axe$1 … spectre rmn 1d 1h enregistré sur un échantillon du limonène à 500mhz dans du cdcl 3...

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1 Axe 1 Développement et applications de nouveaux outils RMN En RMN, le couplage scalaire J est une sonde structurale qui permet la mise en évidence de connectivités à travers les liaisons chimiques. Il est très exploité dans les systèmes organiques solides ou liquides. En effet, ce couplage est très sensible aux longueurs de liaisons, aux angles de torsion et à la géométrie globale d'une molécule. I. Nouveaux outils RMN pour la mesure du couplage scalaire faible I.1 Expérience RMN 2D MJ-SERF et 2D MJ-GET-SERF Les séquences de RMN à deux dimensions de type SERF ont été largement utilisées, ces dernières années pour permettre de clarifier l’interprétation des spectres et la mesure des couplages scalaires. Cependant, les couplages scalaires très faibles (< 1 Hz), bien qu’ils existent, restent très difficiles à observer, même dans la dimension indirecte des expériences 2D SERF. Pour parvenir à extraire avec précision le couplage homonucléaire faible, nous avons mis en place une nouvelle stratégie qui a consisté, à augmenter artificiellement la constante de couplage en la multipliant par un facteur n afin de la rendre mesurable et détectable sur la dimension indirecte. Pour ce faire, nous avons repris l’expérience SERF que nous avons modifiée pour une multiplication contrôlée de la constante de couplage J en remplaçant l’incrément t 1 par un délai incrémentable Δ, multiple de t 1 , tel que Δ = n . t 1 . Cette multiplication se traduit par un éclatement de la multiplicité dans la dimension indirecte; l'écart entre les différents pics du multiplet (qui donne la valeur de la constante de couplage scalaire) est ainsi multiplié par un facteur d’agrandissement ‘n’. Ceci est clairement montré sur les cartes RMN 2D MJ-SERF (avec des incréments variants de n = 1 à 6) obtenues sur un échantillon de limonène en appliquant une impulsion sélective gaussienne sur le signal du méthyle à 1,7 ppm. Ces cartes font apparaître un triplet en dimension indirecte au déplacement chimique des protons du groupe méthyle à 1,7 ppm avec un écart entre les différents pics proportionnel aux facteurs d’agrandissement utilisés (1, 2, 4 et 6).

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Page 1: Axe$1 … Spectre RMN 1D 1H enregistré sur un échantillon du limonène à 500MHz dans du CDCl 3 Cartes 2D 1H MJ-SERF, enregistrées sur un échantillon de limonène avec des facteurs

   

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Axe  1  

Développement  et  applications  de  nouveaux  outils  RMN   En RMN, le couplage scalaire J est une sonde structurale qui permet la mise en évidence de connectivités à travers les liaisons chimiques. Il est très exploité dans les systèmes organiques solides ou liquides. En effet, ce couplage est très sensible aux longueurs de liaisons, aux angles de torsion et à la géométrie globale d'une molécule. I. Nouveaux outils RMN pour la mesure du couplage scalaire faible

  I.1 Expérience RMN 2D MJ-SERF et 2D MJ-GET-SERF Les séquences de RMN à deux dimensions de type SERF ont été largement utilisées, ces dernières années pour permettre de clarifier l’interprétation des spectres et la mesure des couplages scalaires. Cependant, les couplages scalaires très faibles (< 1 Hz), bien qu’ils existent, restent très difficiles à observer, même dans la dimension indirecte des expériences 2D SERF. Pour parvenir à extraire avec précision le couplage homonucléaire faible, nous avons mis en place une nouvelle stratégie qui a consisté, à augmenter artificiellement la constante de couplage en la multipliant par un facteur n afin de la rendre mesurable et détectable sur la dimension indirecte. Pour ce faire, nous avons repris l’expérience SERF que nous avons modifiée pour une multiplication contrôlée de la constante de couplage J en remplaçant l’incrément t1 par un délai incrémentable Δ, multiple de t1, tel que Δ = n . t1. Cette multiplication se traduit par un éclatement de la multiplicité dans la dimension indirecte; l'écart entre les différents pics du multiplet (qui donne la valeur de la constante de couplage scalaire) est ainsi multiplié par un facteur d’agrandissement ‘n’.

Ceci est clairement montré sur les cartes RMN 2D MJ-SERF (avec des incréments variants de n = 1 à 6) obtenues sur un échantillon de limonène en appliquant une impulsion sélective gaussienne sur le signal du méthyle à 1,7 ppm. Ces cartes font apparaître un triplet en dimension indirecte au déplacement chimique des protons du groupe méthyle à 1,7 ppm avec un écart entre les différents pics proportionnel aux facteurs d’agrandissement utilisés (1, 2, 4 et 6).

Page 2: Axe$1 … Spectre RMN 1D 1H enregistré sur un échantillon du limonène à 500MHz dans du CDCl 3 Cartes 2D 1H MJ-SERF, enregistrées sur un échantillon de limonène avec des facteurs

   

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Spectre RMN 1D 1H enregistré sur un échantillon du

limonène à 500MHz dans du CDCl3 Cartes 2D 1H MJ-SERF, enregistrées sur un échantillon de limonène avec des facteurs d’agrandissement n = 1, 2, 4 et 6. L’impulsion semi-sélective est placée à la fréquence de résonance de CH3 à 1,7 ppm

  I.2 Expérience RMN 2D CT-COSY L’expérience RMN nommée « Constant Time (CT) COSY » permet la suppression de la modulation du couplage scalaire pendant le temps d'évolution t1. Dans cette séquence, la période d'évolution d’une durée constante Δ permet l’évolution du couplage scalaire et la refocalisation des déplacements chimiques.

En réalisant une série d'expériences 2D CT-COSY avec différentes valeurs de Δ, puis en traçant le rapport du volume des pics croisés et des pics diagonaux en fonction de Δ, il est possible de déterminer la valeur du couplage scalaire 𝐽!"  entre deux noyaux I et S à partir de la simulation de la courbe expérimentale par la fonction 𝐴 tan(𝜋𝐽!" ∆) . Cette fonction tangente présente une discontinuité pour un délai Δ = 1/2𝐽!".

Nous avons démontré l’intérêt de cette expérience dans la mesure du couplage faible par la mise en évidence d’un couplage scalaire de 1.2 Hz observé sur le spectre proton du limonène. Le fit des points expérimentaux obtenus à partir d’une série d’expérience 2D CT-COSY avec des délais ∆ variables fait apparaître une courbe avec une discontinuité dans le tracé à Δ = 0.42 s correspondant à un couplage 4JHH de 1.2 Hz.

Représentation de la séquence « Constant Time COSY »

Variation du rapport d’intégrations Icroisée/Idiagonal en fonction du délai ∆

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II. Applications

II.1 Applications dans le domaine de la chimie du lithium

II.1.1 Mesure du couplage scalaire 2J6Li-6Li  

Dans le cas des composés organolithiens, l’état d’agrégation se détermine généralement par l’intermédiaire de la mesure de la constante de couplage 6Li-X (X = 13C ou 15N) et par la multiplicité du noyau X. Cependant, lors de l’étude de composés organolithiés comme les amidures de lithium non marqués à l’azote 15N, les alcoolates de lithium ou encore les énolates de lithium, la multiplicité du noyau X et la constante de couplage 6Li-X sont inexistants et les informations apportées par l’ensemble des expériences RMN classiques demeurent insuffisantes pour pouvoir conclure sur la structure de ces composés en solution. Dans ces conditions, la mise en évidence et la quantification du couplage scalaire homonucléaire 6Li devient indispensable. Toutefois, la constante de couplage scalaire 2JLi-Li est trop faible pour être résolue sur le spectre RMN 1D Lithium.

Dans le cas d’un système simple présentant deux signaux sur le spectre 1D lithium, il est possible d’utiliser l’expérience 1D 6Li INADEQUATE. Dans cette expérience, les signaux lithium couplés apparaissent en antiphase avec un écart de 2xJ ; il est alors possible, dans ce cas, de mesurer directement la valeur de la constante de couplage scalaire. Malheureusement, le couplage scalaire 2JLi-Li est souvent très difficile à mesurer en raison de l'élargissement des raies dû à la dynamique d’échange des noyaux lithium qui conduit à une mauvaise estimation de la valeur réelle de la constante de couplage. En outre, la durée relativement longue de la période de mélange (1/4J) (≈ 1,25 s) entraîne une très forte perte du signal et donc un très mauvais rapport signal sur bruit après acquisition.

Dans le cadre de notre collaboration avec l’équipe organométallique et haute pression de l’UMR, nous avons testé et montré que l’expérience 2D MJ-SERF, avec une multiplication contrôlée de la constante de couplage par différents facteurs d'agrandissement, est parfaitement adaptée pour la mesure du couplage homo-nucléaire à deux liaisons de distance (2J6Li-6Li = 0.23 Hz) dans la structure dimérique de 3APLi/n-BuLi.

Cartes 2D 6Li MJ-SERF, enregistrées sur une solution 3AP6Li/n-Bu6Li dans un rapport 1:1 dans le THF-d8 a 195 K.  

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      II.1.2 Mesure du couplage scalaire 2J7Li-7Li

Dans le cas des composés oganolithiens non marqués au lithium 6 et/ou présentant des spectres complexes avec plusieurs signaux lithium, l'expérience 2D CT-COSY en observation lithium 7 constitue un très bonne alternative à l’expérience 2D MJ-SERF pour la mesure précise du couplage scalaire 2J7Li-7Li.

L'efficacité remarquable de cette méthode à extraire des constantes de couplage faibles 2J7Li-7Li a été testée sur une solution du n-BuLi/MeLi (1 :1) dans le THF à basse température (185 K). Cette solution est constituée d’un mélange de 5 agrégats mixtes (n-BuLi)4-n(MeLi)n (n = 0 à 4) tétramères en équilibre dont la répartition dépend des proportions des deux espèces en solution.

La corrélation des valeurs des constantes de couplage 2JLi-Li mesurées dans les différents agrégats (n-BuLi)4-n (MeLi)n (n = 1 à 3) avec les vitesses d’échange déterminées à partir des expériences 1D et 2D 7Li EXSY, nous a permis de montrer clairement que le couplage scalaire entre deux noyaux lithium d’un tétramère est de 2J7Li-7Li = 0,586 Hz et dépend fortement de la vitesse d’échange des noyaux lithium au sein de chaque tétramère.

Détermination des vitesses d’échange kex des noyaux lithium au sein de tetramères (n-BuLi)4-n(MeLi)n (n = 1 à 3) à

partir d’expériences 1D Li-Li sel-EXSY à temps de mélange variable

Carte RMN 2D 7Li-7Li CT-COSY enregistrée sur une

solution n-BuLi/MeLi (1 :1) dans le THF-d8 à 185k Le couplage scalaire 2J7Li-7Li mesuré à partir de la carte 2D CT-COSY en fonction de la vitesse d’échange kex des

noyaux lithium au sein du tétramère

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II.2 Applications dans le domaine de la chimie du fluor  

II.2.1 Mesure des faibles couplages scalaires nJHH et nJFH La détermination de la dynamique et de la structure tridimensionnelle de petites molécules fluorées est essentielle, notamment dans le milieu de la recherche médicinale et pharmaceutique, car étroitement liée à l’activité biologique et aux mécanismes d’action de celles-ci au sein de l’organisme. Il est reconnu que la RMN multi-noyaux {1H, 13C, 19F} représente l’outil le plus avancé pour l’étude de tels systèmes. Les paramètres les plus utilisés sont les déplacements chimiques 1H, 13C et 19F, et les constantes de couplages homo- et hétéro-nucléaires à courte (n : nombre de liaisons ≤ 3) et longue distance (n>3). Ce dernier paramètre est particulièrement utile parce qu’il permet de remonter à des informations structurales pertinentes. En effet, la loi de Karplus et ses dérivés permettent de relier directement la constante de couplage vicinale 3J1H-1H ou 3J1H-19F à une valeur d’angle dièdre. Il a été notamment démontré que les constantes de couplages à longues distances (n>3), permettaient d’accéder à des informations pertinentes sur la géométrie locale. En contre- partie, l’existence de ces très nombreux couplages homo- et hétéronucléaires est à l’origine de la multiplicité élevée des signaux souvent superposés, et contribue à altérer les résolutions spectrales.

Afin de rendre possible la mesure résolue de tous les types d’interactions dans des composés fluorés présentant des spectres complexes, l’utilisation d’expériences à plusieurs dimensions et/ou des expériences sélectives récentes est nécessaire. Parmi ces expériences, les expériences 1D Pure Shift NMR permettent l’accès à l’attribution précise des différentes fréquences de résonance.

Spectres RMN 1D 1H d’une fluorhydrine (CDCl3, 298 K, 500 MHz) : (a) 1D 1H; (b) 1D 1H {19F}; (c) 1D 1H pureshift; (d) 1D 1H pureshift {19F}

 

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La mesure résolue et l’attribution des couplages scalaires homo- et hétéronucléaires est réalisée grâce aux expériences 2D SERF et GSERF « Gradient SElective ReFocussing experiment ». Toutefois, certaines constantes de couplage scalaire sont trop faibles pour être mesurées par ces méthodes. Pour contourner cette difficulté, nous avons mis en place deux nouvelles séquences d'impulsions 2D MJ-GET-SERF et 2D MJ-G-SERF basées sur l’augmentation du couplage scalaire par un facteur n pour le rendre mesurable dans la dimension indirecte. Nous avons utilisé ces expériences pour la caractérisation structurale de plusieurs composés fluorés possédant des structures rigides et nous avons montré qu’elles contribuaient à faciliter l'interprétation des spectres RMN les plus complexes. Ces techniques ouvrent également des voies alternatives pour la détermination de tous les couplages homo- et hétéronucléaires dans des petites molécules fluorées. Il est à noter que l’accès aux très faibles constantes de couplage est très important parce qu’il permet d’élargir les bases de données RMN de composés fluorés. Cette étape est nécessaire à l’amélioration de la connaissance des relations entre paramètres RMN, structure et propriétés.

Superposition des spectres RMN 2D G-SERF (rouge) et 2D MJ-GSERF avec un facteur n = 6 (bleu) d’une

fluorhydrine (CDCl3, 298 K, 500 MHz) avec sélection du proton H1