se négocier ime conduite, région par

région, avec im pragmatisme qui désarçonne im peu lespartis conventionnels.

4 L a i o n d c e t Wa c c h t c r : f r è r e s e n n e m i s o u l i a i s o n c o n t r e n a t u r e . . . ?s i o n s d e l ' h o m m e . C e b i o - r a t i o n a

lisme .serait finalement plus mutilantencore que la brutalité technicienne.

Trempez-la dans l'eau...Les partenaires des Verts ou de

Génération Ecologie n'entrent évidemment pas d;ms ces considérations quand ils contractent avec euxdes alliances. Ils concèdent quelquespreuves de bonne volonté pratique àl 'égard de l 'env i ronnement local- i c i u n e « a g e n c e » , l à u n« observato i re », là un « p lan-dccheLs », et là encore un coup depouce aux t r anspo r t s en commun -en échange d'un budget bien votéc o m m e e n I l e - d e - F r a n c e , e n L o rraine ou dans le Nord. Pragmatisme.Qu'importe si ces alliés se nommentMichel Giraud, Gérard Longuet ouDaniel Percheron et soient respectivement du RPR, du PR et du PS !Pourtant, ils feraient bien de s'eninquiéter. Car si les « écolos profonds » (3) ne sont pas chauvins,c'est que leur mépris de la classepo l i t i que es t empre in t d 'unei r m n e n s e t o l é r a n c e . I l s s o n t t o u t

prêts à frayer avec elle et à luiinfuser goutte à goutte leurs exigences, à condition de n'avoir enéchange à épouser ni la cause

traditionnelle du (lolit icien ni sc,scri tères. Cet écart vertueux, ce refusd e s ' a . s s i m i l e r , c e d é s i r d e s t a t u thors-cadre est l'angéllsme qui distingue l'« écolo »-type du citoyenordinaire en pol i t ique. Et contrequoi notre mise en garde n 'e.stpeut-être pas inutile.

E l l e s ' a d r e s s e a u m i l i t a n t d er e n v i r o n n e m e n t l u i - m ê m e . E s t - i lentré librement dans le jeu politique,pour un plein engagement d'élu end é m o c r a t i e ? O u b i e n f o n c t i o n n e -t-i l en membre d'un lobby, assezpui.s,s;mt et séduisant pour s'offrird e s é l u s d o n t l ' o f f i c e s e r a i t d e

propager ses thèses et de représenterses intérêts dans les instances déci-s i o n n a i r e s d e l a n a t i o n ? D a n s c ecas, il faut qu'il prenne conscienceque l'usage ainsi fait des institutionsest proprement subversif, puisqu'ildénature le service du pieuple enprestation servile au profit d'ungroufie de pression.

Ça fera un escargot...La différence est d'importance. La

droite, qui n'aura pas besoin debattre l'arrière-ban pour affronterles prochaines élections législatives,ne s'en apercevra peut-être pas desitôt. Mais ceux qui escomptaient

n o u e r u n e n o u v e l l e U n i o n d e l aGauche en faisant convoler le PS en

mariage champêtre avec un assortiment de Ver ts e t de GE se re t rouvent nez-à-nez avec une coalit ion de

citoyens qui cultivent une éthiqueun peu particulière. L'accord entreB r i c e L a l o n d e e t A n t o i n e Wa e c h t e rrisque de leur coûter cher en voue,et les place en tous cas devantl'urgente néce.ssité de re,ssaisir aum o i n s d e s b r i b e s d e l a v i e i l l emorale laïque et républicaine.

La .sauvegarde de l'environnemente s t u n e a f f a i r e d e b i e n c o m m u n

p o u r l e s c o m m u n a u t é s l o c a l e s ,n a t i o n a l e s , e t i n t e r n a t i o n a l e s . S alégislation entre peu à peu dans ledomaine du droit, et sa défense dansle devoir quotidien des politiques.Qu'un « lobby vert », outrepassant.sa vocation d'a.s.sociation, s'arrogeun magi.stére en la matière et s'ixts-talle en « .squatter » dans lesiLssemblées démocratiques entraînerait chez nous une capilotade de[iremière grandeur pour la démocrat i e .

C'e.st aussi pourquoi .se joueradans las prochains mois l 'avenircivique de ceux que le souci der e n v i r o n n e m e n t a l ' a n d e r n i e rmobilisés, ou remobilisés dans l'unedes fonnations « écologistes ».Vont-ils se lals-ser réduire à unefiguration au service d'un nouveauo u t r è s a n c i e n s e c t a r i s m e ? O usauront-ils, à la lumière de la pratique globale du politique que leur arévélée leur expérience enviroime-mentale, restaurer en commun lesbases d'une citoyeimeté responsablee t o u v e r t e ?

La réponse est, chez les Verts etGénération Ecologie, à ceux quipensent que cette petite musiqueéthique leur parle et les concerne.

Luc de GOUSTINE(1) Libération - Jeudi 29 octobre 1992.

(2) dont Bertrand Renouvin (« L'amourdiscret de la patrie »), Luc Ferry (« Lenouvel ordre écologique... ») et GérardLeclerc dans le dernier Royaliste (n" 587)décrivent assez pertinemment les perversions.(3) au sens de l'« écologie profonde » deLuc Ferry.

Royaliste 588

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B R E V E S

♦ LIECHTENSTEIN : Une crise politique a été évitée de justesse dans laminuscule principauté du Liechtenstein oùle prince régnant Hans-Adam II, menaçaitde dissoudre le Parlement et de renvoyer legouvernement en raiscm d'un différend surl a d a t e d u r é f é r e n d u m d ' a d h é s i o n

l'Espace Économique Européen (CEE),Ccaitrairement au Parlement et au gouvernement, le prince voulait que ce référendum soit organisé avant celui qui doit avoirlieu en Suisse, afin que les électeurs n'ensoient pas influencés. Mercredi 28 octobre,pour la première fois dans l'histoire dupays, le prince a été hué par un millier deses sujets. Il a dû s'incliner devant lav o l o n t é d e s é l u s ; l e r é f é r e n d u m a u r afinalement lieu les 11 et 13 décembre, soitune semaine après celui organisé enS u i s s e .

♦ GRANDE-BRETAGNE : Le princeCharles d'Angleterre sera officiellementreçu sous la coupole en décembre prochainafin de prendre place à son siège de« membre assoc ié » de l 'Académie desSciences morales et politiques auquel il aété élu l'année dernière. 11 rejoindra ainsile roi d'Espagne qui avait été reçu àl ' Ins t i tu t dans ce t te même Académie en1 9 8 8 .

♦ BELGIQUE : Le roi Baudouin et lareine Fabiola de Belgique seront officiellem e n t l e s h ô t e s d e l a F r a n c e l e 3 0

novembre et le l®'' décembre prochains.Depuis mai 1961, les souverains belgesn'avaient pas accompli en France de visited'État.

♦ JAPON ; Afin de célébrer le vingtièmeanniversaire du rétablissement des relationsentre la Chine et le Japon, l'empereurAldhito et l'impératrice Michiko se sontrendus du 23 au 28 oc tobre dern ier envisite d'État en Chine. « L 'e;ipériencepassée, si e/ie n 'est pas oubliée, doit servirde guide pour l'avenir » devait déclarer leprésident de la République, Yan Shangkunen faisant référence aux mill ions de victi

mes chinoises pendant l'occupation nip-pone. L'empereur lui a répcmdu en destermes choisis, soigneusement pesés par legouvernement japonais pour éviter que leJapon s'excuse des « souffrances sansnom » selon le mot de Shangkun. « Dansl'Histoire des deux voisins, a dit l'empereur, a y eut une période maJheureuse,pendant laquelle mai pays a infligp degrandes souffrances au peuple chinois. Jeie déplore profaidément ». Si l'on s'entient à la traduction chinoise, l'expressionimpériale n'implique pas la notion deregret :« j'aiie coeur très lourd n.

♦ ESPAGNE : Le comte de Barcelone,père du roi d'Espagne, dont la santéinquiète toujours le pays, a tenu récemmentdans la presse espagnole des propos qui ontrenconU-é un large écho. 11 s'est en effetpubliquement inquiété des conséquencespossibles d'un éclatement du royaume sousle poids des forces centrifuges - notamment catalanes - qui menacent l'tmiténationale.

ÀtL

Je t aime moi non plus

God save the Qu...ébec !

« Faut qu 'on s'sépare, y faut qu 'on s'quitte...Prends l'Pacifîque, j'garde l'AtIantique...i>

(Robert Charlebois).

Dar cette chanson, qui n'estpourtant pas d'un indépendantisme échevelè, le chanteur a fa i t p reuve de lap r é m o n i t i o n d o n t t é m o i

gnent parfois les artistes. Les Québécois et les Canadiens devaientrépondre, le lundi 26 octobre à laquestion suivante : « Acceptez-vous que la Constitution du Canada

s o i t n e n o u v e l é e s u r l a b a s e d el ' e n t e n t e c o n c l u e l e 2 8 a o û t1992 ? ». Le non l'a emporté, avecp lus de 54% sur l ' ensemble duCanada, dans 6 provinces sur 10 !Si le Québec, avec 55% de refus, netient pas la tête, encore faut-il savoirque 85% des anglophones de la« Belle Province » ont voté oui, lesfrancophones se prononçant à 65%pour le non.

U N « N O N » F R A N C E TM A S S I F

C e « n o n » d u Q u é b e c , t o u tcomme celui des provinces des« Prairies » de l'Ouest, et surtoutde la Colombie britarmique - façadepacifique du Canada - exprimepour le moins (bien que pour desraisons différentes voire contradictoires) une demande accrue d'autonomie. Chacun s'accorde à reconnaître que, mise à part JacquesParizeau (Chef du Parti Québécois)et le dissident libéral Jean Albin, cetéchec est non seulement celui duPremier Ministre Brian Mulroney etde Robert Bourassa - qui a largement trahi ses « concitoyens »Québécois - mais aussi de l'ensemble de la classe politique. Cela nousrappelle - mutatis mutandi - quelquechose... D'autant que les tenants duoui n'ont pas lésiné sur le chantagequant aux conséquences économiques en cas « d'échec ». Séismepolitique donc, sur fond de crise desociété dans un pays largementdésun i .

Jacques Duffesne (1) constatait la

veille du scrutin que « le Peuple estnu. Comment retrouver l'équilibre ?... Uniquement par le haut. Ilfaut un principe spirituel... Telle estla question fondamentale. Soljénitsyne l'a maintes fois posée entermes mystiques...-». Et de constater

^ Québec :le Château Frontenac.

que, même si on l'étudié en termesplus rationnels, « l'humanisme centré sur les droits individuels nesuffit pas ». A cet égard les « premieres nations » sont-elles les grandes perdaiites du rejet populaire ?Le « droit inhérent à l'autonomiegouvernementale des peuplesautochtones » devrait être reconnupar la ConsUtution, dans laquelle ons empressait d'affirmer la prééminence des lois fédérales et provinciales « essentielles au mainùent dela paix, de l'ordre et du bongouvernement du Canada». Enoutre, cette « autonomie gouvernementale » ne créait pas de nouveaux droits. Il n'en reste pas moinsque SI le Québec accède un jour à la

souveraineté, il ne pourra que semon t re r exemp la i re dans cedomaine. Ce ne sera pas simple...

LA REVANCHE POSTHUMEDE RENÉ LÉVEQUE ?

Quid de la « société distincte »promise pour appâter les Québécois ? Bernard Landry (2), avantmême le référendum, écrivait :« Depuis trente ans, depuis le« Maître chez nous » de JuanLesage et de la Révoiudon tranquille, le Québec réclame plus tiepouvoirs, revendique la pleine maîtrise des leviers de son devenir... larécupéradon de pouvoirs exclusifsest au coeur des revendicationshistoriques du Québec... Purementsymbolique... l'affirmadon de lasociété disdncte n 'a aucune efficacité pour assurer la force et l'odg''nalité du peuple Québécois »-Des résultats, on ne peut tirer de

conclusions hâtives sur ce que veulent les Québécois (en particulier apropos de leur souveraineté). Maisles incohérences des « mauditsanglais » pourraient bien pousserles indécis à franchir le pas ; cÇqu'ils n'ont osé faire avec RcncLévéquc, lors du référendum de1980 sur la souveraineté-associa-tiori. Ce serait pour ce grand hommepolitique une belle revanche pc®'thume. Au soir de la consultatioii.Jacques Parizeau ne déclarait-»'pas ; « Cette fois-ci, on a dit t:edont on ne voulait pas. fa pftchaîne fois on dira ce qu 'on veut f-A bon entendeur...Certes, nous n'avons pas, frança»et royalistes, à donner de conseils /»

nos frères francophones d'Auie»que. Leur maturité prouve d'aiHenr®qu ils n'en ont pas besoin. Mais of nous empêchera pas d'éproude la sympathie - revenons àebois - pour le « bustier'yse » plutôt que pour le « T'sb'J

». Sa Majesté hritaniuq"dut-eUe en pâtir !

Alain SOLA^(1 et 2) « La Pmsse » de Montréa'samedi 24 octobre 1992.

Tribulations d'un Japonaise n C h i n e

Ce voyage est certes uneconséquence de la normalisation sino-japonaise quiremonte tout de même àvingt ans. 11 marque aussi la

fm de la guerre froide et ratifiel'absence de l'ex-URSS et de lanouvelle Russie sur la scèneextrême-orientale. L'Asie compteencore trois pays communistes auxconfins de l'ancienne Union Soviétique : la Mongolie extérieure, laCorée du Nord et la Chine. Per-soime ne veut hnaginer ce qui sepasserait si soudain ces régimess'effondraient. Et l'on a l'air decroiser les doigts pour que lessuccessions annoncées de Kim IISung et Den Xiaoping se fa.ssent endouceur et que les inévitables transitions s'échelonnent sur dix ou vingtc U l S .

On peut certes craindre une déstabilisation du second empire rougevenant s'ajouter à celle du premier,mais la perspective qui se profile al'horizon d'une Corée réunifiée etd'une seule Chine ayant réintégréHongkong et Taïwan n'impres-siorme pas moins. La jonction dupotentiel fmancicr des « dragons »de Séoul, Hongkong et Taïpei etdes ressources minérales et militaires (atomiques) de Pyong-Yang etPékin constitue un formidable défipour Tokyo qui dépend de l'extérieur pour ses matières premières,son énergie et sa protectionnuc léa i re .Le voyage de l'Empereur, en dépit

de l'absence d'excuses formellespour le passé, peut en soi êtreconsidéré comme un signe de faiblesse d'un Japon qui s'embourgeoise et perd de son arrogance.Mais il est aussi à la mesure de cedéfi. Le premier réflexe de Tokyoface à de nouveaux concurrentspotentiels est de les investir del'intérieur. Il y renforcera ses investissements mais il ne fera qu'ajouterà ceux des Coréens et des Chinoisde l'extérieur. Pékin n'a aucuneenvie de revivre l'époque des« concessions ». Même s'il y a desaffmités géographiques : Coréens et

L'incroyable visite de rHonorable Fils du Ciel au CélesteEmpire a bien eu lieu comme prévu fin octobre. Les

temps étaient mûrs non seulement pour quelques rappelshistoriques de la conquête de la Chine par le Japon en

prélude à la seconde guerre mondiale, mais encore pourun retour à la Civilisation mère, ce qui ne s'était jamais

fait depuis plus de deux mille ans. Les conséquencesgéostratégiques peuvent être immenses.

Japonais plutôt au nord, Taïwanais,Chinois de la diaspora au sud, lemaintien d'un parti communistedécent ra l i sé e t conver t i aux va leursde l'entreprise s'efforce de compenser la faiblesse de l'État central.

Dans cette hypothèse, qui seraitcelle d'une réelle montée en puissance de la Chine, il faudrait enrevenir au vieux jeu de l'équilibre.Laissant la Russie en dehors et laCorée en outsider - voire le terrain

d ' u n e n o u v e l l e r i v a l i t é - u n f a c c -à-face Chine-Japon ne laisse pasd'être inquiétant à terme. Unealliance consacrée entre les deuximpliquerait de la part de Tokyoune préférence asiatique qui nelaisserait pas intacte son optionoccidentale. Une opposition, parcontre, contraindrait l 'Qccident àchois i r l 'un ou l 'aut re.Ces perspectives se présentent

d'ores et déjà à nous. L'attitude

envers Pékin est pratiquement leseul sujet de politique étrangère quiai t const i tué un enjeu entre lescandidats aux élections présidentielles américaines. Le préjugé proch ino is de Bush es t connu. L 'échecde son voyage au Japon a é téflagrant. 11 n'en faut pas plus pourvoir dans la Chine le nouvel all ié derevers . D 'au t res en revanche réventd'une sorte d'arbitrage permanent àla faveur duquel les États-Unispourraient à nouveau régenter lascène asiatique jouant de la Chine etdu Japon l'un par rapport à l'autre.E n c o r e f a u d r a i t - i l c o n s e r v e r o u s edonner de nouveaux moyensd'influence, à la fois économiques( d e n o u v e a u x fl u x d ' i n v e s t i s s ements) et politiques (la participationà de nouveaux arrangements desécurité type CSCE pour l'Asie parexemple se substituant au retrait desbases militaires).

Ce réinvestis-sement sur l'Asie à lafois du Japon et des États-Unis quipourra i t c t i rac tér iser la nouvel lepiia.se dite encore po.st-soviétiquepour ne pas dire ouvertement post-communiste, laisse l'Europe endehors. 11 nous est impossible dercssu.sciter l'ours ru.sse pas plus quede se faire accorder des « concessions » en Chine. La poursuite denotre dialogue avec Tokyo et Washington, au sein du club encore« exclusif » des puissances les plusindustrialisées, s'il ne doit pas resterpurement commercial et financier,suppose d'en tenir compte. Que l'on.songe que demain, un demain trèsproche, le Japon pourrait troqueravec la Chine son entrée au club desmembres permanents du Conseil deSécurité contre l'accès de celle-ci auG 7. Si nous ne voulons pas quececi se fasse à notre détriment, ilfaut aussi que nous nous mettionsen mesure de le vouloir. (1)

Yves LA MARCK

(1) Voir Royaliste n»» 573 : « Pax NifqKnica- La place du Japon demain ».

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L'avenir du royal isme

AI lors que tous les partis et

mouvements politiques sont en crise, lesroyalistes connaissent eux aussi unesituation difficile. Elle présentécependant de fortes originalités, dont ilfaut faire des atouts. Est-ce possible ?A quelles conditions ? Sans farder ladure vér i té, Yvan Aumont et Bert randRenouvin ont répondu aux questions deSylvie Femoy.

♦ Sylvie Femoy : S'il vous fallait choisirun seul mot, diriez-vous que la situation duroyal isme français est : encourageante,contrastée, paradoxale, consternante, lamentable, désastreuse ?

Yvan Aumont : Chacun de ces mots peutdécrire un aspect de la situation, ou l'évolutionpropre à une tendance. Ceux que nous appelonsles « Blancs d'Espagne » connaissent de gravesfractures internes, et l'Action française, de soncôté, subit sa énième crise militante, mais je megarderai de choisir dans ta liste un adjectif afmd'éviter les polémiques inutiles. En ce quiconcerne la Nouvelle Action royaliste, je diraique la situation est préoccupante.♦ Sylvie Femoy ; Pmdence diplomatique !Y, Aumont : On peut sans doute choisir unautre mot, mais l'important est d'éviter à la foisl'auto-satisfaction et les séances de flagellation.Tout à l'heure, nous préciserons la nature desobstacles rencontrés. Mais, en ce qui concernenotre mouvement et notre journal, le fait estqu'il n'y a pas de crise interne.

♦ Sylvie Femoy : Un encéphalogrammeplat n'est pas un signe de bonne santé...Bertrand Renouvin : Le dynamisme ne s'estpas perdu, mais les résultats de nos efforts sesont banalisés. Au début de notre aventoe, lapublication régulière d'un journal galvarnsait les

énergies militantes ; le premier livre que nousavom publié a fait l'objet d'une mobilisation deplusieurs mois ; dans les premières aimées, unpacage à la radio ou à la télévision était unévénement attendu, commenté, critiqué. Maismaintenant... Nous publions « Royaliste »depuis plus de vingt ans, et cet effort constantest regardé comme la moindre des choses. Noslivres et ceux de nos amis proches forment unjoli rayon de bibliothèque, notre « image » s'estconsidérablement améliorée, les royalistes nesont plus considérés comme des factieux nitraités comme des parias. Cela donne une sortede confort, auquel on s'est habitué.Y. Aumont : Cette banalisation est positived la mesure ou elle montre que le royalismedémocratique a pleinement réintégré l'esnacepubhc, et regagné sa place dans le débatmteUectuel. Le revers de la médaillé, c'est qu'unphénomène banalise ne suscite pas l'entho.."es" " """"♦ Sylvie Femoy : Pour détruire une impression de routme rien ne vaut la marche ïn

<a NAR semble faire du su.

trouvons entovés ïuT nhTpremière entrave eâ 'orïemouvement aspire tout à fait ut a tait normalement à

participer à la représentation politique, dans lescollectivités décentralisées comme sur le plannational. Nous avons fait nos preuves danscertains conseils municipaux, et montré aupassage que les' royalistes étaient des éluscomme les autres, et non les étranges vestigesd une époque révolue. Mais nous ne parvenonspas à une représentativité politique sur le plannational malgré notre présence théorique dans lamajorité présidentielle : d'une part, l'attitudehégémonique du parti socialiste tout au long dela dernière décermie impliquait un rejet automatique de toute expression différente ; d'autre part,le projet de rassemblement de la majoritépr identieUe après 1988 a lamentablementéchoué avec « France unie » - entreprise nécessaire, qui a été gâchée puis gravement compromise par son principal animateur. Nous nous ensommes retirés à temps, et nous ne remettronsplus les pieds chez M. Soisson.♦ Sylvie Femoy : Le premier blocage Ucnt

donc au jeu des forces politiques. Et les e c o n d ?

Y. Aumont : 11 est dynastique, ce qui estbeaucoup plus grave. Mgr le comte de Paris nejoue malheureusement plus de rôle actif, et sonfils aîné n'a toujours pas choisi entre sa vieprivée et le métier de roi (ou de dauphin) quiexige un engagement de tout l'être et de tous lesinstants. Cela ne signifie pas que le comte deClemiont soit disqualifié : il s'est simplementmis dans une situation d'attente, ponctuée parquelques articles et quelques déplacements. D oùle désarroi des royalistes - pas seulement ceuxde la NAR - et les critiques que nous avonsadressées au Dauphin il y a un an. Dans lapériode difficile qu'ils vivent actuellement, lesFrançais ne s'intéresseront à la tradition capétienne que si celle-ci est présentée avec cohérence et constance, et toujours actualisée. Smon,beaucoup iront chercher ailleurs, peut-ctre

n'importe où, l'incamation de la symboliqueroyale.B. Renouvin : C'est un risque majeur depuisquelques années : i l peut y avoir captationbrutale de l 'hér i tage capét ien, on peut voirt r i o m p h e r n ' i m p o r t e q u e l i m p o s t e u r , t a n tl'attente est grande dans le pays, tant lesréponses sont faibles dans la dynastie légitime.C'est ce qu'a compris la princesse Chantai : ellere-présente stricto sensu la famille de France,elle redonne vie à la symbolique royale, ellerappelle la tradition capétiemie. Rien de plus,mais cet te ac t ion modeste e .s t déc is ive car e l leempêche l'effondrement des espérances.♦ Sylvie Femoy ; Nous passons là du droitde remontrance au crime de lèse-majesté...

Y. Aumont : Ne faisons pas comme si nousétions « au temps des rois » -en oubliant quel e s r o i s c o n s a c r a i e n t t o u t e l e u r v i e a u s e r v i c e d u

pays, en sacrifiant leur intimité et en mettant decôté leur états d'âme. Qu'on ne nous demandepas de nous abuser nous-mêmes et de tromperceux qui nous écoutent en devenant les spectateurs complaisants de l'inactivité politique et desquerelles de famille. D'ailleurs, personne ne peutse bercer d' i l lusions : la vérité toute crue s'étaledans les journaux, à la télévision, aux devanturesd e s l i b r a i r i e s . . .

♦ Sylvie Femoy : En ce cas, à quoi serventun joumal et un mouvement royalistes ?B. Renouvin : Contldence : il y a un an, auComité d i recteur de la NAR, nous nous sommesposés cette question et nous nous sommessérieusement demandés s'il ne fallait pas mettrela clé sous la porte. 11 n'y a pas de royalistessans roi, c'est-à-dire sans que le prince représente pleinement sa tradition et soit constammentau service du pays tout entier ; tel fut le cas tantque le comte de Paris eut la possibilité demaintenir son activité politique. Mais après lui...C'est au bout de plusieurs semaines de réflexionque nous avons décidé de continuer notre actionroyaliste. Ceci pour deux raisons. D'abord, lefait que la tradition monarchique demeure d'unepleine actualité pour l'ensemble du pays : ellemarque en profondeur nos institutions et noscomportements politiques, elle constitue toujoursl'arrière-plan de notre diplomatie, et l'imitationinconsciente de la symbolique royale montre àquel point celle-ci est nécessaire pour l'unité etpour l'identité de la nation.

Et puis, il y a le fait que l'idéxi royale, telle quenous l'avons envisagée, a pris corps en Roumanie et en Bulgarie. Je ne dis pas que le retour deMichel et de Siméon est acquis, mais nous avonsconstaté que notre projet royaliste est concrètement réalisable, qu'il peut devenir en peu detemps populaire, qu'il apporte, selon notreespérance, la garantie de la paix civile et de ladémocratie. Nous avons donc décidé de poursuivre notre réflexion et notre action communes, enappelant la famUle de France a assumer sesresponsabilités historiques. Nous ne savions pp,alors, que la princesse Chantai, à partn desmêmes constats, avait décidé de prendre laparole Nous avons dit notre colere et notreconviction en toute liberté, elle s'est engagee entoute indépendance.

royal isme, notre boime v ie i l le barque navigue par temps sombre au beau milieu d'unemer agitée - si je peux me permettre cettemétaphore classique.Y. Aumont : Oui. Quand ça tangue, il ne s'agitpas de pleurnicher... ou de sauter par-dessusbord. On garde le cap et on rame énergiquement.

♦ S y l v i e F e m o y : D a n s l e d o m a i n e d el ' e n g a g e m e n t c i v i q u e - l e s é l e c t i o n s , l e scampagnes militantes - c'est plutôt l'imagede la barque échouée qui s'imposerait...

B. Renouvin : La barque navigue avec unetrop faible voilure au beau milieu d'une escadrede navires de haut bord (P.S., R.P.R. etc.)attiiciués par des corsaires (les Verts, le Frontnational...). C'est compliqué et à tous égardsdangereux. Nous restons à distance du partis o c i a l i s t e , c a r l e m é t i e r d e m e r c e n a i r e n o u srépugne. Et nous ne voulons pas frayer avec lesVerts, ciui représentent la négation de la politique. Alors ? Alors, là encore, nous avons àt r a c e r l i b r e m e n t n o t r e r o u t e . N o u s a v o n s u npro je t po l i t i que spéc i f ique , r igoureusementdéduit de notre fidélité royaliste, qu'il s'agitd'affirmer et d'affiner. Bien sûr, ce projetconcerne tout d'abord les institutions politiquesde notre pays, dans leur pratique et dans leurthéorie, mais aussi le fonctionnement de l'État et,plus généralement le Politique en tant que tel,qu'il s'agit de défendre contre toutes les subvers i o n s e t t o u t e s l e s n é g a t i o n s d o n t i l e s taujourd'hui menacé - aussi bien l'écologismeradical que le national-populisme. Nous avonsaussi beiiucoup à dire sur le jeu de la Francedans le monde et sur l 'Europe - qui ne seréduira jamais pour nous à l'union de Maastricht. Les lecteurs de « Royaliste » savent avecquel le at tent ion nous suivons les quest ionséconomiques et sociales, et nous aurons àrassembler nos critiques et nos propositions enune synthèse claire.

•♦ Sylvie Femoy ; Encore faudrait-il quetout cela soit connu, et que nous devenionsdes acteurs permanents dans le débatpublic !Y. Aumont : Ne perdons pas notre temps enjérémiades inut i les . 11 y a les choses surlesquelles nous ne pouvons rien, qui sont horsde notre portée. Inutile de les ressasser enpermanence, ce qui est d'ailleurs toujours unal ib i faci le pour l ' inact ion. Nous avons desmoyens d'expression modestes, mais qui ont lemérite d'exister : un joumal régulier, des livres,des interventions somme toute régulières dansles médias. Cela ne fait pas la une de l'actualité ? C'est vrai, nous ne sommes pas maîtres duspectacle politico-médiatique. Mais, en revanche,il est en notre pouvoir de faire en sorte que laNAR soit toujours plus clairement :

- le mouvement du royalisme démocratique,- le carrefour d 'une réf lexion intel lectuel le

constructive et du dialogue engagé,- la matrice de projets politiques, économiques

et sociaux destinés à tous ceux, royalistes ounon, qui ne se satisfont pas de l'ordre desc h o s e s .

♦ Sylvie Femoy : En ce qui concerne le Propos recueillis par Sylvie FERNOY

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o u i s X V I , r o i r é v o l u t i o nnaire. Ce qual ificati f peuté t o n n e r . M a i s c o m m e n t

I appeler autrement ce jeuneI r o i d e 1 9 a n . s q u i p r e n d

pou r « p r i nc ipa l m in i s t re » , en1774, l'tm des auteurs de l'Encyclopédie : Turgot. Un choix applaudipar les philosophes des Lumières,d e V o l t a i r e à d ' A l e m b e r t . E t à

Turgot succéderont d'autres réformateurs éclairés : Necker, le banquier protestant (1776-1781) ;Ca lonne, l ' i n tendant phys ioc ra te(1783-1787) ; Brienne, l 'archevêque philosophe (1787-1788).

Les gouvernements de Louis XVIlanceront cinq grandes tentatives der é f o r m e s d a n s t o u s d o m a i n e s . Achaque fois, ils se heurteront à unf r o n t d e s c o n s e r v a t e u r s : h a u t

clergé, noblesse, parlements, maîtresdes corporations, spéculateurs etcourtisans soutenus par la Reine. Età chaque fois, le jeune roi devra sebattre contre tous les privilégiés deson pays, y compr is cont re sonentourage, pour soutenir ses réform e s e t s e s m i n i s t r e s . D a n s c e t t e l u t t e

quasi-solitaire, Louis XVI finirasouvent par céder ; il se séparera deTurgot en 1774 et de Necker en1 7 8 1 .

Les réformes reprennent en 1786,se focalisant sur l'une des proposit i o n s d e C a l o n n e , r e p r i s e p a rBrienne ; remplacer la corvéeroyale par un impôt égalitaire. Pendant deux ans, les parlementaires(des aristocrates privilégiés) feronttout pour bloquer cette réforme,allant jusqu'à pousser le peuple à larévolte par des arguments démagogiques.

Ma is ce t te fo i s , Lou is XVI es tdécidé à ne plus céder. Et s'il

Mémoire

Louis XVI, Roir é v o l u t i o n n a i r e ?

Le 21 janvier 1793, les Montagnards décapitaientLouis XVL Les contre-révolutionnaires vont s'emparerde ce bicentenaire à des fins de propagande. Pourtant, le

roi-martyr fut un véritable précurseur de la Révolution depar ses multiples réformes égalitaires et libérales.

accepte la réunion des États généraux, c'est en espérant bien queceux-ci seront la consécration de cesnombreuses années d 'e f fo r t vers lesréformes. Ainsi un ultime projet prisen conse i l des min is t res en décembre 1788 prévoit-il la mise en placed ' u n e v é r i t a b l e m o n a r c h i e c o a s t i t u -t i o n n e l l e .

L a R é v o l u t i o n d e 1 7 8 9 e s t d o n cprécédée d'une véritable « révolution légale » menée par Louis XVIe t ses m in i s t res . Une oeuv re ré fo rm a t r i c e s u r p r e n a n t e p a r s o nampleur, son audace, et sa persévérance. Le bi lan des réformes durègne, de 1774 à 1789, parle del u i - m ê m e .

Louis XVI c'est d'abord la tolé-

tire « Royaliste » c'est biens'y abonner c'est miei

^ ^ r ' n / ' / . r

rance religieuse, établie par l'édit detolérance des protestants de novemb r e 1 7 8 7 . S a d a t e t a r d i v e n e d o i t

pas fa i re oubl ier que le ro i fa i tlibérer les derniers galériens protestants dès 1775, et projette assez tôtun édit de tolérance. Louis XVI, roitrès-chrétien, sera aussi le premier àlancer le processus d'émancipationdes juifs de France : égalité desdroits patr imoniaux (1775), abol ition de l'impôt personnel des juifsd 'A lsace (1784) , reconna issance(1776) puis octroi du droit de voteaux juifs du sud-ouest (janvier1789).Louis XVI, c'est aussi une formi

dable avancée vers la justice et lesDroits de l'Homme, avec l'abolitionde la torture (1780 et 1788) et desderniers îlots de servage (1779),D'autres projets plus audacieux decode civil n'aboutiront pas, mais,grâce à Malesherbes, les lettres decachet sont limitées en 1776, avantla décision de les abolir, en 1788.Louis XVI, c'est également la

tentative de libéralisation de l'économie. Dès 1776, avec Turgot, les

co rpo ra t i ons son t abo l i es e t l aliberté de commerce intérieur desgrains établie. Une oeuvre provisoirement abohe par le départ deTurgo t . Ma is l e mouvemen t es tlancé : l'industrie sera de nouveausemi-libéralisée en 1779, et le com-merèe des grains libéré en 1787.Enfm, le traité de libre-échangeavec l'Angleterre (décembre 1786)marque un début de l ibéra l ismee x t e r n e .

Et puis Louis XVI, ce sera mêmele début de la démocratisation politique de la France. Dès 1776, Turgotpropose un vaste plan d'assembléesà tous niveaux, y compris uneiissemblée nationale. A partir de1778, quelques assemblées provinciales sont créées dans lesquelles letiers état détient la moitié des sièges,le vote s'opérant par tête. Puis le 23juin 1787, Louis XVI impose auparlement la création d'assembléesmunicipales, de district, et la généralisation des assemblées provinciales : une vingtaine seront créées etcertaines fonctionneront jusqu'en1790.

L'attachement profond de LouisXVI à l'Humanisme et la Liberté luiattirera de son vivant l'hostilité etles calonmies des réactionnaires. Lehasard de sa naissance et sa granderoi chrétienne attiseront la haine desjacobins et des montagnards,''msà mort le 21 janvierMais pour les démocrates, tous cas

efforts réformistes et modemisateursconstituent autant de raisons nouvel-

pour honorer la mémoire du roi.S, ^^maniste etr a t i o n M ' a d m iration. Ne laissons donc pas lesreacUom.a.,es monopole la com-

du martyr de Louisw . Libéraux et progressistes doi-

dire : Presents pour« V i v e L f O u L i y \ / r • »

l i b e r t é ! , ,

Sylvain de BOISSIEU

Royaliste 588

I D E E S

E r n e s t R e n a n :

Le XIX® s ièc leparle au XX® siècle

Is

I%

Le centenaire de la mort d'Ernest Renan permet de seressouvenir d'un personnage qui fut, en son temps, uncontemporain capital, et pour les générations de la jointure desdeux siècles une autorité intellectuelle, que l'on fût de droite

ou de gauche. Depuis lors, l'influence de l'auteur de l'A venir de laScience n'a cessé de s'amenuiser, sauf chez les spécialistes qui nepouvaient ignorer le savant des études sémitiques. De ce pomt de vue,Renan demeure un monument qui se dresse à l'égal des plus grandesfigures du temps, qui le reconnurent, tel Mommsen, et permet a laFrance de ne pas souffrir d'une infériorité trop écrasante par rapport aune Allemagne férue de sciences historiques et exegetiques. Ce qui enrevanche, a décru c'est 1,'importance littéraire d'un ecrivam dontbeaucoup surent par coeur la fameuse « pnere sur Iacropole », ainsique le caractère révulsif qu'eut sur les catholiques de 1 epoque 1 ancienélève du séminaire Saint-Sulpice devenu sceptique et auteur d une « Vied e J é s u s » a \ x \ ï i t s c x a à a l e . , , , , ,

Si Renan n'est plus aujourd'hui, l'écrivam reconnu a 1 égal d unChateaubriand, c'est que le charme n'opere plus. Andre Su ^ en asûrement discerné les raisons, en le qualifiant de « . , . ' ■niand » : « De là, ce style si complaisant et si fade, si aimable U spauvie, pur sans innocence, élégant stmstransparence qui lasse de la cLvté, ce miel continu qu gdouceur... Zx? prière sur l'Acropoleà Chateaubriand, ce que /Iphigénie de Goethe P ' ^devoir d'Oxford, un exercice de docteur ». Je reprends e texte duflorilège indispensable présenté par Joël l man aut véridioue Larenanien « Qu 'est-ce qu 'une nation ? ». C'est cruel mais venjquc. La« de Jésus » esl à ranger au môme ''"S" 1mellifluente, imaginée sur le mode des idylles p nréfacier deSand, sans atteindre vraiment, comme le vou romantiquel'édition folio, Jean Gaulmier, la stature de epopee uTS",;Georges Bernanos, qui avait des comptes a regl l'associantnégateur de sa foi, qu'il traitait aussi de «avec un Anatole France également deteste, parlait dedu même livre.

Renan a une postérité qui le surprendrait...

M' ais, chose rem" u^et anticléricale de l'erud.t et de 1 nvasemble ne plus mteresser 9"^ ces ne peuventcolère les prédécesseurs. . ^ j marqua tout le siècles empecher de revenir sur une jntgllectuelle d'un catholicisme

precedent et mit en évidence la faiW renaissance n'atteignait pas lesfrançais brisé par la dévolution et dont 'intéresser, il passionne,zones de l'érudition cntique. H fait njeinement assumées par uneparce que les questions qu'il a P?f p ou d'un Lagrange, a décidé^stenté croyante, qui a la suite d u foi pourrait end y repondre avec rigueur, s „ne influence décisive sur uneetre affaiblie. En ce sens, Re^ a j^ns son essai pétriI stérité qui le surprendrait. Qu^ savoir « quede sympathie pour son S lespwjugés du temps,les xiences de l'humanité f un voile idéologique quiceligieux oupoh'tiques, qu eUes do imnorte y> sait-il qu'il défmitles entrave et que la venté j. n Poùget dont Jean Guitton«tiplicitement une procédure qui c . . véritable défense

mOoniem ravéier s'mposen,.

tous et pour tout. A ucune autorité ne peut aller contre leur bon usage ».{Portrait de Pouget -Gallimard). Si Renan avait eu alors des interlocuteurs de cette sorte, il aurait eu l'occasion de lire autre chose sur sapensée que « des méchants livres ».

Mais il ne faudrait pas négliger l'autre aspect de cette pensée quiconcerne la poUtique. Sur ce point, il faut lire Philippe Barret qui, enquelques pages, permet de comprendre les nuances d'im itinéraireconforme aux exigences contrastées du penseur, qui parfois sympathiseavec les idées socialistes, parfois adopte des positions conservatrices,salue la Révolution et la blâme, se défmit comme partisan d'unemonarchie constitutionnelle et fmit dans la peau d'un républicain. Sansenthousiasme excessif, par réaction au régime de Mac-Mahon et parlégalisme. « Je n 'ai contribué en rien à faire la République, mais seule àl'heure qu 'il est, la République peut nous donner ce qui est l'équivalentd'une dynastie, une stricte et inflexible légalité ».

Renan « rac ia l i s te » ?

El st-il vrai, comme l'écrit André Suarès, que « Renan crut trop àI la race » ?. 11 y a quatre ans, Tzvetan Todorov {Nous et les' Autres -Seuil) n'avait pas été tendre avec le racialisme

renanien, qui pour être à tonalité fortement linguistiqueapparaissait comme un déterminisme plutôt inflexible : « Tous lesprogrès de la science moderne amènent à envisager chaque race commeenfermée dans un type qu 'elle peut réaliser ou ne pas réaliser, mais dontelle ne sortira pas ». Pourtant, la conférence faite à la Sorbonne sur lanation contredit directement ce déterminisme par une série d'affumationstout à fait nettes. Ni la race, ni même la langue ne constituent l&s nationsmodernes : « Z 'idée d'une différence de races dans la population de laFrance, si évidente chez Grégoire de Touis, ne se présente à aucun degréchez les écrivains et les poètes postérieurs à Hugues Capet ». Ce quidistingue les pays d'Europe, c'est la fusion des populations qui lescomposent, au contraire de la Turquie « où le Turc, le Slave, le Grec,l'Amiénicn, l'Arabe, le Syrien, le Kurde sont aussi distincts aujourd'huiqu'au Jour de la conquête ». C'est que la nation est un résultathistorique, et même un principe spirituel supérieur aux déterminations dela race et de la langue. « La langue invite à se réunir ; elle n'y forcepas ». Elle n 'est d'ailleurs pas liée à une détermination raciale : « Leslangues sont des formations historiques qui indiquent peu de choses surle sang de ceux qui les parlent...,,.

On a souvent opposé, non sans raisons, la conférence de Renan à laconception germaniste défmie dans les discours de Fichte à la nationallemande. Louis Dumont et Alain Finkielkraut ont même expUcitementopposé la conception renanienne de la nation, en la tirant du côtévolontarisme, au holisme, voire au populisme ethnicisant du mêmeFichte et de Herder. On a d'ailleurs complètement oubhé qu'un certainCharles Maurras les avait précédés sur cette voie dans sa dénonciationdu moi racial germanique. Alain Renaut a quelque peu assouplil'opposition en montrant que Fichte faisait droit en partie à la questiond'institutions modernes. Et Herder est vivement défendu dans desouvrages dont nous reparlerons. Par ailleurs, Renan n'est pas unilatéralement volontariste (« Z 'existence d'une nation est un plébiscite de tousles Jours „). 11 fait droit à l'histoire, à une construction progressive.Retenons cette formule admirable ; « Gne nation est un principespirituel, résultant des complications profondes de l'histoire, une fymillespirituelle, non un groupe déterminé par la configuration du sol ».

G é r a r d L E C L E R CPhilippe Baiiet : « Tont est possible, même Dien I » - Ed. François Bourin - Prix franco 119 F.Emea Renan : « Qn'est-ce qu'une nation 7 » et aunes essais politiques choisis et présentés parJoël Roman - Presses Pocket - Coll. Agora n" 126 - Prix franco 69 F.

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BiographieAction lOf

L a m é d i o c r i t é e s t - e l l er é v o l u t i o n n a i r e ?

Il ne s'agit pas ici de remettre en cause la qualité oul'intérêt du travail de Thierry Maricourt. C'est vrai, la vied'Henry Poulaille fut riche en péripéties, et à ce titre-là,

elle méritait bien im livre. Simplement, l'enthousiasme dubiographe semble souvent excessif. Expliquons-nous.

Certes, Henry Poulaille aconnu un destin exceptionnel. Orphelin, condamnedès la f i n de l ' en fance auxtravaux les plus ingrats

pour assurer sa maigre pitance, lejeune Henry se découvre une passion boulimique pour les livres. 11fréquente les milieux anarchistes, selie d'amitié avec des compagnonsde route de la Bande à Bonnot, etprofesse un antimilitarisme virulent.Ce qui ne l'empêche pas d'ailleurs,quelques mois plus tard, de servirt r è s h o n o r a b l e m e n t l ' A r m é e f r a n

çaise pendant la Grande Guerre,sans excès de zèle, mais sans mauvaise volonté non plus.L'Armistice proclamée, Henry

retourne à la vie civile, sans avoirrien renié de ses idées révolutionnaires. Mystère du marché du travail ? Il dirige bientôt le service depresse des Editions Bernard Grasset,un Bernard Grasset qui ne passe paspour un gauchiste. Là, il côtoie lesgrands noms de la littérature française, notamment les fameux quatre Afàe, l'écurie Gra.sset (Maurois,Mauriac, Montherlant, Morand).Mais il ne leur accorde finalementaucune importance, car, dit-il, ce nesont que des écrivains « bourgeois ». C'est qu'à l'époque, il mettoute son énergie à promouvoir unetrès hypothétique « littérature prolétar ienne » . I l reço i t , dans ce t teentreprise, le soutien d'un GeorgesValois qui, depuis qu'il a quittél'Action française, a fait de saLibrairie un refuge pour tout ce quela Gauche compte de révolutionnaires non-communistes (non-staliniens).

Sous l'Occupation, Henry Poulaille se fait discret et semble réserver toute son attention aux traditionspopulaires. Après-guerre, il sombreprogressivement dans l'oubli. 11

meurt en 1980, âgé de 84 ans, dansun modeste logis de la banlieueparisienne.

Le pa rcou rs d 'Hen ry Pou la i l l en'est donc pas banal, et ThierryMaricourt met dans son récit uneréelle passion. Seulement voilà :malgré les manifestations d'enthous i a s m e d e s o n b i o g r a p h e , o nn'arrive pas à trouver Henry Poulaille sympathique.

l'hiem Mor 'mun

iiËNRYPOULAILLE

.N'insistons pas sur l'antimilitaristequi devient un brave pioupiou destranchées : ce ralliement est sommetoute honorable et peut facilementpasser pour une manifestation trèsconcrè te de so l idar i té humaine .Nous serons plus réticent lorsqueque le personnage se consacre« folkloriste » sous Vichy. Ici,Thierry Maricourt passe un peu viteet semble oublier que l'exaltationdes « sagesses populaires » était undes pihers de la propagande de laRévolution Nationale... Quant à lavieillesse de Poulaille, telle qu'onnous la décrit, et malgré de sympathiques efforts, elle nous paraît bien

plus marquée par l'aigreur que parla révolte.

Mais c 'est surtout dans sa défensee t i l l u s t r a t i o n d ' u n e l i t t é r a t u r e« authentiquement prolétarienne »qu'Henry Poulaille nous paraît particulièrement critiquable. Le liberta i re se t rans fo rme i c i en sec ta teurborné d'une doctrine qui se révèleu n s o m m e t d e c o n f u s i o n i s m e i n t e llectuel. S'il a raison de se méfierdes facilités du populisme et desslogans du communisme stalinien,son mépris de la forme littéraire etson attachement à la seule positionsociale de l'auteur le conduit à fairel'éloge des oeuvres les plus métlio-cres. Affirmer que les souvenirs dutourneur Bidule sont a priori plusintéressants que le théâtre de Mon-tlierlant, sous le seul prétexte queBidule est un prolétaire et Montherlant un bourgeois, relève au mieuxde l'aveuglement, au pire de labêtise. Ce n'est pas un point de vuerévolutionnaire sur l'art (l'art auservice de la Révolution), c'est unenégation pure et simple de l'art...Et n'est-ce pas mépriser le peuple

que de lui interdire tout accès àl'émotion artistique, sous le seulargument que ce t te émot ion nesaurait être que bourgeoise ? Poulaille n'a peut-être jamais ressenti deplaisir à la lecture d'un beau texte ;on peut l'en plaindre. Mais quand ilfait de cette carence personnelle,une doctrine générale, il vaut mieuxle rejeter dans les oubliettes de1 histoire... Enfin, Dieu merci, Poulaille n'était pas lecteur chez Grasset . . .

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Thie Maricourt - « Henry Poulaille »E4 Manya, 276 p. - Prix franco 135 F.

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La Nouvelle Action Royaliste etle Club Nouvelle Citoyenneté

organisent à ANGERS,le samedi 12 décembre 1992

une journée de réflexionsur le thème :

« La crise et le politique ».• De 9 h 45 à 12 h 15, une première table ronde réunirales adhérents et sympathisants : « Etat du monde, del'Europe et de la France », « Etat du politique », « Lamonarchie, le roi, les royalistes ».• De 14 h 30 à 17 h, une deuxième table ronde, animéepar Bertrand Renouvin : « Le souci politique et 1 avenir ducontinent européen ».• De 17 h à 19 h, la troisième table ronde, animée par Lucde Goustine : « Le souci politique face au souci écologiq u e » .

• La journée se terminera par un débat à 20 h 30 sur lethème « Pourquoi sauver la politique ? ».• Renseignements et dossier complet sur la journée deréflexion peuvent être obtenus auprès de Nicolas LUCAS,B.P. 2141 -49021 Angers cedex 02.

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A Paris, chaque mercredi, nous accueill o n s n o s s y m p a t h i s a n t s d a n s n o s l o c a u x

(17, rue des Petits-Champs, Paris 1er,4cmc étage) pour un débat avec unconférencier, personnalité polit ique oué c r i v a i n . L a c o n f é r e n c e c o m m e n c e à

20 heures très précises (accueil à partirde 19 h 45 - Entrée libre et gratuite),e l l e s ' a c h è v e v e r s 2 1 h 4 5 . U n b u f f e t

chaud est a lors serv i pour ceux quidésirent poursuivre les discussions (participation aux frais du buffet 25 F).

• M e r c r e d i 1 8 n o v e m b r e - S u rtout, ne vous laissez pas impressionner par l' intitulé du sujet ! Cette« Mort de la mort du sujet » dontnous entretiendra le philosopheJean-Luc MARION nous pemie t -tra de comprendre les enjeux intellectuels des vingt dernières années(dominées par le thème de la « mortdu sujet ») et de mieux discerner lanature des nouveaux débats philoso-phiciucs - qui ne sont pas s;uisconséquences sur les évolut ionspolitiques. Cela en compagnie d'unprofesseur cjui n'est pas seulementsavant, mais toujours limpide dansses explications.

• M e r c r e d i 2 5 n o v e m b r e - N u l n econtestera que Stéphane BERN e.staujourd 'hui le journal is te quic o n n a i t l e m i e u x l e s m o n a r c h i e seuropéennes et leur fonctionnementi n t e r n e . M a i s i l n e f a u d r a i t s u r t o u t

pas voir dans son dernier livre, « Lamonarchie dans tous ses états »,une simple cfoonique ou plus exactemen t un abécéda i r e des cou rs e td e s t ê t e s c o u r o n n é e s . S o u s s o naspect distrayant et drôle, c'est enfait un excellent vade-mecum royaliste qui donne des réponses auxc l ichés hab i tue ls des adversa i res e t

des arguments pour mieux convainc r e .

# M e r c r e d i 2 d é c e m b r e - P r o f e sseur de philosophie à l'Universitéd e L y o n , B l a n d i n e K R E E G E Ldéveloppe depuis plusieurs annéesune ré f lex ion déc is i ve su r l ' h i s to i rede la souveraineté. Dans son dernier

ouvrage « La Républ ique incertaine », elle montre que deux siècles après la Révolution française, laRépublique demeure fragile, sujetteà l'instabilité, promise aux dérapages. Comment penser la Républiquee t l a d é m o c r a t i e e n f o n c t i o n d e l a

t rad i t ion po l i t ique hér i tée de laMonarchie ? Telle est la questionqui sera abordée et débattue.• Mercredi 9 décembre - Doyende la Faculté de Droit d'Amiens,Raphael DRAI est l'un des interprètes les plus écoutés du textebiblique - qu'il est venu à plusieursr e p r i s e s n o u s c o m m e n t e r a u x« M e r c r e d i s d e l a N A R » . 1 1 r e v i e n

d ra pa rm i nous pou r p résen te rl ' o u v r a g e q u ' i l a c o n s a c r é a u« Mythe de la lo i du Ta l ion » ,dans lequel il montre que la célèbreformule « oeil pour oeil » est abusivement rattachée au judaïsme.

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Royaliste 588

Page 7: BI-MENSUEL DIRECTEUR POLITIQUE BERTRAND … · ment interdit, et la recherche de renseignements par ce biais est répréhensible sur le plan moral comme sur le plan pénal. A for

Les plombs qus a u t e n t

Admirons la justesse des expressions familières qui fleurissentl'espace d'une ou deux saisons.

Il y a quelques années on « s'éclatait » volontiers et, de fait , noussavons quelles expériences conduisentà c e m o d e d ' a u t o - d e s t r u c t i o n . M a i n t enant, on dit volontiers d'une personnequi ne va pas bien dans sa tête que sesplombs ont sauté, ou fondu.Les plombs qui sautent... L'image

r e f l è t e a s s e z b i e n n o t r e s i t u a t i o nsociale et politique. Au début de l'été,la scission au sein de la Fédération del'Education nationale et, en octobre,l 'évict ion brutale du secrétaire nat ional de la CFDT ont ponctué la criseglobale d'un mouvement syndical enparme de projet et en perte croissantede crédibilité, d'effectifs et de représ e n t a t i v i t é . . .

MÉDIATIONSLa classe politique est elle aussien train de disjoncter. Dans la

panique qui l'a saisi, le Partisocialiste ne semble plus capable deredonner confiance à son propre élec-torat et assiste, décontenancé, à lamise en oeuvre de la stratégie autonome des deux courants écologistesqui, de toutes façons, ne pouvaientmanquer de le « trahir » avant ouaprès les élections législatives. Maisl'opposition n'est guère plus fringante.Grignotée sur sa droite par MM. LePen et de Villiers, bousculée sur sagauche par MM. Pasqua et Séguin,e l l e s e t r a î n e v e r s s a v i c t o i r e e nsachant qu'elle marquera une nouvellephase dans la rivalité entre MM.Chirac et Giscard d'Estaing. Commedit le proverbe, jeux de doublesmultipliés ne favorisent pas l'unité...Le gouvernement, quant à lui, est

entré dans cette période floue queconnaissent les voyageurs, celle oùl'on est pas encore et déjà parti : lesministres sont bien là puisqu'ils bouclent les dernières lois et le dernierbudget, mais ils sont déjà aillems,songeant à ce qu'ils feront après la

d é f a i t e . A f f a i r e s e t s c a n d a l e s -l'argent, le sang - constituent le

dernier point d'ancrage dans une réalité sordide et atroce. Quoiqu'ilsdisent, quoi qu'ils fassent, et mêmes'ils n'ont rien fait, les actuels responsables politiques sont en permanenceau banc des accusés.Nul ne devrait se réjouir d'une

situation qui se caractérise par lediscrédit croissant de tous les médiateurs nécessaires : les syndicats, lespartis, et le gouvernement ne paraissent plus capables d'organiser ledébat, de lui donner sens en formulant

des critiques et des projets cohérents,et d'assurer la représentation de lasociété. Cette situation est d'autantplus grave que les intermédiaires desubstitution ne résisteront pas longtemps. Le propre des médias, si malnommés, est de ne rien médiatiser :ils constituent un miroir grossi etdéformant de la société, et l'imagequ'ils donnent d'eux-mêmes n'estqu'un reflet des idées, des préjugés etdes tendances dominantes. On voitd'ailleurs que les mensonges et lesmanipulations de quelques uns (à TFl,à l'Evénement du Jeudi...) sont entrain d'ébranler tout l'édifice... Pointde salut, non plus, dans le retour au« local » puisque les pratiques douteuses et irrespo bles existent aussi(kns certaines régions et municipalit é s .

Que reste-t-il quand les médiationssautent les unes après les autres ? Des

nouveaux venus, qui se prétendent lesbons et rassurants interprètes de lapureté première et des valeurs vraies.Ainsi MM. Le Pen, de Villiers,Waechter, assurément très différentsmais qui ont comme point commun devouloir nous brancher directement surForiginel, sur la terre ancestrale, sur1 élémentaire... Rien de pire que cesfictions ethnicisantes, pseudo-traditionalistes ou naturalistes qui défigurent,subvertissent et tendent à détruire lesvaleurs et les traditions qu'elles prétendent promouvoir. Ce n'est pas unhasard si le referendum d'initiativepopulaire est une revendication com-rnune à MM. Le Pen et Waechter :1 expression directe ruine la représentation et menace les principes fondamentaux de l'État de droit. A celas'ajoutent la mise en scène téléviséedes pulsions (1) - là encore l'argent etle sang - et l'usi ation médiatique dela fonction judiciaire et des tâchespolicières à travers les « realityshow » et les émissions qui singentles procès et les enquêtes sur lespersonnes disparues.

DANGERSL9 ensemble de ces conduites créedans le domaine des valeurs,

entre les fonctions, quant auxinstitutions représentatives, une confusion qui est aggravée par la fuitedevant les responsabilités et par leconservatisme absolu des classes dirigeantes. Cette situation favorise desruptures brutales, des révoltes irrationnelles, des impostures majeures, desreplis autoritaires. Elle est beaucoupp us ckngereuse que le changement demajorité annoncé pour mars prochain.Aussi devons-nous, plus que jamais,nous interdire toute complaisance pourles nagems en eau trouble, toute

campagnes de déstabilisation menées contre les responsables pohUques de gauche comme dedroite - sans renoncer pour autant ânotre fonction critique et à notreengagement.Sauver la politique en tant que telleest la tâche première qu'il nous fautaccomplir en compagnie de tous ceuxqiu refusent de voir notre pays livré,comme tant d'autres aujourd'hui, àdes pulsions violentes et meurtrières.

Ber t rand RENOUVIN

1992Gérard Miller, « Malaise » - le Seuil,