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Page 1: Ayroulet - Le dessein divin d'adoption et le Christ rédempteur, à la lumière de Maxime le Confesseur et de Thomas d'Aquin - Théophilyon (2013), 173-176

Recensions

l'étendue du sujet et de la période analysée, mais aussi par l'absence d 'une reprise synthétique qui sou- ligne l'avancée de la réflexion. L'exhaustivité prend parfois le pas: l'apport de certains auteurs s'avère mineur. Au fil des pages, le débat entre l'Orient Orthodoxe et l'Ocddent Latin disparaît presque totalement. Il surgit par moments comme pour rappeler le pourquoi de cette étude. L'intérêt de ce livre se trouve ailleurs : il permet de (re)-découvrir la pensée des Pères de l'Église sous un aspect nouveau. Les textes, abondamment cités, sont l'occasion d 'une appro- priation de leur pensée et à d 'une familiarisation avec leur raisonne- ment.

Michel Younès

Jean-Miguel Garrigues, Le dessein divin d'adoption et le Christ ré- dempteur, à la lumière de Maxime le Confesseur et de Thomas d'Aquin,(Théologies), Paris, Le Cerf, 2011, 254p.__________________________

Nul besoin de présenter l'auteur de cet ouvrage. Jean-Miguel Gar- rigues rassemble ici une série de pu- blications autour de ce qui constitue la tram e de sa recherche théolo- gique durant ces trente dernières années. Il en expose lui-même le contenu dans les termes suivants:

son étude à la philosophie grecque. Étymologiquement, le grec offre une diversité de dérivés qui rendent pos- sible une utilisation plus large, alors que la langue française contraint à une acception qui oscille entre « ac- tivité » et « opération » (p. 22-24).

L'exploration de l'au teur part donc des sources grecques (1er ch.) et passe en vue un certain nombre d 'auteurs de Platon jusqu'au néo- platonisme, en traversant Aristote, le stoïcisme et le moyen-platonisme. Le ch.2, consacré à Philon d'Alexan- drie, fait apparaître la place des éner- gies du Logos et assure la transition entre la philosophie grecque et la partie biblique (ch.3). Le ch. 4 aborde la période patristique du 2e/3e s. où J.-Cl. Larchet présente rapidement sept auteurs. Chacun des onze ch. suivants (du 5e au 15e) aborde un auteur: Athanase d'Alexandrie, Di- dyme l'Aveugle, le Pseudo-Macaire, Diadoque de Photicé, Basile de Cé- sarée (en rappelant la position d'Eu- nome), Grégoire de Nazianze, Gré- goire de Nysse, Jean Chrysostome, Cyrille d'Alexandrie, le Pseudo-De- nys l'Aréopagite, Maxime le Confes- seur et Jean Damascene.

La lecture de l'ensemble peut donner l'impression d 'une juxtapo- sition de dossiers d'études (dont cer- tains très brefs de quelques pages et d'autres très développés) reliés par la thématique des énergies divines. Cette im pression s'explique par

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l'Incarnation du Fils Unique comme Christ Rédempteur.

Il est appréciable que J.-M. Gar- rigues ait présenté dans un même ensemble ces thématiques distinctes. Cela permet de souligner comment les différents mystères, explicités en chacune, sont connectés entre eux, s'éclairent mutuellement et donnent une intelligibilité unifiée du projet de Dieu sur l'homme. Cela fait aussi apparaître en quoi le dessein divin, dont le but est l'adoption filiale des créatures spirituelles en grâce, peut être considéré comme la clef d 'une compréhension organique et unifiée de l'ensemble de la Révélation.

En outre, 11 est appréciable que J.-M. Garrigues se soit attaché à met- tre en évidence que ce dessein de Dieu était un « dessein bienveillant » (Ep 1,5) dans lequel le mal moral, le péché, n'était voulu par le « Père des miséricordes » (2 Co 1,3) ni di- rectement ni indirectement. À ce titre, le développement de l'auteur à partir de la réflexion de saint Tho- mas d'Aquin sur l'interprétation du fameux felix culpa est particulièrement éclairant (pp. 69-71).

Cependant, la réflexion de J.-M. Garrigues nous semble parfois pré- senter une certaine limite quant à la méthode. Nous l'illustrons par un exemple. Au chapitre cinq, intitulé « L'instrumentalité rédemptrice du libre arbitre du Christ chez Maxime le Confesseur », J.-M. Garrigues

« le dessein d 'adoption du Créateur, son accomplissement dans le Fils in- camé comme Rédempteur en raison du péché et la dispensation miséri- cordieuse de sa grâce » (p. 20). L'au- teur développe ce thème à la lumière de deux grands Docteurs de l'Église qui l'ont particulièrem ent inspiré sur ce sujet, un de l'orient grec et un autre de l'ocddent latin, saint Maxime le Confesseur et sain t Thomas d'Aquin. Chez tous deux, en effet, le dessein de Dieu sur les créatures spirituelles apparaît comme un thème théologique majeur en tant que clef d 'interprétation de l'ensemble de l'Écriture.

J.-M. Garrigues organise sa ré- flexion selon quatre moments :

- « Le dessein d'adoption filiale du Créateur ».

- « Le C hrist rédem pteur de l'hom m e dans le dessein d'adoption ».

- « La grâce du Christ rédemp- teur ».

- « La dispensation de la grâce dans le dessein divin d'adop- tion ».

À l'intérieur de chacune de ces parties, l'auteur fait ressortir avec clarté et précision la richesse et la pertinence théologique de la pensée de Maxime le Confesseur et de Tho- mas d'Aquin quant à !'explicitation du dessein d 'ad o p tio n de Dieu, avorté pour les hommes en Adam et mené à son accomplissement par

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Recensions

de « libre arbitre » telle que saint Thomas l'entendrait. Au passage, 11 convient de rappeler que saint Tho- mas intégra aussi à la définition du concept de « libre arbitre » ce que la tradition latine à partir d'Augustin avait élaboré comme réflexion au sujet de cette notion.

Au-delà de la traduction, aucune traduction n'étant parfaite, c'est la méthode qui nous semble inadéquate. Maxime lui-même, dans sa Dispute avec Pyrrhus, affirme avoir trouvé dans l'Écriture vingt-huit significations dif- férentes de ce vocable et qu'il en tire la conclusion que ce terme ne peut être fixé dans un sens unique (Pyr PG 91, 312 C, voir Ph. G. Renczes, Agir de Dieu et liberté de l'homme, Le Cerf, Paris, 2002, p. 274). Même s'il demeure prudent, J.-M. Garrigues ne nous semble pas faire droit à toutes les nuances de la notion maximienne de gnômè. En particulier, traduire gnômè par « libre arbitre délibératif » ne reflète pas assez à notre avis que pour Maxime la gnômè humaine ne se contente pas seulement d'influencer le choix humain mais en résulte éga- lement (Pyr., PG 91, 308 C), ce qui la rapproche de la notion de « disposition intérieure » (voir Ph. G. Renczes, ibid., p. 275).

Malgré cela, l'ouvrage de J.-M. Garrigues demeure une référence en matière de réflexion théologique sur la manière de saisir comment on peut reconnaître le fil rouge de toute

commence par traduire la notion maximienne de gnômè par « libre ar- bitre » (p. 128). Un peu plus loin, il précise qu'en réalité, pour Maxime, la gnômè désigne la modalité person- nelle de délibération du « libre arbitre » humain comportant toujours une hé- sitation et non pas le « libre arbitre » purement et simplement (pp. 134- 135). D'où le choix de J.-M. Garrigues de traduire, à la suite de M.-H. Congourdeau, gnômè par « libre arbitre délibératif » (p. 134, n. 3). À cela, il ajoute à juste titre que cette modalité de délibération ne saurait être rap- portée au libre arbitre humain du Christ, lequel s'exerce selon des choix « délibérés » mais « non délibératifs » en raison de son établissement im- muable dans le bien du fait de l'union hypostatique (cf. pp. 135-139). Et de spécifier que c'est la raison pour la- quelle Maxime en viendra à refuser la présence d'une gnômè dans le Christ.

Il ne nous semble pas que l'on puisse traduire gnômè par « libre ar- bitre » ou par « libre arbitre délibé- ratif », tel que ce dernier sera entendu par saint Thomas. Qu'il y ait des rapprochements entre les deux no- tions, sans aucun doute, mais induire une identification du contenu de sens des concepts est abusif. N 'au- rait־il pas été plus juste de partir du concept grec de gnômè et de voir dans quelle mesure son contenu de sens donnerait à penser à la théologie postérieure pour arriver à la notion

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Notes bibliographiques

et l'histoire de manière scénogra- phique, ce qui nourrit les allers-et- retours entre théologie et théâtre. Une ouverture à double entrée est ainsi rendue possible, qui enrichit dramaturgiquement le discours théo- logique et donne accès aux mystères théologaux du théâtre, claudélien notamment (voir les pages magni- fiques consacrées au Soulier de Satin). On peut alors se dem ander si la théologie de l'histoire de Balthasar, comme d'ailleurs celle de Barth et même sans doute davantage que cette dernière, ne témoigne pas d'une conception dramatique de l'histoire et de la foi beaucoup plus dialectique et féconde que celle d 'un Cullmann, qui nous paraît ici bien en retrait et bien moins spéculatif. C'est en tout cas ce que suggère l'auteur, en rele- vant la profondeur anti-historiciste de la spéculation théologique bal- thasarienne, en particulier dans sa reprise de la problématique de l'apo- calypse, présente, comme on sait, dès les débuts des enquêtes littéraires, philosophiques et théologique de Balthasar. Ouvrage dense et minu- tieux, ce livre représente sans aucun doute une des meilleures présenta- tions de cette théologie, en discussion fine avec les modèles philosophiques et herméneutiques de notre époque.

Denis M üller

la Révélation dans le dessein divin d'adoption des créatures spirituelles. Cet ouvrage conduira également à sortir de l'opposition de principe et souvent « idéologique » entre théo- logie patristique et théologie « tho- masienne » que l'on identifie trop souvent à tort à la scolastique ratio- naliste, en particulier suarézienne.

Elie Ayroulet

Théologie

Philippe Dockwiller, Le temps du Christ. Cœur et fin de la théologie de l'histoire selon Hans Urs von Balthasar, Préf. de Vincent Holzer, (Cogitatio Fidei), Paris, Le Cerf, 2011, 356p.__________________________

Cette belle étude s'interroge sur l'analogie entre la théologie de l'his- toire et la conception du théâtre du théologien lucernois ami de Karl Barth. Le principal mérite de l'ou- vrage est la prise en compte en pro- fondeur de la théodramatique bal- thasarienne, dont l'auteur a raison de montrer qu'elle approfondit théo- logiquement ce qui, dans une her- méneutique du récit et de la tradition comme celle de Paul Ricoeur, de- meure encore assez formel. L'enjeu théologique de Y opus balthasarien étudié id dans toutes ses dimensions est de nous aider à penser le monde

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