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VOLUME 10 Études éparses et inédites DE BENJAMIN SULTE Compilées, annotées et publiées par GÉRARD MALCHELOSSE G. DUCHARME Libraire-Editeur 133. RUE SAINT-LAURENT, MONTRÉAL 1922

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VOLUME 10

Études éparses et inédites

DE

B E N J A M I N S U L T E

Compilées, annotées et publiées par

GÉRARD MALCHELOSSE

G. DUCHARME Libraire-Editeur

133. R U E S A I N T - L A U R E N T , M O N T R É A L

1922

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M É L A N G E S H I S T O R I Q U E S

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(Droits réservés, Canada, 1922)

Imprimerie Adj. Menard,

133, rue Saint-Laurent,

M O N T R E A L .

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VOLUME 10

élanges Historiques

Études éparses et inédites

DE

B E N J A M I N S U L T E

Compilées, annotées et publiées par

GÉRARD MALCHELOSSE

G. DU CHARME Libraire-Editeur

133. R U E SAINT-LAUHENt - , MONTRÉAL

1922

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X a &totère=ïm "ïloup (en fjaut)'

La rivière du Loup Elle est belle, elle est large, La rivière du Loup Elle est large partout

dit une chanson populaire.- J 'ai voulu savoir si son histoire est longue, et vraiment je ne me répons pas de ma curiosité. Après avoir lu les études si inté­ressantes de mon ami François Lesieur-Desaulniers sur la paroisse de Yamachiehe,' j 'ai pensé aux ori­gines de la Rivière-du-L-oup, attendu que les colons fondateurs, au lieu de s'établir de proche en proche, en remontant les bords du fleuve à partir des Trois-Rivières, ou en descendant de Berthier pour s'étendre tant qu'il y aurait des terres, ont préféré choisir un «•

1. Ce travail date de 1888. C'est une suite d'articles écrits dans l'ordre chronologique et que l'auteur a revus l'année der­nière pour la présente republication. En vérité ce n'est qu'une esquisse monographique bien incomplète en ce qui regarde les derniers temps, mais encore cependant fort intéressante. L a Rivière-du-Loup c'est maintenant Louiseville, comté Maskinongé.

2. Nous avons demandé à M. E.-Z. Massicotte, président (le notre Société de folklore, s'il possédait dans sa nombreuse col­lection de chants du terroir une plus longue version de cette ri­tournelle si connue. Il nous répond qu'il n'a jamais recueilli autre chose que des variantes du susdit couplet. Il est donc probable que le barde de la Rivière-du-Loup s'est limité à un quatrain.

3. Le» Vieilles familles d'Yamachiehe. 4 vols., et articles divers. Voir l'Histoire d'Yamachiche. par l'abbé Nap. Caron.

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6 LA RIVIEKE-DU-LOUP (en haut)

poste à mi-chemin de ces deux endroits et jeter de là des rameaux qui se rencontreraient inévitablement avec ceux du bas et du haut du fleuve. Ils choisirent donc la rivière du Loup pour centre de leur dévelop­pement. Dès 1672, la seigneurie de ce nom existait sur le papier, comme nous le verrons plus loin. En 1681 on il e voyait personne encore à Maskinongé ni à Yamachiehe, mais la Rivière-du-Loup possédait un groupe d'habitants français, dont plusieurs étaient nés dans le pays.

Le nom de la Rivière-du-Loup

D'abord, pourquoi ce nom? C'est apparemment qu'il y avait un loup dans ces endroits. Qui dit un loup dit plusieurs loups. Ab lupus disce omnes. Je n'ai pas rencontré dans mes lectures des anciens ma­nuscrits la moindre trace de ces animaux autrefois assez communs dans notre pays. Mais va pour le loup. Il faudrait mettre la figure de ce carnassier dans l'écusson de Louiseville, avec cette devise: bon pied, bon oeil, ce qui représente parfaitement la po­pulation alerte et vigoureuse de la seigneurie de la Ri­vière-du-Loup.

L'histoire des localités situées sur les bords du lac Saint-Pierre commence avec les narrations de voyages de Samuel Champlain. Cet explorateur écrivait en 1609: "Nous vîmes une rivière qui est fort agréable, qui va dans la terre vingt lieues, et l'ai nommée Sainte-Suzanne."

Par l'ensemble du texte de Champlain, on voit qu'il parle de la rivière du Loup. Il remontait alors

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L A mviERE-DU-LOUr (en h a u t ) 7

le lac Sa in t -P ie r re et il n 'a dû vo i r que l'embouchure du cours d'eau en question, mais les Sauvages qui l ' accompagnaient ont pu lui dire ce qu'ils en con­naissaient. Ces Sauvages étaient des Algonquins et l'on sait que toute la région qui va de Berthier à Batiscan é ta i t alors un terr i toire de chasse fréquenté par les A lgonqu ins du haut de l 'Ottawa qui se ren­daient au lac Saint-Pierre au moyen des cours d'eau venant du nord et du nord-ouest, comme le Saint-Maurice, les deux r ivières Yamachiche, la r ivière du Loup et la r iv ière Maskinongé.* En langue abéna-kise, la r iv iè re du Loup se nomme Amb(mnani.c,:' ce qui veut d i re r ivière Croche, à cause des sinuosités de son cours.

L e 3 novembre 1672, l 'intendant Talon accorda à Jacques-Théodore Cosineau, sieur de Manereuille, officier dans le régiment de Carignan, une conces­sion de terre "d'une lieue f ' de front sur deux lieues de profondeur, à prendre sur le lac Saint-Pierre , une demi-l ieue au-dessus et une demi-lieue au-dessous de la r iv iè re du Loup, icelle comprise, à titre de sei­gneurie, à la charge qu'il continuera de tenir feu et lieu sur cet te terre ou d'y faire tenir feu et lieu".

J'ai cru autrefois' que le nom de Rivière-du-Loup apparaissait ici pour la première fois, mais i! figure sur un plan du fort Richelieu ( S o r e l ) dressé en 1666; c'est la plus ancienne mention que j ' e n connaisse.

4. V o i r Mélanges historiques, vol. 7. p. 67-71. 5. N o n pas Ambomasie . 6. N o n pas d'une demi-lteue comme une coquille le fait v o i r

dans les Mélanges historiques, vol. 8, p. 87; Titres seignetiriaux, I , p. 313.

7. Le Courrier de LouisevUle, 22 mars 1888.

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8 LA KIV1KKE-DU-L0UP. (en haut)

Le plan a pour centre Sorel et il embrasse presque tout le lac Saint-Pierre. La rivière du Loup y est tracée à sa place, accompagnée, du nom lisiblement écrit.

En 1673, une concession est accordée au sieur François Dionis d'une seigneurie située à la rivière du Loup, mais il faut comprendre qu'il est question de la rivière du Loup en bas" et non pas de celle qui se décharge dans le lac Saint-Pierre. Je trouve donc, à la même époque, le nom de rivière du Loup appliqué à deux localités du Canada qui sont éloignées l'une de l'autre de soixante lieues.

Tous les pays du nord sont fréquentés par les loups. Le bas Saint-Laurent et même la vallée de l'Ottawa en comptaient un bon nombre avant l'ar­rivée des Français. Ce renseignement me vient de la tradition; nos archives n'en disent rien. Du moins en autant que je les ai consultées. Les loups devaient être répandus en bandes, comme dans la Russie, et tracasser les chasseurs sauvages qui er­raient dans les bois à la recherche du gros gibier. Cependant nous n'avons aucun indice de leur exis­tence aux jours du premier peuplement du pays par les blancs. Je suppose que les Sauvages, si précau­tionneux de conserver les renards, les castors, les orignaux et les caribous, avaient conçu contre les loups une haine identique à celle que les Français professent à l'égard de cet animal, et qu'ils le dé­truisaient sans merci pour la race, partout où ils le rencontraient. Les loups ne mangent pas que du

8. Titres seigneuriaux. I, p. 3S-42.

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L A R I V I E R E - D U - L O U P (en h a u t ) 9

monde. D'ailleurs, les Sauvages étaient trop adroits pour se faire pincer par les loups. C'était donc sur le castor et le rat musqué que la tribu des loups pré­levait les taxes les plus fortes. Le pays de la rivière du Loup est justement celui qui offrait les plus com­modes endroits aux chaussées des castors et aux re­traites des rats musqués ou rats d'eau. Je suppose que les loups abondaient dans ces parages—et si je me trompe qu'on me prouve le contraire ! s

Premiers seigneurs

Le premier seigneur de la Rivière-du-Loup, M. de Manereuille, n'était pas très bien dans ses affaires lorsqu'il repassa en France à l'automne de 1672, comme on le voit par les procès qu'il eut à subir.

Guillaume Peniou, marchand, étant décédé et se trouvant créancier de M. de Manereuille, la créance passa à Alexandre Petit, aussi marchand; 1" ce der­nier, étant à la Rochelle, chargea son fils Moïse, resté en Canada, du recouvrement de cette dette. Le 30 juin 1676, le Conseil Souverain de Québec envoya la plainte devant le tribunal des Trois-Rivières "pour y être pourvue ainsi que de raison". M. de Mane­reuille devait à Guillaume Feniou treize cent seize livres seize sous dix deniers. La terre dite Rivière-du-Loup était le seul bien connu comme appartenant en ce pays à M. de Manereuille. L'insuccès de ses

9. P . - G . Roy, Noms géographiques de la Province de Que­bec, p. 345, dit que la tradit ion veut que des loups mar ins a i en t été tués à son embouchure , ce qui n'est pas improbable , non plus .

10. S u r celui-ci et ses fils voir Mélanges historiques, vol . S, p. 20.

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10 LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

affaires commerciales l'obligea donc à renoncer à cette propriété qui est réunie au domaine de Sa Ma­jesté le 12 mars 1683.

Le 20 avril 1683,11 M. de la Barre, gouverneur général, et M. de Meulles, intendant de la Nouvelle-France, signaient à Québec l'acte suivant: "Ayant, par notre ordonnance du douzième mars dernier, déclaré le sieur de Manereuille déchu du titre de con­cession de la Rivière-du-Loup qui lui avait été ac­cordée par M. Talon le trois novembre mil six cent soixante-et-douze, et réunie au domaine de Sa Ma­jesté la dite concession, pour en disposer comme nous le jugerions à propos, et s'étant présenté le sieur Jean Le Chasseur qui nous aurait très humble­ment supplié de lui accorder la dite concession, avec une augmentation de deux lieues de profondeur sur la même largeur, attendu qu'une grande partie de la dite concession est, par les débordements des eaux, noyée tous les printemps, et de lui accorder le droit de haute, moyenne et basse justice et celui de chasse et de pêche dans l'étendue des dits lieux, sur lesquels il offre de faire incessamment plusieurs tra­vaux et défrichements. Nous, en considération de ce qu'il a servi avec honneur et fidélité Monsieur le comte de Frontenac, ci-devant gouverneur et lieute­nant général en ce pays, en qualité de secrétaire, et pour lui donner moyen de s'y habituer, avons accordé au dit sieur Le Chasseur les lieux ci-dessous spéci­fiés, et les appellations du juge qui pourra être établi aux dits lieux ressortiront par" devant le lieutenant

11. Non pas en 1633 comme il est à corriger dans Joseph Bouchette, A Topographical Dictionary of Lower Canada.

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I-A KIVIKHK m ' - M H ' P (en h a u t ) 11

g é n é r a l des T r o i s - R i v i è r e s . E t aus s i il t i e n d r a e t fera t e n i r p a r ses t e n a n c i e r s feu et l ieu sur les c o n ­ces s ions qu ' i l l eur a c c o r d e r a ; et le s ieur Le C h a s ­seu r c o n s e r v e r a e t fe ra c o n s e r v e r p a r ses t e n a n c i e r s les bois d e c h ê n e qui s e t r o u v e r o n t p r o p r e s pour la c o n s t r u c t i o n des v a i s s e a u x , et d o n n e r a i n c e s s a m m e n t av i s de m i n e s , m i n i è r e s ou m i n é r a u x , e t l a i s se ra t o u s c h e m i n s e t p a s s a g e s n é c e s s a i r e s , à cond i t ion qu ' i l fera dé f r i che r et h a b i t e r la d i te t e r r e et l ' en g a r n i r de b â t i m e n t s et b e s t i a u x , d a n s deux a n s à c o m p t e r des p r é sen t e s l e t t r e s , s inon la concession s e r a

1111116.'"-'

Ci tons auss i un a u t r e d o c u m e n t p r é c i e u x : " L ' a n 16S3, le s a m e d i 17 j u i l l e t ap rè s -mid i , à la R iv i è r e -d u -Loup , m a i s o n de J e a n G e r l a i s e s i eu r de S a i n t - A m a n t , h a b i t a n t de la d i te r i v i è r e , p a r d e v a n t nous Ci l l e s de Boyv ine t , conse i l l e r du roy, l i e u t e n a n t g é n é r a l a u s iège de l a ju r id i c t ion roya l e des T r o i s - R i v i è r e s , a c o m p a r u s i eu r J e a n Le C h a s s e u r , c i -devan t s e c r é t a i r e de M o n s e i g n e u r le c o m t e de F r o n t e n a c , lors gouve r ­n e u r de ce pays e t a p r è s sec ré t a i r e de M o n s e i g n e u r l ' I n t e n d a n t , lequel nous a dit que M o n s e i g n e u r L e -febvre de la B a r r e , g o u v e r n e u r , et M o n s e i g n e u r l ' i n ­t e n d a n t de ce p a y s , lui a u r a i e n t a cco rdé u n e conces ­sion d ' u n e t e r r e e n fief e t s e igneu r i e dite la R i v i è r e -du -Loup , à la c h a r g e de foi e t h o m m a g e qu ' i l a u r a t enu de fa i re a u roy, n o t r e Si re , en son c h â t e a u de S a i n t - L o u i s de Québec , e t a u t r e m e n t c o m m e p lus à p l a i s i r e t p o r t é a u c o n t r a t de concess ion que n o t r e dit s e i g n e u r Lefebvre d e la Bar re , g o u v e r n e u r , et D e -

12. Titres seigneuriaux, I, p. 381; Edit* et Ordonnances, 1, p. 2f)2; P.-O. Roy, 1 n.'inuationn du Conucil Souverain, p. 65.

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12 LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

meulles, intendant, lui ont donné le 20 avril der­nier, étant en parchemin. Requérant qu'il nous plaise de faire assembler les habi tants de la dite seigneurie et, en leur présence, le mettre en possession et jouis­sance du dit fief plus à plaire de ce que au dit con­trat enjoindre aux dits habitants de le reconnaître pour seigneur avec défense à toute personne de trou­bler en la possession et jouissance du dit fief sous telle peine que de droit et a signé à la minute des présentes: Le Chasseur.

"Nous, le dit l ieutenant général en la présence et du consentement de mon dit seigneur l ' Intendant, aurions mandé les habitants de la Rivière-du-Loup et les sieurs Bruno, Lapierre, la Barre, Bergeron, Mi-cana (Bansliard dit Lamontagne probablement) , e t autres étant arrivés. Nous, en leur présence, aurions fait lecture du dit contrat de concession du dit jour vingtième avril dernier, par notre greffier commis. En conséquence mit le dit sieur Le Chasseur en pos­session et jouissance du fief et seigneurie de la Ri­vière-du-Loup, pour en jouir conformément au con­trat, enjoignons aux dits habitants de le reconnaître pour leur seigneur avec défense à toutes personnes de troubler et inquiéter le dit sieur Le Chasseur sous telle peine que de droit. Fait et passé à la dite Ri­vière-du-Loup, maison du sieur Saint-Amant, le dit jour et an susdits. Signé: Boyvinet et Adhémar, greffier commis à la minute des présentes."

Ces documents ont été copiés sur autres copies par Jean Cusson, notaire royal en la juridiction des Trois-Rivières "et résidant au Cap-de-la-Madeleine,

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13

le neuvième jour de juin mil six cent quatre-vingt-dix-huit."

Le fameux voyageur Nicolas Perrot avait aussi des vues sur la seigneurie de la Rivière-du-Loup; d'après les jugements du Conseil Souverain de Qué­bec, année 1700, Perrot aurait acheté le fief de Jean Le Chasseur en 1691,1" mais, faute d'avoir rempli les conditions du contrat, il se trouvait privé de sa jouis­sance. Le procès pour vider ce débat s'était instruit aux Trois-Rivières le 24 novembre 1698, et le tri­bunal avait donné gain de cause à Le Chasseur. Le 29 du mois suivant, Perrot. portait son appel au Con­seil Souverain et fournissait un exposé de faits qui, toutefois, ne lui donnèrent pas raison. Il fut con­damné, à la séance du 11 octobre 1700, à rendre la seigneurie ou à payer quatorze cents livres en castor comme intérêt de quatre mille livres, prix d'achat de la seigneurie, pendant sept ans qu'il l'avait eue en sa possession. A part cela il devait payer trois cent quatre-vingt-cinq livres dix sous et trois deniers pour frais de labours et de semences à lui avancés; de plus une maison et. un boeuf faisaient partie de la vente.

En 1698, c'est-à-dire avant le jugement final du 11 octobre 1700, je vois que Le Chasseur avait repris la qualité de seigneur de la Rivière-du-Loup, mais il ne la garda pas longtemps. Dans un acte du 13 octobre 1701, signé par M. de Callières, gouverneur

13. D a n s les McUinyrs lii-itorU/vcs. vol. I. p. Cl, il est dit que la date de vente de la seigneurie à Nicolas Perrot Wal t in­connue. Depuis, dans le greffe du notaire Antoine A d h é m a r , nous avons trouvé l'acte en question; la vente a réellement eu lieu le 15 mai 1688.

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14 LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

général, et Bochart de Champigny, intendant de la Nouvelle-France, il est dit que les Dames ursulines des Trois-Rivières prendront possession d'un terrain non encore concédé14 situé entre celui de Joseph Petit dit Bruno, seigneur de Maskinongé, et celui de Mi­chel Trottier dit Beaubien, seigneur de la Rivière-du-Loup. Trottier de Beaubien était fils d'un homme du pays et fort entendu en défrichement et en culture. La famille Trottier a donné aux diverses branches qui sont sorties d'elle des surnoms comme Desruis­seaux, Desrivières, Fombert, Beaubien et autres.

M. de Manereuille, Jean Le Chasseur, Nicolas Perrot et Trottier de Beaubien furent donc successive­ment seigneurs de la Rivière-du-Loup durant les trente premières années. Les trois derniers mirent hache en bois.1 5 Le seul qui en retira du bénéfice fut Trottier de Beaubîën parce que, arrivé le dernier, il trouva plu­sieurs colons établis et un certain nombre d'autres tout disposés à aller grossir la population de la seigneurie. De 1672 à 1701, le Canada s'était grandement déve­loppé, ce qui facilitait la besogne au dernier venu.

Le Chasseur, comme on le verra plus loin, a été juge aux Trois-Rivières vers l'époque où il était sei­gneur de la Rivière-du-Loup.

Nicolas Perrot, riche habitant de Bécancour, et de plus marchand de fourrures, se trouvait ruiné et accablé de dettes en 1700 lorsque Le Chasseur lui enleva sa seigneurie.

14. C'est le fief Saint-Jean.- Titres seigneuriaux, I, p. 450. 1». M. de Manereuille ne s'en était jamais ou peu occupé.

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LA RIVIKRE-DULOUP (en haut) 15

M. de Manereuille

Dans les actes qui concernent la Riviôre-du-L.oup (en haut), années 1672-83, le premier seigneur est nommé: Manreuil, Mennereuille, Mareuil, Manereuil ou Manereuille, voilà tout. Qui était-il? Nous avons des raisons de croire qu'il était Jacques-Théodore Cosineau, sieur de Manereuille,1" enseigne de la com­pagnie du capitaine Jean-Maurice-Philippe de Per-non de la Fouille au régiment de Carignan, arrivé dans la colonie en 1665, mais nous ne savons rien de ses antécédents. Que devint-il après avoir été obligé de renoncer à sa terre de la Rivière-du-Loup? Nous ne saurions le dire, mais il a cependant quitté le pays à l'automne de 1672, après la date de concession, S novembre. En 1690 M. de Manereuille était capi­taine en France, au régiment du Poitou: il revint en Canada en 1692 où nous le revoyons demeurant à Québec et impliqué dans une affaire de bal et de re­présentation théâtrale qui le montre comme un ama­teur de musique et de fêtes mondaines. 11 a fait parler de lui, comme nous le verrons plus loin.

François Lesieur-Desaulniers, dans un article publié dans le Trifluvien du 30 avril 1907, dit que "M. de Manereuille était un personnage très haut placé dans l'entourage de M. de Frontenac et qu'il tenta vainement d'imposer son nom à la Rivière-du-Loup". Rien ne justifie cette assertion.

Une liste des officiers servant en Canada en 1692 porte le nom du capitaine de Manereuille, mais il ne

16. Mgr Tanguay, Dictionnaire (icnfialogiquc, I, p. 177; So­ciété royale, 1898, p. 60-72, 164.

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16 L A M V I E R E - D U - L O U P (en h a u t )

prend dans nos troupes de la colonie que le rang de lieutenant réformé. 1 7 Nous avons lieu de croire que ce personnage est le même que le premier officier de ce nom.

Vous savez ce que c'est qu'un officier réformé? Ce n'est pas du tout un protestant, comme le veut un écrivain de notre connaissance. Réformé signifie à peu près: mis à la retraite ou ne servant pas pour le moment. Nos troupes de la colonie, appelées à tort "de la marine", n'avaient rien de maritime; elles étaient soldées à même le budget de la marine au lieu de l'être par celui de la guerre; de là leur nom.

Au mois de janvier 1694, M. de Manereuille lo­geait à Québec, au château Saint-Louis, sur l'invita­tion du comte de Frontenac, gouverneur général de la Nouvelle-France. Il n'y exerçait aucune fonction autre que celles que lui suggérait son esprit, d'après ce que je puis voir, c'est-à-dire qu'il amusait la com­pagnie du château.

Un jour il eut l'idée de jouer le Tartuffe, la co­médie de Molière, pour ajouter aux ébats du carnaval, mais Mgr de Saint-Valier, qui n'entendait pas de cette oreille, fit publier, le 17 janvier 1694, un man­dement contre le théâtre eu général, accompagné d'un second mandement contre M. de Manereuille en particulier, défendant à celui-ci l'entrée de l'église, à cause de ses impiétés, blasphèmes, etc. Ce fut un coup d e . . . théâtre dans Québec. M. de Manereuille

17. M . de M a r e u i l est auss i cité dans une liste de 1694. M a -reuil et Manereu i l l e p o u r r a i e n t être une m ê m e famil le , su ivant M . Suite. L ' a b b é Franço i s D a n i e l , Quelques contemporains, p. 43, le donne dans une liste de 1690, mais celle-ci est plutôt de 1692.

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L A RIVIERE-DU-LOUP (en haut) 17

se plaignit auprès du gouverneur général, se basant sur ce que sa conduite n'avait rien de blâmable, qu'il était un bon paroissien fréquentant les sacrements et que l'on avait dû le noircir aux yeux de l'évêque pour induire celui-ci à le censurer comme il l'avait fait. De son côté l'évêque demanda une enquête.

Le comte de Frontenac parut devant le Conseil Souverain de Québec les 8 et 15 mars; il appuya la défense de M. Manereuille et demanda que sa con­duite fût examinée. L'intendant, Bochart de Cham-pigny, ne manqua pas de faire pièce au gouverneur général, selon sa coutume. Ah ! on se disputa, et Québec se régala de cancans ! Le 24, autre débat. M. de Manereuille prouve qu'il a encore fait ses dé­votions à la dernière fête de Noël; Frontenac et Champigny se chamaillent. Le Conseil Souverain est perplexe: il flotte, n'ose rien décider, remet la cause au 28 juin, puis au 5 juillet, puis semble arrêter les procédures.

Le comte de Frontenac attend jusqu'au 14 oc­tobre. Alors il donne ordre à Michel Le Neuf de la Vallière, son capitaine des gardes, de conduire M. de Manereuille en prison et de l'y tenir à la disposition de la justice, quand elle jugera à propos de s'occuper de son procès. Cet autre coup de théâtre crispe les nerfs de M. de Champigny qui a reçu du roi ses pou­voirs d'intendant, de la justice et de la police, de la colonie. M. de Frontenac tient bon et, comme il a aussi le droit d'emprisonner les gens, on se trouve obligé de reprendre l'affaire du dit prisonnier. La séance du 29 novembre est toute une autre scène de théâtre. M. de Frontenac déclare que M. de Mane-

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18 LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

reuille est encore détenu à la conciergerie du palais à Québec, mais qu'il va le libérer maintenant que le Conseil Souverain ne veut pas le juger. De plus, ajoute-t-il, il n'a pas voulu le faire élargir aA'ant le départ des derniers navires de crainte qu'il ne prît le conseil qu'on lui avait perfidement donné de s'évader avant que d'avoir été jugé. Le même jour, Michel Le Neuf de la Vallière leva l'écrou, et M. de Mane­reuille reparut dans Québec au grand dépit des con­seillers qui n'avaient pas été capables de le condam­ner ou de l'absoudre.18

M. de Manereuille retourna en France l'année suivante.

Un Père jésuite, nommé Pierre de Mareuil, ar­rivé en Canada le 14 juin 1706, fut missionnaire chez les Iroquois onnontagués. En 1709, il écrit à M. de Vaudreuil que ces Sauvages étaient vivement solli­cités de se déclarer contre les Français. D'après l'historien Charlevoix, le Père de Mareuil, ayant été retenu prisonnier à Orange (Albany) vers 1709, où le gouverneur anglais le traita avec distinction, se rendit à New-York et passa en France où il mourut le 25 août 1742, au collège Louis-le-Grand.19

En 1761 l'enseigne Drouet de Mareuil obtint la permission de passer en France. Nous ne savons pas ai cet officier était allié aux de Manereuille ou s'il

18. Edouard Richard, Rapport sur les Archives, 1899, sup­plément, p. 88, dit que l'on jugea "que l'évêque n'était pas sorti de ses légitimes attributions."

19. L'abbé J.-B.-A. Allaire, le Clergé canadien-français, p. 366, donne beaucoup plus de détails qui, cependant, ne corres­pondent pas avec ceux de Mgr Tanguay, Répertoire du clergé canadien, p. 77.

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LA RIVIKHE-DU-LOUP (en h a u t ) 19

appartenait à l'une des deux ou trois familles Drouet alors établies en Canada.

Le château de Mareuil,2*1 Dordogne, près de l'An-goumois, fut rebâti vers la fin du XlVe siècle ou au commencement du XVe; il appartenait en 1850 aux Talleyrand par voie d'achat. Trois frères de Mareuil s'étaient autrefois distingués à Bouvines. Les de Ma­reuil combattirent en 1370 avec Du Guesclin contre les Anglais. 2 1

Jean Le Chasseur

11 était né vers 1633 et il paraît être venu dans la Nouvelle-France avec le comte de Frontenac qui fut gouverneur de ce pays de l'automne de 1672 à l'au­tomne de 1682. L'acte du 20 avril 1683 qui lui ac­corde la seigneurie de la Rivière-du-Loup dit expres­sément qu'il avait servi M. de Frontenac avec hon­neur et fidélité.

Le juge en chef du gouvernement des Trois-Ri-vières, Gilles Boyvinet, se noya dans le port de Qué­bec en revenant de France, l'été de 1686. Dans une lettre adressée au ministre, à Versailles, par M. de Denonville, gouverneur général du Canada, le 10 no­vembre 1686, il est dit que Jean Le Chasseur a été envoyé aux Trois-Rivières pour remplir les fonctions restées vacantes à la suite du décès du sieur de Boy­vinet. Le gouverneur recommande fortement Le Chasseur; l'intendant endosse la recommandation et

20. D a n s le Magasin pittoresque, 1851, p. 289, i l y a u n e vue de ce château .

21. Mézeray et Froiasard en parlent.

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20 LA RIVIERE-DULOUP (en haul)

dit que l'on a besoin dans le poste dont il s'agit d'un honnête homme et d'un bon travailleur ; il affirme que Le Chasseur est absolument honnête et de plus très actif, et il espère que le roi voudra bien le nommer définitivement.

Le 15 mars 1687, le Conseil Souverain, siégeant à Québec, nomme Jean Le Chasseur lieutenant-général des Trois-Rivières. Evidemment, ceci eut lieu à la demande de l'intendant, appuyée par le gouverneur, car les communications avec la France ne se faisaient pas assez promptement pour nous permettre de sup­poser que l'on eût reçu à Québec une réponse à la lettre du 10 novembre.

Il faut croire que la permission du roi arriva de bonne heure l'été de 1687, puisque le 16 juin, au Cap-de-la-Madeleine, "noble homme Jean Le Chasseur, lieu­tenant-général des Trois-Rivières", est parrain de Jean-François, fils de Pierre Le Boulanger sieur de Saint-Pierre. La marraine est "demoiselle Marie-Charlotte Le Gardeur, femme du chevalier de Bécan-cour, seigneur de Bécancour". Le lieutenant-général était le juge de tout le gouvernement des Trois-Ri­vières.

Les seigneuries comprises entre Berthier et la ri­vière Sainte-Anne-de-la-Pérade et entre Sorel et Lot-binière possédaient chacune un juge nommé par le seigneur du lieu. Lorsque les plaideurs n'étaient pas satisfaits des jugements de ce tribunal, ils en appe­laient aux Trois-Rivières, et ensuite, s'ils ne voulaient pas accepter la décision que prononçait le lieutenant-général, ils reportaient l'appel jusqu'au Conseil Sou-

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LA RIVIERK-DU-LOl iP (en haul ) 21

verain de Québec. Voilà le mécanisme de la justice dans notre pays au dix-septième siècle.

Comme lieutenant-général, Jean Le Chasseur pa­raphe les cahiers ou registres annuels de la paroisse des Trois-Rivières en 1689, 1G90, 1691, 1692, et de­puis 1704 à 1713 inclusivement. Le 4 janvier 1689, dans un acte, il se qualifie de conseiller du roi, un t i t re qui correspondait à celui de conseil du roi au­jourd'hui. Le 3 février 1690 il se dit lieutenant-gé­néral de la prévôté des Trois-Rivières; en effet, cette juridiction venait d'être érigée en prévôté.

Un petit Soccoquis, d'une nation qui habitait vers le Connecticut et qui fréquentait le Saint-Laurent, fut baptisé aux Trois-Rivières le 25 juillet 1690 et eut pour marraine Madeleine Benassis veuve d'Etienne Seigneuret. Le parrain fut le lieutenant-général civil et criminel ; il signe "Lechasseur".

Je vois au registre de la paroisse des Trois-Ri­vières que le 8 avril 1696 "Jean Le Chasseur, lieute­nant-général," et Marie-Marguerite Vauvrîl de Bla­son, femme de Lambert Boucher de Grandpré, major des Trois-Rivières, furent parrain et marraine de Jeanne Baudry, fille de Guillaume Baudry dit Des­buttes.

Autre acte, en date du 4 octobre 1699: c'est le baptême de Charles-Exupère Hertel. Par ra in : "Jean Le Chasseur, seigneur de la Rivière-du-Loup, lieute­nant civil et criminel en la Justice Royale des Trois-Rivières." Marraine: demoiselle Charlotte Godefroy. fille de Michel Godefroy de Lintot. Signatures: Le­chasseur, Charlotte de Lintot.

On se rappelle que Nicolas Perrot 'avai t été con-

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22 LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

damné, le 24 novembre 169S, à payer la seigneurie de la Rivière-du-Loup ou à la rendre à Le Chasseur. Ce jugement fut confirmé à Québec par le Conseil Sou­verain le 11 octobre 1700.22

Durant les années qui suivirent Le Chasseur con­tinua d'exercer ses fonctions de juge, mais comme il gagnait en âge, il avait souvent recours aux services du jeune René Godefroy de Tonnancour, qu'il formait par ce moyen, le mettant en état de lui succéder. En­fin parvenu à ses quatre-vingts ans environ, l'hon­nête Le Chasseur décéda et fut inhumé dans l'église des Trois-Rivières le 2 septembre 1713.

M. de Vaudreuil, gouverneur général, et M. Bé-gon, intendant de la Nonvelle-France, écrivaient au ministre, le 15 novembre 1713, que le sieur Le Chas­seur étant mort le 1er septembre de cette année, ils recommandent que M. de Tonnancour soit nommé à sa place: c'est ce qui eut lieu le 24 mai 1714.

Je ne connais rien de la famille de Le Chasseur. Voici cependant trois petites notes que j 'ai recueillies et que je vous livre, sans trop savoir si elles ont du rapport avec le seigneur de la Rivière-du-Loup.

Aux Trois-Rivières, le 18 mai 1717, je vois la signature de "Roch Le Chasseur" au bas de l'acte de mariage de Michel Fafart avec Charlotte Godefroy de Vieux-Pont.

Le 13 septembre 1719, même endroit, "Roch Le Chasseur, cadet dans les troupes," est parrain de Ma­rie-Claire, fille de Pierre Lefebvre-Lasisseraye et de Catherine Leclerc.2:!

22. Jugements du Conseil Souverain, II, ». 141 356; III, p. 64, 186, 190; IV, p. 309.

23. Roch Le Chasseur était aux Trois-Rivières dès 1714 (Mgr

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LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut) 23

Dans son Répertoire du clergé canadien, Mgr Cy-prien Tanguay dit que Roger-Chrétien Le Chasseur arriva de France à Québec le 6 juillet 1723 et qu'il fut ordonné prêtre le 11 mars 1724; il demeura ici jus­qu'à 1756, époque de sa mort. 2 4

Toute étude de ce genre est nécessairement aride; pour le lecteur, elle est sèche. Malheureusemnt je n'ai pas le talent d'y mettre de la poésie. Mettez-y de la bonne volonté et, de cette manière, tous ensemble, nous nous instruirons des choses du passé.

Premiers colons

A la bibliothèque du parlement fédéral, à Ottawa, il existe une copie d'une carte du Canada, année 1680. J'y vois la forme d'une habitation tracée à l'endroit où est à peu près située de nos jours Louiseville, avec le mot "Manreuil" écrit à côté. L'original de cette carte est à Paris.

Je profite de l'occasion pour signaler aux ama­teurs de l'histoire du Canada les nombreux enlève­ments de manuscrits dont les Français se sont rendus coupables en 1760. La capitulation de Montréal por­tait expressément que les archives du pays reste­raient parmi nous, mais les administrateurs français ne se gênèrent pas pour empaqueter les cartes et les plans, un certain nombre de contrats de notaires, et même des dossiers du greffe de la justice. Ces docu-

Tanguay, Dictionnaire généalogique, V, p. 234) et y demeura jusqu'en 1719 au moins. Etait-il fils de Jean Le Chasseur?

24. Voir aussi l'abbé J.-B.-A. Allaire, Je Clergé canadien-français, p. 323, 324.

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24 L A R I V I K R E - D C - L O U P (en h a u t )

merits nous appartiennent. Néanmoins, si vous vous présentez à Paris, dans les ministères où ils sont dé­posés, c'est toute une affaire ! Il vous faut passer par la filière des refus ou des renvois à huitaine; si jamais je vais à Paris, ces misères cesseront, car je ferai un tel scandale qu'il faudra ou nous rendre notre bien ou nous permettre gracieusement d'en tirer co­pie ! A prix ^'argent et à force de courbettes, nous sommes arrivés à obtenir quelques-unes de ces pièces si importantes pour nous. L'étude de notre histoire ne sera vraiment possible que le jour où tous les do­cuments seront placés sous nos yeux.

Voyez les recensements nominaux de la Nou­velle-France. Nous en avons copié trois à Paris, ceux des années 1666, 1667, 1681. Le copiste, ne compre­nant pas les noms canadiens, les a massacrés. L'ori­ginal serait facile à lire pour nous si nous l'avions. Allez à Paris le consulter, on vous enverra promener ! Je le répète, c'est un scandale qu'il faut, un éclat, un article violent dans un journal de Paris, et appuyé par la présence de l'auteur de l'article. Nous parvien­drions par ce moyen à lever les consignes absurdes qui nous barrent le chemin et à faire baisser le nez aux petits chefs de bureaux qui nous reçoivent avec la morgue européenne, cette outrecuidance que nous pre­nons trop souvent pour de la dignité.2"'

Lorsque j'avais sous les yeux les registres de la paroisse des Trois-Rivières, j 'y ai relevé les notes qui mentionnent les premiers colons de la Rivière-du-

25. Ceci a é t é écr i t e n 18SS. A la s u i t e tie d é m a r c h e s d u g o u v e r n e m e n t canad ien , i l n o u s es t fac i l e d 'obten ir a u j o u r d ' h u i copie des p i è c e s r e l a t i v e s au Canada .

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LA K I V I E H E - D U - L O U P (on h a u t )

Loup. J'ai aussi relevé dans les greffes de certains vieux notaires d'autres notes intéressantes sur ces premiers colons. Il fallait avoir bien du courage, en ces temps difficiles, pour aller s'établir si loin des communications avec le monde civilisé. On devrait graver sur une plaque de marbre et conserver avec respect les noms de ces hardis pionniers qui ont pré­paré notre avenir au milieu des épreuves les plus rudes.

Voici les notes en question tirées de divers dé­pôts et des registres:

"L'an de grâce mil six cent septante et trois, ce premier août, je, F. Claude Moireau, Récollet faisant les fonctions curiales aux Trois-Rivières, ai baptisé solennellement, à la Rivière-du-Loup où je faisais la mission, Marie-Thérèse Marest, née le 30 juillet, du légitime mariage de Marin Marest et de Marie Des­champs. Elle a été tenue sur les fonds par. Benjamin Anseau sieur de Berry2 < i et Marie Lemaître."

Ceci montre que, moins d'un an après l'acte de concession de la seigneurie, quelqu'un habitait déjà la Rivière-du-Loup,27 mais on ne saurait dire si Marin Marest y était venu par l'intervention de M. de Mane-reuille. Marin Marest avait été habitant du Cap-de-la-Madeleine avant que de se fixer à la Rivière-du-Loup. En 1681, il était temporairement au Cap-de-la-Madeleine puis, en 1682, il revint à la Rivière-du-Loup. Surnom: Lebaron.

26. A u s s i s ieur des E s s a r t s . 27. D a n s le Triflnvien. ;> févr ier 1907, F r a n ç o i s Les i eur -

D e s a u l n i e r s d i t qu'il y a v a i t d e s co lons à l a Riv ière-du-Loup d è s 1666, m a i s i l n'a pas p u en re trouver les t r a c e s . D'a i l l eurs cec i est peu probable .

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26 LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

Le 17 février 1674 le notaire Antoine Adhémar, dont ls greffe est conservé aux archives judiciaires de Montréal, passe un acte d'accord entre Joachim Ger-mano et François Bansliard dit Lamontagne, habitants de la Rivière-du-Loup.

Le 24 juillet 1674, le notaire Bénigne Basset écrit un bail à ferme pour Jean Jacquet de Gerlaise dit Saint-Amant, habitant de la Rivière-du-Loup. Pour le même, le 12 août 1674, le notaire Adhémar passe un bail à ferme d'une terre située "à la rivière Mane­reuille".28

Le 15 juin 1675, le notaire Adhémar écrit l'en­gagement de Louis Baron, habitant de la rivière Ma-nereuille, à Jean Gérard dit La Reverdra.

Le 15 juillet suivant, le même notaire fait le con­trat de mariage de Jean de la Planche, maître chirur­gien, de la rivière Manereuille, et de Judith Rigaud, veuve en premières noces de François Lemaître et en secondes noces de Jean Terrien, aussi de la rivière Ma­nereuille. Le mariage fut célébré aux Trois-Rivières le 6 octobre 1675. Fils d'un chirurgien de la Flèche, en Anjou, il fut le premier médecin de la Rivière-du-Loup et des environs. En 1670 il était aux Trois-Rivières ; 2 9 le 21 février 1677 on le voit à Montréal.

2S. La rivière Manereuille c'est la rivière du Loup. La paroisse, ou mieux ce qui constituait se3 commencements, s'ap­pelait avant 1681 la rivière Manereuille. Cependant, le nom de Rivière-du-Loup a prévalu et l'on sait que ca dernier qualificatif était antérieur à celui de Manereuille.

29. Jugements du Conseil Souverain, I, p. 640; Bulletin des recherches historiques. 1921, p. 43. En . 1678 ou 1679, délaissé par son épousé, il retourne en Prance; E.-Z. Massicotte en a la preuve.

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LA n i V I U K B - n U - L O U P (en h a u t ) 27

Le 22 janvier 1676, Je notaire Adhémar passe un autre contrat de mariage "entre Jacques Passart™ sieur de la Bretonnière, commandant de la rivière Ma-nereuille et y demeurant, et Marie-Louise" Lemaître, fille de feu François Lemaître et de Judith Rigaud. Fait et passé à la dite rivière Manereuille."

A la date du 18 septembre 1677, Adhémar dresse l'inventaire des biens de feu Jean Bérard dit La Re-verdra et de Charlotte Coy, sa femme, de la rivière Manereuille.

"Je soussigné, ai baptisé en la Rivière-du-Loup, François, fils de François Bansliard (dit Lamontagne) et de Marie-Madeleine Doyon. Son parrain a été Jo­seph Pet i t (dit Bruno) et sa marraine Madeleine Baudry. Fai t en la Rivière-du-Loup le 21 août 1678. F. Xiste Le Tac, Récollet indigne."

"Le troisième jour du mois d'août 1680, par moi F. Xiste Le Tac, Récollet indigne, faisant les fonctions curiales aux Trois-Rivières, ai baptisé à la Rivière-du-Loup Marie, fille de Pierre Brugnon et de Charlotte Coy,"2 habitant du dit lieu. Le parrain a été François Bansliard (dit Lamontagne) et la marraine Marie-Louise) Lemaître. E t ont, le père et la marraine, signé suivant l'ordonnance, et le parrain déclare ne savoir signer."

30. D a n s les Mélanges historiques, vol. 1, p. 107, 13e l i g n e , l ire " P a s s a r t " et non pas 'Lessard" .

31. Ib id , vol. 1, p. 107. lire "Marie-Louise" et non pas "Marie".

32. V e u v e de Jean B-êrard dit La Reverdra; celui-ci e s t appelé Bra i , Bray, Briac, Urac, Briard, B r a s t dit Laverdure : c'est le m ê m e .

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28 LA RIVIERB-DU-LOUP (en haut)

Le 11 septembre 1680 le notaire Adhémar rédige un règlement de compte pour Joachim Germano à Jean Jacquet de Gerlaise dit Saint-Amant, toys deux de la Rivière-du-Loup.

Le recensement de 1681

Voici maintenant le recensement de 1681 au cha­pitre Rivière-du-Loup.

François Bérillot/'3 40 ans, sabottier; Marie-An­gélique Pelletier, sa femme, 25 ans. Enfants : Fran­çois, 3 ans; Marguerite, 6 mois; un fusil, dix bêtes-à-cornes, dix arpents de terre en valeur. La petite Mar­guerite avait été baptisée à Sorel le 17 avril 1681. Ceci montre que le recensement fut pris, à la Rivière-du-Loup, durant le mois d'octobre. François Bansliard dit Lamontagne avait épousé en premières noces au Château-Rïcher Marie-Madeleine Doyon. Le contrat de mariage fut passé devant le notaire Paul Vachon le 27 janvier 1677. En 1680, il se marie en seconds^ noces avec Marie-Angélique Pelletier, aussi de Québec. Il mourut vers 1708.

Jacques de Labarre, 37 ans; Jeanne Tavenelle, sa femme, 30 ans. Enfant: Catherine, S ans. Un fusil, deux bêtes-à-cornes, sept arpents en valeur.'"

Jean Jacques, 38 ans; six bêtes-à-cornes, douze arpents de terre en valeur. C'est Jean Jacquet de

33. Bayard, Baillard, Banlar, Bériau, Bainlast, Bangaille, Bayac, Banîia, Banja, Baahiac durant un siècle; à présent c'est Lamontagne.

34. Mgr Tanguay n'a rien trouvé dans les registres des pa­roisses concernant cette famille qui a dû retourner en France.

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LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut) 29

Gerlaise16 dit Saint-Amant, né vers 1628; il se maria en 1688 à Jeanne Trudelle. L'histoire de cette famille est fort embrouillée.

Pierre Brugnon, 39 ans; Charlotte Coy, sa femme. 32 ans. Enfants: Christophe, 10 ans; Charlotte, 7 ans; Marie, 3 ans.3" Un fusil, neuf arpents de terre en valeur. Pierre Brugnon dit Lapierre avait épousé à Sorel en 16783 7 Charlotte Coy, veuve de Jean Bérard dit La Reverdra. Il mourut en 1687 et fut inhumé aux Trois-Rivières.

Jacques Passart, 35 ans; Marie-Louise Lemaître, sa femme, 28 ans ; Marie-Anne, leur fille, 5 ans. Deux fusils, une vache, six arpents de terre en valeur. Ma­rie-Louise Lemaître était née aux Trois-Rivières le 29 juillet 1657 et, par conséquent, elle n'était âgée que de vingt-quatre ans en 1681. Jacques Passart portait le surnom de La Bretonnière. Il s'était marié à Ma­rie-Louise Lemaître le 22 janvier 1676 à la Rivière-du-Loup et non pas à Saint-François-du-Lac comme le dit Mgr Cyprien Tanguay. Leur premier enfant, Marie-Anne, avait été baptisée à Sorel en 1677, ce qui est une autre raison pour croire qu'ils habitaient la Rivière-du-Loup. Le 15 juillet 1681 ils firent baptiser aux Trois-Rivières une seconde fille, Marie-Jeanne, qui ne figure pas au recensement de cette année. A partir de 1681 à 1687, leurs enfants furent baptisés aux Trois-Rivières, et de 1690 à 1699 à Montréal. Ce

35. Il est l'ancêtre des Dejerlais. ?fi. Christophe et Charlotte étaient des Bérard; Marie était

une Brugnon (non pas Brunion, comme l'écrit Mgr Tanguay). 37. Mgr Tanguay, Dictionnaire gtnéalogique, I, p. 85, met

1698 par erreur.

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30 LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

ménage a laissé deux filles mariées. En 1684 Jacques Passart était encore officier de milice.

Christophe3* Gerbaut, 38 ans; Marguerite Le-maître, sa femme, 26 ans. Enfant: François, 4 ans. Domestique: Judith Desauneaux, 45 ans. Marguerite Lemaître était née aux Trois-Rivières en 1660 et était par conséquent âgée de vingt-et-un ans en 1681. Le 16 juillet 1681, ce ménage fit baptiser aux Trois-Ri­vières leur fille Marguerite que le recensement de cette année ne mentionne pas. Christophe Gerbaut savait écrire. Il était à la Rivière-du-Loup depuis 1676 au moins. Surnom: Bellegarde.

Six habitants, dont cinq mariés, telle était la po­pulation de la Rivière-du-Loup à l'automne de 1681, neuf ans après la concession de la seigneurie à M. de Manereuille.39 Il y avait aussi Louis Baron, François Bergeron et Joachim Germano qui ne sont pas men­tionnés. Plus tard, le 26 avril 1684, le notaire Adhé-mar écrit le contrat de mariage de Joachim Germano, demeurant à la Rivière-du-Loup (le mot Manereuille était écrit ici, mais le notaire l'a raturé pour y substi­tuer celui de Rivière-du-Loup) et d'Elizabeth, fille de Pierre Couc dit Lafleur et de Marie Meti8ameg8k8c, Algonquine née en 1631, de Saint-François-du-Lac.

38. Le recensement le nomme erronément Guillaume. 39. Dans une liste ou "rolle des soldats du régiment de

Carignan-Salière qui se sont faits habitants de Canada en 166S," et conservée aux Archives fédérales, à Ottawa, on voit les noms de cinq camarades de M. de Manereuille, dans la compagnie du capitaine Jean-Maurice-Philippe de Pernon de la Fouille, et que l'on retrouve sur la seigneurie de la Rivière-du-Loup, de 1673 à 1681; ce sont: La Reverdra, Saint-Amant, Germano, de la Barre (Lebaron) et Lapierre. Un autre habitant de la Rivière-du-Loup, La Bretonnière, était de la compagnie de Dugué de Bois-briant.

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LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut) 31

Récapitulation donnant les premiers colons avec la date la plus ancienne de leur présence à la Rivière-du-Loup :— 1673—Marin Marest dit Lebaron. 1674—Jean Terrien, Joachim Germano, Jean Jacquet

de Gerlaise dit Saint-Amant, François Bans-liard dit Lamontagne.

1675—Jean Bérard dit La Reverdra, Louis Baron, Jean de la Planche, maître chirurgien.

1676—Jacques Passart dit La Bretonnière, François Bergeron, Christophe Gerbaut dit Bellegarde.

1680—Pierre Brugnon dit Lapierre, Jacques de La-barre.

Nouveaux colons

Le 30 juillet 1682, le notaire Adhémar dresse un inventaire à la requête de François Bansliard dit La­montagne, tuteur de son fils François par suite du décès de Marie-Madeleine Doyon, sa femme, morte quatre ans auparavant; le dit Bansliard déclare qu'après le décès de sa femme il fut obligé de mettre son fils en nourrice, vu qu'il n'était encore âgé que de six jours. Ont signé ce document, comme témoins : Jean Jacquet de Gerlaise dit Saint-Amant, Marin Marest dit Leba­ron, Pierre Brugnon dit Lapierre, François Bergeron, Charles Lemaître, Louis Devost et Pierre Burel, tous demeurant à la rivière Manereuille.

Les actes de baptêmes qui suivent sont aussi tirés des registres de la paroisse des Trois-Rivières. Mgr Cyprien Tanguay les note dans son Dictionnaire gé­néalogique mais sans mentionner le fait que les père»

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32 LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

et mères des enfants en question demeuraient à la Ri-vière-du-Loup, de sorte que ce dictionnaire nous porte à croire qu'ils étaient des Trois-Rivières ou des envi­rons immédiats.

"Le dix-septième jour d'octobre de l'an mil six cent quatre-vingt-quatre, par moi F. G. de Brullon, curé de l'église de Notre-Dame paroissiale des Trois-Rivières, a été baptisée en la dite église, Marie-Jo-sephte Gerbaut, fille de Christophe Gerbaut et de Mar­guerite Lemaître, habitants de la Rivière-du-Loup. L'enfant est née du vingt-sixième de septembre de la dite année. Son parrain fut Joseph Petit (dit Bruno), marchand demeurant aux Trois-Rivières, et la mar­raine Marie Gervais, femme de Philippe Etienne, ha­bitant de cette paroisse, laquelle a déclaré ne savoir écrire ni signer, de ce enquis suivant l'ordonnance."

"Le douzième jour de may de l'an mil six cent quatre-vingt-sept, par moi F. G. de Brullon, curé de l'église de Notre-Dame paroissiale des Trois-Rivières, a été baptisée en la dite église, Françoise-Elizabeth, fille de Jacques Passart dit La Bretonnière, habitant de la Rivière-du-Loup, et de Marie-Louise Lemaître, sa femme. Le parrain fut François Lemaître dit La-morille, son oncle, et la marraine Geneviève-Elizabeth Chené, fille de feu Bertrand Chené dit la Garenne, lesquels ont signé suivant l'ordonnance. L'enfant est née du même jour du dit mois et an. (Signatures) François Lemaître, Geneviève-Elizabeth Chesnay."

François Lemaître, surnommé le Picard et La-morille, fut l'ancêtre des familles Lemaître-Auger et Lemaître-Lalongé, si connues de nos jours à la Rivière-du-Loup. Il demeurait aux Trois-Rivières depuis

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I,A RIVIEKE-DU-LOUP (en haul) 33

1653, ainsi que son frère Antoine Lemaître. Marie-Louise, sa fille, avait épousé Jacques Passart dit La Bretonnière le 22 janvier 1676.

Le 19 décembre 1689 il y a encore au registre des Trois-Rivières l'acte de baptême de Marie-Jo-sephte, fille de Jean Jacquet de Gerlaise dit Saint-Amant et de Jeanne Trudelle, habitants de la Rivière-du-Loup. L'enfant est âgée de six semaines. L'éloi-gnement des lieux a été la cause du retard apporté à la cérémonie. Par ra in : Philippe Et ienne; marra ine: Marguerite, fille de François Lemaître et femme de Christophe Gerbaut, de la Rivière-du-Loup.

"Le quinzième jour de juillet de l'an mil six cent quatre-vingt-onze, par moi prêtre curé soussigné, a été baptisé en icelle église (Trois-Rivières) Pierre, né le même jour, fils de François Bergeron et d'Etien-nette Leclerc, habitants de la Rivière-du-Loup. Fut parrain : Pierre Dutaux ; marraine, Jeanne Aubuchon, femme de Florent Leclerc, lesquels ne savent signer. (Signature) A. Maudoux, prêtre."

La famille Dutaux demeurait aux Trois-Rivières; elle s'est répandue dans tout le district de ce nom. J e trouve écrit : Dutaux et Dufaux aux actes de ce temps. Florent Leclerc était aussi habitant des Trois-Rivières.

"Le dixième jour de juillet de l'an mil six cent quatre-vingt-douze, par moi prêtre curé des Trois-Ri­vières soussigné, a été baptisée en icelle église une fille née le jour précédent du mariage légitime de François Baillard (Bansliard) dit Lamontagne et de Marie-Angélique Pelletier, habitants de la Rivière-du-Loup. Fu t pa r ra in : Jean Leclerc; marraine, Jeanne Aubuchon, femme de Florent Leclerc, lesquels ont

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34 LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

nommé la dite fille Marie-Jeanne et ont signé avec nous. (Signatures) Jean Leclerc, Jeanne Aubuchon. A. Maudoux, prêtre."

Nous avons placé sous les yeux des lecteurs tous les noms des personnes qui ont travaillé à l'établisse­ment de la seigneurie de la Rivière-du-Loup et tous les actes qui expliquent ses commencements, du moins nous croyons que c'est tout ce qu'il est possible de re­trouver. En tous cas, il est évident que cela suffit pour renseigner. Beaucoup de paroisses n'ont pas en­core à présent une liste aussi complète à nous mon­trer. C'est quelque chose, n'est-ce pas, que d'avoir mieux et plus que quelques-uns de nos compatriotes?

Depuis 1689 la France et l'Angleterre étaient en hostilités ; les Iroquois, qui s'étaient unis aux Anglais, en profitaient pour faire des coups tout le long de la rivière Chambly et à l'entrée du lac Saint-Pierre. En 1691 et 1692, leurs bandes inquiétèrent les habitants de la rivière du Loup et empêchèrent d'ensemencer les terres. Ils brûlèrent les maisons isolées et tuèrent des bestiaux et quelques colons. Ce fut une période lamentable de notre histoire et dont la Rivière-du-Lcup eut à souffrir durant deux années.4 0

Voici maintenant les titres de quelques conces­sions :

Le 9 juin 1684, Jean Le Chasseur concède des terres à Joseph Petit dit Bruno, François Lemaître, Pierre Lemaître, Judith Eigaud, veuve de François Lemaître et mère des deux Lemaître ci-haut mention­nés, Christophe Gerbaut dit Bellegarde, Jacques Pas-

40. FVX. Garneau, Histoire du Canada, I, p. 288, 330.

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LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut) 35

sart dit La Bretonniere, François Bergeron et Marin Marest dit Lebaron.

Le lendemain, 10 juin, Jean Le Chasseur fait de nouvelles concessions à François Bansliard dit La-montagne et à Pierre Brugnon dit Lapierre. 4 1

Le 12 juin, concession à Jean Jacquet de Gerlaiae dit Saint-Amant; le 13 juin, autre concession à Fran­çois Bansliard dit Lamontagne.

La carte cadastrale de Gédéon de Catalogne, 1 2 qui est de 1709 à peu près, nous donne les noms des ha­bitants de la Rivière-du-Loup, dans l'ordre qui sui t :

Côté droit de la rivière, après avoir passé la com­mune, en remontant : Lamirande, Lamontagne, Gui-nard, Bellegarde, Lalongé, Lesage, Bonnefond, Papi-neau.

Côté gauche, en descendant: Descoteaux, Saint-Amant, Germain, La Bretonniere, Bergeron, Labarre (Lebaron), Beaubien, Auger, le domaine et encore le domaine.

Quelques notes sur ces habitants. Lamirande se nommait Jean du Lignon; sa

femme était Marie Testard. Fils d'Elie et de Marthe Paquet, de La Roche-Fouquin, France, il portait le t i tre d'écuyer qui, à cette époque, n'avait rien de banal comme aujourd'hui. On le voit qualifié parfois de sieur de la Mirante. Son fils Pierre ayant épousé

41. Non pas Brisson ni Bruisson, comme il est 'lit dans le Trifluvicn. 22 février 1907.

42. En 1714 Gedéon de Catalogne nomme Rivière-du-Loup ce que nous appelons rivière Châteauguay ; Désiré Girouard, Sup­plement au Lake St. Louis, p. 73. En 1672 cette dernière est aussi nommée rivière du Loup; Suite, Histoire des Canadiens-français. V, p. 36.

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86 L A R I V I E R E - D U - L O U P (en h a u t )

Marguerite Jacquet de Gerlaise, en 1704, cela explique sa présence, ou celle de ce fils, à la Rivière-du-Loup en 1709.

Lamontagne c'est François Bansliard. Pierre Guinard était à la Rivière-du-Loup dès

1704 ; il signait Pierre-Alexis Guinard. Bellegarde c'est Christophe Gerbaut. Lalongé et Auger c'est la famille Lemaître bien

connue aux Trois-Rivières. Lesage 4 3 se nommait Jean-Baptiste de son nom de

baptême; il épousa Marie-Josephte Jacquet de Ger­laise aux Trois-Rivières le 25 mai 1709.

Bonnefond fut le second chirurgien connu de la Rivière-du-Loup ; son véritable nom était Pierre Pas­seriez Il épousa le 16 novembre 1687, à la Rivière-du-Loup, Marie-Thérèse, fille de Marin Marest dit Le-baron et de Marie Deschamps. Mgr Tanguay laisse à supposer que ce mariage eut lieu à Saint-François-du-Lac, mais c'est là une erreur. L'acte a été inter­calé dans les registres de cette paroisse, mais le mis­sionnaire dit dans l'acte même que la cérémonie du mariage fut célébrée à la Rivière-du-Loup. Pierre Passerieu dit Bonnefond était fils de Curelat et de Guillemette Dubreux (peut-être Dubreuil), de Sha-lay ( ? ) , diocèse de Périgneux. 4 5

J'ai dit autrefois que Papineau aurait pu être. Samuel Papineau, marié en 1704 à Catherine Que-villon, et ancêtre des deux grands Papineau, mais ce n'est pas lui. La Rivière-du-Loup ne peut donc pas

43. S u r les Lesage voir la généalogie de M m e C a r o l i n e H a -melin, née Mart in , Mémorial de Familles, p u b l i é e n 1910.

45. Bulletin des recherches historiques. 1914, p . 254.

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L A R I V I E R E - D U - L O U P (en haut) 37

réclamer cette famille parmi les fondateurs de la pa­roisse. Il s'agit de Jean-Baptiste Testard de Folle-ville, baptisé à Montréal l e 8 juin 1675 et marié à la Rivière-du-Loup le 4 févr ier 1715 à Marie-Catherine Crevier, veuve de Michel Deserres; elle mourut âgée de quarante-sept ans et fut inhumée à la Rivière-du-Loup le 24 avril 1727. L a preuve que Testard de Folleville portait le surnom de Papineau se trouve dans un acte de vente qu'il fit à la date du 1er mai 1723, devant le notaire Michel LePailleur, à Maski-nongé, à Etienne Lemaître, de la Rivière-du-Loup, en présence de Jean Sicard de Carufel, de Joseph Petit dit Bruno, tous deux officiers dans les troupes de la colonie.

Descoteaux était P i e r r e Lefebvre. Saint-Amant c'est le surnom de la famille Jac­

quet de Gerlaise. La Bretonnière est Jacques Passart. Bergeron c'est François, marié le 3 novembre

16764G à Etiennette Leclerc ; il fut inhumé à la Ri­vière-du-Loup le 12 mai 1726 et sa femme le 18 avril 1715, cette dernière sous le nom d'Etienne Bourgie pour Bourgery, nom du premier mari de sa mère, sui­vant François Lesieur-Desaulniers.

A l'aide des présentes notes les citoyens de Louiseville pourront désormais connaître les colons

46. Non pas en 3 667 comme le donne le Dictionnaire gé­néalogique. I. p. 43. Dans son contrat de mariage passé devant le notaire Séverin Ameau, 3 septembre 1676, 11 est cité comme habitant <ie la Rivière-du-Loup, mais il ne figure pas au re­censement de 1CS1. Il 4tait fils de Charles, tailleur de pierre, et de Marie Pernelle. de Saint-Hilaire-su.r-1'Autise, diocèse de Luçon; il arriva en Canada en 1666 et il s'engagea comme do­mestique chez Marc Bareau, à Sainte-Anne-de-Beaupré.

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38 L A RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

fondateurs de leur seigneurie et ceux qui les ont im­médiatement succédés et que l'on peut aussi regar­der comme fondateurs.

Petite-Rïvière-du-Loup

La seigneurie de la Rivière-du-Loup concédée en 1672 à M. de Manereuille s'étendait depuis l'endroit où est à présent la borne de Yamachiche en remon­tant le long du lac Saint-Pierre, mais elle ne couvrait pas tout l'espace qui va jusqu'à Maskinongé. Ce vide, d'une soixantaine d'arpents de terre arrosée par la Petite rivière du Loup, devenait précieux à cause du développement des colons sur la Grande rivière du Loup et l'essor que Joseph Petit dit Bruno, nou­veau seigneur de Maskinongé, imprimait de son côté à la colonisation. Sans doute, plus d'une demande fut adressée au gouverneur et à l'intendant de la Nou­velle-France pour obtenir ce beau domaine, mais on le destinait à servir une oeuvre de mérite et de pre­mière importance en ce moment-là. Depuis 1697, les Dames ursulines avaient ouvert un pensionnat de jeunes filles et un hôpital pour les malades pauvres dans la vil le des Trois-Rivières. Venir en aide à cette institution était le désir des autorités, tant reli­gieuses que civiles, car le double but des Ursulines rencontrait bien des besoins dans toutes les classes de notre société. Mgr de Saint-Valier, évêque de Qué­bec, M. de Callières, gouverneur général, et M. de Champigny, intendant du Canada, prêtèrent la main au projet de doter les religieuses d'un revenu non

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L A RIVIERE-DU-LOUP (en haut) 39

seulement fixe mais susceptible de s'augmenter par une administration intelligente et suivie. C'est pour­quoi, le 13 octobre 1701, les Dames ursulines obtin­rent la terre non concédée qui se trouve dans le lac Saint-Pierre, du côté du nord, consistant en environ trois quarts de lieues de front, entre le sieur Joseph Petit dit Bruno, seigneur de Maskinongé, et Michel Trottier dit Beaubien, seigneur de la Rivière-du-Loup, sur la profondeur de deux lieues. Le 18 juin 1703, le roi confirme l'acte de cette concession.4 7

Je ne saurais dire au juste la date où les pre­miers colons prirent possession de la Petite-Rivière-du-Loup, mais il est probable que ce fut aussitôt après l'année 1701, vers le temps où Yamachiche de­venait aussi une colonie sérieuse.

Les mots Grande et Petite rivières du Loup, que j 'ai déjà employés parce qu'ils sont dans la pratique journalière, ont autrefois soulevé une question d'or­thographe. Parlons-en puisque la chose s'est discu­tée. Voici ma règle. J'emploi les lettres majuscules pciur écrire les noms propres et les lettres minuscules pour les noms communs. Donc, Grande rivière du Loup avec une majuscule à Grande parce que c'est la désignation d'une rivière qui se nomme Grande ri­vière du Loup; même raisonnement pour Petite ri­vière du Loup. Le mot rivière a donc ici deux as­pects. Si vous dites: "la seigneurie de la (Grande ou Petite) Rivière-du-Loup", le mot rivière est nom propre; quand vous dites: "ce village s'appelle la

47. Titres seigneuriaux, I , p. 450; II, p. 72.

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40 L A RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

Rivière-du-Loup", il faut encore une majuscule à R i ­vière parce que alors le mot est incorporé au reste de l'expression et forme le nom d'un lieu, un nom propre. Passez-moi ce caprice de maître d'école, et parlons de nos habitants des jours d'autrefois.

D'après les registres de la paroisse des Trois-Ri-vières, année 1708, on voit que Jean Lemaître-La-longé et sa femme Catherine Godefroy de Vieux-Pont demeuraient à la Rivière-du-Loup. Au même re­gistre, même année, Charles Lemaître-Auger est dit habitant de la Rivière-du-Loup.

Le 25 mai 1709, aux Trois-Rivières, Antoine Jac­quet de Gerlaise épouse Marie-Angélique Pelletier. Ils sont de la Rivière-du-Loup. Noël Lefebvre signe l'acte au registre de la paroisse en qualité de témoin. Il y a aussi Marie Lefebvre présente à la cérémonie.

Antoine Trottier dit Pombert et sa femme Char­lotte Marceseau sont inscrits au registre de la pa­roisse des Trois-Rivières comme habitants de la R i ­vière-du-Loup, en 1709. Leur fille Marie-Catherine eut pour parrain cette année Michel Trottier de Beau-bien, seigneur de la Rivière-du-Loup.

François Bergeron et sa femme Etiennette L e -clerc étaient à la Rivière-du-Loup depuis 1676 et y sont toujours demeurés. Au registre de la paroisse des Trois-Rivières à la date du 5 novembre 1709, on voit l'acte de mariage de leur fille Marie-Claire avec Jean-Charles Vacher dit Lacerte, fils de Guy Vacher dit Lacerte et de Marguerite Benoit, de la seigneurie de Bécancour. Noël Lefebvre assiste au mariage.

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LA UlVIERB-nU-UOVP (en haut) 41

Du temps de Trottier de Beaubien

Le quatrième seigneur de la Rivière-du-Loup, par ordre de date, fut Michel Trottier de Beaubien, dont nous avons parlé. Durant une vingtaine d'an­nées, il s'appliqua à faire prospérer ce beau domaine, mais quand il mourut sa famille le perdit, probable­ment parce qu'il avait dépassé ses moyens en vivant avec luxe ou dépensant son revenu dans des entre­prises malheureuses. Donnons toujours quelques notes recueillies au cours de nos recherches sur les hommes et les choses du temps de Trottier de Beau-bien.

Le 14 mars 1710, on lit au registre de la paroisse des Trois-Rivières que Marie-Jeanne Petit, épouse de Claude Crevier, de la rivière Maskinongé, est in­humée dans le cimetière de la chapelle de la Rivière-du-Loup. C'est la première mention de cette cha­pelle.

Le 11 septembre 1711, Trottier de Beaubien, sei­gneur de la Rivière-du-Loup, concède à Jean-Fran­çois Jacquet de Gerlaise cinq arpents de terre sur vingt, moyennant trois francs de rente, un sol de cens et deux chapons de vingt sols chacun, total: cent et un sols par année.4"

Pierre Lefebvre dit Descoteaux, d'une famille qui appartenait aussi aux Trois-Rivières et à la baie du Febvre, figure en 1713, aux Trois-Rivières, comme

48. Documents de la tenure seigneuriale. 1851. p. 166. La famille Jacquet de Gerlaise (maintenant Dejerlais) était ré­pandue aux Trois-Rivières et à la baie du Kebvre.

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42 L A RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

parrain d'un enfant d'Alexis Trottier dit Pombert, habitant de la Rivière-du-Loup.

Le 27 octobre 1715, à l'église paroissiale des Trois-Rivières, Michel Trottier de Beaubien, seigneur de la Rivière-du-Loup, veuf d'Agnès Godefroy de Lin-tot, épouse Thérèse Mouet de Moras, fille de Pierre Mouet de Moras, vivant officier dans le régiment de Carignan, et de Marie Toupin.4 9 Cette dernière était seigneuresse de l'île Moras, à l'entrée de la rivière Nicolet.

Jean Pérusse, fils, avait obtenu des Ursulines une terre de quatre arpents de front, dans le fief Saint-Jean de la Rivière-du-Loup. Etant décédé, cette terre revenait plus ou moins aux religieuses. Par un acte de 1720, Louis Pérusse, frère du défunt, et Jean Pérusse et Marie-Jeanne Barabé, père et mère, rétrocèdent la propriété aux Ursulines. A cette époque Jean Pérusse et sa femme habitaient Lotbinière. Leur fille Antoinette venait d'entrer au monastère des Trois-Rivières. Mgr Cyprien Tan-guay ne mentionne pas cette famille dans son Dic­tionnaire généalogique.

L'ordonnance de 1722 détermine que la paroisse Saint-Antoine-de-Padoue de la Rivière-du-Loup sera de deux lieues et trois quarts, savoir: "une lieue de front que contient le fief du feu sieur Boucher de Grandpré, à prendre du côté d'en bas depuis Gros-bois en remontant jusqu'au fief de la Rivière-du-Loup; une autre lieue de front que contient aussi le dit fief de la Rivière-du-Loup, depuis le dit fief de

49. Voir Mélanges historiques, yol. 8, p. 125, 129, 133.

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l .A RIVIERE-DU-LOUP (en haut) 43

Grandpré, en remontant jusqu'au fief des Ursulines des Trois-Rivières; et trois quarts de lieue de front que contient le dit fief des Ursulines, depuis celui de la Rivière-du-Loup, en remontant jusqu'au fief de Maskinongé, ensemble les profondeurs renfermées dans ces bornes. Et sera la dite paroisse desservie par voie de mission, jusqu'à ce qu'il y ait un nombre suffisant d'habitants pour fournir à la subsistance et entretien d'un curé."

La colonie de la Rivière-du-Loup avait une cha­pelle depuis 1710 au moins. La construction d'une église paroissiale fut décidée en 1724. Cet événement eut lieu après la vente de la seigneurie aux Dames ursulines des Trois-Rivières.

Depuis 1701, en effet, la région de la Petite-Itivière-du-Loup prenait de l'importance. C'était comme une seigneurie indépendante voisine de son aînée et dirigée par des mains plus habiles. Le jour vint où toutes deux furent réunies sous un même titre et cela fit commencer un nouvel ordre de choses.

Michel Trottier de Beaubien étant décédé, sa veuve, Thérèse Mouet de Moras, vendit la seigneurie le 22 décembre 1723 aux Dames ursulines, moyen­nant huit mille livres, une lieue de front sur quatre lieues de profondeur, à prendre une demi-lieue au-delà de la rivière du Loup et une demi-lieue au-des­sous. La moitié de la somme devait payer la dot de Marie-Françoise Trottier de Beaubien, dite Soeur Saint-Michel, novice aux Ursulines.

J'observerai que, en 1723, on pouvait acheter avec huit mille francs ce qui nous coûte aujourd'hui huit mille piastres; donc le prix de vente de la sel-

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44 L A RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

gneurie représentait une somme actuelle de quarante mille francs.

Voici le contrat de vente conservé dans les ar­chives du monastère des Ursulines, aux Trois-Ri-vières; il donnera une idée de la fortune du quatrième seigneur de la Rivière-du-Loup.

"Par devant le Notaire Royal en la juridiction des Trois-Rivières y résidant soussigné et témoins ci-bas nommés, fut présente Demoiselle Thérèse Moras, veuve de feu le Sieur Michel de Beaubien, vi­vant Seigneur de la Rivière du Loup dans le lac Saint-Pierre, laquelle a dit et déclaré qu'en consé­quence du contrat de vente, fait par le dit Sieur Beau-bien et elle de la dite Seigneurie de la Rivière du Loup aux Dames Religieuses Ursulines des Trois-Rivières, pour la somme de huit mille livres, icelul passé par M. Petit, Notaire en cette juridiction, le sixième jour de mars de la présente année. Elle veut et entend que la somme de quatre mille livres soit prise et retenue sur la dite vente par les dites Dames Ursulines des Trois-Rivières à ce présente pour elles Dame Marie-Anne Anseau de Sainte-Thé­rèse, Supérieure des dites Dames, assistée de ses discrètes soussignées pour aider à payer la dot de Demoiselle Marie-Françoise Trottier de Beaubien, fille du dit feu Sieur de Beaubien et de Demoiselle Agnès Godefroy de Lintot, présentement novice sous le nom de Saint-Michel, et quant à la somme de mille livres restant à payer pour la dite dot suivant les ordonnances du Roi à ce sujet, s'est obligée et s'oblige par ces présentes de payer aux dites Dames Ursulines des Trois-Rivières la dite somme de mille livres le

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L A RIVIERE-DU-LOUP (en haut) 45

jour de la profession de la dite Soeur de Saint-Michel, pour parfaire le payement de la dite dot de cinq mille livres suivant l'ordonnance pour laquelle sûreté des dites mille livres suspromises, la dite Demoiselle veuve Beaubien a obligé et oblige tous ses biens pré­sents et à venir aux conditions que la dite Soeur de Saint-Michel fera sa Profession dans le Monastère des dites Dames Religieuses Ursulines des Trois-Rivières, déclarant que les dites quatre mille livres ci-devant spécifiées à prendre sur la dite Rivière du Loup sont les propres de la dite Beaubien, Soeur Saint-Michel, tant de la part de sa mère que de son père. Et les mille livres promises par la dite De­moiselle Beaubien sont et proviennent de la part qui peut revenir à la dite Soeur Saint-Michel, pour la part de ses meubles lesquels lui resteront, en toute propriété. Car ainsi, etc, Promettant etc, fait et passé, aux Trois-Rivières, en une salle du dit Monas­tère le vingt deux décembre, mil sept cent vingt trois. En présence des Sieurs Jean-Baptiste Poulin Sieur de Courval, Conseiller du Roi et son procureur en cette juridiction, et Pierre Goubeault, témoins demeurant au dit lieu qui ont avec la dite Demoi­selle Beaubien et les dites Dames Ursulines et No­taire signé après lecture faite.

"(Signés) Thérèse Moras, veuve Beaubien; Sr Ste-Thérèse, supérieure, Sr St-Joseph, assistante; Sr de la Miséricorde, zélatrice; Sr St-François, déposi­taire; Sr St-Augustin, discrète; Sr Des Anges, dis­crète; Sr du Sacré-Coeur, discrète; Courval Gou-bault; P. Poulin, N.-P."

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46 L A RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

En 1754, les héritiers de Trottier de Beaubien donnent la quittance suivante aux Dames ursulines: "Par devant le Notaire Royal de la juridiction Royale des Trois-Rivières y résidant soussigné et témoins ci-après nommés, furent présents le Sieur Ignace L e -febvre-Belisle, habitant du Fief Tonnancour, et Dame Madeleine Trottier de Beaubien, son épouse, qu'il autorise pour l'effet des présences, lesquels ont vo­lontairement reconnu avoir reçu des Dames Ursu­lines de cette ville la somme de cinq cents livres, pour pareille somme à eux due par la Dame veuve de Sieur Prancheville-Poulin de la ville de Montréal, à eux revenant de la succession de feu le Sieur Michel Trot­tier de Beaubien, leurs père et beau-père, laquelle dite somme de cinq cents livres les dits p. et Dame Belisle avaient ci devant donné quittance aux dites Dames Ursulines par acte passé par M. Pillard, et qui a été ineendié lors de l'incendie de leur couvent, au moyen de quoi ils font toute cession et transport du dit Constitut au profit des Dames Ursulines, veu­lent et consentent qu'elles fassent et disposent du dit Constitut comme les aviseront bon être. Car ainsi, &c, promettant, &c, Fait et passé aux Trois-Rivières étude du dit Notaire, l'an mil sept cent cinquante quatre, le douze janvier après-midi. Présence des Sieurs Michel Longval et Paul Dielle, négociants, demeurant en cette ville, témoins qui ont signé avec nous Notaire. Les dits présents et Dame Belisle ayant déclaré ne savoir signer de ce enquis lecture faite.

"(Signés) LONVAL, D I E L L E ; LePROUST, N. -P ."

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Du temps des Ursulines

Avec les nouvelles seigneuresses, la Rivière-du-Loup prit un élan inaccoutumé. On commença par construire une église. Le 2 mai 1724, les Dames ur­sulines concèdent à la fabrique de la Rivière-du-Loup quatre arpents de terre de front sur la profondeur jusqu'à la Petite rivière du Loup, tenant d'un côté, au sud-est, à la concession de Grosbois, de l'autre, au nord-ouest, aux terres non concédées des dites Dames ursulines; d'un bout par le devant à la dite rivière Saint-Jean, d'autre bout, par derrière, à la Petite ri­vière du Loup, avec droit de commune, à charge de faire dire dans l'église de Saint-Antoine-de-P^adoue, autant que faire se pourra, trois messes basses pour les religieuses décédées chaque année à perpétuité, sans pouvoir vendre ou autrement aliéner la dite terre. Tous les curés de Louiseville ont, tour à tour, rempli ces obligations. La paroisse qui se créait était placée, comme on le voit, sous le vocable de saint Antoine de Padoue.

Le contrat notarié de cette concession des Ur­sulines à la fabrique mentionne "trois messes basses"; mais M. Gérard Malchelosse me dit que, dans les "Aveux et dénombrements de 1725", il est question de "quatre messes basses", lisiblement écrit. Ce doit être une erreur du procureur des seigneuresses car le document notarié est certainement conforme aux termes convenus de l'arrangement. La paroisse de Saint-Antoine-de-Padoue de la Rivière-du-Loup avait été organisée par un règlement du 20 septembre 1721, confirmé par un décret du conseil de la colonie

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48 L A RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

le 3 mars 1722; elle devait comprendre tout l'espace de pays situé entre les fiefs Grosbois et Maskinongé. 5 0

Le 8 mai 1724, les Dames ursulines concèdent à Charles Lemaître-Auger cinq arpents de terre de f ront 5 1 à raison de trois livres et quinze sols de rente, un sol de cens et deux chapons et demi (cin­quante sols) par année.

Le 15 avril 1725, Pierre Poulin, notaire aux Trois-Rivières, au nom et comme procureur des Dames ursulines des Trois-Rivières, rend foi et hom­mage pour la seigneurie de la Rivière-du-Loup, le fief Saint-Jean et la continuation du fief de Maski­nongé.

Ceci veut dire que les seigneuresses avaient déjà obtenu une augmentation d'une lieue en arrière du fief Saint-Jean joignant du côté sud-ouest au fief de Sicard de Carufel qui est un prolongement de celui de Maskinongé.

Le 10 décembre 1727, le gouverneur et l'inten­dant reconnaissent que les Dames ursulines des Trois-Rivières sont en possession légale de trois quarts de lieue de front sur trois lieues de profondeur, joignant d'un côté, au nord-est, au fief de la Rivière-du-Loup, qui leur appartenait, et de l'autre, au sud-ouest, au fief "de Sicard de Carufel, avec remise et don de toute finance, etc. Le roi confirme cet acte le 24 mars 1733, lequel est enregistré au Conseil Souverain de Québec le 22 février 1734.

50. Joseph Bouchette, A Topographical Dictionary of Lower Canada. Grosbois c'est Yamaehiche.

51. La profondeur n'est pas mentionnée. François Lesiéur-Desaulniers dit que cette terre avait en superficie cent yingt-six arpents.

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LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut) 49

Le fief Saint-Jean était donc situé entre la sei­gneurie de la Rivière-du-Loup d'un côté, et celles de Maskinongé et de Sicard de Carufel de l'autre. Joseph Bouchette dit que l'augmentation d'une lieue de pro­fondeur au fief Saint-Jean date de 1733, mais on voit ici que cet octroi de terre est antérieur au 15 avril 1725.

Les Dames ursulines, se basant sur l'ordonnance de Louis XIV du 6 juillet 1711, demandèrent en 1734 que certaines terres concédées par elles à des parti­culiers qui n'y tenaient pas feu et lieu, retournassent en leur possession. L'intendant Gilles Hocquart, par une ordonnance du 20 juillet 1734, accorda le délai d'un an à ces colons. Le 22 août le délai fut crié à la porte de l'église paroissiale de la Rivière-du-Loup, à l'issue de la grand'messe, mais le 27 août 1735, le Père Charles Poqueleau, missionnaire, et Lemaître-Lalongé, lieutenant de milice, ayant cer­tifié que Jacques Chrétien, Charles Paillé et la veuve de Jean Gerson dit Saint-Germain ne s'étaient pas encore conformés aux ordonnances, le même inten­dant déclara leurs terres réunies au domaine des Dames ursulines le 28 décembre 1735.62

Lemaître-Lalongé était de la famille de Michel Lemaître-Auger qui, le 18 août 1736, vendit aux Dames ursulines une terre de quarante arpents de front sur la profondeur de la seigneurie de la Ri­vière-du-Loup.

En 1734 les Ursulines firent ouvrir un chemin dans leur seigneurie de la Rivière-du-Loup, mais cette

52. Edits et Ordonnances, III, p. 307.

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50 L A RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

entreprise fit naître des démêlés dont elles eurent à se plaindre et à souffrir, comme le prouvent deux re­quêtes de la Soeur du Sacré-Coeur, supérieure, adres­sées à l'intendant. Cette année 1734, les censitaires s'étaient engagés à défricher le parcours de ce che­min, mais comme ils avaient cessé de mauvaise fol les travaux commencés, les religieuses furent avisées de les finir sans tarder. Cependant, elles deman­dèrent de "ne pas être forcées de terminer leur che­min", ce qui leur fut accordé après certaines dé­marches, de sorte que les travaux furent repris le printemps d'après et poussés à bonne fin.

En 1781, les Dames ursulines des Trois-Rivières renouvelaient leur serment de foi et hommage au sujet de l'augmentation du fief dont elles avaient ob­tenu la concession. Il est dit dans l'acte que cette augmentation se trouve dans Maskinongé; ceci est une erreur de la personne qui tenait la plume, car le terrain qui prolonge le fief Saint-Jean est séparé par une ligne droite du fief de Sicard de Carufel, une augmentation de Maskinongé.

Le 29 septembre 1806 les Damés ursulines con­cèdent à Joseph Auger une terre à raison de deux sols de cens et de trois sols par arpent en superficie.5"

En 1818 le roi accorda aux Ursulines des Trois-Rivières des lettres-patentes pour la seigneurie de ta "Rivière-du-Loup, le fief Saint-Jean et la continua­tion de Maskinongé". Ces mots "continuation de Maskinongé" doivent se prendre dans le sens que je

53. Documents de la tenure seigneuriale, 1851, p. 166. Cette terre était prise dans les limites de la seigneurie. Il y est parlé de bois à fournir pour l'église, etc.

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LA rUVIERE-DU-LOUP (en haut) 51

viens d'indiquer car les Ursulines n'ont possédé au­cune terre en seigneurie dans Maskinongé/'1

Aveux et dénombrements, 1725

Lors de certaines recherches faites dans les ar­chives des terres de la Couronne, à Québec, en 1907, François Lesieur-Desaulniers a eu la bonne fortune de retrouver les "Aveux et dénombrements" que le procureur ad hoc des Ursulines a faits en 1725 au nom des seigneuresses. C'est un document trop vo­lumineux pour être versé dans nos simples notes sur la Rivière-du-Loup ; nous renvoyons donc les lecteurs intéressés au Trifluvien, 5, 19, 22 février, 30 avril, 3, 14, 17, 21, 28, 31 mai, 4 juin 1907. Ce document précieux, en ce sens qu'il nous fait connaître les noms des habitants d'alors des deux fiefs Saint-Jean et de la Rivière-du-Loup, ainsi que l'étendue des terres en culture et autres renseignements, a été pu­blié avec des aperçus généalogiques par François Le­sieur-Desaulniers.

Ceux qui, un jour, voudront entreprendre d'écrire l'histoire détaillée de la Rivière-du-Loup, devront con­sulter cette pièce ancienne et en tirer profit. Il leur faudra consulter aussi les registres, les papiers de la fabrique, les greffes des notaires, les archives

54. Les notaires royaux qui rendirent foi et hommage pour les Ursulines, au château Saint-Louis, à Québec, furent Pierre Poulin, 1725; Hyacinthe-Olivier Pressé et Louis Pillard, 1736; Jean Leproust, 1748; Louis Pillard, pour une seconde fois, cie 1758 à 1767; J.-B. Badeaux, de 1767 à 1794; Emmanuel Dumoulin, 1794-1808; puis le grand-vicaire François Noiseux. La liste donnée dans les Ursulines des Trois-Rivières, I, p. 261, ne cor­respond pas exactement avec la présente.

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52 LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

provinciales et les mémoires des vieilles familles de cette localité.

De 1673 à 1786, la Rivière-du-Loup fut desservie par voie de mission; en 1786 l'abbé Laurent-Joseph Bertrand fut nommé curé. A sa mort survenue en 1813, il laissa par testament aux Ursulines un ter­rain que ces dernières cédèrent en 1875 pour une école. C'est aujourd'hui le site où est construit le couvent des religieuses de l'Assomption (de Nicolet).

Terminons ce chapitre par un mariage: au re­gistre de la paroisse des Trois-Rivières, à la date du 9 novembre 1739, on voit l'acte de mariage de Jean-Baptiste-René Lefebvre dit Fabert, fils d'Ignace Lefebvre-Bélisle et de Marie Trottier, demeurant aux Trois-Rivières, avec Marie-Anne, fille de défunt Jean Dubois et de Marie-Jeanne Bau (Lebeau à présent) de Yamachiche. Publication des bancs aux Trois-Rivières et à la Rivière-du-Loup; le Père Charles Poqueleau, curé de la Rivière-du-Loup.

J'aurais voulu, au cours de ces notes, parler de ce qui se passait à Yamachiche et à Maskinongé du­rant les quarante années qui vont de 1700 à 1740, mais j 'ai craint de dérouter le lecteur. Pour ce qui est de Yamachiche, nous devons lire les travaux de l'abbé Napoléon Caron, de François Lesieur-Desaul-niers et de R. Bellemarre.

Descriptions de la Rivière-du-Loup, 1747,1815.

L'été de 1747, Peter Kalm, savant naturaliste suédois, parcourut les bords du Saint-Laurent, Il dit dans la narration de son voyage: "Du milieu du lac

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LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut) 53

Saint-Pierre, on voit à l'ouest un pays fort élevé, dominant la forêt. Il n'y a pas de maison en vue sur les rives; celles-ci sont trop basses et, par suite, le terrain est toujours inondé au printemps, si bien que l'on s'y promène en bateau entre les arbres. L e niveau du sol est plus élevé à quelque distance du rivage et les habitations sont rapprochées les unes des autres. Tard dans la soirée, nous laissâmes le lac pour entrer dans une petite rivière appelée la rivière du Loup, à la recherche d'un gîte pour la nuit. Parvenus à environ un mille anglais de son entrée, nous avons trouvé un pays habité de chaque côté de la rivière, qui est profondément encaissée, bien que la contrée en général soit unie. Nous passâmes la nuit chez un fermier. L e territoire de Montréal s'étend jusqu'à cet endroit, mais ici commence la ju­ridiction du gouverneur des Trois-Rivières. Le 3 août nous nous embarquâmes à cinq heures du matin. Redescendre le cours de la petite rivière fut l'af­faire d'un instant."

Kalm se trompe quand il assigne à la rivière du Loup la limite du gouvernement des Trois-Rivières. Cette juridiction s'arrêtait au fief du Chicot et par conséquent embrassait tout Maskinongé.

En vertu de l'ordonnance royale du 6 juillet 1711, et sur les certificats de l'abbé Jean-Auguste Mercier, curé de la Rivière-du-Loup, et Lemaître-Lalongé, ca­pitaine de milice, l'intendant Hocquart décide le 10 août 1747 que la terre concédée antérieurement à la veuve et aux héritiers de René Cardinal retourne aux Dames ursulines. René Cardinal ne figure pas dans le Dictionnaire généalogique de Mgr Cyprien Tan-

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54 LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

guay. Je crois que son nom de baptême était Jean et que sa femme se nommait Marie Cayer.

Le 15 novembre 176S, les Dames ursulines con­cédèrent à Michel Lefebvre quatre arpents sur trente, à raison de onze francs de rente et un sol de cens par année.

L'arpenteur général Joseph Bouchette, qui visita la seigneurie de la Rivière-du-Loup au commence­ment du dix-neuvième siècle, parle en ces termes du fief Saint-Jean: "La terre est bonne et productive; presque toute la partie accordée aux seigneuresses en 1701 est en culture, mais les colons ne se répandent encore qu'en très petit nombre sur l'augmentation. On y voit de beaux bois de service."

Passant à la région située au nord-est du fief Saint-Jean, Bouchette dit: "La seigneurie de la Ri-vière-du-Loup surpasse peut-être en valeur toute autre

propriété de son étendue dans la province. Le sol en est généralement uni; en approchant du lac Saint-Pierre il est bas et consiste surtout en excellentes prai­ries et pâturages. Sur le devant on ne voit plus de bois de haute futaie et même très peu de petits bois, mais vers les profondeurs il y a plusieurs talles de pins et de chênes de première qualité. La rivière du Loup commence en arrière de Hunter's Town, localité qu'elle traverse pour descendre par Dumontier et en­suite Grosbois; alors tournant brusquement au sud-ouest, elle passe dans la seigneurie dite de la Rivière-du-Loup et va finir au lac Saint-Pierre. La grande chute, située dans la paroisse Saint-Léon, a de quatre-vingts à cent pieds d'élévation. Cette rivière est navi­gable pendant plusieurs milles pour les bateaux, et au

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L A RIYIEKE-DU-LOUP (en haut.) 55

printemps de bonne heure pour des navires plus consi­dérables."

Puisqu'on vient de parler de Saint-Léon, il faut prendre un verre ou deux de cette excellente eau miné­rale de Saint-Léon, si renommée dans tout le pays, puis dire à nos lecteurs: au revoir, au prochain chapitre.

L'invasion américaine de 1775

L'automne de 1775 une armée de Bostonnais des­cendit le Saint-Laurent, mit le siège devant Québec et, le 31 décembre, elle livra sans succès un assaut à la ville. Vers le moment de la fonte des neiges, au prin­temps de 1776, comme la flotte anglaise ne pouvait manquer d'arriver, les envahisseurs se mirent en re­traite et, dès le mois de juillet, ils n'en restait plus aucun dans la province. Les habitants canadiens n'étaient pas tous contre les Bostonnais, il s'en faut! On en jugera par les notes suivantes tirées du journal tenu aux Trois-Rivières par le notaire Jean-Baptiste Badeaux, qui était l'agent des Dames ursulines pour leurs seigneuries de la Rivière-du-Loup et de Saint-Jean :

1775, 23 juin.—M. Bazin, de la Rivière-du-Loup, est aux Trois-Rivières et il se charge, avec M. de Mon-tesson, d'aller dans les campagnes distribuer les com­missions d'officiers de milice que le gouverneur général a signées.

1775, 8 septembre.—Presque tous les habitante du gouvernement des Trois-Rivières refusent de mar­cher contre les troupes américaines "à l'exception de

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56 LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

quelques volontaires des paroisses de la Rivière-du-Loup, Machiche et Maskinongé."

Le 10 octobre partit des Trois-Rivières un déta­chement de soixante-et-sept hommes, commandé par MM. de Lanaudière et Godefroy de Tonnancour, fils, pour se rendre à Montréal assister les troupes an­glaises. Le 12 arriva M. Leproust, officier de milice, et Joseph Boivin, milicien, tous deux des Trois-Ri­vières, qui annoncèrent que le détachement avait été arrêté dans le bois, entre le fief du Chicot et Berthier par les habitants du Chicot sous les ordres d'un capi­taine de cette paroisse nommé Merlet qui le guettait depuis trois jours, et qu'ils avaient désarmé et fait prisonniers MM. de Lanaudière et Godefroy de Ton­nancour, fils, et qu'ils les avaient menés chez le capi­taine Biron, de Saint-Cuthbert, où se rencontra par chance M. Pouget, curé, qui sollicita si vivement au­près de Merlet qu'il obtint la liberté des captifs. "Ce qui devait certainement être mortifiant pour nos mes­sieurs, c'est qu'après qu'ils furent faits prisonniers, toutes les femmes qui se trouvaient sur les chemins où ils passaient criaient à leurs maris: Certes! vous avez fait bonne chasse aujourd'hui ! et cela en dérision. M. Leproust dit que, étant chez Biron à prendre un coup de vin, le capitaine Merlet lui demanda: Qui êtes-vous? Il lui fit réponse: Je suis officier du roi. Eh bien ! reprit Merlet, fichez votre camp d'ici ! Et sans lui donner le temps de prendre un second verre de vin il le prit par le bras et le mit à la porte. Il regrettait bien son verre de vin, ayant beaucoup d'al­tération, mais il fut très satisfait de l'avoir laissé et d'être hors des mains de M. Merlet. Je ne sais si c'est

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L A R I V I E R E - D U - L O U P (en h a u t ) 57

la peur ou la fatigue qui avait si fort changé nos arr i ­vants, mais je puis assurer qu'ils étaient bien blêmes, quand je les rencontrai au bord de l'eau." Le 13, Godefroy de Tonnancour, fils, venant du Chicot arr i ­vait à son tour aux Trois-Rivières.

Le 4 décembre 1775, M. Gugy était aux Trois-Ri­vières pour se défendre des accusations portées contre lui par le sieur Larose, marchand de la Rivière-du-Loup. Gugy, affirmait-on, avait menacé de faire fouetter les Canadiens qui se mettraient du côté des Américains. Il y eut un long débat à la suite duquel Gugy reçut un billet de bonne conduite, et il se retira promettant de se tenir tranquille. Larose était capi­taine de milice de la Rivière-du-Loup ; il surveilla Gugy et lui fit des embarras durant tout l'hiver.

1776, 28 mai.—"Le garçon de M. Morin arriva de la Rivière-du-Loup, qui est venu l 'avertir de ne point aller chez lui ; qu'il y avait un détachement de quarante Bostonnais et Canadiens qui était venu la nuit passée pour le prendre ainsi que M. Bazin ; qu'ils avaient été chez M. Gugy à Machiche et qu'il croit qu'ils y ont pillé."

Le noms mentionnés ci-dessus étaient ceux de per­sonnes que Jean-Baptiste Badeaux connaissait et il a dû les écrire correctement, mais les imprimeurs les ont massacrés. C'est ainsi qu'ils mettent Baucin, Buron, Monin, pour Bazin, Biron, Morin, je pense.

M. de Montesson a laissé son nom à l'île de Bécan-cour; M. de Lanaudière, fils du seigneur de Lanau-dière (dans les profondeurs de Maskinongé), est le même qui, cet automne de 1775, contribua tant à sauver le gouverneur Guy Carleton des patrouilles des

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58 LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

Bostonnais; Joseph Boivin était parent de Jean-Bap­tiste Badeaux ; Leproust était officier de milice et bour­geois des Trois-Rivières ; Conrad Gugy, seigneur de Yamachiche, ancien officier de l'armée de Wolfe, pas­sait pour un " dur à cuire" ; Jean-Baptiste-Noëî Pouget, prêtre canadien, était alors âgé de trente ans ; ordonné le 19 septembre 1772, il était, depuis 1773, curé de Saint-Cuthbert.

D'après les "Additional Papers on Quebec," M. de Lanaudière, venant de Montréal à la fin de septembre ou dans les premiers jours d'octobre, aurait dit aux habitants que le gouverneur Guy Carleton (qui était alors à Montréal) lui avait donné ordre de les conduire à la guerre contre les Bostonnais qui venaient de fran­chir la frontière du lac Champlain. Il ajoutait que, en repassant, il prendrait les habitants avec lui et que, s'ils n'obéissaient pas, leurs maisons seraient brûlées. Comme il revenait donc avec Godefroy de Tonnancour, fils, et quinze hommes il fut entouré et pris. On les relâcha tous, sur leur promesse de ne plus recommencer et surtout de ne jamais porter plainte aux tribunaux à cause de leur arrestation.

Laterrière et l'officier allemand

Pierre de Sales Laterrière était en 1777 directeur des forges Saint-Maurice et les travaux de l'usine lui réussissaient au-delà de ses espérances. Voici un épisode qu'il raconte dans ses Mémoires:

"J'étais si content de moi-même, voyant que tout me riait, que je donnai plusieurs bals et dîners au général Ridzel (Riedesel), en garnison alors aux Trois-

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L A R I V I E R B - D U - I X ) U P (en haut) 59

Rivières, avec son état-major et les respectables ci­toyens de cet endroit et du voisinage, ainsi qu'à un officier français appelé le comte de Saint-Aulaire, en garnison à Becancour et au service britannique, homme d'une rare éducation sociale et du plus aimable carac­tère. J'en f is ma société et mon ami. Il était brave, prudent, sincère.

" A ce propos, quand cela ne ferait qu'amuser le lecteur, je vais lui conter un historiette. Nous avions été invités par monsieur le curé Pétrimoulx, de la Ki-vière-du-Loup, à aller passer quelques jours avec lui. Nous acceptâmes, et huit jours après, un samedi des Jours Gras, nous nous rendîmes à son logis, où nous rencontrâmes sa belle-soeur, son frère, et une jeune demoiselle appelée mademoiselle Falaise.

"Le régiment du colonel Prétorius, corps auxi­liaire à la solde de l'Angleterre, était en quartier d'hi­ver dans cette paroisse. Un capitaine dans ce corps avait fait la connaissance de mademoiselle Falaise et ne la quittait pas une minute. C'était son "cavalier", et il était si jaloux qu'elle ne pouvait faire la partie de cartes qu'avec lui. Un soir, la table de jeu étant dressée, madame Pétrimoulx tourna les cartes pour savoir avec qui ces dames seraient associées; le sort donna mademoiselle Falaise pour partenaire au comte de Saint-Aulaire, et madame Pétrimoulx à Laterrière (lui-même), c'est-à-dire pour le premier robre de wisk.

"De Saint-Aulaire et le capitaine allemand se pri­rent doucement de paroles. Ce dernier semblait être persuadé de nous épouvanter tous et ne cherchait qu'à

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60 LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut)

ravaler le nom et l'honneur français. J'eus beau m'ef-forcer de tout calmer, le moment critique arriva et l'insulte nous fut jetée à tous les deux.

—"Il est temps, dit le comte, faisons-le sortir par la fenêtre, sans le frapper.

"Aussitôt, nous le saisissons à nous deux, et sa tête fit dans la fenêtre un trou net. Un tas de neige au dehors le reçut mollement. Pas de mal; rien que de la honte. L'épouvante était grande dans la maison. Le pauvre curé et sa famille s'attendaient à nous voir à tous moments assaillis par tout le corps des officiers.

"Personne ne se coucha, excepté le comte et moi, dans la même chambre pourtant, ayant à portée nos épées et chacun une paire de pistolets, et bien résolus à ne pas nous éloigner l'un de l'autre en cas d'attaque. Nous nous disions que des gentilhommes ne doivent ni ne veulent jamais prendre parti pour un polisson, et que d'ailleurs il était fort haï de tout le régiment, à cause de son humeur insociable.

—"N'importe ! dit le comte, le vin est versé, il faudra le boire honnêtement, à la française.

"Et de paroles à sommeil, de ce dernier au jour, du jour au déjeûner, il n'arriva rien de nouveau, jus­qu'au moment de nous mettre à table que deux aides-de-camp du colonel Prétorius entrèrent, se présen­tèrent à nous et nous firent, de la part de ce colonel, cette commission:

—"Le colonel Prétorius fait ses compliments à M. le comte de Saint-Aulaire et à M. de Laterrière, et les prie de vouloir faire connaître les particula­rités des faits qui ont donné lieu à la sortie prompte

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LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut) 61

et poliment forcée du capitaine un tel par les fenêtres de M. Pétrimoulx.

"Le comte raconta les choses en détail à ces deux messieurs et en appela au témoignage du curé, de sa soeur et de mademoiselle Falaise, qui dirent et assu­rèrent tous que c'était là la pure vérité adoucie et raccourcie.

—"A ces traits, répondirent les aides-de-camp, nous reconnaissons l'homme.

"Et à l'instant même ils allèrent faire leur rap­port. Nous étions encore à table lorsque le colonel Prétorius renvoya les deux mêmes personnages avec l'invitation d'accepter son dîner. Nous acceptâmes avec plaisir, ainsi que l'aimable famille Pétrimoulx. Nous nous amusâmes de notre mieux à ce dîner, où se trouvait tout l'état major, à l'exception de ce fou, qui était aux arrêts pour huit jours. Quelques ins­tances que nous fîmes, nous ne pûmes faire lever les arrêts.

—"L'ordre, la décence, la délicatesse, répondit le colonel, sont choses qu'il ne faut jamais mettre en oubli.

"Notre prudence à l'éloigner de notre compagnie sans le frapper avait infiniment touché ce colonel. Très satisfaits, nous partîmes vers le soir, et nous regagnâmes les Forges avant les neuf heures."

Je ne trouve pas dans le Répertoire du clergé canadien de Mgr Cyprien Tanguay que le Père Pétri­moulx ait été curé de la Rivière-du-Loup, mais il n'y a pas à douter de ce que dit Laterrière. De plus, François Lesieur-Desaulniers a constaté que le "Père Dominique Pétrimoulx, Récollet", passa en 1785 de la

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62 LA RIVIERB-DU-LOUP (en haut)

cure de la Rivière-du-Loup à celle de Yamachiche.57

Quant à la demoiselle dont il est parlé dans ce récit, elle était de la famille de Falaise de Gannes.

La Rivière-du-Loup en 1832

En 1804, le pont qui reliait les deux côtés de la rivière du Loup fut réparé par Georges Lambert. Le 19 mars, le secrétaire du gouverneur général écrivait à John Antrobus que "dix louis cinq shelins 2 deniers seront payés à Georges Lambert pour réparation au pont de la rivière du Loup, conformément au juge­ment de la cour des Trois-Rivières."

En 1832, l'arpenteur général Joseph Bouchette dé­crivait la seigneurie de la Rivière-du-Loup dans les termes suivants :

"La seigneurie est bornée au sud-ouest par le fief Saint-Jean et au fond par le lac Saint-Pierre. Elle mesure une lieue de front, comme ceci : une demi-lieue au-dessus et une demi-lieue au-dessous de la rivière du Loup, sur quati-e lieues de profondeur. Elle ap­partient aux Dames ursulines des Trois-Rivières. La Grande rivière du Loup coupe en diagonal la seigneurie de ce nom et par ses méandres ajoute beaucoup aux

57. Sur les deux Pères Pétrimoulx, voir Mgr Tanguay, Ré­pertoire du clergé canadien, p. 117, 119. L'abbé J.-B.-A. Allaire, le Cleryc canadien-français, p. 430, dit que le Père Jean-Baptiste Pétrimoulx, né à Québec le 21 juillet 1735, entra chez les Ré-collets et y prononça ses voeux sous le nom de Frère Dominique; ordonné prêtre par Mgr de Pontbriand le 23 septembre 1758, il fut curé de Louiseville de 1758 à 1783 (c'est plutôt 1785) avec la desserte de la Pointe-du-Lac (1760-63) et de Bécancour (1767-69); desservant d'Yamachiche en 1785 et 1786; aumônier du couvent de Montréal (1786-96) et curé de L'Assomption (1796-99) où il est décédé le 3 juin 17^9.

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LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut) 63

agréments naturels des lieux. La Petite rivière du Loup et d'autres cours d'eau de moindre importance arrosent aussi ces beaux domaines. On y voit trois moulins à farine et deux moulins à scies. Il y a de nombreuses routes. Le chemin du roi est embelli de chaque côté par plusieurs bonnes maisons et des fermes très avancées en améliorations. De nombreux établissements s'étendent sur les routes, de chaque bord des deux rivières du Loup, dont les rives, l'espace de plusieurs milles, sont élevées et agréablement for­mées pour le plaisir des yeux.

"Sur la rive ouest de la Grande rivière du Loup est le Village du Loup, qui renferme quarante maisons seulement, mais les terres sont si bien habitées de chaque côté de la route, qu'on peut les comparer a une longue rue prolongeant le village. La nouvelle église, de 130 pieds sur 52, est remarquable par ses dimensions et ses ornements intérieurs. Elle a trois clochers, dont deux sur le devant qui sont couverts de fer-blanc. On compte aussi dans le village quatre auberges et deux écoles, une anglaise et une française, soutenues par les habitants. Près du village, la rivière est traversée par un élégant et solide pont de bois. II y a beaucoup d'aisance dans la place et un fort commerce. On y exporte des grains de tous les en­virons. Toute la seigneurie de la Rivière-du-Loup et une partie de son augmentation est en culture. La population y est de 3,740 âmes. Il y a un moulin à cardes, un moulin à fouler, une tannerie, une poterie, une potasserie, une perlasserie, un médecin, un notaire, vingt-sept hommes de métier. On y récolte 21,800 minots de blé, 23,400 d'avoine, 3,120 d'orge, 28,500

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64 L A R I V I E R E - D U - L O U P (en h a u t )

de pommes de terre, 3,380 de pois, 40 de blé d'inde, et 13,000 de grains mêlés. Il y a 850 chevaux, 800 boeufs, 1913 vaches, 4,400 moutons, et 1290 cochons."-'*

On sait que Joseph Bouchette est renommé pour la précision de sa parole et l'exactitude de ses ren­seignements.

L a région de l a R i v i è r e - d u - L o u p

58. A Topographical Dictionary of Lower Canada.

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LA RIVIERE-DU-LOUP (en haut) 65

Conclusion

En 1879, la Rivière-du-Loup (en haut) a été in­corporée en ville sous le nom de Louiseville en l'hon­neur de la princesse Louise, à qui les citoyens de cette paroisse avaient présenté une adresse et un bouquet lors de son passage au milieu d'eux en 1878.

Ici finissent nos notes sur la Rivière-du-Loup. De­puis cinquante ans l'état des choses a bien changé. La population a augmenté progressivement; elle atteint aujourd'hui le chiffre de trois mille âmes. En 1892 les Frères de l'Instruction chrétienne bâtirent un col­lège. Le commerce, l'industrie sont en voie de pro­grès. Plus tard, quand une ville importante existera entre Berthier et les Trois-Rivières, ce sera à la Ri­vière-du-Loup et Louiseville aura de beaux jours/'*

59. 1888; revu en 1921.

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Xacfrine

i

On m'écrivit un jour de Montréal: "Pouvez-vous me dire s'il reste des vestiges de la maison que Robert Cavalier, chevalier de La Salle, bâtit sur le lot de terre à lui donné, en 1666, par les Messieurs de Saint-Sulpice, et qu'il nomma La Chine?"

J'ai répondu, en premier lieu : René-Robert Cave-lier, surnommé La Salle, ne s'appelait pas Cavalier, et il n'était pas chevalier.1

En second lieu, il n'a pas reçu la terre en ques­tion durant l'année 1666.

Troisièmement, il est douteux qu'il ait construit une maison valant la peine, et encore moins un fort, comme on l'a prétendu.

Quatrièmement, ce n'est pas La Salle qui a im­posé le nom de Lachine.

Dans son histoire des découvertes de La Salle, Gabriel Gravier nous dit que, en 1666, son héros était âgé de moins de vingt-cinq ans et n'était jamais sorti de France.

On sait que l'abbé Jean Cavelier vint de France à Montréal l'année 1666. Il était frère de René-Robert dont la présence à son tour est constatée à Montréal les 1 et 7 novembre 1667.2

1. Voir le Bulletin des recherches historiques, octobre 1898, un article de Désiré Girouard sur le vrai nom de La Salle.

2. Failloa, Histoire de la colonie française, I II , p. 228; Voyage de MM. Dottier de Casson et Galinée, p. 65.

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L A C H I N B 67

Dans ce même mois de novembre 1667, M. Galinée entra en fonction comme supérieur de la maison de Saint-Sulpice de Montréal, charge qu'il exerça à peu près un an. Nous verrons plus loin que ce fut M. Ga­linée qui concéda la terre en question à La Salle, par conséquent l'hiver de 1667-68.

L'abbé Faillon dit: "Le fief était situé en face du sault Saint-Louis, dans un endroit de l'île de Mont­réal où le séminaire avait déjà résolu d'établir une bourgade... Il ne donna point alors de titre par écrit.3 Le fief semble avoir été d'une assez vaste étendue; il fut érigé sans aucun droit de justice, quoi-qu'avec droit de moulin seigneurial... La Salle com­mença des défrichements et des constructions, traça l'enceinte du futur village, où tous les colons devaient avoir une maison pour s'y mettre à couvert des Iro­quois, et fit aussi diverses concessions de terre, don­nant à chacun des nouveaux colons soixante arpenta, et en outre un demi-arpent dans l'enceinte du village. Les cens qu'il leur imposa devaient être payés non à la Saint-Martin, mais à la fête de Saint-Sulpice."

Ces concessions de terre à des habitants parais­sent avoir eu lie-u l'automne de 1668. En tous cas rien ne prouve que La Salle ait fait beaucoup plus que de dresser des plans4 cette année 1668, la seule durant laquelle il fut en possession du domaine de la côte Saint-Sulpice.

3. Ce titre n'était pas parfait et devait être complété plus tard.

4. La comme ailleurs il commençait une entreprise, puis l'abandonnait pour en préparer une autre qu'il laissait encore.

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68 LACHINE

"Le 15 novembre 1668, il loue une maison dans la ville de Montréal pour y passer l 'hiver", dit une note placée par la Société historique de Montréal à la suite du Voyage de MM. Dollier de Casson et Galinée, p. 66. C'est alors que des Iroquois lui parlèrent de la rivière Ohio et lui montèrent la tête à ce sujet.

Dans un contrat du greffe de Montréal, en date du 16 décembre 1668, mentionné par l'abbé Faillon, on l i t : "la maison de la côte Saint-Sulpice". 5 C'est l'édifice commencé par La Salle. Celui-ci étai t pa r t ! au moment de ce contrat.

Pa r un acte notarié du 9 janvier 1669 La Salle rétrocède au séminaire "la seigneurie appelée de Saint-Sulpice, située en l'île de Montréal, au-dessus du sau t Saint-Louis, et dont il tenait la concession de M. Ga­linée," mais on lui laisse quatre cent vingt arpents et sa maison où il pourra continuer son commerce. J u s ­qu'à présent il n'y a pas de trace du nom de Lachine imposé à cette localité.

Le 6 juillet 1669, le jour même où il signait un contrat de vente à Jacques Leber et à Charles Le-moine, La Salle, avec un certain nombre de Canadiens et de guides iroquois, s'embarqua à la côte Saint-Sulpice 6 pour aller en découverte, disant que, pa r la rivière Ohio, il parviendrait "jusqu'aux mers de Chine," si possible. MM. Dollier de Casson e t Galinée étaient du voyage dans le but d'explorer le lac Huron.

5. C'était îe comptoir de traite de La Salle. Histoire de la colonie française, III, p. 29S.

6. Le nom de Lachine fut imposé l'année suivante à ce lieu. Il est do?ie inexact de dire que La Salle partit de Lachine, comme Vécrit Pierre Margry. Il faut dire Saint-Sulpiee.

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I J A C H I N E 69

M. Dollier de Casson écrit qu'ils partirent tous en­semble "du saut Saint-Louis, à une lieue et demie" de Montréal, ou si l'on veut une lieue et demie de la ré­sidence des prêtres de Saint-Sulpice. Rendus au fond du lac Ontario ou le voisinage de Niagara, MM. Dollier de Casson et Galinée se séparèrent de La Salle et se rendirent au saut Sainte-Marie par les lacs Erié et Huron. La Salle renonça à son voyage et ses hommes reprirent la route de Montréal où ils rentrèrent après quatre mois d'absence.

Dans son Histoire du Montréal, publiée par la Société historique de Montréal, M. Dollier de Casson dit en plaisantant que le nom de Lachine fut donné à la localité d'où était partie, en 1669, l'expédition de La Salle. Il fait entendre sur un ton badin que le retour des "Chinois" causa quelques risées dans le public. M. Dollier de Casson aimait à rire; je pense qu'il est l'auteur du terme satirique Lachine. Il parle de la "transmigration" des voyageurs de La Salle, voulant par là signifier que ces braves gens, partis pour se rendre à la Chine et revenant penauds, méritaient le surnom de Chinois. Une confusion existe dans son récit, car il place ce trait en l'année 1667-68, bien qu'il sut, mieux que personne, que la chose avait eu lieu l'automne de 1669, au retour des hommes de l'expé­dition. Ce n'est pas la première fois que des annalistes ont transposé ainsi des faits dont ils connaissaient et la vraie date et le caractère particulier, sans s'aper­cevoir de la fausse interprétation que les historiens pourraient leur donner. C'est ce qui n'a pas manqué dans le cas qui nous occupe.

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70 LACHINE

Il me semble impossible de contester que le nom de Lachine ait été donné par ironie à la suite de l'ex­pédition manquée. C'est la risée publique qui a im­posé ce nom. La Salle, qui ne l'a jamais employé dans les actes aujourd'hui connus, ne doit pas en avoir été l'auteur. C'est M. Dollier de Casson qui a dû le créer ou qui s'en fit le propagateur après son retour de la baie de Quinte, au printemps de 1670. Ce qu'il en dit me paraît être un acte de baptême.

Quoi qu'il en soit, dans un acte du greffe de Montréal, en date du 11 juin 1670, figurent ces mots : "le lieu de la Chine ainsi appelé," et encore : "l'habi­tation qu'on appelle la petite Chine," expression qui, d'après la remarque de l'abbé Faillon, montrent que ce nom devait avoir été adopté récemment. Le 8 oc­tobre de la même année, même source, l'intendant Talon se sert du mot en question pour désigner cet endroit, ce qui signifie qu'il répète ce que les gens du pays disaient. Donc, un an après le retour des "Chinois" le nom de Lachine était déjà adopté, et non plus Saint-Sulpice.

Le plan de l'île de Montréal, publié par feu Ho­noré Beaugrand dans son album du Vieux Montréal indique la date des forts construits en remontant de­puis la ville jusque vers quatre lieues. Ce sont: Ver­dun, 1662; Cuillerier, 1672; Lachine, 1672; Rémy, 1671; Rolland, 1672.

Verdun était le nom de la mère du premier Vau-dreuil qui vint en Canada et qui fut employé d'abord dans l'île Montréal. Si le nom de Verdun provient de cette source, il est bon de constater qu'il remonte

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MACHINE 71

à peine à 1686, mais il pouvait y avoir eu un fort en ce lieu dès 1662, sous un nom quelconque.7

René Cuillerier était un habitant bien connu de l'île de Montréal.

Le fort Rémy doit son nom à M. Pierre Rémy, prêtre du Séminaire de Saint-Sulpice, et non pas à Rémy de Courcelles qui commandait dans l'île en 1671.8

Rolland ou Lenoir-Rolland était un traiteur très actif un peu avant 1672 et longtemps après cette date.

Pour avoir été construit en 1672, comme le veut la carte de feu Honoré Beaugrand, il faut que le fort de Lachine ne soit pas celui de La Salle, en admettant que ce dernier eût jamais érigé un fort à la côte Saint-Sulpice durant les douze ou quatorze mois qu'il fut possesseur de ces terres."

Lachine est à trois lieues de Montréal. La Salle dit que son fief était situé au-dessus du saut Saint-Louis. L'abbé Faillon observe que ce fief était en face du saut Saint-Louis et semble avoir été d'une assez vaste étendue. M. Dollier de Casson note qu'il

7. Le recensement de 1681 donne Verdun. Depuis la pu­blication première de cet article (1887) M. Suite a écrit une étude plus détaillée sur Verdun, parue dans les Mélanges histo­riques, volume S. p. 5257. Quant à nous, il faut placer plutôt à 1672 l'origine du nom de Verdun, probablement ainsi nomme par Zacharie Dapuis. major de Montréal. N'y aurait-il pas faute d'impression dans le. Vieux Montréal et ne devrait-on pas lire 1672 au lieu de 1662 ? Désiré Girouard a adopté. 1662, mais il se base en ceci sur le Vieux Montréal.

8. Texte à, corriger dans les Pages d'histoire du Canada. p. 484, et les Nouvelles Soirées canadiennes, 1887; p. 481.

9. Désiré Girouard prétend que le fort de Lachine, aussi appelé fort de l'Eglise, et le fort Rémy n'étaient qu'un même fort. Ajoutons que les dates données par M. Girouard de l'érec­tion de ces forts ne s'accordent pas toutes exactement avec celles des documents ci-haut indiqués.

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72 LACHINB

s'embarqua avec La Salle à une lieue et demie de Montréal; si cette mesure est prise à partir du pied du canal Lachine actuel, ou de la résidence des prêtres de Saint-Sulpice, nous n'arrivons qu'à moitié chemin entre Lachine et Montréal. Est-ce bien sur le site de Lachine que La Salle commença des travaux en 1668? Ne serait-ce pas plutôt aux environs du fort Cuille-rier?

Nous venons de voir que la durée de la résidence de La Salle à Montréal se limite à une vingtaine de mois dont douze à quatorze comme seigneur du fief Saint-Sulpice. C'est durant ce court espace de temps que l'on veut qu'il ait fait des voyages d'exploration dans le nord pour se préparer à ses fameuses décou­vertes. Il est possible que, l'hiver de 1667-68, il ait remonté l'Ottawa — cela compterait pour un voyage et pas plus. L'été et l'automne de 1668, il était tout à sa seigneurie. Pour l'hiver de 1668-69, il se pro­cure une maison à Montréal, puis il part le 6 juillet 1669 pour visiter les lacs Ontario, Erié, etc. Toute l'erreur vient de ce que l'on a cru voir La Salle fixé à Montréal pendant quatre ans, de 1666 à 1670.

Maintenant, voulez-vous savoir pourquoi cet ar­ticle est ici réimprimé? C'est que je viens de lire dan9 un livre récent : "Le nom de Lachine a été donné par La Salle à son fief du lac Saint-Louis."

Hum ! Je doute fort que La Salle ait voulu ren­dre durable le souvenir de son expédition manquée,

Car chacun se moquait de lui Après son voyage à la Chine Commencé de si haute mine Et finissant à petit bruit.

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LACHINE 73

II

Autre question. La Salle a-t-il découvert 1'Ohio en 1669? Non, il ne l'a pas découvert et il ne s'en est jamais vanté. Trente ans après sa mort sa famille affirmait cela, sans preuve, et plusieurs historiens ont répété l'erreur.

Comme nous venons de le voir, le Séminaire de Saint-Sulpice avait concédé un fief à La Salle en 1667-68; le lieu se nommait "côte Saint-Sulpice".

Le 6 juillet 1669 l'expédition de La Salle et de MM. Dollier de Casson et Galinée s'embarquait à la côte Saint-Sulpice. Rendu à la baie de Burlington, La Salle se dit malade et il explique que ses hommes sont novices dans ces voyages; par conséquent vers le 1er octobre on se sépare; le groupe de La Salle retourne à Montréal et les deux prêtres continuent leur marche vers le lac Erié. Pierre Margry adopte la maladie de La Salle et l'incapacité de ses hommes mais il ajoute que, tous ensemble, ils sont allés de suite à l'Ohio ! De retour à Montréal,10 les hommes de La Salle furent moqués et on leur appliqua le surnom de Chinois en dérision du voyage manqué, parce qu'ils étaient partis soi-disant pour se rendre à la Chine. Ces hommes se défendirent en exposant les périls et misères de la route et ils affirmèrent que MM. Dollier de Casson et Galinée et leur escorte n'en reviendraient pas. Ils avaient parlé de la sorte dès la baie de Burlington.

3 0. Ils n'étaient donc pas allés à l'Dhio !

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74 LACHINB

Pierre Margry dit que La Salle trompa MM. Dol-lier de Casson et Galinée,11 qu'il prit un détour pour s'en séparer, gagna l'Ohio et le descendit jusqu'au Mississipi, et les écrivains l'ont copié.

Le 18 juin 1670, MM. Dollier de Casson et Ga­linée arrivent à Montréal et apprennent les racontars des hommes de La Salle sur leur compte. On avait cru ces deux prêtres et leur escorte morts en route. Peu après arrive aussi à Montréal Nicolas Perrot qui dit avoir rencontré La Salle qui s'en allait faire la chasse aux chutes des Chats (chats sauvages), à cent cinquante milles en haut de l'Ottawa.

Comment pouvons-nous adopter la supposition de Pierre Margry qui veut que La Salle ait fait le long voyage de l'Ohio et du Mississipi entre le 1er octobre 1669 et le printemps de 1670? Cet auteur avoue qu'il n'a rien de positif. Il ignorait la présence des hommes de La Salle à Montréal durant l'hiver de 1669-70 et leur surnom de Chinois. Il base sa supposition sur une affirmation d'un "homme étranger à l'Amé­rique",1 2 et, de plus, il ne donne aucune date. Francis Parkman exprime son doute sur la valeur d'un pareil document. La Salle, qui écrivait souvent pour faire valoir ses découvertes, ne dit pas qu'ayant quitté MM. Dollier de Casson et Galinée il s'est rendu à l'Ohio. Ces deux derniers, plutôt amis de La Salle, ne parlent pas non plus d'un tel voyage, ce qui montre bien qu'il

11. Il donne à entendre qu'il suppose que La Salle trompa. C'est une supposition, rien de plus. Les Normands dans la vallée de l'Ohio, Journal de l'Instruction publique. Paris, 1862, p. 568.

12. Pierre Margry s'appuie sur un mémoire qu'il dit être d'une personne tenant ses renseignements par ouï-dire.

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n'a pas eu lieu puisqu'ils mentionnent en deux fois les cancans des hommes de La Salle durant l'hiver de 166ÎV70 à Montréal. Les sources oft s'est inspiré Pierre Margry sont des notes ou mémoires des créan­ciers de La Salle qui voulaient se faire payer par le roi. Le dernier est de 1756. Louis XIV et Louis XV répondirent que les affaires de La Salle ne les regar­daient point.

On a dit que, sur une carte de Louis Jolliet, à Québec, l'Ohio est indiqué: "Route du sieur de La Salle". Qui a tracé ces mots et quand cela a-t-il eu lieu? D'autres cartes ont été chargées pareillement par après dans les mêmes bureaux de Québec. Il y a peut-être acte de faussaire en ceci, mais je pense que c'est plutôt étourderie."

III

Depuis que les lignes qui précèdent ont été écrites, 1887, j'ai vu avec plaisir la jolie brochure intitulée le Vieux Lachine et le Massacre du 5 août 1689, impri­mée en 1889 par Désiré Girouard, ancien député, un travailleur dont la renommée n'est pas à faire. Cette fois, laissant (de côté la rédaction des factums de l'avocat, il s'est tourné vers l'histoire, en choisissant de préférence ce qui concerne sa propre paroisse. Très bien, on n'est jamais mieux inspiré qu'en parlant de son pays. Ecrire une page d'histoire de mérite que tous les curieux et les amateurs devront consulter est

13. La "certitude" que La Saile a découvert "la grande rivière Ohio" a été fortement contestée de tout temps.

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presque un tour de force. Que l'on essaie un peu, si l'on doute !

Il n'y a pas chez nous d'historien de profession, faute de pouvoir tirer des livres que l'on écrit un re­venu qui donne le pain quotidien. Nous sommes donc des amateurs qui publions, à nos risques et périls, des ouvrages dont les éditeurs en Europe, par exemple, achèteraient les manuscrits. Amateurs nous sommes, rien que cela, mais vu notre situation particulière, amateur est plus honorable qu'historien en titre. Le sacrifice de temps et d'argent est notre partage. Nous n'avons devant nous ni l'appât du lucre ni les loisirs qui nous feraient encore trouver le travail agréable. Il y a entre les historiens de l'ancien monde et nous cette différence que nous travaillons pour la patrie, sans espoir de rémunération, tandis que nos confrères de là-bas exploitent, avec profit à la clef, un monde déjà formé aux études, payant ce qui vaut la peine d'être payé et honorant l'érudition. Tout est encore maigre et étroit chez nous, à cet égard. On considère que, celui-ci ou celui-là, qui a donné à la presse des tra­vaux importants, est obligé de continuer à produire. Pourquoi? Parce que son talent le porte vers l'esprit de sacrifice. A lui la tâche de remettre au jour les choses d'autrefois. On ne songe pas assez souvent à l'en remercier par une souscription raisonnable. Il doit imprimer, croit-on, puisque c'est une oeuvre na­tionale qui l'inspire.

Mes compatriotes, vous achetez trop de livres inu­tiles et vous n'achetez pas assez de livres nécessaires. Réfléchissez, mettez-vous dans la tête de n'acquérir que des ouvrages instructifs, et vous verrez que l'ar-

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gent ne se gaspille pus plus, sous ce nouveau système, que sous le régime que vous suivez, et de plus, que vous êtes, en fin de compte, mieux renseignés que si vous achetiez tous les beaux volumes qui se présentent. Ayez une bibliothèque canadienne petite ou grande, mais qu'elle soit canadienne !

Est-il rien de plus beau que de connaître parfaite­ment l'histoire de sa paroisse? Pour cela, il faut lire. Lire quoi? Lire le livre du courageux travailleur qui a su ressusciter les annales du passé. Ah ! vous ne comprendrez pas ce qu'il a eu de peine à retrouver tout cela, fort bien, mais lisez-le ! Il vous dépasse de cent coudées peut-être par ses connaissances acquises dans le travail, mais, encore une fois, lisez-le ! Vous sortirez de l'examen de son oeuvre plus homme que jamais, plus Canadien, plus solide en tout. M. Gi-rouard a compris cela. Il redonne du ton à vos nerfs en parlant du vieux Lachine d'il y a deux siècles. Et quand on dit Lachine, on dit presque toute l'île de Montréal, car les événements sont tellement enchaînés les uns aux autres que les séparer n'est pas possible. Lachine, en de certains moments, c'est Montréal, et Montréal c'est Lachine.

Demain, si vous me dites d'aller habiter telle pa­roisse, et si j ' y vais, tout de suite j'éprouve le désir de connaître l'histoire de cette localité. Est-ce comme ça que vous êtes? Vous me répondrez que non. En ce cas, vous avez tort, à mon point de vue. Il ne suffit pas de vivre dans le présent; le passé a des charmes que nous serions bien fous de méconnaître.

M. Girouard a l'amour du passé. S'il rappelle les souvenirs de ce temps-là, c'est pour stimuler notre

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ardeur patriotique. L'orgueil du sang est un ressort qu'il ne faut pas laisser affaiblir. En nous racontant les malheurs et les exploits de nos pères, il fait plus que de verser un million de piastres dans nos poches. Donnez-moi une nation qui sache son histoire, je n'aurai pas de peine à en faire une nation vaillante. Il faut, pour arriver à ce but, que chacune de nos paroisses ait ses annales publiées, mises au jour, com­mentées, examinées, annotées, comprises enfin. Cette oeuvre nationale demande le concours de plusieurs in­telligences et un esprit de sacrifice rare dans un monde qui lutte pour le pain quotidien. M. Girouard s'est imposé la tâche de mettre au jour ce qu'il avait eu le courage de collectionner touchant sa paroisse, l'une des plus historiques du Canada français. Qu'on l'en félicite. Le plus tôt son exemple sera suivi le mieux ce sera. En ce moment il se fait un mouvement dans le pays pour accomplir cette belle oeuvre de l'histoire des paroisses, secondons-le de tout notre pouvoir.

Dans les brochures de M. Girouard, en général, la disposition des matières n'est pas toujours aussi claire qu'il le faudrait; cela est dû à certaines pièces qui n'ont été trouvées qu'au moment où la matière de ces brochures était composée ; néanmoins tout y est et le lecteur n'éprouvera aucune peine à grouper les faits dans sa mémoire selon qu'il le jugera à propos.

Les gravures dont le Vieux Lachine et le Mas­sacre du 5 août 1689 sont ornés valent dix fois le prix marchand de l'ouvrage. Voyez-vous le fort Rémy en 1671? C'est le berceau de la paroisse de Lachine. A côté est le portrait de La Salle qui, le premier, porta la civilisation dans ces endroits. Les vieilles maisons

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très normandes de Jacques Leber et de Charles Le-moine sont à croquer. René Cuillerier, l'homme aux aventures, a aussi le tracé de sa résidence dans ces pages toutes inspirées du sentiment canadien. L'église de Lachine, bâtie en 1710, au centre du fort Rémy, et démolie en 1869, est là toute droite, avec son air des anciens jours. Puis on voit des cadastres, les plans de tous les terrains, des listes de colons. C'est la chose qui manque à la plupart des monographies pa­roissiales. Lachine ainsi traitée devient plus histo­rique que jamais.

Le Salle, comme fondateur, ou plutôt premier ha­bitant, figure ici avec droit. A-t-il vraiment songé à établir des colons en ce lieu? C'est ce "qu'on ne saurait dire. Son esprit de découvertes et la spontanéité de tous ses mouvements nous portent à croire qu'il pen­sait aux régions de l'Ouest avant tout et que Lachine ne devait être pour lui qu'un pied à terre. Ce per­sonnage s'est identifié avec Cataracoui, surtout avec le Mississipi ; ses visées étaient là-bas, là-bas ; il fai­sait grand. Si la fin de sa carrière a été un insuccès et une tragédie lamentable, il n'en reste pas moins un être étonnant au milieu de cette phalange de décou-. vreurs, de fondateurs et de voyageurs qui marquèrent chez nous la fin du XVIIe siècle. Ce qui semble bien constaté c'est qu'il avait un caractère irascible et était, comme on dit, mauvais coucheur. Avec des projets immenses, il ne savait pas se faire aimer personnelle­ment. De là ses déconfitures et sa triste fin. Ses en­treprises de découvertes appartiennent à l'histoire, et Lachine ne saurait qu'être fière d'une gloire qui a passé sur son sol. Le monument qui s'élèvera un jour,

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chez nous, à la mémoire de La Salle devra être planté à Lachine. C'est là que le découvreur a préparé ses plans, et c'est de là qu'il est parti pour ses courses loin­taines vers les régions inconnues, nouveau Christophe Colomb, comme lui devenu malheureux après ses triomphes.

Les plus anciens habitants de Lachine se nom­maient Jean Miilot, René Cuillerier, François Lenoir-Rolland, P. Bouchard, Georges Allète ou Alain, Pierre de Saint-Germain, Jacques Morin, Antoine Picard, Ro­bert Rhéaume, René Chartier, François Méloche, Etienne Hébert dit Saint-Martin, Vincent Alix ou Aly, Simon Davaux, Nicolas Ozanne, Laurent Bory sieur de Grandmaison, André Rapin, Mathias Châteaudeau dit Massias, Claude Garigues, Noël Chamois dit Duples-sis, Pierre Gauthier, Mathurin Thibaudeau, Nicolas Moisan, Jean Fagueret dit Petitbois, Pierre Pérusseau et plusieurs autres dont il est parlé dans l'ouvrage qui nous occupe en ce moment.

Un type c'était Lenoir-Rolland ! Il avait bâti un fort à lui tout seul pour protéger son commerce. Le site devint important. Jamais Lachine historique n'oubliera Lenoir-Rolland. Il a eu procès sur procès devant les cours de justice. C'était le plus remuant des fondateurs de Lachine. Son vrai nom était Le­noir, mais son père avait Rolland pour nom de bap­tême, de là Lenoir-Rolland. La famille existe encore. Les tanneries des Rolland sont encore de nos jours comme un nom de ville, tant le public s'est familiarisé avec cette appellation. N'étant pas marié, Lenoir-Rolland était considéré comme ne pouvant tenir mai­son dans un lieu écarté de la ville. En 1671, il fut

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appelé à répondre de sa conduite à cause de cela. Il promit de se marier l'année suivante à l'arrivée des vaisseaux de France et, effectivement, il épousa, le 2 janvier 1673, Marie-Madeleine Charbonnier, fille d'un ancien officier de la maison du roi. Charbonnier et Lenoir vont bien ensemble.

Les familles qui actuellement possèdent les terres des premiers colons se trouvent indiquées dans la bro­chure que nous avons mentionnée. C'est une bonne idée.

Le massacre du 5 août 1689, qui a été si souvent raconté, et mal raconté, hélas, est étudié ici pour la première fois, et les pertes de vie réduites à une pro­portion qui semble raisonnable. M. Girouard s'est dit que la légende, comme toutes les légendes, devait être en désaccord avec la réalité. Pour former son opinion il a consulté les sources accessibles, le papier-terrier, les recensements, les registres de l'église, etc., et il a contrôlé les récits des contemporains de cet événe­ment. En somme, il doit être correct dans ses don­nées. N'ayant d'autre parti-pris que de rechercher la vérité, il ne subtilise pas, il expose ses trouvailles et les livre à la connaissance du lecteur. C'est le bon procédé en histoire. Ce qu'il a appris nous le savons maintenant grâce à lui. Les conclusions qu'il en tire peuvent ou ne peuvent pas satisfaire ceux qui désire­raient étudier encore le sujet, mais je crois qu'il a poussé si loin et si bien ses investigations que per­sonne n'amènera contre lui ce qu'on appelle une forte preuve. Pour moi c'est comme une affaire réglée.

Il n'est pas à espérer généralement que les grands historiens exposent par le détail des faits locaux per-

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dus dans l'ensemble des événements. C'est au cher­cheur tenace, qui s'applique à élucider un point quel­conque d'une question en jeu, qu'il appartient de trai^ ter les sujets embrouillés et d'y porter la lumière. Le cas se présente ici. En homme de loi et en amateur de l'histoire, M. Girouard nous a rendu le service de plaider une cause intéressants et surtout de plaider le pour et le contre, ce qui rend la démonstration plus attrayante. On ne fait pas mieux nulle part.

C'est encore merveilleux de voir que nous n'ayons pas perdu toutes les pièces écrites il y a deux siècles ! La négligence a été si grande que je m'étonne cons­tamment à la vue de ces vieux documents tirés tout-à-coup de la poussière de l'oubli par un curieux intel­ligent et qui ne regarde pas à ses peines. S'il était possible de publier ces masses de registres, de lettres, de rapports, de recensements, qui sont le reflet véri­table de la vie de nos ancêtres, combien mieux nous apprendrions notre histoire ! Cela viendra, mais hâ­tons-nous, le danger de tout perdre est plus grand que jamais.

Nos paroisses ont des notaires, des médecins, des arpenteurs qui ne manquent pas de loisirs. Si vous leur faites lire l'alinéa qui précède ils diront que c'est juste comme idée. Dites-leur donc alors que la tâche de recueillir ces anciennes pièces et de les mettre au jour forme partie de leurs devoirs, comme gens ins­truits et patriotes. Il s'en trouvera dans le nombre qui vous comprendront et qui prendront la plume. Cette propagande est très désirable. Il n'est pas né­cessaire d'être un littérateur pour chercher ici et là des documents et publier ces souvenirs du passé. Du

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moment où votre paroisse n'a pas d'histoire écrite, tout ce que vous imprimerez à son sujet sera du nou­veau. Ne soyez pas architecte, je le veux bien, mais devenez l'un des maçons de l'édifice, votre part sera belle encore. C'est rendre service au pays que d'ai­der à reconstituer son histoire. Toute pierre est utile ; apportez-en beaucoup et il viendra un homme qui les mettra en place pour élever un monument à la patrie commune.

(1889)

IV

Paroisse historique et typique, au même titre que la côte de Beaupré, l'île d'Orléans, Trois-Rivières, Saint-François-du-Lac, Boucherville, Longueuil et La-prairie, Lachine arrive immédiatement après les Trois-Rivières, celle-ci étant de droit à la tête de la liste.

Les amateurs de l'histoire du Canada ont suivi avec plaisir les démarches faites depuis plusieurs an­nées par Désiré Girouard, dans le but d'exhumer les souvenirs nombreux et si honorables que rappelle cette partie de l'île de Montréal. Son oeuvre va se com­pléter à bref délai. Il ne nous manquera plus que de voir la même chose se faire pour les Trois-Rivières et Laprairie, puisque la côte de Beaupré appartient au groupe de la ville de Québec, et que l'île d'Orléans a déjà deux historiens. Boucherville, Longueuil et Saint-François-du-Lac ont aussi leurs livres distincts.

Si vous trouvez étrange que je place les Trois-Rivières dans la catégorie des lieux qui n'ont pas en­core leur histoire écrite, malgré quatre à cinq mille

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pages que j 'a i publiées sur son compte dans les jour­naux et les revues, je vous dirai que l'argent me fait défaut pour réunir ou condenser cette substance en un corps unique, à la fois consultable et commode. M. Girouard a passé par la même filière, semant dans la presse le fruit de ses travaux, mais il vise main­tenant à concentrer le tout sous une même couverture. '•Ses moyens lui permettent un piano à sa fille". J'applaudirai le premier air que l'on jouera sur son nouvel instrument.

Après avoir reporté mes affections sur l'histoire de Longueuil et sur celle de Saint-François-du-Lac en compagnie d'aimables collaborateurs j ' a i penché vers Lachine, mais sans pouvoir me rendre utile de ce côté. Je pensais que M. Girouard avait dû laisser dans l'ombre une partie du sujet qu'il avait à coeur de traiter, mais lorsque j 'ai vu ses notes, ma foi ! j 'a i salué l'oeuvre de sa persévérance.

Tout ceci est à seule fin de vous annoncer l'appa­rition prochaine de l'Histoire de Lachine, une oeuvre habillée dans les règles, pas une brochure, pas une ten­tative première, mais un livre de bibliothèque, rempli jusqu'au bord de documents à consulter, ayant ses gra­vures de paysages, ses cartes, ses tableaux, parlant comme une voix du passé et répondant à toutes les questions qui concernent "ce petit coin de terre his­torique". Un jour viendra où tous nos petits coins de terre historique exhiberont leur gloire imprimée; ce sera dû aux travailleurs de la plume, mais ceux-là ne sont pas encore assez nombreux pour que l'on en forme une escouade de dix hommes avec un sergent. Si jamais nous devenons l'armée du salut national il

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LACHINE 85

faudra qu'il se soit passé plus d'une révolution dans le monde li t téraire du Canada. E t pourtant, quelle serait notre figure aujourd'hui, devant ceux qui nous attaquent, quelle arme pourrions-nous opposer aux imputations de peuple d'aventure et d'abandonné qu'il était de mode de nous adresser autrefois sans cet ad­mirable moyen de défense qui est notre histoire écrite ! Ah ! allez toujours, piocheurs et chercheurs, vous re­tirez de nos anciens débris de quoi ériger un rempart contre lequel le fanatisme des nations ne pourra ja­mais prévaloir. Allez ! vous avez la force initiale du boulet de canon que le vent de travers peut faire dé­vier quelque peu mais qui, s'il rencontre un obstacle, le pénètre et le démolit. Allez ! c'est comme dans un bombardement: tous les coups ne portent pas, mais il en reste assez pour abîmer la résistance. Ramenez à la surface notre histoire, trop négligée dans les dessous du ter ra in : ce sera un sol neuf qui fera germer la vertu et l'héroïsme. Notre siècle n'est pas si vilain qu'on le pense, il honore les peuples qui ont une his­toire.

Répétons-le, si tous ceux qui possèdent une maison dans une ancienne paroisse pouvaient, comme M. Gi-rouard, raconter l'histoire des terrains environnants et remettre au jour une page oubliée de nos annales, la bibliothèque canadienne serait la plus belle de toutes celles des colonies sous ce rapport. Il se rattache tant de souvenirs à ces établissements, surtout à ceux du dix-septième siècle ! Tantôt c'est un fait de guerre, un genre de commerce ou une industrie disparus, la mémoire de certaines familles marquantes, quelque procès célèbre en son temps que l'oubli a recouvert

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de ses voiles, des questions de bornage, de censive, de ponts, moulins et chaussées, toute cette vie d'autrefois qui ne peut renaître que dans les livres.

Ces livres, qui doit les écrire? Voilà le per­sonnage difficile à trouver ! Il n'en existe pas un par paroisse, je vous le laisse à savoir en toute bonhomie. Le meilleur d'entre eux, dès qu'il se met à l'ouvrage, s'aperçoit bien vite de l'isolement dans lequel il lui faudra opérer. Ses recherches semblent le reléguer hors du monde qui l'entoure et, n'étant pas compris, c'est-à-dire apprécié, rien ne lui vient en aide que son courage et son dévouement à la cause de l'histoire.

Travailler dans le vide est une fantaisie singu­lière, direz-vous. Ce qui est plus étonnant c'est de voir ce que l'on tire de ce vide lorsque l'on s'en donne la peine. Après quinze ou vingt ans de patiente an­notation au milieu des vieilles archives vous avez en mains huit ou dix mille bouts de papier qui portent chacun une bribe de renseignement, un petit fait in­connu, une observation neuve, un rapprochement de date ou de nom, bien souvent des erreurs puisées dans des volumes imprimés, enfin tout ce qu'il faut pour ressusciter la page d'histoire qui n'a jamais été écrite mais qui demande à prendre cette forme. Alors, vous fondez ensemble ces milliers de fragments d'argile, vous en composez des briques, des pierres, des moellons que vous ajustez ensuite, chacun à sa place, dans les assises et les murs de l'édifice qui vous est apparu au cours de vos études, car à mesure que vous avez exécuté vos découvertes, le plan d'ensemble de la page d'histoire s'est dessiné dans votre esprit, nuageux et vague d'abord, puis plus nettement et, enfin, tout droit

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et parfaitement équilibré, si vous avez su travailler dans la bonne manière. Les choses doivent en être là au moment où vous prenez la plume pour rédiger votre ouvrage.

Cette rédaction exige des qualités spéciales, la clarté venant en première ligne. Que la charpente du monument soit ferme dans toutes ses parties, et n'ap­puyez que sur elle. Quant aux ornements, il y a tou­jours la ressource de les placer quelque part, si ce n'est pas sur la façade ce sera à l'intérieur. La langue, simple et précise, doit être autant que possible d'ac­cord avec le dessin. Dans ces conditions, tout ce que vous avez à nous raconter aura de la valeur.

Mon expérience m'engage à dire que, pour bien expliquer l'histoire d'une paroisse, il faut se mouler absolument sur la marche chronologique. Les autres systèmes d'exposition des faits ne m'ont pas réussi. Plantez au début un jalon, la date la plus ancienne que vous ayez vue. Faites-la suivre d'un deuxième "piquet" et poursuivez de la sorte sans regarder l'ave­nir. Ayez sans cesse les yeux sur les jalons ainsi posés, lesquels représentent le passé, le chemin par­couru par votre plume. Laissez le lecteur se deman­der ce qui va arriver après cela. En de certains pas­sages vous aurez à faire part de vos réflexions, à rap­peler ce qui s'est déroulé un peu auparavant ; rien n'est plus aisé que de vous faire comprendre de cette façon puisque le lecteur en a appris autant que vous au cours de votre propre récit. Bien au contraire ce sera, si vous avez la malencontreuse habitude d'enjamber en avant, d'anticiper sur les événements et d'embrouil­ler ceux qui cherchent à vous suivre. Restez le dos

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tourné aux choses qui n'ont pas encore eu lieu. Di­rigez-vous à reculons, le regard fixé sur les points de la route t racée; c'est ainsi que procède un bon ar­penteur pour tenir la ligne droite. Plus on approche de notre époque par cette méthode, plus on se rend maître de l'attention du lecteur qui jouit avec nous des connaissances acquises au commencement et au milieu de l'ouvrage.

Ce n'est pas tout que d'entreprendre l'examen d'une paroisse historique; craignez qu'un homme plus savant ou plus courageux que vous ne vienne après trente ou quarante ans, peut-être dix ans, vous faire disparaître. Agissez de manière à garder votre ter­rain, en le couvrant tout entier de votre étude. Faites en sorte que l'on ne puisse qu'ajouter à ce que vous avez accompli. Autrement, vous aurez construit des fondations sur lesquelles un entrepreneur quelconque bâtira, en son nom, et vous irez ad patres rejoindre les disparus. Arrangez-vous pour être le ciment de l'his­toire écrite; qu'on ne se passe plus de vous; mettez dans vos études un fond solide — que l'on bâtisse sur cette pierre, mais que vous soyiez cette pierre. C'est bien le moins puisque vous avez conçu l'oeuvre. Ne la laissez pas inachevée avant que de l'avoir marquée de votre coin. M. Girouard a cette belle ténacité que j ' admire : à lui Lachine ! Un autre viendra qui vou­dra prendre la place : elle est prise.

Le Vieux Lachine et le Massacre du 5 août 1689, paru en 1889, les Anciens forts de Lachine, brochure publiée en 1891, les Anciennes côtes du lac Saint-Louis, qui sont de l'automne de 1892, les Anciens postes du lac Saint-Louis et d 'autres pièces encore en porte-

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feuille, tels sont les matériaux qui vont servir à l'His­toire de Lachine.u

Depuis cinq générations, la famille Girouard ha­bite le haut de l'île de Montréal. C'est d'abord An­toine qui se fixa à la côte Sainte-Marie. Il était né à Mont-Luçon, en Bourbonnais, l'année 1696, fils de Jean Girouard, conseiller du roi et contrôleur du dé­pôt de Riom, en Auvergne; sa mère était Pétronille Georgeau. Marié à Montréal en 1723, avec Marie-Anne Barré, il a été à la fois cultivateur et huissier royal. L'un de ses fils, Henry, cultivateur et menui­sier, demeurait à la côte de Vertu, près du village de Saint-Laurent. Un fils de ce dernier, Julien, cultiva­teur et forgeron, vécut à Saint-Laurent, puis dans le comté de Beauharnois. De son fils Jérémie, cultiva­teur et charron, demeurant à Lachine, naquit Désiré, l'auteur du travail qui nous occupe. Celui-ci est re­venu à la profession légale, comme son ancêtre men­tionné plus haut. Le bois, le fer, la terre et la loi sont les matériaux qui entrent dans la composition de ce chercheur tenace. Avec de telles ressources on peut bâtir à chaux et à sable tout le vieux Lachine et même davantage.

13 avril 1893.

14. Ce travail n'a pas été publié tel que l'avait conçu d'a­bord M. Girouard. Une traduction anglaise «n peu abrégée fut éditée en 1893 sous le titre Lake 8t. Louis old and new illustrated and Cavelier de La Balle. 298 pages, in-8, et plus tard un Supplé­ment au Lake St. Louis. 1900, 140 pages, in-8.

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IL'amiral &ir William ^fjtpô1

Cotton Mather, bien connu par ses écrits dans la Nouvelle-Angleterre, était compatriote et contempo­rain de Phips dont il a retracé la vie avec beaucoup de soin. La lecture de son étude m'a fait comprendre deux choses, savoir: que Phips était un homme re­marquable par son énergie et que nous ne connaissons rien de sa carrière, sauf que, en 1690, il tenta de s'emparer de Québec.

La famille de notre personnage habitait Wool­wich, sur la côte du Maine. Le père était armurier, aussi forgeron, taillandier, faiseur de clous, etc., comme tous les ouvriers en fer de son temps. I l avait vingt-et-un fils et cinq filles. Le petit William, né en 1651, se disait attiré vers la mer et bientôt il devint apprenti charpentier de navire, genre goélette, bar­ques et pinasses. Il apprit à lire, écrire, compter, du­rant cette période, puis son temps d'épreuve terminé, il se dirigea du côté de Boston, entreprit de construire un bâtiment, se maria, réussit à merveille dans son métier, dessina un navire pour lui-même, le construi­sit, le gi'éa et l'ayant chargé de bois de service, le

1. Inédit. Autrefois on écrivait "Phipps", l'orthographe véritable. Aujourd'hui on écrit indifféremment "Phipps" ou "Phips". .

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L'AMIRAL SIR WILLIAM PHIPS 91

conduisit en Angleterre. Ce commerce l'occupa une dizaine d'années avec profit.

Comme navigateur il était cité avec éloge. Un jour on lui parlait d'une riche cargaison naufragée et considérée comme perdue, aux îles Bahama; il conçût l'idée de repêcher ces marchandises, équipa un vais­seau dans ce but, composa un corps de matelots qu'il dressa aux exercices nécessaires pour opérer ce sau­vetage et, après des travaux ardus, des efforts sou­vent infructueux, rentra à Boston chargé du produit de sa trouvaille.

Son énergie dépassait la dose ordinaire de celle des marins. Avec cela il était inventeur d'appareils nautiques. Vers 1683 il entendit dire qu'un galion es­pagnol portant des lingots d'or et d'argent avait péri dans une baie du voisinage cle la Plata ; tout de suite il passa en Angleterre, y forma une compagnie d'action­naires, construisit des machines spéciales pour la re­cherche du trésor en question et le roi Charles II lui confia un navire avec près de cent hommes d'équipage. L'histoire de cette campagne est longue et nous montre le courage, l'esprit plein de ressources du ci-devant charpentier. Il retourna à Londres avec trois cent mille louis sterling du précieux métal, que les action­naires eurent le plaisir de se partager, lui laissant vingt mille louis pour sa peine. Le roi le fit chevalier.

Bientôt après il forma une compagnie maritime mais on l'envoya grand shérif de la Nouvelle-Angle­terre, d'où il fut rappelé en 1689 lorsque Guillaume d'Orange monta sur le trône. C'est alors qu'il devint amiral.

E n 1690 il fit l'expédition de Québec, fort bien r a -

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92 L'AMIRAL SIR WILLIAM PHIPS

contée par feu Ernest Myrand dans un livre rempli de renseignements tirés de cent endroits divers.2

Après cela Phips fut gouverneur du Massachu­setts, puis il retourna en Angleterre et y décéda en 1695. âgé de quarante-quatre ans.

Un petit-fils de Phips épousa une Mulgrave, de haute noblesse, et reçut le nom de Mulgrave qui est encore dans les classes dirigeantes du royaume, comme aussi la branche de Normanby issue de Phips-Mul-grave.

5 août 1921.

2. Bir William Phips devant Québec; histoire d'un siège. Québec, 1893, in-8, 428 pages.

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ï,3le=à=la=Jfo«rtïje

A ces mots tous les Nicolétains ouvrent l'oreille. Nous avons été bercés aux récits que nos pères fai­saient de l'héritage de l'Ile-à-la-Fourche. A quel heureux mortel la Providence accorderait-elle enfin cette principauté qui faisait tant de jaloux, tant de mécontents et qui suscitait tant de procès? Mystère et bavardage. Mais mystère bien plus grand lors­qu'il s'agissait de fixer les limites de l'île, laquelle, au bout du compte, n'est pas une île à moins que ce ne soit l'île "escarpée et sans bords" dont parle Boi-leau. Une île sans bords ! Ce doit être en effet bien escarpé—et assez drôle à voir. Je pense plutôt que cela n'est pas même visible, car si pas de bords, pas d'île ! Juste comme l'Iîe-à-la-Fourche. Si Dieu me prête vie, un autre jour je parlerai de la question en commençant par le commencement. En ce moment, je rencontre dans un registre du bureau du secrétaire d'Etat copie de quelques lettres sur ce sujet.

Nicolas-Eustache Lambert-Dumont paraît avoir disputé à Nicolas-Benjamin Doucet certains droits sur l'Ile-à-la-Fourche. Il est fait mention d'un juge­ment interlocutoire rendu le 27 septembre 1819, par la cour du banc du roi siégeant aux Trois-Rivières. C.-R. Ogden, avocat, représentait la Couronne dans cette cause.

Le 11 mai 1821, le secrétaire du gouverneur écrit à l'avocat Vallières de Saint-Real, lui disant que l'ad-

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94 L'ILE-A-LA-FOURCHE (Nicolet)

minis trat ion va s'occuper sans délai de la supplique par lui soumise, concernant "l'existence, la s i tuat ion et l'étendue de l'Ile-à-la-Fourche". D a n s ce but, le gou­verneur envoya sur les l ieux les arpenteurs John A d a m s et L'Ecuyer. Je ne sais s'ils parvinrent à déterminer la s ituation de l'île, ou enf in son étendue, m a i s l e s ap­parences indiquent as sez peu de succès de ce côté .

Le 5 janvier 1822, le secrétaire du gouverneur écrit à Lambert -Dumont que l 'avocat C.-R. Ogden vient d'être chargé de prendre des mesures pour régler l'affaire de l'Ile-à-la-Fourche. Cela ne veut pas dire que l'affaire a i t été réglée. Lamber t -Dumont demanda l 'autorisation de se présenter au château Saint-Louis de Québec et d'y rendre foi e t h o m m a g e en qualité de se igneur de l ' I le-à- la-Pourche ; m a i s le 11 février, le secréta ire du gouverneur lui a n n o n ç a que, vu l e s c irconstances qui se ra t tacha ient au débat relatif à ce domaine, la permiss ion de rendre foi et h o m m a g e ne pouvait lui être accordée.

Ici f init la correspondance. J e ne pourrais dire comment se termina l e procès . 1

* * *

Les lignes qui précèdent ayant paru dans le Nicolétain du 9 février 1888, quelqu'un me dit:

1. Dans les manuscrits laissés par feu J.-O. Dion il y a un document qui indique que ce procès "roulait" depuis plusieurs années. Voici cette pièce:

"DISTRICT OF THREE RIVERS: By virtue of a Writ ot Execution iffued out of His Majefty's Court of King's Bench holding civil pleas and for the faid Diftrict, at the fuit of Nicolas Benjamin Doucet. againft the goods and chatties lands

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L ' I LE-A-L A-FOURCHE (Nicolet) 95

— Vous avez tort de vous moquer de I'Ile-à-la-Fourche. C'est compliqué, mais c'est sérieux.

J'ai répondu: — Il n'y a rien comme de lire dans les gros

livres; on devient incrédule en diable. Je ne crois pas à votre île. Si vous parliez de Robinson Crusoé, à la bonne heure ! lui, il avait une île. Mais, à pro­pos de celle de Nicolet, vous pouvez dire que Robinson crut Zoé et qu'il fut bien trompé. C'est sérieux, dites-

and tenements of Nicolas Euftache Lambert Dumont fils, Efquire, to me directed, I have feized and taken in execution as belonging to the faid Nicolas Euftache Lambert Dumont fils, the land and Seigneury of the Ifle a la Fourche, fituated in the river com­monly called riviere Nicolet included in the limits hereafter defcribed v iz : to the North Weft , by the fork of the river Nicolet. to the Eaft and South Eaft by the two branches of the riviere Noir, of which one branch empties itself into the river Nicolet and another into the lake St. François, to the North Weft and Weft by the South Weft River Nicolet, to the South and South Weft, by the two branches of the river Nipi-gigam Hantancning (an Algonquin name which fignifies fcparat-ing Nicolet) of which one branch falls into the South Weft river Nicolet at the fourth carrying place above the lake Nicolet, and the other branch into the faid riviere Noir, at a league above the lake St. François; excepting fuch part of the Sei­gneury of Nicolet which may be included within the said Ifle ù la Fourche; together with the rights annexed and inherent to the faid Fief and Seigneury of the Ifle à la Fourche. Now I do hereby give notice that the said premifes will be fold adjudged to the highest bidder at the Church door of the Parifh of Nicolet, on Monday the nineteenth day of September next at eleven o'clock in the forenoon, at which time and place the conditions of Sale will be made known.

H, BLACKSTÔNE, Sheriff. Al l and every perfon or perfons having claims on the above

described premifes, by mortgage or other right or incumbrance, are hereby advertifed to give notice thereof to the faid Sheriff, at his office aforesaid, according to law; and further that no oppofition afin d'annuller or afin de diftraire the whole or any part of the faid premifes. or afin de charge or fervitude on the fame, will be received during the fifteen days previous to the fale thereof. Three Rivers, V7th May, 1803.

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96 L ' I L E - A - L A - F O U R C H B ( Nicolet )

vous. E h bien ! soyons sérieux, et magistral s'il le faut.

Le 29 octobre 1672, à Québec, l'intendant Talon, en vertu des pouvoirs qu'il tenait du roi de France, accorda à Arnoult de Loubias, capitaine au régiment de Broglie, 2 "en considération des bons, utiles et louables services qu'il a rendus en différents endroits, tant en l'ancienne France que dans la nouvelle, deux lieues de front sur autant de profondeur, à prendre sur le lac Saint-Pierre, savoir: une lieue au-dessus et une lieue au-dessous de la rivière Nicolet, icelle comprise, à la charge qu'il continuera de tenir ou faire tenir feu et lieu sur la dite seigneurie, et qu'il stipulera dans les contrats qu'il fera à ses tenan­ciers qu'ils seront tenus de résider dans l'an, et tenir feu et lieu sur les concessions qu'il leur accordera eu leur aura accordées, et qu'à faute de ce faire il rentrera de plein droit en possession des dites îles."

Observons que cet acte ne parle d'abord que de deux lieues de terre, dont une lieue au-dessus et une lieue au-dessous de la rivière Nicolet, rivière com­prise, et, qu'en terminant, il n'est plus question de terre ferme mais de certaines îles, comme si on avait déjà parlé de celles-ci. Premier embroglio. Il y est dit qu'Arnoult de Loubias avait commencé à s'établir sur cette seigneurie. Cela paraît correct en ce sens qu'il y plaça des colons. Quant à lui il demeura aux Trois-Rivières jusqu'à son départ pour la France en 1674.

La pièce que je cite se trouve à la page 16 des

2. Il était venu avec le régiment de Carignan, en 1665. Voir Mélanges historiques, vol. 8, p. 1.25, 132.

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L ' I L E - A - L A - F O U R C H E ( Nicolet ) 97

Titres seigneuriaux publiés par le gouvernement en 1852. Elle est répétée à page 274, avec des va­riantes. Dans ce dernier endroit, le nom de Loubias devient "Laubier"; l'erreur à propos des îles est la même qu'à la page 16.

Cette publication du gouvernement est remplie de fautes incroyables à première vue. Aucun homme de science n'y a présidé, bien certainement. C'est d'une incohérence à tout rompre ! J'offre à qui vou­dra en connaître les imperfections de mettre le doigt sur trois cents grosses sottises imprimées dans le volume. Ainsi, à part ce que je viens de relever, on lit au bas de l'acte en question: "Paraphé suivant le contrat d'échange passé par devant les notaires soussignés, ce jourd'hui, vingt-septième février mil six cent soixante et treize. (Signatures) Dulart, Lu-bin, Renouard et Terret." Qu'est-ce que cela signi­fie ? Ces notaires sont inconnus dans nos archives. Arnoult de Loubias : ; se préparant à retourner en France pour toujours vers ce temps-là il faut croire qu'il fit un échange de sa terre, mais avec qui ? Pas un mot pour nous diriger. S'il s'agit du sieur Michel Cressé ou même de tout autre, le contrat d'échange ne valait rien, parce que le seigneur n'avait pas le droit de trafiquer d'une seigneurie à peine com­mencée.1

Autre affaire. Le 29 octobre 1672, le même jour

3. On a écrit L o u b i a , Loubias , Laubia , Laubias , Laubiat , Laub ier , etc.

4. Cet échange était fait en faveur de Michel Cressé. A r ­noult de L o u b i a s avait donné un très bon commencement à la seigneurie de Nicolet. V o i r Joseph Boucnette. A Topo0raphical Dictionary of Lower Canada.

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98 L ' I L E - A - L A - F O U R C H E ( N i c o l e t )

qu'Arnoult de Loubias obtenait la terre de Nicolet, son enseigne Pierre Mouet de Moras se faisait don­ner aussi une concession, comprenant "l 'île dite (il y a ici un blanc) qui se trouve à l'embouchure de la rivière Nicolet, au bord du fleuve Saint-Laurent, à la charge qu'il continuera de tenir feu et lieu sur la dite seigneurie." Ceci est à la page 153 du volume déjà cité. A la page 277, l'acte est reproduit, mais, cette fois, l'île prend le nom de Moras. Ceci est juste.6

Maintenant, examinons la page 18 de ce fouillis de pièces mal lues et mal imprimées. On y voit que, le 4 novembre 1680, MM. de Frontenac, gouverneur, et Duchesneau, intendant, accordent "au sieur Michel Cressé l'île à la Fourche, située dans la rivière Cressé, ensemble les îles et îlets qui sont dans icelïe rivière, jusqu'au bout de la dite île, avec trois lieues d'aug­mentation dans la profondeur des terres qui sont au bout de toute la largeur de sa dite seigneurie." Deuxième embroglio. Si les mots: "sa dite seigneu­rie" signifient quelque chose, il s'agit de la seigneu­rie de Nicolet que Michel Cressé tenait d'Arnoult de Loubias, mais dans l'acte qui nous occupe ici, il n'y a pas un mot de "la dite seigneurie"; cela arrive sang explication. Les "dits" notaires du château de Qué­bec étaient de drôles de pistolets—voilà leur oraison funèbre !

Si j 'ai bien compris tout ce fatras, l ' î le Moras était et est encore l'île Moras concédée à Pierre Mouet de Moras. La seigneurie de Nico'.et, donnée à Arnoult

5. P i e r r e Mouet de M o r a s s'établit s u r cette I l e dès 1669. Voir Mtlanges historiques, vol. 8, p 125, 129. 133.

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LILK-A-LA-FOURCHE (Nicolet) 99

Hicolet

L'entre deux rlri^res est la terre de l ' I le -6-la-?ottrobe.

La Ticitatlc^ •Wonard

Clothilde.

°° let . branche" » . " ^ -

L'Ile-à-la-Fourche

de Loubias, fut cédée par lui à Michel Cressé, lequel s'aperçut, sept ans après, que le titre ainsi fait ne valait rien et se fit pourvoir de nouvelles lettres pa­tentes, en son nom, et désignant les terres de Nicolet sous cette forme curieuse: l'île à la Fourche. S'il y avait une île de ce nom elle était située dans la ri­vière Nicolet, déjà comprise dans le titre d'Arnoult de Loubias, et si l'on a voulu transporter cette dési­gnation à la terre ferme, on créait un malentendu, on ouvrait un sac à procès — ce qui n'a pas manqué.

Nous devons à M. J.-E. Bellemare (1917) curé de la Baie-du-Febvre, l'explication finale. Un peu au-dessus de la ville de Nicolet la rivière fourche, em­brasse une grande île et reprend son cours en une seule voie.

Il y a plus de cinquante quiproquos de ce genre dans notre histoire. Il faut toujours que l'on s'amuse

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100 L'ILE-A-LA-FOURCHE (Nicolet)

un peu en traversant les siècles. Je prends ma part du fun universel.

* * *

Au cours de ce chapitre nous avons accidentelle­ment mentionné le nom de Broglie. Revenons-y.

Le Frère Claude Moireau, Réeollet, chargé des fonctions curiales aux Trois-Rivières, écrit au re­gistre de cette paroisse, le 17 août 1672, qu'il a été faire mission à "la rivière de M. de Loubias où il a baptisé un enfant de François Lavergne et de Fran­çoise Lefrançois, mariés ensemble. Le parrain a été M. de Loubias, seigneur de la dite rivière et capitaine au régiment de Broisle."

Arnoult de Loubias, premier seigneur de Nicolet, portait un nom italien, comme celui de son régiment, lequel est orthographié ici "Broisle". Cet officier était venu avec le régiment de Carignan. Il est à remarquer que le régiment de Carignan comptait au Canada des officiers de six ou sept corps différents. C'est ce qui arrive toujours lorsque des troupes sont envoyées aux colonies.

Le régiment de Broglie et, la famille de Broglie étaient alors italiens, les Français prononçaient et prononcent encore "Broilîe", tout en écrivant "Bro­glie." 6

On voit que le Frère Claude Moireau a tenté de rendre le son de "Broyle". De son temps la lettre s

6. En italien c'est Brogrlia ou Debroglio, ce qui veut dire Dumoulin en patois du comté de Nice. Voir Melanges histo­riques, vol. 8, p. 15 et 1G.

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L/ILE-A-LA-FOURCHE (Nicolet) 101

était employée pour avertir le lecteur qu'il fallait articuler la lettre précédente avec un accent. Lors­qu'il écrit "Broisle", il veut donc faire comprendre "Broîle" ou "Broille"; mais il n'a pas songé à "Broyle" qui rend juste le son exigé.

L'automne de 1887, j'entendais des amis causer de certains discours de M. de Broglie, homme poli­tique français qui vivait peut-être encore alors, et ils prononçaient ce nom tel qu'il est écrit, "Broglie", ce qui est, d'ailleurs, la coutume en Canada.

*

Un mot maintenant sur Pierre Mouet de Moras. La première mention que je connaisse de ce

nom de famille est celle de François Mouet, marchand de Rouen, province de Normandie, l'un des Cent-Associés du Canada, en l'année 1635. Il y a appa­rence qu'il ne vint jamais dans la colonie.

Au registre de la paroisse des Trois-Rivières je lis: "L'an de grâce 1668, le 8 d'avril, moi, François Dollier, prêtre, faisant les fonctions curiales en ce lieu des Trois-Rivières, ai interrogé Pierre Mouet, écuyer, sieur de Moras, enseigne de la compagnie de Loubias, et Marie Toupin, tous deux de cette pa­roisse, et après avoir reçu leur mutuel consentement, je les ai mariés, suivant les formules de l'église ro­maine, toutefois sans solennité ni publication, leur ayant accordé la dispense des dites publications, sui­vant le pouvoir à moi donné par Mgr de Pétrée, notre prélat et pasteur; lequel mariage a été fait en pré-

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102 L'ILË-A-LA-FOURCHE (Nicolet)

sence de plusieurs témoins, qui sont: Monsieur de Loubias, capitaine et commandant en ce lieu, Mon­sieur de Vieux-Pont, et tous les proches parents de la fille qui sont ici, par exemple, Monsieur de la Marche et sa maison, Madame de la Fons et ses en­fants, etc."

M. de Vieux-Pont était Joseph Godefroy de Vieux-Pont; M. de la Marche était Jean Lamarche; Ma­dame de la Fons était Marie Boucher, veuve d'Etienne Pépin dit Lafond.

Mgr Cyprien Tanguay dit que Pierre Mouet de Moras était fils de Bertrand et de Marthe de Thosin, de Castel-Sarrazin, en Basse-Guyenne, le même en­droit qui vit naître Lamothe-Cadillac, fondateur du Détroit en 1701.

Voici l'acte de baptême du fils aîné de Pierre Mouet de Moras, que je relève au registre de la pa­roisse des Trois-Rivières : "L'an de grâce 1669, le 1 novembre, en la paroisse des Trois-Rivières, a été baptisé par moi, André Richard, prêtre, religieux de la compagnie de Jésus, faisant les fonctions de curé au dit lieu, un enfant né du légitime mariage de Pierre Mouet et de Marie Toupin, lequel a été nommé Pierre. Parrain: Monsieur René Gaultier, gouverneur du dit lieu. Marraine: Marguerite Seigneuret." 7

Cet enfant a continué la lignée; de lui descend le fameux Charles Mouet de Langlade qui, de 1750 à 1780, a brillé dans les armes au premier rang de nos officiers.

7. Cette dernière était l'épouse de Louis Godefroy de Nor-manville.

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L / I L - E - A - L A - K O U R C H E (Nicolet) 103

On rencontre le nom de Mouet écrit aussi Moet, Mouette et Mouette. Cette dernière forme me semble reproduire l a prononciation populaire. Quant au tréma sur la lettre u, la pratique était de le placer pour que l'on ne confondît pas cette lettre avec n, si souvent semblable dans l'écriture à la main.

Certains membres de la famille signaient Mora et non pas Moras . J ' en conclurais que la pronon­ciation était " M o r a " au lieu de "Morass" comme on dit à présent.

Il y avait en 1673 dans le diocèse de Vienne, en Dauphiné, un village ou une ville du nom de Moras.* Ceci n'a probablement aucun rapport avec la famille qui nous occupe.

A l'époque de son mariage (1668), Pierre Mouet de Moras était enseigne dans la compagnie d'Arnoult de Loubias qui tenait garnison aux Trois-Rivières. Comme la guerre des Iroquois venait de finir, il alla dès 1669 demeurer sur l'île Moras qu'il se fit accorder et dont il reçut le titre le 29 octobre 1672.9

Le titre d'écuyer, qui est souvent donné à Pierre Mouet de Moras me fait croire que cet officier était d'une famille assez marquante, car il y a deux cent cinquante ans, on n'avait pas l'habitude de qualifier ainsi les personnes par simple politesse. Et vu sa

8. Mgr T a n g i i a y , Dictionnaire généalogique, I . p. 381. C e nom existait en L a n g u e d o c . Basse-Auvergne et Basse-Guyenne.

S. I] n'y a v a i t a lors Que peu de colonB établis à Nicolet. A partir de 1671 on en rencontre plusieurs dans les actes des registres des TroSs-Rivières . L e 16 novembre de cette année 1671 il y eut s i x m a r i a g e s ; ces ménages peuvent être regardés comme les débuts de la colonie de Nicolet.

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104 L'ILE-A-LA-FOURCHE (Nicolet)

jeunesse, je croirais qu'il tenait le titre d'écuyer de sa famille.

Pour terminer parlons des premiers Nicolétains. Les notes qui suivent sont tirées des registres de la paroisse des Trcis-Rivières. Comme elles ont rapport à Nicolet, je vous les passe pour en faire ce qu'il vous plaira.

Le 16 novembre 1671 furent célébrés les mariages de Jacques Pépin avec Marie-Jeanne Caiet, 1 9 Jean Ar-couèt 1 1 avec Elizabeth Pepin, André Marsil dit L'Es­pagnol avec Marie Lefebvre; ces ménages se fixèrent à Nicolet dès cette année.

Vers le même temps se mariait à Québec Jean Chabaudie dit Lépine avec Marie Mercier, qui s'éta­blirent à Nicolet et, de 1672 à 1687, firent baptiser leurs enfants en ce lieu ou aux Trois-Rivières ; aussi François Lavergne avec Françoise Lefrançois, Fran­çois Cousson avec Marguerite Poignet dit Beaure­gard, 1 2

Le mariage de Bernard Joachim et de Marguerite Pépin, le 14 novembre 1679, paraît être la première cérémonie de ce genre qui a eu lieu à la rivière Cressé

10. Cayer, Caillé, Cahier, e t c . . 11. Jean Arcouët s'est établi par après à Chainplain. 12. Jean Laspron dit La Charité, marié en 1669 à Anne

Renault (Renaud), était à Nicolet vers 1671, ainsi que René Abraham et son épouse Jeanne Blondeau.

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L'ILE-A-LA-FOURCHE (Nicolet) 105

(Nicolet). 1 3 Etaient présents: Michel Cressé, le sei­gneur; Jean Pépin, frère de la mariée; Nicolas Geof­froy, son beau-frère, et Elie Prévost. Le mariage fut célébré dans la maison du seigneur Michel Cressé, par le Frère Xiste Le Tac, Récollet. La mariée était âgée de dix-sept ans et était fille de Guillaume Pépin et de Jeanne Méchin, les premiers habitants des Trois-Ri-vières, car nous les voyons en ce lieu dès 1634.

Charlotte, fille de Michel Cressé et de Margue­rite Denys, fut baptisée en 1680 dans la maison de son père, seigneur du lieu. Le sieur Denys de Vitré, parrain, est représenté par Jacques Lefebvre; ce der­nier obtient, peu après, la seigneurie qui porte son nom : la baie du Febvre.

Le 6 novembre 1683, M. de Brullon, curé des Trois-Rivières, baptise en la maison de la Pointe-au-Sable où on a dit la messe, Pierre, fils de Pierre Pépin dit Laforce et de Louise Lemyrrhe (Lemire), sa femme, habitants de la Pointe-au-Sable, paroisse des Trois-Rivières. Parrain : Pierre Mouet de Moras, seigneur de l'île Moras. Il signe "Mora".

En la maison de la Pointe-au-Sable, est baptisé, le 9 janvier 1691, Jacques, né deux jours auparavant, fils de Pierre Pépin dit Laforce et de Louise Lemyrrhe (Lemire). Parrain: Jacques Daniau ; marraine: Ca-

13. A partir de 1674 à peu près les registres des Trois-Rivières portent "rivière Cressé" quand il s'agit de Nicolet. La carte pour faire suite au rapport du grand voyage de l'intendant Demeulles, en 1686, indique la petite rivière située en face des bouches du Saint-Maurice sous le nom de "rivière Puante". La première qui vient ensuite sur la rive sud du fleuve, en remontant, est nommée Nicolet. (No 31, dépôt des cartes manuscrites, bi­bliothèque du parlement Céderai, Ottawa).

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106 L'ILE-A-LA-FOURCHE (Nicolet)

therine Le Pelé. L'enfant fut enterré aux Trois-Ri­vières quatre jours après.

Une observation : si vous cherchez dans le Dic­tionnaire généalogique de Mgr Cyprien Tanguay jus­qu'à l'année 1718, vous ne trouverez personne men­tionné comme étant de Nicolet. Cela provient du sys­tème adopté par Mgr Tanguay qui ne cite que le lieu où a été célébré le baptême ou le mariage. Par consé­quent, de 1668 à 1718, il faut chercher aux registres des Trois-Rivières pour découvrir les premiers Nico-létains.14

(1887)

14. D'après des1 notes relevées sur les registres déposés au greffe des Trois-Rivières, les "registres de Saint-Jean-Baptiste de la seigneurie de Nicolet" s'ouvrent le 1 mai 1718.

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%t Château Ptgot

De toutes les scies dont l'histoire du Canada est gratte. . .gratifiée, la légende du château Bigot est la plus sciante et la moins scientifique. Ils se sont mis vingt-cinq gros bonnets pour la créer sans parvenir à la rendre plausible. Toutefois, telle qu'elle est, je lui promets longue vie au milieu des gens qui ne se mettent point en peine de vérifier ce qu'on leur ra­conte.

Pour que de semblables légendes soient en cir­culation et finissent pas courir les rues, il faut que nous possédions une certaine classe d'hommes, de ceux, par exemple, qui se reconnaissent ordinairement sous la vague et mystifiante dénomination d'antiquaires. Eh bien ! oui, nous en avons de cette graine qui pro­duit des mauvaises herbes seulement, et qui fait le désespoir des gens d'étude.

D'après les dictionnaires, un homme qui recherche l'origine des monuments et des objets anciens est un antiquaire. Ceux qui ont été affublés de ce titre par­mi nous sont uniquement battus d'une curiosité en­fantine; ils ne font ni recherche, ni étude, ni rien qui vaille, mais se contentent de gober les contes en l'air que la rumeur publique invente de temps en temps, sur l'apparence d'un fait ou à propos d'un événement mal compris.

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108 LE CHATEAU BIGOT

Celui qui n'est pas d'une certaine force en his­toire, surtout en ce qui concerne les archives non pu» bUées, est absolument incapable d'aborder le travail de l'antiquaire. De là vient que nous avons tant de fausses données au sujet de choses qu'il faudrait étu­dier systématiquement, au lieu de les traiter avec l'imagination. Le prétendu château Bigot a été conçu de cette manière. Il y a même absence totale de la plus simple observation dans toute cette affaire.

Aucun des amateurs "manques" à qui revient l'honneur de cette invention ne s'est aperçu que le château Bigot était une moyenne maison de campagne qui n'offre rien d'extraordinaire. Ils n'ont jamais su — parce qu'ils n'ont pas voulu s'imposer quelques recherches — ils n'ont jamais su qui la maison avait eu pour maîtres avant de tomber en ruine. Leur pers­picacité n'a pas réussi à faire la différence entre Bigot et Bégon, car c'est Michel Bégon qui a construit cette résidence, trente années avant l'apparition de Bigot dans le pays.

Les gens de Charlesbourg ne confondaient pas Bégon avec Bigot lorsque l'édifice fut construit, parce que Bigot était encore en France. Un siècle plus tard, lorsque les citadins de Québec demandaient aux habi­tants le nom de la propriété abandonnée, ils répon­daient "Bégon", ce qui est la seule et vraie bonne note ; les badauds, mieux éduqués que les paysans, compre­naient "Bigot" parce que l'intendant Bigot a laissé dans la ville des souvenirs passablement scabreux.

—Comment ! la maison de campagne de Bigot, c'est tout un poème; il faut y transporter les orgies et les complots dont on accuse le dernier intendant de

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LE CHATEAU BIGOT 109

la Nouvelle-France. C'est un théâtre tout préparé pour de semblables scènes.

Et patati et patata ! Le mélange de ces deux noms d'hommes a bouleversé l'histoire. Nos anti­quaires sont juste assez savants pour s'embrouiller avec si peu. Depuis bientôt un siècle ils brodent là-dessus toutes sortes de radotages, à cause du nom de Bigot.

Si Bégon n'avait pas été rejeté dans l'ombre par la mention inattendue de Bigot, nous ne connaîtrions ni les somptueux appartements ni les vastes souter­rains dans lesquels se sont passés des drames "sombres comme un couvercle de marbre noir sur un tombeau". C'est à cause de Bigot que l'on nous montre le luxueux manoir étincelant de lumières durant les fêtes que cet intendant y donnait, croit-on.

Il n'existait pas une chambre de vingt sur vingt-cinq pieds dans tout l'édifice, et l'on veut qu'il y ait eu là des dîners, des bals, des réunions à tout casser. C'était au plus un vide-bouteille, où peut-être Bigot a pu se trouver invité quelques fois, et encore, je parle comme un antiquaire, car on n'en sait rien. Les ruines majestueuses n'ont jamais eu d'autre mine que celles d'un mur de pierre de cinquante pieds de front: la ruine vulgaire d'une maison d'habitant.

Avec cela, appelez l'endroit Beaumanoir, Hermita­ge, château Bigot; transformez la cave aux légumes en mystérieux et profonds souterrains ; empoisonnez dans ce lieu d'horreur une Sauvagesse quelconque, belle comme le jour; faites venir de Québec des visiteurs fantastiques, empruntés aux romans d'Hoffmann, les antiquaires vous croiront, car ils sont naïfs avant tout.

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110 LE CHATEAU BIGOT

Les crimes dont ce château effrayant se trouvait souillé, l'ont fait laisser à l'abandon après le départ de Bigot. Voilà ce qu'on nous donne à comprendre. La vérité est que la maison fut habitée jusqu'à 1830 par des personnes bien connues, qui ne se doutaient guère de la légende de Bigot.

Les romanciers nous disent avoir exploré les voûtes souterraines du mystérieux édifice. II est évi­dent qu'ils se moquent de nous. "Le mystère qui plane sur l'ancien château, objet de préoccupations pour les antiquaires et les érudits du Canada.. . ", écrit J.-M. Lemoine. Les antiquaires, oui, puisqu'ils avalent tout ce qu'on leur présente. Quant aux érudits, s'il y en a parmi nous, ils doivent savoir que tout cela est de la bonne blague.1

En 1842, J.-M. Lemoine visitait l'endroit avec d'autres écoliers comme lui. Il dit: "Par une sereine matinée de septembre, — un jeudi — élève de Belles-Lettres au Petit Séminaire de Québec, j'accompagnais une bruyante escouade de camarades de Mezeraz, lieu chéri des séminaristes à la Canardière, en route vers les ruines du légendaire château Bigot, à Charles-bourg. Un alerte et jeune ecclésiastique, natif de Charlesbourg, M. Charles Trudelle, nous y conduisait, excellent Cicerone. Lui et moi, j'ose croire, nous étions loin de prévoir que, près d'un demi-siècle plus tard, il nous serait donné de tracer l'histoire du châ­teau Bigot, M. Trudelle dans son intéressant travail

1. J.-M. Lemoine était du nombre. Mieux que personne il connaissait le château Bigot; cependant, il laissa circuler la lé­gende cinquante-cinq années durant avant que de nous dire la vérité. Peut-être ne nous l'eût-il jamais livrée sans les révéla­tions de l'abbé H.-R. Casgrain.

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LE CHATEAU BIGOT 111

sur Charlesbourg, moi dans les Maple Leaves, Pictur­esque Quebec, etc., etc.2 Nous allions donc, faveur spéciale du supérieur, explorer les voûtes souterraines du mystér ieux édifice, lieu de pèlerinage obligé des myriades de touristes qui viennent admirer les v ieux murs de Québec, sans se soucier du mystère qui pla­nait sur l'ancien château, objet de préoccupations poul­ies antiquaires et les érudits du Canada entier. Vive était notre curiosité, bien grand l'attrait qui nous poussait ver s l'inconnu, vers le Sphynx de la forêt. Nos esprits avaient été tellement surexcités par les contes mirobolants et les traditions populaires, que nous étions disposés d'avance à accepter comme incon­testable tout ce que l'imagination eût pu inventer de plus fantast ique sur ce château." :!

Mais alors , vous avez vu, dès 1842, qu'il n'y avait ni château, ni souterrain, ni rien de fantastique dans la vieille demeure, et vous ne nous l'avez pas dit avant ces jours derniers ! A h ! je vous y prends ! Vous avez fa i t comme M. Bourne, le colonel Cockburn, Amé-dée Papineau, Vinceslas Dupont, l'abbé Charles Tru-delle, Wil l iam Dean Howells , le colonel Benson J. Los-sing, Wil l iam Kirby, Joseph Marmette, Edmond Rous­seau qui, depuis 1830, nous décrivent des castels B i ­got, comme si la chose avai t existé.

2. Voir Maple Leaves. 1863; Picturesque Quebec. 1882; Monographies et Esquisses. 1885; Château Bigot (anglais). 1874; le Château Bigot, 1889.

3. Voir le Soleil, 6 novembre 1897, un article de J.-M. Le-moine: l'Hermitage, Beaumanoir, château Bigot; aussi (luide Book of Travellers, Reminiscences of Quebec. Quebec and its environs, 1831; J. Huston, le Répertoire national; A. Chance acquaintance, par William Dean Howells, fils de l'honorable William Howells, ancien consul américain à Québec; Harper's Magazine, janvier 1859.

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•112 LE CHATEAU BIGOT

C'est le colonel Cockburn (1831) qui a imaginé la, maîtresse empoisonnée par madame Bigot. Il est bon de savoir que Bigot n'était pas marié.

C'est Amédée Papineau (1835) qui a conçu la Sauvagesse algonquine cachée dans les appartements secrets du château. Toutes choses calculées, il ne res­tait que les mansardes comme pièces secrètes, parce que la maison n'avait d'espace que pour un ménage de cinq ou six personnes.

Joseph Marmette a revêtu le château Bigot d'une teinte à la Anne Ward Radcliffe 4 et raconté une scène de prison, dans les souterrains, à donner la chair de poule. Edmond Rousseau a fait de même.

Tous ensemble, ils ont érigé ce que l'on appelle une légende, comme si le peuple pouvait avoir des tra­ditions croyables, ou se montrer assez antiquaire pour confondre Bégon avec Bigot !

Ce château en Espagne vient d'être enfin brûlé par l'abbé H.-R. Casgrain, à la suite d'une découverte inattendue que deux archivistes, Edouard O'Brien et F.-X. Maheux, ont faite en consultant les vieux con­trats du greffe de Québec. Pas de danger que les antiquaires aient eu l'idée de regarder dans ce greffe. M. Casgrain crève la légende. Son article jette un jour nouveau sur l'origine du château Bigot. Voici ce qu'il écrit dans Y Evénement de Québec, le 30 sep-

4. Célèbre romancière anglaise (1764-1823) dont les nom­breux et merveilleux récits évoquent des châteaux, des forêts, des souterrains, des cachots où ont lieu des crimes horribleB. L'étrangeté des inventions. le tragique des incidents extraordi­naires ont valu à Anne "Ward Radcliffe d'être un des auteurs les plus lus du dix-ncsuvièrue siècle.

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LE CHATEAU BIGOT 113

tembre dernier (1897), sous le titre de Documents inédits sur le -château Bigot : "Il n'est pas de touristes ni d'antiquaires qui, après avoir visité le château Bigot, ne se soient demandé quelle est l'origine de cette sin­gulière ruine qui se di'esse solitaire au milieu des bois et qui a inspiré tant de récits légendaires. A quelle époque et par qui cet édifice, appelé tour à tour l'Her-mitage, Beau manoir, la maison de la Montagne et châ­teau Bigot a-t-il été construit ? Personne, jusqu'à présent, n'a pu répondre d'une manière positive à cette question. L'abbé Charles Trudelle qui, dans sa belle no­tice sur la paroisse de Charlesbourg, a résumé les re­cherches faites avant lui, n'a pu indiquer que des tra­ditions incertaines et des ouï-dire. Le témoignage qui ferait remonter la construction du château Bigot jus­qu'à l'époque de l'intendant Talon ne repose que sur le recensement de 1667 où il est dit qu'il y avait alors dans la paroisse de Charlesbourg "une habitation ap­partenant à M. Talon". Ce témoignage, remarque avec raison l'abbé Charles Trudelle, est trop vague pour qu'on puisse y attacher de l'importance. La tra­dition qui veut que le château Bigot ait été bâti par l'intendant de ce nom n'est guère mieux fondée. On peut en juger par le seul témoignage dont elle est appuyée."

Quelle est donc l'histoire de cette maison ? Pa­tientez encore un moment.

"J'ai entendu raconter autrefois", écrivait l'abbé J.-B.-A. Ferland, le 21 juin 1861, dans une lettre adres­sée à J.-M. Lemoine, "que messire Jérôme Deniers avait dit que Talon commença à bâtir son manoir au lieu même où sont les ruines et que, plus tard, ce ma-

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114 LE CHATEAU BIGOT

noir, vendu avec les terres, fut réparé et agrandi". 1

Voilà tout. L'énigme est donc encore loin d'être expliquée. Sur des explications de ce genre, les anti­quaires ont beau jeu. Une fois le manoir de Talon agrandi, il atteignait les proportions phénoménales de cinquante pieds sur trente ! Alors, il avait construit originairement une maisonnette pour deux personnes. Qu'est-ce que cela veut dire ?

Talon n'est pour rien là-dedans. Le fief de sept arpents de front 6 sur lequel la maison fut bâtie un jour formait partie des terrains concédés aux Jésuites, le 10 mars 1626, par le duc de Ventadour. 7 Le 28 avril 1659, devant le notaire Guillaume Audouard, Françoise Duquet, épouse de Jean Madry, la reçoit des Jésuites; le Père Paul Ragueneau agit en qua­lité de procureur;8 en 1718 l'intendant Bégon en de­vint le propriétaire.9

Lorsque, le 12 octobre 1753, la succession de Bé­gon 1 9 vendit le fief de Grand-Pré avec ses dépen-

5. Voir J.-M. Lemoine, Monographies et Esquisses, p. 154 et 155, une lettre de l'abbé J.-B.-A. Ferland. Tout ce que lui et d'autres ont écrit avant 1897 sur le château Bigot ne vaut guère.

6. Le fief de Grand-Pré s'étendait depuis le Saint-Laurent jusqu'à quatre lieues dans les terres. Voir l'abbé Charles Tru-delle, Histoire de Charlesbourg, p. 109.

7. C'est la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges. 8. Cet acte manque au greffe. Le 4 mai 1699, devant le

notaire François Genaple, Françoise Duquet et son époux, Oli­vier Morel de la Durantaye, passent un acte de transaction.

9. La propriété est décrite dans l'acte de vente du 28 oc­tobre 1718, passé devant Florent de Lacetière, alors que Fran­çoise Duquet, après une possession de près de soixante ans, vend à. Guillaume Gaillard, seigneur de l'île et comté de Saint-Lau­rent, lequel, ce même jour, dit avoir acheté pour Bégon.

10. Elle était représentée par François Foucault, conseiller à Québec.

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LE CHATEAU BIGOT 115

dances à Guillaume Estèbe, garde-magasin du roi à Québec, la maison existait. Elle est décrite dans l'acte notarié avec une minutie telle qu'on la voit devant nos yeux: murs de pierre, cinquante pieds de front, trente pieds de profondeur, cave, mansarde, deux étages.

Le 8 septembre 1757, devant Antoine-Joseph Sail­lant, Guillaume Estèbe vendit pour 17,000 livres la propriété à François-Joseph de Vienne, garde-magasin du roi, 1 1 et le notaire décrit la maison dans les mêmes termes qu'en 1753.

Bigot demeura à Québec de 1748 à 1759. Ce n'est pas une raison pour lui faire bâtir et posséder une maison qu'il n'a ni bâtie ni possédée ! D'ailleurs, Bigot demeurait au bas de la côte du Palais, dans une très vaste construction en pierre, occupée plus tard (1860) par la brasserie McCallum. La gare du C. P. R. est sur ce même terrain.

William Grant, négociant de Québec, acheta la propriété de François-Joseph de Vienne en 1764, pour 30,000 livres, monnaie de France, 1 2 il la vendit à Ra­phaël Gray le 25 août 1774. Ce dernier céda le ma­noir à Charles Stewart le 6 février 1779. Ainsi de suite jusqu'à nos jours.

Citons J.-M. Lemoine: "En 1874, dans le cours de mes recherches sur l'origine du fameux manoir, il me vint à l'idée de tenter de retracer les proprié­taires sous le régime anglais. Je m'adressai donc à William Crawford, alors détenteur de la propriété. Il

11. De Vienne et Estèbe faisaient partie de la bande dont Bigot était le chef.

12. Non pas seulement $6,000 comme l'a dit J.-M. Lemoine. La livre devait valoir alors quatre fois le prix monétaire d'au­jourd'hui.

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116 LB CHATEAU BIGOT

eut la complaisance de m'exhiber ses titres d'achat, qui remontaient à 1780. Cette année, Simon Fraser, le jeune, John Lees, le jeune, et William Wilson, négo­ciants de Québec, possédaient l'historique résidence, comme maison de plaisance probablement.1 3

"Dans mon volume Picturesque Quebec, page 477, je publiai une curieuse lettre inédite, datée "Hermi­tage, 26 juin 1776", dans laquelle l'écrivain Charles Stewart," père de Charles Gray Stewart, contrôleur des douanes impériales à Québec, rendait compte de ses relations personnelles avec le colonel Benedict Arnold pendant et après le blocus de la ville par Montgomery et Arnold en 1775-6. Puis le 12 août 1805, la maison et la terre passaient par acte de vente notarié à Charles Gray Stewart." 1 5

Au commencement du dix-neuvième siècle un

13. "Charles Stewart, avocat et notaire, demeurant à Qué­bec, propriétaire du fiel de Grand-Pré, autrefois dit de la Mis-tanguenne ou Mont-Plaisir, à la Canardière, par acte de vente du 2(5 juin 1780, devant Jean-Antoine Panet, N.P., concède à. titre de cens et rentes seigneuriales à Monsieur Jean Lees, le jeune, Simon Fraser, le jeune, et William Wilson, 10 arpents de front situés dans le fief Grand-Pré ou Mont-Plaisir h la Ca­nardière au lieu nommé La Montagne ou l'Hermitage, prenant d'en haut vers le sud aux terres de Joseph Bédard et Jean-Baptiste Leroux dit Cardinal et allant en profondeur vers le nord quatorze arpents ou environ, jusqu'à la vieille clôture du verger, icelui verger compris en la présente concession et vente, les dits arpents de front joignant du côté du sud-ouest au fief de la Trinité, appartenant au séminaire, et du côté du nord-ouest à la terre de Jean Chatereau, ensemble la maison à deux étages, une grange et une étable en bois, construits sur les dits dix arpents."

14. Charles Stewart n'acheta la propriété de Raphaël Gray qu'en 1779; s'il l'habitait dès 1776, comme le laisse entendre J.-M. Lemoine. ce ne devait être que comme locataire.

15. Le Soleil, 6 novembre 1897. Vers 1860, William Craw­ford en fit l'acquisition, comme terre à bois et, en 1881, cent quarante arpents, y compris la maison, furent transférés à Léger Brousseau, éditeur à Québec. Voir le Bulletin des recherches historiques, 1898, p. 194-206, un écrit de P.-X. Maheux.

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IJ3 CHATEAU BIGOT 117

club de chasse et de pêche fréquentait la maison et l'entretenait, 1 6 ce qui montre qu'elle n'était pas tou­jours inoccupée. Frederic Wyse," qui la visita en 1819, dit qu'elle était meublée, pourvue de piazzes spa­cieuses et en état parfait de conservation. J.-P. Rhéaume, qui la visita aussi en 1827, dit qu'elle ren­fermait encore des buffets, des tables, des glace3. L'abandon paraî t avoir eu lieu en 1830, et c'est alors que la légende fut lancée par M. Bourne et le colonel Cockburn, et bientôt repi-ise par Amédée Papineau, tous trois s'arrogeant le droit qu'ont les romanciers de prendre leur bien où il leur convient de le faire.

Le château McTavish, au pied de la montagne, à Montréal, est bien autrement conditionné pour être le siège d'événements imaginaires, mais avez-vous eu à Montréal un Bigot susceptible d'endosser la respon­sabilité de ces noirs forfaits ? Le caractère du vilain seigneur nous manque. Rien à faire avec le château McTavish. Les gens qui l'habitaient ressemblaient au modeste et honnête Bégon. Sans une mauvaise re­nommée, pas de légende. Il faut être joliment cri­minel pour avoir l'honneur d'inspirer les romanciers et les antiquaires.

C'est pourquoi 'le château Bigot restera dans les livres qui alimentent la pensée des hommes. La lé­gende remplace ainsi la vérité.

(1897).

16. Vers 1807-09, le Club des Barons, suivant l'abbé J.-B.-A Ferland. Etaient membres: sir John Caldwell, sir George Pow-nall, Mathew Bell, John Coltman, H. W. Ryland, George Hamil­ton, George Heriot, Gilbert Ainslie, Angus Shaw, Gray et John Stewart, David Munro, Adam Lymburner, l'honorable Charles de Lanandière; celui-ci était le seul baron canadien-français. Ce Club des Barons équivalait au Beaver Club, de Montréal.

17. Vieux perruquier, de la rue Garneau, à Québec.

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rs ie be 3tmv

Ce qui va suivre n'est pas tiré de mes souvenirs personnels, mais de lectures variées et de conversa­tions avec des personnes qui ont parcouru l'île.

Une nouvelle nous arrive aujourd'hui 3 qui donne de l'actualité au présent article, et plus d'un Canadien-français s'y intéressera vu qu'il s'agit de la situation du français dans la langue officielle de ce petit domi­nion. Il est tout naturel que nous reportions sur ce point du globe notre curiosité, bien que la distance qui nous sépare l'un de l'autre et tant de causes di­verses ne prêtent aucunement aux mêmes conditions d'existence nationale. A vrai dire, la ressemblance, si elle existe, est assez éloignée pour en faire peu de cas ; c'est peut-être la raison qui laisse passer inaperçu parmi nous l'événement que je mentionne.2

Jersey, la principale des îles Normandes, n'est en aucune manière une contrée américaine; ce n'est pas non plus un pays d'Europe, dans le sens actuel; on peut dire que c'est un témoin vivant du moyen-âge.

1. Cet ar t i c l e est de 1877. 2. E n 1877, l e s journaux e u r o p é e n s r a c o n t a i e n t qu'une pro­

pos i t ion ava i t é t é fa i te au g o u v e r n e m e n t b r i t a n n i q u e d e céder à la Prance s o i t Jersey , so i t Guernesey , e n é c h a n g e d u French Bhorc de T e r r e n e u v e , m a i s on oubl ia i t Que ces d e u x î les n e s o n t pas une m a r c h a n d i s e que l'on peut vendre o u a c h e t e r au ca-prico de n ' importe quel le c o m b i n a i s o n d i p l o m a t i q u e .

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L'ILE DE JERSEY 119

Le Canada français a bien retenu une certaine dose du XVIIe siècle, ce qui n'est pas beaucoup ancien, mais il est surtout "Nouveau-Monde" et en cela nous diffé­rons immensément des Jerseyais. : i

Saviez-vous que la clameur de Haro vit encore ? Cet appel a mille ans d'existence; celui qui en fut l'auteur, quoique réduit en poussière, se dresse avec la puissance magique d'autrefois pour défendre le faible. Un mot là-dessus.

Rollon, ce prince des Normands ravageurs, qui érigea le duché de Normandie par la force de ses armes, en 911, et le consolida par son mariage avec la fille du roi de France, 4 aimait autant à rendre la justice à ses vassaux qu'à piller les Etats des rois en­vironnants. Il s'en allait par les campagnes, chevau­chant à petites journées, et donnait ses audiences sur la grande route. Un individu qui avait des griefs à exposer se jetait au devant du cheval du monarque et criait par trois fois: "Ha ! Ro ! Ha ! Ro ! Ha ! Ro !" 5

puis il disait: "A l'aide, mon prince, on me fait tort!" Cet appel mettait aussitôt le procès en demeure de s'instruire et d'être réglé car, avec Rollon, les affaires ne traînaient pas. La coutume du cri "Haro" se per­pétua sous ses successeurs. On vit un homme du * peuple se placer sur la fosse ouverte pour recevoir

3. En France on écrit Jersiais (aises). Les Jerseyais sont sortis de bonne heure des bandes normandes de Rollon et, comme celles-ci, ont vite adopté le langage français en formation. Ils ont contribué à la conquête de l'Angleterre sous Guillaume le Conquérant, en 1066. Ils n'ont jamais été sous les rois de France. Leur situation ne ressemblait donc pas à la nôtre en 1763, quoi­qu'on en ait dit souvent.

4. Suivant certains historiens ce fait est invraisemblable. 5. Ro était l'abréviation de Rollon.

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120 L'ILE D E JERSEY

le cadavre de Guillaume le Conquérant pousser la cla­meur de Haro, et faire suspendre la sépulture du sou­verain jusqu'à ce qu'on lui eut payé son champ dont le redoutable Guillaume s'était emparé. Rollon, in­voqué, apparaît toujours sous la forme de la justice. Poétique et noble légende ! Vers 1870, un paysan de Jersey se mit sur le tracé du chemin de fer que l'on établissait sur son terrain malgré ses protesta­tions et lança le cri "Haro !" Le travail fut suspendu et la justice régulière eut à se prononcer sans plus de délai.

Jersey, c'est un point égaré sur la carte. Voyez, là-bas, la terre de France s'échancre à son extrémité nord-ouest afin que la mer pénètre plus loin chez elle. Cela forme le golfe de Saint-Malo et, au fond, la baie de Cancale, douce à la mémoire des mangeurs d'huîtres. Sur le vaste demi-cercle des îlots bleuâtres que des­sinent les deux bras de la terre ferme, on voit, on croit voir flotter des îles, petites, coquettes, riantes, ensoleillées et pittoresques au possible, ayant d'un côté des fleurs, de l'autre des caps abrupts de huit cents pieds. L'une d'elles,

Ki est en mers vers l'occident,

comme disait le poète Robert Wace, né en ce lieu vers 1120, n'est qu'à vingt milles des côtes du département de la Manche. Elle jouit d'un printemps quasi per­pétuel. C'est Jersey. Pour en sortir, il faut se lancer en plein océan Atlantique, autrement on est tout de suite en France, sur la Bretagne ou la Normandie, à Saint-Brieux, à Saint-Malo "beau port de mer", au mont Saint-Michel, à Granville, à Cancale, à Avran-

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ches, à Coutances, des noms qui rappellent aux Cana­diens-français les commencements de leur histoire.

Les Romains la nommaient l'île Caesarea et la regardaient comme une merveille. Aujourd'hui en­core, on lui adresse compliments sur compliments à cause de sa bonne mine, de son climat, de sa calme indépendance. C'est l'Emeraude de l'Angleterre, selon Auguste Vacquerie dans son livre si charmant la Nor­mandie inconnue.

La colonie romaine, voyant que sa conquête pou­vait inviter les barbares (les Gaulois) à s'y établir, et désirant rester seule en possession de ce jardin sans égal, coupa l'île par une muraille du côté le plus ou­vert; mais les Normands ont enjambé l'obstacle et se sont emparés des terres, après avoir passé les ha­bitants au fil de l'épée. De durs "acquéreurs" ces Normands ! Ils anéantirent de la sorte le peuple de provenance romaine qui prospérait sur l'île depuis cinq ou six siècles au moins. En même temps la Neustrie devint la Normandie par le bras de Rollon (911). Plus tard, en 1066, Guillaume le Conquérant, sixième duc de Normandie, entraîna ses vassaux à la conquête de l'Angleterre et ceux de Jersey le suivirent. Guillaume le Conquérant , ; devint roi de la Grande-Bretagne tout en restant duc de Normandie; lorsque enfin ce duché se sépara de l'Angleterre, en 1205, Jer­sey, Guernesey et Aurigny 7 restèrent au prince an­glais Jean sans Terre. A cette époque Philippe-Au­guste arracha aussi l'Anjou, le Maine, la Touraine et le Poitou à ce même prince 8 et l'on sait qu'il s'en

6. Puis sa descendance. 7. En anglais Alderney. 8. Jean sans Terre bien nomme.

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suivit la guerre dite de Cent Ans (1337-1453) qui dura cent seize ans pour faire un bon compte. Les Fran­çais et les Anglais voulaient avoir Jersey ; ils s'y main­tinrent sans parvenir à l'occuper tout entière. Du Guesclin lui-même couvrit de ses hommes d'armes la moitié du territoire, mais le château-fort de Montor-gueil brava impunément sa vaillance. Les Jerseyais restèrent maîtres chez eux et, de plus en plus, fidèies à la couronne d'Angleterre.

On découvrit bientôt que les Français avaient laissé dans l'île une trace étrange de leur passage: une espèce de charte qui agrandissait les libertés du peuple. Celui-ci ne tarda pas à faire valoir ce nouveau titre aux yeux du souverain anglais, lequel le ratifia comme témoignage de la bonne conduite des habitants durant la guerre récente.

Des années s'écoulèrent. De temps en temps, par suite d'une impulsion un peu vive de ces Normands moitié Anglais (des Canadiens !) le cabinet de Londres s'alarmait, et il ajoutait des concessions aux libertés premières, estimant qu'on ne saurait trop faire pour contenter tout le monde et son roi. Placée ainsi entre l'Angleterre et la France, l'île devenait par temps un sujet d'inquiétude pour le seigneur suzerain, comme le Canada situé entre l'influence britannique et celle des Etats-Unis. Lorsqu'on n'est pas le plus fort on peut être le plus fin. Il arriva que les Français repri­rent goût à Jersey et voulurent s'y établir. Après des aventures trop longues à raconter ici, le sort des armes leur fut encore une fois défavorable.

On trouva, cependant, qu'ils avaient eu l'esprit de promulguer une autre charte qui complétait les liber-

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tés politiques de l'île. Force fut au monarque anglais d'y apposer sa signature, tout en remerciant ce bon peuple de Jersey qui se battait si résolument et qui sa­vait si bien se gouverner. Le monde européen, depuis près de huit siècles, est en arrière de ces planteurs de choux, car ceux-là savent tirer parti des malheurs qui leur incombent et des convoitises de l'étranger.

D'après les auteurs que j'ai sous les yeux, Jersey est devenue protestante vers 1577-80, sans déchire­ment, sans secousse, par suite d'une décision prise avec sérénité, à peu près comme s'il se fut agi de changer le local du parlement.

Jusqu'à 1577, l'île releva du diocèses de Coutances pour la religion. La guerre de la Ligue éprouvait ter­riblement la Normandie et comme les Jerseyaia n'avaient plus de lien sérieux qui les rattachât à cette province de France, sauf le seul rapprochement de* l'Eglise, ils décidèrent de rompre entièrement avec la discipline catholique et se firent anglicans. Depuis lors, leur isolement a été tellement complet que le lan­gage des Normands s'est transformé d'une manière re­marquable, sans faire sentir son influence à leurs voi­sins les Jerseyais qui continuent de s'exprimer à la façon du XVIe siècle.

En chiffres, Jersey a douze milles de long (la moitié de l'île d'Orléans) sur six de large, ou cent trente kilomètres carrés. Elle est située à vingt-cinq kilomètres environ (vingt milles) à l'ouest des côtes françaises de la Manche, séparée du département de ce nom par le dangereux passage de la Déroute où de nombreux écueils rappellent les rochers qui ratta­chaient Jersey au Cotentin avant la catastrophe et

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l'invasion de la mer en l'an 709. Elle renferme soixante mille âmes, dont près de la moitié réside à Saint-Hélier, la capitale. Le sol en est montueux, ex­cellent partout. Sur les côtes, on pêche des huîtres, des homards, des moules, et, plus au large, le hareng. Sa marine est de quatre cents navires qui sillonnent toutes les mers, montés par trois mille de ses enfants.

Guernesey, que les anciens appelaient Sarmia, et les Scandinaves Grenesey (île verte), est plus au large vers l'ouest et aussi plus au nord. Sa circon­férence est de quarante-six kilomètres — disons trente milles. Population : cinquante mille âmes. Même genre de gouvernement qu'à Jersey; capitale, Saint-Pierre. Vieille langue et vieilles coutumes normandes.3

Aurigny, 1 0 mère patrie des vaches canadiennes,11

est la plus au nord des îles anglo-normandes de la Manche, à dix kilomètres (une demi-heure de naviga­tion) du cap la Hogue qui termine la côte de France, et à une heure de Cherbourg. C'est un tout petit ro­cher devenu une importante station navale, une for­teresse, un Gibraltar hérissé de batteries de canons. Il n'y a que trois mille habitants, administrés par Guer­nesey. Langue et coutumes normandes.

L'Europe compte d'autres Etats du même genre, qui ne figurent pas comme puissances, mais qui sont tous très anciens. Il y a la principauté de Monaco, sur le rivage de la Méditerranée, à neuf milles de Nice, qui renferme dix mille âmes. Tout le territoire consiste

9. C'est là. que Victor Hugo écoula son exil, à Hauteville-House.

10. En anglais Alderney. 11. Excellentes laitières. Les boeufs et les vaches d'Aurigny

sont de petite taille; la race en est soigneusement conservée pure, ainsi qu'à Jersey et à Guernesey.

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en une ville avec sa banlieue. La république de San-Marino ou Saint-Marin, à l'est de la Toscane, près de l'Adriatique, mesure en tout soixante milles, faisant vivre onze mille habitants. Le val d'Andorre, dans les Pyrénées, couvre un espace de cent lieues en super­ficie; sa population est de douze mille âmes, sous le double protectorat de la France et de l'Espagne, mais c'est une république indépendante.

Le Jerseyais trouve un chez-soi sous n'importe quelle latitude nord ou sud, parce que tous ou presque tous les hommes de l'île vont à la mer. Cette vaillante race a des comptoirs partout. Son pavillon flotte d'un pôle à l'autre. Est-ce elle ou le Royaume-Uni qui ne voit pas le soleil se coucher sur ses domaines ?

Au Canada, le Jerseyais prend de la morue, des céréales ; en Russie du chanvre, des suifs ; en Norvège, du bois de chêne; au Portugal, des vins; au Brésil, du café; aux Antilles, du sucre; aux Indes et en Chine, du thé, de l'indigo; en Afrique, de l'ivoire—en tout lieu quelque chose.

Et ce peuple circule d'un continent à l'autre, ne leur empruntant presque rien. Il produit assez pour vivre. Les besoins nouveaux que ressentent de temps en temps les nations, il aime à les ignorer. Ainsi, la presse est restée trois siècles à sa porte avant que de franchir l'étroit passage qui le sépare de la Normandie.

Les promeneurs, les flâneurs abondent dans l'île. Ils s'en retournent emportant divers objets de fabrique locale, parmi lesquels figurent les cannes faites de la tige ou "coton" de choux. Des choux qui fournissent un bois de trois pieds et plus. Quelles soupes on doit manger dans ce pays !

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U n journal de 1877 raconte que, cet été-là, au commencement de juillet, la deuxième récolte des pommes de terre à Jersey se trouvait prête pour la vente. La première, ayant eu lieu en avr i l , ava i t rap­porté quatre cent mille louis. Ce chi f fre énorme s'ex­plique par l'avantage qu'ont les cul t ivateurs de Jersey de servir avant tous les autres les g r a n d s centres des trois royaumes. Le gulf stream leur t ient lieu de couches-chaudes et, à l'heure où les pays vois ins n'ont encore que de rares spécimens à mettre sous les y e u x des consommateurs, toute l'île est dé jà couverte de sa récolte mûre .

La physionomie nationale du Jerseya i s est un com­posé de Français primitif et d'Anglais moderne. Sa langue et son droit coutumier sont normands ; sa cons­titution politique ressemble à celle de l 'Angleterre, pourtant il y a placé des éléments qui sont inconnus ailleurs que chez lui; l'ensemble respire un grand a ir de liberté. Son parlement, qui s'appelle les E t a t s , es t aussi indépendant que le nôtre. L'élection est la base de toutes les af fa ires publiques dans les douze paroisses. Le connétable fait fonction de maire dans sa paroisse ; il siège aux Etats ; il rempl i t dans l'église, dans la mil ice et dans l 'administration de la just ice des charges correspondantes à son importance , ass i s té par les centeniers, les v ingtainiers , les dizainiers de sa paroisse. Le juge-en-chef es t bailli, nommé par la Couronne. Il a sous lui douze assesseurs élus à vie par le peuple. Le chef de la police s'appelle le v icomte . Il a en seconds un député et deux dénonciateurs .

Les routes et les divisions terr i tor ia les tracées sur la carte de l'île offrent l'aspect d'une to i le d'araignée.

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Leur étendue est de cent lieues. Il n'y a pas un pouce de terrain inoccupé ou qui soit sans qualificatif. La province de Québec n'a pas plus de noms de lieux que ce petit monde; le fort Montorgueil, la vingtaine de Longueville, le Belvédère, la Roulerie, le Mont-au-Prêtre, Grouville, Saint-Aubin, Saint-Brelade, la Grande-Cuillette, Saint-Ouen, la baie des Lançons, la Croix-au-Lion, Avranches, la Trinité, et une foule d'autres, tous français.

Règle générale, chaque fonctionnaire public cu­mule plusieurs charges différentes et personne n'a de temps à perdre. Celui qui se promène sous les arbres avec une baguette de dix pieds et qui ordonne de faire disparaître les branches trop basses pour son libre passage est le même qui fera la criée au coin des routes pour annoncer que M. un tel aura besoin, le lende­main, de dix ou douze bons hommes capables de cueillir les pommes de terre, et c'est lui encore qui perçoit les redevances sur le marché aux légumes, ce qui ne l'em­pêche pas d'être le fossoyeur attitré de la paroisse.

Le parlement, ou les Etats, comprend de droit les douze assesseurs, les douze ministres du culte, les douze connétables et quatorze représentants élus par le peuple pour cette seule fin — ceux-là ne cumulent point les charges. Trente-six privilégiés, inamovibles — un sénat — et quatorze membres sortis des urnes populaires. Ces deux chambres, ces deux castes, ces deux éléments distincts l'un de l'autre ne forment qu'un seul conseil national très homogène, très actif et dont personne ne se plaint. Le mot du secret c'est que l'élection est à la base de tout l'édifice, car les assesseurs, les connétables sont d'abord élus comme

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tels et ne siègent aux Etats qu'à cause de cette qualité, et pour ce qui est des pasteurs, c'est à peine si l'on peut dire qu'ils sont indépendants des contribuables ou pa­roissiens.

Le bailli préside les Etats. Les assesseurs ou juges constituent le cabinet, présidé par le lieutenant-gouverneur. Les devoirs de celui-ci sont identiques à ceux du gouverneur général du Canada.

Les Jerseyais sont des Normands. Leurs an­cêtres — qui étaient les nôtres aussi1 2 — non contents d'avoir taillé pour eux,, dans le nord de la France, le duché de Normandie, d'avoir conquis l'Angleterre, et de mettre une main ou un pied normand dans toutes les affaires de l'Europe, élevèrent contre la langue d'oc qui régnait dans le midi, leur langue d'oil, et ils firent si bien que, grâce aux poètes normands, depuis Robert Wace (1150) à Pierre Corneille (1636), cette conquête prodigieuse leur fût assurée; et de là s'est répandue sur le royaume de France ce que l'on nomme le langage français.

Tous les malheurs des temps sont passés sur Jer­sey. La langue française, le vieil idiome, solide, net et droit, est resté dans la bouche de ses habitants.13

Plus de six siècles d'occupation par l'Angleterre n'y ont rien changé.

Un de mes amis qui voyageait en Europe, en 1877, m'envoyait des journaux, choisissant de préfé-

12. Durant toute la période de la domination française au Canada, disons de 1608 à 1760, il ne paraît être venus parmi nous que deux Jerseyais, en 1715: Joseph-Thomas Ouilem ou Williams et Clément Lesieur, de la paroisse de la Trinité. Ils étaient ca­tholiques , ,

13. Elle est la langue officielle.

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rence ceux qui n'étaient pas connus en Canada. C'est ainsi que j ' a i lu la Chronique de Jersey, la Nouvelle Chronique de Jersey et le Jersey Times, On y voit les annonces suivantes :

" A bailler à fin d'héritage ou à louer pour un terme d'années. — La maison qui fut à mons. George Aubin, avec les offices et le jardin potager, y joignant, mesurant environ une vergée, le tout situé ès-Landes paroisse Saint-Martin. Pour convenir du prix, s'adres­ser au capitaine François Aubin, propriétaire, Clair Val, Saint-Martin."

"La visite annuelle du Branchage dans la paroisse de Saint-Laurens aura lieu mardi le 17 juillet 1877."

A Jersey, un arbre est entretenu comme un en­fant. Le propriétaire s'en occupe et l'Etat y veille avec sollicitude. De cette manière, les boisés sont tou­jours abondants, riches en essences variées et la source constante d'un bien-être notable pour la popu­lation. Les arbres d'ornement sont respectés et soi­gnés comme des individus.

" A vendre. — Une petite quantité d'avoine du Canada, arrivée ici par la barque Seaflower. S'adres­ser à John L e Brocque, Bel de l'Ordonnance." Un bel, c'est une cour.

"Avis . — Les retardataires qui n'ont pas encore payé leur Rât de la Police Salariée pour 1876 et ar­rérages, sont requis, etc."

Le "rât" exprime le taxe spéciale, au pro rata de la valeur des propriétés, pour l'entretien de la police.

Jersey a sa littérature populaire, curieuse parce qu'elle est en vieux français et d'un caractère souvent

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digne d'attention. C'est toujours par le vers chanté que s'exprime le peuple qui n'écrit pas, le vers ayant l'avantage de condenser l'idée mieux que la prose et de se graver dans les mémoires les plus incultes. Le chant vient en aide à cette forme et la complète. Ce n'est plus guère qu'au Canada, à Jersey et dans quel­ques coins du nord et de l'ouest de la France que les compositions de nos ancêtres survivent, avec cette par­ticularité que, au Canada, le poli de la versification moderne se fait sentir, en même temps que l'accent est modifié. Le Jerseyais a tout gardé: vieux mots, ac­cent d'autrefois.14

Vos v'ià, vaislne, à vos prom'ner, Ch'est miracl' que d'vos rencontrer ! Nos n'vos trouv' jamais par les rues, Comme ch'est qu'i' s'fait qu'nos vos vait pus?

— A h ! ch'est qu'dépis que ma Nancy Est si pourôr'ment, j 'nal peu sorti —Mon Dou ! mon Dou ! ah ! l a ! la ! la ! E t qu'est-che donc qu'vos m'contez-là !

La mère expose en six couplets la maladie de sa fille; la voisine finit par lui dire:

Et qu'est-che que ch'est ? Ecoutez-mai: Quand Jean s'ra r'venu de la mé. Qu'il y accatte un' bell'bague en or, (I-l'fera, ch'est un bouon sorte d'corps ! ) Pis qu'un blau matin à l'église, Bras d'ssus, bras d'ssous, i ' la conduise, E t là, i n'a qu'à l'y couler, Devant l'ministr', chut bague au doigt ! —Hé ! oh ! oh ! oh ! — H a ! ha ! ha ! ha ! On verrait qu'chla la guérira !

14. Aujourd'hui c'est une langue bizarre, mêlée de mots anglais et celtiques.

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Outre ses coutumes qu'on ne détruit pas par un décret, il lui reste sa langue, souvent attaquée depuis plus d'un siècle, toujours victorieuse. Aussi ne suis* je pas étonné de lire l'article suivant 1 5 dans la Chro­nique de Jersey du 7 juillet 1877 :

NOTRE LANGUE NATIONALE

"Nos institutions qui sont la base de notre indé­pendance et de nos libertés, ont, paraît-il, la vertu de donner sur les nerfs aux amateurs de réformes, et de leur causer un certain agacement, qui se traduit, de temps en temps, par des sorties assez bizarres contre notre régime actuel. Plusieurs, tels que Sergeant Pig-gott et M. Locke, se sont distingués en ce genre, et se sont déjà fait un nom par leurs attaques saugrenues et leurs critiques amères : ils ont bien mérité des Jer-sophobes.

"Or, les hauts faits de ces champions, dont les noms, pour les Jersiais, sont synonymes de destruction et de bouleversement, semblent troubler le repos d'un de leurs émules: ne dit-on pas — s'ils est permis de comparer les petites choses aux grandes — que les lau-

15. Vingt-deux ans plus tard, c'est-à-dire en 1899, le télé­graphe proclamait tout-à-coup que les Etats de Jersey avaient renié la langue française. C'était une affaire réglée, mais on ne disait pas comment, pourquoi, à la suite de quelle crise: rien. La nouvelle se confirma dans les deux mondes comme une trainee de poudre, toujours sans explication. M. Suite écrivit au rédac­teur de la Chronique de Jersey dans l'espoir d'obtenir quelque lumière à ce sujet. II croyait plutôt que la minorité de langue anglaise avait demandé et obtenu la permission de parler sa langue aux Etats et devant les cours de justice, ce qu'elle ne pouvait faire jusque-là, mais cet abandon de la langue n'était qu'un "canard".

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riers de Miltiade empêchaient Thémistocle de dormir? Voici, en effet, que sir John Balfour entre en lice et vient rompre une lance à son tour. Cette fois-ci, c'est notre langue nationale, cette vieille langue de nos pères que le Jersiais Wace fut un des premiers à polir, qui est le point de mire de l'attaque. Sir John Balfour ne demande rien moins que la suppression de ce "patois normand", qu'il n'est nullement nécessaire de conser­ver, attendu que l'usage de la langue anglaise se géné­ralise de plus en plus dans les îles de la Manche.

"Il assimile la mesure qu'il suggère à celle qui fut prise en 1845, à l'égard de l'île Maurice où, en vertti d'un ordre en conseil, la langue anglaise fut adoptée exclusivement pour l'usage des cours et des tribunaux. Sir John Balfour n'a oublié qu'un point dans sa com­paraison, mais un point essentiel qui la vicie complète­ment: c'est que l'île Maurice est une dépendance di­recte de la couronne d'Angleterre; tandis que les îles de la Manche sont un fief indépendant, jouis­sant de leur autonomie, sous le protectorat de l'Angle­terre. On voit que l'argument de sir John Balfour pèche par sa base, et qu'il doit être relégué parmi les utopies malsaines et inconsistantes qui ne peuvent que troubler les esprits faibles.

"Quant à l'assertion que la langue anglaise fait de rapides progrès dans notre population, elle semble, du moins, être avancée assez légèrement. Il est vrai qu'il s'est trouvé ici un jeune écrivain qui, naguère, dans une feuille publique, appelait pompeusement l'an­glais "la langue de l'avenir", et prédisait une dispari­tion fatale de notre langue nationale. Sans examiner si c'est par principe patriotique qu'on hasards de, pa-

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reilles affirmations, nous pouvons cependant croire as­sez facilement qu'en les émettant, on sert la cause des ennemis de nos institutions, et que, pour nous servir d'une expression vulgaire, c'est donner des verges pour se faire fouetter. D'ailleurs, un philologue serait plus circonspect dans ses jugements, et n'irait pas, sur quelques faits isolés et une expérience incomplète, émettre une opinion aussi positive.

"Il y aurait d'autant plus lieu de douter de cette assertion, que d'autres personnes d'un caractère plus sérieux, et surtout mieux inspirées par leur patrio­tisme, tiennent un langage tout différent. Nous sommes heureux d'en trouver un exemple dans le Re-eueil méthodiste des Iles de la Manche, pour le mois de juillet.

"Un pasteur distingué, M. Cook, est venu récem­ment en cette île, qu'il connaît depuis longtemps, pour prendre part à des services religieux. Il a rendu compte de son voyage en véritable observateur. Or, voici en quels termes il termine son intéressant récit: "Une remarque que j'ai faite avec beaucoup de plaisir, c'est que les envahissements de la langue anglaise pa­raissent être bien arrêtés. Il m'a semblé que l'on par­lait tout autant français qu'autrefois, et je crois pou­voir ajouter qu'on le parle beaucoup plus correctement. J'ai plus d'espoir que j 'en avais que la langue française se maintiendra encore longtemps. Seulement, il fau­drait que nos chers collègues s'occupassent plus active­ment, comme l'a fait M . de Mouilpied, de procurer à nos membres des livres et des journaux français. Le surintendant ou Circuit devrait recevoir, tous les mois,

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un paquet de livres de Paris, aussi bien que de Londres."

"Nous conservons, de notre côté, les mêmes espé­rances que M. Cook, et nous félicitons bien sincèrement M. de Mouilpied du zèle qu'il met à atteindre un but si patriotique."

On se croirait au Canada, il y a quatre-vingts ans et plus.1 6

(1877).

16. La comparaison n'est guère possible aujourd'hui. La Chronique de Jersey a reproduit, en 1899, le présent "article sans la moindre critique, d'où il faut conclure que. si fautes ou er­reurs il y a dans le texte de M. Suite, elles sont trop légères pour en parler.

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Carlp explorers; of Canaha

"The New Fonde Londe quhar men goeth a-fisching" was seen first by John Cabot in 1497, ac­cording to written documents of that date, but the fishing grounds may have been known and utilized by the Basques 1 a good while before then. The merit of John Cabot consists in the divulgation of his own dis­covery, whilst the Basques would keep it secret for themselves. The tablet placed June 1897, at the en­trance of the legislative building at Halifax, describes the fact in the following terms: "John Cabot first planted the flags of England and Venice on the 24th June 1497, on the northeastern seaboard of North America." This cannot be denied ; nevertheless it can­not be called the discovery of Canada. We all agree that it was the first step towards the effective at­tempts of subsequent navigators. The committee who placed the tablet avoided misunderstandings by the expression "northeastern seaboard of North America," because the precise locality is a point in dispute— some believed it was Greenland, Newfoundland per­haps, or perchance Cape Breton—but it seems clear that John Cabot did not know what kind of a country existed beyond the headlands he visited. The same uncertainty surrounds the voyage of his son, Sébas­tien, in the following year.

Gaspard de Cortereal sailed from Portugal in 1500 and struck Labrador. He entered the Gulf of St. Law­rence without making much of it. Of course he carried back with him a cargo of Indians and sold them into slavery.

1. Compare Port-aux-Basques, note, p. 231, of the Canadian History, March 1900.

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136 EARLY EXPLORERS OF CANADA

The Normands kept several vessels fishing- around Newfoundland and Magdalen Islands as early as 1504. Jean Denis, alias Rongnoust, of Honfleur, published a map of the coasts of Newfoundland and neighboring places in 1506. One of the landing places on the great island was called after him. Marc Lescarbot says tha t the Basques, the Normands and the Bretons were regularly visiting the banks for the purpose of fishing.

Thomas Aubert, of Dieppe, travelled through the Gulf of St. Lawrence in 1508. It is said in the History of Dieppe tha t one of his vessels was commanded by Jean Verrazano, and that it went eighty leagues in the Gulf.2

Sylvanus, in his map of 1512, outlines the "Square Gulf" — Golfo quadrado.

Sébastien Cabot tried to find a passage to the west (1517) by the strai t afterwards named from Henry Hudson, but failing in this he coasted the con­tinent without exploring the "Square Gulf"; went south as far as Florida, without landing anywhere.

Verrazano was closely connected wi th the mer­chants of Dieppe. In 1523 the king of France com­missioned him to go to sea on his (the king's) account. He spent par t of the following year in doing so. From Florida to Newfoundland he looked for a passage, but reported that the streams flowing into the Atlantic were all small, even the Hudson River, wThich he saw because he entered the present port of New York. He says of Newfoundland tha t "it was known to the Bretons in the old days." He styled the country from

2. On Jean Verrazano see Milangcs historiques, vol. 2, pages 2G37.

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EAHLY EXPLOKEHS OF CANADA 137

South Carolina to Maine inclusively the New France. The fact that he had found no large river caused the geographers to imagine that, behind a narrow barrier of land and mountains, there was an ocean—the Sea of Verrazano—a notion which lasted at least eleven years. Verrazano may have obtained some confused ideas of the Great Lakes, through the Indians of Virginia or Pennsylvania, but he knew nothing of the St. Lawrence.

Jacques Cartier's mission was to reach the Sea of Verrazano. His narrative (1534) indicates that Labrador was regularly visited by the French as far as Nataskouan. He speaks of a large vessel from La Rochelle, which he met in the Gulf of St. Lawrence. Coming back, the year after he passed Anticosti, he was told by the Indians that higher up he would reach fresh water. Sailing in that direction he discovered the St. Lawrence through the whole length of the Province of Quebec.

Sixty years later, Samuel Champlain resumed the work at the point where Cartier had left it (Montreal), and described Upper Canada. The problem of the sources of the St. Lawrence remained unsolved until about 1660. The North-West was penetrated for the first time in 1731, and we began to form a correct idea of the breadth of the continent in 1745. There­fore no one man has discovered Canada; this was ac­complished by successive adventurers, each one having a certain share of credit therefore, but Cartier's share is greater than that of any two explorers put to­gether.3

3. G. U. Kav says that all authorities are not in entire agreement with Dr. Suite on several of the foregoing points.

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Carlp Jforts in tïje &oïti$Wt&t

—1678 — Charles1 Greysolon de la Tourette, a native of the

city of Lyon, built fort Kaministiquia2 at the entrance of Lake Nipigon, near the mouth of River Ombabika.

_ 1 6 8 4 — The same erected fort La Tourette, same Lake."

—1685 — The same erected fort des Français, same Lake,

near the forks of Rivers Kinagami and Albany now. —1688 —

Jacques de Noyon, born in Three Rivers, went by the Kaministiquia (now city of Fort William) and River la Pluie to Lake of the Woods where he spent the winter. On the return journey, one of his best "voyageur" was drowned in the lake called after that man since : Lacroix.4 No fort built.

—1717 — Zacharie Robutel de la Noue, born in Montreal,

built fort Kaministiquia (now city of Fort William)

1. Also called Claude. He was the brother of Daniel Grey­solon, sleur Duluth.

2. Or Caministigoya. Mr. Suite believes the meaning is: plantation of sticks of wood.

3. Fort Kaministiquia seems to have been restored in 1684 and called La Tourette. Do these two names appoint the same fort? I think so.

i. Bulletin des recherches historiques, 1916, p. 350.

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EARLY FORTS IN THE NORTH-WEST 139

and named it thus. Afterwards I find the place called Trois-Rivières. Soon after 1717 La Noue made a trad­ing post which he called Tekamaniounen, near where fort Frances was built years later, but he abandoned it before 1720. Between 1718 and 1720 La Noue erected a fort at Grand Portage entrance of River Pigeon (rivière aux Tourtres).

—1731 — Christophe Dufrost de la Gemeraie, born in

Montreal, erected fort St. Pierre, by direction of La Verendrye, born in Three Rivers, at the outlet of Lake la Pluie, in a creek (anse in French) of River la Pluie, about two miles east of fort Frances later. The christian name of La Verendrye was Pierre.

— 1732 — At the mouth of little River Angle, north shore,

at a few acres of Famine (Bucketi) Island and at one hundred and eighty miles of later fort Frances, Lake of the Woods, and seven leagues from Massacre Island, was built fort St. Charles, named after Charles de Beauharnois, Governor-General, and also Father Charles Messager who was with La Verendrye. Since 1902 crosses have been planted at Massacre Island and on the site of fort St. Charles.

—1733 — Fort La Fourche was built six miles lower than

the town of Selkirk. The place was known as "La Fourche aux Roseaux" (Reeds). Christophe Dufrost de la Gemeraie died there and was buried on the spot. By the Grand Portage La Verendrye opened the route to Lake la Pluie. Lake of the Woods, River Winnipeg and fort La Fourche was at the outlet of that River.

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140 E A R L Y FORTS IN THE N O R T H - W E S T

It was followed until 1797. In 1767 or 1768, Thomas Curry was at Grand Portage. 5

— 1734 — Autumn. Fort Maurepas (Prime Minister of

Louis X V . ) was built on the north shore of River Maurepas (now Winnipeg), a little below fort Alex­ander and on the opposite side, outlet of River Winni­peg. This was done by the eldest son of La Vérendrye.

— 1738 — Fort La Reine, at Portage la Prairie, one hundred

and eighty miles from the present city of Winnipeg, was erected in October by La Vérendrye. Same month, d'Amours de Louvière, born at Quebec, erected fort Rouge, on the south shore of the mouth of River Assiniboine. D'Amours was under La Vérendrye.

— 1741 — The second son of La Vérendrye (called "le cheva­

lier") built during the autumn fort Dauphin at the north-west point of Lake Dauphin.

— 1748 — Charles-Joseph Fleurimont de Noyelle, Military

Officer born in France, was in charge of the North-West. The sons of La Vérendrye were under him. They erected fort Bourbon I, Lake Winnipegosis, at the entrance of River la Biche (Read Deer, Red Deer) . The sons of La Vérendrye also erected fort Poskayac near the forks of the Saskatchewan.

— 1750 — Fort of Sault Ste. Marie, established by a com­

pany of Le Gardeur de St. Pierre, born in Quebec, and

5. See Melanges historiques, vol. 3, p. 62, 75, 78.

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EARLY FORTS IN THE NORTH-WEST 141

kept always afterwards. Le Gardeur de St. Pierre is at that date the head of the North-West fur trade.6

— 1751 — Joseph Boucher de Niverville, born at Three

Rivers, got sick at the forks of the Saskatchewan and from there sent some men by the south branch of that river to build a fort at Bow River. They placed that post on the spot where the barracks of Calgary was erected about 1875 by Captain Brisebois. It was called fort Jonquière in honour of the Governor-General.

— 1752 — Or thereabout. The fort Bourbon I being aban­

doned, another one by the same name was placed where the Saskatchewan widens to form Lake Bourbon (now Cedar Lake). In 1770, Thomas Curry, above men­tioned, in one single trip to fort Bourbon II was so successful that he retired from business with a fortune.

—1753 — At a few miles from the junction of the two

branches of the Saskatchewan, St. Luc de la Corne, born in Montreal, planted fort La Corne. The Indian's name is Nipani (standing upright, debout). James Finlay went there in 1771. 7 In 1753, or very near that date, St. Luc de la Come, or his men, started fort Poskayac II and I believe fort Frances, at the entrance of Lake Cumberland. This is not clear to me.

—1754 — During the summer St. Luc de la Corne built fort

Pasquia on "Rivière Carotte" whatever it may be.

6. See Mélanges historiques, vol. 3, p. 60, 61. 7. See Melanges historiques, vol. 3, p. 62, 73, 74.

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142 EARLY FORTS IN THE NORTH-WEST

I have a note saying that in 1784 or 1785 Roderic McKenzie reopened the route of the River Kaministi-quia abandoned since many years (?) and that he called it "Route du lac du Chien" because this lake is on that route.8

November 4th, 1919.

8. See Mélanges historiques, vol. 3, p. 69.

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Sources of information

€anaba'g fëtëtorp The sources of information from which the

history of Canada is derived may be divided into six classes, as follows :

First.—Correspondence of the governors and the intendants at Quebec, with the ministers of marine and colonies, terminating in 1760. Deposited in Paris archives.

Second.—Correspondence between the governors at Quebec and the cabinet of St. James, from 1760 to 1841. Deposited in the colonial archives and the British Museum, London.

Third.—Notarial deeds, registers of the church, judicial papers, land titles and documents belonging to them. Deposited in many places in the Province of Quebec.

Fourth.—Records of families, old letters, memoirs concerning historical facts, account books, posters of an official character. To be found everywhere and nowhere—but the amateurs as a rule are pretty sharp at detecting their existence.

Fifth.—Now, the printed matter. We have a series of newspapers from 1764, more or less complete. The books of the sixteenth, seventeenth and eighteenth centuries pertaining to New France form a small but valuable library.

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144 SOURCES OP INFORMATION

Sixth.—To these, add the numerous publications upon America put into circulation during the past and the present centuries, and in which are to be found mentions of Canadian affairs of the past, and you will have a fair idea of the work awaiting an amateur who wishes to study the annals of Canada.

All those who wrote books or pamphlets upon the history of Canada, from Jean Verrazano, in 1526, to P.-G. Roy, in 1921, were actuated by one of three motives. Ei ther they were reporting on official missions, or they were interested personally in the defense of a case, or were amateurs engaged in the work as a labor of love. William Kingsford (1898) is one of this last category. Francis Parkman alone was a "professional" in that line. We, in Canada, never make any money by writing.

Let us note how the wri ters of so many volumes have succeeded one another, and also how they gather­ed additional matter, one after the other, as years rolled on. Jean Verrazano, Jacques Cartier, Roberval, Jean-Alphonse Fonteneau alias Alphonse Saintongeois, De Léry, Samuel Champlain, Marc Lescarbot, Gabriel Sagard, Denys, Pierre Boucher, Marie de l 'Incarna­tion, the Jesuits ' relations, La Hontan, Hennepin—all before 1700—wrote out their personal impressions of the country and, of course, could not go any further, because the archives were kept secret in their days.

By using this little primitive library, and adding to it certain information which had been cumulatively obtained by the end of the seventeenth century, Du-creux, LeClercq, Latour, Claude LeBeau produced a new kind of books, based mostly upon previous works.

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SOURCES OF INFORMATION 145

Xiste Le Tac did the same, but his manuscript re­mained unknown for two centuries. The readers of 1700, therefore, were not deprived of historical liter­ature concerning Canada, but no historian had entered the field as yet. La Potherie analysed, rather ex­tensively, the printed knowledge above mentioned and furnished, besides, a large share from his own ex­perience in Hudson Bay and the Great Lakes, as well as the Upper Mississipi. The contribution of Nicolas Perrot helped him immensely in all that which con­cerns the Indians. Perrot's remarkable Mémoires were not published until our own day.

Charlevoix, in 1744, tried to grasp the whole history of the colony and to embody his efforts into a large work. He does not seem to have consulted many original sources except a few letters from men in high position, and the writings of Perrot. The main portion of his books is made out of the Jesuits' Relations. He closes his narrative in 1720.

In 1744 war commenced between Canada and the English colonies of the East, as well as against the Indians of the West, and no rest was given to the Canadians until the autumn of 1760. Our Seven Years' War lasted in reality sixteen years. Under these circumstances it is hard to believe that the works of Charlevoix had many readers among us,1 even if they were seen here. Consequently we infer that the French Canadians were limited, until about 1830, to the books on the history of Canada published before 1730. As for other classes of literature, they had a sufficient supply. This has been explained elsewhere.

1. That work never circulated in Canada before 1860.

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146 SOURCES OF INFORMATION

Joseph-François Perrault, a prothonotary of the Court of the King's Bench, Quebec, issued a history of Canada in 1832-36, the first written by a Canadian. It contains nothing new, except some remarks upon the various changes in law that had taken place since the two last centuries. Commentaries upon these points are not to be found in the writings of any pre­vious so-called historians, but even there Perrault had a safe guide in François-Joseph Cugnet, a legist of strong mind who had paved the way for him and many others.

A short digression may not be out of place here, for several authors 2 who published books before Perrault, had elucidated more than one aspect of our history, and it is only right not to forget them. Du-calvet (1784), 3 Weld (1807), Heriot (1807), Lambert (1810), Anderson (1814), Hall (1817), Palmer (1818), Sansom (1819), Bibaud (1820), Bouchette (1830) had contributed a certain amount of historical material, spread through numerous volumes on immigration, commerce, travels, administration, industries, etc., and historians in due time, availed themselves of this in­formation.

But the archives of the ancient days still remained sealed to us. 4 Our Alcoran was Charlevoix, the com­piler of books printed before 1730. It was considered an impossibility to have access to the depots design­ated at the beginning of this article as belonging in the first and second classification—and so it was.

2. Not historians. 3. Most false and deceiving. 4. An immense gathering of old records has been made

since 1898.

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SOURCES O F INFORMATION 147

Next came F.-X. Garneau, with a new prospect before him. He observed that there was a tendency among writers5 to ignore the good that could be said of the French population of the colony, and he con­ceived the plan of a work calculated to link together the facts by which could be shown the conduct of these people since the early settlement of Quebec. He sounded the note of patriotism and pointed out abuses of the British authorities. His conception of history and of the duty of an historian was admirable. His perspicacity was such that we never find him in con­flict with any of the mass of documents brought to light afterwards. He remains unrivaled up to date for clear exposition of the events extending from Car-tier's time to 1840. Avoiding useless details, his pen delineates nothing but broad lines, and his descrip­tions are easily remembered.

Contemporaneous with Garneau's book was pub­lished a history of Canada by Michel Bibaud, wholly lacking in philosophy, and altogether imbued with a singular monarchial or British spirit in the sense of keeping the administration of the colony under the thumb of the ministry in London. The political parties represented by Garneau and Bibaud in their books (1845) had fought against one another during the rebellion of 1837.

By the year 1850 we haye access for the first time to about 20,000 foolscap pages of manuscript copied from the archives of Paris, at the suggestion of Pa-pineau. Twenty years later the archives of London were also open to us. The Canadian Government has

5 English writers especially.

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148 SOURCES OF INFORMATION

done very little towards defraying the cost of that work; nevertheless an immense number of documents from those two sources are now in our possession and more are to come soon.

The innumerable acts, etc., mentioned as classes 3 and 4 at the beginning of this article did not attract much attention before 1840, but they are pretty well explored at this moment and the press of the past few years has been busy in bringing them to light. The amateurs have their hands full of all this new material.

The time has come for a catalogue of all the works published upon the history of Canada.6 Such an enterprise presents many difficulties at the outset, and the sale of it could not be productive in a small community of 5,000,000 souls—unless i t is undertaken by an American.

June 1898.

6. See Dr N.-E. Dionne, Inventaire chronologique, in five parts, printed from 1904 to 1909 in the transactions of the Royal Society of Canada.

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TABLE DES ARTICLES

Pages

La Rivière-du-Loup (en haut), 5

Lachine 66

L'Amiral sir William Phips 90

L'Ue-à-la-Fourche (Nicolet) 93

Le Château Bigot, 107

L'Ile de Jersey, 118

Early Explorers of Canada 135

Early Forts in the North-West, 138

Sources of Information: Canada's History, . . 143

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Index Général

Abraham, René 10* Adams, John, arpenteur 94 Ainslie, Gilbert 117 Algonquins, Sauvages 7 Alix ou Aly, Vincent SO Allète ou Alain, Georges 80 Anseau de Berry et des Essarts, Benjamin 25 Anseau, Marie-Anne, Soeur Sainte-Thérèse, Ursuline .. . . 44 Antrobus, John, grand-voyer 62 Archives du Canada en France 23, 24, 147 Arcouët, Jean 104 Arnold, Benedict, général 116 Aubert, Thomas 13G Aubuchon, Jeanne 33 Auger, voir Lemaître.

Badeaux, J.-B., notaire 51, 55, 56, 57 Barabé, Marie-Jeanne 42 Bareau, Marc 37 Baron, Louis 26, 30, 31 Barons, Club des 117 Bau, voir Lebeau. Barré, Marie-Anne 89 Baudry dit Desbuttes, Guillaume et Jeanne 21 Baudry, Madeleine 2J Bazin 55, 57 Beaubien, voir Trottier de Beaubien. Beaugrand, Honoré 70, 71 Beauharnois, Charles de, gouverneur général 139 Bécancour, rivière 105 Bédard, Joseph 116 Bégon, Michel, intendant 108, 109, 114, 117 Bell, Mathew 117 Bellemarre, abbé J.-E 99 Benassis, Madeleine 21 Benoit, Marguerite 40

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152 I N D E X G E N E R A L

Bérard dit La Reverdra, Jean 26, 27, 29, 30, 31 Bergeron, François 12,30,31,33,35,37,40 Bertrand, abbé Laurent-Joseph 52 Bibaud, Michel, historien 140,147 Bigot, château (à Charlesbourg) 107117 Bigot, François, intendant . . 107-117 Biron, capitaine de milice 56, 57 Blackstone, H . , shérif 95 Blondeau, Jeanne 104 Boivin, Joseph. 56, 58 Bonnefond, voir Passerieu dit Bonnefond. Bory ou Bornay dit Grandmaison, Laurent SO Bouchard, P S0 Boucher, Marie 102 Boucher, Pierre 144 Boucher de Grandpré, Lambert 21 Boucher de Niverville, Joseph 141 Bouchette, Joseph, arpenteur général . . 10, 49, 54, 62, 64, 97, 146 Boulanger (Le ) , Jean-François 20 Bourbon, fort 140, 141 Bourne, M 111, 117 Boyvinet, Gilles, juge 11, 19 Broglie, ce nom 96, 100, 101 Brousseau, Léger 116 Brugnon dit Lapierre, Pierre 12, 27, 29, 30, 31, 35 Burel, Pierre 31

Cabot, Jean et Sébastien 135, 136 Caiet, Jeanne 104 Caillé ou Cayer, Marie 54 Caldwell, sir John 117 Calgary, ville 141 Cardinal, René 53 Carleton, Guy, gouverneur général 57 Caron, abbé Napoléon 5, 52 Cartier, Jacques 136, 137, 144 Carufel, voir Sicard de Carufel. Casgrain, abbé H.-R 110, 112 Cavelier, abbé Jean 66 Cavelier de L a Salle, voir La Salle. Chabaudie dit Lépine, Jean 104 Champigny, Jean Bochart de, intendant 17 Cbamplain, Samuel 6, 136, 137, 144 Charbonnier, Marie-Madeleine 81 Charlevoix, Père F . -X 145, 146 Charmois dit Duplessis, Noël 80 Chartier, René S0 Châteaudeau dit Massias, Mathias . . S0

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I N D E X G E N E R A L 153

C h â t e a u g u a y , r iv iè re appelée r ivière du L o u p 35 Cha te reau , J e a n 116 C h e n é dit L a Garenne , Ber t r and 32 Chené , Genev iève-Bl izabe th '02 Chicot , f ief 53, 56 Chré t i en , J a c q u e s 49 C o c k b u r n , co lonel 111, 112, 117 C o l t m a n , J o h n 117 Cor tê réa l , G a s p a r d de 135 Couc , P ie r re 30 Cource l les , R é m y de, gouverneur général 7 1 Cousson, F r a n ç o i s 104 C o y , Cha r lo t t e 27, 2!» Crawford , W i l l i a m 115, 116 Cressé, Cha r lo t t e 105 Cressé , Miche l 97, 98, 99, 105 Crev ie r , C l a u d e ' H Crev ie r , Mar ie -Ca the r ine 36 Cugne t , F r anço i s - Joseph 146 Cui l l e r i e r , R e n é 71, SO Cui l l e r i e r , fort 7° Cur ry , T h o m a s , t rai teur 140, 141 Cusson , J e a n 12

D ' A m o u r s de L o u v i è r e 1*0 D a n i a u , J a c q u e s 105 D a u p h i n , fort 1 4 0

D a v a u x , S i m o n 80 Deniers , abbé J é r ô m e H ' f Den i s , J e a n 1 3 a

D e n y s de V i t r é 1 0 j j Deny.?, M a r g u e r i t e 1 0 0

Desauneaur. , J u d i t h 3jj Deschamps , M a r i e 2 o ' ~ , Deserres , M i c h e l Des j a r l a i s , vo i r Ger la i se . D e v e s t ou D e v a u x , L o u i s 31 Die l l e , P a u l D i o n , J . - 0 9 4

Dion i s , F r a n ç o i s ° D i o n n e , D r N . - E • V „ ï , „ ,

Do l l i e r d e C a s s o n , p.s.s 68, 69, 70, 73, 74, 101 Doucet , N ico l a s -Ben j amin • • 93, 94 D o y o n , Mar ie-Madele ine 27, 28, 31 Droue t de M a r e u i l , voi r M a r e u i l .

Dubo i s , J e a n et Mar ie -Anne ^

Duca lve t , P i e r re J 4 »

Dufros t de l a Gemera ie , Chr i s tophe 1^9

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154 INDEX GENERAL

Du Lignon dit Lamirande, Jean 35 Duluth, Daniel Greysolon 138 Dumoulin, Emmanuel 51 Dupont, Vinceslas 111 Dupuis, Zacharie 71 Duquet, Françoise 114 Dutaux, Pierre 33

Estèbe, Guillaume 115 Etienne, Philippe 32, 33

Fabert, voir Lefebvre. Fafart dit Longval, Michel 22, 46 Fagueret dit Petitbois, Jean 80 Falaise de Gannes, Mlle de 59, 62 Feniou, Guillaume, marchand 9 Ferland, abbé J.-B.-A 113, 114, 117 Finlay, James, traiteur 141 FoIIeville, voir Testard de Folleville. Fonteneau, Jean-Alphonse, pilote 144 Fort-William, ville 138 Foucault, François 114 Français, fort des 138 Frances, fort 139 Fraser, Simon, négociant 118 French Shore de Terreneuve 118 Frontenac, comte de, gouverneur général 10, 17, 19

Gaillard, Guillaume 11* Galinée, abbé Dominique 67, 68, 69, 73, 74 Garigues, Claude Garneau, F.-X., historien 147 Gaultier de Varennes, René 102 Gaultier de la Vérendrye, Pierre 139, 140 Gauthier, Pierre 80 Geoffroy, Nicolas 105 Georgeau, Pétronille 89 Gerbaut dit Bellegarde, Christophe 30, 31, 32, 33, 34, 36 Gerlaise, Jean Jacquet de, dit Saint-Amant,

11, 12, 26, 28, 29, 30, 31, 33, 35, 36. 40, 41 Gerlaise, Jean-François Jacquet de 41 Gerlaise, Marguerite Jacquet de 36 Germano, Joachim 26, 28, 30, 31 Geraon dit Saint-Germain, Jean Gervais, Marie 3 2

Girouard, Désiré, auteur, sa famille 66-89 Godefroy de Lintot, Agnès 42, 44 Godefroy de Dintot, Charlotte 21

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INDEX GENERAL 155

Godefroy de Lintot, Michel 21 Godefroy de Normanville, Louis 102 Godefroy de Tonnancour, René 22, 56, 57, 58 Godefroy de Vieux-Pont, Catherine 40 Godefroy de Vieux-Pont, Charlotte 22 Godefroy de Vieux-Pont, Jacques et Joseph 102 Goubeault, Pierre • 45 Grand-Portage 13» Grand-Pré, fief 114, 116 Grant, William, négociant 115 Gravier, Gabriel, auteur •.. . . 66 Gray, Raphaël 115 Gugy, Conrad . . 57, 58 Guinard, Pierre-Alexis 35, 36

Hamilton, George 117 Haro, clameur de 11». 12" Hébert dit Saint-Martin, Etienne 80 Hennepin, Frère Louis 144 Heriot, George H ' Hertel, Charles-Exupère 21 Howells, William Dean H l Hugo, Victor, son exil • • • 124 Hunter's Town 5 4

Ile-à-la-Fourche 9 3 - l ° .0 Invasion de 1775 « 5

Jersey, île de 118-134 Joachim, Bernard 104 Jolliet, Louis • • 'j> Juges de seigneuries ' 2 0

Kalm, Peter, botaniste 5 2> j>3 Kaministiquia, fort, 1678, 1688 138 Kingsford, William, historien I * 4

Kirby, William, romancier 1 1 1

Labarre, Jacques de » 28, 31 Lacerte, voir Vacher dit Lacerte. „ Lachine, ses commencements, massacre de 1689 . . . . 66-8» La Corne, fort Lacroix, voyageur 1 6 ° Lafond, voir Pépin dit Lafond. La Fouille, voir Pernon de la Fouille. La Fourche, fort La Hontan 1 , 4

Lalongé, voir Lemaître.

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156 I N D E X G E N E R A L

Lamarche, Jean de 102 Lambert, Georges 62 Lambert-Dumont, Nicolas-Eustache 93, 94, 95 Lamirande, voir Du Lignon dit Lamirande. L&montagne, François Bansliard dit, 12, 26, 27, 28, 31, 33, 35, 36 Lamothe-Cadillac 102 Langiade, Charles Mouet de Moras de 102 L a Reine, fort 140 Larose, capitaine de milice 57 L a Salle, René-Robert Cavelier de 66-89 Laspron dit L a Charité, Jean 104 Laterrière, Pierre de Sales 58, 59, 60, 61 L a Tourette, fort, 1684 138 L a Tourette, Charles Greysolon de 138 Latour 144 L a Vérendrye, voir Gaultier de la Vérendrye. Lavergne, François 100, 104 Le Beau, Claude 144 Lebeau (ou B a u ) , Jeanne 52 Leber, Jacques 68, 79 Le Boulanger, voir Boulanger. Le Chasseur, Jean 10-14, 19-22, 34, 35 Le Chasseur. Roch, officier militaire 22, 23 Le Chasseur, abbé Roger-Chrétien 23 Leclerc, Catherine 22 Leclerc, Etiennette 33, 37, 40 Leclerc, Florent et Jean 33 LeClercq. 144 L'Ecuyer, Benjamin, arpenteur 94 Lees, John, négociant 116 Lefebvre, Jacques 1 0 5

Lefebvre, Marie 40, 104 Lefebvre, Micbel 54 Lefebvre, Noël 4 0

Lefebvre dit Bélisle, Ignace •• •• 46, 52 Lefebvre dit Descoteaux, Pierre 35, 37. 41 Lefebvre dit Fabert, Jean-Baptiste-René 52 Lefebvre dit Lasisseraye, Pierre 22 Lefrançois, Françoise 100, 104 Le Gardeur, Marie-Charlotte • •_ 20 Le Gardeur de Montesson 5o, 57 Le Gardeur de Saint-Pierre 140, 141 Lemaître Antoine , 3 3

Lemaître, Charles jjl Lemaître, Etienne . . ^ Lemaître, Marguerite 30, 32, 33 Lemaître, Marie-Louise . . 25, 27, 29, 32, 33 Lemr.ître, Pierre ' *

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INDEX GENERAL 157

Lemaître dit Auger, Charles 40, 48 Lemaitre dit Auger, Joseph 50 Lemaître dit Auger, Michel 49 Lemaître dit Lalongé, Jean 40, 49, 53 Lemaître dit Lamorille et Le Picard, François . . 26, 27, 32, 34 Lemire, Louise 105 Lemoine de Longueuil, Charles 68, 79 Le Moine, J.-M., auteur 110-116 Le Neuf de la Vallière, Michel 17, 18 Lenoir-Rolland, François 71, 80, SI Le Peté, Catherine 106 Leproust, Jean 51, 56, 58 Leroux dit Cardinal, J . -B 116 Lesage, Jean-Baptiste 35, 36 Lescarbot, Marc, historien 136, 144 Lesieur, Clément 128 Lesieur-Desaulniers, François, auteur, 5, 15, 25, 37, 48, 51, 52, 61 Le Tac, Xiste, Récollet 27, 105, 146 Lossing, colonel Benson J 111 Loubias, Arnoult de 96-102 Louiseville (son histoire) 5-65 Loups en Canada 6 , 8 Lymburner, Adam 117

Madry, Jean, médecin 114 Maheux, F.-X.. archiviste 112, 116 Malchelosse, Gérard 47 Manereuille, Jacques-Théodore Cosineau de, 7, 9, 10, 14-18, 38 Marceseau, Charlotte 40 Marest dit Lebaron, Marin 12, 25, 31, 35, 36 Marest, Marie-Thérèse 25, 36 Mareuil, ce nom 16, 18 Mareuil, Pierre de, Jésuite 18 Mareuil, Drouet de, enseigne, 1761 5* Margry, Pierre, auteur 68, 73, 74, 75 Marmette, Joseph, auteur 111, 112 Marsil dit l'Espagnol, André 104 Maskinongé 38, 53 Massicotte, E.-Z 5. 26 Mather, Cotton, auteur 90 Maurepas, fort 1*0 McKenzie, Roderic 142 McTavish, château à Montréal 117 Méchin, Jeanne • 105 Meloche, François s o

Mercier, abbé Jean-Auguste 53 Mercier, Marie 104 Merles, capitaine de milice 56

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158 I N D E X G E N E R A L

Messager, Père Charles 139 Meti8ameg8k8c, Algonquine 30 Millot, Jean 80 Moireau, Claude, Frère récollet 100 Moisan, Nicolas 80 Montesson, voir L e Gardeur de Montesson. Moras, He 42, 98, 99, 103 Morel de la Durantaye, Olivier 114 Morin, Jacques . . 80 Mouet, François, marchand 101 Mouet, Pierre 42 Mouet de Moras, Pierre 98, 101, 102, 103, 105 Mouet de Moras, Thérèse 42-45 Munro, David 117 Myrand, Ernest, auteur 92

Nicolet, seigneurie, premiers colons 96, 103-106 Noiseux, François, grand-vicaire 51 Nord-Ouest, forts français dans le 138-142 Noyelle, Charles-Joseph Fleurimont de 140 Noyon, Jacques de 138

O'Brien, Edouard, archiviste 112 Officier réformé, ce terme 16 Ogden, C.-R 93, 94 Ohio, rivière, 1669 68, 73-75 Ouilem, Joseph-Thomas, voir Williams. Ozanne, Nicolas 80

Paillé, Charles 49 Papineau, Amédée I l l , U- 2> ^ Papineau, Samuel 3 6

Parkman, Francis, historien 74, 144 Pasquia, fort 1 4 1

Passart dit La Bretonnière, Jacques 27, 29-35, 37 Passerieu dit Bonnefond, Pierre 35, 36 Pelletier, Marie-Angélique 28, 33, 40 Pépin, Guillaume 1 0*> Pépin, Jacques, Marguerite et Elizabeth 10* Pepin dit Lafond, Etienne 102 Pépin dit Laforce, Pierre 1 0 5

Pernon de la Fouille, Jean-Maurice-Philippe de 15, 30 Perrault, Joseph-François 1 4<? Perrot, Nicolas 13, 14, 21, 74, 145 Pérusse, Antoinette, Jean et Louis ** Pérusseau, Pierre 8 ^ Petit, Alexandre et Moïse * Petit, Marie-Jeanne 4 1

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I N D E X G E N E R A L 159

P e t i t d i t B r u n o , J o s e p h 1 2 , 1 4 , 2 7 , 3 2 , 34 , 3 7 - 3 9 P é t r i m o u l x , J . - B . o u D o m i n i q u e , R é c o l l e t 5 9 - 6 2 P h i p p s , a m i r a l s i r W i l l i a m 9 0 - 9 2 P i c a r d , A n t o i n e 8 0 P i l l a r d , L o u i s 4 6 , 5 1 P l a n c h e , J e a n d e l a 2 6 , 3 1 P o i g n e t d i t B e a u r e g a r d , M a r g u e r i t e 1 0 4 P o i n t e - a u - S a b l e d e N i c o l e t 1 0 5 P o m b e r t , v o i r T r o t t i e r d e B e a u b i e n . P o q u e l e a u , P è r e C h a r l e s 49 , 5 2 P o r t a g e - l a - P r a i r i e 1 4 0 P o s k a y a c , f o r t 1 4 0 P o u g e t , a b b é J . - B . - N o ë l 56 , 5 8 P o u l i n , P i e r r e 48 , 5 1 P o u l i n d e C o u r v a l , J . - B 4 5 P o w n a l l , s i r G e o r g e 1 1 7 P r é t o r i u s , c o l o n e l a l l e m a n d 5 9 , 6 0 , 6 1 P r é v o s t , E l l e 1 0 5 P u a n t e , r i v i è r e , v o i r B é c a n c o u r .

R a d c l i f f e , A n n e W a r d , r o m a n c i è r e 1 1 2 R a p i n , A n d r é SO R i é m y , f o r t 70, 7 1 , 7 8 , T.) R é m y , a b b é P i e r r e 7 1 R e n a u d , A n n e 1 0 4 R e v e r d r a ( L a ) , v o i r B é r a r d d i t L a R e v e r d r a . R h é a u m e , J . - P . , a v o c a t 1 1 7 R h é a u m e , R o b e r t 8 0 R i c h a r d , A n d r é , J é s u i t e 1 0 2 R i e d e s e l , g é n é r a l • • 5 8 R i g a u d , J u d i t h 2 6 , 27 , 3 4 R i v i è r e - d u - L o u p ( e n h a u t ) , s o n h i s t o i r e 5 - 6 5 R i v i è r e - d u - L o u p ( e n b a s ) 8 R o b u t e l d e l a N o u e , Z a c h a r i e 1 3 8 , 1 3 9 R o l l a n d , f o r t • 7 0 R o l l o n , p r i n c e n o r m a n d 1 1 9 , 1 2 0 R o u g e , f o r t • • 1 4 0 R o u s s e a u , E d m o n d , r o m a n c i e r , 1 1 1 . 1 1 2 R y l a n d , H e r m a n W 1 1 7

S a g a r d , F r è r e G a b r i e l 1 « S a i n t - A m a n t , v o i r G e r l a i s e . S a i n t - A u l a i r e , c o m t e 6 9 - 6 1 S a i n t - C h a r l e s , f o r t . . 1 3 9 S a i n t - C u t h b e r t , p a r o i s s e 5 6 S a i n t - G e r m a i n , P i e r r e • • • 8 0 S a i n t - J e a n , f i e f 1 4 , 3 9 , 4 3 , 4 8 - 5 1 S a i n t - L é o n , p a r o i s s e 54 , 5 5

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IQQ INDEX GENERAL

Saint-Maurice, forges 38 Saint-Pierre, £ort 130 Saint-Sulpice, côte 66-73 Sainte-Suzanne, rivière 6 Saint-Valier, Mgr de 1618 Sault Sainte-Marie, fort 140 Seigneuret, Etienne et Marguerite 21, 102 Shaw, Angus 117 Sicard de Carufel, Jean 37 Sicard de Carufel, fief 48-50 Stewart, John, Gray et Charles 115, 116, 117 Sylvanus 136 Talleyrand, famille 1!» Talon, Jean, intendant 113, 114 Tarieu de Lanaudière 56, 57, 5S Tarieu de Lanaudière, Charles 117 Tartuffe, comédie de Molière 10 Tavanelle, Jeanne 23 Tekamaniounen, poste de traite de l'Ouest 13!) Terrien, Jean 26, 31 Testard, Marie 35 Thibaudeau, Mathurin 80 Toupin, Marie 42. 101. 102 Trois-Rivlères, juridiction 52 Trottier, Marie 52 Trottier dit Beaubien, Madeleine 46 Trottier dit Beaubien, Michel 14, 39, 40-46 Trottier dit Pombert, Alexis 42 Trottier dit Pombert. Antoine 40 Troupe3 dites de la marine 16 Trudelle, abbé Charles 110, 111, 113, 114

Trudelle, Jeanne 29, 33

l'rsulines des Trois-Riviêres 14, 38, 39, 42, 43, 47-50

Vacher dit Lacerte, Jean-Charles et Guy 40 Vallières de Saint-Réal, avocat '•>'•> Vauvril de Blason, Marie-Marguerite 21 Verdun, paroisse 70, 71 Verrazano, Jean 136, 144 Vienne, François-Joseph de 115 Wace, Robert, poète 120, 128, 132 Williams, Joseph-Thomas (ou Ouilem) 128 Wilson, William, négociant 116 Winnipeg, ville 140 Wyse, Frédéric, perruquier de Québec 117

Yamachfche, paroisse 5, 7, 39