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AVERTISSEMENT

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Ce texte est protégé par les droits d’auteur. En conséquence avant son exploitation vous devez obtenir

l’autorisation de l’auteur soit directement auprès de lui, soit auprès de l’organisme qui gère ses droits (la SACD par exemple pour la

France). Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de

jouer n'a pas été obtenue par la troupe. Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs

homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues et les droits payés,

même a posteriori. Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre,

MJC, festival...) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect de

ces règles entraine des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation. Ceci n’est pas une recommandation, mais une

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Ma fille est un boulet

Pièce en 3 actes de Marie BENGUEDDA

ELIANE : La fille. Hypocondriaque, pénible

SOLANGE : La mère. Moderne, énergique.

MARTIN: le compagnon de Solange, plus jeune qu’elle.

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ACTE 1

Solange est au téléphone. Elle est en robe de chambre.

SOLANGE : Ne t'en fais pas je vais lui parler. Elle va comprendre… Oui,

ensuite nous pourrons nous installer ensembles. Soit confiant mon chéri.

Ah, je l'entends qui arrive. Je te rappelle plus tard. Bisou, bisou.

Entrée d'Éliane. Elle est en pyjama un peu ridicule.

ELIANE: Bonjour Maman. (Elle baille). J'ai mal dormi cette nuit. J'ai eu

des bouffées de chaleur toute la nuit. Il fait vraiment trop chaud dans

l'appartement. Il faudrait que l'on coupe le chauffage la nuit pour dormir.

SOLANGE : Je ne vais pas couper le chauffage, uniquement parce que tu

fais ta ménopause. Moi, j'aime bien avoir chaud dans mon appartement.

ELIANE : Tu es bien agressive ce matin. Qu'est- ce qu'il t'arrive ?

SOLANGE : Moi, agressive ? Mais pas du tout. Je suis très bien au

contraire.

ELIANE : Ah non ! Je te connais bien. Je vois bien que tu es agressive.

SOLANGE : Écoute Éliane, j'ai réfléchi. Cela fait à présent deux mois

que tu t’es installée chez moi. Je pense qu'il est temps que tu te reprennes

en main.

ELIANE : Qu'est- ce que tu entends par me reprendre en main ?

SOLANGE : Eh bien, il est temps que tu reprennes ta vie, que tu te

cherches un nouvel appartement et que tu repartes du bon pied.

ELIANE : Tu oses me mettre à la porte ? Moi, ta petite fille alors que je

suis désespérée, que j’ai besoin de ton aide.

SOLANGE : Mais j’ai tout fait pour te remonter le moral. Je t’ai écoutée

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pendant des nuits entières, je t’ai bordée, je t’ai racontée des histoires

comme lorsque tu étais petite pour t’aider à t’endormir. Je pense qu’à

présent, ce n’est plus de mon aide dont tu as besoin mais de celle d’un psy.

ELIANE : Un psy ? Tu plaisantes ! Tu penses que je suis folle c’est ça !

SOLANGE : Mais enfin, les psys ne sont pour les fous. Ils sont là pour

t’écouter, pour t’aider à reprendre confiance en toi.

ELIANE : Je ne pourrai pas rentrer chez moi, me retrouver seule à

nouveau. J’ai trop besoin de compagnie.

SOLANGE : Prends toi un chien ou alors achète toi un ordinateur et

inscris toi sur des réseaux sociaux.

ELIANE : Maman ! Tu sais très bien que je suis allergique au poil des

chiens et que je ne supporte pas les ordinateurs. Cela me fait mal aux yeux

et leurs ondes me donnent des migraines.

SOLANGE (entre ses dents) : Et moi je vais finir par devenir allergique

envers ma propre fille.

ELIANE : Qu'est-ce que tu dis ?

SOLANGE : Rien. Je disais que je te comprenais ma fille. Je sais à quel

point le départ de Sébastien t’a bouleversé, mais tu ne peux pas rester

toute ta vie, ici, chez moi, à te lamenter sur ton sort. Il faut que tu

réagisses.

ELIANE : Je ne peux pas. J’ai besoin de toi maman. Tu ne peux pas me

laisser tomber.

SOLANGE : Écoute, chérie. Je pense qu'il faut que tu réfléchisses. Moi

aussi j'ai besoin d'un peu plus d'intimité, de....

ELIANE : Pourquoi faire ?

SOLANGE : Comment ça pourquoi faire ? Mais j'ai une vie, moi. Cela

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fait 10 ans que tu as quitté la maison. J'avais pris mes petites habitudes et

tu as tout bouleversé depuis deux mois avec tes manies.

ELIANE : Mais je n'ai pas de manies.

SOLANGE : Tu n'as pas de manies ? Tu te moques de moi. A toi seule tu

es une encyclopédie de manies. Tu commences dès le matin dans la salle

de bain. Traque des boutons noirs sur le nez, pose du masque, lotion, 3

couches de crèmes. Ensuite brushing qui dure chaque jour plus de 30

minutes. Tous les matins tu squattes ma salle de bain pendant deux heures.

ELIANE : Mais je dois me préparer.

SOLANGE : Lève-toi deux heures avant. Moi aussi j'ai droit à la salle de

bain. Depuis que tu es là, je suis obligée de me lever une heure avant toi,

c'est à dire à 5h00 du matin alors que je ne pars de la maison qu'à 7h30.

ELIANE : Mais je croyais que tu étais matinale.

SOLANGE : Oui, très matinale, surtout depuis ton retour. Mais ce n'est

pas tout. Tu vides mon frigo. Croyez- vous que Madame aurait l'amabilité

et la courtoisie de le remplir de temps en temps ? Et bien non !

ELIANE : Mais enfin, maman, le frigo a toujours était plein à la maison.

SOLANGE : Oui, bien sûr. Par miracle. Moi je connaissais le frigo

américain, distributeur de glaçons et d'eau fraiche. Toi tu as inventé le

frigo SOLANGE, celui qui s'autoalimente tout seul. Il est fantastique. Tu

le vides et il se remplit tout seul..., il prend son petit caddy et quand tu n'es

pas là, il s'en va faire les courses.

ELIANE : Tu te moques de moi.

SOLANGE : Mais pas du tout, ma chérie. C'est d'ailleurs pour cela que

tout le monde laisse sa liste de courses collée sur le frigo pour qu'il sache

exactement ce qu'il doit acheter.

ELIANE : Arrête Maman, je ne suis pas d'humeur. J'ai un mal de tête

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épouvantable.

SOLANGE : Ah oui ! J'avais oublié ton hypocondrie.

ELIANE : Mais enfin, qu'est-ce que tu as ce matin ? Tu es bien de

mauvaise humeur.

SOLANGE : Mais pas du tout. Je veux juste que tu comprennes qu'il est

temps pour toi de partir. De te refaire une vie remplie d'amis, de sorties. Tu

dois retourner chez toi.

ELIANE: Je ne peux pas. Je ne veux pas retourner chez moi. La maison

est pleine de mes souvenirs avec Sébastien. Dès que je l’aurais vendue, je

te l'ai déjà dit, je m'achèterais un appartement et je partirais.

SOLANGE : Oui, pour la vendre, encore faut-il que tu l’as mette en

vente !

ELIANE (se mettant à pleurer) : C’est trop dur ! Regarde ma langue. J'ai

plein d'aphtes qui sont sortis cette nuit. Je suis sûre que je prépare quelque

chose de mauvais.

SOLANGE : Ça recommence ! Mais non. La seule chose que tu devrais

préparer c'est le petit déjeuner pendant que je vais m'habiller.

ELIANE : Oh non, maman. S'il te plait. Tu sais que j'ai horreur de toucher

au gaz. Et puis, je ne sais pas préparer les œufs et le bacon.

SOLANGE : Ça tombe bien, moi, je ne prends qu'un thé et des biscottes

beurrées.

Elle sort en riant.

ELIANE (elle s'assied sur le canapé) : C’est trop dur, je n’arrive pas à me

raisonner. Que je retourne chez moi ? Mais il n’en est pas question ! Je n’y

comprends plus rien. Pourtant, elle semblait heureuse de me voir venir

vivre chez elle. Je ne sais pas ce qu'elle a depuis quelques semaines, mais

je la trouve bizarre. Bon, je vais voir ce que je peux préparer. Je peux sans

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doute faire ça pour une fois.

Elle sort côté cuisine.

ELIANE (voix off) : Maman, où sont les bols ? Ah oui, ils sont là.

Maman, où sont les poêles ? Ce n'est pas possible, je ne trouve rien dans

cette maison. Maman, où as-tu mis le sucre ?

Solange revient avec un aspirateur. Elle a mis sur ses oreilles le casque

d'un lecteur Mp3. Elle écoute de la musique apparemment très fort car elle

n'entend pas Éliane. De plus, elle allume l'aspirateur et se met à aspirer en

dansant.

Éliane sort de la cuisine.

ELIANE : Maman !

Solange ne répond pas.

ELIANE : Maman ! (elle se précipite sur sa mère, se poste derrière elle et

se met à hurler) Maman ! (toujours pas de réponse de Solange qui n'a pas

remarqué la présence d'Éliane. Éliane lui enlève le casque des oreilles et

lui cri « Maman », Solange sursaute de peur)

SOLANGE : Mais tu es horrible. Tu m'as fichue une de ses trouilles.

ELIANE : Excuse-moi, mais tu n'entendais rien. Dis maman, tu pourrais

t'occuper du petit déjeuner. Je ne trouve rien dans ta cuisine.

SOLANGE : Tu vois bien que je suis occupée. Je ne peux pas être de

partout.

ELIANE : Laisse, je vais passer l'aspirateur.

SOLANGE : Bon d'accord.

Elle va pour sortir.

ELIANE : Merci maman. Je te revaudrais ça. Ah, au fait ! Pas trop cuite

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l'omelette ! Tu sais que je l'aime baveuse et ces derniers jours tu l’as faite

trop sèche.

SOLANGE : A vos ordres, Sergent !

Elle sort.

ELIANE (Elle inspecte l'aspirateur sous tous ses angles) : Bon, comment

ça marche ce truc ? Il fait un bruit d'enfer. Comment fait-elle pour utiliser

un engin pareil ?

Finalement Éliane laisse tomber l'aspirateur et s'assied sur le canapé pour

lire un magazine qu'elle a pris sur une étagère. Elle chantonne.

SOLANGE : (elle sort la tête de la cuisine) : Je n'entends pas l'aspirateur.

Il y a un problème ?

ELIANE : C’est ton engin, il est trop dangereux. Je suis sûre qu'il a dû me

crever un tympan. J’ai trop mal à l’oreille.

SOLANGE : Eliane ! Stop avec tes maladies imaginaires. Dépêche-toi de

passer cet aspirateur et que ça saute !

Eliane rouspète, elle appuie sur le l'interrupteur de l'aspirateur. A ce

moment-là, on entend un bruit d'explosion puis NOIR. C'est l'aspirateur

qui a grillé et qui a fait sauter le courant. Eliane pousse un cri d'horreur.

Solange revient sur la scène qui est dans le noir.

SOLANGE : Mais qu'est-ce que tu as encore fait ?

ELIANE : Mais rien, je t'assure maman. J'ai juste voulu remettre

l'aspirateur en marche. Maman ! J’ai peur. Allume.

SOLANGE : Tu as peur ? À ton âge. Tu es vraiment une mijaurée ma

fille.

ELIANE (hurlant) : C’est plus fort que moi, je ne supporte pas de rester

dans le noir.

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SOLANGE : Arrête de hurler... laisse-moi le temps d'aller au disjoncteur.

Lorsque la lumière revient, Eliane a le visage tout noir. Solange revient de

la cuisine et s'esclaffe de rire lorsqu'elle voit le visage de sa fille.

ELIANE (affolée) : Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi ris-tu comme cela ?

Qu'est-ce que j'ai ?

SOLANGE (riant) : Va te regarder dans le miroir ?

ELIANE va se regarder dans le miroir. Au moment où elle se voit, elle

pousse un cri d'horreur.

ELIANE : Mon Dieu, je suis brulée au troisième degré. Vite appelle une

ambulance, il faut que l'on me transporte à l'hôpital.

SOLANGE : Mais enfin, ne soit pas ridicule, ce n'est qu'un peu de fumée

sur ta peau.

ELIANE : Un peu de fumée sur ma peau? Mais tu délires ! Je sens qu'elle

part en lambeaux. Je vais être défigurée. C'est affreux.... (Elle se sent mal

et commence à vaciller)

SOLANGE (elle se précipite vers sa fille pour la récupérer avant qu'elle

ne tombe) : Assied toi là. Je vais te nettoyer le visage et tu vas voir que ce

n'est rien du tout.

Elle sort côté chambre pour aller chercher un chiffon et de l'eau.

ELIANE (se lamentant) : Je suis sûre que je vais mourir. Je suis un

monstre à présent. Personne ne voudra plus de moi. Je suis défigurée à vie.

Elle se met à pleurer et enfouie sa tête dans un coussin. Solange revient

avec un chiffon humide.

SOLANGE : Mais qu'est-ce que tu fais ? Ah bien voilà, c'est malin. A

présent tu as laissé plein de traces sur mon joli coussin ?

(Elle montre le coussin. Pour créer un effet visuel comique, prendre un

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coussin blanc et y dessiner dessus la forme d'un visage)

ELIANE (pleurnichant) : Je te demande pardon, Maman. Je me sens mal,

alors soit gentille, ne te mets pas en colère.

SOLANGE : Oh! Que tu m'agaces. Viens ici. (Elle lui lave le visage avec

le chiffon) Voilà tu vois, il n'y a presque plus rien. Bon, à présent, tu files

dans la salle de bain et tu reviens toute neuve pendant que je finis de

préparer le petit déjeuner.

Eliane sort complètement abattue.

SOLANGE (elle s'affaire pour enlever l'aspirateur, puis elle range, elle

tape sur les coussins du canapé, agacée....) : Mais comment ai-je fait pour

avoir une fille pareille ? Je me suis toujours demandé si on ne me l'avait

pas échangé à la maternité. Ce n'est pas possible qu'elle soit ma fille. Il

Faudrait que je lui fasse passer un test ADN. Qui sait, si elle n'est pas de

moi, je pourrais toujours l'abandonner ! (elle se met à rire. Elle va pour

sortir côté cuisine, lorsque le téléphone sonne. Elle décroche).Ah c'est toi.

Oui, j'ai commencé à lui parler. Mais non, elle n'est pas encore décidée à

partir. Écoute, je fais de mon mieux, c'est ma fille tout de même ! Même si

quelquefois j'ai des doutes. Ne t'inquiètes pas, je vais lui parler de toi et je

pense qu'elle comprendra.

Eliane revient. Elle a changé de pyjama. Celui-là est encore plus ridicule.

ELIANE : Qui c'était ? C’était Sébastien?

SOLANGE : Non, ce n’était pas Sébastien.

ELIANE : Ah ! Si jamais il téléphone, je te l'ai déjà dit, je veux que tu lui

dises que je ne suis pas disponible pour lui.

SOLANGE (ironique) : Je te rappelle, ma fille, qu’il y a peu de chance

que Sébastien t’appelle puisqu’il t’a abandonné. Je ne pense pas qu'il

cherche à te revoir.

ELIANE : Toujours très délicate maman. Je te remercie.

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SOLANGE (agacée) : Écoute, c'est de ta faute. Je veux bien croire que tu

sois en crise, mais quelquefois j'ai l'impression que tu le fais exprès d'être

idiote.

ELIANE (en colère) : Encore merci ! Tu en as encore beaucoup des

gentillesses de ce genre ! Parce que là franchement, je te le dis tout net, je

suis prête à tout entendre.

SOLANGE : Calme toi !

ELIANE (très en colère) : Mais je suis très calme. Je me suis fait larguer

par mon mari, ma mère me déteste et j'ai presque failli mourir électrocutée

et défigurée.

SOLANGE : Je crois que tu exagères un peu !

ELIANE : Comment ça j'exagère ! Je n'ai pas failli mourir il y a quelques

minutes ?

SOLANGE (ironique) : Non, je ne parlais pas de ça. Bien sûr que tu as

failli mourir ! Il s’en est fallu de peu pour tu restes collé à l’aspirateur !

J’en suis encore toute retournée. Non, je trouve que tu exagères quand tu

dis que je te déteste. Je ne te déteste pas. Mais c'est vrai, tu m'agaces.

ELIANE : Je t’agace ? Mais toi aussi tu m'agaces.

SOLANGE : Bon, Eh bien ! Nous nous agaçons mutuellement. Ce n'est

pas si grave que ça !

ELIANE : bien sûr que c'est grave. Comment puis-je vivre chez toi

tranquille en sachant que je t'agace ? Cela me stresse et je sens que j’ai la

tension qui monte.

SOLANGE : Tu n'as qu'à retourner vivre chez toi ?

ELIANE (recommence à pleurer) : Voilà, tu recommences !

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SOLANGE : Ah non ! Tu ne vas pas te remettre à pleurnicher. Calme-

toi ! Il faut que je te parle. Tiens prend ce mouchoir. Je vais chercher notre

thé et nous allons pouvoir discuter tranquillement.

ELIANE : Tout le monde est contre moi.

SOLANGE (voix off de la cuisine) : Tout le monde est contre toi, ma

pauvre fille, il n'y a que moi ici, merci de me considérer comme le monde

entier.

ELIANE : Sébastien est contre moi, tu es contre moi, les filles au boulot

sont contre moi. Je suis trop malheureuse !

Solange revient avec un plateau sur lequel il y a une théière, deux tasses,

des biscottes.

SOLANGE : Voilà ! Madame « Tout le monde est contre moi » votre petit

déjeuner est servi !

ELIANE : Mais ce n'est pas un petit déjeuner ça ! On se croirait dans un

hôpital. Où est mon omelette ? Mon bacon ? Ma confiture ?

SOLANGE : DTC !

ELIANE : quoi ?

SOLANGE : oui, DTC...... Dans ton… euh… dans ta cuisine ! (entre ses

dents) pour ne pas être vulgaire ! Tu es assez grande me semble-t-il pour

aller te faire cuire un œuf !

ELIANE (en colère) : Merci maman.... je m'en souviendrais. (Elle prend

une biscotte la casse entre ses doigts, la jette, en prend une autre, la casse

à nouveau) Tu vois dans quel état de nerfs je suis ? Je sens que mon cœur

va lâcher !

SOLANGE : Non, il n’y a pas de risque. Pour lâcher, il faudrait que tu en

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es un.

ELIANE : C’est très méchant ce que tu dis !

SOLANGE : Non, réaliste.

Elle se lève et va mettre la musique sur le poste de radio. Eliane se lève et

va éteindre le poste. Solange se lève et va remettre le poste. Eliane se lève

et va éteindre le poste. Les deux femmes se retrouvent face à face très en

colère. Elles ont chacune une biscotte à la main. Ensembles, elles se

tournent le dos et font quelques pas façon duel, puis elles s’arrêtent, se

retournent face à face, mettent la biscotte à la bouche et la mâchent

rageusement.

SOLANGE (sèchement) : Assied toi, il faut que je te parle.

Eliane s'assied.

SOLANGE : Si je te demande de partir, c'est parce que j’ai besoin de

liberté et de pouvoir rencontrer des hommes si je veux.

ELIANE : Quoi ? Tu trompes papa !

SOLANGE : Tu te moques de moi ? Ton père et moi sommes divorcés

depuis plus de 10 ans. Et en matière d'infidélité, je suis plutôt celle qui est

à plaindre.

ELIANE : Oh, tu lui reproches quelques petites aventures sans lendemain.

Depuis que vous avez divorcé, il vit seul, le pauvre, et il me dit souvent

que tu lui manques.

SOLANGE : Oui, pour lui faire son ménage, son repassage, faire sa

boniche quoi ! Tu as toujours tout pardonné à ton père. Tiens d'ailleurs,

comment se fait-il que tu ne sois pas allée vivre chez lui plutôt qu'ici ?

ELIANE : Tu sais bien que papa a ses petites habitudes et qu'il n'aime pas

être dérangé.

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SOLANGE : Ah parce que moi, j'aime être dérangée ? J'adore que ma fille

vienne s'installer chez moi, perturber mon quotidien, griller mon

aspirateur, me faire des reproches pour un oui pour un non, critiquer mon

petit déjeuner.

ELIANE : Bon, j'ai compris. Je t'agace, je te dérange et tu veux que je

parte afin que tu puisses recevoir tes amants.

SOLANGE : Mes amants ! Tu me flattes, je ne suis tout de même pas une

femme fatale.

ELIANE : D'accord, dès demain, je ferais mes valises et je retourne chez

moi. De toute façon, personne ne veut de moi. Alors, je sais ce qu'il me

reste à faire ! (elle se lève, se dirige vers la porte en marchant très

dignement)

SOLANGE : Qu’est- ce que tu veux dire par "je sais ce qu'il me reste à

faire" !

ELIANE : Rien, ne t'inquiète pas, mais bientôt, tu n'entendras plus parler

de moi.

SOLANGE se précipite et barre la route à ELIANE.

SOLANGE : Tu ne sortiras d'ici que lorsque tu m'auras dit quelles sont tes

intentions.

ELIANE (solennelle) : Je n'ai qu'une seule intention, maman, me mettre

sous la couette et ne plus en sortir.

SOLANGE (elle se pousse et laisse passer sa fille) : Ah, ce n'est que ça !

Alors tu peux y aller !

ELIANE sort en regardant sa mère avec une moue comme si elle allait

pleurer puis elle lui tourne le dos très fière et sort coté chambre.

SOLANGE : A son âge, se comporter comme une adolescente. Quelle

immaturité, et quel boulet ! Comment vais-je pouvoir m'en débarrasser ?

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Tout à coup, on entend un grand bruit d'un objet lourd qui s'écrase sur le

sol et un cri provenant de la chambre. SOLANGE se précipite.

SOLANGE : Mon Dieu, ma chérie, que se passe-t-il ? J'arrive, maman est

là !

NOIR.

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ACTE 2

Le même salon, SOLANGE est installée sur le canapé. Elle discute avec

Martin.

MARTIN : Bon, alors, qu’est-ce qu’on fait ? Je te rappelle que j’ai donné

le préavis de mon appartement et que dans moins d’un mois je suis à la

rue.

SOLANGE : Je sais, pas la peine de me mettre la pression. D’ici la fin du

mois, elle sera sans doute partie.

MARTIN: Sans doute ? Ce n’est pas suffisant. Il faut qu’elle soit partie de

manière certaine.

SOLANGE : Oh, écoute, tu ne vas pas recommencer. Tu sais très bien

qu’elle va mal et qu’il lui faut du temps.

MARTIN: Oui, je ne le sais que trop. Mais tu m’avais promis qu’elle ne

resterait que quelques jours et cela fait plus de deux mois à présent. Si tu

préfères que je ne vienne pas vivre chez toi, il faut me le dire. Je peux

toujours prendre un nouvel appartement.

SOLANGE : Mais non, mon chéri. Nous allons trouver une solution.

Tiens, dès ce soir, je lui parlerai de nouveau et je suis sûre qu’elle va finir

par comprendre. Bon, à présent, rentre chez toi. Je ne voudrais pas qu’elle

arrive et qu’elle tombe sur toi.

MARTIN : Tu es bien sûr que tu as envie de me présenter à elle ? Je

trouve que tu tergiverses un peu trop. Ton comportement est

incompréhensible. C’est une femme ta fille, elle peut quand même

comprendre que tu dois vivre ta vie.

SOLANGE : Oui, je sais, mais c’est peut-être un peu trop tôt. Je ne

voudrais pas la traumatiser.

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MARTIN : Mais enfin, ce n’est plus une enfant ! Toi aussi tu dois évoluer

et la considérer comme une adulte.

SOLANGE : On voit bien que tu ne la connais pas.

A ce moment- là, Eliane rentre. Elle est légèrement courbée en avant,

souffrant d’un lumbago.

ELIANE : Bonjour Maman ! (elle aperçoit Martin) Ah ! Bonjour (en

aparté à sa mère) Je ne savais pas que tu recevais quelqu’un aujourd’hui.

SOLANGE : Eliane, Mais tu rentres bien tôt ?

ELIANE : Oui, je suis partie plus tôt, car j’ai un lumbago. Regarde dans

quel état je suis. C’est horrible.

SOLANGE : Viens t’asseoir là. Voilà, très bien. Ça va, tu es

confortablement assise, là ? Tu veux que je te prépare une tisane ?

MARTIN (agacé de voir que Solange l’ignore) : Bonjour, je me présente,

Martin, je suis le…

SOLANGE (le coupant) : Un ami, c’est un ami. Martin, je te présente ma

fille, Eliane.

ELIANE : Bonjour, je suis désolée de me présenter à vous dans cet état,

mais je suis vraiment très mal. Cela ne m’arrive jamais d’avoir ce type de

problème, mais que voulez-vous face aux caprices du corps nous sommes

peu de choses.

SOLANGE : Martin allait partir de toute façon.

ELIANE : Oh, comme c’est dommage ! Je sens que je vais beaucoup

mieux. Je serais heureuse que nous puissions discuter avec ton ami. Tu

n’avais pas dit que tu voulais nous faire une tisane ? Moi, je prendrais bien

un thé. Et vous Martin, une petite tasse de thé peut-être ?

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MARTIN: Oui, volontiers, je prendrai bien du thé moi aussi. Je pense

qu’il serait intéressant que nous fassions connaissance. (Regards noirs

échangés avec Solange)

SOLANGE : bon, je vais donc faire du thé, puisque tout à coup tout le

monde souhaite que je disparaisse.

ELIANE : Maman ! N’importe quoi. Décidément, tu es toujours en train

de râler.

MARTIN (sentant que Solange va se fâcher) : Solange, voyons ! Tu sais

très bien que tu es celle que tout le monde souhaite voir revenir très vite.

(Il lui fait un clin d’œil).

Eliane sort, légèrement en colère.

ELIANE : Je ne la comprends pas toujours. Elle prend souvent la mouche

pour un rien.

MARTIN: Je vous trouve un peu sévère avec votre mère.

ELIANE : On voit bien que vous ne la connaissez pas beaucoup.

MARTIN: Ah bon, vous croyez ?

ELIANE : Oui, vous savez, depuis qu’elle ne vit plus avec mon père, elle

a beaucoup changé. Elle a toujours un gaz de travers.

MARTIN: Vous voulez dire un pet ?

ELIANE : Comment ?

MARTIN: Oui, un pet de travers !

ELIANE : Oui, mais je ne dis jamais de gros mots.

MARTIN: Ah d’accord !

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ELIANE : Vous voyez, ce qui est le plus difficile à supporter pour moi,

qui vit depuis deux mois avec elle… Elle vous a dit que je vivais avec

elle ?

MARTIN: Oui, elle m’en a parlé.

ELIANE : Ah ! Donc ce qui est le plus difficile à supporter pour moi, qui

vit depuis deux mois avec elle… Et qu’est- ce qu’elle vous a dit ?

MARTIN: A propos de quoi ?

ELIANE : Du fait que je vis avec elle ?

MARTIN: rien !

ELIANE : Ah, je vois ! Donc je disais que ce qui est le plus difficile à

supporter pour moi, qui vit depuis deux mois avec elle c’est que … Elle ne

vous a donc rien dit des raisons de ma présence chez elle ?

MARTIN: Vous le faites souvent ?

ELIANE : Quoi ?

MARTIN: De commencer une phrase et de la laisser en suspens pour

poser une autre question ?

ELIANE : Ah, non jamais, Pourquoi ?

MARTIN : Ah d’accord ! Vous disiez donc ?

ELIANE : Vous connaissez ma mère depuis longtemps ?

MARTIN: Pas mal de temps.

ELIANE : C’est-à-dire ?

MARTIN: Depuis un an.

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ELIANE : Quoi ? Un an ? Et comment se fait-il qu’elle ne m’ait jamais

parlé de vous ?

MARTIN: Elle n’en a pas ressenti le besoin. Votre mère est une femme

discrète.

ELIANE : Maman, une femme discrète ? Vous plaisantez. Elle est bavarde

comme une pie et ne rate jamais une occasion de me raconter les potins

des uns et des autres.

MARTIN: C’est marrant, on dirait que nous ne parlons pas de la même

personne. Pour moi, elle est discrète mais enjouée, très dynamique,

toujours de bonne humeur. J’ai l’impression que pour vous c’est tout le

contraire.

ELIANE : Oui, vous savez, il y a des gens comme ça, qui ont une double

personnalité. En fait, elle est râleuse, bavarde, colérique, et en plus elle est

hypocondriaque. Mais, chut, ne dites rien, elle n’aime pas qu’on lui en

parle. Elle refuse de l’accepter.

MARTIN: Ah, oui, je vois. Je n’aurais jamais imaginé que Solange puisse

avoir une double personnalité. C’est très intéressant ce que vous me dites.

ELIANE : Et vous, quelle est votre personnalité ?

MARTIN: Euh ! Moi ? Je pourrai dire que je suis quelqu’un de très

patient.

ELIANE : c’est une très grande qualité chez un homme.

MARTIN: chez une femme aussi !

Retour de Solange avec un plateau avec du thé et des biscuits qu’elle va

servir pendant la conversation.

SOLANGE : Alors, vous avez fait connaissance ?

ELIANE : Oh, oui, ton ami est charmant.

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MARTIN: Merci Eliane. Et vous, vous êtes très intéressante.

SOLANGE : Ah oui, je ne t’ai pas dit, mais Martin est écrivain.

MARTIN: Oui, enfin, j’étais écrivain, je n’écris plus depuis deux ou trois

ans. .

ELIANE : Ah bon ! C’est dommage.

MARTIN: Oui, j’ai perdu l’inspiration. Un jour, comme ça, elle s’est

envolée.

ELIANE : C’est très contrariant. Moi, J’aurais bien aimé que quelqu’un

écrive un livre sur moi.

MARTIN: Sur vous, et pourquoi ?

ELIANE : Je ne sais pas. J’ai toujours rêvé d’avoir un jour un livre, chez

moi, qui raconterais ma vie. Oh, modestement, je préfère le préciser. Un

petit livre de quelques centaines de pages avec quelques photos. Cela

aurait été amusant.

MARTIN : Oui, beaucoup de gens, aiment bien avoir leur bibliographie

dans leur bibliothèque. C’est sans doute valorisant.

ELIANE (riant gênée) : Oui, je sais que je suis plutôt une personne hors

du commun.

SOLANGE : Oui, quelqu’un hors du commun, c’est le moins que l’on

puisse dire. Alors de quoi parliez-vous ?

MARTIN: Eh bien nous parlions de toi.

SOLANGE : Ah ! Et que disiez-vous ?

ELIANE : Rien d’intéressant, maman. (A Matin en aparté) Vous voyez

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elle veut toujours que la conversation tourne autour d’elle. .

MARTIN : Nous disions que tu avais une double personnalité.

SOLANGE : Moi, une double personnalité ? (elle rit) Et quelles sont ces

deux personnalité qui me caractérisent ?

MARTIN (narquois) : Eh bien, à mes yeux, tu es enjouée, joyeuse, de

bonne humeur, dynamique et aux yeux de ta fille tu es colérique, râleuse,

et en plus hypochondriaque.

SOLANGE : Ah oui ! C’est comme cela que tu me vois ?

ELIANE : Non, c’est très exagéré. Je n’ai pas dit tout cela. Je crois,

Monsieur, que vous devez avoir des problèmes d’audition.

MARTIN : Oui, cela se peut. Enfin, je crois qu’il est temps que votre

mère vous mette au courant.

ELIANE : Au courant de quoi ?

SOLANGE : Eh bien, Martin et moi, nous allons vivre ensembles.

ELIANE : Où ça ?

SOLANGE : Comment ça, où ça. Mais ici, chez moi.

ELIANE : Quoi, ici, sous notre toit ? Et moi, je deviens quoi ?

SOLANGE : Nous en avons déjà discuté, ma chérie, toi, tu rentres chez

toi.

ELIANE : Mais enfin, cet homme a mon âge. C’est un complot. Ah, je

me sens mal, je n’arrive plus à respirer. J’étouffe.

SOLANGE : Arrête avec ça. Ne fais pas semblant.

ELIANE (suffocant) : Je te jure que c’est vrai, je m’étouffe. Au secours !

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MARTIN : Eliane, arrêtez avec ce jeu. Reprenez-vous. Vous êtes une

adulte responsable. Vous devez bien comprendre que votre mère a besoin

de vivre sans vous.

ELIANE : Vous ! Taisez-vous. Je comprends surtout votre petit jeu. Vous

voulez m’enlever ma mère et ne la garder que pour vous.

MARTIN : Mais, non enfin, c’est ridicule.

ELIANE : Vous voulez vous débarrasser de moi, c’est cela n’est-ce pas ?

MARTIN : Et si je vous disais que j’aime votre mère ?

SOLANGE : Merci, Martin, j’aime quand tu parles ainsi.

MARTIN : C’est normal, ma chérie, c’est bien ce qui me motive. L’amour

que j’ai pour toi, sinon, à quoi bon vouloir vivre avec toi.

ELIANE : Eh ho ! Je suis là, moi, je vous signale que je suis en train de

mourir en m’étouffant.

SOLANGE : Bon, écoute ma chérie. Puisque tu vas si mal, nous allons

t’emmener à l’hôpital comme ça tu pourras y rester quelques jours pour te

remettre de tes étouffements et Martin, pourra ainsi aménager ici

tranquillement.

ELIANE : Mais non, je ne veux pas aller à l’hôpital. Tu sais bien que j’ai

horreur des hôpitaux. C’est infesté de microbes. Non, je vais dans ma

chambre, me reposer. Je suis sûre que ça ira mieux dans quelques heures.

SOLANGE : Voilà, c’est très bien. Dès que tu te sentiras mieux, je

t’aiderai à faire tes valises et je te raccompagnerai chez toi.

ELIANE : Maman, je crois que je vais mourir si je retourne chez moi !

SOLANGE : Nous verrons bien.

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Eliane sort, abattue.

MARTIN : Un drôle de cas ta fille.

SOLANGE : Tu comprends à présent pourquoi c’était si dur pour moi de

lui parler.

MARTIN : Oui, c’est un problème. Mais je crois qu’elle a compris. Très

fort le coup de l’hôpital.

SOLANGE : Je n’en suis pas sûre. Je crois qu’elle a encore besoin de moi.

MARTIN : Solange ! Tu es en train d’entrer dans son jeu. Qui sait, peut-

être que tu alimentes son mal-être en la plaignant et en l’excusant ?

SOLANGE : Ne dis pas de bêtise. Je n’alimente rien du tout.

MARTIN : Si, en pensant qu’elle a encore besoin de toi, tu l’empêches de

partir.

SOLANGE : Mais j’ai tellement peur qu’elle fasse une bêtise si jamais

elle se retrouve seule.

MARTIN : Cela m’étonnerait. J’ai bien l’impression qu’elle n’aurait pas

le courage. Et puis, on dit que celui qui crie au loup, ne le voit jamais.

SOLANGE : Et si elle prenait une surdose de médicaments ? Son armoire

à médicaments est une vraie pharmacie centrale. On y trouve de tout. Tu te

rends compte qu’elle est venue chez moi avec une valise pleine de

médicaments.

MARTIN : Elle n’a jamais consulté quelqu’un pour cette manie ?

SOLANGE : Non, c’est de ma faute, j’aurais dû l’emmener voir

quelqu’un lorsqu’elle était plus jeune. Après mon divorce, j’ai cru que

c’était une façon pour elle de se rendre intéressante, mais je vois qu’avec

l’âge cela ne s’arrange pas.

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MARTIN : Tu dois être ferme avec elle, tu lui rendras un fier service. Et

puis, il y a nous. Tu ne veux pas que ta fille gâche notre relation. Viens là,

ma beauté. (Il l’enlace) Nous n’avons pas de temps à perdre. Tu vas bien

trouver un moyen de la faire rentrer chez elle.

SOLANGE : J’espère bien finir par la convaincre.

On entend, un bruit violent

SOLANGE : Ah mon Dieu ! Eliane.

Solange et Martin sortent précipitamment de la scène.

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ACTE 3

Eliane est allongée sur le canapé avec une bande enroulée autour de sa

tête.

SOLANGE : Quelle idée d’avoir voulu descendre toute seule la valise de

l’armoire. En plus, juste celle où j’avais mis mon vieux fer à repasser. Tu

aurais pu te tuer en te le prenant sur la tête.

ELIANE : Mais je suis presque morte.

MARTIN : Mais non, c’est juste un petit hématome.

ELIANE : Vous plaisantez, je suis certaine d’avoir un traumatisme

crânien.

MARTIN : Seule une radiographie pourrait le certifier.

ELIANE : Pas question que j’aille à l’hôpital. Plutôt mourir.

MARTIN : D’accord, on ne vous y emmène pas. Cela nous aidera peut-

être.

SOLANGE : Martin, ce n’est pas le moment de plaisanter.

MARTIN : Ok.

ELIANE : Maman, j’aie mal. Pardonne-moi. Je n’aurais jamais du

grimper sur cet escabeau. Surtout que j’ai le vertige.

SOLANGE : Ce n’est pas grave. Repose-toi.

ELIANE : Maman, tu peux aller me chercher une tisane. Je suis sûre que

cela me fera du bien.

SOLANGE : Mais bien sûr ma chérie.

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Elle sort.

ELIANE : Vous croyez que je vais vous laisser voler ma mère.

MARTIN : Voyons, Eliane, soyez raisonnable, je ne vous la vole pas.

Votre mère est libre de savoir si elle veut ou non vivre avec moi.

ELIANE : J’ai bien compris votre jeu. Maman est une vielle femme qui

est fragile. Je ne veux pas que vous abusiez de sa faiblesse.

MARTIN : Je suis sûr que votre mère apprécierait la manière dont vous la

voyez. Une vieille femme alors qu’elle n’a pas 60 ans. Et puis elle est tout

sauf fragile. Non, Eliane, vous ne parviendrez pas à nous séparer.

ELIANE : Pourtant, vous êtes un bel homme. Qu’est-ce que vous lui

trouvez ? Je suis sûre que vous devez avoir des tas de femmes à vos pieds.

Vous devez être un Dom juan. Quel âge avez-vous ? 35 ans, 40 ans ?

MARTIN : En plus d’être hypochondriaque, vous êtes paranoïaque. Vous

racontez n’importe quoi !

ELIANE : Mais pas du tout. Qu’est-ce que vous lui voulez ? Vous voulez

de l’argent ? Vous voulez la dépouiller. Mais je ne vous laisserai pas faire.

MARTIN : Dites-moi, et vous qu’est-ce que vous voulez ? Pourquoi la

harcelez-vous comme cela avec vos maladies imaginaires ? Quel est votre

but ?

Eliane se lève, en colère, elle se jette sur Martin. Ils tombent tous les deux

sur le canapé. Solange entre et reste bouche bée sur le pas de la porte avec

son plateau.

Merci d’avoir lu ma pièce. Si vous souhaitez lire la fin du

texte, je vous remercie de bien vouloir m’adresser un mail à

l’adresse suivante : [email protected] .

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