banlieue paysanne d - montreuil, seine-saint-denis

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Campagnes solidaires I N° 250 avril 2010 Dossier D ans la proximité des nouveaux temples d’industrie, la terre fut longtemps nour- ricière, avant d’être souillée et bétonnée. La générosité patronale, mesquine, pater- naliste et intéressée, a distribué un sem- blant de guéret à ces paysans devenus prolétaires. Les jardins ouvriers ont en leur temps quadrillé l’es- pace avec un souci d’égalité. Ils ont apporté alors, avec un peu de subsistance, le souffle vacillant de la Commune de Paris et de l’âme paysanne. Il y a dans les entrailles des villes devenues tentacu- laires, des traces encore visibles, vivantes, comme la persistance têtue de l’histoire rurale. À Montreuil, banlieue au passé paysan, des murs de pierre protégeaient des plantations d’arbres fruitiers, mais aussi de la vigne et des potagers. Ils sont aujourd’hui très délabrés. Des urbains, avec peut-être une empreinte génétique rustique résistante en mémoire, se proposent à leur remise en état. Les projets abondent, sympathiques ou délirants. Nouvel an 01, ils veulent se sai- sir de la moindre possibilité de résurrection du vivant agricole. Dans cette ban- lieue aux visages poly- chromes, chacun amène ses rêves, ses souvenirs vivaces ou brouillés par le temps, la soli- darité comme lien, la gourmandise de la terre comme des- sert. Semblables à ces paysans d’Afrique qui font pousser d’éton- nantes plantations sur du roc recou- vert de terre, des associations de citoyens tentent ces gestes impos- sibles sur des dalles de béton au cœur de la ville. Les usines qui avaient recouvert les espaces fer- tiles, soumises à la pression capitaliste, ont fermé et ont été délocalisées : sur les friches industrielles des volontés politiques convergentes veulent édi- fier un nouveau quartier agriculturel. Pendant ce temps, dans l’Hexagone, deux cents hec- tares de terre arable disparaissent chaque jour, engloutis dans le gouffre de la modernité urbaine. Face à cette situation, chaque arpent récupéré est un geste modeste mais puissamment symbolique, même s’il ne doit pas occulter que dans nombre de territoires, les paysans broyés par la machine libérale abandonnent dans le désespoir leurs terres à la friche. Face aux troubles du monde ici et dans la profon- deur des campagnes, sauver la terre pour nourrir les êtres est un acte essentiel, vital. Et si l’im- plantation du siège national de notre syndicat dans la ville voisine de Bagnolet, à côté de cette renaissance et de ces projets agricoles urbains, n’était pas le seul fait du hasard mais l’af- firmation inconsciente et emblématique de la résis- tance, comme le perce- neige dans la lumière finissante des frimas ? Michel Curade, paysan retraité dans l’Aude NB : La Confédération pay- sanne tiendra son assem- blée générale nationale à Montreuil, les 4 et 5 mai prochains. L’occasion de voir cette banlieue de Paris à travers son passé, son présent et son futur agri- cole. Banlieue paysanne

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Page 1: Banlieue paysanne D - Montreuil, Seine-Saint-Denis

Campagnes solidaires I N° 250 avril 2010

Dossier

Dans la proximité des nouveaux templesd’industrie, la terre fut longtemps nour-ricière, avant d’être souillée et bétonnée.La générosité patronale, mesquine, pater-naliste et intéressée, a distribué un sem-

blant de guéret à ces paysans devenus prolétaires.Les jardins ouvriers ont en leur temps quadrillé l’es-pace avec un souci d’égalité. Ils ont apporté alors,avec un peu de subsistance, le souffle vacillant dela Commune de Paris et de l’âme paysanne. Il y adans les entrailles des villes devenues tentacu-laires, des traces encore visibles, vivantes, commela persistance têtue de l’histoire rurale.À Montreuil, banlieue au passé paysan, des mursde pierre protégeaient des plantations d’arbresfruitiers, mais aussi de la vigne et des potagers.Ils sont aujourd’hui très délabrés. Des urbains,avec peut-être une empreinte génétique rustiquerésistante en mémoire, se proposent à leur remiseen état.Les projets abondent, sympathiques ou délirants.Nouvel an 01, ils veulent se sai-sir de la moindre possibilitéde résurrection du vivantagricole. Dans cette ban-lieue aux visages poly-chromes, chacunamène ses rêves,ses souvenirsvivaces ou brouilléspar le temps, la soli-darité comme lien,la gourmandise dela terre comme des-sert. Semblables àces paysansd’Afrique qui fontpousser d’éton-nantes plantationssur du roc recou-vert de terre, des

associations de citoyens tentent ces gestes impos-sibles sur des dalles de béton au cœur de la ville.Les usines qui avaient recouvert les espaces fer-tiles, soumises à la pression capitaliste, ont ferméet ont été délocalisées : sur les friches industriellesdes volontés politiques convergentes veulent édi-fier un nouveau quartier agriculturel.Pendant ce temps, dans l’Hexagone, deux cents hec-tares de terre arable disparaissent chaque jour,engloutis dans le gouffre de la modernité urbaine.Face à cette situation, chaque arpent récupéré estun geste modeste mais puissamment symbolique,même s’il ne doit pas occulter que dans nombrede territoires, les paysans broyés par la machinelibérale abandonnent dans le désespoir leurs terresà la friche.Face aux troubles du monde ici et dans la profon-deur des campagnes, sauver la terre pour nourrirles êtres est un acte essentiel, vital. Et si l’im-plantation du siège national de notre syndicatdans la ville voisine de Bagnolet, à côté de cette

renaissance et de ces projetsagricoles urbains, n’était pas

le seul fait du hasard mais l’af-firmation inconsciente et

emblématique de la résis-tance, comme le perce-

neige dans la lumièrefinissante des frimas?

Michel Curade,paysan retraité

dans l’Aude

NB : La Confédération pay-sanne tiendra son assem-blée générale nationale àMontreuil, les 4 et 5 maiprochains. L’occasion devoir cette banlieue de Parisà travers son passé, sonprésent et son futur agri-cole.

Banlieue paysanne

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Campagnes solidaires II N° 250 avril 2010

Dossier

La culture des pêchers en espalierapparaîtrait à Montreuil dès la findu XVe siècle. Elle atteint son âge

d’or au XIXe.Autour du clos, unité de base, sont

édifiés des murs orientés au sud. L’orien-tation est calculée pour tenir comptede la pente et de l’ensoleillement ; les

murs emmagasinent la chaleur dans lajournée pour la restituer aux arbresdurant la nuit. Assis sur des fondationsde soixante centimètres de large, ilssont levés à deux mètres soixante-dixde haut, recouverts d’un enduit deplâtre (de grandes carrières de gypsesont alors exploitées sur la commune).

Les pêchers, plantés le long des murs,vont donner des variétés locales tellesle Téton de Vénus, la Grosse Mignonne,la Belle Beausse, la Madeleine Rouge oula Belle Impériale. Les horticulteursexperts de Montreuil étaient capablesde produire des pêches de plus de400 grammes.

Au début du XIXe siècle, commela plupart de ses voisines quientourent Paris, Montreuil est

une commune agricole, vouée à l’ap-provisionnement de la capitale. Les troismille habitants sont essentiellementregroupés dans le bourg ; le reste duterritoire est recouvert de vignes, dezones maraîchères et arboricoles. Prèsde Paris, les terres de la plaine produi-sent un vin aigrelet bu dans les guinguettes

du village de Cha-ronne, situées horsde l’enceinte pari-sienne et des droitsde l’octroi (taxe surles alcools entrantdans la ville).

Plus à l’Est, sur lescoteaux et les pla-teaux, se trouvent lesmurs à pêches, perti-nent système mis enplace pour la cultured’un fruit par natureplus méridional. En1825, on compte 600kilomètres de ces murspour une productionde 15 millions depêches, très à la modeà l’époque sur lestables bourgeoises ouaristocrates. En 1851,les travaux agricolesoccupent près de neufpersonnes sur dix àMontreuil. Cette agri-culture locale génèrel’activité de dizainesd’artisans charretiers,

de fabricants d’outils ou de paniers…Nous sommes alors à l’apogée de la Mon-

treuil paysanne. La loi du 6 juin 1859 décré-tant l’annexion à Paris de onze com-munes et treize fractions de communesvoisines réorganise la cité en vingt arron-dissements par une nouvelle loi adoptéeen janvier 1860. C’est le Paris actuel. Lapoussée urbaine et la hausse des taxesamènent à Montreuil de nombreux éta-blissements industriels, à l’étroit dans la

nouvelle cité capitale. L’essor fulgurantd’un autre Montreuil débute, celui de laville ouvrière.

Aux débuts des années 1950, trente usinesemploient plus de cent salariés chacune,aux côtés de cinq cents entreprises demoins de vingt salariés. Mais un siècleaprès le début de la vague industrielle,c’est le ressac. À partir des années 1960,l’industrie de la ville connaît un premierfléchissement. Entre 1962 et 1966, unecinquantaine d’établissements fermentleurs portes. En une décennie, c’est letiers des entreprises montreuilloises quiarrête ses activités. La ville « rouge » quiespérait accueillir cent trente mille habi-tants en 1970 tente de reprendre lamain, à travers son Bureau du plan oula mise en place de sociétés d’économiemixte. En vain, ou presque, malgré desluttes syndicales mémorables : la crisedes années 1970 est globale.

Le capital – qui n’est plus local – délo-calise et ferme sans complexe. Les plusanciennes industries sont les premièresfrappées : la peausserie, le jouet métal-lique, la céramique décorative. Puis som-breront les navires amiraux, comme Gran-din, filiale de Thomson, la confiserieKréma ou les machines-outils Dufour.

Une autre page de l’histoire de la villes’ouvre dans la douleur. Les friches indus-trielles sont converties en bureaux, enlogements, en ateliers d’artistes, en no man’sland encore à ce jour pour certaines. Aunord-est, de vastes terrains portent sur plu-sieurs dizaines d’hectares les traces desmurs à pêche. L’envie d’agriculture revientchez certains habitants…

Benoît Ducasse

Des racinespaysannes

Les murs à pêches

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Campagnes solidaires III N° 250 avril 2010

Ce mode de culture original estune grande trouvaille des arbori-culteurs montreuillois qui s’af-franchissent quasiment de la natureen se protégeant des deux grandspérils de la production : la grêlesur les fruits, protégés par un petitauvent en haut des murs contrelesquels ils sont palissés, et lagelée sur les fleurs, des toiles pou-vant être tendues du sol en hautdes murs aux périodes critiques.

Dans les clos sont cultivés desfleurs à couper ou des plantesen pots, elles aussi destinées àla vente sur la capitale. Des pommierset poiriers se trouvent aussi le longdes murs.

À la fin du XIXe siècle, la grande époquede Montreuil aux pêches se termine :la ville pousse vers les faubourgs, leschemins de fer permettent aux fruits

de Provence d’arriver à Paris avant lamaturité des pêches de Montreuil quirestent néanmoins un produit de luxeréputé.

La culture vit encore durant quelquesdécennies. Sur une quarantaine d’hec-tares une agriculture urbaine se main-

tient de façon active jusque dans lesannées 80-90. La dernière horticultriceprofessionnelle prend sa retraite à la findes années 1990. Dix-sept kilomètresde murs fortement dégradés subsis-tent à ce jour. Huit hectares et demi sontdésormais classés.

Le marquage des fruits estpratiqué à Montreuil depuisle XVIIIe siècle où chaque

année quelques cultivateursoffraient des fruits marqués auRoi. Mais c’est à la fin duXIXe siècle que le marquageconnaît son apogée : il est alorsdestiné aux têtes couronnées ouaux épiceries de luxe. Lespommes portent les portraitsdu Tsar Nicolas II, de la ReineVictoria, du Kaiser Guillaume II,elles représentent les monu-ments de Paris ou des événe-ments marquant comme latraversée de la Manche par Blé-riot.

Le marquage consiste à lapose d’un masque ou pochoirsur le fruit. Ce sont surtoutles pommes, plus que lespêches, qui servent de sup-port. Le fruit se colore ausoleil sur les surfaces expo-sées. Le dessin apparaît ennégatif. Le résultat, bien

que comestible, est essentiellement unobjet-cadeau.

Cette production prend fin dans lesannées 1950. Quelques arboriculteursfranciliens tentent aujourd’hui de relan-cer une petite production de niche, sousl’impulsion de la Société régionale d’hor-ticulture de Montreuil et son dynamiquesecrétaire général, Philippe Schuller. Onretrouve chez Fauchon des fruits mar-qués d’Ile-de-France.

Les fruits marqués

Dossier

Une banlieue rougepassée au vert

Politiquement, Montreuil a au moins deuxparticularités : c’est la seule ville françaisede plus de 100 000 habitants (102 400) aavoir un conseil municipal uniquementcomposé d’élus de partis de gauche et laseule à avoir un maire, en l’occurrence unemaire, écologiste. En 2008, Dominique Voy-net a été élue maire au second tour à la têted’une liste verte, associative et socialiste, faceau sortant Jean-Pierre Brard, maire pen-dant 20 ans, à la tête d’une liste commu-niste, socialiste et apparentés.

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Campagnes solidaires IV N° 250 avril 2010

Dossier

Quand il sera réalisé, pour l’essen-tiel d’ici 2020, l’écoquartier inté-grera sur un périmètre d’étude de

200 hectares, 3000 logements, 250000 m2

d’activités (autour de l’écohabitat notam-ment), des équipements publics (un bas-sin de baignade écologique, entre autres)…Le tramway le traversera en 2015-2016.En son cœur, une trentaine d’hectaresdont 21,3 hectares à constructibilité limi-tée (ou en « zone naturelle ») serontconsacrés à l’agriculture urbaine et aupatrimoine.

Les terrains portent encore des murs àpêche, plutôt délabrés. Ils ont été sau-vés de l’urbanisation par divers concoursde circonstance: la présence d’arboriculteurset d’horticulteurs jusque dans les années 80-90, l’abandon d’un lourd aménagementemporté par le déclin industriel desannées 70-80 et la mobilisation des habi-tants, puis celui d’un vaste projet pavillon-naire dans les années 90, sous la pres-sion d’associations citoyennes (1). En 2000,une procédure de classement au titredes sites et paysages pittoresques estlancée sous la houlette de la ministre del’Environnement, aujourd’hui maire dela ville ; elle aboutit en 2003 au classe-ment de 8,6 hectares.

Le projet d’agriculture urbaine dérouteles urbanistes: « Là où ils voyaient du vide,nous voyions du plein : pas de construc-tion, mais plein d’activité! », explique ÈvePoulteau, chargée de mission sur l’ave-nir du secteur des murs à pêches pourla mairie de Montreuil.

La remise en culture des terres dépen-dra de plusieurs processus politiques, juri-diques et financiers. Tout d’abord de l’adop-tion avant fin 2010 du plan local d’urbanisme

(PLU). Celui-ci remplacera le plan d’occu-pation des sols (POS) qui, bien que plu-sieurs fois révisé ces quinze dernièresannées, autorise toujours l’urbanisation à80 % du secteur des murs à pêches.

Ensuite, la ville souhaite proposer à larégion d’établir un partenariat autourd’un périmètre régional d’intervention fon-cière (Prif) : il permettrait l’acquisition dufoncier par l’Agence des espaces vertsd’Ile-de-France, c’est-à-dire par le conseilrégional. Il faudra au préalable trouverun accord avec les différents proprié-taires des terrains. Actuellement, la villepossède environ le tiers des surfaces, leconseil général un autre tiers et plusieurspetits propriétaires privés, souvent par héri-tages, le dernier tiers.

Durant l’année qui vient, le Conserva-toire botanique national du Bassin Pari-sien se prononcera sur le site de sa futureimplantation : Montreuil est en concur-rence avec Bobigny pour l’accueillir. Sonarrivée sur les murs à pêches donneraitune identité forte au projet d’ensembleet permettrait des synergies diverses avecles parties dévolues à l’agriculture.

L’activité existante sera conservée : desjardins familiaux (ils sont 170 sur la com-mune, en bonne partie ici) ou partagés,des jardins associatifs dédiés au patrimoineet aux activités culturelles de plein air, maisaussi les Jardins du cœur (2) ou ceux ducafé social (3).

Une agriculturemultifonctionnelle

Viendra ensuite l’étude des nouveauxprojets. « Ils s’inscriront dans une réflexiongénérale sur la nature dans la ville dedemain », clarifie Ève Poulteau. « Ce n’estpas avec ces terres que nous pourronsnourrir toute la ville. Le projet porte avanttout une motivation sociale et culturelle.Ce qui poussera, ce sera aussi du lien entreles gens, avec la terre, en rapport avec leursracines. Les notions d’ouverture, de péda-gogie, d’échanges, seront essentielles. »

« Pour que cette agriculture remplisseaussi une fonction économique, il la fau-dra multifonctionnelle, avec une partie

de transformation. Les surfaces concer-nées seront forcément petites. D’où lemélange de productions de niches avecles jardins familiaux ou associatifs. Ungroupe d’associations porte déjà un pro-jet d’installation d’un maraîcher en amap,avec un volet d’insertion sociale. Uneautre proposition repose sur une pépi-nière de plantes vivaces en bio. La pro-duction de fruits marqués, en lien avecla conservation d’anciennes variétés, peutaussi être relancée. Nous commençonsà recevoir aussi des projets professionnelssortant franchement des sentiers battus,tel celui d’une ferme “suspendue”. »

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(1) Parmi lesquelles l’association des habitantsde Montreuil (ADHM) et l’association MAP,comme Murs à pêches.(2) Une douzaine de salariés en parcours d’inser-tion travaille 5000 m2 de terre pour y produiretoute l’année des légumes destinés à être redistri-bués aux bénéficiaires des Restaurants du Cœur.(3) Le café social accueille des personnes âgées,essentiellement de vieux migrants restés à laretraite « coincés » en France. Sur une parcellede 700 m2, ils viennent au moins une fois parsemaine cultiver fleurs, fruits et légumes quisont ensuite partagés.

NB : Le projet donne suite au rapport d’une com-mission extra-municipale, rendu public en avril 2009.La commission était composée de treize élus muni-cipaux, six personnes ressources et six associa-tions actives sur le site des murs à pêche. Son rap-port est téléchargeable sur :www.montreuil.fr/1-8688-Les-Murs-a-Peches.php

50 hectares?L’association Montreuil environnement sebat pour un élargissement du projet agri-cole sur l’ensemble du secteur des murspêche, soit 50 hectares (incluant une zoneindustrielle existante). Elle propose l’adop-tion pour ce territoire du statut de zone agri-cole protégé, pour s’affranchir des incerti-tudes électorales et garantir la vocationagricole du site.http://montreuil-environnement.blogspot.com

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Vers un écoquartier agriculturelPlus de vingt hectares vont renaître à l’agriculture à Montreuil,au cœur du plus grand écoquartier d’Europe en projet à ce jour.

Une image virtuelle qui sera peut-être réalité d’ici2020 : celle du quartier agriculturel de Montreuilet ses 21,3 ha en production.

Page 5: Banlieue paysanne D - Montreuil, Seine-Saint-Denis

Campagnes solidaires V N° 250 avril 2010

Dossier

« Un paysage comestible au cœur dela ville » : la formulation poétiquerésume l’esprit du projet. Trois asso-

ciations (1) ont décidé de mutualiser leurssavoir-faire dans une réalisation com-mune, la démarche demeurant ouverteà toute autre association intéressée à por-ter une nouvelle complémentarité.

Quatre buts structurent le projet: la pré-servation d’un patrimoine végétal, histo-rique et culturel; l’expérimentation de nou-velles techniques de culture, de restaurationdes sols et de modes de distribution; l’ap-prentissage de pratiques agricoles inter-urbaines, notamment par la reconstructionsociale et professionnelle; l’éducation popu-laire sur les thèmes de la nutrition, du jar-dinage et de l’agro-écologie.

La fin sera bien dans les moyens: « Nousne voulons être ni une vitrine écologiquepropre à blanchir des démarches qui nele sont pas, ni un lieu de formation etd’insertion qui profiterait d’une main-d’œuvre bon marché et précarisée. »

Concrètement, la ferme urbaine s’ap-puiera sur une production maraîchère,proposant un apprentissage pour des can-didats à l’installation dans la région (unepersonne en couveuse sous contrat d’ap-pui au projet d’entreprise) et des parcoursde resocialisation ou de formations qua-lifiantes. L’encadrement sera assuré par unmaraîcher professionnel, référent de la

couveuse et du chantier de recons-truction sociale, et par une personneplus particulièrement en chargede l’accueil et du suivi des par-cours de ce chantier. Pour Frédé-ric Géral, de l’association Le Sensde l’Humus, « l’idée n’est pas defaire concurrence aux autres maraî-chers. Elle est de contribuer à la pro-motion d’une agriculture paysanne,et d’y contribuer là où on est, c’est-à-dire dans l’urbain et à l’époqueoù on est qui va devoir repenserson agriculture et son alimentation,de gré ou de force ».

Sur le site historiquement marquépar l’arboriculture, 500 arbres seront replan-tés, palissés « à la loque » sur trois ouquatre kilomètres de murs. Les fruits serontvendus sur place, au kilo en été, et en par-tie transformés en sorbet, sirops et autresdérivés, transformation conduite en par-tenariat avec des professionnels locaux.

Variétés locales et circuits courts

Les variétés seront sélectionnées en fonc-tion de leur existence historique sur lesite (les pêches Grosse Mignonne ou Tétonde Vénus), de leur précocité complé-mentaire (la pêche Gypse qui donne desfruits dès juin) ou sur une démarche desauvetage d’une variété en voie de dis-parition (la pomme Calville blanc d’hiver,autrefois très présente à Montreuil). Lesfleurs ayant aussi fait la fierté des murs àpêches ne seront pas oubliées dans les futuresproductions.

La distribution se construira en circuitscourts, en vente directe sur le site ou surle modèle des paniers pratiqué par lesamaps. Le projet souhaitant privilégier l’ac-cès à une alimentation de qualité pourdes foyers socialement et économique-ment malmenés, un système de « panierssolidaires » sera mis en place avec des prixinférieurs, la différence étant prise encharge par des subventions publiquesou la mutualisation. Des livraisons à domi-cile sont envisagées, notamment pourles clients-partenaires handicapés, en col-laboration avec l’association locale Vivreà vélo en ville (VVV). Une Maison des saveurset terroirs d’Ile-de-France trouverait per-tinemment sa place au voisinage, vitrinedes productions locales, marché de pro-duits complémentaires à ceux proposésdans les paniers, lieu d’échanges multiples.

Enfin (mais peut-on utiliser ce terme tantle projet génère d’initiatives?), les familleset les enfants des écoles voisines trou-veront dans « Montreuil aux pêches »des animations sur le jardinage, la cui-sine, la biodiversité des goûts…

Entre trois et quatre hectares et demi suf-firaient sur les 21,3ha du futur quartier agri-culturel de Montreuil. Avec quatre emploiséquivalent temps plein dès le départ et desidées fleurissant à chaque pied de pêcher,avec des connexions et interconnexions àtoutes les autres associations locales et leursréseaux: on a hâte de voir ça!

BD

(1) La société régionale d’horticulture de Mon-treuil (SRHM) (www.srhm.fr), le Sens de l’humus(senshumus. wordpress. com) et Rêve de terre

Un projet multipleParmi les premiers projets qui émergent en prévision de la réalisation du nouveau quartier agriculturel urbain,« Montreuil aux pêches » semble le plus abouti et montrece que pourrait être dans les années à venir une agricultureurbaine aux finalités tant sociales qu’environnementales.

Des seigneurs des pêches à Miss PommeLa société régionale d’horticulture de Montreuil (SRHM) est créée en 1878. C’est l’associationhistorique des cultivateurs des murs à pêches. « Ils étaient à l’époque les meilleurs professionnelsde leur camp », s’enthousiasme Philippe Schuller, actuel secrétaire général de la société (1). En 1921, elle crée un jardin-école de 5000 m2 et sera à l’origine du lycée horticole tout à côté.Le jardin vit aujourd’hui une nouvelle jeunesse. Il s’ouvre chaque année davantage aux habi-tants des cités voisines dont les tours le dominent, les liens avec les professionnels franciliensdes filières concernées sont réactivés et les initiatives fleurissent, telle la relance de la pro-duction de fruits marqués ou l’élection de Miss Pomme: chaque année un millier d’écoliersmontreuillois sont invités à développer leur goût et à élire leur variété de pomme préférée.(1) www.srhm.fr ; (2) http://lyceehorticulture93.fr

Page 6: Banlieue paysanne D - Montreuil, Seine-Saint-Denis

Depuis avril 2009,se cultivent fruitset légumes sur

un terrain insolite : letoit d’un magasin desport près de la Porte-de-Montreuil.

La moitié des trentejardiniers est membrede l’association desFemmes maliennes, àla recherche d’un boutde terre à cultiver pournourrir en partie leurfamille (1). L’initiative estsoutenue par la mairiede Montreuil qui pro-pose un terrain insoliteau cœur de leur quar-tier: une vaste dalle bat-tue par les vents qui devait, ily a quelques années, servir deplace publique mais est res-tée un désert.

Au-dessus des têtes s’affairentles salariés du centre d’appel d’AirFrance. Ils peuvent regarder

l’évolution des saisons dans cegrand bac de 800 mètres car-rés, d’une soixantaine de cen-timètres de profondeur. La pre-mière année est déjà riche encultures : piment, persil, gro-seilles, tomates, fraises, cassis,

salades, maïs, et même dugombo ou du blé issu desemences paysannes.

Le site bénéficie des conseilsde l’association Le Sens del’Humus, militant pour la recon-quête d’espaces agricoles

publics dans la ville. Une haiea été plantée pour protéger duvent la bande de terre, un sitede compostage mis en place.

La parcellisation par petitslots fait débats, parfois dis-putes. Mais la grande majo-rité des participants est fièrede ce qui est fait.

Jérémie Ancelet, du Sens del’humus, est optimiste: « L’idéeest bien là de recréer un pay-sage urbain en y mettant lanature et l’agriculture, qu’il yait réappropriation de l’es-pace urbain par ceux qui yvivent. On pourrait parler depaysannerie urbaine, le pay-san étant celui qui façonne lepaysage. »

Jonathan Rochwerg

(1) 7000 à 9000 Maliens environvivent à Montreuil, originaires à80 % du Cercle de Yélimané,région près du Sénégal et de laMauritanie.

Cultures sur toit

Campagnes solidaires VI N° 250 avril 2010

Le sol des murs à pêches se caracté-rise à la fois par une grande fertilité,mais aussi par une certaine pollution.

Il y a plus de cent ans, sous la pressionde la ville et de la concurrence du Sudde la France, les arboriculteurs tentent d’aug-menter leurs rendements afin de restercompétitifs pour une partie de leur pro-duction. Ils utilisent ce qu’ils ont sous lamain, dont sans doute les gadoues issues

de l’activité humainede Paris. Le toutcontient beaucoupde matières fertili-santes, mais aussides polluants,notamment desmétaux lourds.

Des tests sont réa-lisés en 2008 pourévaluer cette pollu-tion. Les résultats

sont moins inquiétants que ce qui étaitcraint. Par précaution, la municipalité ainterdit la distribution et la vente de cer-tains légumes feuilles (salades, poireaux,rhubarbe, menthe et thym) et en décon-seille la consommation importante etrégulière.

Un projet expérimental propose la res-tauration des sols par les plantes. Les asso-ciations Rêve de Terre, Le Jardin de la lune

et Le Sens de l’Humus souhaitent « redon-ner à l’urbain sa part d’humus, refairevivre la terre », selon les mots de PeterBenoît, l’un de membre de deux de cesassociations.

Des chercheurs ont été contactés et uncomité scientifique de six spécialistes aété constitué. Un protocole encadreral’expérimentation sur quatre axes : de laphyto-extraction (extraction de la pollu-tion par les plantes), de la phyto-remé-diation (fixation et neutralisation par lamatière organique), un travail sur lesmicro-organismes et sur les méthodesde culture (par exemple autour des prin-cipes de la permaculture, développés parune des associations). La municipalitéfournira un soutien technique et financedéjà un plan de surveillance annuel.

Le projet devrait commencer courant2010.

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Refaire vivre la terre

Dossier

Dans le jardin de l’association Le Sens de l’Humus, au cœur de murs àpêches aujourd’hui très dégradés mais à la veille d’une nouvelle vie.

Au pied du centre d’appel d’Air France, une trentaine de Montreuillois de toutesorigines sociales cultivent des légumes de toutes formes et toutes couleurs.

Page 7: Banlieue paysanne D - Montreuil, Seine-Saint-Denis

Campagnes solidaires VII N° 250 avril 2010

Eugène, c’est Varlin, fondateur de laPremière internationale en 1864, maisaussi en 1868 de la Marmite, un res-

taurant coopératif. Dans le Paris ouvrier,il comptera jusqu’à 8000 coopérateursavant de disparaître dans les ruines dela Commune, ne survivant pas à l’assas-sinat de son créateur, fusillé le 28mai1871.

Cent trente ans après, la Marmitereprend le chemin des cuisines. Fournirdes repas de qualité à des clients coopé-rateurs de toutes origines est l’objectifque se sont donné Amandine Henrionet Clotilde Gombault.

Les deux amies ont jusqu’ici un par-cours très urbain – assistante de productiondans l’audiovisuel pour la première,assistante de direction dans divers sec-teurs pour la seconde – mais partagentdes racines, des souvenirs de campagneet des convictions environnementales etsociales fortes. « Nous voulons fairequelque chose qui se rapproche de la Mar-mite de Varlin, mais en réponse auxbesoins de notre époque. La nourritureest une matière idéale : il y est questiond’agriculture, de santé, de convivialité,de biodiversité, de partage… »

En 2008, elles lancent un appel et ras-semblent en novembre une premièrevingtaine de personnes intéressées par leprojet, parmi les réseaux sociaux et mili-tants de Montreuil. L’association « LaMarmite d’Eugène » est officiellement crééele 6 février 2009. Rapidement, la Ruche,structure aidant les associations à construireleur projet économique, les dirige vers Antro-pia, pépinière d’entreprises de l’écono-mie sociale et solidaire accompagnée parl’Essec, une école de commerce.

Un premier repas festif en juin 2009, avecun réseau de proximité, permet de tester

le coup de feu, avec une soixantaine derepas et une autre soixantaine servis en petiterestauration. L’occasion de confirmer quec’est bien ce que l’on a envie de faire, quec’est jouable. L’aventure peut continuer.

Aujourd’hui, les choses se précisent. Unlocal a été trouvé, avec l’aide de la muni-cipalité, à Mozinor. Le site industriel duHaut-Montreuil rassemble une quarantainede structures et en tout pas loin de 500 tra-vailleurs. Le public est varié, du designerou peintre de baby-foot à la mécaniqueautomobile ou l’imprimerie. Ce sera unbeau noyau de clients potentiels.

Pour 20 euros d’abonnement, les clientsauront droit à 22 repas à prix préféren-

tiel et au café offert. Le plat principal seraà 5,50 euros et devrait être roboratif. Unchoix sera possible entre deux entrées,deux plats et deux desserts. Une formuleà deux plats (entrée/plat, plat/dessert) seraproposée (1). Les chèques repas serontacceptés. Les employeurs de Mozinorseront sollicités pour prendre en chargel’abonnement de leurs salariés

Quelques travaux sont à réaliser pourl’ouverture des portes le 6 septembre 2010.Une Scop (2) sera constituée d’ici là et lan-cera en avril une souscription à la recherchede porteurs de parts. Trois personnesdébuteront à la cuisine et au service.

Une dernière étape est à franchir : trou-ver les paysans capables de fournir lesproduits de saison, variés et de proximité(350 kg de légumes par semaine) dansune région où 94 % des terres encoreagricoles sont dévolues aux grandes cul-tures. Une pépinière d’amap installéedans la Seine-et-Marne pourrait être par-tenaire (cf. p. 14-15). Le pain bio serafourni via le GAB d’Ile-de-France. Des éle-veurs et maraîchers de départementsvoisins sont contactés. « Montreuil auxpêches » sera sans doute de l’aventure(cf. p.IV).

La Marmite mettra ensuite sur la table sesautres projets: des ateliers pour enfantsdans le cadre du programme « De la pla-nète à mon assiette » et la création d’uneamap solidaire, avec au moins 10 % despaniers à moitié prix. La Marmite bouillonned’idées et d’énergie.

BD(1) Ces tarifs sont la base de la réflexion actuelledu modèle économique, ils peuvent évoluer d’iciseptembre et l’ouverture au public de la Marmite. (2) Société coopérative de production :www.scop.coop

http://lamarmitedeugene.fr – 0660299562

La ferme de Moyembrie se trouve àCoucy-le-Château, dans l’Oise. C’estun lieu d’agriculture, mais surtout de

passage pour des personnes en réinsertion,principalement à leur sortie de prison. Ainsil’association les Pirates de Moyembrie nepeut être considérée comme une amap entant que telle, même si le fonctionnement

s’en rapproche beaucoup, avec 50 panierslivrés chaque semaine à Montreuil.

La ferme a été créée il y a une dizained’années par Jacques Pluvinage, aujour-d’hui octogénaire multi-casquettes: agro-nome, psychologue, historien des civili-sations. Elle accueille dix-huit personnesqui travaillent sur différents chantiers :

construction, bois, poulets-œufs et maraî-chage. Les chèvres et leur fromage arri-veront bientôt.

Aux côtés des Pirates, quatre associationspour le maintien de l’agriculture paysanne(amap) vivent sur Montreuil, en partenariatavec des maraîchers de l’Oise et de Seine-et-Marne (voir pages 14-15).

Dossier

Des Pirates à Montreuil

La Marmite d’EugèneUn restaurant coopératif ouvrira dans le Haut-Montreuil en septembre 2010. Le projet portedes préoccupations sociales et environnementales fortes. L’agriculture paysanne en fait partie.

Eugène Varlin (1839-1871): "Tant qu’un hommepourra mourir de faim à la porte d’un palaisoù tout regorge, il n’y aura rien de stable dansles institutions humaines."

Page 8: Banlieue paysanne D - Montreuil, Seine-Saint-Denis

Campagnes solidaires VIII N° 250 avril 2010

« Ils quittent un à unleur pays, pour s’enaller gagner leur

vie, loin de la terre ou ilssont nés », chantait JeanFerrat. Ils partent parce quel’agriculture, c’est sale,difficile, ça ne rapporte rien.Ce sont les ploucs quirestent au village, ceux quisont incapables de faireautre chose.

Beaucoup l’ont cru etont déserté le bourg,les champs, le métier.

Des visiteurs de pas-sage dans nos fermesexpriment fréquemmentleur nostalgie, voire leursregrets. Ils se rendentcompte qu’on leur a menti: quand « l’heurede la retraite sonne », leur vie n’a fina-lement pas eu le sens dont ils avaient rêvé.

Aujourd’hui, nous assistons à un revi-rement. Non, seulement on ne veut plusmanger du « poulet aux hormones », maisen plus on a envie d’élever des poulets,de bons poulets.

Les priorités changent : à l’Avoir estpréféré l’Être ; c’est tout un projet debien vivre, et donc de bien manger quise dessine. Le mouvement Reclaim thefields (1) atteste de cette lame de fond.Des jeunes (ou moins jeunes) font le choixde devenir paysans avec une vision del’agriculture en totale rupture avec lemodèle productiviste dominant.

Ce qui se passe à Montreuil en est aussiune illustration : fourmillement d’initia-tives qui naissent tant du passé que del’innovation. Dans beaucoup de villes, desprojets de remise en service des ceinturesmaraîchères voient le jour, souvent menésde concert avec des volets éducatifs,sociaux et culturels.

L’aspect éducatif est fondamental carles liens à la terre se sont effacés. Du fait

de la disparition massive des agricul-teurs ces dernières années, il n’y a quepeu de familles qui comptent encoredes paysans actifs parmi leurs membres.La campagne s’est transformée en lieude loisirs, de détente. On vient s’y res-sourcer, on la consomme, mais on ne laconnaît plus.

Construire ensemble une nouvelle urbanité

Beaucoup d’urbains n’ont pas appris lebien-manger, et qu’il est nécessaire d’avoiraccès à des aliments sains produits loca-lement dans le respect de l’environne-ment, des animaux, des cultures et desproducteurs. L’aspect social est tout aussiimportant car l’agriculture a cette capa-cité de redonner le goût du travail, le plai-sir de produire pour soi et la collectivité.Mais ces aspects éducatifs, sociaux et cul-turels ne doivent pas prendre le dessus,ni se suffirent à eux-mêmes.

Il faut absolument éviter l’écueil d’uneimage idéalisée de l’agriculture, avec desexpériences semi-ludiques qui apaisent

les citoyens, donnentbonne conscience auxélus mais continuent àlaisser l’alimentationquotidienne aux mainsdes industries agro-ali-mentaires et de la grandedistribution. Il est fon-damental de mener defront un projet globalde société dans lequell’agriculture tient uneplace primordiale, etnon marginale ou com-pensatoire.

Les citoyens initiateursdes projets montreuilloissemblent avoir bien com-pris les pièges: tout pro-jet déconnecté du

monde dans la globalité duquel il estcensé s’inscrire aura des résultats sou-vent en totale contradiction avec le butrecherché. Mais on peut être surpris etinterrogateurs sur certaines trouvailles :que penser au juste de jardins sur les toits?Si on peut comprendre leur nécessité àGaza, est-il sérieux de les promouvoir àParis ? Espaces artificiels en atmosphèrepolluée, quelle sera la qualité des pro-duits ?

Déclencher des vocations, montrer auxenfants, à ceux qui sont en recherche d’ave-nir, qu’être paysan est un choix noble,utile et surtout possible, offrir la perspectivede le devenir, est un des buts de cettedémarche. Mener de pair la réflexioncollective pour construire leur avenir,notre avenir, est fondamental. Construireensemble une nouvelle urbanité et unenouvelle ruralité, en coopération, endécloisonnement, en porosité, c’est pas-sionnant.

Josie Riffaud,Paysanne en Gironde

(1) www.reclaimthefields.org

Point de vue

Retrouver le goût de vivre, de créer,de partagerLes initiatives citoyennes pour faire revivre l’agriculture urbaine doivent éviter le piège de l’idéalisation et s’inscrire dans un projet global de société.

Dossier

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Maraîcher dans les murs à pêches, à Montreuil en 1976 : dans beaucoup de villes, desprojets de remise en service des ceintures maraîchères voient le jour, souvent menésde concert avec des volets éducatifs, sociaux et culturels.