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LE STUDIO – PHILHARMONIE Bach María Muñoz & Dan Tepfer Vendredi 30 mars 2018 – 18h30 et 21h Samedi 31 mars 2018 – 16h et 18h30 Dimanche 1 er avril 2018 – 16h et 18h30

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LE STUDIO – PHILHARMONIE

BachMaría Muñoz & Dan Tepfer

Vendredi 30 mars 2018 – 18h30 et 21h

Samedi 31 mars 2018 – 16h et 18h30

Dimanche 1er avril 2018 – 16h et 18h30

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WEEK-END FLASH BACH

Alors que le consensus général sur le génie et la grandeur de Bach aurait pu générer chez les musiciens d’aujourd’hui une sorte de déférence pétrifiée, il n’en est rien. L’une des figures majeures de l’interprétation historiquement informée, Nikolaus Harnoncourt, expliquait que sa démarche dépassait le travail de reconstitution archéologique pour élaborer une façon nouvelle, moderne finalement, d’aborder aujourd’hui la musique d’hier en général, et celle de Bach en particulier. Celle de Jordi Savall à l’égard de la Passion selon saint Marc participe de cette même logique lorsqu’il se fonde sur l’habitude de Bach de réutiliser ses propres œuvres pour proposer, en ravaudant les sources dont il dispose, sa version de cette Passion dont il ne nous est resté que le livret.

Raphaël Pichon, lui, à l’heure de tracer son chemin dans l’œuvre sacré de Bach, décide de suivre sept «  paroles  » – la référence aux sept paroles du Christ n’aura échappé à personne – pour élaborer son choix. Ici, c’est la Passion selon saint Jean, dont il se remémore le choc de la découverte. Bertrand Couderc, familier de l’exercice, vient apporter sa mise en lumière dans un dialogue fécond.

Quand Bernard Foccroulle consacre l’intégralité de son récital d’orgue au cantor de Leipzig, Paul Agnew, lui, croise à la tête des Arts Florissants l’univers des motets de Bach avec celui de ses prédécesseurs plus proches, membres de sa famille ou non.

À l’occasion, l’appropriation contemporaine de la musique de Bach ne néglige pas de prendre les chemins buissonniers. Les Suites pour violoncelle se parent d’une scénographie minimaliste pour s’adresser au jeune public tandis que le pianiste de jazz Dan Tepfer dessine les contours du Clavier bien tempéré en réponse à la chorégraphie de María Muñoz. Jazz encore avec Brad Mehldau qui mêle ses propres compositions à celles de Bach qui les ont inspirées. Les artistes du Bach Marathon, projet qui réunit trois duos (piano-marimba, violoncelle-électronique, piano-vidéo) et s’achève avec Arandel aux machines, se plongent, eux, dans la matière même de la musique de Bach pour se la réapproprier intimement, comme le font, lors d’un concert-promenade au Musée, la jeune génération et Vassilena Serafimova au marimba.

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WEEK-END FLASH BACH

Alors que le consensus général sur le génie et la grandeur de Bach aurait pu générer chez les musiciens d’aujourd’hui une sorte de déférence pétrifiée, il n’en est rien. L’une des figures majeures de l’interprétation historiquement informée, Nikolaus Harnoncourt, expliquait que sa démarche dépassait le travail de reconstitution archéologique pour élaborer une façon nouvelle, moderne finalement, d’aborder aujourd’hui la musique d’hier en général, et celle de Bach en particulier. Celle de Jordi Savall à l’égard de la Passion selon saint Marc participe de cette même logique lorsqu’il se fonde sur l’habitude de Bach de réutiliser ses propres œuvres pour proposer, en ravaudant les sources dont il dispose, sa version de cette Passion dont il ne nous est resté que le livret.

Raphaël Pichon, lui, à l’heure de tracer son chemin dans l’œuvre sacré de Bach, décide de suivre sept «  paroles  » – la référence aux sept paroles du Christ n’aura échappé à personne – pour élaborer son choix. Ici, c’est la Passion selon saint Jean, dont il se remémore le choc de la découverte. Bertrand Couderc, familier de l’exercice, vient apporter sa mise en lumière dans un dialogue fécond.

Quand Bernard Foccroulle consacre l’intégralité de son récital d’orgue au cantor de Leipzig, Paul Agnew, lui, croise à la tête des Arts Florissants l’univers des motets de Bach avec celui de ses prédécesseurs plus proches, membres de sa famille ou non.

À l’occasion, l’appropriation contemporaine de la musique de Bach ne néglige pas de prendre les chemins buissonniers. Les Suites pour violoncelle se parent d’une scénographie minimaliste pour s’adresser au jeune public tandis que le pianiste de jazz Dan Tepfer dessine les contours du Clavier bien tempéré en réponse à la chorégraphie de María Muñoz. Jazz encore avec Brad Mehldau qui mêle ses propres compositions à celles de Bach qui les ont inspirées. Les artistes du Bach Marathon, projet qui réunit trois duos (piano-marimba, violoncelle-électronique, piano-vidéo) et s’achève avec Arandel aux machines, se plongent, eux, dans la matière même de la musique de Bach pour se la réapproprier intimement, comme le font, lors d’un concert-promenade au Musée, la jeune génération et Vassilena Serafimova au marimba.

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WEEK-END FLASH BACH

Vendredi 30 mars Samedi 31 mars

Dimanche 1er avril

18H30 ET 21H00 (VENDREDI) 16H00 ET 18H30 (SAMEDI ET DIMANCHE) SPECTACLE

MARÍA MUÑOZ & DAN TEPFERMARÍA MUÑOZ, CHORÉGRAPHIE, DANSE (EN ALTERNANCE)

FEDERICA PORELLO, DANSE (EN ALTERNANCE)

DAN TEPFER, PIANO

Johann Sebastian BachLe Clavier bien tempéré (extraits)

Vendredi 30 mars

20H30 CONCERT VOCAL

PASSION SELON SAINT MARCVEUS – CHŒUR D’ENFANTS AMICS DE LA UNIÓ

LA CAPELLA REIAL DE CATALUNYA

LE CONCERT DES NATIONS

JORDI SAVALL, DIRECTION

MARTA MATHÉU, SOPRANO

RAFFAELE PÉ, CONTRE-TÉNOR

REINOUD VAN MECHELEN, TÉNOR

KONSTANTIN WOLFF, BASSE, JÉSUS

DÁVID SZIGETVÁRI, TÉNOR, ÉVANGÉLISTE

Johann Sebastian BachPassion selon saint Marc (version de 1744, reconstitution Jordi Savall)

Samedi 31 mars

11H00 ET 15H00 SPECTACLE JEUNE PUBLIC

PETITE SUITE KROMATIKJEANNE MAISONHAUTE, VIOLONCELLE

THIERRY TIJERAS, MISE EN SCÈNE, SCÉNOGRAPHIE

20H30 CONCERT VOCAL

BACH EN SEPT PAROLES VI - VOICI L’HOMME

PYGMALION

RAPHAËL PICHON, DIRECTION

JULIAN PRÉGARDIEN, ÉVANGÉLISTE

TOMÁŠ KRÁL, JÉSUS

KATERYNA KASPER, SOPRANO

LUCILE RICHARDOT, ALTO

JOHN IRVIN, TÉNOR

CHRISTIAN IMMLER, BASSE

BERTRAND COUDERC, LUMIÈRE

AnonymeO Traurigkeit, O Herzeleid !

Johann Sebastian BachPassion selon saint JeanCantate « Sehet, wir gehn hinauf gen Jerusalem » BWV 159 (extraits)Chœur Christe, du Lamm Gottes, BWV 245

Jacobus Gallus Ecce quomodo moritur justus

20H30 CONCERT

BACH MARATHONTHOMAS ENHCO, PIANO

VASSILENA SERAFIMOVA, MARIMBA

Funambules

GASPAR CLAUS, VIOLONCELLE

ELECTRIC RESCUE, ÉLECTRONIQUE

Variations

FRANCESCO TRISTANO, PIANO

FEDERICO NITTI, VIDÉO

EDOARDO PIETROGRANDE, INGÉNIEUR DU SON

Goldberg City Variations

ARANDEL, MACHINES

Switched On Bach

Dimanche 1er avril

14H30 CONCERT-PROMENADE AU MUSÉE

COMME UN POISSON DANS BACH !VASSILENA SERAFIMOVA, MARIMBA

JULIA JÉROSME ET TATIANA PROBST, SOPRANOS

ÉLÈVES DU CONSERVATOIRE DE PARIS

Improvisations jazz, arrangements et transcription sur des thèmes de Johann Sebastian Bach

16H30 RÉCITAL ORGUE

BACH FESTBERNARD FOCCROULLE, ORGUE

Johann Sebastian BachPrélude et fugue en mi mineur BWV 533Fantasia sopra « Christ lag in Todesbanden » BWV 718Cinq Chorals extraits de l’Orgelbüchlein BWV 617, 621, 622, 628, 625Passacaille et fugue en ut mineur BWV 582Quatre Chorals du recueil Schübler BWV 645, 646, 648, 649Vor deinen Thron tret’ ich hiermit BWV 668Fantaisie et fugue en sol mineur BWV 542

Lundi 2 avril

20H30 RÉCITAL PIANO

BRAD MEHLDAU THREE PIECES AFTER BACH

BRAD MEHLDAU, PIANO

Johann Sebastian BachExtraits du Clavier bien tempéré :Prélude no 3 en do dièse majeur BWV 848Prélude no 1 en do majeur BWV 870Fugue no 16 en sol mineur BWV 885Prélude no 6 en ré mineur BWV 851Prélude no 7 en mi bémol majeur BWV 852Prélude et fugue no 20 en la mineur BWV 865

Brad MehldauThree Pieces After Bach – After Bach 1 : RondoThree Pieces After Bach – After Bach 2 : OstinatoThree Pieces After Bach – After Bach 3 : Toccata

Mardi 3 avril

20H30 CONCERT VOCAL

MOTETS DE BACHLES ARTS FLORISSANTS

PAUL AGNEW, DIRECTION, TÉNOR

Johann Sebastian BachKomm, Jesu, kommIch lasse dich nichtJesu meine FreudeLobet den HerrnSinget dem Herrn

Johann Christoph BachFürchte dich nicht

Johann Ludwig BachDas ist meine Freude

Johann KuhnauTristis est anima mea

ET AUSSI

Concerts, ateliers, activités au Musée…

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WEEK-END FLASH BACH

Vendredi 30 mars Samedi 31 mars

Dimanche 1er avril

18H30 ET 21H00 (VENDREDI) 16H00 ET 18H30 (SAMEDI ET DIMANCHE) SPECTACLE

MARÍA MUÑOZ & DAN TEPFERMARÍA MUÑOZ, CHORÉGRAPHIE, DANSE (EN ALTERNANCE)

FEDERICA PORELLO, DANSE (EN ALTERNANCE)

DAN TEPFER, PIANO

Johann Sebastian BachLe Clavier bien tempéré (extraits)

Vendredi 30 mars

20H30 CONCERT VOCAL

PASSION SELON SAINT MARCVEUS – CHŒUR D’ENFANTS AMICS DE LA UNIÓ

LA CAPELLA REIAL DE CATALUNYA

LE CONCERT DES NATIONS

JORDI SAVALL, DIRECTION

MARTA MATHÉU, SOPRANO

RAFFAELE PÉ, CONTRE-TÉNOR

REINOUD VAN MECHELEN, TÉNOR

KONSTANTIN WOLFF, BASSE, JÉSUS

DÁVID SZIGETVÁRI, TÉNOR, ÉVANGÉLISTE

Johann Sebastian BachPassion selon saint Marc (version de 1744, reconstitution Jordi Savall)

Samedi 31 mars

11H00 ET 15H00 SPECTACLE JEUNE PUBLIC

PETITE SUITE KROMATIKJEANNE MAISONHAUTE, VIOLONCELLE

THIERRY TIJERAS, MISE EN SCÈNE, SCÉNOGRAPHIE

20H30 CONCERT VOCAL

BACH EN SEPT PAROLES VI - VOICI L’HOMME

PYGMALION

RAPHAËL PICHON, DIRECTION

JULIAN PRÉGARDIEN, ÉVANGÉLISTE

TOMÁŠ KRÁL, JÉSUS

KATERYNA KASPER, SOPRANO

LUCILE RICHARDOT, ALTO

JOHN IRVIN, TÉNOR

CHRISTIAN IMMLER, BASSE

BERTRAND COUDERC, LUMIÈRE

AnonymeO Traurigkeit, O Herzeleid !

Johann Sebastian BachPassion selon saint JeanCantate « Sehet, wir gehn hinauf gen Jerusalem » BWV 159 (extraits)Chœur Christe, du Lamm Gottes, BWV 245

Jacobus Gallus Ecce quomodo moritur justus

20H30 CONCERT

BACH MARATHONTHOMAS ENHCO, PIANO

VASSILENA SERAFIMOVA, MARIMBA

Funambules

GASPAR CLAUS, VIOLONCELLE

ELECTRIC RESCUE, ÉLECTRONIQUE

Variations

FRANCESCO TRISTANO, PIANO

FEDERICO NITTI, VIDÉO

EDOARDO PIETROGRANDE, INGÉNIEUR DU SON

Goldberg City Variations

ARANDEL, MACHINES

Switched On Bach

Dimanche 1er avril

14H30 CONCERT-PROMENADE AU MUSÉE

COMME UN POISSON DANS BACH !VASSILENA SERAFIMOVA, MARIMBA

JULIA JÉROSME ET TATIANA PROBST, SOPRANOS

ÉLÈVES DU CONSERVATOIRE DE PARIS

Improvisations jazz, arrangements et transcription sur des thèmes de Johann Sebastian Bach

16H30 RÉCITAL ORGUE

BACH FESTBERNARD FOCCROULLE, ORGUE

Johann Sebastian BachPrélude et fugue en mi mineur BWV 533Fantasia sopra « Christ lag in Todesbanden » BWV 718Cinq Chorals extraits de l’Orgelbüchlein BWV 617, 621, 622, 628, 625Passacaille et fugue en ut mineur BWV 582Quatre Chorals du recueil Schübler BWV 645, 646, 648, 649Vor deinen Thron tret’ ich hiermit BWV 668Fantaisie et fugue en sol mineur BWV 542

Lundi 2 avril

20H30 RÉCITAL PIANO

BRAD MEHLDAU THREE PIECES AFTER BACH

BRAD MEHLDAU, PIANO

Johann Sebastian BachExtraits du Clavier bien tempéré :Prélude no 3 en do dièse majeur BWV 848Prélude no 1 en do majeur BWV 870Fugue no 16 en sol mineur BWV 885Prélude no 6 en ré mineur BWV 851Prélude no 7 en mi bémol majeur BWV 852Prélude et fugue no 20 en la mineur BWV 865

Brad MehldauThree Pieces After Bach – After Bach 1 : RondoThree Pieces After Bach – After Bach 2 : OstinatoThree Pieces After Bach – After Bach 3 : Toccata

Mardi 3 avril

20H30 CONCERT VOCAL

MOTETS DE BACHLES ARTS FLORISSANTS

PAUL AGNEW, DIRECTION, TÉNOR

Johann Sebastian BachKomm, Jesu, kommIch lasse dich nichtJesu meine FreudeLobet den HerrnSinget dem Herrn

Johann Christoph BachFürchte dich nicht

Johann Ludwig BachDas ist meine Freude

Johann KuhnauTristis est anima mea

ET AUSSI

Concerts, ateliers, activités au Musée…

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PROGRAMME

Johann Sebastian BachLe Clavier bien tempéré – extraits

María Muñoz – Compagnie Mal Pelo, chorégraphie, danse (30 mars à 21h, 31 mars et 1er avril à 18h30)

Federica Porello, danse (30 mars à 18h30, 31 mars et 1er avril à 16h)

Dan Tepfer, piano

Coproduction Théâtre de la Ville de Paris, Philharmonie de Paris.Dans le cadre de la programmation hors les murs du Théâtre de la Ville – Paris.

La Compagnie Mal Pelo est dirigée par María Muñoz et Pep Ramis.

DURÉE DU SPECTACLE : ENVIRON 50 MINUTES (SANS ENTRACTE).

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Bach est un spectacle produit par Mal Pelo en collaboration avec le Teatro Real

(Madrid) et le Teatre Lliure (Barcelone).

Chorégraphie : María Muñoz.

Musique : Le Clavier bien tempéré de Johann Sebastian Bach

(extraits des deux livres pour clavier, chacun constitué de vingt-quatre préludes

et fugues élaborés entre 1722 et 1744).

Aide à la direction : Leo Castro, Pep Ramis.

Réalisation vidéo : Núria Font.

Illuminations : August Viladomat.

Création : première version, le 26 février 2004, à l’Espai Lliure de Barcelone ;

version définitive, le 19 novembre 2005, au Festival international de théâtre

de Girón Temporada Alta 2005.

Durée : environ 50 minutes.

Musicalité de la présence

« La musique est trop en deçà du monde et du désignable pour figurer autre chose que des épures de l’Être, son flux et son reflux, sa croissance, ses éclatements, ses tourbillons1 », écrivait Merleau-Ponty. La musique sécrète son mouvement, trace le chemin de son espace, et requiert le corps de l’instrument – et celui de l’interprète – pour devenir son, donc vibration. Avant d’être objet de distinction esthétique, la musique relève d’un processus physique, qui engendre de multiples capacités de résonance. La danse, pour sa part, a longtemps été perçue comme inséparée de la musique, jusqu’à ce que, dans la seconde moitié du xxe siècle, des chorégraphes tel Merce Cunningham ou Trisha Brown ne proclament l’autonomie de leur art. Mais indépendance n’est pas synonyme de rejet. Ces dernières décennies, danse et musique ont su entreprendre à nouveaux frais une poétique de la relation2.

1 Maurice Merleau-Ponty, L’Œil et l’esprit, Gallimard, 1960.2 Édouard Glissant, Poétique de la Relation – Poétique III, Gallimard, 1990.

LE SPECTACLE

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C’est à cette aune qu’il convient d’appréhender le solo de María Muñoz sur Le Clavier bien tempéré de Johann Sebastian Bach. Loin de plaquer des pas sur des notes, María Muñoz exhale l’essence d’un mouvement qui aurait patiemment laissé infuser la résonance musicale. Si la précision des lignes cisèle les envolées du corps, emportant la danseuse au seuil d’une transe délicate, parfois ponctuée par le martèlement des pieds, l’être de chair qui épouse les variations musicales ne repousse pas la fatigue qui vient s’immiscer. Le temps d’une pause, le recueillement vient reprendre racine vers de nouveaux élans. La danse de María Muñoz est terrienne, ancrée dans le sol, mais son tellurisme est léger comme une brise. À quoi mesure-t-on une présence qui danse ? Précisément, peut-être, à la densité de l’alliage qui réunit le poids et l’air, la gravité et l’onde. María Muñoz dit faire sourdre « la mémoire de quelques fugues dansées en silence ».

Formée aux Pays-Bas, elle a d’abord travaillé pour une compagnie de théâtre visuel, le Shusaku & Dormu Dance Theater, dirigée par un artiste japonais, Shusaku Takeuchi, qui cultivait « une poétique du mouvement très particulière ». De retour à Barcelone dix ans après la fin du fran-quisme, au milieu des années 1980, elle y voit comme la danse contem-poraine y est quasi inexistante. Avec quelques autres (Cesc Gelabert, Àngels Margarit…), et avec des moyens rudimentaires, María Muñoz en aura été une figure pionnière. Avec Pep Ramis, violoncelliste de formation, elle crée en 1989 la compagnie Mal Pelo, qui se déplace de Barcelone à Celrà, un village niché près de Gérone, et y bâtit un lieu de résidences artistiques, L’animal a l’esquena.

Dans les années 1990, les musiques des spectacles de Mal Pelo sont confiées à des artistes issus de la scène des musiques actuelles : Leo Lankhuyzen, Agusti Fernandez ou encore Steve Noble. Pour le solo Bach, qu’elle crée en 2004, María Muñoz choisit l’interprétation de Glenn Gould du Clavier bien tempéré.

Depuis, au gré de multiples reprises, ce solo a sillonné toute l’Europe, et, plus récemment, le Canada et les États-Unis. Mais c’est une nouvelle page qui s’ouvre aujourd’hui. Dans un souci de transmission, María Muñoz en confie (en alternance) l’interprétation à Federica Porello, danseuse italienne formée à P.A.R.T.S (l’école bruxelloise d’Anne

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Teresa De Keersmaeker), qui poursuit notamment, depuis 2006, un travail d’improvisation avec le saxophoniste Ilan Manouach. Enfin, pour la Philharmonie de Paris, elle remet Bach à l’établi de nouvelles résonances. Pour la première fois, la musique sera jouée live par le pia-niste franco-américain Dan Tepfer, essentiellement connu pour son étincelant parcours jazzistique, mais à qui l’on doit aussi une interprétation judicieusement augmentée des Variations Goldberg. Ce sera en tout cas une rencontre inédite, y compris pour Dan Tepfer, même si l’univers de la danse ne lui est pas inconnu, lui qui fut un temps, pianiste accompa-gnateur des cours de l’École Martha Graham à New York.

Quant à María Muñoz, nul doute qu’elle saura trouver là matière à res-sourcer l’extraordinaire musicalité qui porte sa présence : « La danse, disait-elle dans un ouvrage paru en Catalogne en 2000, est l’urgence d’un rêve naissant, ressentie à même le corps ; c’est le mouvement qui émerge avec vivacité, ce sont les images qui se précipitent à la recherche du contexte qui viendra les animer. Le mouvement se nourrit de la poésie du corps qui est inévitablement habitée par le temps, à chaque instant3. »

Jean-Marc Adolphe

Le jury du prix Cité de Barcelone, composé d’Àngels Margarit (prési-dente), Jordi Sora, Gastón Core, Mariana Giustina et Alexis Eupierre, vient de décerner à l’unanimité le prix de la danse Ciutat de Barcelona 2017 à la compagnie Mal Pelo, María Muñoz – Pep Ramis pour son spec-tacle autour de Bach. L’interprétation brillante de Federica Porello a été particulièrement soulignée.

Mal Pelo est une compagnie subventionnée par ICEC/Departament de Cultura de la Generalitat de Catalunya, INAEM/Ministerio de Cultura et Ajuntament de Girona.

3 In L’animal a l’esquena, édité à l’occasion d’une exposition consacrée à la com-pagnie Mal Pelo, Girona, 2000.

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LE ComPoSiTEur

Johann Sebastian BachJohann Sebastian Bach naît à Eisenach en 1685 dans une famille musicienne depuis des générations. Orphelin à l’âge de 10 ans, il est recueilli par son frère Johann Christoph, orga-niste, qui se chargera de son édu-cation musicale. En 1703, Bach est nommé organiste à Arnstadt – il est déjà célèbre pour sa virtuosité et com-pose ses premières cantates. C’est à cette époque qu’il se rend à Lübeck pour rencontrer le célèbre Buxtehude. En 1707, il accepte un poste d’orga-niste à Mühlhausen, qu’il quittera pour Weimar, où il écrit de nombreuses pièces pour orgue et fournit une cantate par mois. En 1717, il accepte un poste à la cour de Coethen. Ses obligations en matière de musique religieuse y sont bien moindres, le prince est mélo-mane et l’orchestre de qualité. Bach y compose l’essentiel de sa musique instrumentale, notamment les Concerts brandebourgeois, le premier livre du Clavier bien tempéré, les Sonates et Partitas pour violon, les Suites pour violoncelle seul, des sonates et des concertos… Il y découvre également la musique italienne. En 1723, il est nommé cantor de la Thomasschule de Leipzig, poste qu’il occupera jusqu’à la fin de sa vie. Il doit y fournir quantité de musiques. C’est là que naîtront la Passion selon saint Jean, le Magnificat, la Passion selon saint

Matthieu, la Messe en si mineur, les Variations Goldberg, L’Offrande musi-cale… Sa dernière œuvre, L’Art de la fugue, est laissée, à sa mort en 1750, inachevée. La production de Bach est colossale. Travailleur infatigable, curieux, capable d’assimiler toutes les influences, il embrasse et porte à son plus haut degré d’achèvement trois siècles de musique. En lui, héritage et invention se confondent. Didactique, empreint de savoir et de métier, proche de la recherche scientifique par maints aspects, ancré dans la tradition de la polyphonie et du choral, son œuvre le fit passer pour un compositeur difficile et compliqué aux yeux de ses contemporains. D’une immense richesse, il a nourri toute l’histoire de la musique.

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LES dAnSEuSES

María MuñozMaría Muñoz grandit à Valence, en Espagne, où elle étudie la musique et pratique l’athlétisme en compé-tition. Elle démarre des études de danse, qu’elle poursuit à Amsterdam et à Barcelone. En 1982, elle réalise sa pre-mière expérience professionnelle avec la compagnie japonaise en résidence en Hollande, Shusaku & Dormu Dance Theater, dans le spectacle Era. L’année 1985 marque le début de sa carrière : formation de la compagnie La Dux avec Maria Antònia Oliver. En 1988, avec Pep Ramis, elle va créer son solo Cuarto Trastero. Ensemble, en 1989, ils forment et co-dirigent le groupe Mal Pelo. Elle y développe un travail autour de la recherche et de la pédagogie du mouvement, et s’attache aussi à la créa-tion de textes pour la scène. En 2001, Pep Ramis et María Muñoz dirigent L’animal a l’esquena, un centre de créa-tion et d’échange pluridisciplinaire entre metteurs en scène, musiciens, vidéastes, théoriciens et danseurs lors de résidences, workshops et labora-toires dans une ferme de 19 hectares à Celrà (Gérone). Depuis 1989, Mal Pelo a présenté notamment les spectacles Quarere (1989), Sur, Perros del Sur (1992), Dol (1994), La calle del imaginero (1996), Orache (1998), El alma del bicho (1999), L’animal a l’esquena (2001), Atrás los ojos (2002), An el silenci (2003), Bach (2004), ATLAS (2005), Testimoni de llops

(2006), He visto caballos (2008), Todos los nombres (2010), Caín & Caín (2011), La esperanza de vida de una liebre (2013), Le Cinquième Hiver (2015), 7 Lunas (2015) et The Mountain, the Truth and the Paradise (2017). Mal Pelo a reçu, entre autres, le Prix national de la danse 2002 de la Generalitat de Catalunya pour le spectacle L’animal a l’esquena et pour son initiative du centre de création du même nom. La compagnie a égale-ment été récompensée du Prix national de la danse 2009 pour la création du INAEM, attribué par le ministère de la Culture espagnol, qui récompense la trajectoire de la compagnie et sa capacité à ouvrir de nouvelles perspec-tives dans la danse contemporaine. Elle a également reçu une mention spéciale pour le spectacle Bach et pour le centre de création L’animal a l’esquena. Bach (2013) et Le Cinquième Hiver (2015) de María Muñoz et Pep Ramis ont été présentés au Théâtre de la Ville.

Federica PorelloDanseuse et chorégraphe, Federica Porello étudie à P.A.R.T.S. (Performing Arts Research and Training Studios), à Bruxelles. De 2006 à 2008, elle colla-bore avec des musiciens et danseurs à travers plusieurs créations et per-formances improvisées autour des liens danse/musique. Federica Porello travaille notamment avec la choré-graphe du Cap-Vert Marlene Monteiro

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LE PiAniSTE

Freitas, la compagnie belge tg STAN, le chorégraphe suisse Thomas Hauert, la compagnie Le Théâtre de Nuit, la compagnie AdonK !… Avec cette der-nière, elle participe à la mise en œuvre d’un langage commun entre la danse et les arts de la marionnette, en donnant des ateliers dans différentes structures telles que l’Institut international de marionnette à Charleville-Mézières, et comme interprète dans la création de

la pièce Commune Présence (2012). Elle travaille avec le chorégraphe cata-lan Albert Quesada depuis 2009. En 2013, elle entre en recherche/créa-tion dans la compagnie catalane Mal Pelo, avec qui elle travaille depuis. Cette même année, elle commence une recherche chorégraphique en lien avec l’objet avec Xavi Moreno et Marine Broise.

Dan TepferDan Tepfer conjugue les atouts d’une forte personnalité à une ambition tous azimuts et une énergie rare. Basé à New York, le pianiste-compositeur est né en 1982 à Paris de parents américains. Il s’est produit avec les plus grands noms du jazz, dont l’incontournable vétéran du saxophone Lee Konitz, qu’il a particulièrement côtoyé. En tant que leader, il est déjà fort d’une discogra-phie généreuse et pointue où les pièces solo témoignent de son art consommé de l’interprétation, à côté de duos intimes et d’albums en trio réunissant des compositions originales complexes. Citons Goldberg Variations/Variations (Sunnyside/naïve, 2011), dans lequel le pianiste associe le chef-d’œuvre de Bach à ses propres improvisations. En tant que compositeur, Dan Tepfer

a reçu une bourse de recherche Charles Ives de l’Académie américaine des arts et des lettres pour des pièces telles que Concerto pour piano et vents, créé au château de Prague avec lui-même au piano, et Solo Blues pour violon et piano, créé au Carnegie Hall de New York. Il réunit aujourd’hui sa formation d’astrophysicien à sa passion pour la musique dans une démarche d’improvisation qui intègre des algo-rithmes programmés par ordinateur. Dan Tepfer s’est vu remettre le premier prix et le prix du public au Concours de piano solo du Montreux Jazz Festival, le premier prix au Concours de l’East Coast Jazz Festival ainsi qu’une bourse de recherche Cole Porter de l’American Pianists Association.

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