berberie tome 1

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HISTOIREDE

LAFRIQUE SEPTENTRIONALE(BERBRIE) DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULSJUSQU LA CONQUTE FRANAISE (1830)

PAR

Ernest MERCIERTOME PREMIER PARIS ERNEST LEROUX DITEUR28, RUE BONAPARTE, 28

1888

Livre numris en mode texte par : Alain Spenatto. 1, rue du Puy Griou. 15000 AURILLAC. Dautres livres peuvent tre consults ou tlchargs sur le site : http://www.algerie-ancienne.com

Ce site est consacr lhistoire de lAlgrie.

Il propose des livres anciens (du 14e au 20e sicle) tlcharger gratuitement ou lire sur place.

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PRFACE

Arriv en Algrie il y a trente-quatre ans ; lanc alors au milieu dune population que tout le monde considrait comme arabe, ce ne fut pas sans tonnement que je reconnus les lments divers la composant : Berbres, Arabes et Berbres arabiss. Frapp du problme ethnographique et historique qui soffrait ma vue, je commenai, tout en tudiant la langue du pays, runir les lments du travail que joffre aujourdhui au public. Si lon se reporte lpoque dont je parle, on reconnatra que les moyens dtude, les ouvrages spciaux se rduisaient bien peu de chose. Cependant M. de Slane commenait alors la publication du texte et de la traduction dIbn-Khaldoun et de divers autres crivains arabes. La Socit archologique de Constantine, la Socit historique dAlger venaient dtre fondes, et elles devaient rendre les plus grands services aux travailleurs locaux, tout en conservant et vulgarisant les dcouvertes. Enn, la maison Didot publiait, dans sa collection de lUnivers pittoresque, deux gros volumes descriptifs et historiques sur lAfrique, dus la collaboration (le MM. dAvezac, Dureau de la Malle, Yanosky, Carette, Marcel. Un des premiers rsultats de mes tudes, portant sur les ouvrages des auteurs arabes, me permit de sparer deux grands faits distincts qui dominent lhistoire et lethnographie delAfri-

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que septentrionale et que lon avait peu prs confondus, en attribuant au premier les effets du second. Je veux parler de la conqute arabe du VIIe sicle, qui ne fut quune conqute militaire, suivie dune occupation de plus en plus restreinte et prcaire, laissant, au Xe sicle, le champ libre la race berbre, affranchie et retrempe dans son propre sang, et de limmigration hilalienne du XIe sicle, qui ne fut pas une conqute, mais dont le rsultat, obtenu par une action lente qui se continue encore de nos jours, a t larabisation de lAfrique et la destruction de la nationalit berbre. Je publiai alors lHistoire de ltablissement des Arabes dans lAfrique septentrionale (I, vol. in-8, avec deux cartes, Marle-Challamel, 1875), ouvrage dans lequel je mefforai de dmontrer ce que je demanderai la permission dappeler cette dcouverte historique. Mais je navais trait quun point, important, il est vrai, de lhistoire africaine, et il me restait prsenter un travail densemble. Dans ces trente-quatre annes, que de documents, que douvrages prcieux avaient t mis au jour ! En France, la conqute de lAlgrie avait naturellement appel lattention des savants sur ce pays. Nos membres de lInstitut, orientalistes, historiens, archologues, trouvaient en Afrique une mine inpuisable, et il suft, pour sen convaincre, de citer les noms de MM. de Slane, Reynaud, Quatremre, Hase, Walcknaer, dAvezac, Dureau de la Malle, Marcel, Carette, Yanoskv, Fournel, de Mas-Latrie, Vivien de Saint-Martin, Lon Rnier, Tissot, H. de Villefosse. En Hollande, le regrett Dozy publiait ses beaux travaux sur lEspagne musulmane. En Italie, M. Michle Amari nous donnait lhistoire des Musulmans de Sicile, travail complet on le sujet a t entirement puis. Enn lAllemagne, lAngleterre, lEspagne fournissaient aussi leur contingent. Pendant ce temps, lAlgrie ne restait pas inactive. Un nombre considrable de travaux originaux tait produit par un groupe drudits qui ont form ici une vritable cole histori-

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que. Je citerai parmi eux : MM. Berbrugger, F. Lacroix enlev par la mort avant davoir achev son uvre. Poulle, le savant prsident de la Socit archologique de Constantine, Reboud, Cherbonneau, gnral Creuly, Mac-Carthy, labb Godard, labb Barges, Brosselard. A. Rousseau, Fraud, de Voulx, Gorguos Vayssettes , Tauxier, Aucapitaine, Guin, Robin, Moll, Fagot, Elle de la Primaudaie, de Grammont, prsident actuel de la Socit dAlger, et bien dautres, auxquels sont venus sajouter plus rcemment MM, Boissire, Masqueray, de la Blanchre, Basset, Houdas, Pallu de Lessert, Poinssot. Cagnat Grce aux efforts de ces rudits dont nous citerons souvent les ouvrags, un grand nombre de points, autrefois obscurs, dans lhistoire de lAfrique, ont t clairs, et sil reste encore des lacunes, particulirement pour lpoque byzantine, le XVe sicle et les sicles suivants, surtout en ce qui a trait au Maroc, elles se comblent peu peu, Je ne parle pas de 1poque phnicienne : l, il ny a peu prs rien esprer. Comme sources, notre bibliothque des auteurs anciens est aussi complte quelle peut ltre. Quant aux crivains arabes, elle est galement peu prs complte, mais il faudrait, pour le public, que deux traductions importantes fussent entreprises, et elles ne peuvent ltre quavec lappui de ltat. Je veux parler du grand ouvrag dIbn-el-Athir(1), qui renferme beaucoup de documents relatifs lOccident, et du Baane, dlbn-Adhari, dont Dozy a publi le texte arabe, enrichi de notes. Il est donc possible, maintenant, dentreprendre une histoire densemble. Je lai essay, voulant dabord me borner aux annales de lAlgrie ; mais il est bien difcile de sparer lhistoire du peuple indigne qui couvre le nord de lAfrique, en nous conformant nos divisions arbitraires, et jai t amen moccuper en mme temps du Maroc, louest, et de la Tunisie et de____________________ 1. Kamil-el-Touarikh.

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la Tripolitaine, lest. Cette fatalit simposera quiconque voudra faire ici des travaux de ce genre, car lhistoire dun pays, cest celle de son peuple, et ce peuple, dans lAfrique du Nord, cest le Berbre, dont laire stend de lgypte lOcan, de la Mditerrane au Soudan. Fournel, qui a pass une partie de sa longue carrire amasser des matriaux sur cette question, a subi la fatalit dont je parle, et lorsquil a publi le rsultat de ses recherches, monument drudition qui sarrte malheureusement au XIe sicle, il na pu lui donner dautre titre que celui dhistoire des Berbers . Mes intentions sont beaucoup plus modestes, car je nai pas crit uniquement pour les rudits, mais pour la masse des lecteurs franais et algriens. Je me suis appliqu donner mon livre la forme dun manuel pratique ; mais, ne voulant pas tendre outre mesure ses proportions, je me suis heurt une difcult invitable, celle de suivre en mme temps lhistoire de divers pays, Histoire qui est quelquefois confondue, mais le plus souvent distincte. Dans ces conditions, je me suis vu forc de renoncer la forme suivie et coulante de la grande histoire, pour adopter celle du manuel, divis par paragraphes distincts, dont chacun est indpendant de celui qui le prcde. Ce procd soppose naturellement tout dveloppement dordre littraire : la scheresse est sa condition dtre ; mais il permet de mener de front, sans interrompre lordre chronologique, lexpos des faits qui se sont produits simultanment dans divers lieux. De plus, il facilite les recherches dans un fouillis de lieux et de noms, fait pour rebuter le lecteur le plus rsolu. cartant toutes les traditions douteuses transmises par les auteurs anciens et les Musulmans, car elles auraient allong inutilement le rcit ou ncessit des dissertations oiseuses, je nai retenti que les faits certains ou prsentant les plus grands caractres de probabilit. Je me suis attach surtout suivre, le plus exactement possible, le mouvement ethnographique qui a

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fait de la population de la Berbrie ce quelle est maintenant. Deux cartes de lAfrique septentrionale diffrentes poques, et une de lEspagne, faciliteront les recherches. Enn une table gographique complte terminera louvrage et chaque volume aura son index des noms propres.

Constantine, le 1er Janvier 1888.

Ernest MERCIER.

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SYSTME ADOPTPOUR LA TRANSCRIPTION DES NOMS ARABES

Dans un ouvrage comme celui-ci, ne sadressant pas particulirement aux orientalistes, le systme de transcription du nombre considrable de vocables arabes et berbres quil contient doit tre, autant que possible, simple et pratique. La difcult, limpossibilit mme, de reproduire, avec nos caractres, certaines articulations smitiques, a eu pour consquence de donner lieu un grand nombre de systmes plus ou moins ingnieux. Divers signes conventionnels, ajouts nos lettres, ont eu pour but de les modier thoriquement, en leur donnant une prononciation quelles nont pas ; pour dautres, on a form des groupes o lh, cette lettre sans valeur phontique en franais, joue un grand rle. Chaque pays, chaque acadmie a, pour ainsi dire, son systme de transcription. Mais, pour le public en gnral, tout cela ne signie rien, et si lon a, par exemple, surmont ou souscrit un a dun point, dun esprit ou de tout autre signe f(a ), limmense majorit des lecteurs ne le prononcera pas autrement que le plus ordinaire de nos a. De mme, ajoutez un h un t, un g ou un k, vous aurez augment, pour le profane, la difcult matrielle de lecture, mais sans donner la moindre ide de ce que peut tre la prononciation arabe des lettres que lon veut reproduire. Enn, en se bornant rendre, dune manire absolue, une lettre arabe par celle que lon a adopte en franais comme quivalente, on arrive souvent former de ces syllabes qui, dans notre langue, se prononcent dune manire sourde (ein, in, an, on) et ne

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rpondent nullement larticulation arabe. Cest ainsi quun Franais prononcera toujours les mots Amin, Mengoub, Hassein, comme sils taient crits : Amain, Maingoub, Hassain. En prsence de ces difcults, je nai pas adopt de systme absolu, ne souffrant pas dexception, mefforant au contraire, mme aux dpens de lorthographe arabe, de retrancher toute lettre inutile et de rendre, sous sa forme la plus simple pour des Franais, les sons, tels quils frappent notre oreille en Algrie. Noublions pas, en effet, quil sagit des hommes et des choses de ce pays, et non de ceux dgypte, de Damas ou de Djedda. Quiconque a entendu prononcer ici le nom ne savisera jamais de le transcrire par Masoud, ainsi que lexigeraient nos professeurs, mais bien par Meaoud. Il en est de mme de , qui vient de la mme racine. La meilleure reproduction consistera le rendre par Saad, en ajoutant un a, et non par Sad, quels que soient les signes dont on affectera ce seul a. Jajouterai souvent un e muet aux noms termins par in, en, an, on, et jcrirai Slimane au lieu de Souleman (ou Soliman), Houcne, Yarmoracene, etc. Quant aux articulations qui manquent dans notre langue, voici comment je les rendrai : Le , par th, t ou ts. Le par un h ; ce qui, du reste, ne reproduit nullement la prononciation de cette consonne forte, et comme je ne gurerai jamais le par un h, le lecteur saura quil doit toujours sefforcer de prononcer cette lettre par une expiration sappuyant sur la voyelle suivante. Le , par le kh, groupe bizarre encore plus imparfait que lh seul pour la prcdente lettre. Le gnralement par un a li une des voyelles a, i, o ; quelquefois par une de ces lettres seules ou par la diphtongue eu ou par l. Cette lettre, dont la prononciation est impossible reproduire en franais, conserve presque toujours, dans la

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pratique, un premier son rapprochant de la et provenant de la contraction du gosier ; ce son sappuie ensuite sur la voyelle dont cette consonne, car cen est une, est affecte. Cest pourquoi jcrirai Chiate au lieu de Chte, Saad au lieu de Sad, etc. Le , gnralement par un r. Si tout le monde grasseyait lr, il ny aurait pas de meilleure manire de rendre cette lettre arabe ; malheureusement, il y a en arabe lr non grassey, et il faut bien les diffrencier. Dans le cas o ces deux lettres se rencontrent, la prononciation de chacune saccentue en sens inverse, et alors je rends le par un g. Exemples : Magreb, Bergouata. Le , par un k, comme dans Kassem, ou par un g, comme dans Gabs. Cette lettre possde encore une intonation gutturale que lon ne peut gurer en franais. Le , par un h. Quant au (ta li), dont la prononciation est celle de notre syllabe muette at dans contrat, je le rends par un simple a et jcris : Louata, Djerba, Mda. Je ne parle que pour mmoire des lettres . dont il est impossible de reproduire, en franais, le son emphatique, et je les rends simplement par d, s, d, t.

INTRODUCTIONDESCRIPTION PHYSIQUE ET GOGRAPHIQUE DE LAFRIQUE SEPTENTRIONALE

DESCRIPTION ET LIMITES(1). Le pays dont nous allons retracer lhistoire est la partie du continent africain qui stend depuis la limite occidentale de lgypte jusqu lOcan Atlantique, et depuis la rive mridionale de la Mditerrane jusquau Soudan. Cette vaste contre est dsigne gnralement sous le nom dAfrique septentrionale, sans y comprendre lgypte, qui a, pour ainsi dire, une situation part. Les Grecs lont appele Libye; les Romains ont donn le nom dAfrique la Tunisie actuelle, et ce vocable sest tendu tout le continent. Les Arabes ont appliqu cette rgion la dnomination de Magreb, cest-dire Occident, par rapport leur pays. Nous emploierons successivement ces appellations, auxquelles nous ajouterons celle de Berbrie, ou pays des Berbres. Nous avons indiqu les grandes limites de lAfrique septentrionale. Sa situation gographique est comprise entre les 24 et 37 de latitude nord et les 25 de longitude orientale et 19 de longitude occidentale; ainsi le mridien de Paris, qui passe quelques lieues louest dAlger, en marque peu prs le centre. Les ctes de lAfrique septentrionale se projettent dune faon irrgulire sur la Mditerrane. Du 31 de latitude, en____________________ 1. Suivre sur la carte de lAfrique septentrionale au XVe sicle (vol II).

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partant de lgypte, elles atteignent, ausommet de la Cyrnaque, le 33, puis sinchissent brusquement, au fond de la grande Syrte, jusquau 30. De l, la cte se prolonge assez rgulirement, en slevant vers le nord-ouest jusquau fond de la petite Syrte (34). Puis elle slve perpendiculairement au nord et dpasse, au sommet de la Tunisie, le 37. Elle suit alors une direction ouestsud-ouest assez rgulire, en sabaissant jusqu la limite de la province dOran, pour, de l, se relever encore et atteindre le 36, au dtroit de Gibraltar. Le littoral de lOcan se prolonge au sud-sud-ouest, en sabaissant du 8 de longitude occidentale jusquau 19. La partie septentrionale de la Berbrie se rapproche en deux endroits de lEurope. Cest, au nord-est de la Tunisie, la Sicile, distante de cent cinquante kilomtres environ, et, louest, lEspagne, spare de la pointe du Magreb par le dtroit de Gibraltar. Cette partie de lAfrique offre, du reste, beaucoup danalogie avec les dites rgions europennes, tant sous le rapport de laspect. et des productions que sous celui du climat. Les carts considrables de latitude que nous avons signals en dcrivant les ctes inuent suie les conditions physiques et climatriques ; aussi le littoral des Syrtes diffre-t-il sensiblement, de la rgion occidentale. OROGRAPHIE. La rgion comprise entre la petite Syrte et lOcan est couverte dun rseau montagneux se reliant au gland Atlas marocain, qui pntre dans le sud jusquau 30 et dont les plus hauts sommets atteignent 3,500 mtres daltitude. Toute cette contre montagneuse jouit dun climat tempr et dune fertilit proverbiale. Les indignes, peut-tre daprs les Romains, lui ont donn le nom de Tel. Ce Tel, en Algrie et en Tunisie, ne dpasse gure, au midi, le 35 de latitude. Dans la partie moyenne de la Barbarie, cest--dire ce qui forme actuellement lAfrique franaise, la rgion tellienne

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aboutit au sud une ligne de hauts plateaux, dont laltitude varie entre 600 et 1,200 mtres. Le Djebel-Amour en marque le sommet; au del, le pays sabaisse graduellement vers le sud et rapidement vers lest, ce qui donne lieu, dans cette dernire direction, une srie de bas-fonds relis par des cours deau aboutissant aux lacs Melrir et du Djerid, prs du golfe de la petite Syrte. Cette ligne de bas-fonds est parseme doasis produisant le palmier; cest la rgion dactylifre. Des montagnes dont nous venons de parler descendent des cours deau, au nord dans la Mditerrane, louest dans lOcan. Ceux du versant nord sont gnralement peu importants, en raison du peu dtendue de leur cours : ce sont des torrents en hiver, presque sec en t. Les rivires du versant ocanien, venant de montagnes plus leves et avant un cours moins bref, ont en gnral une importance plus grande. Au del des hauts plateaux et de la premire ligne des oasis, stend le grand dsert ou Sahara jusquau Soudan. Cest une vaste contre gnralement aride, entrecoupe de chanes montagneuses, de valles, de plateaux desschs et pierreux et de dunes de sable. Des rgions doasis sy rencontrent. Le tout est travers par des dpressions formant valles, dont les unes sabaissent vers le Soudan et les autres se dirigent vers le nord pour rejoindre les lacs Melrir et du Djerid. Les valles, les oasis et certaines parties montagneuses sont seules habites. Dans la Tripolitaine, la rgion tellienne est moins leve et a moins de profondeur ; en un mot, le dsert est plus prs. Cependant, derrire Tripoli se trouve un massif montagneux assez tendu, donnant accs au Hammada (plateau) tripolitain. Le littoral de la Cyrnaque est bord de collines qui forment les pentes dun plateau semblable celui de Tripoli, mais moins tendu. Quelques oasis se trouvent au sud de ce plateau. Au del commence le grand dsert de Libye.

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MONTAGNES PRINCIPALES De lest louest, les principales montagnes de lAfrique septentrionale sont : CYRNAQUE. Le Djebel-el-Akhdar, dans la partie suprieure. TRIPOLITAINE. Le Djebel-Rarane et le Djebel-Nefoua, au sud de Tripoli. ALGRIE. Le Djebel-Aours, slevant jusqu 2,300 mtres au midi de Constantine et sabaissant au sud, brusquement, sur la rgion des oasis. Le Djebel-Amour (2,000 mtres), au midi de la province dAlger formant le sommet des hauts plateaux. Le Djebel-Ouarensenis (2,000 mtres), au nord du Djebel-Amour, prs de la ligne du mridien de Paris. Le Djebel-Djerdjera ou grande Kabylie (2,300 mtres), prs du littoral, entre lOuad-Sahel et lIsser. MAROC. Les montagnes du Grand Atlas ou Deren, notamment le Djebel-Hentata, dune altitude de 3,500 mtres et dont les sommets sont couverts de neiges ternelles. PRINCIPALES RIVIRES VERSANT MDITERRANEN. L Ouad-Souf-Djine et 1Ouad-Zemzem, descendant du Djebel-Rarane et du plateau de Hammada et venant former le marais situ au-dessous de Mesrata, sur le littoral de la grande Syrte. LOuad-Medjerda, qui recueille les eaux du versant nordest de lAours et du plateau tunisien et vient dboucher dans

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le golfe de Karthage, au sommet de la Tunisie. LOuad-Seybous, recueillant les eaux de la partie orientale de la province de Constantine et dbouchant Bne. LOuad-el-Kebir, form de lOuad-Remel et de lOuadBou-Merzoug, dont le conuent est Constantine et lembouchure au nord de cette ville. LOuad-Sahel, venant, dun ct, du Djebel-Dira, prs dAumale, et, de lautre, des plateaux situs louest de Stif, et dbouchant, sous le nom de Soumam, dans le golfe de Bougie, lest du Djerdjera. LOuad-Isser, louest du Djerdjera, et avant son embouchure prs de Dellis. Le Chelif, descendant du versant nord du Djebel-Amour et du Ouarensenis, recevant le Nehar-Ouacel, venu du plateau de Seressou, an sud de cette montagne, et aprs avoir dcrit un coude la hauteur de Miliana, courant paralllement la cte de lest louest, pour se jeter dans la mer lextrmit orientale du golfe dArzeu. LHabra et le Sig, appel dans son cours suprieur Mekerra, se runissant pour former le marais de la Makta, au fond du golfe dArzeu. La plus grande partie des eaux de la province dOran est recueillie par ces deux rivires. La Tafna, descendant des montagnes situes au midi de Tlemcen et qui se jette dans la mer au nord de cette ville, aprs avoir recueilli lIsli, venant de la rgion dOudjda (Maroc). La Mouloua, qui recueille les eaux du versant oriental et septentrional de lAtlas marocain et dont lembouchure se trouve louest de la limite algrienne. VERSANT OCANIEN. LOuad-el-Kous, qui se jette dans la mer prs dEl-Arache, au sommet du Maroc. Le Sebou, descendant du versant nord-ouest de lAtlas. Le Bou-Regreg, au midi du prcdent et ayant son embouchure non loin de lui, Sal.

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LOuad-Oum-er-Reba, grande rivire recueillant les eaux du versant occidental de lAtlas et traversant de vastes plaines avant de dboucher ii Azemmor. Le Tensift, voisin du prcdent, au midi. LOuad-Sous, qui coule entre les deux chanes principales du grand Atlas mridional et traverse la province de ce nom. LOuad-Noun, dbouchant prs du cap du mme nom. Et enn lOuad-Deraa, descendant du grand Atlas au midi et formant, dans la direction de louest, une large valle. Ce euve se jette dans lOcan vis--vis larchipel des Canaries. VERS LINTIEUR. LOuad-Djedi, qui prend naissance au midi du Djebel-Amour, court ensuite vers lest, paralllement au Tel, et va se perdre aux environs du lac Melrir. LOuad-Ma et lOuad-Irarar, venant tous deux de lextrme sud et concourant former la valle de lOuad-Rir, qui se termine au chott (lac) Melrir. LOuad-Guir, descendant des hauts plateaux, pour se perdre au sud non loin de loasis de Touat. Enn lOuad-Ziz, qui vient de lAtlas marocain et disparat aux environs de loasis de Talala. LACS Les lacs de lAfrique septentrionale sont peu nombreux. Voici les principaux : Le chott du Djerid, au sud de la Tunisie. Le Melrir, louest du prcdent entre eux se trouve la dpression de Rara. La sebkha du Gourara, lest du cours infrieur de lOuadGuir. La sebkka de Daoura, prs de Talala. On compte, en outre, un certain nombre de marais, parmi lesquels nous citerons la sebkha de Zarez, dans le Hodna, et

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les chott Chergui (oriental) et Rarbi occidental), dans les hauts plateaux. Ce sont souvent de vastes dpressions, avec des berges pie, et dont le fond est plus ou moins marcageux, selon lpoque de lanne. CAPS Voici les principaux caps de lAfrique, en suivant le littoral (le lest louest. Ras-Tourba et cap Rozat, au sommet de la Cyrnaque. Cap Mesurata, prs de la ville de Mesrata. langle occidental du golfe de la grande Syrte. Ras-Capoudia (lancien Caput Vada), au sommet de la petite Syrte. Ras-Dimas (lantique Thapsus), langle mridional du golfe de Hammamet. Ras-Adar, ou cap Bon, au sommet de la presqule de Cherik, angle nord-est de la Tunisie. Promontoire dApollon ou cap Farina, langle occidental du golfe de Tunis. Ras-el-Abiod, cap Blanc, langle occidental du golfe de Bizerte. Cap de Garde, langle occidental du golfe de Bne. Cap de Fer, langle oriental du golfe de Philippeville. Cap Bougarone ou Seb-Rous (les sept caps), langle occidental du mme golfe. Cap Cavallo, langle oriental du golfe de Bougie. Cap Sigli, langle oppos, cest--dire au pied occidental de la grande Kabylie (Djerdjera). Cap Matifou (rgulirement Thamantafoust), langle oriental du golfe dAlger. Cap Tens, lest et auprs de la ville de ce nom. Cap Carbon, langle occidental du golfe dArzeu, entre cette ville et Oran.

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Cap Falcon, langle occidental du golfe dOran. Cap Tres-Forcas, louest du golfe form par lembouchure de la Mouloua, dominant Melila, qui est btie sur le versant oriental de ce cap. Cap de Ceuta, la pointe orientale du dtroit de Gibraltar. Cap Spartel, sur lOcan, louest de cette pointe. Cap Blanc, au sud de lembouchure de lOum-el-Reba et dAzemmor. Cap Cantin, un peu plus bas, au-dessus du Tensift. Cap Guir, au-dessus de lembouchure du Sebou et dAgadir. Cap Noun, lembouchure de la rivire de ce nom. Cap Bojador, au-dessous de lembouchure de lOuad-Deraa. Cap Blanc, un peu au-dessus du 20 de longitude.DIVISIONS GOGRAPHIQUES ADOPTES PAR LES ANCIENS

LAlgrie septentrionale, Libye des Grecs, a form les divisions suivantes : Rgion littorale Cyrnaque (comprenant la Marmarique) ; depuis la frontire occidentale de lgypte jusquau golfe de la grande Syrte. Tripolitaine ; de cette limite jusquau golfe de la petite Syrte. Byzacne, rgion au-dessus du lac Triton. Zeugitane, littoral oriental de la Tunisie actuelle, et Afrique propre, comprenant dabord le territoire de Kharthage (nord de la Tunisie), puis toute la rgion entre la Numidie louest et la Tripolitaine lest. La Tripolitaine, la Byzacne, la Zeugitane et lAfrique propre ont t runis, lpoque romaine, sous le nom de province proconsulaire dAfrique. Numidie; depuis la limite occidentale de lAfrique propre, qui a t forme gnralement par le cours suprieur de la Medjerda, avec une ligne partant du coude de cette rivire pour rejoindre le littoral, et de l jusquau golfe de Bougie, cest-dire environ le 3 de longitude est. La Numidie a t elle-mme

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divise en orientale et occidentale, avec lAmsaga (Ouad-Remel) comme limite sparative. Maurtanie orientale ; depuis la Numidie jusquau Molochat. (Mouloua). A la n du IIIe sicle de lre chrtienne, elle a t divise en Stienne, comprenant la partie orientale avec Stif, et Csarienne, forme de la partie occidentale, avec YolCesare (Cherchel) comme capitales. Maurtanie occidentale ou Tingitane, comprenant le reste de lAfrique jusqu lOcan. Rgion intrieure Libye dserte, comprenant, la Phazanie (Fezzan), au sud de la Tripolitaine et de la Cyrnaque. Gtulie, au sud de la Numidie et des Maurtanies, sur les hauts plateaux et dans le dsert. thiopie, comprenant la Troglodytique, au sud des deux prcdents. Populations anciennes CYRNAQUE et TRIPOLITAINE. Libyens, nom gnrique se transformant en Lebata dans Procope. Ilanguanten dans Corippus, et que lon peut identier aux Berbres Louata des auteurs arabes. Barcites, Asbystes, Adyrmakhides, Ghiligammes, etc., occupant le nord de la Cyrnaque. Nasammons, dans lintrieur, sur la ligne des oasis et le golfe de la grande Syrte, dont ils occupent en partie les rivages. Psylles, habitant en premier lieu la grande Syrte et refouls ensuite vers lest. Makes, sur le littoral occidental de la grande Syrte. Zaouekes (Arzugues de Corrippus), tablis sur le littoral, entre les deux Syrtes. Ils ont donn leur nom plus tard la Zeugitane. On les identie aux Zouara. Troglodytes, dans les montagnes voisines de Tripoli.

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Lotophages, dans le de Djerba et sur le littoral voisin. AFRIQUE PROPRE. Les Maxyes et les Ghyzantes ou Byzantes. Ces tribus, sous ces noms divers, y compris les Zaoukes, paraissent tre un seul et mme peuple, qui a donn son nom la Byzacne. Libo-Phniciens, peuplade mixte de la province de Karthage. NUMIDIE. Numides, nom gnrique. Nabathres, dans la rgion du nord-est. Massessyliens, puis Massyles; occupaient le centre de la province. Ont t remplacs par les peuplades suivantes, quils ont peut-tre contribu former : Kedamousiens, sur la rive gauche de lAmsaga (OuadRemel) et, de l, jusqu lAours. Babares ou Sababares, dans les montagnes, au nord des prcdents, jusqu la mer. MAURTANIE ORIENTALE. Maures, nom gnrique, auquel on a associ plus tard celui de Maziques. Quinquegentiens, diviss en Isaenses, Massinissenses et Nababes, occupant le massif du Mons-Ferratus (Djerdjera). Massessyliens, puis Massyles, au sud-est du Mons-Ferratus. Remplacs de bonne heure par dautres populations. Makhourbes et Banioures, louest du Mons-Ferratus. Makhrusiens, sur le littoral montagneux, louest des prcdents. Nacmus, dans la rgion des hauts plateaux, au midi des prcdents. Massessyliens, sur la rive droite du Molochath. MAURTANIE OCCIDENTALE. Maures, nom gnrique. Massssyliens, tablis dans le bassin de la Mouloua.

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Maziques, sur le littoral nord et ouest. Bacuates, tablis dans le bassin du Sebou et tendant leur domination vers lest (identis aux Bergouata). Makenites, cours suprieur du Sebou (identis aux Meknaa). Autotoles, Banuires, etc., dans le bassin de lOum-er-Reba. Darad, bassin du Dera. Rgion intrieure LIBYTE DSERTE. Garamantes, appels aussi Gamphazantes, oasis de Garama (Djerma) et Phazanie (Fezzan). Blemyes, au sud-est des prcdents, vers le dsert de Libye (peuplade donnant lieu des rcits fabuleux). GTULIE. Gtules, nom gnrique. Sur toute la ligne des hauts plateaux et dans la partie septentrionale du dsert. Mlano-Gtules (Glules noirs), au midi des prcdents. Perorses, Pharusiens, sur la rive gauche du Darat (OuadDera). THIOPIE. thiopiens, terme gnrique, diviss en thiopiens blancs et thiopiens noirs. Quant aux thiopiens rouges ou Ganges, que les auteurs placent au midi de la Gtulie, sur les bords de lOcan, nous ne pouvons nous empcher de les rapprocher des Iznagen (Sanhaga des Arabes), qui ont donn leur nom au Sngal. Nous trouverons du reste, dans lhistoire des Sanhaga au voile (Mouletthemine), le nom de Ouaggag, port encore par des chefs de ces peuplades.DIVISIONS GOGRAPHIQUES ADOPTES PAR LES ARABES

Les Arabes, arrivant dOrient au VIIe sicle, donnrent, ainsi que nous lavons dit, lAfrique le nom gnrique de Magreb, qui stendit mme lEspagne musulmane. Mais, dans la pratique, une dsignation ne pouvait demeurer aussi

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INTRODUCTION

vague, et les conqurants divisrent le pays comme suit : Pays de Barka, la Cyrnaque (moins la Marmarique). Ifrikiya, la Tunisie proprement dite, laquelle on a ajout la Tripolitaine lest, et la province de Constantine, jusquau mridien de Bougie, louest. El-Magreb el-Aouot (ou Magreb central), depuis le mridien de Bougie jusqu la rivire Mouloua. El-Magreb-el-Aka (ou Magreb extrme). Tout le reste de lAfrique, jusqu lOcan louest et lOuad-Dera au sud. Sahara, toute la rgion dsertique. Population L o les anciens navaient vu quune srie de peuplades indignes, sans lien entre elles, les Arabes ont reconnu un peuple, une mme race qui a couvert tout le nord de lAfrique. Ils lui ont donn le nom de Berbre, que nous lui conserverons dans ce livre. Cette race se subdivisait en plusieurs grandes familles, dont nous prsentons les tableaux complets au chapitre I de la deuxime partie.

ETHNOGRAPHIE

ORIGINE ET FORMATION DU PEUPLE BERBRE

La question de lorigine et de la formation du peuple berbre na pas fait un grand pas depuis une vingtaine dannes. Nous avons donc peu de chose ajouter au mmoire publi par nous en 1871, sous le titre : Notes sur lorigine du peuple berbre(1). De nouvelles hypothses ont t mises, mais, on peut lafrmer, le fond solide, sur lequel doivent sappuyer les donnes vritablement historiques, ne sest augment en rien, malgr les dcouvertes de lanthropologie. En rsum, que possdons-nous, comme traditions historiques, sur ce sujet ? Diodore, Hrodote, Strabon, Pline, Ptolme, ne disent rien sur lorigine des peuplades dont ils parlent ; ils voient l des agglomrations de sauvages, dont ils nous transmettent les noms altrs et dont ils retracent les meurs primitives, sinon fantastiques. Un seul, Salluste, sinquite de la formation des peuples africains et il reproduit, cet gard, les traditions quil prtend avoir recueillies dans les livres du roi Hiemsal, crits en langue punique . On connat son systme : LHercule tyrien aurait entran jusquau dtroit qui a reu son nom(2) des guerriers mdes, perses et armniens. Ces trangers, rests dans le pays,____________________ 1. Revue africaine, 1871. Ce mmoire a t donn en appendice la n de notre Histoire de ltablissement des Arabes dans lAfrique septentrionale. 2. Colonnes dHercule.

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auraient form la souche des Maures et des Numides. Ces nouveaux noms leur auraient t donns par les Libyens dans leur jargon barbare(1). Les colonies phniciennes tablies sur le littoral auraient achev de constituer la population de lAfrique, en lui ajoutant un lment nouveau. Voil, en quelques mots, le systme de Salluste. Procope, reproduisant cet gard les donnes de lhistorien Josphe, dit que lAfrique a t peuple par des nations chasses de la Palestine par les Hbreux(2). Le rabbin Mamounide, un des plus clbres commentateurs du Talmud, nous apprend que les Gergsens, expulss du pays de Canaan par Josu, migrrent en Afrique. Enn, lhistorien arabe Ibn-Khaldoun, aprs avoir examin diverses hypothses sur la question, sexprime comme suit : Les Berbres sont les enfants de Canaan, ls de Cham, ls de No ; leur aeul se nommait Mazir ; ils avaient pour frres les Gergsens et taient parents des Philistins. Le roi, chez eux, portait le titre de Goliath (Galout). Il y eut en Syrie, entre les Philistins et les Isralites, des guerres, etc. Vers ce temps-l, les Berbres passrent en Afrique(3). Ainsi, voil toute une srie de traditions dorigines diverses, rappelant le souvenir dinvasions de peuples asiatiques dans le nord de lAfrique. Nous navons pas parl des Hycsos, ces conqurants smites, plus ou moins mlangs de Mongols, qui, aprs avoir conquis lgypte, renvers la XIIIe dynastie et occup en matres le pays durant plusieurs sicles, furent chasss par le Pharaon Ahms I, de la XVIIIe dynastie. En effet, lhistoire de lgypte nous dmontre premptoirement quautrefois sa vie a t intimement mle celle de la ____________________1. ... barbara lingua Mauros, pro Medis appellantes (Salluste). 2. Procope. De bello Vandalico. 3. Histoire des Berbres (trad de Slane), t. I, p. 184.

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Berbrie, et cest ce qui a t trs bien caractris par M. Zaborowski(1) dans les termes suivants : Laction rciproque de lgypte et de lAfrique lune sur lautre est si ancienne, elle a t si longue et si profonde, quil est impossible de dmler ce que la premire a emprunt la seconde, et rciproquement. Il est donc possible que les Hycsos, vaincus, soient passs en partie dans le Magreb. Mais, en revanche, cette mme histoire nous apprend que, vers le XVe sicle avant J.-C., sous la XIXe dynastie, une invasion de nomades, aux yeux bleus et aux cheveux blonds, vint de louest sabattre sur lgypte. Ces populations, que les gyptiens confondaient avec les Libyens et quils nommaient Tamahou (hommes blonds), do venaient-elles ? Arrivaient-elles dEurope ou taient-elles depuis longtemps tablies dans la Berbrie ? Cette question est insoluble ; mais, quand on examine la quantit innombrable de dolmens qui couvrent lAfrique septentrionale, on ne peut sempcher dy voir les spultures de ces hommes blonds ou un usage laiss par eux. Il faut, en outre, reconnatre la parent troite qui existe entre les dolmens de lAfrique et ceux de lEspagne, de louest de la France et du Danemarck. Berbres, Ibres, Celtibres, voil des peuples frres et dont laction rciproque des uns sur les autres est incontestable, sans mme quil soit besoin dappeler son aide lidentit de conformation physique ou les rapprochements linguistiques, car ce sont des arguments dune valeur relative et dont il est facile de tirer parti en sens divers. A quelle poque, par quels moyens se sont tablies ces relations de races entre le midi de lEurope et lAfrique septentrionale ? Les invasions ont-elles eu lieu de celle-ci en celui-l, ou de celui-l en celle-ci ? Autant de questions sur lesquelles les rudits ne parviendront jamais sentendre, en labsence de tout document prcis. Pourquoi, du reste, les deux faits ne se seraient-ils pas produits des poques diffrentes ?____________________ 1. Peuples primitifs de lAfrique. (Nouvelle revue, 1er mars 1883.)

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ETHNOGRAPHIE

Mais ne nous arrtons pas ces dtails. Du rapide expos qui prcde rsultent deux faits que lon peut admettre comme incontestables : 1 Des invasions importantes de peuples asiatiques ont eu lieu, diffrentes poques, dans lAfrique septentrionale ; 2 Cette rgion a t habite anciennement par une race blonde, ayant de grands traits de ressemblance, comme caractres physiologiques et comme murs, avec certaines peuplades europennes. Quelle conclusion tirerons-nous maintenant de cette constatation ? Dirons-nous, comme certains, que la race berbre est dorigine purement smitique, ou, comme dautres, purement aryenne ? Nullement. La race berbre, en effet, peut avoir subi, diffrents degrs, cette double inuence, et il peut exister parmi elle des branches quil est possible de rattacher lune et lautre de ces origines. Mais il nen est pas moins vrai que, comme ensemble, elle a persist avec son type spcial de race africaine, type bien connu en gypte dans les temps anciens, et que lon retrouve encore maintenant dans toute lAfrique septentrionale. Sans vouloir discuter la question de lunit ou de la pluralit de la famille humaine, il est certain qu une poque trs recule, la race libyenne ou berbre sest trouve forme et a occup laire qui lui est propre, toute lAfrique du nord. Sur ce substratum sont venues, des poques relativement rcentes, stendre des invasions dont lhistoire a conserv de vagues souvenirs, et ce contact a laiss son empreinte dans la langue, dans les murs et dans les caractres physiologiques. Les peuples cananens, les Phniciens ont eu une action indiscutable sur la langue berbre; et les blonds, qui, peut-tre, taient en grande minorit, ont impos pendant un certain temps leur mode de spulture aux Libyens du Tell. Malgr ladoption

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de la religion musulmane et la modication profonde subie par les populations du nord de lAfrique, du fait de lintroduction de llment arabe, il existe encore en Algrie, notamment aux environs de la Kala des Beni-Hammad, dans les montagnes au nord de Mecila, des tribus qui construisent de vritables dolmens. Mais cette action des trangers, que nous reconnaissons, a eu des effets plus apparents que profonds, et il sest pass en Afrique ce qui a eu lieu presque partout et toujours, avec une rgularit qui permettrait de faire une loi de ce phnomne : la race vaincue, domine, asservie, a, peu peu, par une action lente, imperceptible, absorb son vainqueur en lincorporant dans son sein. Le mme fait sest produit au moyen ge loccasion de linvasion hilalienne, et cependant le nombre des Arabes tait relativement considrable et leur mlange avec la race indigne avait t favoris dune manire toute particulire, par lanarchie qui divisait les Berbres et annihilait leurs forces. Llment arabe a nanmoins t absorb ; mais, en se fondant au milieu de la race autochtone disjointe, il lui a fait adopter, en beaucoup dendroits, sa langue et ses murs. Nest-ce pas, du reste, ce qui sest pass en Gaule : loccupation romaine a romanis pour de longs sicles les provinces mridionales, sans modier, dune manire sensible, lensemble de la race. Dans le nord, les conqurants francs se sont rapidement fondus dans la race conquise, sans laisser dautre souvenir que leur nom substitu celui des vaincus. Ces effets diffrents sexpliquent par le degr de civilisation des conqurants, suprieur aux vaincus dans le premier cas, infrieur dans le second. En rsum, ces conqutes, ces changements dans les dnominations, les lois et les murs, nont pas empch la race gauloise de rester, comme fond, celtique. De mme, malgr les inuences trangres quelle a subies, la race autochtone du nord de lAfrique est reste libyque, cest--dire berbre. ____________________

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ETHNOGRAPHIE

PRCIS DE LHISTOIRE DE LAFRIQUE SEPTENTRIONALE(BERBRIE)

PREMIRE PARTIE PRIODE ANTIQUEJUSQU 642 DE LRE CHRTIENNE CHAPITRE Ier PRIODE PHNICIENNE. 1100 - 268 AVANT J.-C.Temps primitifs. Les Phniciens stablissent en Afrique. Fondation de Cyrne par les Grecs. Donnes gographiques dHrodote. Prpondrance de Karthage. Dcouvertes de lamiral Hannon. Organisation politique de Karthage. Conqutes de Karthage dans les les et sur le littoral de la Mditerrane. Guerres de Sicile. Rvolte des Berbres. Suite des guerres de Sicile. Agathocle, tyran de Syracuse. Il porte la guerre en Afrique. Agathocle vacue lAfrique. Pyrrhus, roi de Sicile. Nouvelles guerres dans cette le. Anarchie en Sicile.

TEMPS PRIMITIFS. Lincertitude la plus grande rgne sur les temps primitifs de lhistoire de la Berbrie. Le nom de lAfrique est peine prononc dans la Bible, et si, dans les rcits lgendaires tels que ceux dHomre, la notion de ce pays se trouve plusieurs fois rpte, les dtails qui laccompagnent sont trop vagues pour que lhistoire positive puisse sen servir. Sur la faon dont sest forme la race aborigne de lAfrique septentrionale, on ne peut mettre que des conjectures, et lhypothse la plus gnralement admise est qu un peuple vritablement autochtone que lon peut appeler chamitique, sest adjoint un double lment arian (blond) et smitique (brun), dont le mlange intime a form la race berbre, dj constitue bien avant les temps historiques. Lantiquit grecque na commenc avoir de dtails prcis sur la partie occidentale de lAfrique du nord que par ses navigateurs, lors de ses tentatives de colonisation en gypte et sur les rivages de la Mditer-

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HISTOIRE DE LAFRIQUE

rane. Hrodote est le premier auteur ancien qui ait crit srieusement sur ce pays (Ve sicle av. J.-C.) ; nous examinerons plus loin son systme gographique. Selon cet historien, les Libyens taient des nomades se nourrissant de la chair et du lait de leurs brebis. Leurs habitations sont des cabanes tresses dasphodles et de joncs, quils transportent volont. Plus tard, Diodore les reprsentera comme menant une existence abrutie, couchant en plein air, nayant quune nourriture sauvage ; sans maisons, sans habits, se couvrant seulement le corps de peaux de chvres. Ils obissent des rois qui nont aucune notion de la justice et ne vivent que de brigandage. Ils vont au combat, dit-il encore, avec trois javelots et des pierres dans un sac de cuir. Nayant pour but que de gagner de vitesse lennemi, dans la poursuite comme dans la retraite En gnral, ils nobservent, lgard des trangers, ni foi ni loi. Ce tableau de Diodore sapplique videmment aux Africains nomades. Dans les pays de montagne et de petite culture, les murs devaient se modier suivant les lieux. LES PHNICIENS STABLISSENT EN AFRIQUE. Ds le XIIe sicle avant notre re, les Phniciens qui, selon Diodore, avaient dj des colonies, non seulement sur le littoral europen de la Mditerrane, mais encore sur la rive ocanienne de lIbrie, explorrent les ctes de lAfrique et les reconnurent, sans doute, jusquaux Colonnes dHercule. Les relations commerciales avec les indignes taient le but de ces courses aventureuses et, pour assurer la rgularit des changes, des comptoirs ne tardrent pas se former. Les Berbres ne rent probablement aucune opposition ltablissement de ces trangers, qui, sous lgide du commerce, venaient les initier une civilisation suprieure, et dans lesquels ils ne pouvaient entrevoir de futurs dominateurs. Il rsulte mme de divers passages des auteurs anciens que les indignes taient trs empresss retenir chez eux les Tyriens. Quant ceux-ci, ils se prsentaient humblement, se reconnaissaient sans peine les htes des aborignes et se soumettaient lobligation de leur payer un tribut(1). Ainsi les colonies de Leptis (Lebida), Hadrumet (Soua), Utique, Tuns (Tunis), Karthage(2), Hippo-Zarytos (Benzert), etc., furent____________________ 1. Mommsen, Histoire romaine, trad. de Guerle, t. II, p. 206 et suiv. Voir la tradition recueillie par Trogue-Pompe et Virgile, sur la fondation de Karthage par Didon. 2. En phnicien la ville neuves (Kart-hadatch) par opposition Utique (Outik) la vieille .

PRIODE PHNICIENNE (VIe SICLE AV. J.-C.)

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successivement tablies sur le continent africain, et le littoral sud de la Mditerrane fut ouvert au commerce par les Phniciens, comme le rivage nord et les les lavaient t par les Grecs. FONDATION DE CYRNE PAR LES GRECS. Les rivaux des Phniciens dans la colonisation du littoral mditerranen furent les Grecs. Depuis longtemps, ils tournaient leurs regards vers lAfrique, lorsque Psammetik Ier combla leurs vux en leur ouvrant les ports de lgypte. Aprs avoir explor cette contre jusqu lextrme sud, ils rent un pas vers lOccident, et dans le VIIe sicle(1), une colonie de Grecs de lle de Thra vint, sous la conduite de son chef Ariste, surnomm Battos, stablir Cyrne. Les peuplades indignes que les Threns y rencontrrent leur ayant dit quelles sappelaient Loub ou Loubim, ils donnrent leur pays le nom de Libye, que lantiquit conserva lAfrique. La tradition a gard le souvenir des luttes qui clatrent entre les Grecs de Cyrne et leurs voisins de lOuest, les Phniciens, au sujet de la limite commune de leurs possessions, et lhistoire retrace le dvouement des deux frres Karthaginois qui consentirent se laisser enterrer vivants pour tendre le territoire de leur patrie jusqu lendroit que lon a appel en leur honneur Autel des Philnes (2). DONNES GOGRAPHIQUES DHRODOTE. Vers 420, Hrodote, qui avait lui-mme visit lgypte, crivit sur lAfrique des dtails prcis que ses successeurs ont rpts lenvi. Ses donnes, trs tendues sur lgypte, sont assez exactes relativement la Libye, jusquau territoire de Karthage ; pour le pays situ au del, il reproduit les rcits plus ou moins vagues des voyageurs grecs. Pour Hrodote, la Libye comprend le territoire situ entre lgypte et le promontoire de Soles (sans doute le cap Cantin). Elle est habite par les Libyens et un grand nombre de peuples libyques et aussi par des colonies grecques et phniciennes tablies sur le littoral. Ce qui stend au-dessus de la cte est rempli de btes froces; puis, aprs cette rgion sauvage, ce nest plus quun dsert de sable prodigieusement aride et tout fait dsert (3).____________________ 1. On nest pas daccord sur la date de la fondation de Cyrne. Selon Thophraste et Pline, il faudrait adopter 611. Solin donne une date antrieure qui varie entre 758 et 631. 2. A lest de Leptis, au fond de la Grande Syrte. Salluste, Bell. Jug., XIX, LXXVIII. 3. Lib. IV.

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HISTOIRE DE LAFRIQUE

Aprs avoir dcrit le littoral de la Cyrnaque et des Syrtes, Hrodote sarrte au lac Triton (le Chot du Djerid). Il ne sait rien, ou du moins ne parle pas spcialement de Karthage. Au del du lac Triton, dit-il, on rencontre des montagnes boises, habites par des populations de cultivateurs nomms Maxyes. Enn, il a entendu dire que, bien loin, dans la mme direction, tait une montagne fabuleuse nomme Atlas et dont les habitants se nommaient Atlantes ou Atarantes. Au midi de ces rgions, au del des dserts, se trouve la noire thiopie. Parmi les principaux noms de peuplades donns par Hrodote, nous citerons : Les Adyrmakhides, les Ghiligammes, les Asbystes, les Auskhises, etc., habitant la Cyrnaque. Les Nasamons et les Psylles tablis sur le littoral de la Grande Syrte. Les Garamantes diviss en Garamantes du nord, habitant les montagnes de Tripoli, et Garamantes du sud, tablis dans loasis de Garama (actuellement Djerma dans le Fezzan), dont ils ont pris le nom. Les Troglodytes, voisins des prcdents et en guerre avec eux. Les Lotophages, tablis dans lle de Mninx (Djerba) et sur le littoral voisin. Les Makhlyes, habitant le littoral jusquau lac Triton. Les Maxyes, les Ases, les Zaoueks et les Ghyzantes au nord du lac Triton et sur le littoral en face des les Cercina (Kerkinna)(1). Tels sont les traits principaux de la Libye dHrodote. Comme dtail des murs de ces indignes, il cite la vie nomade, labsence de toute loi, la promiscuit des femmes, etc. Il parle encore de peuplades fabuleuses habitant lextrme sud(2). PRPONDRANCE DE KARTHAGE. La prosprit des comptoirs phniciens, augmentant de jour en jour, attira de nouveaux immigrants, et Kharthage, dont la fondation date du commencement du Xe sicle (av. J.-C.), devint la principale des colonies de Tyr et de Sidon en Afrique. Ces mtropoles envoyaient leurs possessions de la Mditerrane des troupes qui, charges dabord de les protger contre les indignes, servirent ensuite dompter ceux-ci. Bientt les villages agricoles avoisinant les colonies phniciennes furent soumis, et les cultivateurs berbres durent donner leurs anciens locataires, devenus leurs matres,____________________ 1. Hrodote, 1. IV, ch. 143. 2. Vivien de Saint-Martin, Le Nord de lAfrique dans lAntiquit, passim.

PRIODE PHNICIENNE (Ve SICLE AV. J.-C.)

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le quart du revenu de leurs terres, tant il est vrai que deux peuples ne peuvent vivre cte cte sans que le plus civilis, ft-il de beaucoup le moins nombreux, arrive imposer sa domination lautre. La puissance de Karthage devint donc plus grande et stendit sur les tribus du tel de la Tunisie et de la Tripolitaine. Les Berbres du sud, maintenus dans une sorte de vasselage, servaient dintermdiaires pour le commerce de lintrieur de lAfrique(1). Non seulement Karthage, aprs avoir cess de payer tribut aux indignes, en exigea un de ceux-ci, mais elle devint la capitale des autres colonies phniciennes, qui durent lui servir une redevance. De plus, elle stait peu peu dbarrasse des liens qui lunissaient la mre patrie et avait conquis son autonomie mesure que la puissance du royaume phnicien dclinait(2). En mme temps les navigateurs puniques fondaient louest de nouvelles colonies : Djidjel, (Djidjeli), Salde (Bougie), Kartenna (Tns), Yol (Cherchel), Tingis (Tanger), etc. Les Karthaginois conclurent avec les rois ou chefs de tribus de ces contres loignes, des traits de commerce et dalliance. DCOUVERTES DE LAMIRAL HANNON. Mais cette extension ne sufsait pas lambition des Phniciens; il leur fallait de nouvelles conqutes. Entre le VIe et le Ve sicle, le gouvernement de Karthage chargea lamiral Hannon de reconnatre le littoral de lAtlantique et dy tablir des colonies. Le hardi marin partit avec une otte de soixante navires portant trente mille colons phniciens et libyens, et les provisions ncessaires pour le voyage et les premiers temps de ltablissement. Il franchit le dtroit de Gads, rpartit son monde sur la cte africaine de lOcan et savana jusquau golfe form par la pointe quil appelle Corne du Midi et que M. Vivien de Saint-Martin identie la pointe du golfe de Guine. Seule, la crainte de manquer de vivres lobligea sarrter. Il retourna sur ses pas aprs avoir accompli un voyage qui ne devait tre renouvel que deux mille ans plus tard(3). Le succs de lentreprise de Hannon frappa tellement ses concitoyens que les principales circonstances de son voyage furent relates en une inscription quon plaa dans le temple de Karthage. Cette inscription, traduite plus tard par un voyageur grec, nous est parvenue sous____________________ 1. Ragot. Sahara, de la province de Constantine, IIe partie, p. 147 (Recueil des notices de la Socit arch. de Constantine, 1875). 2. Justin, X1X, 1,2. 3. Par les Portugais en 1462.

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HISTOIRE DE LAFRIQUE

le nom de Priple de Hannon ; malheureusement la date manque. Lon sait seulement, daprs Pline, que ctait lpoque de la plus grande puissance de Karthage, alors que, selon ratosthne, cit par Strabon, on comptait plus de trois cents colonies phniciennes au del du dtroit(1). ORGANISATION POLITIQUE DE KARTHAGE. La puissance acquise par Karthage au milieu des populations berbres tait le fruit de lesprit dinitiative, du courage et de ladresse dont les Phniciens avaient sans cesse donn des preuves pendant de longs sicles. Chacun avait coopr cette conqute; le gouvernement avait donc t dabord une rpublique o le rang de chacun tait gal. Puis, les fortunes commerciales et militaires stant faites, les grandes familles avaient conserv le pouvoir entre leurs mains, et il en tait rsult une oligarchie assez complique. Le pouvoir excutif tait dvolu deux rois(2), assists dun conseil dit des anciens, compos de vingt-huit membres, tous paraissant avoir t lus par le peuple et pour un temps assez court. Lexcutif nommait les gnraux en chef, mais leur dlguait une partie de ses pouvoirs, ce qui tendait en faire de vritables dictateurs, tout en offrant lavantage de rtablir une unit ncessaire dans le commandement. Pour complter la machine gouvernementale, un autre conseil, dit des CentQuatre, compos de laristocratie, exerait les fonctions judiciaires et contrlait les actes de tous(3). Ce gouvernement impersonnel navait pas les avantages dune dmocratie et en avait tous les inconvnients ; il manquait dunit et, par suite, de force, et ouvrait la porte toutes les intrigues et toutes les comptitions. CONQUTE DE. KARTHAGE DANS LES LES ET SUR LE LITTORAL DE LA MDITERRANE. Ds le sixime sicle avant notre re, les Karthaginois rent des expditions guerrires dans les les et sur le rivage continental de la Mditerrane. En 543, la suite dune guerre contre les Phocens, ils restrent matres de lle de Corse. Quelques annes plus tard, eut lieu leur premier dbarquement en Sicile (536).____________________ 1. Vivien de Saint-Martin. Voir galement : Navigation dHanno capitaine carthaginois aux parties dAfrique, del les colonnes dHercule par Lon lAfricain (trad. Temporal), t. I, p. XXV et suiv. 2. Sufftes (Chofetim) ou juges. Les auteurs anciens leur donnent le nom de rois. Tite-Live les compare aux consuls (XXX). 3. Mommsen, Histoire romaine, t. II, p. 217 et suiv. Aristote, Polit., t. II. Polybe, VI et pass.

PRIODE PHNICIENNE (Ve SICLE AV. J.-C.)

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Les relations amicales de Karthage avec lItalie remontent cette poque; dj les trusques lavaient aide dans sa guerre contre les Phocens ; en 509 fut conclu son premier trait dalliance avec les Romains(1). Sous lhabile direction de Magon, la puissance punique stendit sur la Mditerrane, dont tous les rivages reurent la visite des vaisseaux de Karthage se prsentant, non plus comme de simples traquants, mais comme les matres de la mer. Les Berbres de lAfrique propre sont ses vassaux ; ceux du sud et de louest ses allis : tous lui fournissent des mercenaires pour ses campagnes lointaines. La civilisation Karthaginoise se rpandit au loin et exera la plus grande inuence, particulirement sur la Grce et le midi de lItalie. GUERRES DE SICILE. Mais ce fut contre la Sicile que Karthage concentra ses plus grands efforts : elle tait attire vers cette conqute par la richesse et la proximit de lle, et aussi par le dsir dabattre la puissance des Grecs en Occident. Alors commena ce duel sculaire, qui devait avoir pour rsultat darrter la colonisation grecque dans la Mditerrane, mais dont Rome devait recueillir tous les fruits. Allis Xerxs par un trait fait dans le but doprer simultanment contre les Grecs, les Karthaginois rent passer en Sicile une arme considrable sous la conduite dAmilcar(2) ls de Magon ; mais cette alliance ne leur fut pas favorable et, tandis que les Perses taient crass Salamine, les Phniciens prouvaient un vritable dsastre en Sicile (vers 480). La guerre continua pendant de longues annes en Sicile, sans que les Karthaginois y obtinssent de grands succs : les revers, la peste, les calamits de toute sorte semblaient stimuler leur ardeur. Nanmoins, vers la n du Ve sicle, Hannibal et Himilcon, de la famille de Hannon, remportrent de grandes victoires et conquirent aux Karthaginois prs dun tiers de lle, avec des villes telles que Selinonte, Hymre, Agrigente, etc.(3). Denys, tyran de Syracuse, les arrta dans leurs succs et les fora signer un trait, ou plutt une trve, pendant laquelle les deux adversaires se prparrent une lutte plus srieuse (404). En 399 Denys envahit les possessions Karthaginoises ; Himilcon,____________________ 1. Polybe. 2. Cest tort que M. Mommsen et les Allemands orthographient ce nom par un H. La premire lettre est un An ( ) et non un Heth ( ). 3. Diodore.

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HISTOIRE DE LAFRIQUE

nomm suffte, arrive avec une otte nombreuse devant Syracuse, force lentre du port et coule les vaisseaux ennemis (396). Lanne suivante, il revient en force, sempare de Motya, de Messine, de Catane, de presque toute lle, vient mettre le sige devant Syracuse et porte le ravage dans la contre environnante. Au moment o il est sur le point de triompher de son ennemi, la peste clate dans son arme. Denys prote de cette circonstance pour attaquer les Karthaginois dmoraliss, les bat sur terre et sur mer et force le suffte souscrire une capitulation qui consacre la perte de toutes ses conqutes. Ainsi nit cette campagne si brillamment commence(1). RVOLTE DES BERBRES. A la nouvelle de ce dsastre, les indignes de lAfrique croient que le moment est tenu de reconqurir leur indpendance. Ils se runissent en grandes masses et viennent tumultueusement attaquer Karthage (395). Tunis tombe en leur pouvoir et la mtropole punique se trouve expose au plus grand danger. Mais bientt la discorde se met parmi ces hordes sans chefs, qui ne veulent obir aucune rgle, et ce rassemblement se fond et se dsagrge. Ainsi nous verrons constamment les Berbres proter des malheurs dont leurs dominateurs sont victimes pour se lever coutre eux : la rvolte clate comme la foudre; mais bientt la dsunion et lindiscipline font leur uvre, la runion se dissout en quelques jours et les indignes retombent sous le joug de ltranger(2). SUITE DES GUERRES DE SICILE. A peine Karthage avaitelle triomph des Berbres quelle envoya Magon en Sicile avec de nouvelles forces. La guerre recommena aussitt entre Denys et les Karthaginois, et se prolongea avec des chances diverses pendant plusieurs annes. Magon, ayant pri dans une bataille, fut remplac par son ls portant le mme nom. En 368, Denys cessa de vivre et eut pour successeur son ls Denys le jeune. Malgr ces changements, la guerre continuait avec acharnement de part et dautre : ctait comme un hritage que les pres transmettaient en mourant leurs enfants. Mais si les Grecs de Sicile avaient recouvr une certaine puissance sous la ferme main de Denys, le rgne de son successeur ne leur procura pas les mmes avantages. Pousss bout par les vices de Denys le jeune, les Syracusains lexpulsrent de leur ville ; mais comme un tyran a tou____________________ 1. Diodore, 1. XXIV. 2. Diodore, 1. XIV, ch. LXXII.

PRIODE PHNICIENNE (319 AV. J.-C.)

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jours des partisans, la guerre civile divisa les Grecs. Karthage saisit avec empressement cette occasion pour envoyer de nouvelles troupes en Sicile avec Magon, en chargeant ce gnral de reprendre avec vigueur les oprations militaires. Vers le mme temps elle concluait avec Rome un nouveau trait dalliance tout en sa faveur, car elle imposait celle-ci de ne pas naviguer au del du dtroit de Gads, lOuest, et du cap Bon, lEst, et lui interdisait mme de faire du commerce en Afrique (348). A larrive de Magon en Sicile, un groupe de citoyens de Syracuse, car la ville elle-mme tait divise en plusieurs camps, t appel aux Corinthiens fondateurs de leur cit, en implorant leur secours. Ceux-ci envoyrent Timolon avec une petite arme dun millier dhommes. Syracuse tait alors sur le point de tomber : un parti avait livr le port aux Karthaginois ; Denys occupait le chteau ; Icetas le reste de la ville. Timolon obtint la soumission de Denys et la remise de la citadelle et fora les Karthaginois une trve pendant laquelle il dtacha de Magon ses auxiliaires grecs. Celui-ci, se croyant perdu, sembarqua prcipitamment et vint chercher un refuge Karthage, o, pour chapper un supplice ignominieux, il se donna la mort. Karthage, brlant du dsir de tirer vengeance de ces checs, t passer, en 340, de nouvelles troupes en Sicile sous le commandement de Hannibal et de Amilcar ; mais ce ne fut que pour essuyer un nouveau et plus complet dsastre. Timolon, bien quil dispost dun nombre beaucoup moins grand de soldats, russit, aprs une lutte acharne dans laquelle les Karthaginois dployrent le plus grand courage, triompher deux. En 338 un trait fut conclu entre les Syracusains et les Karthaginois. Timolon t ainsi reconnatre lIntgrit de Syracuse et de son territoire et recula les bornes des possessions puniques, en imposant aux Karthaginois la dfense de soutenir lavenir les tyrans. AGATHOCLE, TYRAN DE SYRACUSE. IL PORTE LA GUERRE EN AFRIQUE. Quelques annes plus tard, un homme de la plus basse extraction, sans murs, mais dun caractre nergique et ambitieux, parvint, avec lappui dAmilcar, semparer par un coup de force de lautorit Syracuse ; il mit mort les citoyens les plus honorables et se proclama roi des Grecs (319). Bien quil et jur Amilcar, pour obtenir son appui, une dlit ternelle Karthage, il se considra comme dgag de son serment par la mort de son ancien protecteur e t envahit les possessions puniques. Aussitt, Karthage t passer en Sicile

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une arme nombreuse sous la conduite de Amilcar, ls de Giscon, et ses troupes remportrent sur Agathocle une victoire dcisive et vinrent mettre le sige devant Syracuse. Agathocle, rduit la dernire extrmit, ne possdant plus que la ville dans laquelle il est bloqu, repouss par les Grecs auxquels il sest rendu odieux par sa tyrannie, conoit le dessein hardi de se dbarrasser de ses ennemis en allant porter la guerre chez eux. Il supplie les Syracusains de rsister encore quelques jours, parvient, au moyen dun stratagme. attirer les vaisseaux Karthaginois en dehors du port, prote de ce moment pour en sortir lui-mme avec quelques navires, et fait voile vers lAfrique. Poursuivi par la otte de ses ennemis, il parvient lui chapper et, aprs six jours dune traverse des plus prilleuses, aborde dans le golfe mme de Tunis et se retranche dans les carrires, aprs avoir brl ses vaisseaux an denlever ses troupes toute pense de retour (310). Revenus de la stupeur que leur a cause cette attaque imprvue, les Karthaginois appellent tous les hommes aux armes et chargent les gnraux Hannon et Bomilcar de repousser lusurpateur qui sest dj empar de plusieurs villes. Mais le sort des armes est funeste aux Phniciens; leurs troupes sont crases par Agathocle qui vient mettre le sige devant Karthage (309). Pendant que les Phniciens dmoraliss multiplient les offrandes leurs dieux pour apaiser leur courroux, en sacriant mme leurs propres enfants, la renomme porte de tous cts, en Berbrie, la nouvelle des succs de lenvahisseur et de la destruction de larme Karthaginoise. Les indignes, tributaires ou allis, accourent en foule au camp dAgathocle pour laider craser leurs matres ou leurs amis. En Sicile, Amilcar a continu le sige de Syracuse : mais bientt le bruit des victoires des Grecs parvient aux assigs et, par un puissant effort, ils obligent les Karthaginois lever le blocus (309). Lanne suivante, Amilcar essaie en vain denlever Syracuse ; il est vaincu, fait prisonnier et expire dans les supplices. Cependant Agathocle, solidement tabli Tunis, continuait de menacer Karthage et en mme temps parcourait en vainqueur le pays, au sud et lest, faisant reconnatre son autorit par les Berbres ; dans une seule campagne, plus de cieux cents villes lui ont fait leur soumission. Aprs avoir, avec une audacieuse habilet, rprim une rvolte qui avait clat contre lui au milieu de ses soldats, Agathocle entra en pourparlers avec Ophellas, roi de la Cyrnaque, ancien lieutenant dAlexandre, et lui demanda son alliance. Sduit par ses promesses. Ophellas nhsita pas

PRIODE PHNICIENNE (279 AV. J.-C.)

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amener son arme au tyran ; mais Agathocle le t assassiner et sattacha ses troupes. Karthage se trouvait alors dans une situation des plus critiques, et pour comble de malheur, la trahison et la guerre civile paralysaient ses forces. Agathocle, aprs avoir enlev Utique et Hippo-Zarytos(1), laissa le commandement de son arme son ls Archagate, et rentra en Sicile, o il tenait aussi assurer son autorit (306) ; aussitt aprs son dpart, les Karthaginois reprirent vigoureusement loffensive et rduisirent les Grecs ltat dassigs. Agathocle sempressa de venir au secours de son ls ; mais la victoire nest pas toujours dle aux conqurants et il prouva son tour les revers de la fortune. AGATHOCLE VACUE LAFRIQUE. Trahi par ses allis berbres, nayant plus autour de lui que quelques soldats puiss et dmoraliss, Agathocle se dcida vacuer sa conqute ; il retourna suivi de quelques ofciers en Sicile, laissant Tunis ses enfants, avec larme; mais les soldats, se voyant abandonns, mirent mort la famille de leur prince et traitrent avec les Karthaginois auxquels ils abandonnrent toutes les villes conquises par Agathocle. Ainsi cette guerre qui avait mis Karthage deux doigts de sa perte se terminait subitement au grand avantage de la mtropole punique (306). Un trait de pais ayant t conclu entre les deux puissances, les Karthaginois purent sappliquer rparer leurs dsastres et reprendre de nouvelles forces, tandis quAgathocle tablissait solidement son autorit Syracuse, devenait un vritable roi, et sunissait Pyrrhus dpire en lui donnant sa lle en mariage. PYRRHUS, ROI DE SICILE. NOUVELLES GUERRES DANS CETTE CONTRE. Mais la paix entre la Sicile et Karthage ne pouvait tre de longue dure. Aprs la mort dAgathocle, survenue en 289, lle devint de nouveau la proie des factions et durant prs de dix annes lanarchie y rgna seule. Enn, en 279, les Syracusains menacs de lattaque imminente de Karthage appelrent leur secours Pyrrhus, auquel ils avaient dj fourni leur appui dans ses guerres contre Rome. Malgr les victoires dHracle et dAsculum si chrement achetes, le roi dpire se trouvait dans la plus grande indcision, car il avait d, pour vaincre les Romains, mettre en ligne toutes ses forces et il jugeait quavec les lments htrognes composant son arme il ne pourrait obtenir une____________________ 1. Benzert

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seconde fois ce rsultat. La discorde avait clat parmi ses allis et les Tarentins, mmes, qui lavaient appel, taient sur le point de se tourner contre lui. La proposition des Syracusains lui ouvrit de nouvelles perspectives : la royaut de la Sicile tait, dfaut de Rome, une riche proie ; Pyrrhus passa donc le dtroit et arriva Syracuse, o il fut accueilli avec le plus grand empressement. Les Karthaginois avaient, deux ans auparavant, renouvel leur alliance avec les Romains et fourni ceux-ci lappui de leur otte dans la dernire guerre, car ctait un vritable trait dalliance offensive et dfensive quils avaient conclu ensemble contre Pyrrhus. Pendant ce temps ils avaient redoubl defforts pour semparer de la Sicile et recommenc le blocus de Syracuse. Larrive de Pyrrhus, amenant des troupes nombreuses et aguerries, arrta net leurs progrs; bientt mme ils se virent assigs dans leur quartier gnral de Lilybe. Mais le temps des succs de Pyrrhus tait pass ; ses troupes furent vaincues dans plusieurs rencontres et le roi, voyant la dlit des populations chanceler autour de lui, voulut se la conserver par la violence ; il t gmir lle sous le poids de sa tyrannie, ce qui acheva de dtacher de lui les Grecs. Dans cette conjoncture Pyrrhus, qui, du reste, tait rappel sur le continent par les Tarentins, se dcida laisser le champ libre aux karthaginois et, passant de nouveau la mer, rentra en Italie (276), o le sort ne devait pas lui tre plus favorable. ANARCHIE EN SICILE. Le dpart du roi laissait la Sicile en proie aux factions. Un grand nombre de mercenaires de toutes races avaient t appels dans lle par Agathocle ou y avaient t amens par Pyrrhus. Abandonns par leurs chefs, ils staient dabord livrs au brigandage, puis avaient form de petites colonies indpendantes. La principale tait celle des Mamertins ou soldats de Mars, nom que stait donn un groupe daventuriers campaniens tablis Messine. Les Syracusains, aprs le dpart de Pyrrhus, avaient lu comme chef un ofcier de fortune nomm Hiron qui avait pris en main la direction de la rsistance contre les Karthaginois et, pendant sept annes, avait lutt contre eux, non sans succs. Pendant ce temps les Mamertins, allis des brigands de leur espce tablis Rhige, sur la cte italienne, en face de Messine, avaient vu leur puissance saccrotre et taient devenus un vritable danger pour les Grecs de Sicile, pour les Karthaginois et mme pour les Romains. Cette situation allait donner naissance aux plus graves vnements et dterminer une rupture, depuis quelque temps imminente, entre Rome et Karthage. ____________________

PREMIRE GUERRE PUNIQUE (268 AV. J.-C.)

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CHAPITRE II PREMIRE GUERRE PUNIQUE268 - 220Causes de la premire guerre punique. Rupture de Rome avec Karthage. Premire guerre punique. Succs des Romains en Sicile. Les Romains portent la guerre en Afrique. Victoire des Karthaginois Tunis ; les Romains vacuent lAfrique. Reprise de la guerre en Sicile. Grand sige de Lilybe. Bataille des les Egates ; n de la premire guerre punique. Divisions gographiques adoptes par les Romains. Guerre des mercenaires. Karthage, aprs avoir tabli son autorit en Afrique, porte la guerre en Espagne. Succs des Karthaginois en Espagne.

CAUSES DE LA PREMIRE GUERRE PUNIQUE. Les checs prouvs par Pyrrhus dans lItalie mridionale, son retour en pire, sa mort (272), avaient dlivr Rome dun des plus grands dangers quelle et courus. Sa puissance stait augmente dautant, car elle avait hrit de presque toutes les conqutes du roi dpire. Si donc les Romains avaient, dans le moment du danger, recherch lalliance des Karthaginois contre lennemi commun, cette union momentane de deux peuples ayant des intrts absolument opposs ne pouvait subsister aprs la disparition des causes spciales qui lavaient amene. Matresse de lItalie mridionale, Rome jetait les veux sur la Sicile, que Karthage considrait comme sa conqute, car depuis plusieurs sicles elle se consumait en efforts pour achever de sen approprier la possession ; cest sur ce champ que la lutte de la race smitique contre la race ariane allait commencer. Un des premiers actes des Romains, aprs le dpart de Pyrrhus, avait t de dtruire le nid de brigands campaniens tablis Rhige. Les Mamertins de Messine, rduits ainsi leurs seules forces, avaient alors t en butte aux attaques des Syracusains, habilement dirigs par Hiron. Vers 268, leur situation ntant plus tenable, ils se virent dans la ncessit de se rendre soit aux Grecs, leurs plus grands ennemis, soit aux Karthaginois. Un certain nombre dentre eux entrrent en pourparlers avec ceux-ci ; mais les autres se dcidrent faire hommage de leur cit aux Romains. Le Snat de Rome, aprs quelque hsitation, admit les brigands campaniens dans la confdration italique et, ds lors, la rupture avec Karthage ne fut plus quune question de jours. Les prtextes, comme cela

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arrive dans de tels cas, ne manquaient pas; les Romains, notamment, reprochaient Karthage davoir viol plus dune clause de leurs prcdents traits et davoir prot des embarras que leur causait la guerre de Pyrrhus, pour tenter de semparer de Tarente et de prendre pied sur le continent. RUPTURE DE ROME AVEC KARTHAGE. Tandis que Rome adressait Hiron lordre de cesser toute agression contre ses allis les Mamertins, et se prparait faire passer des troupes Messine (265), elle envoyait Karthage une dputation charge de demander des explications sur laffaire de Tarente survenue sept ans auparavant(1). Ctait, en ralit, un ultimatum, et Karthage parut essayer dviter la guerre en dsavouant les actes de son amiral. En mme temps elle entrait en pourparlers avec Hiron ; le groupe de Mamertins dissidents amenait un rapprochement entre ces ennemis et obtenait que Messine ft livre aux Syracusains, leurs nouveaux allis. Au moment donc o les troupes romaines runies Rhge se disposaient traverser le dtroit, on apprit que la otte phnicienne commande par Hiron se trouvait dans le port de Messine et que la forteresse de cette ville tait occupe par les Karthaginois (264). Sans se laisser arrter par cette surprise, les Romains mirent la voile et parvinrent semparer, plutt par la ruse que par la force, de Messine, car les chefs Karthaginois, lis par des instructions leur recommandant la plus grande prudence an dviter une rupture, nosrent pas repousser les Italiens par lemploi de toutes leurs forces. Maintenant la rupture tait consomme et la guerre allait commencer avec la plus grande nergie de part et dautre. PREMIRE GUERRE PUNIQUE. Ds quon eut appris Karthage loccupation de Messine par les Italiens; la guerre fut dcide. Une otte nombreuse vint, sous la conduite dHannon, bloquer la ville par mer, tandis que les troupes puniques, dun ct, et Hiron, avec les Syracusains, de lautre, lassigeaient par terre. Mais les Romains ntaient pas disposs se laisser enlever leur nouvelle colonie. Le consul Appius Claudius tant parvenu passer le dtroit contraignit bientt les allis ____________________ 1. En vertu da trait dalliance les unissant aux Romains, les Karthaginois avaient envoy ceux-ci pour les aider dans leur guerre contre Pyrrhus une otte de 120 navires. Mais on avait pris ombrage Rome de cet empressement et lamiral punique avait dt reprendre la mer. Cest alors quil tait all Tarente offrir sa mdiation ou peut-tre ses services Pyrrhus. (Justin, XVIII).

PREMIRE GUERRE PUNIQUE (264 AV. J.-C.)

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lever le sige et vint mme faire une dmonstration contre Syracuse. Lanne suivante les Romains remportrent de grands succs, dont la consquence fut de dtacher Hiron du parti des Karthaginois et dobtenir son alliance contre ceux-ci (263)(1) ; les colonies grecques de lle suivirent son exemple et ds lors Karthage se trouva isole, sur un sol tranger, et oblige de faire face des ennemis sappuyant sur des forteresses telles que Messine et Syracuse. Bientt les Phniciens en furent, rduits se retrancher derrire leurs places fortes. Dans ces conjonctures, les Karthaginois ,jugrent quil y avait lieu de tenter un grand effort ; ils runirent une arme imposante de mercenaires liguriens, espagnols et gaulois et, layant fait passer en Sicile, la rpartirent dans leurs places fortes et stablirent solidement Agrigente (Akragas), an de faire de cette ville le nud de leur rsistance. Bientt les consuls vinrent attaquer ce camp retranch, mais, nayant pu lenlever dun coup de main, ils durent en faire le sige rgulier. Hannibal, ls de Giscon, dfendait avec habilet la ville et tait aid par Hiron qui avait contract une nouvelle alliance avec les Karthaginois. Quant aux Romains, ils recevaient constamment dItalie des vivres et des renforts et resserraient chaque jour le blocus. SUCCS DES ROMAINS EN SICILE. Sur ces entrefaites, le gnral Hannon, envoy de Karthage avec une nouvelle et puissante arme, dbarque en Sicile et vient attaquer les Romains dans leur camp. Mais le sort des armes est favorable ceux-ci ; les Karthaginois, crass, laissent leur camp aux mains des vainqueurs ; Hannon parvient, non sans peine, se rfugier dans Hracle avec une poigne de soldats. Cette bataille dcida du sort dAgrigente : Hannibal souvrit un passage la pointe de lpe, au milieu des ennemis, et abandonna la ville aux Romains (262). Les habitants de la cit furent vendus comme esclaves(2). Malgr les succs des Italiens, la situation en Sicile ntait pas dsespre pour les Karthaginois, car ils tenaient encore une grande partie de lle et avaient souvent lappui des colonies grecques. Une guerre incessante, guerre descarmouches et de surprises, sur mer et sur terre, remplaa les grandes batailles. La otte punique, beaucoup plus puissante que celle des Romains, causa de grands dommages sur les ctes italiennes et t un tort considrable au commerce. Force fut aux latins de se construire____________________ 1. Diodore, XXIII. Polybe, 1. I. 2. Polybe, 1. I, ch. 19, 20.

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des navires et de remplacer leurs barques par des quinqurmes(1), en tat de lutter avec celles de leurs ennemis. Aprs avoir cr les vaisseaux, il fallut improviser les marins, mais lardeur des Italiens pourvut tout, et, en 260, une otte imposante tait prle tenir la mer. Le dbut ne fut pas heureux ; une partie des navires, avec le consul, tomba aux mains des Karthaginois, dans le port de Lipari ; mais bientt les marins italiens prirent leur revanche dans plusieurs combats et enn le consul Duilius remporta la grande victoire navale de Miloe, dans laquelle la otte karthaginoise fut capture ou dtruite. Duilius ayant dbarqu en Sicile obtint sur les ennemis de nouveaux et importants avantages (260). Encourags par les succs de leur otte, les Romains excutrent, pendant les annes suivantes, des descentes en Sardaigne et en Corse et russirent arracher aux Karthaginois une partie des postes quils occupaient dans ces deux les. En mme temps la guerre de Sicile suivait son cours avec des chances diverses, mais sans amener de rsultat dcisif. Nanmoins, dans la campagne de 258, les consuls A. Calatinus et S. Paterculus semparrent de villes importantes; Hippane, Canarine, Enna, Erbesse, etc. LES ROMAINS PORTENT LA GUERRE EN AFRIQUE. La guerre durait depuis huit ans, absorbant toutes les forces des Italiens et menaant de sterniser. Le plus sr moyen de la terminer tait dattaquer les ennemis chez eux, et de transporter le thtre de la lutte dans leur propre pays. En 256, les Romains rsolurent dexcuter ce hardi projet. Ils runirent une otte de trois cents galres et rent voile vers lAfrique sous la conduite des consuls Manlius et Rgulus. Ils rencontrrent Eknome les vaisseaux Karthaginois et leur livrrent une mmorable bataille navale qui se termina par la victoire des Romains. Ds lors lAfrique tait ouverte. Les consuls abordrent lest de Karthage et allrent stablir solidement Clype (Icliba), pour y grouper toutes les forces, hors de la porte de leurs ennemis. De l ils lancrent dans lintrieur des expditions qui portrent au loin le ravage et la terreur, et ramenrent un grand nombre de prisonniers. Sur ces entrefaites arriva lordre du Snat de Rome, rappelant en Italie le consul Manlius avec une grande partie des troupes et prescrivant Rgulus de presser les oprations, au moyen de son arme rduite 15,000 hommes dinfanterie et 500 cavaliers. Aprs le premier moment de stupeur qui avait suivi Karthage la____________________ 1. La quinqurme avait jusqu 300 rameurs et portait le mme nombre de soldats.

PREMIRE GUERRE PUNIQUE (255 AV. J.-C.)

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nouvelle du dsastre dEknome, on stait prpar avec ardeur la rsistance; des mercenaires avaient t enrls et Amilcar, rappel de Sicile, avait ramen des forces importantes. Mais le sort des armes fut encore dfavorable aux Karthaginois : vaincus Adis (Rads), ils ne purent empcher Rgulus doccuper Tuns (Tunis) (255). Menace dun sige immdiat, Karthage proposa la paix aux envahisseurs ; mais les conditions qui lui furent faites taient si dures quelle renona toute pense de transaction et se prpara lutter avec la dernire nergie, prfrant mourir en combattant que consommer elle-mme sa ruine. Sur ces entrefaites arrivrent des vaisseaux chargs de mercenaires grecs, parmi lesquels se trouvait le lacdmonien Xanthippe, ofcier de mrite, form lcole des grands capitaines de son pays. Les Karthaginois ayant eu lheureuse inspiration de lui coner la direction de la dfense, le nouveau gnral changea compltement le systme qui avait t suivi jusque-l. Au lieu de tenir les troupes derrire les murailles ou sur des hauteurs inaccessibles, il les t sortir dans la plaine et les tint constamment en haleine, les exerant lart de la guerre et leur donnant conance en elles-mmes et en leurs chefs, ce qui est le gage de la victoire. Pendant cc temps Rgulus restait inactif Tuns, nayant pas assez de monde pour entreprendre le sige de Karthage et ne pouvant se rsoudre abandonner sa conqute pour se replier derrire ses retranchements de Clype. VICTOIRE DES KARTHAGINOIS A TUNIS. LES ROMAINS VACUENT LAFRIQUE. Bientt les Karthaginois sont en tat de marcher contre leurs agresseurs ; ils les attaquent en avant de Tunis et, grce aux habiles dispositions prises par Xanthippe, remportent sur eux une victoire dcisive. Rgulus est fait prisonnier avec ses meilleurs soldats, tandis que les dbris de son arme, deux mille hommes peine, se rfugient Clype. Ctait la perte de la campagne ; en vain les Romains envoyrent contre lAfrique une nouvelle otte qui remporta une nouvelle victoire ; la situation ntait plus tenable ; on embarqua sur les vaisseaux la garnison de Clype et lon t voile vers la Sicile en abandonnant la vengeance des Karthaginois, non seulement les prisonniers, mais les allis indignes qui avaient soutenu Rgulus dans sa campagne. Cette vengeance fut terrible : les tribus durent payer des contributions crasantes; quant aux chefs, ils prirent dans les tortures. Xanthippe avait sauv Karthage. Il fut largement rcompens et put quitter lAfrique avant davoir

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HISTOIRE DE LAFRIQUE

prouv les effets de lingratitude et de lenvie des Karthaginois(1). REPRISE DE LA GUERRE EN SICILE. Aprs ce succs, Karthage se trouvait en tat de reprendre loffensive en Sicile: elle le t avec nergie. Agrigente et plusieurs autres places tombrent tout dabord en son pouvoir. Mais la puissance de Rome et surtout son ardeur taient loin dtre abattues ; de nouveaux vaisseaux furent construits et, lanne suivante (254), la otte romaine se runit Messine. De l, les consuls allrent attaquer par mer Panorme (Palerme et sen rendirent matres, aprs un sige vigoureusement men. Ils semparrent en outre de presque tout le littoral septentrional de lle, mais nosrent se mesurer avec larme karthaginoise qui tenait le pays s lintrieur. Lanne suivante, les Romains, ayant voulu tenter une nouvelle descente en Afrique, virent la tempte disperser leur otte, ce qui les fora renoncer ce projet. Pendant plusieurs annes la guerre continua avec des chances diverses, mais sans aucun rsultat dcisif; les ressources, de part et et autre, spuisaient et lon pouvait prvoir, sinon la n de ce grand duel, au moins limminence dune trve. Les Karthaginois, voulant tenter un effort dcisif, sadressrent mme, pour obtenir de largent, leur alli Ptolme Philadelphe, roi dgypte, qui leur refusa tout secours. Les Romains, non moins gns, se virent contraints de rduire le nombre de vaisseaux quils avaient crs et de renoncer la guerre maritime. Cependant en 250, Metellus stant trouv assez fort pour lutter contre larme karthaginoise, que les Romains navaient plus voulu affronter depuis la dfaite de Tunis, remporta une importante victoire sur Asdrubal(2), qui stait audacieusement avanc jusquaux portes de Palerme. Les lphants, qui avaient puissamment contribu aux succs de Xanthippe, tombrent aux mains des vainqueurs. A la suite de ce nouvel chec, Karthage, aprs avoir mis en croix son gnral, se dcida faire encore une tentative pour obtenir la paix, et cest cette occasion que lhistoire a plac le rcit du dvouement de Rgulus. De mme que la premire fois, les conditions faites par les Romains furent juges inacceptables, et la guerre recommena (249).____________________ 1. Polybe, I. 2. Cest encore une erreur dcrire Asdrubal, en phnicien Azrou-Ba1 le secours de Baal , par un H.

PREMIRE GUERRE PUNIQUE (247 AV. J.-C.)

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GRAND SIGE DE LILYBE. Les Romains, qui avaient achev la conqute du littoral nord de la Sicile, voulurent proter de leur succs pour expulser dnitivement leurs ennemis de lle. Ils vinrent en consquence les attaquer dans leur place forte de Lilybe et commencrent le sige de cette ville, sige aussi mmorable par lardeur et le gnie des assigeants que par le courage et lobstination des assigs, commands par le gnral Himilcon. Pendant plusieurs mois les machines de guerre battirent les remparts, tandis que la otte romaine bloquait troitement le port ; mais Himilcon triompha par son habilet de tous les efforts des assigeants, renversant par des sorties soudaines les travaux par eux faits au prix des plus grandes difcults, incendiant leurs machines, djouant tous leurs plans ; en mme temps, de hardis marins parvenaient faire entrer dans la ville, en passant au milieu des vaisseaux ennemis, des vivres et mme des renforts. Sur ces entrefaites le consul P. Claudius Pulcher, dsesprant denlever la ville de vive force, se contenta de la bloquer et partit subitement avec une otte nombreuse pour craser les navires karthaginois lancre dans le port de Drpane. Cette fois la victoire fut pour les karthaginois qui prirent leur revanche de leurs prcdentes dfaites maritimes en inigeant aux Romains un vritable dsastre. Une tempte, qui suivit de prs cette bataille, cota encore aux Italiens un grand nombre de vaisseaux. Ces nouvelles portrent Rome le dcouragement; si Karthage avait prot de ce moment pour pousser vigoureusement les oprations, nul doute que la guerre net t promptement termine son avantage. Mais, soit par leffet de la vicieuse organisation gouvernementale, soit en raison du caractre propre aux races smitiques, qui ne sinclinent que devant la ncessit immdiate, on ne voit Karthage tenter defforts dcisifs que quand lennemi est aux portes et le danger imminent. On resta donc sur cette victoire et la guerre continua pendant plusieurs annes, consistant en de petits combats sur terre et des courses de piraterie sur mer. En 217, Amilcar-Barka avait pris le commandement des troupes de Karthage en Sicile, troupes assez peu dvoues et composes en partie de mercenaires de tous les pays. Mais Amilcar tait un gnral de grande valeur ; il sut tirer parti de ces lments mauvais et, sans remporter de succs dcisifs, empcher tout progrs de la part des Romains. Pour contenter ses soldats, il leur t excuter une razzia dans le Bruttium, puis il vint occuper le mont Erct(1) qui domine Palerme, et de l, surveillant les routes, ne____________________ 1. Monte Pellegrino.

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HISTOIRE DE LAFRIQUE

manqua aucune occasion de tomber sur ses ennemis et de couper les convois(1). De leur ct les Romains dployaient la plus grande tnacit, si bien que les deux armes rivales en arrivrent reconnatre mutuellement limpossibilit de se vaincre. BATAILLE DES LES GATES. FIN DE LA PREMIRE GUERRE PUNIQUE. La guerre durait depuis vingt-deux ans et les deux puissances rivales donnaient des signes non quivoques de lassitude, quand Rome, dcide en nir, eut lheureuse inspiration de se refaire une marine et dessayer encore des luttes navales. Au commencement de lanne 242, trois cents galres, plus un grand nombre de btiments de transport, rent voile vers la Sicile. Le consul Lutatius Catulus, qui commandait, sempara sans difcult de Drpane et de Lilybe, car les vaisseaux karthaginois taient absents, soit quils fussent rentrs en Afrique, soit quils se trouvassent retenus dans de lointains voyages. A cette nouvelle, Karthage se prpara envoyer des troupes en Sicile son gnral, dont la situation devenait critique. Quatre cents vaisseaux chargs de vivres, de munitions et dargent partirent bientt dAfrique sous la conduite de Hannon, avec mission dviter tout prix le combat et de dbarquer subrepticement les secours dans lle ; mais la vigilance de Lutatius ne put tre djoue. Avec autant daudace que de courage, il attaqua la otte punique en face dEgusa (Favignano), une des gates, et remporta sur les ennemis une victoire dcisive. Cinquante galres karthaginoises furent coules, soixante-dix captures, et le reste se dispersa. Ce beau succs allait mettre n la campagne. Dmoralise par sa dfaite, Karthage autorisa Amilcar traiter comme il lentendrait avec lennemi ; mais un trait dans ces conditions ne pouvait tre que dsastreux, cest--dire entraner la perte de la Sicile, pour la possession de laquelle les Phniciens luttaient depuis si longtemps. Voici quelles furent les principales conditions imposes Karthage : Restitution de tous les prisonniers romains et des transfuges, sans ranon. Abandon dnitif de la Sicile, avec engagement de ne pas attaquer Hiron ni ses allis. Et paiement dune contribution considrable, dont partie sur-lechamp, et partie en dix annuits(2).____________________ 1. Polybe, 1. I, p. 57. 2. En tout 3200 talents euboques dargent.

PREMIRE GUERRE PUNIQUE (242 AV. J.-C.)

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De son ct, Rome reconnaissait lintgrit du territoire de Karthage. Les consquences de la premire guerre punique furent considrables, et permirent de mesurer la puissance acquise par Rome depuis un demi-sicle. Suzeraine de lItalie mridionale et de la Sicile et matresse de la mer, voil dans quelles conditions la laissait la conclusion de la paix, ou plutt de la trve. Quant Karthage, sa situation tait tout autre: son prestige maritime compromis, ses nances ruines, son autorit sur les Berbres branle, tels taient pour elle les fruits de cette fatale guerre, Certes, elle tait encore capable de grands efforts et devait le prouver avant peu ; nanmoins ses jours de grandeur taient passs et son dclin approchait. DIVISIONS GOGRAPHIQUES DE LAFRIQUE ADOPTES PAR LES ROMAINS. La guerre des Romains contre Karthage et surtout leur descente en Afrique leur donnrent des connaissances prcises sur le continent que les Grecs avaient nomm Libye. Ils donnrent, les premiers, le nom dAfrique au territoire de Karthage, en conservant celui de Libye pour lensemble du pays, mais, peu peu, lappellation dAfrique devint gnrale. Ils surent ds lors que cette vaste contre tait habite par un grand nombre de peuplades indignes, dont les Phniciens ntaient pas partout les matres, mais souvent les allis ou les htes. Voici quelles furent les divisions adoptes par les Romains pour la gographie africaine ; 1 Cyrnaque ou Libye pentapole, borne lest par la Marmarique et, louest, par la Grande-Syrte, et habite par diffrentes peuplades parmi lesquelles les Nasamons et les Psylles. 2 Rgion Syrtique, comprenant les deux Syrtes, et habite par les Troglodytes, Lothophages, Makes, etc. 3 Afrique propre ou Territoire de Karthage, correspondant peu prs la Tunisie actuelle, sous la domination directe des Karthaginois. Dans la partie mridionale se trouve la grande tribu des Musulames et, prs du Triton, celle des Zoukes. 4 Numidie, stendant de lAfrique propre la Molochath ou Mouloeuia. Elle est divise en deux royaumes : celui des Massiliens lest avec Hippo-Regius (Bne), ou Zama, pour capitale, et celui des Massessyliens louest, capitale Siga(1). La ville de Kirta (ou Cirta) sur____________________ 1. Auprs de lembouchure de la Tana. Il est remarquer, du reste, que le Massssylie, cest dire le pays situ louest de lAmsaga, constituait en ralit la partie orientale de la Maurtanie. Nous lui verrons prendre ce