bacon

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  Rémusat, Charles-François-Marie de. Bacon, sa vie, son temps, sa philosophie et son influence jusqu'à nos jours ,. 1858. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisatio n commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fournitur e de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenair es. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothè que municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisat eur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisati on. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

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Rmusat, Charles-Franois-Marie de. Bacon, sa vie, son temps, sa philosophie et son influence jusqu' nos jours ,. 1858.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numriques d'oeuvres tombes dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur rutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n78-753 du 17 juillet 1978 : *La rutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la lgislation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La rutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par rutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits labors ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accder aux tarifs et la licence

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BACONSA VIE, SON TEMPS SA PHILOSOPHIEET SON INFLUENCE JUSQU'A NOS JOURS

PAR

CHARLES

DE RMUSAT

PARISDIDIER ET35,

Ce,QUAI DES AUGUSTINS.

1858Rserve de tous droits.

BACON

Paris.

Imprimerie de Bourdier,

et Ce, 90, rue Mazarine.

PRFACE

Il existe un assez grand nombre d'histoires de la philosophie, et les auteurs qui nous les devons n'ont en gnral manqu ni de sagacit ni de savoir. Cependant on a souvent remarqu qu'il tait difficile de les lire. Malgr l'importance du sujet. il, attire peu la curiosit commune, et lorsqu'il l'attire, elle est rarement satisfaites On ne trouve gure dans ces ouvrages. qu'une exposition successive de systmes, distribus par poques, par coles ou par rgions, analyss dans un langage abstrait et uniforme, quelquefois apprcis suivant une doctrine infrieure aux doctrines qu'elle sert juger. Rien n'est aride et monotone comme ces

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ternelles dductions de thories soumises au mme contrle, et il faut une vocation particulire ou une imprieuse ncessit pour avoir le courage d'affronter et de suivre jusqu'au bout ces rcits des plus grands travaux cependant qui aient illustr l'esprit humain. La philosophie ne peut cesser d'tre un sujet fort srieux; mais du srieux l'ennui la distance est grande encore. L'histoire de la politique est srieuse, et elle peut tre attachante; bien traite, elle intresse autant qu'elle claire. Les systmes philosophiques sont les principaux vnements, ce semble, de, l'histoire de la pense. A moins de s'accuser d'une incurable frivolit, il est irripossibl de professer l'indiffrence touchant ls plus Hautes questions de iitre nature et d notre destine. On ne saurait gure prtendre qu'on se soucie peu de connatre e qu'en ont pris ls plus clbre des hommes d l'antiquit, du moyen ge et des temps modernes. t cependant que d lecteurs instruits et judicieux avouent qu'ils n'ont pas l patience d'tudier dans les livres les doctrines t ls coles principales d la philosophie! Rien n'est plus commun que les gens d'esprit qui se vnterit de n'y rien comprendre. Or ce pourrait bien n'tre pas uniquement l ft de cs

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III

gens d'esprit. Il est facile d'accuser la lgret des lecturs mais c'est aiix crivains d'en triompher et de russir donner d l'intrt ce qu'il po.urrait bien y -avoir aprs tout de plus intressant au monade. Pour crire l'histoire de la philosophie avec une varit et un mouvement qui soutnt il stiffirait peut-tre de ,se rappeler l'attention, davantage qu'elle est une lstoir. Pourquoi n effet s rduirait-elle . l'expositin des systmes philosophiques? L'histoire politiqu ne se borne pas a exposer les systmes politiques des diffrents tats. Une histoire de l philosophie pourrait tre au moins une histir des philosophes. Leur vie individuelle ri' pas toujours t froide et uniforme. ils sont sortis plus d'une fois des retraites d l'td. et de l'enseignement. Quand on les place dans le milieu o ils ont respir, lorsqu'on rappelle les vnements ls institutions, les religions, toutes les circonstnces sociales eh un mot qui ont entour l berceau des coles importantes et l'existence de leurs fondateurs, lorsqu'on racont comment, sous l'influence des faits, des murs et ds opinions, se sont crs, modifis et dtruits les principaux systmes tour a tour conformes o opposs au mouvement gnral des sprits, lorsqu'on ls repr-

IV

PRFACE.

sente leur. naissance, puis dans leur dveloppement, dans leurs progrs, leur lutte et leur dcadence, on est conduit embrasser, retracer un tableau, si.vaste et si.vari qu'il ne peut manquer d'intresser mme les indiffrents en matire de mtaphysique, et l'insuffisance du, talent empche-

rait seule un pareil sujet de piquer la curiosit et de divertir la raison., Dans le projet de rconcilier les honntes gens avec l'histoire de la .philosophie, il m'avait sembl qu'on pourrait d'preuve. ntre, la socit britannique, traverse par des. r-volutions politiques et des dissensions religieuses, a t constamment agite ou plutt anime par une. libert sans exemple. Les vnements et les institutions, les controverses de la lit'rature et de la thologie, les dbats des partis et des sectes, ont donn aux opinions philosophiques qui se sont produites chez nos voisins une ralit et une action qu'elles.n'ont pas eues en tout pays. Il serait instructif et il serait piquant de caractriser la fois l'esprit, la doctrine et la personne de tous ces crivains, de tous ces penseurs, presque toujours mls par position aux affaires de leur pays. C'est en Angleterre surtout qu'une histoire de la philosoprendre l'Angleterre pour champ Depuis le. temps de. Bacon jusqu'au

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phie serait une partie importante de l'histoire dela socit. Il fallait bien commencer par le chancelier Bacon, et une moiti de l'ouvrage que je publie aurait servi de dbut au livre dont je me permets d'indiquer l'ide, le reconnaissant trop considrable pour les forces et le temps qui me restent. Seulement, en me dcidant changer ce travail en une monographie de Bacon, j'ai d la dvelopper, la complter, et y ajouter une esquisse de l'histoire de ses doctrines depuis sa mort jusqu' nos. jours. Toute cette partie de l'ouvrage aurait t fondue dans la suite d'une histoire gnrale. Les interprtes, les continuateurs et les adversaires du baconisme ne s'y seraient montrs qu' leurs dates ils paraissent ici spars de tout le reste; le mouvement gnral de la pense et de la science n'a pu tre reproduit tout entier, et cet ouvrage ne saurait tre regard que comme un trs-imparfait spcimen de celui que je mditais. On voudra bien ne chercher ici qu'un travail sur la vie, les crits, la doctrine et l'influence de Bacon. J'ose esprer que l'analyse de sa philosophie aura, dans la pleur d'une traduction sommaire, conserv quelques-unes des nuances de l'original, et comme un faible reflet du talent qui a tant servi. ce grand

vi

PRFACE.

crivain pour se placer au rang des grands philosophes

Bacon s'est tellement attach s'isoler, il a tenu si peu compte de ses prdcesseurs qu'il taitmoins ncessaire de prparer son histoire par celle des philosophes anglais venus avant lui. il suffisait d'indiquer le petit nombre de ceux auxquels il a pu emprunter quelque chose. Ce n'est pas qu'un retour sur les sicles de la scolastique, dans la Grande-Bretagne, et t dpourvu d'intrt et d'instruction. Ceslesfameusesont produit plus d'un nom clbre dans cette partie des annales de l'esprit humain. Ds le septime sicle, le pre de l'histoire nationale, Bde le Vnrable, semble, par la diversit de son savoir et par sa connaissance de la philosophie suprieur tout ce qui s'efforce d'crire et de penser au dbut du moyen un 1Il fautcependant peurabattrede la partd'rudition Sur attribue. la foid'un qu'on philosophique luia longtemps et d recueilde sentences 'Aristote d'autresanciens insr onle a danssesoeuvres, jugeaitplusinstruit u communment d l Mais sicle septime quene l'taientessavants u douzime. J sur cetouvrage, lequelnousavions tous,y comprisourdain n l'a ne btinoshypothses, peuttre, comme ous lui-mme, nouvelle a apprisM. Renan,antrieur u tempsd'verros l dique preuvedu peude confiance mritentes anciennes et d du tionsdenombre 'crivains moyen ge.(Averrosl'Averrosme, parE. Renan, . 174.) p

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ge. Alcuin le suit de prs, mais il est remarquable que ce confident de Charlemagne, appel jeune encore la cour de ce prince, a exerc sur le continent, ainsi que plusieurs de ses ompatriotes, sa plus grande influence. Alcuin, Jean Sot rigne, Jean de Salisbury, Alexandre de Haies, Roger Bacon, Richard de Middleton, Duns Scot, Walter Burleigh, Guillaume Occam, auquel la justice prescrit de joindre Thomas Bradwardine, ne doivent certes pas tre placs un rang obscur dans les fastes de la scolastique, Mais les plus renomms d'entre eux ont rform ou domine surtout des coles gauloises ou germaniques, et cette science laquelle, des le neuvime sicle, on donnait pour berceau l'Ecosse sous le nom vague alors d'Hibernie, n'a point port sur le sol natal ses fruits les plus clatants. La prsence de Lanfran et d'Anselme, ces deux Mridionaux, qui vinrent mourir sur le rivage de l'Angleterre, n'a pas compens pour elle ce que lui a fait perdre l'expatriation d'Alcuin, d'rigne, d'Alexandre de Haies et de quelques autres, et il serait difficile de montrer dans les coles britanniques une trace ontinue du platonisme original du grand archevque de Cantorbry. En glnral, malgr de grands talents individuels, la philosophie, pour le fond, ne s'est pas en Angleterre

VIII

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notablement distingue de la scolastique jusqu'au seizime sicle. L'opinion commune sur la scolastique peut tre incomplte, elle n'est pas fausse. C'tait minemment un pripattisme, mais un pripattisme compris, interprt, traduit d'une manire particulire, et dans lequel les dfauts de la doctrine primitive taient plus souvent exagrs que corrigs. Lors donc que Bacon, chez les Anglais, et, chez nous, Descartes, ont pris Aristote pour adversaire, ils n'ont pas t tout fait injustes. Sans contredit, la logique, aprs s'tre empare des esprits avec cette puissance absolue de transformation intellectuelle qu'exerce tout science exacte exclusivement tudie, a par la suite communiqu quelque chose de son empire la physique et la mtaphysique du mme matre. Ainsi le monde intellectuel est devenu la conqute du prcepteur d'Alexandre. Il ne faut pas croire cependant que cette vaste autorit n'ait point rencontr de rsistance, ni soulev de rvolte. Jamais la soumission .ne fut universelle. L'indpendance ne fut jamais sans asile. En tout temps, il y eut de libres esprits dont les uns rie consentirent, pas regarder la logique comme la science de toute ralit, dont les autres, en acceptant, en admirant la logique, refusrent la mme

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adhsion au reste du pripattisme. Or ce sont l, contre la scolastique et son autorit, les deux accusations fondamentales par lesquelles l'esprit moderne commena cette protestation qui dure encore. Il serait facile de montrer, ds le douzime sicle, dans le disciple d'Ablard, Jean de Salisbury, une trs-pntrante conception des bornes de la logique et de son impuissance aussitt qu'on l'abandonne elle-mme, c'est--dire apparemment ds qu'on cherche la vrit ailleurs que dans les choses' galement, Roger Bacon, qui des dcouvertes au moins entrevues en mcanique et en physique ont fait une renomme qui ne peut tre mensongre, a oppos tous ses instincts, d'observateur aux prjugs des purs dialecticiens, et il .n'a pas tenu lui que .la rforme des sciences ne ft avance de deux sicles. Mais des protestations isoles ne pouvaient prvaloir contre l'aristotlisme enseign ds 850, dit-on, dans l'cole d'Oxford, et que l'on trouve, en 1109, install Cambridge par des moines de Crowland. Telle fut l'influence exerce par cette forte doctrine, qu'elle imposait ses formes et ses termes ses ad1 Voyeznotammentle passage cit par Dugald Stewart, Phil. de l'Esp. hum., part.11,chap. 111, ect.u. s

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PREFACE.

versaires mmes, et qu'elle dominait jusque dans les controverses qui dhiraient son sein. Les dbats qui agitrent la scolastique contriburent prolonger sa dure, en occupant, en absorbant les esprits de toutes sortes, ceux qui tendaient l'unit comme ceux qui inclinaient la dissidence. La tradition comme l'examen, l soumission comme la rsistance, l'agression comme la dfense trouvrent se dployer dans le champ de la mme dialectique, et les docteurs les plus hardis, les plus disputeurs; ne rendirent pas toujours grand service l'indpendance de l'esprit humain. La libert de raisonner donna souvent le change sur la libert de penser. Aussi taient-ce de pures querelles de celles qui signalrent les derniers scolastique, jours de l'activit philosophique du moyen ge. Les opposants que dans les universits anglaises rencontra saint Thomas d'Aquin, attaquaient en lui le commentateur plutt que le disciple d'Aristote, et l'emploi qu'il faisait en thologie de la doctrine du matre plutt que cette doctrine mme, Enfin, aprs les succs d'Occam dans l'enseignement et la discussion, les objections de Thomas Bradwardine ont pu placer leur auteur assez haut dans l'estime des critiques, mais elles n'ont suscit qu'une controverse infconde et qui semble le der-

PRFACE.

xi

nier flbrt d'une philosophie expirante: Ces luttes suprmes des sectes du moyen ge prcdrent de plus de ent clinquante ans les premiers travaux de Bacon. Il y a la comme une lacune dans l'histoire de la philosophie, un intervalle singulier pendant lequel les bruits contentieux de l'cole se taisent peu peu, mesure 'que s'lve et se rapproche l'harmonieuse ei puissante voix de la renaissance. Car il arrive enfin, ce seizime sicle, re mmorable de la dlivrance, aurore du jour de gloire de l'esprit humain. Qui peut en parler sans reconnaissance? Qui peut le clbrer sans enthousiasme? Mais comment le peindre dignement? O trouver un dessin assez fier, une couleur assez vive, pour reprsenter cette incomparable poque ou les gnies et les caractres luttrent de grandeur avec les vnements? Telle est pourtant la scne o il faudrait placer Bacon, et dont la description aurait pu prcder son histoire, Mais le tableau se fut trop agrandi, et il a fallu me borner en dire assez pour expliquer ce que Bacon. a d son temps et ce qu'il n'a d qu' lui-mme. Si ce volume tait accueilli avec indulgence, je pourrais. plus tard, en tachant de faire mieux connatre lord

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Herbert de Cherbury et d'autres contemporains ou successeurs de Bacon, essayer une esquisse plus termine du moyen ge philosophique et de la renaissance en Angleterre, et tracer ainsi l'introduction de l'histoire que je n'ose plus entreprendre. Pour le moment, renfermons-nous dans l'tude du baconisme. Le champ est limit. Il n'offre point de mines nouvelles ,creuser, de dcouvertes faire. C'est une philosophie bien vite connue, si l'on ose parler ainsi, et je ne puis, en cherchant la dcrire et la juger, prtendre aucune originalit. Cependant l'examen n'en viendra peut-tre pas sans -propos. Bacon est un des grands promoteurs de l'esprit des temps modernes. Il a puissamment contribu lui donner sa direction, lui inspirer confiance dans sa puissance et dans ses destines. Il l'a par avance assez fidlement reprsent. Ddain du pass, foi dans la raison, croyance au progrs, respect pour les faits, amour de la nature, passion de l'utilit, tout cela se trouve dans Bacon et dans ses livres. Mais l'orgueil de la pense, il joint la crainte de la spculation, l'enthousiasme de la science, la dfiance de: tout enthousiasme; il fait, comme on l'a dit de Socrate, descendre la philosophie sur la

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terre, mais il l'attache la terre, ce que Socrate n'a point fait. L'lvation de son gnie ne se retrouve pas toujours dans ses ides, et il est quelquefois inquiet et comme embarrass de sa gran-' deur. Ne pourrait-on pas reconnatre l quelques caractres de l'esprit du temps? Esprances, tm-' rits, dcouragements, abaissements, terreurs; tout cela ne se retrouve-t-il pas dans l'histoire de la pense, comme-dans la vie relle des peuples? La philosophie ne se ressent-elle pas de tout ce qu'prouve la socit; et ne peut-on pas tudier' dans Bacon nos ides -leur origine? N'annonait-ilpas ce que nous sommes? Personne n'en est plus convaincu que moi, aucune rvolution n'a plus fait pour la vrit et l'humanit que la rvolution commence il y. a trois sicles. Mais tout astre a ses clipses, et-l'espritnouveau des socits et des sciences n'est pas une lumire, sans nuages. Form contre l'autorit et le moyen ge, il peut y ramener toutes les fois qu'il s'gare ou qu'il s'abaisse. La violence etla faiblesse' sont les deux cueils de toute puissance, et quand il touche ces cueils, on songe avec quelque regret au port qu'on a quitt. C'est ce qui. s'appelle en politique une raction. Ainsi les erreurs du baconisme

xiv

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ramnent, ce que Bacon a dtruit on se prend craindre que le monde moderne n'ait t abus la raison est punie de par de fausses lueurs ses excs par ses dfaillances. Quand la science veut aller au del des conditions de la nature hmaine, elle retombe bientt en d..yant manqu l vrai, elle s'enferme dans l'utile; intimide, hmilie, elle abandonne un terrain o le prjug rentre en matre. Ces oscillations philosophiques ont leurs analogues dans le monde social, et l'homme est le mme acteur sur tous les thtres. On trouvera sans doute, dans l philosophie de Bacon, te prinipe d bien ds sccs et le germe d bien ds fautes. On aimera peut-tre rechercher jusqu' quel point il a contribu aux progrs comme aux dviations du savoir humain, comment il est pur quelque' chose dns les erreurs mme au-dessus desquelles il s'est lv, comment il nousa pousss sur l pente sans s'y prcipiter lui-mme, et l'on voudra voir s'il a fait aux hommes tout le bien qu'il esprait. Eh ce moment, quelques-uns disent grand mal de la rvolution intellectuelle laquelle il particip d'autres croient sauver l'honneur de cette rvolution en l rduisant aux rsultais matriels ds sciences exprimentales. Ce sont deux opinions qui peuvent citer Bacon, l'une pour l'accuser, l'autre

I'RFACE.

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en l'invoquant. Bacon ne sera pas tout entier dans ces citations; il y sera cependant. Voil pourquoi ce livre est plus opportun qu'il ne semble, et cette fois encore, en m'occupant de pure philosophie, je ne croyais oublier ni mon temps ni mon pays.

BACONLivre I

VIE

DE BACON1

CHAPITRE 1561-1593

Naissance et jeunesse de Bacon. Considrations prliminaires. tuds et voyage. Ses commencements et ses succs au barreau. -Sa situation auprs de la reine Elisabeth. comme pour le Il y a, pour les ouvrages d'esprit une qualit qui ne peut tre caractre ds hommes, ni acquise, ni imite, qui, si elle n'est pas la plus une qualit est la plus imposante, ncessaire, qu'on sur et qui produit que rien n'gale, l'imagination plus d'effet encore que le vrai et le beau, La grandeur semble rsider plutt c'est la grandeur. supple, mais dans la manire se trouver bondance gnie. que dans la pense. Elle peut ne pas de l'intelligence, l'arunie l'tendue des ides, l'art le plus profond, mme au

et de Les anciens, ces maitres de la philosophie n'ont pas su toujours donner cette qual'loquence, et le senti leurs chefs-d'uvre, lit incomparable

1

3 VIE DEBACON. mentdubeau domine peut-tre celuidu grandchez Platonlui-mme. escartes n est-plus rsqueLeibD e p Leibnitzne semble fortau-dessous nitz, quoique pas deDescartes. l Bossuet,. n'est pas,cependant,'gal qui de Leibnitz, Descartes, de Platon,a plusqu'eux, de ni et peut-tre plus qu'aucun crivainfranais, cet attribut de la grandeur. On le retrouveraitplutt chezBuffon chezVoltaire,ou chezMontesquieu que rienne manque lvaen lui-mme, quicependant tion et en tendue,et parmi les crivainsde notre ge, un seulpeut-tre,dontle nomest surleslvres de tous les amisde la philosophie offredans les formesdeson stylecette grandeur le talentseul que ne donnepas. Il est impossible dene pas reconnatre une certainegrandeurdansBacon. Saphilosophie, onl juge danssonrsultatfinal, si ne prendpoint un sublime essor.La spculation ure p et l'effraye, il n'a songqu' mettredesplombsaux ailes de la pense.Il recommande l'exprience,et d'un doigtimprieux montreaux sciencese chemin l s l o, marchant ur le rel, ellestrouveront'utile. Ds esprits tournsvers la terre ont aim le prendre pourguide,et jamaisles plushardisn'ontfait gloire de suivreses leons,Cependant crits oil enles seigne la physiquel'observation, la mtaphysiquel'induction,ont parle ton, parla forme,par la largeurdesvues,une certainesolennit quis'empare desimaginations plus rebelles.il prenden criles vant un air de commandement, ton du matre.il le parle de plus haut qu'il rie pense, et quandon lui reprocheraitde la subtilitet de l recherche,la

CHAPITRE I. 1561. singularit il resterait des rapprochements toujours

;3

et le luxe des images,

et certainement ta au philosophe l'crivain ce caractre que je ne puis dfinir qu'en le nommant encore,'la grandeur. Rien donc de plus lgitime, de plu motiv que sa renomme. L'excs d'admiration qu'il inspire l ses de isa (pense compatriotes s'expliquerait par l'allure et de sa diction, Ine le quand le fond des doctrines en rien. Mais on a besoin .de trouver la justifierait vrit dans .ce qu'on admire. On rpugne me pas croire gage dans infaillible de l'autorit. la dfrence celui (qui parle naturellement le JanIl y a quelque chose de semblable mous que, nous 'autres Francais, Nous avons peine ne pas placer tort et 'que fson loquence, en pensant autrement

portons Bossuet. sa raison , .la mme hauteur nous craignons d'avoir

que l'homme qui parle ainsi. Ce semble un manque de respect que ide n'tre pas de son avis. Les ,Anglais ont un peu de 'cette faiblesse pour 'leur Bacon. Il se saisit s'incliner, et til les C'est que, mme en rasant presque montre les ailes d'un aigle. Il faut

toujours

le sol,

il

que cette puissance soit en lui bien relle, 'la langue ingrate surmonte puisqu'eUe dans laquelle nous lisons ses principaux n'est ouvrages. Sa latinit pas classi que ni d'un got irreprochable. Il contraint l'idiome toutes modernes; antique 'des penses mais il transforme ce qu'il contraint ainsi. Aux effets d'une diction brillante, il joint l'abondance des points do vue, la

4

VIE DE BACON.

de dtail, heaucoupd'esprit enfiri il faut bien en convenir, la pense gnrale de sa philosophieest juste et bonne en ce qui touche la mthode des sciences.Il faut plus y ajouter qu'en ter pour l'galer la vrit, et le mondemoderne n'a pas eu tort quand il a proclameBaconuwdes grands serviteurs de l'esprit humai. Nous aimons lier troitementla vie deshommes leurs ouvrages, et placerleurs ides au milieu de leurs actions. Peu de philosophes plus que Bacon exigeraient qu'on unit ainsi l'histoire la critique, non que sa vie soit d'un vif attrait en ellemme, mais elle est importante. Ellecontient plus d'une austre leon, et fait voir par le contraste quelle distance spare quelquefois ces choses quelquefoissi.troitementlies, les conceptionsde l'intelligence et les principes de la conduite. Elle nous montreen oppositionle gnie et le caractre, la philosophie et le pouvoir.Elle n'est pas la gloire de l'esprit humain, et ellelui prouve, une fois de plus, qu'il n'est pas tout. Or c'est aussi laiune vrit que doit recueillirla science.Baconfut, commeon sait, chancelierd'Angleterre,et savaleur.morale reste est untriste problme pour ceux qui voudraientde tout point estimer ce qu'ils admirent. Le doute son gard est mmede l'indulgence,quoiqu'uneextrme svrit ait t taxe d'injustice. Nous ne pourrons imiter toute l'indulgence des crivains du dernier sicle, aujourd'hui qu'on n'a plus-la ressourcede savoir mal l'histoire, en ngligeantles monumentsauthentiques. Nous concevonsVoltaire, appliquant'

CHAPITRA I. 1561.

Bacon le.. mot de Bolingbroke sur Marlborough C'est un si grand homme que j'ai'oubli ses vices1. La nation anglaisepeut s'efforcerd'oublier de mme; mais ses meilleurscrivainsne lui ont pas cach la vrit, et nous serons oblig de hi' dire, quoiqu'il en cote. Toutefois, la socit dplorable au sein de laquellea .vcuBacon, et qui a t pour beaucoupdans ses fautes, n'tait pas celle o son esprit devait lui survivre. Elle tait elle-mme la veillede se modifier,et.avecla rvolutionapprochait l're de la vraiesocitmoderne. C'est dans l'Angleterre, telle quela rvolution.l'a faite, que nous vou.dronsvoir se dvelopper'la philosophiedu premier des peuples libres. Bacon, qui appartint par son esprit cette philosophie,est plutt, par sa vie, du seizimesicle.Commetousles hommesqui ont contribu dterminerun grand mouvementintellectuel, sa pense dpasse son temps. Son tempsdevra donc nous occupermoins que sa pense 2.1 J'ai lu dans quelques crivains que le chancelier Bacon confessa tout; qu'il avoua mme qu'il avait reu une bourse des mains d'une femme. Mais j'aime mieux rapporter le bon mot de milord Bolingbroke que de circonstancir l'infamie du chancelier Bacon. (Lettre de Voltaire Thieriot, du 24 janvier 1735, sur la publication des Geltres anglaises.) Le nombre des travaux biographiques sur Bacon est trop grand pour que nous en dressions le catalogue. Nous nous sommes servi pour cette esquisse, d'abord de sa correspondance et de ses uvres, puis de quelques documents contemporains ou peu s'en faut, comme la notice de William Rawley, son secrtaire et son chapelain, Nobilissimi auctoris vita, Opusc. var, posth., 1 vol. in-8, Lond., 1658 llaconiana de Thomas Tenison; Lond., 1679 Lives of eminent men, hy John Aubrey, 2 vol

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VIE DE;BACON

Il existe en tout pays: une classe d'hommes eonsidistingue mme, la premire peut-tre par' l'influence continue et. par l'utilit de tous les, jours, quoique, par l'clat des services et de la re-. nomm, elle n'occupe que la seconde place. C'est une classe que. connaissait peu l'antiquit, que connaissait peu le moyen ge, et dont te nom mme serait difficile trouver. C'est celle des fonctionnaires publics, comme on dirait en France aujourd'hui, de ces hommes consacrs, par profession l'administration gnral'e, et admis par l au gouvernement. Elle a, dans toute l'Europe, en partie divis, en partie, remplac l'aristocratie; elle a grandi avec la puissance, de l'tat. C'est sous les Tudors, on l'a remarin-8, Lond.,1813.Sans ngligertesvies de Bacon, ar p. Malp let, Bacon's Workd, vol. in-4, Lond., 740;parl'abbmery, 4 1 de Christianisme Bacon, vol. in-12, Paris, an VII; par M.de H Vauzelles, istoirede-la vie et des ouvragesde Bacon,2 vol. in-8, Paris,1833, nousavonseu principalement les,yeux sous l'essaisur Baconde M.Macaulay,Criticaland historicalEst d says, d. Tauchnitz, . III,p. 1146; les biographies eNicolas et de Franois T Bacon,parlordCampbell, helivesof the lord 2e chancellors, dit., Lond.,1846,t. II, ch. XLIII,LIet suiv.; la viede Bacon,par M.Basil Montagu, TheWorks f Fr. Bacon., o 16vol. in-8, Lond., 1834, t. XVI,1reet 2eparties;la notice de SL Bouillet,uvresphilosophiques Bacon, 3 vol. in-8, de Paris, 1834, t. 1, p. v; celledeM. Riaux, uvresde Bacon, 2.vol. in 12, Paris, 1845,t. I. Quandnous citonsBacon, 'est c l toujours,pour la philosophie,'ditionde M.Bouillet,et pour te reste, l'ditionde Londres, 1824, 10 vol. in-4. La plus de belle, quoiqu'unpeu confuse,estcellede M.Montagu, ublie p en u par Pickering. ongman publieen ce montent ne nouvelle L e qui parait plus commodet plus complte The entiaeWorhs of F. Bacon, a netved. by R. EestieEllis, J. Speddinq et

CHAPITRE 1. 1561.

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qu qu'elle a commenc en Angleterre mriter l'attention de l'histoire. Leur gouvernement, peu prs despotique dans ses procds et son langage, mais ordinairement national et rgulier, exigea le concours et fonda le crdit de ces agents capables qui mettent leur conscience et leur honneur servir l'tat et reprsenter l'autorit, quelquefois aux dpens de la conscience et de l'honneur; de ces hommes d'affaires, amis de la rgle dvous au public, fidles aux lois, mais dociles au pouvoir, ft-il ddaigneux des lois, du public et de toutes rgles. Les deux Cecil.sont, sous le rgne d'lisabeth et d son successeur, les modles cle ce genre d'hommes publics, habiles plutt que grands ministres, sachant se maintenir la cour sans jamais rompre avec le pays. C'est en gnral dans la portion de la nation d'o sortait la magistrature, c'est sur la lisire de la .nohlesse et de la bourgeoisie c'est partout o la jeunesse avait reu complte l'ducation librale, que se recrutaient, la fin du moyen ge, les conseils d'tat et tout ce qui y ressemble. Mme en Angleterre,, la judicature tait alors, hien plus qu'aujourd'hui, un acheminement la politique, et d'autres ministres que les chanceliers venaient des hautes cours du royaume. A cette classe peu riche en grands hommes, mais bien pourvue en gens, de mrite, et o les philosophes du premier ordre sont encore plus rares que les politiques du premier rang, appartenait la famille de Bacon. 1Macaulay, Burleighand his times,Essays,t. II, p. 81.

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VIE DE BACON.

Son pre, sir NicolasBacon, fut pendant plus de vingt ans lord garde ou lord keeperdu grand sceaude la reine. lisabeth.N en 1510, d'une familleconsidre du Suffolk,ilavaitsig dansles coursspciales du rgne de Henri VIIIet des deux rgnes suivants, et conservune honorahlerputation, quoique, suivant la mode du temps,.il et pouss la prudence jusqu' paratre catholique sous la rein Marie.Ap,puypar son heau-frreWilliam Cecil, qui, grce la mmeprudence, s'tait, depuis douardVI, maintenu dans le ministre, en se mnageant d'avancla faveurd'lisabeth, il fut, ds que celle-cimonta sur le trne, cr chevalier, et il reut le grand sceau que venait de perdre le chancelierHeath en refusant le sermentde suprmatie:Sir Nicolas,dansces fonctions qu'il conservajusqu' sa mort, fit constamment preuve de capacit, de probit, de modration,autant que le lui permit son dvouementau pouvoir royal. Fidle sa devise Mediocriafirma, il n'ambitionnani le titre de chancelier,nila pairie. C'tait, dit son fils', un hommetout simple,droit et constant, sansaucune finesseni duplicit; il pensaitque, dansles chosesde la vie prive et dansles affairesde l'tat, il fallait prendreappui sur une ferme et sage conduite, non sur l'art de circonvenirautrui, suivant ce mot de Salomon Il L'homme prudent regarde 1Certain bservation a libel,1592; Bacon's orks,III, W t. O upon de est p. 96. Sonportrait d'aprsun original Zucchero, dansla collection u ducde Bedford, \Vohurn bbey. d A Edm. odge, Port.ofillust.person., lI, 3-5,in-40,Lond., t. L 1824.

1. 9 CHAPITRA 1561. ses pas; le sot se dtourne pour aller de biais. Aussi l'vquede Ross, qui tait un observateurpntrant; disait-il de lui qu'on n pouvait le gagner par des paroles,'et qu'il tait impossihled'en venir bout, parce qu'il n'offraitpas d prisse et la reinernrede France, princessetrs-politique, remarquait qu'il aurait d siger dans le conseil d'Espagne, les parce qu'il ddaignait incidentset en restait toujours aupoint, de dpart. Son illustre fils est loin d'avoir mritles mmesloges. Onaremarqu que jamais les femmesd'un haut rang eti Angleterre n'ont t plus distirigues par l'instruction et le gt deslettres qu' la fin du rgne de HenriVIII et la cour d'Edouard VI. LadyJane Grey se consolaitdes ennuis de sa mlancoliquejeunesse, en lisant le Phdon dans l'original. La prin-. cesselisabethparlait plusieurs langues et s'entretenait en grec'avecson matre Roger Ascham. Les cinq fillesde sir AnthonyCooke1,un desprcepteurs du roi douard, la passaientencore en savoir. L'aine, q'on mettait au premierrang aprs Jane Grey, Mildred,avait pousWilliamCecil, qui, connu plus tard sous le nomde Burleigh demeura quarante 2, e m DeGyddy all,Essex, ortle 11juin 1576, nterr H e avec anglaiset latine. grecque, Rumford, inscriptions et anciennest. Burghley,ellea t reprise. e 2 L'orthographe la Le marquis 'Exeter,aujourd'hui famille, d quireprsente et c d s prend,parmi es.titres, elui. elord liurghiey, c'estainsi sur sesmmoires la viedu a Nares critce nomdans que;M. s Nous e ministre 'lisabeth, uhlis n18281832. avons uivi d p s danssonessai urBurleigh et deM. l'usage l'exemple Macaulay et sontemps;

VIEDEBACON. 10 ans secrtaire d'tat pu lord trsorier, premier ministre d'un grand rgne qui dut beaucoup sa sagesse. Anne, sur de lady Burleigh, fut la seconde femmede sir NicolasBacon, dont elle eut deux fils, Anthonyet Francis Elle crivait en grec, savaitla thologie, passait pour dvoueau plus pur protestantisme, et traduisait cependantles sermonsde Bernard Ochin, un des premiersde cette secte d'origine italienne laquelleLlieet Fauste Socin ont donn leur nom. Il est rare que la libert de penser en matire de religion n'ait point pntr par quelque endroit dans l'ducation des philosophesmodernes.Francis House, Strand, n le 22 janvier 1561, York rsidence de son pre Londres, dans le non loin de Charing Cross 3. Dlicat et malaBacon tait

1 Il n'existe pas de descendants du nom de sir Nicolas. Sa premire femme, JaneFerntey, lui donna cinq enfants. T.'an, Nicolas, eut. un fils, sir Edmond, mort sans postrit en 1649, et connu par une seule. lettre adresse soa oncle le chancelier. Les deux autres, Nathaniel et Edouard, n'eurent que des filles. Les deux fils de la seconde femme ne paraissent pas avoir eu d'enfants. (Works, t, VI, p. Strype, Ann. of the Reform., t II, p. 210, d. d'Oxford, 1824.) 2 Pierre Martyr avait ddi sir Anthony Cooke son commentaire de l'ptre aux Romains. Strype n'hsite pas attribuer la version de vingt-cinq: sermons d'Ochin, traduits par A. C. lady Bacon, qui avait galement t'radait du latin l'apologie de l'glise d'Angleterre, par l'vque Jewell. ( Ibid., et Ecclesiast. meozor., t. II, p. 415, d. d'Oxf., 1822 A Wood Athen Oxon. d. de Bliss, Lond., 1815, t. 1, p. a Cette maison, autrefois Nonvich-House, changea de nom quand la reine Marie la donna Heath, archevque d'York, lequel l'habita comme chancelier. Elledemeura pendant un temps la rsidence de ses successeurs Nicolas Bacon, Egerton, ford

CHAPITRE I. 1573.

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dif, il parut de bonne heure intelligent et curieux. Les phnomnes de la nature attiraient surtout son attention. On disait, qu'il auait l'esprit de sa mre. Il plut la reine Elisabeth, lorsque, dans une des visites qu'elle fit, son garde des sceaux, Redgrave ou Go,rhambury on lui amena le jeune Frank en cheveux boucles. Elle le questionna beaucoup, en l'appelant son pe.tit lord keeper. Mais elle ne devait plus tard garder de cette parole aucun souvenir, et elle ne fit point la fortune de Bacon. A treize ans) le 16 juin 1573, il entra l'Universit de. Cambridge et il tudia au collge de la Trinit, sous;John Whitgift, qui en tait suprieur, et qui fut parla suite p.rimat.d'Angleterre, plus renommpour sou savoir que. pour ses lumires o.u sa tolrance. Il quitta Cambridge seize ans, sans y avoir pris ses degrs, mal satisfait, du cours, d'tudes qu'on y suivait, et n'ayant, puis, dans ce, qu'on lui enseignait de la philosophie d'Aristote, qu'un ddain prcoce pour les; leons e.t,pour le matre. On dit qu'il rva ds lors une rnovation des sciences. Deseartes aussi d Bacon, usqu' ce qu'ellefut comprise ans l'htel de Buckinj gham. Elle avaitune faadesur le Strand et uneautre sur la Tamise. ansesconstructionsncorenommes orkBuildings, D l e Y il y a unemaison, ccupepar despapetiers, o Hbraires, artyet V et Uwen, au coin de Villiers-street, dans laquelleil subsiste, l dit-on, une partied'unecavedu tempsde Bacon. Voir esdes( sinsdansOldEngland,a pictorial museum, 1857.) n 1 Redgrave Halltaitun domaine situ prs de Botesdale, en Suffolk,et,prov,enant deonfiscations,suivantlord Campbell. Gorhambury,prsS6, lbausxHertford,tait une rsidence orne dont les ruines existantencoredans le parc de lord Ve-

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VIE DE BACON.

passe pour avoir, des le collge, song rformer l'esprit humain. En ce temps-la dj, un voyage sur le continent tait regard comme le complmentde l'ducation d'un Anglais de bonnemaison:BaconvisitaParis et une partie de la France, cinq ans aprs la Saint-Barthlerny. C'tait une de ces poquesde guerre civile europenne o chacun, retrouvant en toute rgion les mmes partis, ne se sent nulle part tranger. L'occasiontait favorable pour observer le monde politique, et le jeune voyageur, qui tait recommand l'ambassadeur d'Angleterre .sir Amyas Paulet, fut employun momentsousses ordres.C'est apparemment cette courte excursiondans la diplomatie qui le conduisit inventer un chiffreauquel il attachait plus tard assez d'importancepourl'insrer dans son grand ouvrage philosophique1.Il fit mieux de profiter de sa positionpour recueillirsur l'tat de l'Europe les notes qu'on trouve dans ses ouvrages. Il s'y montre assez bien instruit du caractre des princeset dela situationdeleursfinances2. HenriIII, dit-il, a trente ans, une constitution faible, toute sorte d'infirmits; livr avecexcs ses plaisirs drgls, n'ayant de got que la danse, les ftes. Pas grand esprit, maisune tenue agrable, et faisantbien son personnage. Abhorrant la guerre et toute espce d'action, il travaillepourtant, sans manquer un Inventum. quodcerte,quum adolescentuli essemus Panecetiamadhuc nobis digna visa res est risiis,excogitavimus, 1.VI, ( Augmentis, c. I; t. I, p.290.) qu pereat. De 2 OfthestaleofEurope, t. Works, III,p. 3.

CHAPITRE I. 1579. jour,

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la ruine des gens qu'il hait, comme par exemple tous ceux de la Religion et la maison de Bourbon. Bacon se trouvait Poitiers quand la nuvelle de la mort de son pre le rappela dans vrier 1579'). sir Nicolas Quoique sa patrie (20 fet 't, selon des biens d'glise,

l'usage, enrichi par la confiscation il ne laissait fortune. On citait pas une trs-grande son manoir de Gorhambury, o prs St. Albans, il avait plant et dessin des jardins dans le got du temps. Mais ce chteau et toutes les terres churent son fils Anthony, qui 'hrita de sa: modestie avec ses de ce dernier l'empchrent biens. Les infirmits de jouer un rle public; mais il passait pour un fin'liolitique, et se mla sous main de beaucoup d'affaires 2. Il demeura li assez'intimement avec'son fire, quoiqu'on ne voie pas qu'il l'ait jamais aid de sa fortune. Leur pre avait mis en rserve une somme d'arun domaine au plus jeune de ses gent pour acheter fils: Mais cette somme, n'ayant a pas t employe entre tous les enfants, et temps, dut tre partage se trouva; son entre dans le monde, dans la plus gne. On l'avait destin l jula situation Il s'y sentait beaucoup de rpugnance, rislirudence. Francis 1 Thomas Baker, dans les noies manuscrites imprimes la suite du tome IV des Annalcsde Strype, donne comme date exacte de cette mort avril 1579 et Strype lui-mme la place en 1578, ce qui tient probablement la diffrence du vieux au nouveau style. Ce nime Baker fait natre Bacon en 1560. J'ai suivi les dates reues. 2 Aubrey qui tait contemporain, en parle comme d:un homme fort suprieur son frre, for the poliliques(sic). (Lives, t. II, part. II, p.. 221)

14 VIEDEBACON. et il espraitque la protectionde son oncle, lord d Burleigh,le dispenserait e suivreune carrire qui l'attiraitsi peu. Maisil apprit vingtans combien il auraittort de comptersurun appuiqu'il ne cessacependantd'imploreravecplusde persvranceued q n'a la digilit. On jamaisbien expliqu froideurnde l'accuse gligente Burleigh pour sonneveu.Celui-ci d'avoir systmatiquement repoussles gensde mrite1 On a supposqu'il voulaitrservertout son crditpour ses enfantset surtout pour sonsecond fils, Robert, dont il tenaitet dont il russit faire sonsuccesseur. aisBaconne pouvaittre un conM currentdangereux sescousins,et Burleigh tait pour assezpuissantpourporteret soutenirtrs-hauttoute sa famille. l est probablequela vivacitd'imaginaI d tion,la hardiesse 'idesile ton tranchant 'utijeune d hommeplein d'esprit,d'ardeuret de vanit, dplut constamment l'exprience exigeanteet dsabuse d'un hommed'tat qui devaitvolontierstrouveur le II gnie mme tmraireet chimrique: disait d Bacon C'est un spculatif, et ce mot tait un arrt sans appel. Il ne tmoignale plus souvent au qu'uneassezddaigneusendinerence neveudont i il aurait d s'enorgueillir. alheureusement, nece M veutaitde ceuxqu'on n'amliorepoint en les humiliant.La disgrcele blessait sansl'indigner, et ajoutait son irritation d'amor-propretout ce P qu'elletait la fiertde soncaractre: eut-trese serait-ilmieuxconduitdansa fortune, et moins l s'il pti poury monter., Lettre Buckingham, t. V,lett.156. Works,

CHAPITRE 1580. I. 15 Il lui fallutcommencer ommels plus modestes c tudiantsde la loi. Il entraen 1580 Gray'sInn 1, un de ces tablissements singulierso d'anciennes, richeset librescorporations doiventformer,par des tudesprparatoires, tousles juges et tous les avocats de l'Angleterre: acony eut, selonl'usage,Un B toutesa logement;chambers; u'il devaitconserver q vie,et quel'on montreencoresousle n1dansGray's Inn-squr,tel, dit-on, qu'il l'occupadans sesderni res annes . Sestudesen droit furentassezpro2 n'ait d fondes,et quoiqu'il jamaisd s'assimiler etout du pointauxhommes mtier,il se fit unebonnepositiondansla savantecompagnie. assesseurs Les o l officiers la dirigentsousle nomd benchers, ui qui nul s'iln'afaitunstage avocat, ALondres, n'estbarrister, dans laborieux undesquatrennsofcourt hospilia I trs-peu de mdiocrement du curi,acadmies jurisprudence tligns titre que leurdonne Jonsoh ls plusnobles coles Ben Innfutfondous s d'humanit libert. Gray's etde (nurseries) Edouard aunorddel'extrmit de ia Cit, ntre ouest e ill, Holborn King's-road, terrain et surle dumanoir Portpoole, de a a e queloi'd deWiltonvaitvenduuprieur t aucouvent Gray d'East heen, et S Surrey, quifutlou eux6 liv.15schel. par 4 den., ccrlains laprotudiants loi. la rformation, dela A lacourl d Prit passa la couronne, quiparait'avoir onns L ne La portion. esbtiments sontpastrs-anciens. grande salle de1560, jardinsont e1600. 1, ans les est s d C'est d Gray's arbres Inn-walks, quelques passaient avoir tplanque pour tsparBacon; ilsn'existent C'tait nepromenade mais u plus. .fort lamodeous s Charles II. 2 Laddicace estdate my Fronz chamdesEssais eBacon d le bers t Graiesnnthis ofjanuarie Suivant recueil a I 50 1597. intitulold England, 162,le logement de pittoresque page n Bacoii en1076, la maison brla et actuelle 'enoccup l que place.

DEBACON. VIE tmoignrentde..bonne heure une certaine,consa fiance,et diverses poques.de vie, il s'est occup d'embellir'ceocteasile.de jeunesse. d sa On croit gnralement ue le jeune tudianten q droit trouvaitdu tempspourpenser. lors la phids Il losophie. l'a ditlui-mme maisil n'a pas.ditqu'aucun matre aucune lecture aucun entretien et donnl'veil sa pense.Letourindpendant de.son espritporte,croirequ'il dut beaucoup lui-mme. il v Cependant avaitrcemment isitla Franceo l'infortunRamusdevaitavoir laiss des traces.de son passage,et pendantqu'il tudiait Gray'sInn, un en Napolitain, ompromis Italiepar sesirrvrences c enversAristoteet saint Thomas,venaitchercherla libertdela science,il l'esprait moins,en Angledu terre. Jordano Brunon'avait gure plus de trente ans, lorsqueaprs quelquesjour Paris, il vint d a descendre Londres, .chezMichel e Castelnau, mbassadeur eHenriIII auprsd'lisabeth, t quiluid e mme ayant connu et traduit Ramus, aimait,les lettres et peut-tre la philosophie. Bruno fut bien accueilli la reinequ'il compara doctement Spar Diane et Amphitrite et miramis Clopatre, et il partageal'admiration deslettrs pour sir Philippe de Sidneyqui brillaitau-dessus tous par la grce,la et bravoure la posie.C'taiten 1583.Peu aprsson arrive,Brunoassista la ftesavantequel'Univer-. site d'Oxford donnaau comteAlbertde Lsco,dela famille roisde Pologne.Leicestertait chancedes lier de l'institution,et le puissantfavorivoulutaclui-mmee Palatinqui fut harangupar l compagner 16

CHAPITRE 1.-'1583. 17 le docteur TobyMatthew,destin l'archevch en d'York, rpondait bon latin et prit grand plaisir auxdivers exercicesacadmiques. moins Le curiaux ne fut pas'sansdoutela discussion formedanslaen fut l quelle Bruno admis dfendre;devantes profesle de seursscandaliss, mouvement la terre et l'infinitrdu monde. On l'autorisapourtant faireun cours,o il exposa avec rserveune thologiedite et contrela logique platonique, soutintprobablement, c d'Aristot, ellede Raymond Lulle,ce grand art auquel' il bornait alors en apparenceses'prtentions novatrices.Les tmrits.de l'cole d'Alexandrie taientau fond de la doctrinede Bruno;bien qu'il les couvrtd'un voile, il n'vita pas l'indignation, e .les attaqueset lesddain de l'Universit, t rvolta culla philosophieristotlique, alorsmdiocrement a par tive et despotiquement impose lesmaitresoffiIl cielsde l'enseignement. a lui-mme rendu compt de cettecampagne nonsansse plaindre scientifique, et se moquerde l'tat o il avaittrouvlessciences et en Angleterre.Suivantlui, la courd'lisabeth ls cabaretsdes universits taientles vraisrendez-vois desbeauxesprits.L'artde parleroupluttdedclase mer taitleur seuletude,,et toutela philosophie d rduisait anslesuniversits uneintelligence urep ment technique l'Organon de d'Aristote, dont on ne pouvaitvioler aucune regle sans payercinq schellings d'amende Il est difficile de penser.quele juneBacon n'ait 1 Jordnnn runo, arChristian 2vol. B Bartholmss, in-8, p 1 t Paris, 846, I, liv:IV, . 102. p 2

VIEDEBACON. pas rencontr,recherchmmeJordanoBruno,soit s s aux solennitsavantesd'Oxford, oit dans le cercle avaitfond Londres,et o l'on littrairequeSidney italienait introduitlalibertde veut quele voyageur il penser.Cependant faut tre juste, si Bacona entenduBruno,qu'il necitequ'unefois', il n'a pasplus t convertipar lui au no-platonisme qu'ausystme de Copernic. n'adoptaitaucun systme Il contemporain danssa partiepositive,pasplusles spculations d de Campanella les dmonstrations e Galile. que Mais la danssa partiecritiqueou polmique, doctrine de Brunoa pu sansdouteexciteret enhardirl'esprit de l'tudiantde Gray'sInn mettre en prvention et gnralel'enseignement la directiondes sciences depuisl'originedu moyengejusqu'la renaissance. C'taitun procs faire gagner l'esprit humain contre l'autorit, et ce procs-l, Baconle plaida toutesa vie. i Cependant l en fallait plaiderd'autres, et comIl mencerl'exercicepublicde sa profession, dbuta aubarreau,et sefit remarquer u pointd'trebientt a d lului-mme ndes benchers e Gray'sInn; et, deux u ans aprs,choisi ourlecteurdecarme(lentreader), p c'est--direpour donner des leonsorales de droit dans l'tablissement. aisle jeune barristerne se M confinaitpas dans une pratiquevulgaire.Il laissait percerun esprittropvif et trop tendu,sa curiosit se rpandaitsur trop de sujetsdivers, les entraves de la routine et du prjuglui taient en tout trop 18 1Hist nnt.et crp..Monit.,il, p. 258. t.

CHAPITRE 1588. I . 19 enfinil portait tropde philosophie dans importunes, la jurisprudence ourque sesconfrres t sesrivaux, e p mmeles plushahiles,lui rendissent nejusticeenu tire.Tandis qu'ilsemontraitaux lgistes roccup, p bon droit, de ce qu'il a lui-mmehommeles lois deslois,leges legum', il avait,dsl'anne1585,trac lespremiers d linaments el'Instauratiomagna,c'est-dired'unenouvelle dusavoirhumain. organisation Il esquissait;sous diffrentesformes,l'oeuvrequ'il appelait firement le plus grand enfantementdu 2. Temps,Temporis artus maximus C'estde cet oup ducomted'Essex,HenriCuffe, vragequ'unsecrtaire disait Unfoun'aurait pu le faire,un sagene l'aurait pas,os. Probablement aconne cachait pas B sesidessousle boisseau dela modestie;il ne devait s'interdire, dans ses entretiens, ni l'originalitqui tonne,ni la prsomption blesse;et, malgrla qui de son commerce, gaietde son espritet l'agrement il il avait djdesennemis. ansle nombre, compta, D debonneheure,douardCoke3, andedixans. son do Celuiqui devaittre le plus grandjurisconsulte 1Celuideses ouvrages o ce auquel na donn titre, les deDroit, q Aphorismes ouleDe Fontibus n'atpubliu'en juris, t. dans dition 1623, le traitDe Augmentis, deM.Bouillet,1, est T c p. 451. out equ'il a critsurla lgislation restlonrn dans m Voir, temps anuscrit. surcesujet,unelongueote l'note dition M.Montagu, part.11, CC. de t. XVI, t. dition ad Fulgentium, Bouillet, III, 2Epistola pati-em p. 552. 3 N 1551', comme dewhitgiftTrinity olC en lve, Bacon, d douard entra Coke aubarreau l'cole'Inner Temple. lego, par l d Son Ilparcourut avecclattouteseschargesejudicature.

VIE DEBACON. et son,pays de son temps,sans en tre un des plus grands sprits, cet hommeminentpar la subtilitet e la rigueur;mais;sans'lettres,sans got, sans ides, ressentaitcontrBacon mlangede ddainet de .ce jalousie,dont ne prserve. as un mriterel mais p spcial; t s'exprimait ur soncompteavecunednie s ds grantehauteur.Dclamateurpdantesqe qu'ilne raisonnait, en droit, Cokene pouvaitapprcier; pas mme plusfaible au l dgr;lesvuesneuves,es solides penses,lestraitsbrillantsde sonjeune confrre,et e peut-tredj s'levait-il ntre eux,'avec la jalousie' de mtier,unpressentimentde la dissidence d'opinionet de nature qui devait.les un opposer jour l'un l'autre, sousles bannires divises la couret du de Parlement. MaisalorsCoke n'tait pas l'orateurpopulairequi devaitbraverCharles il n'tait quele plus habile 1er; et le.plus richeavocatde Londres.Son rival, luttant pniblementcontrela concurrenceet la pauvret, s'efforait;par son zle, intervenirdansles poursuiteso l'Etat tait intress,de rendre son nom d l Mais, plusfavorable ainse mondedu gouvernement. sonministre, o prvenue ar l'exemple ules conseilsde p Elisabeth disait, enparlantdeBacon Il a beaucoup d'esprit t d'instruction,maisdans la loi'il montre bienttle boutde sonsavoir, il n'est pas' profond. surLitlleton:est delajurisprudence l'oracle ancommentaire Ilfut dela des et glaise. Orateur Chamhre communes,passe d I en rdiga fameuse l Ptition eDroit. l mourut pouravoir saviedansordCampbell, ofthechiefusLices 1654. (Voyez l j t. tices, I, chap. et suiv.) VII

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CHAPITRE 1590. I. 21 sonconseil xtraore Cependant lle daignale nommer e t et dinaire, itrealors nouveau, quilui donnaitle droit, aprsl'avocat et le solliciteur gnral,de porterau barreau une robedeisoie, t d'tre employe e dans les procs,dela couronne Uky gagna l'honneurd'approchersouventlareine,dont il n'obtint cependant Elle qu'unestrile bienveillance. aimaitsa conversation,il plaidaitses affaires,et il n'arrivait'a rien. Il crivitunerponse un pamphletpolitique, , en o dferldanla .mmoire son pre, il clbraitl'adde ministration Burleigh et Burleighle .laissait, 'de i s'puisant'en sollicitationsnutiles,lui reprsenter humblementla niodicitde'sa fortune;son zle ou Le procureur avocat et (atlorney) gnral lesolliciteur on autrefois sergent roi, le du a gnral, uxquels adjoignait comme premiers sontconsidrs les conseils oulesconseils ordinaires couronne, dela learnedounsel. pourquoi c C'est Baconfut nomm extraordinaire.titrede conseil conseil de Le lareine estdonn aintenant assez efacilit desavom avec d catsplaidants,. n'abandonnent qui paspourcelaleurprofescontre couronne la sion, quinepeuvent plaider plus (les mais 'criminels'sont'censs parlesaccuss le soutenus contre procs sa n r roi sans permission; ) laquelle dureste, 'estjamaisefuconseil du se.Bacon poure premier aittnomm qui passe l On ordinairement lu roi,n'tant ue q simple barrister. exigeait ou at ad d serjcant sergeant law,serviens legem, grad esergent, et qui,jusque .ces dans legrade,le lev ela profession, plus d derniers tait, devant laCour temps, ncessaire occuper pour une desPlaidsommuns,.parce c qu'ilsuppose connaissance spciale common L entr de'laloi commune, law. adistinction serest aujourd'hui. reste,le Au jeant t barrister peuimportante e ne a titredeBacon parat voir tconfirm parunbrevetrri l de Ier. vocable, patent, peu que aprs'avnementJacques 2 Certain t. Obseruation a libel,1592. orks, III, W upon p. 40.

22 VIEDEBACON. servircomme bonpatriote-et comme parent indigne l'homme taitl'Atlas dela rpublique l'honneur et qui de sa maison. Je le confesse,crivaitBacon, en 1591, au lord trsorier', mon ambitionest grande maiselleestmodestedans dansl'ordre contemplatif, l'ordre civil.J'ai fait de la scienceentirema prof vince j'en veux balayertout ce qui la dvaste, rivolesdisputeurs,exprimentateurs diseurs aveugles, traditionnelles. Que ce soit curiosit, d'impostures vaine gloire,nature ou, pour en parler plus favorac'est un pointfixdansmon blement,philanthropie, esprit et que rien n'en fera sortir. Et si votre seigneuriene veut pas m'avancer. je vendsmonpetit d'un rehritage,je l'changecontreun placement venucertain,ou quelqueofficequi rapporte et qui soit exerc par un supplant, t, abandonnant oute t e idede servicepublic,je deviens.un triste faiseurde livres,ou un simplepionnierdans cette mine o la enfouie. Il n'tait parvrit git si profondment venu obtenird lord Burleighque la survivance du greffede la Chambre toile,c'est--diredu Conseil priv constituen courde justice.Cettecharge devaitrapporter seizecents livres sterling par an; maisil luifallutattendrela vacance vingtannesencore.Il restaitdoncpauvreet dans une gne,humiliante.Sontalenttaitplus louque sa pratiquen'tait tendue.Onvenaitl'entendre,la reineelle-mme maisles clients ussistait quelquefois sesplaidoiries; l ne qui enrichissenteur dfenseur se pressaientpas t. 1 Works, V,lett.7.

CHAPITRE I.

1592.

23

autour de lui; et son cousin, sir Robert Cecil, qui prtendait lui vouloirdu bien, continuait dire que c'tait un homme abandonn des rveries philosophiques, et plus fait pour troublerque pour servirles affairespubliques.Or, sir Rohert, que son pre n'avait pas encorerussi fairenommersecrtaired'Etat, lui tait du moins adjoint dans l'exercicede sa charge, et dj possdait quelque chose de. l'autorit d'un ministre.

CHAPITRE

Il.

1593-1599.'

Bacon la Chambre des communes; son opposition et sa disgrce. Il est soutenu par le comte d'Essex. Publication des Essais. Puissance du comte d'Essex.-Ses expditions'en Espagne, ses imprudences et son dclin. Situation de Bacon' entre'Essex et la reine.

Malgrsa disposition plier devantle plus fortet baiser la main qui le frappait, ce fut peut-tre par un mouvementd'irritation et dansun dsirde vengeance que Bacon voulut s'ouvrir une nouvelle carrire, et qu'il se prsenta en 1593 aux lecteursdu comt de Middlesex.Quatre annes venaient de s'coulersans en parlement. Elisabethtait obieet populaire, gouvernant en vertu de la prrogativeseule. Elle n'avait besoin des Chambresque pour ses finances; car les ncessitsdu trsor public ont t l'origine des rares liberts de toutes les nations modernes. En Angleterre, elles ont obligles plus imprieuxmonarques plier tt ou tard devantles droits du peuple. lisabeth'ne convoquaitle nouveauParlementqu'avec dfiance, et le menaait enle rassemblant.Les premiers orateurs qui s'avisrent d'entretenir la Chambredes

CHAPITRE II.

1593.

25

communesdes affairesdont la Reine ne lui parlait en pas, furent envoys prison, et une loi de compression fut enregistre sans mot dire. Le Parlement n'tait donc pas alors, il s'en faut bien, tout ce qu'il est devenu, une arneole pouvoir est le prix du combat.Cependantla connaissancedes affaires;l'art de les discuter, la conduitedes assembles, l'adresseet l'loquencey jouaient dj uncrtain rle, et ouvraientdes chances brillantes l'ambitin: Entr dans la'Chambreavec sonfrre qui ft lu,parWallingford, Baconput croire que danscette enceintequ'il ne devaitplus quitter avant de devenir d'une longueattente, chancelier,il se ddommagerait en conqurant,de gr oude force,la faveurroyale. Il apportait dans le dbatson expriencedesluttesd la parole; les trsors d'une instruction varieet d'urie imagination puissante. Ona souvent citce que Ben Jonson,bon juge du talent, a crit du sien II a paru de mon temps un noble orateur plein de gravit dans sa parole. Sonlangage, quand il pouvait s'pargner ouviter. la taillerie, avait la dignit ducenseur.Jan mais homme 'a parl de faon plus nette, plus presse, plus puissante, n'a moins souffert le vide ou la langueur-dansce que profrait sa bouche. Point de passage de son discours o il ne rpandit ses grces particulires. Ses auditeursne pouvaient tousser ou dtournerleur, regard de lui, sans y perdre quelque chose. Il commandait parla paroleet tenait sesjuges irrits ou charmsa sadvotion.Aucunhommen'eut davantageleurs affectionsen sa puissance.Qui l'entendait n'prouvait qu'unecrainte, c'est qu'il ne se

2C

VIE DE BACON.

tt!. it Nul doute que Baconn'ait port Westminster quelque chosede cette loquence, d'abord jeudiciaire, en l'appropriant un nouvelemploi.Dansles extraits qui nous restent de ses discours,le got actuel ne trouverait cependantpas grand sujet d'admiration. Mais les citations que lui fournissaient en abondance la littrature et l'histoire taient alors mieux reues qu'elles ne le seraient aujourd'hui, et l'imagination, jusque dans le positif du dbat politique, ne cessaitde donner commeune aurolebrillante sa pense. Le comte de Salisbury2, disait sir Walter Raleigh, qui lui-mmeexcellait dans la prose et la posie, a t un bon orateur et un mchant crivain; le comte de Northamptonau contraire, bon crivain, mauvaisorateur; mais sir Francis Bacon l'a emport tout ensembledans l'art de parler commedansl'art d'crire'. Soutenir en Europe la cause du protestantisme, poursuivre d'une hostilit implacablel'Espagne humilie par le naufragede laflotte invincible,maintenir au-dedans l'ordre et la prosprit, avec une fermethabile et rarement gnreuse, veiller avec une sollicitude anime par l'orgueil la grandeur de l'tat et aux intrts du peuple, chercherle bonheur B.Jonson's orks, IX,p. 183,dit.deGifW t. Discoverics, ford,1816.2 Sir Robert Cecil, plus tard comte de Salisbury, secrtaire d'tat et lord trsorier. 3 Henri Howard, comte de Northampton, lord du sceau priv sous Jacques 1er, et qui mourut en 1G1.i. 4 Ces paroles de Raleigh sont rapportes par Rawley, qui dit les avoir entendues. (Bacon, dit. Bouillet, t. 1, p.. LXXX.)

CHAPITRE 1593. Il.

27

public sans s'interdire la violence et la ruse utiles, telle tait la bonne politique d'un temps qui en connaissait de bien pire et n'en rvait pas de meilleure, et d'un rgne cher encore aujourd'hui au reconnaissant patriotisme de la nation britannique. Les circonstances taient donc peu propices pour chercher la faveur du pays dans la dfaveur de la cour. Et cependant Bacon si bien fait pour comprendre et suivre les circonstances, cda cette fois aux mauvais calculs du ressentiment ou peut-tre de la conscience. Son premier discours avait eu pour but la demande d'une rforme de la loi civile; pense qui l'occupa toute sa vie Mais aprs que les Communes eurent vote quelques subsides, la Chambre des pairs se laissa persuader de les trouver insuffisants, et insista dans une confrence pour une augmentation. Son intervention inusite, irrgulire mme en de pareilles matires, blessa les Communes; et Bacon se rendit l'interprte de leur mcontentement. Tous les arguments de l'orateur populaire qui dfend le contribuable se retrouvent dans son discours. Ainsi donc, pour contenter le fisc on exigeait du gentilhomme sa vaisselle d'argent, du fermier ses vaisseaux de cuivre. C'tait au Parlement de chercher les plaies du royaume. Fallait-il exposer la sret de la reine qui avait plus besoin de l'amour que de l'argent du peuple? Fallait-il crer au service des princes venir un mauvais prcdent dont ils pourraient abuser P L'histoire n'enseigne t elle pas que de tous les dans l Voyez, ses geuvres,e tomeIV,pages287et suiy.

28

VIE DE' BACON:

peuplesl'Anglaisest le moinsfait pour la basse sujtion d'un peuple taxable? Bacons'attira une viverponsedesir Robert Cecil, et's'il ne fut pas envoy la Tour ni traduit devant ne la Chambretoile, onlui signifia-qu'il devaitplus compter sur les bonts de la reine. Il connut alors toute:son imprudence.En vain multiplia-t-illes protestationset les excuses; en vain demanda-t-il grce au lord trsorier, et chercha-t-il dsarmerle garde du grand sceau par des lettres pleines de soumission'. La carrire des emploispublics parut lui tre ferme pour jamais: Dj l'anne prcdente, douard Coke avait t prfr pour les fonctionsde solliciteur gnralde la couronn. Cellesde procureur gnral vinrent vaquer,.et Bacon, sans tre dcouragpar sa disgrce, eut un momentla prsomption,d'y aspirer. Par un avancement rgulier, Coke, ui d'ailleurs avaitservi'la q cour comme Orateur de la Chambredes communes, passa encoredevantlui. Restaitla chanced'obtenir le post.qu'il laissait disponible.' Duct du vieuxet svre Burleigh, Bacon esprait peu, heureusement le puissant-ministre n'tait pas seul puissant. En face delu;.il rencontrait toujours un rival auprs de la reine. Leministre et le favori se faisaient quilibre entre eux. cras par. Cecil, on pouvait tre relev mort de Leicester(1588),Ropar. Essex.Depuis-la c bert. Dvereux, omte d'Essex, avaitfait natredans le curd'lisabeth unede ces affectionssingulires t. t 1 Works; V,lett:11-;. VI,p. 2.

CHAPITRE Il.

1593.

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dont la, dfinitionembarrasse, ncorela loyaut et 1% e sagacit'deshistoriensanglais. Peut-tre avait-il plus d'clat quede mrite; la prsomption pouvaitl'garer jusqu' l'insolence. Maisil tait.aimable,brave, spirituel; un ami chaud, un protecteurfidle, un courtisan populaire, qui donnait- ses qualits et mme ses dfauts.le prestige d'une grce chevaleresque. Bacon, en s'attachant lui,.gagna son amiti et son appui. cordial et zledcidaBurleigli quelques dmarches.Voici un billet du premier miristre le loisir d'crirebeaucoup;mais en rponsej'ai tch;ile vous placer. Maisla reine a demandau lord kepr les noms de divers lgistes, choisir. Il .m'en a inform et je .vous ai nomm-comme un homme'qui convenait l'emploi. Sa seigneurie a adhr par manire d'amiti, cause de votre pre mais il a montr du scrupule vous mettre de niveau avec certains qu'il a nomms comme.Brograveet.Branthwayt qu'il appuie spcialement. Mais je. continuerai vous rappeler Sa Majestet implorer l'aidede mylord d'Essex. Votreaffectionn oncle. Les sollicitationsdurrent plusieurs annes. Nousen du avons toute l'histoire:dans les .correspondances temps. Le gard du sceau, sir JohnPuckering,tait le grandobstacle. Il.trouvait,que Bacon tait pourlui peu respectueux. Lord Essex' rpondaitque cela tenait 'sa franchiseet qu'il avait'ay.ec les mmes lui manires.Baconcrivaitd'un ton de prire ou'de re1 27septembre Works, VI,p.5. 1593. t.

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VIE DE BACON.

proche alternativement.Il protestait de son respect pour le ministre et lui rappelait ce que son pre avait fait pour lui. Burleigh et son fils se montraient peu actifs; le derniermme fut souponnd'tre hostile. Puisquel'assistancede ceux qui devraienttre les amisde M.Baconme manque, crivaitle comted'EsEt sex,celamerend plus zlmoi-mme1. il pressait incessammentla reine. Elle s'obstinait trouver que le candidat n'tait pas assezbon jurisconsulte; elle rappelait le malencontreuxdiscourscontre les subsides deuxpoints que sir John Puckering ne lui laissait pas oublier. Quelquefoiselle s'impatientait de l'insistance des sollicitations.Ne pouvait-onpas attendre ? La place n'tait pas donne. Si l'on continuait de la presser ainsi, elle chercheraitdans toute l'Angleterre un solliciteur gnral plutt que de ajoutait-elle,c'est-cetEssex! prendre Bacon. Il Mais, Je suis plus fche contre lui que contre Bacon. Essex, en ardent ami, en favori confiant, bravait tous les caprices de son humeur, et tantt par l'adresse, tantt par la brusquerie, il essayait de les vaincre. Je l'ai trouvefort sur la rserve, crit-il une fois de la cour mme prenant soin de ne me 2, donner aucune sorte d'espoir; cependantpoint passionne contre vous, jusqu' ce que je me soismontr passionnpour vous. Elle m'a dit alors que personne ne voustrouvait propre l'emploi,hors mylord trsorier et moi. Je l'ai presse,je lui ai dit qu'elle pouvait ne pas annoncer ses intentions aux autres, 1ld., t. V,lett.13, 31. t 2 28mars1594,Works, . VI,p. 9et suiv.

CHAPITRE II. 1594.

5i

mais me donner une secrte promesse, qui serait pour moi une aussi grande consolationque le contraire serait un grand dhoire. Elle m'a rpondu qu'elle n'tait pas convaincue,et ne voulait entendre parler de rien jusqu' Pques, qu'elle aviseraitalors avec son conseil, absent maintenant tout entier; et enfin toute en colre, elle m'a pri de m'aller coucher, si je ne voulaispas lui parler d'autre chose. Sur quoi, la colre m'a pris aussi,'et je suis sorti, en disant que tant que je serais avec elle, je ne pourrais que la solliciter pour une affaire et un homme qui m'intressaient autant, et qu'en consquenceje me retirerais pour attendre l'heure o je serais plus gracieusement cout, et nous nous sommes spars. Ainsi,demain,je partirai d'ici tout exprs, et jeudije lui crirai une lettre de plainte. Le soir ou vendredi au matin, je serai de retour, et je recommencerai. Bacon, de son ct, se rsolut crire la reine, et, suivant un usagequi paraitrait aujourd'hui singulier, il lui envoyaun joyau. Un de ses amis, courtisan dli, confidentdiscret, homme d'esprit et de bon conseil, Fulke Greville, prsent au moment o la reine avait reu la lettre et le cadeau, se hta de l'informer qu'elle avait refus le bijou, mais en l'admirant beaucoup. Ou je me trompe, ajoutait-il1, ou elle avait au fond grande envie de le prendre. 1 17juin 1594. orks, VI,p. 15.Cf.,p. Get 48.Greville W t. etdesposies. Ilfutl'ami e estconnu deslettres d ouGrevil par sous de e sirPhilippe 1er, Sidneytchancelier l'chiquier Jacques i deBeauen1615. ansaprs,l eutle titredelordBrooke Trois t Athen. champ-Court. oxon., . III,p. 429.

VIE DEBACON. 32 Cent livres,sterling ou cinquante et vous serez son solliciteur gnral. La prvoyancede Grevillefut en dfaut.'Baconpassa par vingt alternativesd'esprance et de dcouragement.11alla jusqu' composer une allgorieassezfroidequ'Essexfit reprsenter de-, .vant la reine le jour anniversaire de son"avnement ('17 novembre 1594'). lisabeth s'en montrafort satisfaite.Maisil courait, il le dit lui-mme,comme un enfantaprs un oiseauqui s'envoleau moment o ;ilse laissele plus approcher, et le- sergent;Fleming 'fut nommsolliciteur gnral Bacon fut au dsespoir.Djil avait eu l'idedese retirer l'Universitde Cambridge, lorsqu'ellevenait de lui confrer le grade de matre es arts (le 27juillet 1594). Il dclara qu'i: n'oserait plus se prsenter devant la reine. Il voulait.'quitterl'Angleterre et voyager. Il l'crivit Robert:Cecil. Twickenham Park, maison de campagne appartenant lord Essex, tait alors la retraite o il'cherchait le repos et l'obscurit. Un jour, Essex y.vint de Richmondet lui dit M. Bacon, la reinem'a refus une place pour vous, et elle a nomm une autre personne.Je sais que vos propres affairessont ce qui voustouche le moins; mais mal vous a pris d'avoir mis en moi votre confiance votre appui. Vousavez et 1Il composa lesdiscours personnages de dedivers tatsqui danscetintermde, de deviceprononcrent l'loge la reine. t. lord (Works, IV,p. 22.)Suivant Gamphell, p. Fleming futnommnnovembre le moismme ela reprsentae d 1595, tion.M.Montagu en recule cettenomination novembre 1596. Cette parait outeuse. XVI, 1, p.XXXIII.) date d (T. part.

CHAPITRE II. 1595. donn de votre

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mes aftemps et de vos penses faires que je meure si je ne frais quelque chose pour votre fortune. Vous ne refuserez pas de recevoir de moi un petit domaine que je vous veux donner. Bacon lui rpondit tous ses domaiqui avait, dit-on, mais qu'il se gardt d'une telle libralit, car nes lui, parmi tous ceux qu'il croirait par l engager il pourrait bien trouver de mauvais Le dbiteurs. peu et le pressa qu'il s'en inquitait Je vous devrai donc foi et hommage, d'accepter. reprit Bacon, et j'y souscris. Soyez donc mon' seigneur aprs le roi; mais je ne puis tre plus vous II devint ainsi propritaire Twicque je ne suis s'cria kenham mme, la Tamise2. sur les bords les plus charmants de' comte qu'il lui rappelait plac en bienfaits le duc de Guise

au comte de Devonshire, ou The Apology of sir Fr. Lettre Bacon, etc. Works, t. II, p. 211. 2 Twickenham, dix milles de Londres, dpendait.primitivement de la paroisse d'Isleworth. Le manoir, dit alors de Twickenham, aprs avoir t donn l'archevque et aux moines de Canterbury, est revenu la couronne. Twickenham Park n'est pas le manoir. Dsign aussi sous le nom d'isleworth Park ou de New park of Richmond, ce lieu, qui avait t cd bail douard Bacon, troisime fils de sir Nicolas par sa premire femme, passa, comme on le voit dans le texte, aux mains de Francis. On sait, par ses papiers conservs au British Museum, qu'il eut le projet d'y tablir une compagnie pour l'exploration des mines abandonnes. Aprs s'tre dessaisi de cette proprit, il donna pour instruction Thomas Bushel, son agent dans ses entreprises mtallurgiques, de la racheter, s'il tait possible, pour en faire le sige des recherches et des tudes ncessaires, ayant, dit-il, trouv ce lieu trs-commode pour la mise l'preuve de ses conclusions philosophiques, exprimes dans un papier scell de son sceau, et qu'il aurait lui-mme rduites en 3

34 VIEDEBACON. Ce sjour, illustr par tant de noms clbreset les a qu'aujourd'hui Franaisdoivent imer,devintson lieu d'tudeet deconsolation. C'estl que l'on veut qu'il ait invent,pour connatrepar la temprature l'tat de l'atmosphresans sortir de chez lui, une dontil auraitfait hommage espcede thermomtre au comted'Essex1. C'est l qu'il mit la dernire mainauxouvrages ar lesquels esprait il fairerougir p l oudsarmera rigueurde la reine. Sa rsignation la touchaen effet,et le croyantapparemment assez opposition,elle se montra puni de sa malheureuse porte faire vaquerpour lui un des emploisqu'il ambitionnait. finde tmoigner A desa comptence de jurisconsulte,il rdigeapour elle et lui ddia son trait manuscritdes lmentset de l'usagede la loi etrevtues del'autorit acteduParlement, d'un siles pratique n vicissitudeslafortuneel'eneussent de C'esten empch. c de Twic4606, ce qu'ilparat, ueBaconessa possder q endiverses jusmains kenhamark, ui,depuis a pass lors, P q fut olamaison dmolie la proet 1 poque qu'l'anne805, divise. ces n'a la Lysons, donne dtails, pasconnu qui prit vol. of donation d'EssexBacon. The nvirons London, Il, ( E L part.II,2 in-4, ond., 1811.) a importance, dessciencesson 1 Ce d parce point el'histoire a du enconclut Baconurait tl'inventeur thermoque qu'on et en B mtre air,attribu gnral Drebbel, parM. iot a q chose Onaurait lors uelque rpondre ceux Galile. qui Mais fait d d reprochent Bacon e n'avoir aucunecouverte. s'il dcrit vec a dtail Nov. rg.,iv. 11, ph.12)et menO l a ( v l'instrument tionnesouvent qu'ilappelleitrumcaLendare ilneditpas l'aitinvent. e qu'il (Hist. etmort., tailleurs), vit. des de en Drebbel, faisait Angleterre expriencesphysique qui l on de p a p et, comme disait, magiepasse our voir ubliadesl'avoir en d criptione soninstrument 1621 maisil pouvait dition Bacon 1620, delapremire del'Orlnavant date montr

CHAPITRE commune1. table renomme sa d'Essais pays. Enfin, en premire venait Il y avait avaient paru,

11. 1597. le ses cours de sa

35 vri-

il commena publiant

Essdis2. littraire mis en ans premier grand que livre (1597). honneur les Essais srieux

C'tait Ce dans de titre notre Montaigne

publication d'tr dix-sept le

num. kenham

Or c'est Park,

en 1592

que Bacon et Bushel prtend

avait

commenc

habiter

Twic-

d'un citrieux secret rcompense d'un zerre moyen philosophique Mais Bushel qu'il faisait. n'tait sur

lui en avait fait don enqu'Essex de la nature, au pour connatre, avec un peu d'eau, le temps pas n en il se trompe 1592; et sa description air. 1l est vrai seu-

de la donation de Twickenham l'origine celle du thermomtre n'est pas exactement lement rature

avec la tempque cet instrument, ayant paru indiquer les accidents a t nomm mtorologiques, l'origine et que Bacon s'en est un des premiers weather servi. ylass, t. 11, p. 112, dit. dit. Bouillet, (Bacon, 489; Montagu, t. XVI, part. Il, note yy; Encycl. t. I, Diss. IV parLeslie, bril., sec. II, A. R, p. 640; I. IV, chap. IV, sect. Whewell, V, A. 13; Phil. llist. o/ the ind. scienc. .t. 1 de Bacon, par M. de Vau-

t. I, p. 30.) zelles, 1 The Elements of the common le texte du anglais des aphorismes Works, t. De Augmentis,

Lizwes of England, 4 630. C'est latins insrs au huitime livre

2 Essayes. Religious meditations. Places of persuasion and dissuasion, in-4,, Lond., 1597. Ce triple titre de la premire dition indique trois ouvrages qui ont t spars, les essais proprement dits, en latin Sermonesfideles, puis les illeditationes sacr, enfin Colores boni et mali. La Bibliotheca britannica donne cette premire dition ce titre qui est celui de la neuvime Essays or Conncils civil and moral. La premire est ddie Anthony Bacon, et ne contient. que dix essais, tandis que la neuvime de 1625, la dernire puhlie du vivant de l'auteur, et est ddie au duc de Buckinen contient cinquante-huit, gham. La traduction latine ne fut imprime qu'en 1658, par Rawley. (Voyez Works, t. Il, p. 249.dit. Bouillet, t. 111, p. 211, et sur les ditions et traductions des Essais, la note 3 I, du Bacon de M. Montagu, t. XVI, IIe partie.)

IV, p. 5.

VIE DEBACON. 3G en notre.languequi ait t populaire, livre bien la propre changerle got du tempset manciper raison. Montaigne rien invent; mais, avec des n'a idesmdiocrement neuves, il n'est pas mdiocrementoriginal.Le premier,il a donn la littrature la libert de la conversation.Les Essais de Bacon ne reproduisentpas les grcesngligesdu sceptiquefranais;on n'y retrouvepointcettebonhomie un peu ironique, ces confidences ingnues, qui prtent tant de charme ses causeriesimmortelles. Mais pour la varitdes sujets, la qualitde l'esprit, la portedes rflexions,a gravit,la profondeur, l ils aulivredeMontaigne ueBacon semblent suprieurs q citeet qu'il avaitlu. Dansune des rimpressions, ils sontintituls Conseils moraleet depolitique,et de dansla versionlatine faitesous les yeux de-Bacon lui-mme Sermonesidelessiv,e interiorarerum. On f a remarquque ce dernier titre rappelleces mots est clbres Cecy un livrede bonne soy. Cesont, disait l'auteur, commeles lettres de Snque,des f mditations taches, ruits de mon vergercueillis d avantd'tre mrs. Cards lors il nourrissaitde plus grandsprojets.La politique,qui.tient dans ce livreassezde place,y est traite la maniredeMachiavel,et au point devue de cette partie de la philosophie quipeut s'appelerla prudence.Le style, un peu travailldans son tour sententieux, a des quaet lits remarquables, c'est un des ouvrages ont qui formla langueanglaise.Il n'en est pas qu'on cite plus souvent,et si les auteurssont, commele veut desmatresd'entendement, u, comme o Shaftesbury,

Il 1597. CIIAFITRE 57 le dit Voltaire, esmatres penser,Baconpeut-tre d a, par ses Essais, encore plus excit, dvelopp de l'esprit anglaisquepar sesprogrammes rorganisationdessciences.Lahaute philosophie d'une agit maniremoinsdirecteet plus lointainesur les intelligencesque cette philosophieusuellequi rflchit librementet converseavec le lecteursansmthode et sans apprt touchant la vrit. Les Essais de Baconsont un livre classique a donnnaissance qui tout un genre littraire. Les Essayists forment une familled'auteurs fort gote de nos voisins, et dont la successiona, de Bacon Macaulay, laiss dans leur histoire intellectuelleune trace brillante. eurentun grandsuccs.Il en LesEssais de Bacon parut neufditionspendantsa vie, chacuneavecdes et additions, cellesdela derniresontconsidrables. La rputationde l'crivainreleva encore celle du et jurisconsulte del'orateur.Il avaitt rluauParlement (octobre 1597), et, cette fois, il ne manqua pas d'appuyeravecchaleurla demandede subsides m formepar le ministre.Son cousin'Cecil, aintel nantsecrtaire d'tat, semblaite voird'un il bienveillant.Le bruit de sontalentlui attirait la faveur du pouvoiret du public..La pauvrettant la seule chose ne russitpas vaincre,il songea s'enqu'il richir par un mariage.LadyHatton,belle et riche, veuvede l'hritier d'un chancelier, tait la petite-fille Baconaspirait sa main,qui fut de lord Burleigh. demande our lui sirThomas Cecil,son pre,par p cet infatigableprotecteur, le comte d'Essex.Lady

DE 58 VIE BACON. Hattontaitcite pour son esprit, mais aussi pour et A sonhumeurcapricieuse violente. Bacon,pauvre et sans emploi, elle prfra le procureurgnral Coke,qui avaitprs de cinquante ans, maisqui tait fort riche, et elle l'pousa secrtement (1598). Jamaisellenevoulutprendrele nomde son mari; elle le tourmentatoute sa vie; et, pour cetteunionirrl formesansles publications oulues,e v gulirement procureurgnral se vit, par ordre de son ancien matre, Whitgift, maintenant archevquede Candes en terbury,poursuivi violation loisde l'glise.Il fallut que, pour obtenirson pardon,il allgutune On ignorancetrs-invraisemblable. peut douterque Baconet t plus heureuxen mnageque lui, s'il eut formces liens. Cependant figure tait plus sa il sonhumeuret son agrable, avaitplusdejeunesse, E esprittaienttoutautrementaimables. nfin, il parat avoireu pour sa cousine'un gotsincre peret contre sistant,si l'on en juge par ses ressentiments douardCoke,parl'empirequ'elleparutquelquefois exercersur lui, enfinpar la marquedesouvenir qu'il lui donnedans son testament.La perte de ses esprances de ce ct vint l'affligerdans un moment cruel. Sa gneen taitarrive ce pointqu'un imu pitoyable surier,qui luiavaitprt troiscentslivres sterling,le faisaitarrterdansune rue dela Cit,et il resta quelques jours sousles verrous,obligd'inson voquerpoursa libration caractre publicet son cousin ministre le 2. 1 Sanice la modeeBretagne. d 2 Lettre sirR.Gecil, . VI,pe t 43,

CHAPITRE 1597. Il. 3D e de Cependantla bienveillance t la confiance la reine ne lui manquaient lus. Ses travauxde jurisp trs-estims, prudence,dontil restedesmonuments avaientenfinforc l'incrdulitde l'envie lui reconnatre mritedanssa profession. du Demmeque l'attorney et le solliciteur gnral sont des avocats consultants e la couronne, ttachs son service, t d a e lesconseils quidirigenttoutessesaffaires judiciaires, du roiou de la reinesontappels, seulement ans les d cas particuliers, donnerau gouvernement avis leur surunprocs l'intresse, fairemme pourlui cerqui tainsactes d'instruction, t enfin prendrela parole e taitdoncassez souvent onsult c pour sacause.Bacon E par son altire matresse. llevenaitmmelui demander dner dans sa retraite de Twickenham, et l'entretenir de certainscrits dplaisantsqu'elle auraitvoulufaire poursuivrecommesditieux.Des encorela conversations intimes rapprochaient plus souverainet le sujet.Baconpassaitpourle confident e du comted'Essex.Il servaitsouventd'intermdiaire utile ou de ngociateurdiscret entre le favori et une princessejalousede tout, mmede la gloirede celui qu'elleaimait.Essexavait, en 1596,obtenu, le d'une expdition en grand'peine, commandement rpugnait la pruEspagne.La guerre offensive dencedeBurleigh.Lareineredoutaitpresquegalement, pour Essex,les prilsdela guerreet la grandeur que donnela victoire.Cadix emportde vive 1 Voyez Histoire d et ses son dubureauesalinations Lecturrs dansla chaire eGray's sur le statutdesusages I. IV, d Inn n. 132et 158,

VIEDEBACON. l force,quelques xploitsheureux,la bravoure, a ge du nrosit,l'humanit jeune gnralavaientdonn unecertainesolidit brillantel'clat un peusuperficielde sa valeurpolitique. 'Angleterrel'avaitacL Le cueilli sonretouravecenthousiasme. gouvernementseuls'taitmontrfroidet dfiant,et la reine, quivoulutqu'onsupprimtusqu'auxrelationsd'une j dont elle tenait diminuer campagne l'importance, avecmcontentement remarqua qu'Essexavaittrait enennemi le roi d'Espagne et personnel, s'tait,pour le vaincre,gal lui. Charmde ses succs,insubordonn, rrogant, e comtetait tout propre coma l promettresa gloire par sa vanit. Tmoinde ses dela reine,Baconconet imprudences des ombrages seillait l'un la modestie, l'autre la gnrosit.Il une crivitau premier longuelettre,qui estun cours debonneconduite l'usagedesfavoris d'une complet et princesseimprieuse dfiante'.Toutleur art doit tre de se faire pardonner fortune,et de dissileur muler leur mrite et leurs services.Bacontablit a qu'on ne peut, sans inconvnient, jouter au rang la d'un favoril'importance politique, rputationmiC'est l ce qui rend la reine litaire, la popularit. craintiveet dissimule, arce qu'elle ne sait plus p quelle force il lui reste. Aussiva-t-il jusqu' conseiller lord Essexde donner lisabethun favori tout nouveau, uinesoitriende plus,et qui demeure q de la dvotion son protecteur. Essextait peu capablede l'couter.Fier et am 1 4 octobre Works,V,lett.32. 159G. t.

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CHAPITRE1507. II. 41 bilieux,peut-tre n'tait-ilpas insensible l'attrait de la vraie grandeur;maisil manquaitde sagesseet de patience.Ilvisaittrs-haut,maisla lgret, 'osl tentation,le dtournaitde son but. Il se croyaitsr de la reine, ayantprouvplus d'une fois qu'en la rudoyantil la dominait.Tanttil l'inquitait,en se disantmalade;tantt il lui portaitombrage cheren chant la faveurpublique,en se rapprochant l'opde position,ou la dsesprait ar le bruit de ses infidp lits. Il assistaitaux runions puritaines de lady Russell,et donnaitdes soins mistressBridges,la d plus helledes fillesd'honneur Certain 'tre aim, il voulaitse faire craindre. Cette conduitepouvait russirpendantun temps,et, comme avaitdansle il caractrequelque chose d'lirodue,il comptaitla releverpar une guerrenouvelle, t demandait ncore e e unearme meneren Espagne.La rsistancequ'il rencontraaurait t peut-tre invincible, i Walter s Raleigh,qui avait passpour sonrival la mortde m Leicester, aisquiprouvait lusquetouteautreamp bitioncelledela gloireet des aventures, 'avaitemn E ploytousssefforts rconcilier sscxet Burleigh, et faire rsoudreunenouvelleexpdition dans ladansla premire,commander quelleil devait,comme une escadre , Essexeut le commandement terre 2 sur 1 lisabeth, d'Anthony et tante fille Cooke, parconsquent deBacon, pous avait lordJohn unfils d Russell, ducomte e un Bedford. surelleet sur Mrs. ridges, ouvrage que (Voir B a s nous vonsouvent Manoirs court Elisabeth, oftlze of consult, t. c Aikin, 11, h.XXV.) parLucy 2 Sydney lett. d et Papers, deWhite, e1596 1597 t. II, p.24,37,42, 4,54,55. 4

42 VILDEBACON. d et sur mer.Maisdesvents peu favorables concertrent tous les plans, et divisrentla flotte (1597). Raleigharrivale premiersur les Adres,et s'empara du Fayal, sans attendreson gnralen chef. Toutse rduisit cet exploitinutile, et la prise de trois riches btimentsde la Havane, qui serla virent payerles frais de la.guerre. Quand reine revit les gnraux et leur chef, elle leur fit un accueil glac. Essex n'aperut son retour que des signes de disgrce. Trop fier pour plier, il s'indigna,ou plutt il bouda, et ne parut plus. On rpanditle bruit qu'il tait malade.La reine, tousolennelle et, che, consentit une rconciliation le 7 janvier1598, elle lui accorda,en prsencedu Conseilpriv, le titre hrditairede comte-marchal. Baconn'avait pas abandonnson bienfaiteur ses avisn'avaient tenduqu' mettreun terme une rupture qui l'alarmait pour lui mme, et il se rjouit d'un retour de faveur. Au mois de la courcroyaitencore la puissance du mars comted'Essex.Maisson orgueilet son imptuosit ne lui permettaientpas de la conserver. n jour, il U de eut, avecla reine, en prsencede quelques-uns ses serviteurs,unesi vivedisputepourle choixd'un il officier, u'aprsquelquesparolesemportes, lui q tourna le dos avec un rire ddaigneux. tlisaheth, J furieuse,le prit par les oreilles,et s'cria Allez vousfairependre. Essexportala mainsurson pe en jurant que de HenriVIII lui-mmeil n'et pas souffertune pareilleindignit,et il sortit du palais la rage dansle cur,Qu'onjuge de l'inquitude d

CHAP1TRG Il.

1598.

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Bacon. Il trouvait dj que la reine tait pour lui d'une froideur alarmante. Vous verrez, crivait-il un ami', que mon affaire sera un appendice de celle de mylord d'Essex. Il songeait faire un voyage par prcaution. Il suppliait le hautain favori de flchir et de s'excuser. Il le pressait d'crire la reine, et lui rdigeaitdes projets delettres. Enfin, on s'entremit de tant de cts qu'une rconciliationfut mnage.Essex exigea,poury mettre le sceau, qu'on lui donnt le gouvernement de l'Irlande, alors en proie une insurrectionarme. La rpugnance de la reine tait extrme, et elle venait de perdre le vieux conseiller dont elle opposait habilement la haute exprienceaux exigencesd'un jeune tmraire.Lord Burleigh tait mort dans la soixante-dix-huitime anne de son ge, le 4 aot 1598. Bacon redoutait, pour Essex, la mission d'aller pacifier l'Irlande. Il essayaitvainementde l'en dissuader.Dansson impatience d'agir et d'occuper de lui le monde, Essex emporta de haute lutte le commandementauquel il aspirait: Onne fait rien de la reine, disait-il, que par autorit ou par ncessit. Ces procds-la,rpondait Bacon, ressemblentaux eaux thermales, qui donnent un accs de force, et qui. dtruisent l'estomac. Il comparaitEssex un mdecinqui ne songe pas gurir le malade,mais le tenir en tat de l'aiblesse, pour tre sans cesse appel. Ne pouvant le a dtournerd'une missionprilleuse,il voulut u moins l'aider la mieux remplir, et lui adressaun mmoire 1 Worth,. V,lett.59,42et 43, t

4

VIE DE BACON.

du sur les difficults gouvernement, l'Irlande1. Le de comted'Essextait plus propre les braver qu' les vaincre; il partit (mars1599). t. 1 Works, V,lett. 48.

CHAPITRE

III.

15991603.

Son Expdition d'Essex en Irlande. retour, sa disgrce et sa chute. Premires poursuites contre lui. Ses complots, son procs et sa mort. Conduite de Bacon. Derniers jours et mort d'lisabeth.

Pendant l'absence de lord Essex, Shakspearefit reprsenter sa tragdie du Roi Henri V. Dans cet ouvrage tout consacr ' la gloire du vainqueur d'Azincourt, le chur, qui vient au commencement de chaqueacte rciter un potiquersumdes vnementsqui vont suivre, dcrit, au dbut du cinquime, l'entre triomphale du roi Londres. Ainsi, continue-t-il, et par une ressemblancenon de rang, mais d'affection, si maintenant le gnral de notre gracieuse impratricearrivait d'Irlande,commeil pourra le faire l'heuf eux moment venu, rapportant la rbellion perce de son pe, quelle foule quitterait la paisible cit pour aller sa rencontre! Avec bien plus et bien plus de raison encore, on courait vers Henri. Shakspearejugeait comme le vulgaire, son royalisme se trompait, et, bien contre son gr, il tait mauvais courtisan..Essex, en Irlande ne sut

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VIE DE BACON.

que mcontentersa matresse. Il tint aussi peu de compte des conseils de Baconque des instructions royales. Il fit des nominations qui dplurent la reine, confra, sans autorisation,des titres de chevalerie. Non moins inhabile opprimer qu' obir, il sauvait al dployer cette vigueur systmatiquequi m plait tant au pouvoir absolu. Par intrt ou gnrosit, il mnagealorsqu'on lui ordonnaitde frapper. Il voulut gagner ceux qu'il tait charg de soumettre, et comme il manquait de suite, d'applicationet de prudence, il russit mal et parut avoir cout des calculsde popularitplutt que le bien de l'tat. La reine s'en plaignit amrement Bacon. Un jour, dans le palais de Nonsuch', il lui dit qu'au lieu de ces ternelles rcriminations, clle devrait garder toujoursauprs d'elle Essex, avecla baguette blanche la main, comme autrefoisLeicester. Rien, ajoutait-il, n'est moins propos que de l'accuser sans cesse tout en lui donnant au loin d'importants commandements2. Il est vrai que les commandements avaientt arrachs la faiblesse par l'importunit. lisabeth, commepour le punir de sa propre condesNonsuch non pareil tait un palais ommenc par c HenriVIII,prsd'Ewell,surla routede Londres Epsom. C'tait a rsidenceavorite 'lisabeth. l f d Lesbtiments les et ceux jardins avec de lordBurleigh,Theobalcls, qui, passaient c avait furent pour equel'Angleterre alorsdeplusmagnifique, donns arCharles la duchessee Cleveland, II d d p baronne e Nonsuch, lesa dtruits. qui2 Ces paroles, ainsi que toutes celles de Bacon dans l'affaire du comte d'Essex, sont tires de son apOloiC crite par luimme. ( Works, t. Il, p. 218.) La baguette blanche est porte

47 CHAPITRE II.1599. cendance, blmait et contrariait tout momentson lieutenant en Irlande. Il recevait des ordres qu'il n'excutait pas, des dpchesqui l'irritaient, et, fatigu d'une situation insupportable, il quitta hru