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Auteure:JulieBradfer

Suiviéditorial:CamilleGuerrier

ISBN:978-2-37703-031-6

Collection:DangerousLove

©Photographiedecouverture:arturkurjan

©Kayaéditions

85ruedelafontaine-au-roi

75011—Paris

N°Siret:82805734900015

Pournouscontacter:

[email protected]

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Pagedeprésentation

Crédits

#Chapitre1

#Chapitre2

#Chapitre3

#Chapitre4

#Chapitre5

#Chapitre6

#Chapitre7

#Chapitre8

#Chapitre9

#Chapitre10

#Chapitre11

Page 5: Auteure : Julie Bradferekladata.com/JrqVTW_SvQt66_QEe2CQv28Fe2o/FM2.pdfgrisâtre lui aussi comme s’il était sur le point de tourner de l’œil. La mine décontenancée qu’il

#Chapitre12

#Chapitre13

#Chapitre14

#Chapitre15

#Chapitre16

Épilogue

Remerciements

Prochainement

#Kaya

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J’ail’impressiondetomberdansunpuitssansfond,dansuntrounoir,dansuncratèredontjeneperçoispaslafin.Jetombe,jetombe,jetombe,anticipantdouloureusementlemomentoùjevaistouchersiviolemmentlesolquejevaiséclater enmillemorceaux.Unhurlement est coincédansmagorge tandis quemesyeuxfixenttoujoursavechorreurlegarçonrecouvertdesangdansl’entrée.Ce garçon que j’aime de tout mon être, ce garçon qui a volémon cœur à lasecondeoùnosregardssesontcroisés.Eden.

Çanepeutpasarriver.Çanepeutvraimentpas…

—C’estbon,Katelyn.Cen’estpasmonsang.

Mespoumonsexplosent en se regonflantbrusquementd’air et je titube. Jecligne des yeux, ébahie puis rassurée puis horrifiée de nouveau. Eden seredresse, le corps tendu, et passe à côté de moi sans m’accorder le moindreregard.Enétatde choc, je resteplantéedans le couloir commeune idiote, lespoingspresséscontremoncœurquipeineàresteràsaplacedansmapoitrine.Jetremblecommeune feuille, j’aidumalà retrouverma respiration.La froideurqu’Edennem’aidepasdutoutàmecalmer.Commentpeut-ilsemontreraussidistantavecmoialorsquejemesuisfaitunsangd’encrependantquatreheuresenattendantqu’ildaignerépondreàmesappels ?

Jel’entendsmonteràl’étageetsonindifférenceallumeunecolèrenoiredansmesveines.

—Eden !

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Jemeprécipiteàsasuitedanslesescaliers.Arrivéesurlepalier,jelerepèrerapidementdans la salledebain. Il aouvert leplacardau-dessusdu lavaboets’emparedeplusieursproduitsdepremierssoins.J’aisoudainlanauséeetjememordsdurementlajouepourm’empêcherdetournerdel’œil.

—Qu’est-cequetufais ?m’exclamé-jeenlerejoignant.

Ilm’ignoreenbeauté,sesmainsécarlatescontinuantàamasserdesbandagesetdudésinfectantdansunetrousse.Jeperdsrapidementpatience.

—Putain,Eden !Réponds-moi !Qu’est-cequetufais ?!

Sesépaules secontractent tandisqu’il se figedevant l’évier.Saposturedeprofilmepermetdeparfaitementdistinguerlalignedesamâchoiresecrisperetlajointuredesesdoigtsblanchiralorsqu’ilserrelespoings.

—Arno s’estprisuneballe.Onnepeutpas l’emmener à l’hôpital.Onvaessayer de limiter les dégâts comme on peutmais il n’avait pas tout ce qu’ilfallaitchezluialorsjesuisvenuchercherdestrucs.

Ànouveau,lasensationterrifiantedenepasreconnaîtrel’hommesetenantenfacedemoimesecouelesentrailles.Jelèvelesyeuxauplafondunefractiondesecondepourretenirmeslarmes.Jenepeuxpascroirequ’ilagitcommeçaavecmoi.

—Tuplaisantes ?Tucomptesyretourner ?m’emporté-je.

Il garde le silence de nouveau, terminant de récupérer ce dont il a besoinavantderefermerlaporteduplacard.

—Oui.

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Edennem’offreriendeplusquecemot.Jen’aimêmepasdroitàuncoupd’œil,àuneexcuse,qu’ildisparaîtdéjàaurez-de-chaussée.

—Non !

Jecrieenluicollantautrain.J’ail’impressionquejenepourraiplusjamaism’arrêter dehurler tellement la détressem’étouffe.S’il part encore, je ne saispasquandilreviendra.

—Eden,non !Çasuffit,arrête-toi !

Je parviens à le coincer juste avant qu’il n’atteigne la porte d’entrée. Sesyeuxdépourvus de toute émotion se plantent violemment dans lesmiens et jecontiensdifficilementungémissementdedouleur.Ilvientdemetuerunmillierdefoisjusteavecsonregard.

—Nemedemandepasderester,jeneleferaipas.

J’aisimaldel’entendremeparlersurceton.Cen’esttellementpasluitoutça.

—Et toi,nemedemandepasde te laisser retourner là-bas sans riendire !Bon sangEden, je…Non,mais est-ceque tu t’es regardé ?Commentveux-tuquejetelaisserepartir ?!

—Laisse-moipasser.

—Non.

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—Katelyn !

—Jet’aiditnon !

—Ilabesoindemoi,dégage,putain !

Sesparolesmegiflentviolemment,réveillantmatristesse,mespeursetmesdoutes.Jeledétestebrusquementdem’infligerautantdepeine.

—Arrête !Arrête,arrête,arrête !Arrêteça,Eden !

Unmélange de désespoir et de rage m’aveugle tandis que je martèle sontorsedecoupsdepoing.Jeveuxqu’ilréagisse,qu’ilcomprenne.Jeveuxqu’ilréalisecequ’ilestentraindefaire.Ilmerepousse.Ilmerepousseméchammentetjenepeuxpaslelaisserfaire.

—J’étaismorted’inquiétude !Comment…Je…Commenttu…tunepeuxpas…

—Katelyn,jet’enprie…

Mes avant-bras se figent contre sa poitrine et je tente de faire taire monangoisseenreprenantmonsouffle.Lamainlibred’Edenglissesurmajoueetjeperçois enfin cette fêlure dans son regard. Si elle ne me rassure pas, je leretrouveaumoinsl’espaced’uneseconde.Edensouffremaisilnemetientplusàl’écart.Ilsereposesurmoi.

—Jeviensavectoi.

Illaisseretombersonbraslelongdesonflancetilsecrispedurement.

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—Kate.Non.

—Jeviens.Cen’estpasunequestion.Etc’estmoiquiconduis.

Je le fusille d’un regard noir pour lui faire comprendre que ce n’est pasnégociable:iln’iranullepartsansmoi.Latensionentrenousestpalpable.Jenesaispascequim’attendlà-basmais,enrevanche,jesaiscequim’attendicisijelelaissemequitterdenouveau.Jeneveuxplusjamaisavoiràrevivreça.

Le trajet se déroule dans un silence mortifiant uniquement brisé par lesindicationsponctuellesd’Eden.Plusnousnousenfonçonsdansl’obscurité,pluslestressfaittremblermesmembres.J’essaiedemeconvaincrequejenefaispasuneénormeerreurquandjeregardelestraitstordusparleregretetlaculpabilitédemonpetitami.Jecomprendsalorsquejen’auraispaspufaireautrement.Peuimporte dans quel pétrin je suis en train de me fourrer, je ne pouvais pas lelaissergérerçaseul.Jenepouvaispasl’abandonnerauborddugouffre.

Jefinisparmegarerdevantuneminusculemaisonàlafaçadeabîméedansunebanlieuesituéeaunordde laville.Edenme lanceuncoupd’œil incertainmais je l’ignoreenmedépêchantde sortir à l’air libre ; j’ai troppeurde fairedemi-tour si je reste trop longtemps à l’intérieur de cette voiture. D’un pasrapide,Edenmerattrape,medépasseetpénètredanslademeureenouvrant laporte d’entrée d’un coup sec. Nous débouchons immédiatement sur un salondanslequelrègneuncertainchaos.Chaosquicessepourtantàlasecondeoùlesregardssetournentversnousetcaptentmaprésence.

Ilssonttouslà.

Arno, allongé dans le canapé, est en piteux état. Il appuie fermement uneserviette sur son ventre ; d’autres, imbibées de sang, gisent en tas au pied dusofa.Ilestpâleetsonvisageanguleuxestfigéenunegrimacededouleur.

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Ungrandblondestpostéàsescôtés.Sesyeuxfoncéssontagités,ilaleteintgrisâtre lui aussi comme s’il était sur le point de tourner de l’œil. La minedécontenancéequ’ilaffichem’indiquequ’iln’apasl’airtrèsàl’aiseàlavuedusang.Cequiestégalementlecasdutypeunpeuplustrapusetenantenfacedelui,maisàunedistanceplusprudenteducanapé.Luiacarrément l’airécœuréparlespectaclequ’offresonami.Ildoits’agirdeWilletdeThib,si j’encroisles noms qu’avait utilisés Eden au téléphone tout à l’heure. Impossiblecependantdesavoirquiestqui.

Jenem’attardequetrèspeusurleurairabasourdi,monregardétantpresqueimmédiatementattirépar lasilhouetteaffaléenonchalammentcontre lemuraufond de la pièce mal éclairée. Un frisson me parcourt violemment lorsque jereconnais Jordan.Unmince sourire étire ses lèvres. Il a l’air particulièrementravidelatournurequeviennentdeprendrelesévènements.

—PutainEden,t’esmaladeouquoidel’avoiremmenéeici ?

—Ferme-la,Will.

Bon au moins, j’ai la réponse à ma question. Le grand blond aux alluresd’intello :Will.Lepetit trapuau teintbasané :Thib.Désormais, ilsn’ontplusaucunsecretpourmoi.

Sijen’aitoujourspasosédécollerduseuildelaportequ’Edenareferméederrièrenous,cederniers’empresse,lui,d’avancerverslemilieudusalonpours’agenouillerfaceàArno.

—T’as trouvé ce que je t’avais demandé ? grogne celui-ci en serrant lesdents.

—Jecrois.J’aipristoutcequej’avais,répondEden.

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Jordannemelâchepasduregard.J’hésiteàhurlerdeterreur.

—Jevaisavoirbesoind’uncoupdemain,continueArnoententantd’ouvrirdesesdoigtsensanglantéslatroussedesecours.

—Quoi ?Encore ?s’exclameWillavecunhaut-le-cœur.

—Mec,jetejurequejepeuxpastoucheràça.Çadégoulinedesang,c’estdégueu !ajouteThibensedétournantenfindemoipourleverlesmainsensignededéfense.

Mesobservationsétaientdoncplutôtprochesdelaréalité.Jesuissûrequ’ilsvonts’évanouirtouslesdeuxs’ilsneprennentpasrapidementl’air.

LericanementsourddeJordanmedonnelanausée.Jeremarquequetouslesautres se contractent en l’entendant,mais aucun ne prononce lemoindremot.Bonsang,cetypefaitvéritablementcequ’ilveutd’eux.

—Jepeuxessayerdet’aider.

—C’estbon,jevaismedébrouiller.T’asdesdoigtsdemécano,Eden,mêmeunmortneteprendraitpaspourinfirmière.

ThibetWillpouffentetmêmesijenel’entendspassejoindreàeux,jevoisnettement lesépaulesdemonpetit ami se relâcher. J’imaginequ’Arnonedoitpasêtresimalenpoints’ilparvientencoreàplaisanter.

—Déconnepas,crétin.Tuvaspasterecoudretoutseul.

—J’aipastroplechoix,monpote.

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—Jepeuxlefaire.

Lesilenceserefaitaussitôtdanslaminusculepièceetcinqpairesd’yeuxseretournentdeconcertpourmescannerdelatêteauxpieds.Pourquoiest-cequej’aiditça ?

Leurnouvelintérêtpourmapersonnemefaitrougirinstantanément.Jetentedem’expliqueravantquelesirisbrûlantsd’Edennemeliquéfientsurplace.

—Mamèreestinfirmière.Ellem’a…Jel’aidéjàsuivieàl’hôpital,ellem’afaitfairequelquesstagesetj’aisuiviuneformationdesecourisme.Je…jecroisquejepeuxtedonneruncoupdemain,expliqué-jeenm’adressantàArno.

Cedernierlanceuncoupd’œilinterrogateuràEdenquisembleavoirunpeudemalàse remettredemon intervention.J’imaginequeçadoit lui faireaussidrôle qu’àmoi deme voir échanger de la sorte avec ses amis. Surtout en detellescirconstances…

—OK.

Jehocheimperceptiblementlatêteetquitteenfinl’entréepourm’approcherdudivanàmontour.Edenseredressepourmelaissersaplaceetjetendsmesmains tremblantes vers la trousse que me tend Arno. Je la pose près de mesgenouxenessayantderassemblermesidéesetderégulermarespiration.Ilfautquejemeconcentre.

—Enlèvetont-shirt,dis-jed’unevoixblanche.

Legarçons’exécutesansprotester.Ilmetendlaserviettequ’iltenaitpresséecontre son flanc et je suis soulagée de constater que le sang ne s’écoule pasdémesurémentdesaplaie.Ilseredresseettentedesedéshabiller,levisagetordu

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dedouleur.Quandilyparvient,c’estàmontourdegrimacerendécouvrantsablessure.Etjenesuispaslaseule.

—Ohmerde,mec, putain ! s’exclameThib en se couvrant les yeuxd’unemain.

—C’esthorrible,marmonneWill,levisagecarrémentvertàprésent.

Devraieschochottes.

—Vous devriez peut-être aller prendre un peu l’air, leur proposé-je en lesvoyantsurlepointdes’évanouir.

Jen’aiclairementpasbesoindedeuxmalaisesenplussurledos.

Les garçons ne se font pas prier et disparaissent dans la pièce d’à côté ens’excusant.Arnonesemblepass’enpréoccuper,ilinspecteletroudécorantsonventreavecattention.Sapeauestperforéejusteendessousdesescôtes.Silesbordsdelaplaiesontnets,ladéchirureestquandmêmeimpressionnante.

—Tuessûrqu’ilnefaudraitpasqu’ont’emmèneàl’hôpital ?m’inquiété-je.

D’accord, j’aidesbasesensecourisme,mais jenesuispascertainequecesoit suffisant pourm’occuper d’une telle blessure. Alors que le jeune hommeouvrelabouchepourmerépondreJordan,rôdanttoujourscommeunvautouraufonddusalon,lecouped’unevoixmenaçante:

—Tuveuxl’emmeneràl’hôpital,Katelyn ?Vraiment ?T’aspeut-êtreenvied’appelerlesflicsaussitantquetuyes ?

J’aiunmouvementde reculen levoyantapprocher,maisEdens’empresse

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d’intervenir.Soncorpstenduparlarageseplacederrièrelecanapédemanièreàme cacher du regard malsain de mon agresseur. Contre toute attente, les irissombres et inquietsd’Arno s’ancrentdans lesmiens et il parvient àm’apaiseravantquelapaniquenemesubmerge.

—Tusaisparfaitementqu’ellen’apasditçadanscesens-là.

Jen’aijamaisentenduEdens’exprimerdecettefaçon.Sesparolessontaussiduresetfroidesquedelaglace.

—Biensûrquejelesais.Elletientbientropàtatêteetàcelledesonfrèrepourça.

Jefermelesyeuxuneseconde.

—Putainde…commenceEdensuruntonbienplusmenaçant.

—Etsit’allaispasvoirailleurssionyétait,heinJordan?lâchesèchementArnoentresesdents.

Mes oreilles bourdonnent tellement que je n’entends pas ce que répondl’intéressé. Je le distingue simplement esquisser un rictus mauvais alors qu’ildisparaîtparlaportequ’ontempruntéeWilletThibquelquessecondesplustôt.Jenerecommenceàrespirerquelorsqu’ils’effacecomplètementdemonchampde vision et je me rends soudain compte que mon corps est secoué detremblements.Laterreurremplacelesangdansmesveinesetpendantuninstant,jemedemandepourquoijesuisentraindem’infligerça,pourquoijemeforceàresterdanslamêmepiècequemesagresseurs,pourquoijemefaisautantdemal.

—Kate…

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En entendant la voix brisée d’Eden, je me souviens brusquement. Je mesouviensquec’estpourluiquej’aidécidédevenir,quec’estparcequ’ilestmêléàleursconneriesquejesuisentraind’affronter l’undemespirescauchemars,que jesens lanoirceurrevenirdansmoncœur,que lemonstreseréveilledansmoncrâne.Jecroisesonregarduneseconde,pasunedeplus—ilnefautpas.Sijem’yattardaisencoreunefois,jerisqueraisdeluireprocherlacrisequejesensmonterenmoi.Etjeneveuxpasluienvouloirderanimerquelquechosedontj’aimistantdemoisàmedéfaireparcequec’étaitmadécision,c’estmoiquiaiinsistépourvenir.

Ilnedoitpasvoirquejedoute.S’ilcomprenaitàquelpoint lesuivredanscettegalèremefaitdumaletmeterrorise,ils’envoudraittropetjerefusequ’ilculpabiliseplusqu’ilnelefaitdéjà.Jesuisplusfortequemesangoisses.Jeseraiplusfortequemesincertitudes.Jeveuxl’êtrepourluietpournous.

Ilfautsimplementquejeparvienneàmereconcentrer.

—Tudevraispeut-êtreallerfaireuntouraussi,Eden.

Je fais mine de fouiller dans la pochette remplie de compresses que m’atendue Arno quand ce dernier s’adresse à son meilleur ami. Je n’ose pasredresserlatêteparcequejesaisqu’Edenfouilleraitmesyeuxpoursavoirsijeleveuxréellementhorsdecettepièceounon.Pourtant,ceseraitplussimplesij’affrontaissonregard : ilcomprendraitaussitôtqueoui, j’aibesoinqu’ilsorted’ici.Jeseraisincapabledemereprendres’ilrestelà,couvertdesang,àmefixerderrière le canapé. J’ai besoin qu’ilme laisse de l’espace, qu’ilme laisse toutdoucementmeremettredemesémotions.Ceseraitplussimple,certes,maisçaleblesseraitencoreplusetcen’estpasenvisageable.

Jenelevoispaspartir,maisjesensàl’atmosphères’allégeantbrusquementqu’ilaquittélapièce.Unlégersoupirm’échappe,mesépaulesserelâchentunpeuetjem’accordeencorequelquessecondespourreprendrecontenance.

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—Merci,soufflé-jeàl’intentiond’Arnotoutententantdemereconcentrersurmatâche.

Jeneleregardepasetilnerépondpas,maisjesaisqu’ilcomprend.

—Tuastoujoursentêtedem’aider ?

J’acquiesceenrepoussantdéfinitivementmonangoisse.Tantquejesuis là,autantserviràquelquechose.Pourlesétatsd’âme,onverraplustard.

—OK.Alorsj’aibesoinqueturetireslaballepourcommencer.

Mêlant legesteà laparole,Arnome tendunepinceàépilerqu’ilvientdedésinfecteravecunecompressepropre.

—Etsijetefaismal ?

—Tupeuxyaller,j’aipriscequ’ilfaut.

Jesuissonregardquim’indiqueunebouteilledewhiskyàmoitiévideposéeauboutducanapé.

—Situinsistes,memoqué-jeenmepenchantsursablessure.

Jemesensétrangementàl’aiseaveclui,cequiestplutôtbienvenuvucequejem’apprêteàluifaire.

—Tiens,frottetesmainslà-dedansd’abord.Jenesaispasoùtutraînesetjenetiensvraimentpasàchopperletétanos.

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Jerouledesyeuxenattrapantlaserviettequ’ilmedésigne.

—Là,t’escontent ?

—Très !Maintenant,sors-moiceboutdemétaldubide.

Jem’emparedelapinceetmepenchesursaplaie.Ilsecrispelégèrementetaussitôtjemeremetsàhésiter.Ilatoutdemêmeperdubeaucoupdesang,sansparlerdeceluiquicontinueàs’écoulerdesablessureàchaquefoisqu’ilremueunpeutrop.Jesaisqu’ilsnepeuventpassepermettredel’emmeneràl’hôpital,maisjenepeuxpasm’empêcherdem’inquiétermalgrémoi.

—Comment peux-tu rester aussi serein ? Tu as une balle dans le ventre,Arno.

Ilme sertun sourire encoin. Je crois comprendrepourquoiEden s’entendaussibienaveclui.

—Teferais-tudusoucipourmoi,chérie ?

—Jetedéconseilledem’appeler« chérie »unedeuxièmefois.

Agacée,jeplongelapincedanslablessureetlejeunehommeperdaussitôtsonairamusé.Ilgrogne,maisj’ignoresaplainteenbeauté.

—Putain,Edenauraitpeut-êtrepasfaitpire,enfait…marmonne-t-ilentresesdents.

—Ferme-lasituneveuxpasquejet’embrocheunorganeparinadvertance,leréprimandé-je,concentrée.

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Mesdoigtssontrapidementcouvertsdesanget j’essaiedenepaspenseràEdenet à l’étatdans lequel je l’aivu rentrer toutà l’heure. J’essaiedenepaspenserauxcoupsdefeuque j’aientendusau téléphone lorsque jeparlaisavecClaraetdenepasimaginerunedecesballesplongéesdanssoncorpsàlui.Jenepeuxpasypenser.J’enmourrais.

—Jecroisque…je…

Jelâcheundemi-cridevictoireenressortantlemorceaudemétaldelapeaud’Arnotandisqu’ilenlaisseéchapperundedouleur.

—T’es une brute, se plaint-il tout en plaquant une compresse imbibée dedésinfectantsursaplaiequis’estremiseàsaigner.

—Nemeremerciesurtoutpas !

—Jeteremercieraiquandtuaurasfinitonjob.Dis-moi,tuesdouéepourlacouture ?

Leblessémetendunepochette.Enl’ouvrant,jedécouvreplusieursaiguillesdetaillesdifférentesainsiquedufil.Avantquejenepuissetropm’interrogeroucéder à la panique, Arno me donne une série d’instructions que je m’efforced’enregistrer.Jem’attelleàsortirlefil,àentirerlescentimètresnécessaires,delecouperavecapplication,delenouercorrectementàl’aiguille.Arnosefaitlui-mêmelespremierspointsetjesuisstupéfaiteparsadextérité.

—Comment se fait-il que tu en saches autant ? finis-je par lui demanderalorsqu’ilme laisse reprendre les rênes et que je commence àpiquer sapeauavecapplication.

Lasensationdel’aiguilletransperçantsachairestétrangeetjedoiscontrôler

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unpeumarespirationpouréviteràmatêtedetourner.

—J’étaisétudiantenmédecineilyaquelquesannées.

L’odeurdusangcommenceàmedérangeretjesuissoulagéequ’ilaitdécidéderépondreàmaquestion.Aumoins,ilmechangeunpeulesidées.Cependant,sa réponseme fait froncer les sourcils.Arnoa faitmédecine ?Maisalors,quefait-ildanscetteminusculemaisonetpourquoidiablea-t-ildécidédeparticiperauxbraquages ?Unmédecingagnecorrectementsavie,non ?

—Tuesmédecin ?

—Non.Jenesuispasarrivéauboutdemesétudes.

Jemefigeenscrutantsonvisagesoudainfermé.Uneombreglissedanssesyeux sombres et je peux lire tellementde regrets sur ses traits que toutesmesinterrogationssecoincentdansmagorge.

Jeme souviensdecequ’Edenm’a raconté au sujetde ses amis le jouroùnousnoussommesarrêtéssurleborddel’autoroute,lejouroùilm’afinalementavoué toute lavéritéconcernant lesbraquagesetnotre relation.Jemerappellel’entendre me dire qu’ils avaient tous un passé compliqué ; une histoire qui,comme pour lui, ne leur avait pas permis de refuser la proposition de Jordanlorsqu’elles’étaitprésentée.

Etbrusquementjemedemandecequ’ilsontdûtraverserpourenarriverlà,jemedemandecequ’Arno,WilletThibontdûvivrepouravoiràtombersibas,pour devoir plonger dans l’illégalité comme Eden l’a fait pour subvenir auxbesoins de sa famille. Brusquement, je suis curieuse. Brusquement, je veuxsavoir.Jeveuxtoutsavoir.Jeveuxcomprendre.

—C’étaittoicejour-là,pasvrai ?

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Jecontinueàm’appliquersurmatâchebienquejesentedésormaisleregarddu blessé surmoi. Je devine au changement dans sa posture qu’il est un peudésarçonnéparmaquestion.

—Queljour ?

—Lejouroùvousavezbraquélemagasindanslequeljetravaille.C’esttoiquimontaislagardederrièreJordan,n’est-cepas ?

Ledétaillantdeplusprèsdepuistoutàl’heure,celam’estapparucommeuneévidence. Jeme suis souvenuede la formede ses épaules, de la formede sespoingsfermés,de l’éclatnoisettedansses irisbruns.Jesaisquec’était lui.Çam’étonnedeconstaterquejen’éprouvepasplusderancœurquecela.

—Ouais…C’étaitmoi.Je…jesuisdésolépourcequiestarrivé,je…

Ilmarqueunepausependantlaquellejel’entendsreprendresonsoufflealorsquejepiqueuneénièmefoissapeaudéchirée.

—Jenecomprendsmêmepaspourquoitueslà.Jenecomprendsmêmepaspourquoitum’aides.

Jemefigeenrencontrantsonregard.Arnomesondeavecintensité,commes’il cherchait àmedéchiffrer. J’aimerais bien lui dire quemoi nonplus, je necomprendspas ;quemoinonplus, jenesaispascequejefouslà.Maisceneseraitpaslavérité.Parcequejesaispourquoijelefais,jesaispourquoijesuisici,jesaispourquoijesuisentrainderecoudrelecorpsd’unhommequin’apasdaignébougerlepetitdoigtpourmevenirenaidelorsqueJordanm’aagresséedanscesupermarché.

—C’estpourEdenquejelefais.

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Lesmotssortentenbrûlantmeslèvres.Ilstranspercentl’airautourdenous,ils sont tranchants, immuables, irrévocables. Je pourrais faire n’importe quoipourEden.Jeseraisprêteàvendremonâmeaudiablesicelasignifiaitsauverlasienne. Cela devrait m’effrayer, mais non. Au contraire, ce sentiment de luiappartenirunpeupluschaquejourmefascine.

— Je suis désolé de l’avoir embarqué dans cette histoire de nouveau. Ilm’avait dit qu’il ne voulait plus en entendre parler, il m’avait dit qu’il necomptaitplusjamaisyprendrepartetj’aiditàThibdenepasl’appeler,mais…Jesuisdésolédel’avoirmêléàça.

Je soupire. Je ne sais pas quoi lui répondre. Je ne saismême pas si c’estvéritablementàluiquej’enveux.Toutcequejesensrésonnerdansmoncœurencemoment,c’est ladouleurque j’ai ressentiequandEdenestparti. Jesenscette peur sourde continuer à faire tremblermes os et j’ai toujours ce goût decolère et d’impuissance dans la bouche. Il n’avait pas le droit dememettre àl’écartcommeill’afait.Iln’avaitpasledroitdesecouperdemoi.

—Ilestamoureuxdetoi.

Jetressaillelégèrement, l’aiguilleauxrefletsécarlatesglissantunpeuentremesdoigts.

—Jesuisaucourant,merci.

Jenesaispaspourquoijesuisautantsurladéfensive.Jecroisquejen’aipastrèsenviedeparlerd’EdenavecArnoetencoremoinsdepenserauchaosdanslequel se trouve mon couple en ce moment. Je sais qu’Eden m’aime. Maisparfois,j’ail’impressionquecelanesuffirapasànoussortirdecettegalère.

—Non,tunecomprendspas.JeconnaisEdendepuissixansetpendanttout

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ce temps, je ne l’ai jamais vu aimer qui que ce soit d’autre que sa mère etMégane. Il n’a jamais été du genre à aimer. Il n’a jamais été du genre às’autoriseràlefaire.Maisilachangédepuisqu’ilt’arencontré.Tuluiasdonnéenviededevenirmeilleuretputain,jenesaispascommenttufaisça,maisquoiqu’ilarrive,n’arrêtepas.Nelelaissepasreplongerdanstoutça.

Jedoismebattrepourinspireretpourcontenirmeslarmes.Jedoismebattrepournepaséclaterensanglotsetm’éparpillerenmiettessurlesol.

—Je…jenesaispascomment leprotégerde toutça…Lapolice,Jordan,c’est…

Mon soufflemeurt surmes lèvres et soudain, jeme sens retomberdans legouffredetoutàl’heure.J’aipeur.J’aiincroyablementpeur.

Carplus je tentede tirerEdendans la lumière, plus j’ai le sentimentqu’ils’enfoncedansl’obscurité.

Jenesaispascomment le libérerdesonpassé,decettemenace.Jenesaispascommentlesauver.Etçametue.

—Ne…

Arnos’interrompt.Ilétaitsurlepointdemerépondreetmoidecouperlefildesespointsdesuturemaisnousavons tous lesdeuxétédéconcentrésparunchangementd’ambiancedanslapièced’àcôté.

—Jecroisquej’aidûmalentendrecequetuviensdedire,Williams.

—Etmoi,jecroisquetum’asparfaitemententendu !

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Je fronce les sourcils, inquiète d’entendre tant d’animosité entre Eden etJordan. Arno n’a pas l’air ravi non plus. Alors qu’il essaie de se relever engrimaçant,jem’empressedeleforceràrestersagementassisdanslecanapé.Ilabesoinderepos.Ilal’airépuiséetilestpâlecommeunmort.

—Tu crois pas que ça suffit, bordel ?!T’as pas l’impression que c’est entraindedégénérer ?!

JesursauteenentendantEdenhurlermaisjem’interdisdelerejoindre.Jeneveux pasmemêler de leurs histoires et je suis à peu près certaine qu’il ne levoudraitpasnonplus.Sansparlerdufaitquejen’aiabsolumentpasenviedemeretrouverdanslamêmepiècequeJordan.

— Tu as un endroit où je peux mettre toutes ces serviettes ? interrogé-jeArnopourmeconcentrersurautrechosequelatensionquirègnebrusquementdanscettemaison.

—Yalasalledebainjustelàmaistun’espasobligéede…

Je bondis sur mes pieds et m’empresse de disparaître par la porte qu’ilm’indiquetoutenignorantdenouveauxcris.Jerefermelaportedupiedaprèsavoirappuyésurl’interrupteuretjem’écroulecontrelebattant.

J’ai justebesoind’une seconde.D’une seulepetite secondepour reprendremonsouffle.

Je repère un bac à linge sale juste à côté de laminuscule baignoire etmedébarrasserapidementdesmorceauxde tissusouillésderouge.Mont-shirtestrecouvert de sang lui aussi, de la même façon que mes mains et que mespoignets.Enm’attardantquelquesminutesdevant lepetitmiroirsuspenduà laporte, je remarque que j’ai le teint plus blême que d’habitude moi aussi, lechignonnouésurmoncrânelaisseéchapperdenombreusesmèchesrebellesetmesyeuxsontéteintsetrougisparlafatigue.J’espèrequemaintenantqu’Arno

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estsoignéetensécurité,Edenaccepteraderentrer.Jen’aijamaiseuautantenviedemeperdredans le refugequem’offrent toujours sesbras. Jen’ai jamaiseuautantenviede l’éloignerd’unendroitpour l’enfermerdansunautreoù iln’yauraitqueluietmoi.

En sortant de la salle de bain, je me fige instantanément. L’ensemble desgarçonsaréinvestilesalon.UnedisputeaéclatéentreJordanetEdenetjevoisWill etThib tentermaladroitement de les tenir éloignés l’unde l’autre. Jemereprendsrapidementenremarquantque,surlecanapé,Arnosedébatavecunecompressequ’iltentedepositionnerpar-dessussablessure.Jevoisbienqu’ilaluiaussienvied’intervenir.Maisvusonétat,c’estclairementàéviter.

Jem’avancedanslapiècejusqu’àretrouvermaplaceaubordducanapé.

—T’esqu’unputaindesalopard !T’enas rienà foutredes risquesque tuleurfaisdeplusenplusprendre !

Jedonneuncoupdemainaublesséenessayantd’ignorerlaragequejesensémanerducorpsd’Edenàquelquespasdenous.

—Etsitutemêlaisdetoncul,Williams ?T’asplusrienàdiredepuisquet’as lâché la bande et tu sais parfaitement ce qui va se passer si tu ouvres tagueuledevantlesflics.

J’ailanausée.Jeneveuxpasentendreça.Jeneveuxpasêtrelà.

—Bordel,lesmecs,calmez-vousunpeu !grogneArnotandisquejecollelederniercoindupansementsursapeau.

Saufquelesdeuxintéressésneluiprêtentpaslamoindreattention.

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—Etsi j’enavaisplusrienàfoutre,heinJordan ?Sij’enavaisplusrienàbattredetesputainsdemenaceàdeuxballesetquej’avaisquandmêmeenvied’ouvrirmaputaindegueule ?

Je regardemesmains. Je commence à comptermes doigts. 1. Respire. 2.Respire.3…

—Eden,monpote,calme…tentedeleraisonnerWillenlesaisissantparlesépaules.

Je pourrais peut-être aller nettoyer lematériel que j’ai utilisé pour soignerArnodanslasalledebain.Attendrequel’oragepasse.Disparaîtredanslesiphondelabaignoire.Oublierjustel’espaced’uninstantquejesuisici.

—Çapartcomplètementenvrilleettuesleseulànepaslevoirparcequet’esqu’unfoutumalade !T’attendsquoiaujuste ?Qu’undenousyreste ?Tuasenviedebuterquelqu’und’autreavectesconneries,c’estça ?Saufqu’aucundenous ne le veut et j’en ai marre d’être le putain de complice de ta foliemeurtrière,tupiges ?!J’enaifiniavectoutça !C’étaitladernièrefoisquetulesembarquais là-dedans,merde ! Et si ça signifie qu’on doit tous finir en taule,alorsonfiniraentaule,unpointc’esttout.

Jen’aipasassezdedoigtspourcompter.Jen’arriveplusàrespirer.

—Donctuvasallerparlerauxflics ?T’enesvraimentsûr ?

Jen’avaispasréaliséqueJordansetrouvaitaussiprèsdemoi.

Etcequejen’aipasremarquénonplus,c’estl’armeglisséesoussaceinture.

JecroisquejelâcheuncriquandJordansedéfaitdel’emprisedeThibpour

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seprécipitersurmoietqu’ilrefermesesdoigtsdansmescheveuxavantdemetirersèchementversl’arrière.

Jedistingue l’horreurdans lesyeuxd’Arnolorsqu’ilseredressed’unbondsurlecanapé.Jedevinel’inquiétudedanslesregardsdeWilletThibalorsqu’ilstanguent d’unpied sur l’autre aumilieude la pièce, ne sachant pas quoi fairepourmevenir enaide. Jeperçois la terreur sur les traitsd’Edenquand Jordanpresse le canon de son arme contre ma gorge, son souffle contre ma joueranimantdessouvenirsquej’auraispréféréoublierdéfinitivement.

Je ferme les yeux, mes mains ensanglantées levées vainement vers leplafond. Mon cœur cherche désespérément à s’échapper de ma poitrine, leslarmesdévalententorrentsurmesjoues.Jesuiscettepauvreproiecoincéeentrelespattesgigantesquesdesonpireprédateur.

Jevaisvomir.Oum’évanouir.Oumourir.

Jen’arrivepasàmesortirdelatêtequejevaismourir.

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Jen’arrivepasàrespirer.

Une main est plongée dans ma poitrine et elle écrase durement mespoumons,lesempêchantdesegonfleràunrythmerégulier.

Jetremblecommeunefeuille,commesij’étaisgelée,plongéedansunbainglacé,emprisonnéesouslabanquise.

Etjesenssonsoufflesurmanuque,encoreetencore.Jesenssesdoigtsdansmescheveux, lepincementqu’ilsprovoquentsurmoncrâne. Jesensson torsepressécontremondosetseslèvresprèsdemonoreille.

Jefermelesyeuxpourtenterd’échapperàcecauchemar.Saufquelefroidducanonappuyésurmagorgem’empêchedefuir.

JenepeuxpasfuirJordan.Niluinisaviolence.

—Lâche-la,Jordan,je…Putain.S’ilteplaît,ne…

—Parce quemaintenant tume supplies,Williams ?C’est drôle comme ilsuffitdesipeupourtecalmer.

Ilestmalade.Cetypeesttoutsimplementmalade.

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—Jordan,déconnepasmec,laisse-latranquille,intervientArno.

Mon agresseur resserre sa poigne et il fait pivoter sans ménagement monvisageunpeuplusverslesien.Jepeineàretenirunsanglot.Àmoinsqu’ilnem’ait échappé. Je ne sais pas. Je crois qu’on a planté unmillier de poignardsdansmontorse.

—Quiparlededéconner ?JetentesimplementdefairecomprendreàEdenqu’ilyadeschosesqu’ildevraitéviterdemedires’ilneveutpasquesajoliecopinefinisseavecuntroudanslatête.

Jemenoiepratiquementdansmeslarmes.

—Putaindemerde,jetejurequejevaistetuer !

—Eden,non !

Jordan semarre alorsque jedevinequ’undes amisd’Eden s’est interposépouréviterqu’ilnefassequelquechosequ’ilpourraitregretter.J’aibeausavoirqueçaneferaitqu’envenimerlasituationetquec’estmêmeluiquirisqueraitdeprendreuneballeperdue,jeveuxsesbras.Jeveuxsoncorps.Jeveuxtoutdeluienroulé étroitement autour demoi. Je veuxde cette sécurité que je ne ressensquelorsqu’ilmeserrecontrelui.

—T’endisquoitoi,Katelyn ?Tupréfèresquejetecolleuneballeouqu’ilenprenneune ?

J’imagine le sang. Le sang partout sur la poitrine d’Eden et je pleuredavantage.EtjememetsàsupplierJordanmoiaussi,saufquetoutcequisortdema bouche n’est qu’un murmure, un gémissement incompréhensible etincontrôlable.Jesuisundésastre.Undésastreauborddelacrisedenerfs.

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—Qu’est-cequetudis,beauté ?Cen’estpastrèsclair.

—Ne…nele…touchepas.

Sonricanementdéclencheun frissonde terreur tout le longdemacolonnevertébrale.Cethommemeterrifie.

—Vousêtestellementpathétiques.

Jordan me repousse soudain violemment et incapable de trouver monéquilibre, je m’effondre sur le sol. Mes genoux et mes poignets craquentdurementlorsquejem’écrasesurlelinomaisjen’aipasletempsdem’attardersurcettedouleur:elleesttrèsviteeffacéeparladouceurdesdoigtsd’Edensurmesjouestrempées,lachaleurdesespaumesdansmoncou,lapuissancedesesbrasentourantmesépaules,mondos,meshanches.J’enfouismonvisagedanssonépauleenessayantdemerappelercommentfairepourrespirer,maisl’échecestcuisant.J’ail’impressiond’étouffer.

—Kate…Bébé…Bordel,je…jesuisdésolé…

Ses chuchotementsme parviennent d’une autre dimension, c’est comme sij’avaislatêteplongéeàdesmilliersdekilomètressousl’eau.Jen’arrivepasàbougerpour l’enlaceràmon tour, jen’arrivepasàémettre lemoindresonquipourrait fairedisparaître l’angoisseque je sens émanerde sapeau. Jen’arrivemêmepas à cligner desyeux, seules les larmes roulent et roulent toujours surmonvisage.

— Tu piges maintenant, Williams ? Ne joue pas à ça avec moi. Je saisparfaitementcequetuaspeurdeperdreetjemeferaiunplaisirdeteleprendreàlapremièreoccasion.

Tous les muscles d’Eden se contractent brutalement autour de moi et je

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refermemesphalangesdanssont-shirtdésormaisécarlate.Jeneveuxpasqu’ilréplique et ainsi provoquer encore plus Jordan en sachant qu’il a toujours ledoigtsurlagâchette.Jeveuxjustequecelasetermine.

—Dégage d’ici, Jordan.Sors de chezmoi tout de suite, ditArno, la voixdébordantedecolère.

—Commetuvoudrasmonvieux.Àlaprochaine.

Je m’attendais à ce que le soulagement me frappe lorsque j’entendrais laporte claquer derrière lui sauf qu’il ne vient pas. Je ne me calme pas. Aucontraire,çanefaitqu’empirer.

—Kate,est-ceque…

Eden cherche de nouveau mon visage de ses mains, mais je sursaute enm’écartant. Une tempête gronde dans mon crâne ; je n’arrive pas à medébarrasserdemapeur.

— Tu devrais la ramener, Eden. Ramène-la chez toi. On va s’occuperd’Arno,OK ?intervientWillaprèscequimesembleuneéternité.

—Ouais,onvagérer.Toutvabiensepasserici,confirmeThib.

— Je t’appelle demain, mec. Je suis quasi comme neuf. Emmène-la loind’ici,elle…

Je n’entends plus rien. Il n’y a plus que ce bourdonnement incessant dansmestympans,commesiuneabeilleétaitcoincéeàl’intérieurdematête.Jecroisqu’onmeparle,maisjenecomprendspascequ’onmedit.Jesensdesbrasmesoulever du sol et je sais qu’il s’agit d’Eden parce que son odeur emplitmes

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narines.Jesuisparalysée,probablementenétatdechoc,et jenefaisrienpourmeressaisir.Toutcequiviendraaprès:laprisedeconscience,lessouvenirs,letrauma,toutça,jesaisqueceserapire.

Eden est inquiet, je ressens son angoisse comme si c’était lamienne alorsqu’il conduit pour nous ramener. Parfois mes yeux s’attardent sur ses doigtscouverts de rouge avant de revenir détailler lesmiens, toujours tremblants surmes cuisses. Je sens cette brèche dans mon cœur se rouvrir, je sens cettesensationépouvantableremonter le longdemesmembres,s’insinuerdansmesveines, je sens lapaniqueet lechaosqu’elle laissederrièreelle.Et jenepeuxtoujours pas respirer. Mes inspirations sont tellement laborieuses que jecommenceàavoirmaldanslapoitrine.

Lavoitures’arrêteencrissantsurlesgraviers.Edensortprécipitammentetjel’imiteavantqu’iln’aiteuletempsdefaireletourdel’auto.Lanuitesttombée.Sesyeuxsombresrencontrentlesmiensetjenesaispascequ’ilyvoit,maisils’arrêteuneseconde.Ilmedétailleavecattentionetplusillefait,plussestraitssecrispent,plusjelevoissouffrir,plusjelevoisculpabiliser.

—Kate…

Maisjenepeuxpasl’écoutermaintenant.Jenepeuxpasmeperdredanssadouleurmaintenant. J’ai d’abordbesoind’échapper à lamienne et, surtout, demedébarrasserdetoutcesang.

Une foisà l’intérieur, jem’engagedans l’escalier.Lemonde tourneautourdemoi,jetitubeunpeuetlesmainsd’Edenviennentsoutenirmescoudespouréviterquejenetombe.Soncontactmebrûle,jeneveuxpasqu’ilmetouche.Ilfautd’abordquejemedéfassedetoutcequis’estpasséaujourd’hui,ilfautquejemelavedecequivientd’arriver.

—Lâ…lâche-moi…Ne…Laisse-moi…

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J’ail’impressionqu’ilsebriseàlasecondeoùilobéit.

Jepositionnelavalvedeladouchesurl’eaufroideavantdemeglissertouthabillée à l’intérieur.Mesvêtements pèsent bientôt une tonne et jememets àtremblerencoreplusviolemment,maiscen’estpassuffisant:mêmelamorsuredufroidnefaitpasdisparaîtrel’empreintegeléesurmagorge.Jesenstoujoursl’armedeJordancontremapeau.Etsesdoigtsdansmescheveux.Etsonsouffledansmanuque.Etjesuffoque.Encoreetencore.

Jen’avaispasencoreréaliséàquelpointlamenacedeJordanétaitréelle,àquel pointEden était toujours autant lié à cette histoire et à quel point il étaitimpossiblequ’ils’endéfassecomplètement.Surtout,jen’avaispasréaliséàquelpoint la situation était grave. Et maintenant que je le comprends, j’ail’impressiondemeperdredansunlabyrinthedepeur.

Le sol de la douche estmaintenant complètement teinté de pourpre. L’eauefface le sang sur mes mains, le faisant glisser jusqu’au bout de mes doigtsjusqu’à ce qu’il s’écrase en unmillier de gouttes à mes pieds. Une odeur derouille m’emplit les narines tandis que je m’affale contre le carrelage en meprenantlevisageàdeuxmains.Jem’écroulealorsdansl’eauécarlateenéclatanten sanglots. Et ça revient. Cela revient aussi facilement que c’était parti. Lesentimentd’impuissance,lesentimentdepeur,lesentimentdefaiblesse.L’enviequecesoitmonsangsurlesoldecettedoucheetceluidepersonned’autre.

Jenemesuisjamaisautanthaïederessentirça.

—Eden…

Je commence par un murmure, à peine audible. Mes poings se serrent etviennentsepressersurmespaupières.Ilfaitsinoirenmoi,sisombre.Saufquejerefusedeperdrececombat.Jenepeuxpluslelaissermevaincre.

—Eden.

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Forcermagorgeàémettreunsonmefaitmal.Maisj’aibesoindelui.Jen’aijamaiseuautantbesoindeluiqu’encetinstant.

—Eden !

Jenesaismêmepaspourquoijenel’aipaslaissémesuivreenpremierlieu.Pourquoimesuis-jeobstinéeàlerepousseralorsquemadétresseprovientdelaseuleidéedeleperdre ?

—Ed…

Laportecraquesursesgondsquandlegarçonquej’appelaisdésespérémententreprécipitammentdanslasalledebain.Àtraverslavitredeladouche,jelevoismechercherduregard,uneintenselueurdepaniqueanimantl’acierdesesyeux. Quand il me voit roulée en boule dans la cabine, les deux poingsfermementserrésl’uncontrel’autre,lepeud’assurancequ’ilsedonnaitencorejusqu’ici finit de se craqueler et il ne reste bientôt rien d’autre qu’un infinichagrinsursestraits.Desremordsetlepoidsdumondesursesépaules.

—Merde,Kate !L’eauestgelée,qu’est-ce…

Ilaàpeineletempsdetournerlerobinetdansl’autresensquejel’appelleencoreunefois,lavoixcomplètementbriséecettefois.Iltombeàgenouxdevantmoietmesmainscommencentaussitôtleurtravail,àpeinechambouléesparlechangement radical de température. Mes doigts s’accrochent à son t-shirt,palpantfrénétiquementsonabdomen.Jegémisencomprenantque toutpartdelà, que la terreur sourde à l’origine des prémisses de ma crise vient de cettevisiond’Edenensang,decescoupsdefeuautéléphone,decesquatreheuresdesilenceradioetdesmotscruelsqueJordanaglissésàmonoreille.L’idéedeleperdre,l’idéequ’onluifassedumal,l’idéedelevoirblessé,toutçamedonneenviedemefoutreenl’air.

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Jemedébatsavecmonsouffletandisquej’inspecteencoresonventre.Mespaumessontrougesdenouveauàforcedefrottersonvêtementetjeneparvienspasàmecalmer,persuadéequ’ilaprisuneballedanscettefusillade,persuadéequ’ilvabientôtseviderdesonsangdevantmoietquejenepourraiabsolumentrien faire pour l’empêcher.Comment pourrais-je le protéger de ça ?Commentpourrais-jeleteniréloignéd’untelchaos ?

—Bébé…Bébé,çava.Toutvabien.

Jel’entends,maisjenelecroispas.Commemesmainsrefusentdes’arrêter,Edenfinitparpassersont-shirtpar-dessussatêteet jetressaillelégèrementenmeconfrontantà lapeauimmaculéedesonventre.Iln’yarien.Rien,exceptémesdoigtspassanttoujoursenrevuesonépiderme.

—Toutvabien,Katelyn.Jen’airien.Jevaisbien,s’ilteplaît…S’ilteplaîtbébé,calme-toi.

Je crois que j’inhale l’équivalent d’une vie d’oxygène lorsque mes yeuxretrouventleréconfortdessiens.

—J’aicruque…Il…ilauraitpu…soufflé-je.

Les mots se mélangent dans ma bouche. Je n’arrive pas à m’exprimerclairement.

—Je…J’aieu…tellementpeur…J’aieusipeur…

—Kate…

Mesdoigtss’accrochentàses joues,àsabarbe,avantde remonterdanssanuque.Ilm’enlaceetjemeblottiscontresoncorpssansperdreuneseconde,les

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sanglotssecouanttoujoursmapoitrine.

—Respire.Respire,monamour,merépèteEdenencoreetencore.

Etjel’écoute.Jemecalesursesinspirations,jelesuisàchaqueexpiration.Sesbras,étroitement referméssurmeshanches,chassentpeuàpeu l’obscuritéqui m’engloutit et je parviens doucement à refaire surface, à me sortir de lapanique quim’étreignait, à repousser la terreur quime paralysait. Il embrassedoucementchaqueparcelledemonvisage.Leplientremessourcils,lecoindemes paupières humides, mes joues, ma mâchoire, mes lèvres, mon cou etfinalementmagorge.IlposesabouchelàoùJordanavaitposésonarmeetc’estcomme s’il effaçait ce souvenir imprimé sur ma peau. Et simplement, justecommeça,lemonderecommenceàtourneràl’endroit.

—Enlèveça.

Réchauffée, lesmembres enfin apaisés, jemedétachede son torse et je lelaissemedébarrasserdemondébardeurtouttâché.Jemesensépuisée,éreintée,mais je n’arrive pas à arrêter de le contempler.Nos doigts se lient sous le jetbrûlant. Eden laisse tomber un filet de savon sur mes mains et il s’attelle àchasser lesangséchésousmesongles.Quand ila terminé, je frottesesavant-brasàmontouretbientôtilneresteplusaucunepreuvequecettesoiréeabienexistésurnoscorps.

C’estdommagequecenesoitpasaussisimplepourlecœur.C’estdommagequejenepuissepaseffacerlerestedenosstigmatesd’unsimplecoupdesavon.

Ensortantdeladouche,Edenm’enrouledansuneserviettepropreet ilmefrictionne avec douceur. La peur et la pression étant retombées, je suisrapidement terrassée par la fatigue. Mes paupières pèsent lourd et je suisbrusquement incapablede tenir surmes jambes. Jecroisque jem’endorsdanssesbrasavantmêmequenousn’atteignionssachambre.

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Pourmeréveillerensursautquelquesheuresplustard.

Je me débats quelques secondes dans les draps, ne sachant pas où je metrouve, toujours emprisonnée parmon cauchemar. J’émerge en suffoquant, lespoumons brûlants, des éclats rouge sang accrochés à mes rétines, un cri deterreurcoincédanslagorge.

Jedétesteça.Quandnotreinconscients’amuseànousfaireréaliserquenousn’échapponsjamaisvraimentànospeurs.

—Hé…

Unevoixenrouéepar lesommeil,deuxmainsserefermantsurmonventredansl’obscurité.

—Eden…

—Jesuislà.

Je me retourne entre ses bras, cherchant son visage de mes paumes. Ilsoupirequandmesdoigtstrouventsesjouesrêches,quandmeslèvresfrôlentlessiennes,quandmonfrontsecollecontrelesien.Ilmetiredavantagecontrelui,ses mains s’aventurant sur mes reins. Nos cœurs battent trop vite l’un avecl’autre.

—Cen’étaitqu’unrêve,bébé.Toutvabien,chuchote-t-il.

Etlevoilàentraindeliremonâmedenouveau.Jesuiscommeunlivrepourlui.Unlivrequ’ilareludescentainesdefoisetdontilconnaîtchaquephraseetchaquemot.

Page 38: Auteure : Julie Bradferekladata.com/JrqVTW_SvQt66_QEe2CQv28Fe2o/FM2.pdfgrisâtre lui aussi comme s’il était sur le point de tourner de l’œil. La mine décontenancée qu’il

Maiscertainspassagesluiéchappentparfoisencore.Ceuxàdéchiffrerentreles lignes.Ceuxque jecontinuede luidévoilerchaque jourunpeuplusparcequenousnoussommespromisdeneplusjamaisnousmentir.

—Jenepeuxpasteperdre,murmuré-je.

Edenfermelesyeux,sonsouffleesttremblantsurmabouche.

—Bébé,ce…

— Je ne peux pas. Je ne peux pas te perdre, Eden. Et ce… ça aurait puarriveraujourd’hui.Çaauraitpuarriversifacilement,c’est…

Ma voix flanche, ma poitrine se crispe et la détresse revient obstruer magorge.

—Tunepeuxplusfaireça.Je…jesaisàquelpoint tu tiensàeux,àquelpointtutefaisdusoucipoureuxmaisjet’enprie,tu…tunepeuxpasmefairevivreçaunesecondefois…Tuauraisputefaire tuercettenuitetJordan, il…c’est…c’esttrop…Eden,c’esttrop.Jet’aimetrop.Jet’aimebeaucouptrop…Tuesl’amourdemavieetje…jenepeuxpasteperdre.J’aibesoindetesavoirloindetoutça,j’aibesoindetesavoirensécuritéetparpitié,j’aibesoinquetuarrêtesdedirequetun’enasrienàfairedefinirenprisonparcequeçametue.Je…Onvatrouverunesolution,jesaisqu’onlepeutmaisjen’yarriveraipastoute seule… Je t’en supplie, on en a déjà parlé, je… j’ai besoin de toi, j’aibesoindetoiavecmoi.

Edensetendentremesbras,sesmainssefermentenpoingsdansmondos,samâchoiresecontractesousmesdoigts.Ilneditrien.Ilneditpasunmotetjevoudraisqu’ilparleparcequejelesensretenirtantdechosesenluidepuisquenous sommes rentrés. Tant de choses qui le rongent depuis des jours, dessemaines, mais qu’il ne veut pas me partager. Tant de choses qui continuentdésespérémentàcreuserunfosséentrenous.

Page 39: Auteure : Julie Bradferekladata.com/JrqVTW_SvQt66_QEe2CQv28Fe2o/FM2.pdfgrisâtre lui aussi comme s’il était sur le point de tourner de l’œil. La mine décontenancée qu’il

Je pensais que le plus difficile serait de revenir auprès de lui mais je metrompais.Lesdémonsd’Edenontprisunetelleampleurdepuisnotreséparation,saculpabilitél’emprisonnechaquejourdavantagequejemedemandeparfoiscequ’ilfautquejefassepourlesoulagerunpeu.CetteconfrontationavecJordancesoirn’afaitqueledétruireencoreunpeuplusetilm’échappepetitàpetit.Ils’éloignedélibérémentdemoi.Saufquejenesuispasprêteàbaisserlesbras.

Je ne le laisserai pas se renfermer sur lui-même. Je ne le laisserai pasmerepousser.Jenelelaisseraipasfinirenprison.Jenelelaisseraipaspenserqu’illemérite.

Jamais.

Edenme relâche, le visage fermé, et sort du lit. Je l’appellemais il ne seretournepasetjesuisgeléesouslacouetteavantmêmequ’ilnedisparaissedansle couloir vêtu uniquement de son caleçon. J’entends le plancher craquer soussespasalorsqu’ildévalelesescaliers.

Je me redresse à mon tour, l’estomac noué. Je quitte la couette pour medirigerverslacommodedanslaquellejedénicheunt-shirtd’Edenquej’enfilerapidement sur ma poitrine nue. Je ne porte rien d’autre que ma culotte endessousmaisjen’aipasletempsd’enfilerautrechose.Mespasmeguidentdéjàverslaporte.

Jeleretrouvedanslacuisine,faceauplandetravail,lesdeuxmainsposéesàplat devant lui et la tête rentréedans les épaules.Le ciel commenceàpeine às’éclaircir dehors, je ne perçois que la silhouette sombre de son corpspratiquementnumaisjedistinguetoutdemêmelatensiondanssesmuscles.Ilal’airencolère ;non,ilal’airfouderage.

—Eden…

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Iltressailleaucontactdemamainsursonventre.Quandsonregardseposedenouveaudanslemien,jeremarqueenfinlescernessoussesyeuxetjeréalisequ’iln’aprobablementpasdûfermerl’œildelanuit.Ilestàbout.

—Parle-moi,dis-je,inquiète.

Il s’écarted’unpaspourque jenepuisseplus le toucher. J’ai l’impressiond’êtrepercutéeparuntrain.

—Jenepeuxpasteprotégerdeça.

Sontonestsifroid.Ilmeparaîttellementloindemoiencetinstant.

—Je…j’aicruquejelepouvais.J’aicruquej’arriveraisàmeteniréloignédetoutecettemerde,j’aicruquejepourraisteprotégerdeJordansaufquec’estimpossible. C’était stupide de penser que j’arriverais à me sortir aussisimplementdecemerdier,que je leveuilleounon j’ai commiscesconneries,c’esttroptard.

Sesmains tremblent sur la table. J’aimerais pouvoir le toucher, pouvoir lerameneràmoietfairedisparaîtreledégoûtquejelissursonvisage,maisilnecessedes’écarteràchaquefoisquej’esquisselemoindregestedanssadirection.

— Comment fais-tu ça ? Comment parviens-tu à rester là ? Pourquoicontinues-tu à t’inquiéter autant pourmoi ? Il t’amenacée avec son putain deflingue,ilauraitputecolleruneballejustedevantmesyeuxetjenepouvaisrienfaire.Jen’airienfait.Je…je…putaindemerde,tuétaisàdeuxdoigtsderefaireunecrisetoutàl’heure !continue-t-ilenseprenantlatêteàdeuxmains.

—S’ilteplaît,Eden…

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Jeveuxqu’ilarrêtedese torturer. Jeveuxqu’ilcessedese faireautantdemal.

—C’estàcausedemoiquetuteretrouvesdanscetteposition.C’estàcausedemoiquetuesautantendanger,quetuflippesàcepoint.J’aiétéégoïste,je…j’aiétéqu’unputaind’égoïste.Jetevoulaistrop,j’aiétéincapabledemeteniràl’écartdetoialorsquejesavaisdansquoijetet’embarquais,etmaintenanttu…

Eden tire rageusement dans ses mèches sombres. Je vois son torse sesoulever à une allure trop soutenue. Ses yeux emplis de rancœur envers lui-mêmebalaient lacuisineentoussenscommes’ilcherchaituneéchappatoireàcettediscussion.Moncœurluihurledemeregardermoi.

—Tudevraispartir.Tudevraismequitter.Sijesavaisfairequoiquecesoitcorrectement, jen’auraismême jamaisdû te supplierde revenir. J’auraisdû telaissert’éloignerdemonbordel,j’auraisdûavoirlaforcedetelaissert’enalleràcemoment-là.Maisj’aiencoremerdé.Je…c’esttoutcequejefais,Katelyn.Merder.Encoreetencore.Tuneméritesriendetoutça.

Jenebougepasd’uncil,tropchoquéepourréagir.Iln’yadenouveauplusd’airdanslapièce.

—Tu…tuveuxqueje…parte ?soufflé-je,estomaquée.

Ledésespoirsursestraitsmefaitcomprendrequenon.Non,cen’estpascequ’il veut. Mais il aimerait le vouloir, il aimerait pouvoir me demanderclairementdem’enallercarilestpersuadéquec’estlaseulesolutionpourmeprotéger.

—Je…je…jenesaispascequejeveux…Jenesaispasquoifaire…Maissiquelquechoset’arrivaitàcausedemoi,je…Ohbonsang…Kate,jet’enprie,tudevraispartir…Tudevrais...tu…

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Jenepeuxpasécouterça.

Jecombleladistancequ’ilnousimposeetjem’écrasecontresontorse,mesbras se nouant derrière sa nuque tandis que mes lèvres cherchent déjà às’emparerdessiennes.Sabouchealegoûtdudoute,duchagrinetdelapeur,salangueceluidescraintesetdeladétresse.Ilnetentemêmepasdemerepousser,comme simalgré tous sesmots il espérait que je comprenne ce que son âmecherchaitréellementàmedire.Etlavéritéc’estqu’iln’ajamaiseuautantbesoindemoiqu’encetteseconde.

Ses doigts glissent sur mes cuisses et je le laisse me soulever du sol enenroulantmesjambesautourdesonbassin.JefrissonneaucontactglacéduplandetravailsurmapeauettireEdenunpeupluscontremoiàlarecherchedelachaleurdesoncorps. Ilm’embrassesansretenueetsansconcessionet j’essaiederécupérermonsouffleentresesbaisers.Jefinispar leperdrecomplètementensentantleslarmessurmesjoues.

Pendant une seconde, j’ai peur qu’il s’agisse encore des miennes. Puis jeréalise que ce sont celles d’Eden et quelque chose se brise violemment àl’intérieurdemoi.

—Qu’est-ceque…commencé-je,paralysée.

Ilnemelaissepasletempsdefouillersonvisage.Ils’agrippeàmeshanchesetplongelenezdansmoncou.

—Il…ilauraitputetuer…Je…ilpourraitlefaire…J’en…crèverais,Kate.Jecrèveraisdansunmondeoùtun’existespas…

Peudechosescomptentréellementdanslavie.

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Pour certains, c’est l’argent. Pour d’autres, c’est être heureux. Avoir unefamille,untravailquinousplaît,êtrefierdesoietdecequ’onaccomplit.

Peudechosescomptentégalementdanslamienne.Maisça,çaenfaitpartie.

Lesmotsd’Edenenfontpartie.

Ilnesaurajamaisàquelpointilalepouvoirdechangermonexistencejusteenm’offrantsoncœursurunplateau.Ilnesaurajamaisàquelpointjemesensforteetindestructiblequandils’ouvreàmoi,quandilmefaitcomprendrequ’ilm’aimeàencrever.

Et pire que tout ça, il ne saura jamais à quel point il est beau quand il semontresifragile.

—Parsavecmoi.

Sesépaulestremblenttoujoursmaissesyeuxbrumeuxretrouventlesmienslorsqu’il entendma requête. Je chasse les larmes accrochées dans sa barbe, jerepoussecellescoincéesaucoindesespaupières.

—Parsavecmoi, répété-jeplusfort.Ons’envaquelques jours, loind’ici,justetoietmoi.

J’embrasse doucement le pli entre ses sourcils. Il a unmillier de nuits desommeilàrattraperetj’aibesoind’unmillierd’annéesdereposentresesbras.

—Maintenant ?medemande-t-il,déjàunpeumoinstourmenté.

Rienn’est réellement réglé,aucunedenosangoissesn’estencorevraimentapaiséemaisnotrenuitaétéassezmouvementée.Pour l’instant, toutcequeje

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veuxc’estneplusvoircettefêluredanssesiris.Jeveuxledistraire.Jeveuxquenousprenionsdutempspournousetuniquementnous.

—Toutàl’heure.Maintenant,tuasquelquechoseàterminer.

Je dépose un baiser sur sa gorge que je sens rapidement vibrer sous meslèvres.

—Kate…

Ilhésite,résistantàl’assautdemabouchejusqu’àcequej’embrassecepointdanssanuque,celuiquilerendfou.

—Fais-moioublier,murmuré-jejusteavantqu’ilnecède.

Ses lèvresmartyrisent les miennes, mes ongles griffent ses épaules tandisquesesmainsserefermentsurlebasdut-shirtquejeporteetqu’ilmeleretiresansattendre.

Quandilsepenchepourembrassermapoitrinenue,j’oublietout.

Etcequ’ilneditpas,c’estqu’iloublietoutluiaussi.

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Edenconduitensilencedepuisquenousavonsquittélamaison.

Je suis adossée confortablement, le vent chaud passant par les fenêtresouvertesfaitvirevoltermescheveuxentoussensdevantmonvisage.Nosdoigtsentrelacés sont posés sur sa cuisse et j’observe sans m’en lasser le calmes’installerpetitàpetitsursestraitsàmesurequenousnouséloignonsduchaosquenousavonsdécidédelaisserderrièrenous.Jefredonnedoucementsurl’airdeRe-arrangepassantàl’autoradio.Çan’apasl’airdeledéranger.

—Ilfaudraquetusortesàlaprochainesortie,dis-jedoucement.

Eden presse tendrement ma main, me signifiant qu’il a compris. Je nem’inquiètepasplusqueçadesonmutisme.Ilestbienplusapaiséquecematinlorsqueje l’airejointdanslacuisineet j’aibeausavoirquenousavonsencorebeaucoupdechosesàrégler,jedécidedem’encontenter.Moncœurabesoindelevoirheureuxet rassurépour l’instant.Monâmeabesoind’oublierunpeuàquel point il était brisé entremes bras tout à l’heure. Jem’inquiéterai de nosproblèmesplustard.

—Ondevraitarriverd’iciunevingtainedeminutes,précisé-jelorsqu’Edenquittel’autorouteendirectiondelacôte.

Nouvellepressionsurmesdoigts.Jemetaisetrecommenceàlecontemplerensilence.

J’ai décidé de l’emmener à lamer. Vu notre décision de dernièreminute,

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c’étaitl’optionlaplussimple.J’aitoujoursundoubledesclésducottagedemesparentsetjesaisàquelpointilsdétestentyallerenpleinesaison.Iln’yadoncaucunechancepourquenoustombionssureuxetnousn’auronspasàdépenserde l’argent inutilement en allant à l’hôtel. Eden n’avait pas l’air contre l’idée.Alors pendant qu’il appelait Mégane pour la prévenir que nous allions nousabsenterquelquesjours,jesuismontéepréparernosaffaires.Nousavonsprislarouteendébutd’après-midi etvoilàmaintenant troisheuresquenous roulons.TroisheuresdurantlesquellesEdenn’apratiquementpasditunmot.

—Eden ?

Jel’entendsinspirerprofondémentavantdesoufflerdoucement.

—Oui,Bébé ?

Sontonestdoux,maisjesenssontourmentderrièresoncalmeapparent.Ilréfléchittrop.

—Est-ceque…est-cequetuaseudesnouvellesd’Arno ?

Iltressaillelégèrement.Sessourcilssefroncentuninstant.

—Oui,je…Çava.Ilsegoinfred’antidouleursmais…çava.Ilm’aditdeteremercier.

J’esquisseunsourire.Leregardd’Edens’assombritpourtant.

—Moiaussi,je…Jen’aipaseul’occasiondeteledirehiermais…Merci…Mercipour…

—Cen’étaitrien,Eden.Ce…vraiment,çam’afaitplaisir.

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Je tente de le rassurer mais ça n’a pas l’air de fonctionner, il redevientmoroseetpréoccupé.Jemedéfaisdesamainetposemesdoigtssursajoue.Sespaupièrespapillonnentdansmadirectionavantderevenirsurlaroute.

—Parle-moid’eux,luidis-jedoucement.

—Qu…quoi ?

—Detesamis.Parle-moid’eux.

Ilsetendunpeusursonsiège,surpris.

—Pourquoi ?medemande-t-il,hésitant.

— Parce qu’ils font partie de ta vie. Et puis ils… ils n’ont pas l’air siméchants.

Cequejeneluidispasc’estquejesuiscurieuse.Jesuistoujourscurieusequandils’agitd’enapprendredavantagesurlui.

Edensoupire,incertain,etjedécidedel’encouragerunpeu.

—Arnom’a dit qu’il avait commencé des études demédecinemais qu’ilavaitdûinterrompresoncursus.Qu’est-cequiluiestarrivé ?

Jemedoutequesonhistoirenedoitpasêtredrôle.NilasiennenicellesdeThibetWill.S’ils se retrouvent tous fourrésdanscecauchemar, s’ilsont tousaccepté la proposition de Jordan à un moment donné comme Eden, c’estforcémentquequelquechosedegraves’estproduitdansleurvie.Etj’aibesoin

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desavoir.

—Kate,jenesuispassûrquecesoit…

—S’ilteplaît…Jeveuxjustecomprendre.

Samâchoiresecontracte.Jeposemapaumecontresoncou.

—Ses parents sontmorts il y a six ans.Accident de voiture. Il…C’est àcette époque-là que je l’ai rencontré, en soirée. Il a pété les plombs, un peucommemoi, saufqu’ilavaitdeplusmauvaises fréquentationsà l’époque,et ilpassaitsontempsàparier,àclaquertoutsonpognondansdescasinos.Jecroissincèrement qu’il était devenu accro à tout ça en plus de l’alcool qu’ilconsommait. Il le faisait pour oublier, mais tout l’argent que ses parents luiavaientlaisséestpartienfumée.Ilétaitaveugléparsacolèreetsonchagrinsibien que ça ne lui a rien fait quand il s’est fait virer de la fac parce qu’il nepouvaitplusenpayerlesfrais.C’estseulementquandonamenacédeluisaisirla maison qu’il s’est réveillé. C’est tout ce qui lui restait de sa vie avec sesparents alors il a arrêté les conneries et il a essayé de rembourser ses dettescomme il pouvait. Il doit encore un paquet de fric à pasmal demonde, c’estentreautrespourçaqu’ilnelâchepasJordan.

J’accuse lecoupsansbroncher.J’aimalaucœur.J’aimalpourArnoquiaperdusafamille.J’aimalenlisantdelatristessedanslesyeuxd’Eden.

—Et…etpourThibetWill ?

Ilgrimace.

—Thibestissudel’immigration.Ilestarrivéillégalementiciquandilétaitpetitet iln’aobtenusespapiersqueplusieursannéesplus tard.Le restedesafamillen’apaseuautantdechance,ilssesontfaitexpulser.Ilbossecommeun

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fouet fait en sortede leur envoyerunmaximumd’argentpourqu’ilspuissentvivrecorrectementmalgrétout.Ilnemeparlepassouventd’euxmaisjesaisqueleur situation est vraiment précaire et qu’une de ses cousines tombefréquemmentmalade.Ildealaitaussiavant,c’estcommeçaquejel’airencontré.

Ils’autoriseunecourtepauseavantdecontinuer.

—EtWillest…Willestpapa.Ilaunegaminedecinqansàpeine,ilétaitencoreau lycéequandsacopinede l’époqueest tombéeenceinte.Saufqu’elles’estbarréeenluilaissantleurfilleetdepuisilessaiedejonglercommeilpeutentresesétudes,sespetitsboulotsetSally.Ilfaittoutcequ’ilpeutpourqu’elleait lameilleure vie possible, il ferait vraiment n’importe quoi pour qu’elle nemanquederienet…

—EtJordanenaprofité,conclus-je,lagorgeserrée.

Edenneditplusrienetjedécidedenerienajouternonplus.Jeretrouvesamainsursacuisseetjenereprendslaparolequepourluiindiquerlaroutequandil le faut. Je me remets à fredonner un peu et il se calme. Son pouce tournetendrementsurmonpoignetetjemeprometsdeneplusabordercesujetavecluitantquenousseronsici.

Lorsqu’il se gare devant la maison et coupe le moteur, je me dépêche desortir. Sans vraiment savoir pourquoi, je me sens surexcitée. Je glisse meslunettesdesoleilsurmonnezpourmeprotégerdelalumièredusoleilquitapeencoredurementmalgrélefaitqu’ilsoitplusdedix-septheurespuisjesautillejusqu’aucoffre.

J’entendsEdens’esclaffer légèrementenmerejoignant.Ilfaitbientôtaussichauddansmoncœurquedehors.

—Qu’est-ce qui temet d’aussi bonne humeur, bébé ?me demande-t-il ensortantnosbagagesdelavoiture.

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—Lesvacances,lamer,toi.

J’embrasse rapidement ses lèvres avant de me diriger vers l’entrée dubungalow. Une fois à l’intérieur, j’entreprends d’ouvrir tous les volets et lesfenêtrespourlaisserl’airetlalumièreentrer.Jefaisrapidementletourdurez-de-chausséeavecEdenpourluimontreroùsetrouventlachambreetlasalledebain. Il disparaît aux toilettes et je décide de monter à l’étage. Celui-ci estminuscule.Ilcomprenduniquementunepetitesalled’eauetunechambre,celledemes parents, sauf que cette dernière s’ouvre sur une baie vitrée qui donneaccèsàuneimmenseterrasse.Uneodeurdeselm’agresselesnarinestandisqueje m’accoude à la balustrade. Mon regard se porte vers l’horizon, vers lesvagues,vers l’océan.Ladiguen’estqu’àdeux ruesd’ici sibienque j’entendssansmallescrisetlesriresdestouristess’amusantsurlaplagequeleventmarins’amuseàdisperser.

J’avais oublié à quel point c’était apaisant. Peut-être parce que lorsque jevenais ici avec ma mère, je n’avais jamais l’occasion de profiter de cemagnifiquepaysagedecettefaçon.

Lesbrasd’Edens’enroulentautourdemeshanchesetjesenssonsoufflesemêleràlabrisedansmoncou.Jecollemondosàsontorsetoutenrecouvrantses avant-bras desmiens. Il ne dit toujours pas unmotmais je sens son cœurbattreàtoutrompre.Jecroisqueçaluifaitdubiend’êtreici,commemoi.

— Il faudrait peut-être qu’on aille faire quelques courses avant que lesmagasins ne ferment si tu veux manger quelque chose, murmure-t-il à monoreilleaprèsunlongmomentàcontemplerlavueensilence.

—Tunevoudraispasplutôtqu’onsefasselivreruntruc ?Jen’aipasenviedeperdremontempsàcuisinercesoir.

—Si,çameva.Tuasenviedequoi ?

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—Yaunechouettepizzeriapasloin.Jecroisquelabrochureestaccrochéesurlaportedufrigo.

—OK.

Seslèvresfrôlentmanuqueavantqu’ilnes’éloigne.Jeresteencoreunpeudehorsavantderetournerdanslamaison.Edenestassissurledossierducanapé,lefeuilletdelapizzeriaenmain.Ilraccrochepileàl’instantoùjelerejoins.

—Onmangedansdeuxheures,m’informe-t-il.

—Tuascommandésansmedemandermonavis ?letaquiné-je.

Ilm’offresonsourireencoin.

—Jeteconnaisparcœur,Kate.

Jefaislamoue.Jesaisparfaitementqu’ilaraison.

—Deuxheurestuasdit ?dis-je,faussementsongeuse.

—Qu’est-cequetuveuxfaire ?

Jeluiprendslamainet l’entraînedehorssanshésiter.Aprèsavoirfermélaporte derrière nous, je le tire derrière moi dans la rue, trop impatiente derejoindrelaplage.

—Tuvenais souvent ici ?m’interrogeEden tandis quenous remontons letrottoirversladigue.

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Jehausselesépaulesenévitantleregardcurieuxqu’ilmelance.

—Çadépendaitdespériodes.Enété,onadûvenirdeuxoutroisfois.Mesparentsn’aimentnilafoulenilestouristesducouponvenaitplusgénéralementà l’automneouauprintemps,une àdeux foispar an. Ils ont acheté lamaisonquand je suis entrée au collège, à cette époque-là on partait toujours à quatre.Puismonpères’estmisàdéserterdeplusenplussouventetducouponfinissaitlaplupartdutempsici,seulsavecmaman.

J’aimeconstateràquelpointilm’estfaciledeluiparlerdetoutçaàprésent.Jamais je n’aurais pu l’envisager au début de notre relationmais maintenant,c’estcommesij’étaisincapabledegardercessouvenirspourmoi.J’aimeparlerdemonpasséàEden.J’aimelevoirm’écouteraussisérieusement.

Arrivés sur la plage, je sautille comme une gamine. Je me penche et medépêchederetirermessandales.Envoyantquemonpetit-aminebougepasd’uncil,jedécidedelebousculerunpeu.

—AllezWilliams !Enlèveteschaussures !

J’aidéjàlespiedsdanslesablequandilacceptedem’obéir.Lorsqu’ilaenfinterminé, je récupère samain et trace notre route vers les vagues.Des enfantsconstruisentdeschâteauxdesableunpeupartoutsurlaplage,desmèreslisentdes magazines en jetant de temps à autre des regards protecteurs à leurprogéniture, des pères dirigent des cerfs-volants aux couleurs éclatantes.Plusieurs jeunes se coulent dans l’eau, d’autres sont assis sur des planches desurfoudesbouées.J’aienviedesentirl’eausurmespieds,depataugercommeuneidiotedansl’écume.J’aibesoinderessentir lamêmeinsouciancequetouscesinconnus,j’aibesoinquetoutsoitsimpleaujourd’hui.

Nousnesommesplusqu’àquelquesmètresdesvagues.Incapabled’attendreplus longtemps, je prends à peine le temps de retrousser mon jean sur mes

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molletsavantdefoncerdansl’eauenriant.Elleestd’abordfroidesurmapeaupuis elle devient tiède lorsque je m’y habitue. Je fais quelques pas en avant,éclaboussanttoutmonpantalonmalgrémeseffortspourl’épargner,avantdemeretournerversEden.Iln’apasbougéd’uncentimètre.Ilregardefixementl’eaualleretvenircommes’ilcraignaitquelquechose.

Jel’appelledoucement.

Ilredresselatêtedansmadirection.

—C’est…c’estlapremièrefoisquejevoislamer,Kate.

Je retrouve le sable sans le lâcher des yeux. En arrivant à sa hauteur, jem’accroupispourremonter lebasdesonjeanavantdemereleveretdepassermesmainsautourdesataille.

Ilmesuitalorsqueje l’attiredansmonsillagejusqu’àcequenospiedsseretrouvent dans l’eau. Il ressemble à un enfant à qui on offre un cadeau qu’iln’attendaitplusdepuislongtemps.Etmoi,jedoissûrementressembleràl’idiotelaplusenamouréedumonde.

—Alors ?Cettepremièrefois ?

Edencessede contempler l’horizon et sesyeux—couleur argent sous lesrayonsdusoleil—viennentseplanterprofondémentdanslesmiens.Ilm’enlacesansriendiretandisquejeremontelesmainsjusqu’àsonvisagepourcaressertendrementsesjoues.

Ilneregardequemoi.Iln’ajamaisvul’océan,maisilneregardequemoi.

Ilm’embrasseetc’estunepremièrepourmoiaussi.Lapremièrefoisqu’un

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baisermemurmureautantdechoses.

—C’esttoujoursparfaitquandc’estavectoi...

Je pense que mon visage vire immédiatement au cramoisi. Et ce n’estclairementpasdûausoleilquitape…

Nous nous baladons sur la plage pendant plus d’une heure.Moi les piedsdans l’eau, Eden les pieds dans le sable. Parfois il se contente demes doigtsentremêlésauxsiens,parfoisilabesoindemesentirplusprèsetilpasseunbrasautourdemesépaulespourmetirercontresontorse.Sonnezs’attardequelquesfoisdansmescheveux,samainfrôledetempsentempsmoncouavecdouceur.J’essaiedemenourrirdecesmoments, j’essaiedeprofiteraumaximumdesaprésence, mais il est trop silencieux. Eden est trop silencieux et mon cœurpaniquemalgrémoi.

Jetentedemedirequec’estparcequecequis’estpassécettenuitestencoretropfraisdanssamémoire,quec’estparcequ’ilesttoujourshantéparlesactesdeJordancommejelesuis,maisquesescraintesfinirontparsedissoudreetquedemaintoutiramieux.Jetentedemeconvaincrequej’aiprislabonnedécisiondel’éloignerdetoutça,quej’aifaitcequ’ilfallaitennousforçantàprendreunpeudetempspournousetquelegouffrequejedistinguedanssonregardseracomblé après ces quelques jours de répit. Sauf qu’au fond de moi, j’ai bienconsciencedemebercerd’illusions.

—Ondevraitpeut-êtrerentrersionneveutpasraterlelivreur.

La voix d’Eden me sort de mes pensées et je décide de m’y accrochercommeàunebouée.

—Jemeursdefaim !

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Monexcitationaaumoinsl’avantagedelefairesourire.

Nousarrivonsdevantlebungalowpile-poilaumomentoùlevélodulivreurs’arrêtesurletrottoir.Edenrèglelacoursetandisquej’ouvrelaporte.

— Qu’est-ce qu’on fait si je n’aime pas ce que tu m’as commandé,Williams ? le taquiné-jealorsqu’ilme rejointdans lacuisineavecdeux largesboîtesencarton.

—C’esttrèssimple,bébé,jelamangeraiàtaplace.

Jefaismined’êtreoffusquéeparsesproposetilestencoreplusamusé,sonsourireatteignantpresquesesyeuxcettefois.

—Regardeavantdeteplaindre.

Jeluitirelalangueavantdesaisirlaboîtequ’ilm’indiquesurlecomptoir.Jepousseungrognementsatisfaitendécouvrantdesscampispartoutsurmapizza.

—Tume connais vraiment beaucoup trop,marmonné-je enme saisissantimmédiatementd’unepartdontj’avalepresquelamoitié.

Ilal’airdumêmeavispuisqu’ilm’offreunclind’œilavantdecommenceràmangeràsontour.

J’ensuisauxtroisquartsdemapizzaquandmonportable,quej’aiposésurletabouretàcôtédemoi,semetàvibrer.Jefroncelessourcilsenmefrottantlesmainsavantdem’enemparer.L’angoissemeprendàlagorgequandjeconstatequ’ils’agitd’unmessagedeClara.

[Katelyn,appelle-moiabsolumentdèsquetuasunmoment !Jecroisquej’ai

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découvertuntruc !EtsiParrishtecontactepourquoiquecesoit,préviens-moi !]

Surprise, je reste figée un moment. Qu’est-ce qu’elle veut dire par « j’aidécouvert un truc » ?Et que pense-t-elle queParrish pourraitme révéler de siimportant pour qu’elle ait besoin de le savoir immédiatement ? Ma curiositéatteintsonapogéeenl’espaced’unesecondeet jemedemandes’ilnefaudraitpasquejel’appelleimmédiatement.

—Kate ?

Jesursauteenmesouvenantdelaprésenced’Edentandisquej’étaissurlepointdequittermaplace.Ilmecontempleavecattention,lessourcilsfroncésetun air beaucoup trop intrigué collé sur le visage. Mes doigts tremblentbrusquement autour de mon téléphone alors que je le repose à toute vitesse,retournésurl’écran.

Jeneveuxpaspenseràtoutçamaintenant.JeneveuxplusentendreparlernideClara, ni deParrish, ni d’aucune information concernant les braquages tantquenousseronsici.Jeveuxoublierl’espacedequelquesjours,faireunepause,etj’aibesoindetenirEdenàl’écartdetoutçaluiaussi.Parcequecettehistoireleréduitenpiècesetquejenepeuxpasl’accepter.

— C’est rien ! C’est Patrick qui me demande si je peux venir travaillerdemain.J’aioubliédeleprévenirqu’onpartait.

J’ai parlé trop précipitamment pour que cela paraisse naturel et j’ai bienconsciencequ’Edenn’estpasdupe.

—Tunedevraispasluirépondre ?m’interroge-t-il,suspicieux,enpointantdudoigtmonsmartphone.

—Jeleferaitoutàl’heure,dis-jeenmereconcentrantsurmadernièrepart

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depizza.

Ilparaîtréfléchirdenouveauetpourunefois,jenetienspasdutoutàsavoircequisepassedanssatête.Parceques’ilsedécideàm’interroger,jenesaispascequejeluidirai.

Intimidée par l’intensité de son regard, je me tortille sur ma chaise encherchantvainementuneéchappatoire.Celle-cim’apparaît commeparmiraclequandmesyeuxtombentsurl’horlogenumériquedufour.

—Oh,ilestdéjàsitard !Eden,viens,dépêche-toi !

Jebondisdemontabouret,abandonnantmesrestesdenourritureàleursortenmedépêchantdefaireletourdelatable.

—Quoi ?s’étonne-t-ilalorsquejeleforceàmesuivre.

—Dépêche !

—Maisputain,j’aipasfinide…

Il cesse de se plaindre en m’entendant rire tandis que nous montons lesescaliers.Je l’emmèneà travers lachambredemesparents jusqu’à la terrasse.L’obscuritéacommencéàtomber,maisonvoittoujourslesoleilauloin,sibasqu’il touche l’horizon, si bas qu’il projette une palette de rose et d’orange àtraverslecielsombre.

—Ilfallaitbienquetuvoiesça !C’estunpeucommeàlaréserve,non ?dis-jeenletirantjusqu’àlabalustrade.

Jenesaispascequejelisdanssesyeuxquimerendsoudainsiincapablede

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fairelemoindregeste.Jenesaispascequejedéchiffredanssonexpressionquimerendsoudainsitristeetbouleversée.Jesaisjustequecemagnifiquecoucherdesoleiln’abrusquementplusaucuneimportanceparcequejenevoisplusriend’autrequelui.Lecielestlui.L’airestlui.Lemondeestlui.Toutestlui.

Tout est brisé et perdu. Tout est effrayé et anxieux. Tout est chagrin etremords.

—Eden…

Jepourraispleurer.Encore.Saufque jeneveuxpasqu’ilvoitàquelpointj’aipeur.

Eden m’attrape par les épaules et me tire contre sa poitrine. Je l’entendssoupirer dans mes cheveux, mais je n’ose pas faire le moindre geste. Je mecontented’enserrersatailleentremesbrasetdelepresseravecforcecontremoi.Sadétressemecoupetroplesoufflepourquejeparvienneàdirequoiquecesoitdetoutemanière.

—Tusaiscequiestmieuxquedevoirn’importequelcoucherde soleil ?murmure-t-ilàmonoreille.

Jefermelesyeuxensecouantfaiblementlatêtedegaucheàdroite.

—Cequiestmieux,c’estdelesvoiravectoi.

Les larmes finissentpardéborder surmes joues. Je les sens rouler jusqu’àmonmenton, silencieusescommecet instant, silencieusescommeEden l’a ététoute la journée. Je sais qu’il les sent lui aussi parce qu’il me serre plusétroitementcontrelui.Maisiln’essaiepasdeleséloigner,iln’essaiepasdeleschassercommeill’auraitfaitd’habitude.

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Illeslaissecouler.

Et lorsque jecomprendsquec’estparcequ’ilne trouveplus lesmotspourmerassurer,j’ail’impressionquelaterresefissuresousmespieds.

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Edenafaituncauchemarcettenuit.

Jel’airetrouvétremblantetcouvertdesueur,assisaupieddulit.Ilavaitlesjambes repliées contre lui.Quand je lui ai demandé cequi sepassait, cequ’ilavaitvu, iln’apasvoulumerépondre.Etquandje luiaidemandédevenirserallongeravecmoi,ilm’aserréesifortcontresontorsequej’aicruqu’ilallaitmebriserendeux.

Jamaisilnem’avaitserréesifort.

Jamais.

Alorsqu’Edenadormitard,jemesuislevéeàl’aube.Jesuisalléefairedescourses pour préparer le petit-déjeuner, j’ai essayé dem’occuper comme je lepouvaisafind’oublier,maisrienn’yafait:lesouvenirdesonregardterrorisénem’apasquittéedetoutelamatinée.

Eden ne va pas bien. Eden se bat avec ses démons et il neme laisse pasapprocher.

Etmaintenant,depuisqu’ils’estlevé,ilfaitcommesiderienn’était,ilfaitcommesitoutallaitbien,etçamerendfolle.

Çamerendfolleparcequecen’estpasvrai.

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—Jepeuxsavoircequetufais ?

Jeme fige sur le seuilde laported’entrée,monsacdeplage sur l’épaule.Eden vient de m’interpeller et il me dévisage sévèrement, les bras croisés. Ilressembleàs’yméprendreàungaminboudeur.Jenecomprendsdéfinitivementrienàcequisepassedanssatête.

—Ehbien,jem’apprêteàsortir.Onaditqu’onallaitàlaplage,non ?

Ilplisselesyeux,apparemmentmécontent.

—Ahouais ?Etjepeuxsavoirpourquoit’esàmoitiéàpoil?

Je.Rêve.

Ilmetapeunefichuecrisedejalousie.

—Pardon ?

—Tucroissincèrementquejevaistelaissersortirdanscettetenue ?

J’éclatederire.Ilnemanquevraimentpasd’air.

—Tuterendscomptequetuesentraindetecomportercommelemecleplusmachoetpossessifdelaterre,Williams ?

Ilserenfrogneets’apprêteàrépliquer.Jel’interrompsimmédiatementdanssalancée.

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—Etcen’estpassexydutout.

Ilhausseunsourcil,mi-contrariémi-amuséparmaremarque.Qu’est-cequiluiprend ?Pourquoiest-ilsienjouéaujourd’huialorsqu’ilabroyédunoirtoutelajournéed’hier ?

—Jesuispassexy ?Moi ?

Il passe un bras autour demes hanches nues avant que je ne parvienne àl’éviter et il me tire contre lui. Je n’aime pas du tout la lueur brillantbrusquement dans son regard. Elle met le feu à toutes les cellules de monorganisme,ellem’hypnotisetotalementalorsqu’Edenagitcommeunimbécileetquejedevraiscontinueràlerabrouer.

—Pas…sexy…pour…un…sou…

J’aibesoind’unedouchefroide.Sonsoufflesurmaboucheestdéjàentraindemegrillerlesneurones.

—Jene suispasmacho,Bébé.Possessif à la rigueur…Mais je te signalequetunemefacilitesvraimentpaslatâche,mefait-ilobserver.

Jem’écartedeseslèvrestropdangereusespourlefusillerduregard.

—C’estunbikini,Eden !Tupensaisquej’allaisallermebaigneravecquoi ?

Ilfaitminederéfléchir,maisjevoisbienquemonagacementl’amuse.

—Unecombideski ?

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—Ferme-la,idiot.

Mais je souris bêtement. J’oublie toujours absolument tout quand il est siradieux.

— Tu pourrais au moins mettre un t-shirt jusqu’à la plage. Comme moi,essaie-t-il encoredenégocier, lenezdansmoncouet sesdentsmordillantmapeau.

—Laplageestàcentmètres.Respireunboncoup,jesuissûrequetuvasréussiràcontenirtestendancesmachistesjusque-là.

Je m’écarte en lui servant un clin d’œil avant de me faufiler rapidementdehors.

— Je ne suis pas macho ! l’entends-je protester dans mon dos alors qu’ilfermelaporteàclé.

Ilmarmonnedans sa barbedurant tout notre trajet jusqu’à la digue.Trajetqui dure exactement une minute et trente-deux secondes. Il fait une chaleurétouffante dehors et le soleil tape fort sur ma peau nue. Lorsque nous nousmêlons aux touristes se promenant sur le borddemer,Edenm’attrapepar lesépaules et me colle contre lui. Par-dessous ses lunettes de soleil, je distingueparfaitementsesirisenvoyerdeséclairsàtouslesmecsquiosentm’adresserunregard.

—Qu’est-ceque tu fais ?memoqué-jealorsqu’ilembrasse toute lapartiedroitedemonvisage.

—Jemarquemonterritoire.Tutrouvesçamachoaussi ?

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Jem’esclaffe,lecœurléger.Enfin,jeretrouvemonEden.Celuiquisefoutdetout,exceptédemoi.Celuiquiesttellementlibrequ’ilmedonnedesailes.Jesuissisoulagéequejepourraismemettreàpleurerdebonheurencetteseconde.

—Je crois qu’ils ont compris lemessage, pouffé-je alors qu’un couple depersonnesâgéesnousregarded’unairoutré.Arrêtedemetripoter !

Je repousse lesmainsbaladeusesdemonpetit ami tout en le tirantvers lesable.Nousmarchonsquelquesminutesavantdenousarrêterprèsd’unbarquilouedes transats. J’enchoisisdeux, leplusprèsde lamerpossible, à l’ombred’un parasol. Comme j’ai envie de bronzer un peu, jem’empresse de tirer lemienausoleil.

—Tu sais que si tu prends un coup de soleil, je vais me moquer de toijusqu’àcequ’onrentre ?ricaneEdenenmevoyantm’installerenpleincagnard.

—Jenevaispasprendredecoupdesoleilpuisque tuvasmemettrede lacrème,Williams.

Pour soulignermes dires, j’ouvremon sac que j’ai déposé entre nos deuxchaises longuesetensorsungros tubede lotionsolaire.JemeredressefaceàEdenetleluisecouesouslenez.

—Çacollecetruc,mefait-ilremarquerenaffichantunemouedégoûtée.

—Situneveuxpast’enoccuper,jepeuxtoujoursdemanderà…ohcetypelà-bas,ohetcelui-làaussi,pourquoipas ?

Seslargesmainsserefermentsurmeshanchesetmetirentsèchementcontrelui.

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— T’as fini, oui ? grogne-t-il alors que je passe mes bras autour de sesépaules.

—Sinonquoi ?souris-je,narquoise,encaressantsonmentonpiquantdemeslèvres.

—Sinon je vais devoirmarquermon territoire d’une façonbeaucoupplusradicale.

Jen’aipasletempsdeluidemandercequ’ilaentêtequ’ilm’embrassedéjààpleinebouche.C’esteneffetplusradical,maisonnepeutpasdirequecelamedéplaise.Jemeretrouvepantelanteetgémissanteenunefractiondeseconde.Cequisembleplaireunpeutropàmonpetit-ami.

—Tuesàmoi,bébé.Mets-toibiençadanslecrâne.

Non ?Sansblague,Williams ?

—Tourne-toi,ajoute-t-ilenmeconfisquantlacrème.

J’obtempère immédiatement en essayant de calmer les battementsfrénétiquesdemoncœur,maislespaumesd’Edenmassantbientôtmondosnem’aidentpasdutoutàyparvenir ;ils’appliquebeaucouptropàsatâche.

—J’aimetapeau,souffle-t-ilcontremonoreille.

Jefermelesyeux.Ilmetueavecsesmots.

Quand il a fini, jem’écarte de ses doigts toxiques. J’ai vraiment envie debronzer un peu et s’il continue àme toucher comme ça, je sais pertinemmentqu’on ne restera pas une seconde de plus sur cette plage. Jem’allonge sur le

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ventre surmon transat, glissantmes lunettes de soleil sur le bout demon nezpourmaterEdenalorsqu’ilretireenfinsont-shirt.Lavueestsplendide.

—Vousdésirezcommanderquelquechose ?

Jeplisse lesyeuxendirectionde la serveuseenmini-shortquivientde sematérialiseràcôtédenous.Enfinplutôtàcôtédemonmecqu’elleregarded’unpeutropprèsàmongoût.

—Tuveuxuntruc,Katelyn ?

—Unsiropàl’eau.

Jeneboisjamaisdesiropàl’eaupourtant,maisc’estlapremièrechosequimevientàl’esprit.Plusvitejeréponds,plusviteelledéguerpit.

Eden commande à son tour, un stupide sourire scotché aux lèvres. Je meretiensdegrincerdesdents.Quandl’intrusesedécideenfinàretourneraubar,jesuissondéhanchéexagéréd’unœilmauvais.Edentiresontransatpourlecolleraumienaprèsquoi il s’y installeavecunedécontractionévidente.Monregardfuribondretrouverapidementsonairsatisfait.

—Tulefaisexprès,avoue-le,marmonné-je.

—Serais-tujalouse,monamour ?

Jemehissesurmescoudesetmepenchedesoncôté,unmillierdepapillonss’envolantdansmonventre.Jem’emparedeseslèvresavechargne,cherchantàlui voler son souffle autant qu’il s’amuse à me priver du mien. Il glisse sespaumes surmes joues etm’attire un peu plus contre son visage.Quand je neparviensvraimentplusàrespirer,jem’écarteunpeu.

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—Tuesàmoiaussi,EdenWilliams,alorsarrêtededraguerdespimbêchessousmonnez.

—T’esmignonnequandtut’énerves,pouffe-t-ilenfrottantsonnezcontrelemien.

Jetentevainementderetenirunsourire.

—Etnem’appelleplusmonamour.Çamedonneenviedetedéshabillerettun’asdéjàpratiquementplusriensurtoi,ajouté-je.

Seslèvresfrôlentmapommette.

—Tun’aimespasça ?murmure-t-il.

—J’aimetropça.

Ilembrassemonfrontetjefermelesyeuxensavourantl’instant.

—Tuvienstebaigneravecmoi ?luidemandé-je.

—Onestlàpourça,non ?

Nouséchangeonsunregardcompliceetunautrebaiserpuisjemerelève.Letéléphone d’Eden choisit pile-poil ce moment pour se mettre à sonner. Il sepenchepourl’attraperetjem’apprêteàl’interrogerlorsquejevoisdenouveaucetteombre sur sonvisage. Je trébuche surmoncœurquivientde s’écraser àmespieds.

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Jel’aiperdu.Encore.

—Eden…

—Jeterejoins.Je…Ilfautquejedécroche,maisjeterejoins.Vas-y.

Ilnemelaissepasletempsdeleretenirets’éloignedéjàdequelquesmètres,letéléphonecolléàl’oreille.

Dépitée,jerejoinslesvagues.L’eauestfraîchesurmapeau,maisj’yprêteàpeine attention tandis que je m’avance dans la mer jusqu’à être immergéejusqu’à la taille. Chacune demes pensées est tournée vers le Eden tourmentéfaisant lescentpasprèsdubar, làoù je l’ai laissé.Et jenecessedemeposerinlassablementlamêmequestion.Qu’est-cequejepeuxfaire ?Qu’est-cequejepeuxbienfairepourlesortirdecetenfer ?

Jen’aipasderéponse.Jen’aiaucunefoutueréponseàcettequestion.

Je nage un peu en tâchant deme vider l’esprit. J’évite quelques surfeurs,j’échappeàunoudeuxballonséchangéspardesbandesd’enfants.Quandj’enaiassez,jedécidedemelaisserflotteràlasurfacedel’eau.Puisjerecommenceànager.Puisjem’arrêtedenouveau.Aprèscequimesembleuneéternité,Edenesttoujoursprèsdubar.Jeneparvienspasàdistinguersonexpressiond’ici,jeremarquesimplementqu’ilafiniparserasseoirsursontransatetqu’iltientsatêtedanssamainlibre.Cettevisionmedéchirelecœur.

Je retourne vers la plage. Les vagues se cassent encore sur mes molletsquandunjeunehommem’accosteenmetendantunflyer.

—Grossefêtecesoirsurlaplage,majolie !Tupasserasfaireuntour ?

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Je hausse un sourcil amusé dans sa direction.Unemèche lui tombe sur lefrontcachantenpartiesesyeuxrieursd’unbleuéclatant.

—Unefête ?m’étonné-je,suspicieuse.

— Yep, m’dame ! La plus grosse et épique du mois de juillet ! Auprogramme:feudejoie,musiqueendiablée,alcoolàfoisonetbaindeminuit !Toutestécritlà.

Ilmedésignelafeuillequejetiensfermemententremesdoigts.Jesurvolerapidementlesinformationsquiysontnotées.

—Alors ?Intéressée ?

—Pourquoipas!

—T’esicitouteseule ?Parcequesit’asdescopines,fautsurtoutpashésiteràlesramener !continuelejeunehommeenm’offrantunclind’œil.

Jem’esclaffemalgrémoi.

—Oh,ehbienàvraidire,je…

—Kate ?

Apparemment il suffisait que jememette à discuter avec un autre que luipourqu’Edendaignesereconnecteràlaréalité.Jemeretiensderoulerdesyeux,exaspérée.

—Yaunproblème ?demandemonpetitamid’untonunpeutropsec.

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—AucunEden,c’est…

—C’esttoncopain ?Génial !Veneztouslesdeuxcesoir !

Leblondnouspointedudoigtavantdenousfaireunrapidesignedelamainen s’éloignant sans attendre. Je le vois accoster un groupe de garçons un peuplusloinetleurtendreàleurtourdesprospectuspourlesinviteràlasoiréedusiècle.

—Cesoir ?Ilsepassequoicesoir ?m’interrogeEden.

—Ilyaunegrandefêtesurlaplage.Onpourraityaller,non ?

Jeredresse lementonvers lui,attendantsaréponse.Saufquejemeprendsunmurenpleineface.Etlesmursqu’érigeEdensonttoujourslesplusdifficilesàdémolir.

—Quit’aappelé ?

Jeveuxsavoircequisepasse.Jeveuxqu’ilmedisequivientdebrisernotrebulledetranquillité.

MaisEdengardelesilenceetjelesensserefermerdavantage.J’aienviedefrapperdansquelquechoseàm’enbriserlesphalanges.

—Eden,quit’aappelé ?

—Arrête,Katelyn.

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Je ravalema rancœurenentendant l’avertissementdanssavoix. Ilneveutpasmeparler.C’estplusqueclair.

Etçamefoutenrogne.

—Kate,attends,je…Oùtuvas ?

Ilmecolleautrainalorsquejeretourneversnostransats.Jemepencheversmesaffairesetenroulemaservietteautourdemapoitrineavantdemesaisirdemonsac.

—Jevaisfairedescoursespourcesoir.Jeterejoinsaubungalow.

Jen’essaiemêmepasdeleregarder,cequejelisdanssesyeuxdepuisdeuxjoursmefaittropmal.Iln’essaiepasdemeretenir,lecoupdefilqu’ilareçuluidonnantsûrementenviederesterseul.

Jem’éloigneàgrandspassansdemandermonreste,lecœurbeaucouptroplourd.Encoreunefois…

***

Nous n’avions toujours pas échangé le moindre regard quand je lui aiannoncé que j’ai décidé de me joindre à la fête organisée sur la plage. J’aidemandéàEdens’ilvoulaitm’yaccompagner,maisj’aiprissonmutismepourunnon. Iln’apas l’air contentdemevoir sortirde la salledebaindanscettepetite robeblancheque j’ai enfiléepar-dessusmonmaillot.Mais comme ilnedaigne pas le formuler à voix haute, je décide de continuer à ignorer son airboudeur.Jenepeuxpasleforceràm’adresserlaparoles’ilpréfèreserenfermersurlui-mêmedetoutefaçon.

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Dehors, levents’est levébienqu’il fasse toujoursaussichaud.Lesvaguesfontunbruitassourdissantquandj’arrivesurladigue,maislafoulegigantesquedisperséesurlaplageenfaitbiendavantage.Jenem’attendaisclairementpasàun tel monde. Le soleil se couche à l’horizon et l’obscurité naissante laisseapercevoirlesflammesgigantesquesdufeualluméaucentredelaplage.Attiréeparlamusiqueetlesrires,jem’avancedanslesableetmefraieuncheminentrelesjeuneseuphoriques.

Jeboisunverreoudeux.Desgarçonsm’invitentàdanser,desfillesaussi.Jerisunpeu,memoquequelquesfois.Quandj’ai tropchaud,jevaismarcherunpeuaubordde l’eau.Lameresthouleuse,encolère.Malgré tout,çan’effraiepaslesfêtardslesplustémérairesquiontdécidédes’offrirunbaindeminuitenavance. Je suis en train dem’esclaffer en regardant ces abrutis boire la tassequandonm’interpelle:

—Hé !Tuesvenue !

Jemeretournepourdécouvrirlegarçonquim’aaccostéesurlaplagetoutàl’heure. Il porte une chemise ouverte et un short de bain ainsi qu’un ridiculecollier hawaïen. Je souris en remarquant ses yeux pétillants et ses cheveux enpagaille.Ilal’airencoreplusenjouéquecetaprès-midi.

—Héoui !dis-je.

—Tuasàboire ?Sinonilfautabsolumentqu’onaillefaireuntouraubar !

Jerisenluidésignantleverredesangriaquejetiensàlamain.

—J’aicequ’ilfaut,net’inquiètepas !

Illèvelepouce,raviquejenel’aiepasattendupourmeservir.

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—C’est vraimentunegrosse soirée. Jenem’attendaispas à cequ’il y aitautant de monde, ajouté-je, heureuse d’avoir quelqu’un à qui faire un peu laconversation.

—Ohouais,jet’aidit,c’estlaplusgrossedumoisdejuillet !Chaqueannée,touslesjeunesducoinfontledéplacementpourselacollerunmax !

Jehausseunsourcil.Selacollerunmax,c’estlemoinsquel’onpuissedire !Ilyaaumoinsunequinzainedefûtsdebièresremplisderrièrelebar.

—Toncopainnet’apasaccompagnée ?

Lalégèretéquivenaitàpeinedepointerleboutdesonnezdansmoncœurdisparaîtaussitôt.Jebaisselesyeuxsurmespieds.

—Non.Iln’avaitpastrèsenviedevenir.Il…iln’étaitpastrèsenformecesoir.

L’inconnuserapprochedemoi,unsourireréconfortantsurleslèvres.

—T’as bien fait de le fuir dans ce cas !Unmecmalade, y a rien depluschiant !

Jepouffe.Onnepeutpasdirequejenesoispasdesonavis.

—Iln’estpasvraimentmalade.Justedemauvaisehumeur,précisé-je.

Jelevoisregarderuninstantderrièremoiavantdemerépondreenretenantdifficilementsonamusement.

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—Jecroisquetuminimisesleschosesquandtudisde« mauvaisehumeur ».Ilaplutôtl’airfurax.

Je pivote sur mes pieds pour découvrir ledit « copain » en train des’approcher à grandes enjambées. Les lueurs orangées provenant de l’énormebrasier sur la plage dessinent des ombres menaçantes sur ses traits. Je meretourne face àmon interlocuteurquiparaît plusdétenduqu’effrayé. Il ne saitvraimentpascequil’attend.

—Tuferaismieuxdepartir,l’avertis-je.

Legarçonreculedéjàenm’envoyantunclind’œil.

—Bonnechance !lâche-t-ilavantdedisparaîtredanslafoule.

Jerouledesyeux,conscientequ’ilvamefalloirbienplusqueça…

—Pourquoituparlaisencoreaveclui ?

Le ton d’Eden est sec et colérique. Un coup d’œil dans sa directionm’indiquequec’estuneuphémisme.

—Pourquoipas ?rétorqué-je,amère.

Il plisse ses yeux fâchés. Ses épaules sont tendues et ses poings serrés.Pourquoiest-ilsortis’ilestdéjàaussiénervé ?

—Jen’aimepascetype,putain.

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—Tun’aimesaucuntype,Eden.

Jefaisminedem’éloigneràmontour,désireusederetrouverlafêteetnonmonfichupetitamimalluné.Saufquecederniermeretientparlecoudepourmeramenerdeforcecontrelui.

—Katelyn,je…

—Luiaumoins,ilmeparle.

J’aurais voulumemontrer plus dure,mais on entend sansmal la tristessedansmavoix.Ellesereflètepresqueimmédiatementdanssesyeuxgris.

—Jesuisdésolé,dit-il.

—Jeneveuxpasquetusoisdésolé.Jeveuxquetuarrêtesdemerepoussersanscesse…

Jelevoisserrerlamâchoirealorsqu’ilglisseunemaindansmoncou.Ilsepencheetposeunlongbaisersurmatempe.

—Est-cequ’onpourraitprofiterdecettesoiréed’abord ?

Il évite encore la conversation que nous allons être obligés d’avoir mais,envahieparsatendresse,jedécidedeluiaccorderundélaisupplémentaire.

—Jepensaisquetunevoulaispassortircesoir,souligné-jeenm’agrippantàsont-shirt.

Eden fait la moue une seconde avant de recommencer à embrasser mon

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visage.Pourquoi ne parviens-je jamais à lui résister plus d’uneminute ?C’estterriblementagaçant.

—Tunerevenaispas.J’étaisinquiet.

—Ilestàpeinevingt-deuxheurestrente,Eden.

—Etalors ?Jet’airetrouvéeaveccemec,j’avaisraisondem’inquiéter,sedéfend-il,bougon.

—C’estfauxettulesaistrèsbien.

—Iltedéshabillaitduregard.

—Tudisn’importequoi.

—Ilallaittekidnapper.

Jerisenlefrappantsurl’épaule.

—Arrêtetesbêtises,imbécile.

Jemehissesur lapointedespiedspourl’enlaceretplaquermeslèvressurles siennes.Edenme répondavec tantd’ardeurque jepeineraisà tenirdebouts’il neme tenait pas aussi étroitementdans sesbras. Je sens sesmainsglisserplusbasdansmondos, surmes reinspuis surmes fesses jusqu’àmes cuissesnues.

—Dis-moi que tu en as marre de ce feu ridicule et de tous ces gaminsbourrés pour que je puisse t’emmener ailleurs sur-le-champ, grogne-t-il contre

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mabouche.

Unviolentfrissondedésirlongemacolonnevertébralealorsqu’ilremontesespaumesplushautsurmesjambes.

—Etsijeneveuxpas ?susurré-je,joueuse,enmordillantsalèvreinférieure.

Ilgémitetjemanquedemourir.

—Jetefaisl’amourici,devanttoutlemonde.

Jem’esclaffe,amuséeparsafougue.

—C’estterriblementtentantça,Williams.

Ses doigts jouent avec la couture de mon maillot sous ma robe. Ils sontterriblement proches de mon entrejambe. Tellement proches que je sens déjàmoncorpssecontractercommeunebouledenerfsàcetendroit.

—Dis-le,Bébé.

—Eden…

—Katelyn ?

Sidéréeparlavoixquejeviensd’entendreàquelquespasdenous,jemefigeviolemment et m’écarte rapidement de l’emprise fiévreuse de mon petit-ami.Dites-moiquecen’estpas…

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—Ben ?

Aucundoute,c’estbiensatignassedebouclesblondesquejedistinguedansl’obscurité.Mon frère a les yeux braqués sur Eden etmoi et les émotions selisantsursonvisagevacillententreledégoûtetlemécontentement.

Jenesaispaspourquoi,maisj’aibrusquementlasensationquecettesoiréeestsurlepointdemaltourner.

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—Benjamin ?Maisqu’est-cequetufaislà ?

Mon frère croise les bras sur son torse nu, un air suspicieux animant sonvisage.

—C’estplutôtàtoiqu’ilfaudraitposerlaquestion !T’esaucottage ?

Jejetteunrapidecoupd’œilàEdenquigardelesilenceàmescôtés.Jesuissurprisede levoiraussicalme. Il saitàquelpointBen luienveut toujoursdem’avoirfaitdumalparlepasséetcequ’ilsaitaussi,c’estquejeneluiaipasencoreditque jemesuis réinstalléechez lui. Jesuiscertainequesimonfrèrel’apprendenprésencedemonpetitami,jeneparviendraipasàlesempêcherdes’étripercesoir.Chosequej’aimeraissincèrementéviter.

—Oui, je…On prend juste quelques jours de vacances avec Eden.Maisattendsunpeu,cen’estpasdanscettestationquesetrouvelavilladeRaphaëlàcequejesache,alorsqu’est-cequetufaissurcetteplageBen ?

— Tu rigoles ou quoi ? Tout le monde parle de cette soirée depuis dessemaines !Onaprislebusaveclesmecspourvenirjusqu’ici.

Bienévidemment,dèsqu’ils’agitdefairelafête,monfrèren’enmanquepasune.J’auraisdûm’endouter.

Enparlantdesesamis,envoilàjustementdeuxquiseprécipitentdansnotre

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direction. Je reconnais Raphaël sans difficulté et il me semble déjà avoir vul’autrelorsquej’attendaisparfoisBendevantsonlycée.

—Qu’est-cequetufous,Benji ?Ont’attendpourcommencer.

Bense tournevers le rouquinque jeneconnaispasen lui faisant lesyeuxronds.Quoiqu’ilssoientsurlepointdecommencer,iln’apasl’aird’avoirenviequejeledécouvre.

—Hé,maisc’esttasœur !Salut,Katelyn !

Je rends son salut àRaphaël ennequittantpasmon frèredu regard. Jenesaispasquellebêtiseils’apprêteàfaire,maissonaircoupablenemeplaîtpasdutout.

—Quoi ?Ta sœur ?Celle chez qui tu vas emménager ? demande le roux,curieux.

JemecrispedetoutmonlongetEdenledevinesansmalparcequejelesensserapprocherdemoi.

—J’aiqu’unesœur,abruti !répliqueBenjaminendonnantuncoupdecoudeàsoncopain.

Cedernierrouledesyeuxavantdemetendrelamain.

—Moi,c’estQuentin !Ravideterencontrer !Ilparaîtquevotrependaisondecrémaillèrevaêtredémente,j’aivraimenthâtedevoirça.

Detouteévidence,Quentinest legenred’êtrehumainincapabledetournerseptfoissa languedanssaboucheavantdeparler.Surunautresujet, jepense

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quesaspontanéitéauraitpumefairerire.Maislà,j’aijusteenviedegrincerdesdents.

—Benjamin,jepeuxteparlersanstescopainscinqminutes ?marmonné-je,bouillonnante.

Ilfaitlagrimace,maisacceptedemesuivreunpeuplusàl’écartdelafoule.SeulEdendécidedenoussuivre.

—Kate,jetejurequej’aijamaisditquenotrependaisonseraitdémente.

—Tuesleplusmauvaismenteurquejeconnaisse,BenjaminTundal !Est-ceque je peux au moins savoir combien de personnes tu as invitées à notrehypothétiquependaisondecrémaillère ?

— Euh bah j’en sais rien, j’en ai peut-être juste parlé à deux ou troispersonnes…

Jehausseunsourcil,pasdutoutconvaincue.

—BonOK,plutôtunevingtaine,secorrige-t-il.

—Vingtpersonnes ?!

—Outrente ?Jesaisplustrop.

—PutainBen,jevaistetuer !

Jeluilancemonverreenplastiquevideàlatêtequ’ilévitesansdifficulté.

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— Je te promets qu’on ne sera pas autant en vrai ! se défend Ben enmeservantsonregarddechienbattu.

J’aienviedem’arracherlescheveux.Jenesaispascontrequiêtreleplusencolère.Contre lui parce qu’il n’en fait qu’à sa tête ou contremoi pour ne pasavoir la force de lui avouer qu’en réalité il n’y aura aucune fête puisqu’il n’yauraaucunappartement.Jeserrelespoingsetcourbelesépaulespourencaisserle poids de ma lâcheté. J’ai promis de ne plus lui mentir et pourtant c’estexactement ceque je faisdepuis trois semaines.Mais j’ai tellementpeurqu’ilmedétestes’ilapprenaitque…

—Kateestrevenuevivreavecmoi.

Pendantune fractionde seconde, jen’entendsplusque leventhurlerdansmes oreilles. Je me tourne vers Eden qui dévisage tranquillement mon frère.J’essaiederécupérerlebasdemamâchoirequivientdetombersurlesol.

—Pardon ?s’exclameBenjamin,effaré.

—Ta sœurvit avecmoi. Il n’y aurapasd’appartement parceque je ne lalaisseraiplusjamaismequitter.

—Eden !

Jegifle lapartiedemaconsciencequi s’estmiseàbaverenentendantcesmotspourmeconcentrersurcellequirêvedelerouerdecoupsjusqu’àcequemorts’ensuive.Iln’avaitpasledroitdedireça !Cen’étaitpasàluiderévélerçaàmonfrèreetcertainementpasdemanièreaussibrutale !

—C’estuneblague ?Katelyn,c’estunefoutueblague,pasvrai ?

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Jedéglutisdifficilement,lecœurenlambeaux,encaptantleregardabasourdietblessédeBen.

—Je…Ce…Jevoulaist’enparler,mais…commencé-je.

—Yadelaplacechezmoipourtoiaussi,Benjamin.Tupeuxtrèsbienvenirvivreavecnous.

Jen’encroispasmesoreilles.Estomaquée,jemetourneversEdenquin’estrien demoins qu’extrêmement sérieux.Sa détermination semble ébranlermonfrèreautantquemoiparcequ’ilregardemonpetit-amicommes’ilvenaitdevoirunextraterrestre.

—T’escomplètementdérangé !Jeneviendraijamaism’installercheztoi !

—Moijepensequesi,ditEden,incroyablementsûrdelui.

—Ahouais ?Etpourquoidiablejeferaisça,putain ?

—Parcequetuveuxquetasœursoitheureuseetquec’estavecmoiqu’elleestheureuse…

Jen’arriveplusàrespirer.

—… et elle le serait encore davantage si tu acceptais de venir t’installeravecnous.

C’est avec stupéfaction que je vois Benjamin se mettre à réfléchir auxparolesd’Eden.Lesdeuxgarçonsnesequittentpasdesyeuxunesecondeetjemedemandecomment je faispour tenirdebout. Jesuis tellementchoquéequej’ail’impressiondem’êtretransforméeenstatue.

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—Jeveuxpouvoirorganiserunefêteunefoisparmois.

—Benjamin !m’écrié-je,révoltée.

—Aucunproblème,rétorqueEden.

—Quoi ?!

Maisàquoiilsjouent,bonsang ?

—Etjeveuxavoiraccèsàlatéléàchaquefoisqu’ilyaunmatchdefoot,enchaîneBen.

—Çameva.

—OK.Alorsj’accepte.

Après s’être serré la main pour sceller leur accord, ils semblent enfin sesouvenirdemaprésence.

—Qu’est-ceque…tenté-jed’articuler.

—Jerentresamedidanslasoirée,Katelyn.Oubliepasdevenirmechercheràlagare.

J’ai lesyeuxrondscommedessoucoupesquandmonfrèresepenchepourembrassermajoueavantdedisparaîtredanslafoule.Quandjeneparviensplusàdistinguersatignasseblonde,jemeretourned’unbondversEden,furieuse.

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—Jepeuxsavoircequit’apris ?

Ilmesourittranquillement,lesmainsdanslespoches.

—J’en avaismarre que tu te tortures avec cette histoire. Il va venir vivreavectoi,loindevosparents,cen’estpascequetuvoulais ?

Jecroisn’avoirjamaisautantaimécethommequ’encetteseconde.

—Ohbonsang,Eden !

Je lui saute au cou, cherchant sa bouche comme on cherche une oasis enpleindésert.Jem’accrochedésespérémentàsanuqueenplongeantmesdoigtsdanssesmèchessombresetilmesoulèvedusolenemprisonnantmeshanchesentresesbras.Jemeursdechaudsaufquecelan’aplusrienavoiraveclebrasierderrièrenous.Cefeu-làestenmoi.

—Ramène-moi.Toutdesuite.

Jeressenssonenviedemoijusquedansmesos.

Ilaàpeinerefermélaported’entréederrièrenousquejeledébarrassedéjàde son t-shirt. Mes doigts parcourent son torse brûlant alors que je tente deretrouvermonsouffleaprèsnotrecourseeffrénéepourreveniraubungalow.Lesmainsd’Edenglissentsurmesépaules,repoussantmescheveuxsurlecôtépouravoiraccèsàlafermetureéclairdansmondos.Ilmelibèredemarobeavantderecommenceràm’embrassertoutenmeguidantverslachambre.

—Jepourraist’épouserpourcequetuviensdefaire,Eden.

Jelesenssouriresurmapeaualorsqu’ilvientdenousfairetombersurlelit

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etqu’ilparsèmedéjàmapoitrinedebaisers.Jemecambreengémissantcontresabouche.

—Faisgaffe,bébé.Jevaismemettreàypensersitucontinues.

Je ris parce que l’idée est complètement dingue et parce que je n’aiabsolument aucune intention de me marier un jour. Mais malgré tout, cesentimentdansmoncœurneveutpasdisparaître.Si l’amouravecungrandAdevait ressembler à quelque chose, je sais qu’il ressemblerait à ça. Ilressembleraitàluietmoi.

D’uncoupdehanches, je forceEdenàbasculer sur le litdemanièreàmeretrouverau-dessusdelui.Ilnedaignepasécarterseslèvresetsalanguedemesseins alors que mes doigts s’attellent à le défaire de son short. Mes onglesgriffent sa peau tandis qu’il lève le bassin pour me faciliter la tâche. Mesoustrayant à sa prise, je me mets à embrasser son torse que je parsème debaisersjusqu’àl’élastiquedesonboxer.Plusjeledescendssursescuisses,plusmeslèvresglissentsursonaine.

—Kate…souffle-t-ild’untonrauque.

Leregardque je lui lancepar-dessousmescilssuffità lui fairepousserunrâletandisqu’ilrejettelatêteenarrièresurlesoreillers.

—Putain,jet’aimebébé,gémit-ilquandjerefermemaboucheautourdelui.

Et moi j’aime l’entendre se battre autant avec sa respiration. J’aimel’entendre murmurer mon nom. J’aime la sensation de ses doigts dans mescheveuxetlacaressedesessuppliquessurmapeau.J’aimelesentirs’accrocheràmesépaulesquand je ralentiset tremblerquand j’accélère. J’aime l’entendremedirequ’ilm’aime,encoreetencore,etquandilnepeutplus,j’aimelesentirexploser. Il se brise en unmillier de fragments que je suis la seule à pouvoirrecolleretj’aimeça.J’aimel’effetquejeluifais.J’aimequ’ilsoitàmoi.

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L’airmutin,jemeredresseetm’étendssagementàsescôtés.Ilacesourirebéatquifaittoujoursfondremoncœuretcetéclatdanslesyeuxquidéclenchetouscesouragansdebonheuretdedésirenmoi.

—Àmontour,Tundal.

Jerisalorsqu’ilmeplaquecontrelematelas.

***

—Non !

Jem’éveilleensursautant.Lachambreestplongéedanslenoir.Pendantunefractiondeseconde,jemedemandesij’airêvécequejeviensd’entendre.PuisEdens’agiteàcôtédemoietjeréalisequec’estluiquiacrié.Ilfaitunnouveaucauchemar.

Sapeauestbrûlante.Sesbrassecontractentautourdematailletandisquejesenssapoitrinesesouleveràunrythmeirréguliercontremondos.Jemetortillecomme je peux pour lui faire face et mes doigts cherchent son visage dansl’obscurité.Sonfrontestcouvertdesueur.

—Eden…Eden,réveille-toi.

Jelesecouelégèrementalorsqu’ilsecrispeengémissant.Jedistinguemieuxses traits à présent et je les découvredéformépar la douleur.L’inquiétudemesubmergeetjel’appelleplusfort.

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—Eden,jet’enprie,réveille-toi !

C’estàson tourdesursauteret ilhoquetteen retrouvantde l’air.Sesyeuxpaniqués s’ouvrent en grand et tentent de le sortir de son mauvais rêve ens’accrochant désespérément aux miens. Ses mains se plaquent sur mes jouesavecprécipitationetsadétressemeprenddecourt.

—Je…Eden,qu’est-cequ’ilya ?Toutvabien.C’étaitjusteunrêve.Toutvabien…tenté-jedelerassurer.

Il sedétournedemoi et s’assied sur leborddu lit en sepassantunemaindans les cheveux.Aumomentoù je tends lamiennepour caresser tendrementsondos, il fuitmoncontactetse lèved’unbondavantd’enfilersonboxerquitraînaitsurlesoletdequitterlachambre.

Angoisséeparsaréaction,jesorsdulitàmontouretchercheàtâtonssont-shirt que j’enfile. Je trébuche un peu en rejoignant le couloir et allume leplafonnierunefoisdanslesalon.Àtraverslaporteferméeàl’autreboutdelapièce,j’entendsl’eaudeladouchecouler.Jemefrottelevisageenessayantdecomprendre ce qui vient de se passer. Eden est tellement déboussolé pour lemomentquej’aimoi-mêmel’impressiondeperdrelatête.

Je vais me servir un verre d’eau derrière le comptoir de la cuisine avantd’allerrécupérermontéléphone,abandonnésurlatablebasse.Enl’allumant,jeconstate qu’il est deux heures du matin. J’ai plusieurs appels manqués etmessagesenprovenancedemesamiesetdeClara. Jenesaispascequecettegaminemeveut,mais elle a l’aird’avoirvraimentenviedeme joindre.Si leschoses s’arrangent avec Eden, j’essaierai de la contacter demain pour qu’ellecessedemeharceler.

Aprèsunedizainedeminutes,l’eausecoupeenfin.Assisedanslecanapé,jetriturenerveusementmesdoigts.Jenesaispasàquellefacettedelapersonnalitédemonpetit-ami jevaisavoirdroit lorsqu’ilsortirade lasalledebainmais je

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medoute que ce ne sera pas la grande joie. J’espère simplement qu’il parleracettefois.

Jemelèvequandlaportes’ouvre.

Àlacouleur légèrementbleuiequ’ontprisses lèvresetà lachairdepoulesur sa peau, je devine qu’Eden a dû rester un moment sous une doucheparticulièrementfroide.Sonregardnes’attardequ’unefractiondesecondedansmadirection ;pourtant,c’estsuffisantpourquej’ylisetoutcequej’avaispeurd’y trouver.Unmilliond’émotionss’agitentdanssesyeuxclairs,mais jen’enreconnaisaucune.Toutceque jepeuxdireaveccertitude,c’estqu’ilestàdeskilomètresdemoi.

—Eden,parle-moi.

—Retournetecoucher,Katelyn.

J’encaisse sans broncher, mais la distance qu’il nous impose commencevraimentàeffritermapatience.

—Non !Non,parle-moi !Dis-moicequisepasse !

Ilserrelesdentstoutens’éloignantdèsquejetented’approcher.

—Retournedanslachambre,Katelyn,s’ilteplaît.Laisse-moiseul.

Pourquoifait-ilça ?Pourquoisemontre-t-ilsifroidenversmoi ?

—Arrêteça,Eden !Jet’ensupplie,çasuffit !Tuesrestéseulpratiquementtoute la journéeet tuvoisbienqueçanechange rien !Pourquoiest-ceque turefusesdemediresimplementcequisepasse ?

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—Parcequetusaistrèsbiencequisepasse !

Ilacriéenseretournantenfinpourmefaireface.Si laragesedessinesurses traits, jevoisbienquec’est l’angoissequi le ronge.L’angoisse et quelquechosequej’aiessayéd’ignorerenvaindepuisquenousnoussommesretrouvés.Delaculpabilité.Et jesuisbienplacéepoursavoirquelaculpabilitéconsumenotreâmejusqu’àcequ’iln’enresterien.

—Je tevoismorte.De…Dansmescauchemars, c’est…Toi etMeg, il…Putain, j’arrête pasde le revoir avec son flinguepointé sur ta gorge et je… Ilmenacetousceuxquej’aimeetiln’yarien…rienquejepuissefaireàpart…

Jedoisfaireappelàtoutemavolontépournepasm’effondrerenl’entendantprononcercesmotsavectantdedifficultés.J’aitroppeurdesavoircequetoutcelasignifie,troppeurd’avoiràouvrirlesyeuxsuruneévidencequej’aitentéd’ignorerduranttoutescessemaines.

—Tusaistrèsbienoùtoutçavamener,Kate,lâche-t-il,résigné.

Jesecouevivementlatête.Jerefused’ycroire.

—Nedispasça…Je…Onva trouverune solution. Il faut… il faut justeque…

—Iln’yenapas.Iln’yapasd’autresolution.

—Cen’estpasvrai !Ilyaforcémentautrechoseàfaire,Eden !Onpourraitentrouverunesituacceptaisaumoinsquejet’aide !

—Maisjeneveuxpasquetum’aides,putain !Tun’aspasl’impressionque

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je t’ai déjà beaucoup trop impliquée dans cette histoire ? Que je t’ai déjàbeaucouptropmiseendanger ?Jeneveuxpasquetutemêlesdeça,bordel !JeteveuxjusteaussiloindeJordanquepossible !

—Etmoijeneveuxpasquetufinissesenprison !

J’aihurléàmontour,incapablederetenirpluslongtempscettecolèreetcettepeursourdebouillonnantàl’intérieurdemoi.Jerefusequ’ilbaisselesbras.Jerefusedeperdrelaplusbellechosequim’aitjamaisappartenu.

Nous nous défions toujours d’un œil noir quand mon téléphone se met àvibrersurlatablebasse.Celadétournetoutdesuitel’attentiond’Eden,maisjesuisloind’enavoirfiniaveclui.Quiquesoitmoncorrespondant,ilattendra !

—Tudevraisdécrocher,meditEdenenpassantunemainagitéedans sesmèchesencorehumides.

—Non.Onn’apasfininotreconversation.

—Ilasonnétoutelasoirée,Katelyn.Décroche-le.

—Jet’aiditnon !

Mon entêtement semble l’agacer mais ce n’est rien comparé à monénervement quand je constate que la personne qui essaie deme contacter estencoreplusbornéequemoi.Monportableseremetàbourdonnersurlatable.

Rageur,Edensepencheenavantpourl’attraperetmeletendsèchement.

—Répondsouc’estmoiquilefaisetjerisquefortd’êtredésagréable.

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Non,sansblague !

Je le fusille du regard avant de contempler mon écran. C’est Clara.Évidemment !

—Je n’en ai pas fini avec toi,Williams ! l’avertis-je en pointant un doigtaccusateurverssapoitrine.

Illèvelesyeuxauciel,exaspéré,aumomentoùjemedécideàdécrocher.

—BonsangClara,ilestdeuxheuresdumat !T’enaspasmarredeharcelerlesgensautéléphone ?

—Katelyn ?C’estpastroptôt !

Ellenemanquevraimentpasdeculotcelle-là !

—Jepeuxsavoircequetumeveuxàuneheurepareille ?

—Jel’aitrouvé !Lebraqueur !Legarsavecleflingue !Jel’aitrouvé !

Lapiècesemetàtournersibrusquementautourdemoiquej’enailanausée.Jedoism’accrocheraudossierdudivanpournepastomber.

—Qu…quoi ?

—Ils’appelleJordanRichards !Toutconcorde,Kate !Toutesmesinfos !Jesuissûrequec’estlui.

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Paniquée,jemetourneversEdenquinesembleriencomprendreàmonétat.Il s’approche et glisse une main sur ma hanche en m’interrogeantsilencieusement.Jen’aimêmepaslaforcedem’écarterdelui.

—Clara,oùest-cequetues ?

—Devantchezlui,fallaitquejevérifiecertainstrucsavantd’allerprévenirParrish !Ilauneénormebaraquemaisje…

—Bonsang,qu’est-cequit’apris ?!Jet’aiditdenepast’enapprochersitutrouvais quelque chose ! Ce type est dangereux, Clara ! Fous le camp tout desuite !

J’entendslajeunefillerouspéterdanslecombiné.

—C’estbon, iln’estmêmepluschezlui.Ilvientdepartirenvoitureet jesuisenroutepourrentrer !

—T’escomplètementinconsciente !

—Arrêtedemecrierdessus !J’aiessayédeteprévenirtoutelajournéemaistunem’aspasrappelée,jetesignale !

—Ce n’est pas une raison pour temettre en danger, Clara ! Tu aurais dûprévenir Parrish tout de suite plutôt que d’aller là-bas toute seule, tum’avaispromisquetuleferais !

Edensetendviolemmentquandj’évoquelenomdel’officier.Sessourcilssefroncentetjecroisqu’ilestentrainderéaliserd’oùmevientmoninquiétude.

Jem’attends à entendre l’adolescente se plaindre une fois de plusmais le

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silencequemerenvoiebrusquementmontéléphonemefaittrembler.

—Clara ?appelé-je,lavoixvacillante.

—Je…jecroisqu’ilm’avue.

Elle panique. Elle qui pourtant ne se laisse jamais démonter a la voix quitremble.Elleapeuretjesaiscequeçasignifie.

—Il…Savoitureestarrêtéeaucoindelarue.Sespharessontallumésdansmadirection.

Ohmondieu,jecroisquejevaisvomir.

—Va-t’en.Va-t’enimmédiatement,Clara.

La réponse de la jeune fille est camouflée par le vrombissement puissantd’unmoteuretpardespneusquicrissent.

Lerestesepasseenunéclair.Jecroism’entendrecrier.ÀmoinsquecenesoituniquementleshurlementsdeClaraentrecoupésparsespleursquirésonnentsifortdansmesoreilles.J’entendssacourseàl’autreboutdufil, j’entendssespas marteler le bitume alors que je devine la voiture lancée à toute vitessederrière elle. Eden me rattrape de justesse alors que je m’effondre quandl’impact fracassantme vrille les tympans.Mes os craquent sous le choc,mesorganes saignent comme si c’étaitmoi qu’onvenait de heurter si violemment,commesij’étaisàlaplacedeClaraquelquessecondes.Jetrembletellementquejen’arriveplusàrespirer.

Sontéléphonedoits’êtrebriséentombant.

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Jen’entendsplusqu’unbipassourdissantseprolongerdanslecombiné.

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Claraestdanslecoma.

J’essaie de me dire que c’est mieux que d’être morte mais comme lesmédecinsnepeuventprévoirniquandelleseréveilleranidansquelétat,j’aidûmalàrelativiser.

Sansparlerdufaitquetoutestentièrementdemafaute.

Claraestdanslecomaàcausedemoi.Àcausedemonsilence.ÀcausedemonamourpourEden.

Elleauraitpumourircettenuit, tuéepar labrutalitédeJordan.Etçaauraitétéuniquementmafaute.

Ma.Faute.

—Kate,ilfautquetum’expliques.

Jefermelesyeuxenposantlefrontsurmesgenoux.Jesuisrouléeenboulesurlesiègepassagerdelavoitured’Eden.Nousvenonsdequitterlesurgencesaprès de longues heures passées à attendre des nouvelles deClara. J’aimeraisquemonpetit-amidémarre,qu’ilnousramènechezluietqu’ilgardelesilencecommeil l’a faitdepuisce fichucoupde téléphone.Mais jesaisqueceseraittropluiendemanderaprèsceàquoiilvientd’assister.

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J’ai dû affronter lamère de Clara. Un petit bout de femme adorable, auxcourbesgénéreuses et auxbouclesbrunes aussi épaissesque cellesde sa fille.Mêmesesgrandsyeuxbrunsm’ontrappeléClara.Alorsqueçaauraitdûêtreàmoi de la rassurer, elle n’a cessédeme réconforter enm’assurant que sa filleétait une battante et qu’il lui en faudrait bien plus pour être terrassée. Je n’aiaucundoutelà-dessusbienévidemment,Claraestprobablementl’adolescentelaplusentêtéeetdéterminéequejeconnaisse.Maisimpossibledemesortirdelatêtetoutletempsqu’adurécetteconversationquesamèren’auraitpasétéaussidoucesielleavaitsuquej’étaisengrandepartieresponsabledecetaccident.Àvrai dire, jeme sentais tellement coupable que j’avais envie de hurler commeunehystériqueaumilieudelasalled’attente.

Puisellem’ademandésijesavaispourquoiClarasetrouvaitdanscequartierrésidentiel aussi tard alors qu’elle avait prétendu à ses parents qu’elle dormaitchez l’une de ses amies. Ellem’a demandé si, comme je lui ai avoué que jel’avais eue au téléphone juste avant la collision,Claram’avait révélé quelquechose sur lavoiture l’ayant renverséeou si elleavait laisséentendrequ’on luivoulaitdumal.Etc’est làque jemesuissentie flancher.Lamaind’Eden,quin’avait pas lâché la mienne une seconde depuis que nous avions quitté lebungalow, s’est faite plus ferme autour demes doigts glacés et il a enclenchénotredépartavantquejeneleréalise.

Jeneluienveuxpasdem’avoirforcéeàsortirdecethôpital.Nousn’aurionsdetoutefaçonpasétéautorisésàvoirClaraavantdetrèslonguesheuresetvunotreétatdefatigue,ilétaitvraimentplusraisonnablequenousrentrions.Maisj’aurais préféré qu’il continue à nemeposer aucunequestion. J’aurais préféréqu’il continue à se taire. Parce que je sais que ce qui va suivre ne va pas luiplaireetj’aipeurd’avoiràformuleràvoixhautetoutcequimerongel’esprit.J’aipeurdeprononcerdesmotsquinouspousseraient inévitablementversunefinquejenepeuxmêmepasenvisager.

—Kate…

Jemeredresseensentantsapaumecontremanuqueetj’inspirebrutalement

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enmeconfrontantàsonregard.Ilal’airexténuéetjem’enveuxd’autantplusdenepasêtreparvenueà le teniréloignédecedrame.J’ai l’impressiond’êtreencoreplusdémuniequ’ilyaquelquesheuresfaceàlarésignationqu’ilaffiche.Etjen’aimepasdutoutcetteidée.

—Est-cequ’onpeutrentrer ?demandé-je,épuiséemoiaussi.

Latristessesedessinantsurses traits tirésmefait immédiatement regrettermon acharnement à ignorer ses interrogations. J’essaie aussitôt de le rassurerbienquejenesachepasd’oùmevientcetteforce.

— Je… je vais t’expliquer Eden, d’accord ? Je… je voudrais juste qu’onrentred’abord.

Sesdoigtss’éloignentdemanuqueetglissentsurmajoueavantdes’arrêtersurmeslèvres.Jecloslespaupièresdenouveaupoursavourersatendresseetjetentevainementd’ignorerlamélancoliequiaallumélefonddesesirisquelquessecondes.

Ilavaitraisontoutàl’heure.Jesaisparfaitementoùtoutcelavanousmener.

J’essaied’ignorer toutesmessombrespensées tandisquenousroulons loindel’hôpital.Ilestàpeinedixheuresdumatinetpourtantlecentre-villegrouilledéjàdevie.Moncœurestsilourdquej’auraisenviedebaisserlavitrepourlejeterhorsdelavoiture.J’auraisenviedebaisserlavitreetdehurleràtouscesgensqui s’activent qu’une jeune adolescente de seize ans, l’âgedemonpetit-frère, est entre la vie et lamort et qu’ils n’ont pas le droit d’avoir l’air aussiheureux. Pourtant je ne dis rien, je ne fais pas un geste. À la place, maconsciencemerépètecommeunepetitevoixinsupportablequejenepeuxm’enprendrequ’àmoi-même.EllememurmurequesiClaraenestlà,c’estparcequejen’aipasfaitcequ’ilfallaitpourlaprotéger.Etjesaisquec’estlavérité.

Ilfaitfraisdanslamaisonquandnousentrons,j’enfrissonnepresque.Eden

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ouvre les tentures que nous avions tirées devant les fenêtres avant de partirtandis que je m’écroule sur le canapé. Je le vois disparaître dans le couloirmenantàsonbureauetpendantuneseconde,jepensequ’ilachangéd’avis.Cen’estquequandilrefaitsurfacedanslesalon,lamineencoreplussombrequ’ilyaquelquesminutes,quejecomprendsquecen’estpaslecas.

Il s’assied prudemment à côté de moi. Je tremble vraiment à présent,probablementparceque l’adrénalinequi coulaitdansmesveinescesdernièresheures commence à redescendre et que je prends vraiment conscience del’horreurdelasituation.Edentiresurlacouvertureposéesurledossierdudivanetl’enrouleautourdemesépaulestoutenm’attirantunpeuverslui.Macuisseestbientôtcolléeàlasienne,sonbrasentouremondos,sonsouffles’écrasesurmajoue.Samainlibrevientserefermersurmongenouet je l’agrippedemesdoigtstremblants.Jel’agrippedetoutesmesforcesavantdecommenceràparler.

—Je…J’ai rencontréClaraquelques semaines après lebraquage.C’est…c’estParrishquiluiavaitditdemecontacter,ilpensaitque…jepourraisl’aideroulasoutenir,je…j’ensaisrien.

Ducoindel’œil,jevoisEdenfroncerlessourcils.

—L’aider ?L’aiderpourquoi ?medemande-t-il,perplexe.

Jeprendsunegrandeinspirationavantdecontinuer.

—Àfairesondeuil.La…lacaissièrequiestmortedanslebraquagequiasuivilemien,c’étaitsagrand-mère.C’étaitlagrand-mèredeClara.

Jelesenssecrisperdurementenjurant.Ilbaisselatête, ledosvoûté,etjesaisquejeviensd’ajouterunpoidssupplémentairesursesépaules.Edenabeaunepasavoirprispartaubraquagecejour-là,cettefemmeneseraitpeut-êtrepasmortesiJordanavaitétéarrêtéavant. Ilsesentcoupable,commemoi,d’avoirlaissétoutçaseproduire.

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—À cemoment-là, je n’étais vraiment pas en état de l’écouter pleurer lamortdesagrand-mère,je…j’étaisdéjàtellementauborddugouffreàcausedetout ce qui se passait chezmoi, à cause de Lisa…Mais jeme sentais quandmêmeresponsabledecequiétaitarrivéàcettepauvrefemmealorsj’aiacceptéde revoirClara.Etc’est làque j’aicomprisqu’ellen’avaitpasbesoindemonaidepourseremettredelamortdesagrand-mère.Elle…ellevoulaitjustequejerépondeàsesquestionsparcequ’elles’étaitmisentêted’enquêtersurvous.

—Attends…quoi ?

Jegrimacefaceàlastupéfactiond’Eden.Jemerappelleavoireuexactementlamêmeréactioncejour-làauJerryquandj’aivudébarquerClaraavecsesgrossabots,ledossierdelapoliceetsadéterminationàtouteépreuve.

—Elles’estprocuréunecopiedudossierdesflicsreprenanttouteslesinfosconcernant l’affaire. Je n’ai jamais su comment, elle m’a juste dit qu’elleconnaissaitquelqu’unquiyavaitaccès.Ellevoulaitcreusertouteslespistesaucasoùlapoliceétaitpasséeàcôtédecertainséléments.Elle…Jeluiaiditquec’étaitdangereuxetquesielletrouvaitquoiquecesoit,ilfallaitqu’elleenparleà Parrish avant de faire quoi que ce soit. À ce moment-là, je ne pensais pasqu’elledécouvriraitquelquechose.

—Cequ’elleafiniparfaire ?medemandeEden.

Jehochelatêteensoupirant.

—C’esttoiqu’elleasuspectéenpremier.Tonnométaitdansmadépositionet j’ai volontairement évité de parler de toi la première fois qu’elle m’ainterrogée.Le jouroù je suisvenue tevoir à tongaragequandmavoiture esttombéeenpanne,jel’aitrouvéelàentraindefouiner.

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—Ouais,jemesouviensd’elle.Tun’avaispasl’aircontentedelavoir.

—Ellepeutvraimentêtreinsupportablequandelleveut.Etelleenquêtaitsurtoi, je n’allais clairement pas sauter de joie. Elle m’a dit des choses que jen’avaispasenvied’entendreàcemoment-làmêmesiças’estavérévraiparlasuite.Jeluiaiditdelâcherl’affaireteconcernant,jevoulaisqu’ellenouslaissetranquilles…

Je me frotte le visage d’une main, fatiguée. Qu’aurais-je pu fairedifféremmentpourempêcher leschosesd’enarriver là ?Qu’aurais-jepudireàClarapourlafairechangerd’avisavantqu’ilnesoittroptard ?

Eden repousse quelques-unes de mes mèches derrière mon épaule. Sadouceurm’encourageàpoursuivre.

—Je l’ai revue bien aprèsma sortie de l’hôpital.Ce…c’est elle quim’aavertiequelapolicetesurveillaitetilya…ilyatroisjours,c’estelleaussiquim’aappeléequandArnos’estfaittirerdessus.

Sesdoigtsseresserrentimperceptiblementsurmongenou.

—C’estpourçaquetum’asdemandédenepasyalleravantmêmequejedécroche ?souffle-t-il,despiècesjusque-làinvisiblescommençantàs’imbriquerdanssonesprit.

—Oui…

Edensetendenmerelâchant.Sarancœurmeparaîtévidente,maisjenesaispassielleestdirigéecontremoioucontrelui-même.

—Pourquoiest-cequetunem’asjamaisparléd’elle ?Pourquoiest-ceque

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tunem’asjamaisinformédecequ’ellefaisait ?dit-il,unbrindereprochedanslavoix.

Nerveuse,jemelève.Lacouvertureglissedemondosets’écraseaupiedducanapétandisquejecommenceàfairelescentpasdanslesalon.

—Je…jenesaispas,Eden.Avantquetumediseslavérité,jenepouvaispasaborderlesujetdesbraquagesavectoisansquetuneterenfermessurtoi-même.Je…Cen’étaitjamaislebonmomentetje…j’ensaisrien,jecroisquej’essayais de la protéger inconsciemment. Qu’est-ce que tu aurais fait si jet’avais dit qu’elle enquêtait sur vous ?Tu l’aurais caché àArno ?ÁWill ?ÁThib?Àcemoment-là,j’étaispersuadéequetun’avaisrienavoiravectoutça,jenepensaispasqueçateconcernait.

—Etaprès ?Etmaintenant ?Quandjet’aidemandécommenttusavaisqueParrishmegardaitàl’œil,pourquoiest-cequetun’asriendit ?

Jesecouelatêteenmetordantlesmains.

—Tupensaisquejelabalanceraisauxgars ?continue-t-ilenconstatantquejenerépondsrien.

—Biensûrquenon !Je…J’essayaissimplementdeteteniréloignédetoutça.Jenevoulaispasquetut’enmêles,jevoulais…je…

Jevoulaisleprotéger.J’espéraisqueleteniràdistancesuffiraitàlesortirdececauchemar.Commentai-jepuêtreaussinaïve ?

Jeme détourne de lui, la gorge nouée et les larmes au bord des yeux. Lavérité,c’estques’ilavaitapprispourClaraplustôt,ilneseraitdéjàpluslàpourenparleravecmoi.Ilseraitintervenu,ilauraitfaitensortequ’ellenes’approchepas de Jordan, peut-êtremême que l’accident de cette nuit n’aurait jamais eu

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lieu.Claraauraitétésaineetsauve.

Lavérité,c’estquej’aipréférésacrifierClaraplutôtqueperdreEden.

—Qu’est-cequis’estpassécettenuit ?

Les larmesdébordent surmes joues tandis que je continue à lui tourner ledos.Jesuisàpeuprèscertainequ’iln’apasbougédudivanmais jesaisqu’ils’empresseraitdevenirmeprendredanssesbrass’ilvoyaitladouleurdessinéesurmonvisage.

—Ellel’atrouvé.

J’ail’impressiond’avoirduverredanslespoumons.J’auraisdûvoirtoutçavenir.

—Kate…

L’entendremurmurermonnommevrillelecœur.

—Ellel’atrouvé.ElleatrouvéJordan.Elleétaitdevantchezluietje…jeluiaiditdefoutrelecamp,jeluiaiditdepartir.Saufqu’il…ill’avueet…etavecsavoitureil…

Jelâcheunsanglotenplaquantunemainsurmabouche.

—Qu’est-cequej’aifait ?MonDieu,Edenje…qu’est-cequej’aifait ?

Ses mains trouvent mes hanches et je plonge le visage dans son cou ensanglotantalorsqu’ilmeserrecontrelui.

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—Je…J’auraisdûleluidire.J’auraisdû…laprévenir…Elleest…sijeune,Eden…EllealemêmeâgequeBen,le…lemêmeâgequeMégane.Je…jeluiaitellementmenti.On…onauraitdû…

—Jesais,Bébé.

Etc’est lepiredanstoutça.Ilsait.Edensaitqu’onauraitdûfairequelquechose.Ilsaitqu’onauraitdûparlerplutôtquesetaire.Onauraitdûserendreàl’évidence:tôtoutard,nousaurionsdûtoutrévéleràlapolice.Ilsaitquenousavonseutort.

Et jesaisàquelpointnousavonseu tortmoiaussi.Particulièrementaprèscettenuit.Particulièrementquandjevoislesdégâtsquenotresilenceacausés.

Maismêmeaveccerecul, jesaisque jen’aurais rienfaitdifféremment.Jen’auraischangéaucunedemesdécisionsparcequejenepeuxpasaimermoinsEden.Ilpasseratoujoursavanttoutlereste.Meserreursauronttoujoursunsenssijelescommetspourlui.

—Katelyn,ilfautqueje…

—Non,jet’enprie.Pasmaintenant…S’ilteplaît,pasmaintenant.

Jesaiscequ’ilveutmediremaisjenesuispasencoreprêteàl’entendre.Jenesuispasencoreprêteàaccepterlaréalité:nousavonsperdu.Jel’aiperdu.

Ilsetaitetmetiredenouveausurlecanapé.Jemeblottiscontrelui,leneztoujours coincé dans son cou,mes doigts toujours désespérément accrochés àsont-shirt.Ilmecalecontresontorseetjelesensfouillermescheveuxdeseslèvres.

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Danslesilencequinousentoure, ilrespireprofondémentmonodeurtandisque jem’imprègne de la sienne. Son cœur cogne contremes côtes et je peuxpresquedevinercequ’ilessaiededireaumien:

—Onaessayé.

Etlemienluirépondre:

—Oui,onaessayé.Maiscen’étaitpasassez…

J’auraisaiméquecelesoit:assez.

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Jemeréveilleenentendantdescris,sousmoi.

Enfin, « des cris » n’est pas le terme exact. J’entends surtout quelqu’unhurleràs’endéchirerlespoumons.

Le cerveau encore engourdi par le sommeil, je ne parviens pasimmédiatementàmettreunvisagesurcettevoixquej’aipourtantl’impressiondeconnaître.Jeclignedespaupièresenmeredressantetmefrotte lesyeuxenbâillant. Je suis dans la chambre d’Eden, dans son lit, et je porte toujours lesvêtementsque j’avaisenfilés justeavantquenousnequittions lebungalowencatastrophecettenuit :unepairede leggingsetun t-shirt rougebeaucoup tropgrandpourmoi.Jesecouelatêtelégèrement,essayantdemeremettrelesidéesen place. Un rapide coup d’œil au réveil digital posé sur la table de nuitm’indiquequej’aidormitoutl’après-midi.Edenadûmemontericiaprèsquejemesoisassoupiedanssesbrassurlecanapé.Repenserànotreconversationmedonneaussitôtunesensationdevertigeinsupportable.

C’estMégane qui s’époumone en bas. Inquiète, jeme force àme lever ettraverselachambreauradar.Quelquechosemeditquejeferaismieuxdenepasdescendre, qu’il vaudraitmieuxque je reste là à attendrequ’Eden revienne seblottir entremes bras— je n’aurais plus qu’à l’y garder pour l’éternité.C’estprobablementcequejeferaissilavieétaitsimple.Saufqu’ellenel’estpas.Lavieestunegarcequin’enajamaisassezdevousenfairebaver.

Jedescendsl’escalierjusqu’ausaloncommeuneautomate.Moncœuressaiedéjàdeseblinder,jelesensserecroquevillerdansmapoitrine,parcequ’ilsaitcequil’attend.Àchaquepas,ilmesuppliedefairedemi-touretmoi,àchaque

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pas, je le supplie de se taire. Je voudrais qu’il s’en aille tout de suite, qu’ilprenneunpeudevacancesletempsquejetrouveunmoyendenoussortirdelà.Parceque s’il reste, je saisqu’ilvame faire souffrir lemartyredansquelquessecondesetjedonneraisn’importequoipouréviterderessentirquoiquecesoitdedouloureuxànouveau.

—Mégane,arrête…

—Ferme-la,Eden !Ferme-la,putain !Jet’interdisdefaireça !

Jeme fige sur le seuil de la cuisine. J’analyse rapidement la scène qui sedéroule sousmes yeux et comprends rapidement que la situation est plus quetendue.Jen’avaisjamaisvuMéganedansuntelétatderage.S’ilslepouvaient,je pense que ses yeux tireraient en rafale. Eden me tourne le dos mais jeremarquetrèsviteàlafaçondontilsetientqu’ilgèredifficilementcequiestentrainde sepasser.Quand ellemevoit prèsde la porte, le regard furieuxmaisblessé de la jeune fille se pose dans lemien. Elle pleure.Mais impossible desavoirs’ils’agitderageoudechagrin.

—Tusavais ?

Sonfrèrepivotesursespiedsenréalisantqu’ellenes’adresseplusàlui.Sonabattementmebrisepratiquement les jambesd’uncoupet jedoism’accrocherauchambranlepournepasvaciller.

MonDieu,jenesuistellementpasprêtepourça.

—Je…balbutié-je,pétrifiéeparlacolèredel’adolescente.

—Est-cequetusavais,Katelyn ?Maismerde !Est-cequetusavaisquemonfrèreétaitunputaindecriminel ?!

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J’aimalpourEden.Simal.JesaisqueMéganeneditçaqueparcequ’elleesthorsd’elle,parcequ’elleestsouslechoc,parcequ’ellesesenttrahie.Jelesaisparcequej’aiétéàsaplace.Cequejesaisaussic’estàquelpointmarageet ma déception avaient blessé Eden à ce moment-là. Je n’ose même pasimaginercequeceladoitluifaired’entendrecesmotsdelabouchedesasœuralorsquec’estengrandepartiepourellequ’ilafaittoutça.

Mégane devine ma réponse à mon silence et ses pleurs redoublentd’intensité.J’ail’impressiondel’avoirtrahiemoiaussi.

—Et…etcequ’ilveutfairemaintenanttu…tulesaisaussi ?

JeregardeEdenpresquesanslevoir.Jesuisparalysée,incapabledefairelemoindregeste oud’émettre lemoindre son.Tout s’effrite commede la vieillepeintureautourdemoi.Toutestentraindeperdredesonéclat.

Oui,jesaisMégane.Maisjeneveuxpas,jeneveuxpas,jeneveuxpas…

—Tun’aspasledroitdefaireça !

Ellecriedenouveaumaiscen’estplusàmoiqu’elles’adresse.

—Meg,jen’aipaslechoix.

—Biensûrquesituaslechoix !Tum’avaispromis !Tum’aspromisquetuseraistoujourslà,quetunepartiraispas,pascommeeux !Pourquoiest-cequetuasfaitça ?!Tuastoutgâché !

—Meg,jesuisdésolé.

—Jem’enfichequetusoisdésolé !Jeveuxqueturestesavecmoi !

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—Jenepeuxpas.

Pitié,pasça.Jeneveuxpasl’entendre.Pasça.Pasça.

—Vatefairevoir,Eden !

LafureurdeMéganeestétoufféeparsessanglotsetellesortparlaportedederrièrequ’elleclaqueavecfracasderrièreelle.Jem’attendsàcequesonfrèrela suive,mais ilnebougepasd’uncentimètre. J’imaginequ’il seditqu’elleabesoinde tempspourdigérer,qu’elleabesoind’êtreunpeuseule.Jevoudraistellementencoreunpeudetemps,moiaussi.

—J’aibesoinquetusignesça.

Eden sedécale sur ladroitedemanière à ceque je remarque lesquelquesfeuillesétaléessurlecomptoir.Jesuistoujoursscotchéeprèsdelaporteetdoisme faire violence pour avancer de quelques pas dans sa direction. Il ne meregarde toujours pas alors quemoi je ne fais que ça, le regarder. Je voudraispouvoirpasserlerestantdemesjoursàlecontempler.

—Qu’est-cequec’est ?murmuré-je,tremblante.

— Un moyen de te léguer la maison et de te faire devenir la tutrice deMégane.

Sesyeuxgrischoisissentprécisémentcemomentpourmetranspercerl’âme.Jehoquetteenreculant.

—Je…Non.Je…nepeuxpas.

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Çarendleschosestropréelles.Çalesrendtropinéluctablesalorsqu’iln’aencorerienformuléclairement.

—Kate…

Jesecouelatêtevigoureusement,leslarmess’accumulantencoreaucoindemesyeux.J’enaitellementassezdepleurer.Pourquoinepuis-jesimplementpasavoirdroitàmon« etilsvécurentheureuxpourtoujours » ?

—Eden,non.

—Il fautque tusignescespapiers.J’aibesoinque tu le fasses.Cesera lapremièrechosequ’onmeprendra:lamaisonetmesdroitssurMégane.Tueslaseuleàquijepeuxdemanderça.

—Jet’enprie…Nefaispasça.

Ne te rends pas à la police, Eden. Par pitié. Tout. N’importe quoi. Maissurtoutpasça.

—Ilfautquejelefasse.Tusaisqu’ilfautquejelefasse,Katelyn.J’auraisdûlefairebienplustôt.S’ilteplaît,signe.

Je continue à faire non de la tête comme une enfant bornée. Les épaulesd’Eden s’affaissent et il se frotte l’arrière du crâne en soupirant. Je suispersuadéequ’iln’apasdormidelajournéealorsqu’ilavaitàpeinefermél’œilcettenuit—avantqu’ilnepassed’uncauchemaràunautre.Ilestépuisé,rompuetlas.

— Il faut que j’assumemes erreurs. J’ai besoin d’assumer, Kate. J’arriveplusàvivreavecçasur laconscience.Jesaisquecen’estpasceque tuveux

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maisçaauraitfinipararrivertôtoutard.Medénoncer,c’estlaseulechosequejepeuxencorefairecorrectement.Pourunefois,j’essaiedefairecequiestjuste.Je…Pardonne-moi.

Ils’estapprochétoutenparlant.Ilestsiprèsdemoiquejesenssonsoufflesurmajoue.Sesmotsmeurentsurmapeautandisqu’ildisparaîtdanslesalon.Ilmonte à l’étage en faisant craquer l’escalier puis le plancher, probablementjusqu’à sa chambre. Quand je suis certaine qu’il ne peut plus ni me voir nim’entendre, jemeplieendeuxenmeserrant leventre.Les larmesmebrûlentlesyeux,puislesjoues,etjegémisenm’accroupissantuninstantsurlesolpourtenterd’endiguerladouleur.

Je m’autorise cinq minutes. Cinq minutes pour laisser s’exprimer mondésespoir,materreur,matristesseetmonangoisse.Justecinqminutespendantlesquelles je reste en boule, là, agenouillée sur le carrelage à sangloter et àcherchermonair.Cinqminutespendantlesquellesjelaissemaconsciencehurlercommeunloupà la luneetmoncœursaigner jusqu’à ladernièregoutte.Cinqminutesdepuresouffrance,oui,maiscesontlesdernières.

Parcequejevaismebattre.JemebattraipourEdenaussilongtempsquejerespirerai.

Aprèscinqminutes,jemeredresseenessuyantmonvisagetrempédureversdelamain.Jeserrelesdentsetlespoingsetjem’avanceversleplandetravail.Je saisis lebicabandonnéprèsdes feuilleset je signe.Mesdoigts tremblotentencore,maisjesigne.Sanshésiter.

Je m’empare des contrats et je décide de rejoindre Eden. Mes poumonscontinuent à se déchirer à chaque pas, ma gorge refuse de se dénouer, mespaupièresneveulentpascesserdemechatouiller,maisçan’apasd’importance.Je ne suis pas celle qui ait le droit de craquer en cemoment. Et surtout, j’aiencoredel’espoir.

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J’entredanslachambresansfrapperetrefermerapidementlaportederrièremoi.Edenestassissurleborddesonlit,latêteentrelesmains,ledosvoûté.Ilrelèveunpeulevisageenm’entendantarrivermaisjesuisdéjàpostéedevantluietjeluitendslesfeuillesd’unairrésolu.Iln’apasbesoindelesregarderpourcomprendrequej’aifaitcequ’ilm’ademandé,jesuissûrequ’illelitdéjàassezbiensurmonvisage.

—Merci…souffle-t-ilentendantlamainpourlesprendre.

J’écartevivementlesdocumentsdesaportéeetplongemesirisdéterminésauplusprofonddessiens.

—Jevaistesortirdelà,tum’entends ?Jevaistesortirdelà,Eden.Jenetelaisseraijamaispasserlerestedetavieloindemoi.

Jecroisn’avoirjamaisétéaussisûredemoi.

Lesfeuilless’éparpillentsurlesolquandilm’attrapeparlepoignetpourmetirer sur ses genoux. Ses paumes brûlantes emprisonnent mon visage et ilm’embrasse avec force, avec besoin, avec urgence. Je ferme les yeux en melaissant happer immédiatement par toutes mes émotions qui s’entrechoquent.J’essaiedem’imprégnerdetoutcequ’ilmedonne,detouscesdétailsquinousfaçonnent, de lamoindre caresse qu’ilm’offre et du goût de sa bouche. Je neveuxrienoublier.Jeveuxpouvoirmeraccrocherànotre« nous »quandilseraloindemoi.

Jeglissemesdoigts sous son t-shirt et les remontedoucement sur sapeaunue, jusqu’à son cœur. Ses battements se répercutent contremes paumes et lesangdansmesveinessemetàdanseraumêmerythmequelesien.Unrythmetrop rapide peut-être, mais c’est le nôtre. C’est le nôtre depuis notre toutepremièrerencontre.

—J’ailatrouille,Kate,memurmureEden,lefrontcolléaumien.

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J’essaiedenepasm’effondrerenl’entendantsivulnérable.

—Lecontrairem’inquiéteraitunpeu, tusais ? lâché-je tentantdedétendrel’atmosphère.

Celafonctionneunpeu,Edensouritlégèrement.Ilfermeensuitelesyeuxetnotreétreintesefaitsilencieusequelquesminutes.J’auraisunmillierdechosesàluidiremaislesmotss’emmêlentdanstouslessensdansmagorge.J’essaiederavaler la tristesse qui menace de m’engloutir de nouveau et quand je suiscertainedeparveniràmecontrôler,jemurmure:

—Eden ?

Iltressaillelégèremententremesbrasetjemecolleencoreunpeuplusàlui,moncorpsdéjàavidedusien.

—Quoi ?souffle-t-ilenembrassantmagorge.

—Je…Moi aussi, j’ai peur.Mais je… je suis fière de toi. Ce… ce n’estévidemmentpascequejeveux,t’imaginerenprisonmeterrifie,maisjesaisquetuasraison.Jecomprendsquetuasbesoindelefaireetje…jesuisfièredetoi.

Ilsoupireenmecontemplantdesesirisfatigués.

—Jeneteméritetellementpas,Kate.

Jemepenchelégèrementenavantetécartelesmèchesfoncéesluitombantdevant les yeux. J’aimerais lui retirer son t-shirt, j’aimerais qu’il me retire lemien.J’aimeraissentirsapeaucontremapeau.

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—Non,c’estvrai,tuméritesbienmieux.

Ilfroncelessourcils,prêtàprotester,maisjel’interromps:

—J’auraisdûtesoutenirtoutdesuite.Je…jevoyaisbienquequelquechosen’allait pas, je me doutais de ce qui se passait dans ta tête mais j’ai préféréfermer les yeux. Je nevoulais pas écouter, je… j’avais troppeur…Pardonne-moi…Tun’auraispasdûêtreseulpourpenseràtoutça…

Sesmains trouventmapeaunueet remontentsurmesreinspuisdansmondos.

—Siseulementjet’avaisrencontréeplustôt,bienavanttoutça,toutseraittellementdifférent,murmure-t-ilcontremabouche,sansm’embrasservraiment.Tum’auraisfaitdevenirquelqu’undebienavantquejenefoutetoutenl’air.

Jesecouelatête,mesyeuxauplusprofonddessiens.

— C’est celui que tu es maintenant que j’aime, Eden. Je suis tombéeamoureusede tes faillesautantquede tes forces.Jenechangerais rienànotrehistoire,jereferaiscentfoislesmêmeserreurss’illefallait.Jen’aijamaisvouluquetusoisparfaitetjenelevoudraijamais.

—Bébé…

Sagorgeest encoreplusnouéeque lamienne. Il adûmal àmecacher sapeineetsadétresseetj’ensuisheureuse.Jeneveuxplusjamaisqu’ilmecachedeschoses.Jeveuxêtrelàpourlui ;jeveuxêtresonépaule,sonpilier.

—Quandest-ceque…Je…jeveuxdire…Quandest-cequetuvas…

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—Demain,merépond-ilencomprenantquejeneparviendraipasauboutdemaphrase.

Demain.Edenirasedénonceràlapolicedemain.Demain.

Jemecrispesèchementensentant leslarmesrevenir.Jemesuispromisdenepluscraqueretcertainementpasdevantlui.Jemedétournevivementmêmesije devine qu’il a eu le temps de lire toute ma douleur. Demain soir, je mecoucheraiseuledanscelit.Sesbrasneserefermerontplusautourdemonventre,salanguenetaquineraplusmapeau,seshanchesnesefrotterontpluscontrelesmiennes,jenel’entendraiplusmemurmurerqu’ilm’aime.Etcepourjenesaiscombiendetemps.

J’aienviedehurler.

—Katelyn,nepleurepas.

Jem’empressedefrottermonvisagepourfairedisparaîtremestraîtressesdelarmes en tâchant de reprendre contenance. Comment puis-je pleurer dans unmomentpareil ?

—Pardon,je…pardon…C’estjusteque…jenesaispascequejevaisfaireicisanstoi.Jenesaispascequejevaisfairedanscesdrapssanstoiavecmoi.

Eden embrasse le coin de mes paupières humides alors que ses mainss’ancrent àmes hanches et qu’il ramène langoureusementmon bassin vers lesien.Ilal’airsicalmetoutàcoup.

—Tupourrastetouchertouslessoirsenpensantàmoi…susurre-t-ilàmonoreille,taquin.

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Jerougis immédiatement.Tentantd’ignorer lefeubrûlantprenantvieentremescuissesaufuretàmesurequ’ilsefrottecontremoi,jeluiassèneunelégèreclaquesurlebras.

—Eden,jesuissérieuse !

Pourtant, jene suisdéjàplusaussimaussade. Il estparvenuàéloignermatristessesanseffort.Commetoujours.

—Moi aussi, je suis très sérieux. Personnellement, je compte me branlertousles joursenpensantà toi.J’auraisdutempsà tueretçarisquededevenirmonoccupationpréférée.

Je ris à moitié entre mes larmes. Ses paumes glissent sur mon ventre,remontentjusqu’àmapoitrinenue.Jemecambreetjegémis.

—Jet’imaginerainue,toutletemps.Jepenseraiauxbruitsquetufaissousmescaresses,auxregardsquetumelancesquandjetefaisl’amour,augoûtdeta peau après l’orgasme, au son de ton rire, à la douceur de tes baisers, à lachaleurdetesbras.Tuserastoutletempsavecmoi.Sijedeviensfoulà-bas,ceserauniquementparcequej’auraitroppenséàtoi.

Commentarrêterdepleurerquandilmeparlecommeça ?

—Eden…

—Je t’enprie, bébé.Laisse-moi teposséder toute lanuit.Laisse-moi toutoublierencoreunefois…

Ilm’ôtemont-shirt,seslèvresplongentaussitôtsurmesseins.

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—Cen’estpasladernièrefois…Dis-le-moi,Eden.Dis-moiquecen’estpasladernièrefois.

Jetiredanssescheveuxpourleforceràmeregarder.Derrièresondésir, jedistinguesansmalsapeur,sonincertitude.Pourtant,ilmerépondquandmême:

—Cen’estpasladernièrefois.Tuasditquetumesortiraisdelà,pasvrai ?

Jesourisenembrassantsabouche.Oui,jel’aidit.Etjevaislefaire.

Jeledébarrassedesonhautàmontourtandisqu’ilmefaitdéjàperdrelatêteavecsalangue.Notrebaiserinnocentvirerapidementàlapassionetaubesoin.J’aibesoindelesentirenmoicommejamaisauparavant.J’aibesoinqu’ilsoitmien,maintenant.

Jem’accrocheàsanuquetoutenmeredressantsurmesgenoux.Sanscesserdemartyrisermes lèvres, Eden glisse déjà ses doigts sous l’élastique demonlegging et dema culotte avant de les repousser tous deux surmes cuisses. Jetentedereprendremonsoufflealorsqu’ilmebasculesurlelitpourmedéfairecomplètementdemesvêtements.Saboucheestbientôtpartoutsurmoi.Surmonvisage,surmagorge,dansmoncou,entremesseins,surmonventre,entremescuisses. Jegémisdeplusbelleetgriffesesépaulesalorsqu’ilmefait l’amouravec sa langue.Les larmes ont séché surmes joues,mon cœurme faitmoinsmal.

—Quandtutetoucherasenpensantàmoi,tum’imaginerastefaireça ?

Ilajoutedeuxdoigtsauballetsensueldesaboucheetjehalète.

—Ou…oui.

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Maréponselesatisfait.Jetremblealorsqu’ilnedécollepaslevisagedemonentrejambe. J’aimerais qu’il revienne m’embrasser, je tire sur ses mèchessombresetindisciplinées,maisilneveuttoujourspasbouger.

—Ed…Eden,lesupplié-jeauborddel’explosion.

Jeneveuxpasjouircommeça.Jeveuxjouiravecluiquandilseraenmoi.

—Oui,bébé ?

Jemanquedebasculercomplètementensentantsonsoufflesurmapeausisensible.

—Ton…tonpantalon.Enlève-le.

Il s’esclaffe et s’essuie la bouche en la frottant sur ma hanche droite. Ilremonte mon corps en le parsemant de baisers et j’ai l’impression derecommenceràrespirerquandils’empareànouveaudemeslèvres.

—Fais-le toi-même, chuchote-t-il en tirant surmesmains pour les glisserentrenous.

Jenemefaispasprieretluiretiresonjeanetsonboxeraussirapidementquepossible.Plutôtquederemontermesmainssursontorse,jedécidedeleslaisserlà et de jouer avec ses nerfs àmon tour.Mesdoigtsmontent et descendent lelongdesonérection.Jelesenssetendreau-dessusdemoi.

—Quand tu te toucheras en pensant à moi, tu m’imagineras te faire ça ?répété-jeenreprenantsesmots.

Ilgrogne touten roulant sur ledos,m’entraînantavec lui. Jene le relâche

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pasetilrejettelatêteenarrière.

—Putain,Kate.Jenemelasseraijamaisdetesmains.

Jerisetildurcitencoreplusdansmapaume.

—Nidetonrire…

Sa tendresse me paralyse une seconde et il en profite pour reprendre ledessus. Il nous fait pivoter de nouveau, s’emparant de mes poignets pour lescoincerau-dessusdematête.J’écartelescuissesautomatiquementpourluifairedelaplaceetjefrissonneensentantsonérectioncontremonventre.

Jem’attendsàcequ’ilpoursuiveimmédiatement,sachantàquelpointilestimpatientquand je le rends fouàcepoint,mais ilnebougeplusd’uncil.Sesyeuxsontprofondémentancrésdanslesmiens,toutelueurtaquineayantdisparu.Jepaniqueenneparvenantplusàdéchiffrersonexpression.

—Eden ?

Iltressailleetfermebrusquementlespaupières.Sonfronttombecontremonsternum,maistroplentementpourquejen’aperçoivepasl’éclatd’unelarmesursajoue.J’ail’impressiondemeprendreuncamiondepleinfouet.Toutenmoisebrise.

—Eden…l’appelé-jeencoreenmelibérantdesapriseetenm’emparantdesonvisagequ’ilchercheàmedissimuler.

—Excuse-moi…Pardon,je..Laisse-moijusteuneseconde…

Savoixtremblanten’apaisepasdutoutmoncœur.Jetiresursesjouesetil

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nemerésistepaslongtemps.Jesensqu’iltentedesecontrôlermaisladouleurdanssonregardesttropévidentepourqu’ilpuissemelacacher.

—Toutirabien…Toutirabien,Eden,jetelejure.

Jebasculelatêtepourl’embrasseretseslarmesglissentsurmonnez.

J’enlace sesépaules tandisqu’il se soulève sur sesavant-brasposéscontremes flancs. Je décale mes hanches dans sa direction et il me pénètre bientôtdoucement, tout doucement. Je crois que ça n’a jamais été aussi bon etdouloureuxàlafois.

Jegémis plus fort quand ses coupsde reins s’accentuent, il grogne encorequand je réponds à sesmouvements.Mes ongles s’enfoncent dans son dos, ilrelèveundemesgenouxjusqu’àmonépaulepours’enfoncerplusprofondémenten moi. Il se presse de tout son poids contre mon corps et je commence àtrembler.Ledésirdansmonventreserétrécitcommeuneétoilesurlepointdemourir.Ilserecroquevillesurlui-mêmeavantd’exploser.

—Viensavecmoi…murmuré-jeàEdenenlesentantprochedel’explosionluiaussi.

Ilfrissonnedansmesbras.

—Jet’aime,Katelyn,souffle-t-ild’unevoixrauqueavantdeselaisseraller.

—Jet’aime,Eden,luiréponds-jesurlemêmetonavantdemeperdreaveclui.

Etjecomprendssoudainquec’estsuffisant.Monamoursuffiraàlesauver,àlelibérer.

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Jetrouveraiunesolution.

Illefaut.

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Edenaappelésesamisdanslamatinée.

Jene saispasexactement cequ’il leur aditmais ilsontdécidéde tous seretrouverdans lamaisondesWilliamsavantdepartirpour lecommissariatunpeuplustarddanslajournée.

Arnoestlepremieràarriver.Enluiouvrantlaported’entrée,jesuisétonnéedelevoirensigrandeformecomptetenudescirconstances.Nonseulementilvaposer ses fesses en prison dans quelques heuresmais en plus, il s’est tout demêmeprisuneballedansleflancilyaàpeinecinqjours.Certainsseraientaubord de la dépression ou de la septicémie pour moins que ça. Pas lui,visiblement.

Lejeunehommefaitunpasdansl’entréeenmeprenantparlataillepourmesouleverdusol.

—Moninfirmièrepréférée !Commenttuvas ?

Jenepeuxm’empêcherderiretandisqu’ilm’emmènedanslesalonsansmereposerausol.

—Çava,idiot !Relâche-moioutuvasdéchirertespointsdesuture !

—Impossible,t’astropbienfaittonboulotpourça !

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Je roule des yeux, amusée. Arno est vraiment un chouette gars. Un peuexcentriqueetextravertisurlesbordsmaissaspontanéitéestquelquechosequej’admirebeaucoupchezlui.

—Est-cequejepeuxsavoirdepuisquandtuesdevenuaussifamilieravecmacopine,Arno ?

J’ai changé de bras avant même de m’en rendre compte. Eden a faitapparitionentrenousetm’arapidementsubtiliséeàlaprisedesonamipourmeramener contre son torse. Je me blottis contre lui sans m’en plaindre. J’ail’impressionquechacunedenosétreintesestcomptéedepuiscematinet jenemelassepasdesonodeur.

—Oh,ehbientusais:lesang,l’adrénaline,lamort…Toutça,çarapproche,répondl’intéresséenmelançantunclind’œil.

Jepouffeencorealorsquemonpetit-amimeserredavantagecontrelui.

—Ouais, ben arrête ça tout de suite si tu ne veux pas que je te tire unenouvelleballelàoùjepense,grogneEdenenlefusillantdesonregardgris.

—Çasesoignelajalousie,tulesaisn’est-cepas,Williams ?

Unnouveaucoupportéà laported’entréenous tiredececombatdemâleridicule.Jem’apprêteàallerouvrirquandArnomedevance.

—C’estsûrementThib !Jel’aidépasséfonddeballesurl’autoroute,jesuissûrqu’ilalahaine.

Desgosses.Cesontdevraisgosses !

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—Çava ?memurmureEdenàl’oreillealorsquenousnousretrouvonsseulsdanslesalon.

J’embrassesagorgepuissonmenton.

—Ettoi ?

Nousnefaisonsquenousposercettequestiondepuisquenousnoussommeslevés.Sansjamaisnousrépondre.Àl’ombrevalsantdanssonregard,jedevinequandmêmequ’il ne doit toujours pas avoir reçu de nouvelles deMégane. Iltentedelacontacterdepuiscematin,sanssuccès.Elleestprobablementpartieseréfugier chezune amie, trop en colère pour revenir ici après les aveuxde sonfrère.J’aipeurdecequ’ilvaressentirsiellenerevientpasavantqu’ilparte.

—Tum’asfaitunequeuedepoisson,espèced’enfoiré !

—C’étaituniquementpourtestertesréflexes,jetejure !

Thib a l’air remonté quand il apparaît dans le hall. Son regard s’adoucitpourtantlorsqu’ilnousrepèreEdenetmoi.Nousnousécartonslégèrementetjelaisselesdeuxamissedonneruneaccolade.Ilseretourneensuiteversmoietmecolleunbisousurlajoueàmaplusgrandesurprise.

— Salut, Katelyn. Tu vas mieux ? me demande-t-il, une main sur monépaule.

J’imagine qu’il doit faire référence àmon état après le coup crapuleux deJordanetdesonflinguesurmagorge.

—Putain,tuvaspast’ymettretoiaussi !Arrêtezdelatouchercommebonvoussemble,grogneEdenens’interposantdenouveau.

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— Ouais Thib, arrête de la toucher. Tu vois bien qu’Eden est d’unepossessivitémaladive,semoqueArnoenselaissant tombermollementdanslecanapéleplusproche.

Thibs’éloignedenousen riantavantd’aller rejoindresoncomparsesur ledivan. La poigne d’Eden se resserre sur mes hanches. En temps normal, soncomportementm’auraitparticulièrementénervéeetjen’auraispasmanquédeluipiqueruneénormecolèrepourluifairecomprendrequejenesuispassachoseetqu’iln’apasledroitdemetraitercommetel.Saufqu’aujourd’hui,çanemedérange pas. Je sais pourquoi ilme tient aussi serrée contre lui et pourquoi ilveutmegarder juste pour lui.C’est parceque c’est la dernière fois qu’il en al’occasionavantunlongmoment…

Jesursautequand laporteclaquedans l’entrée.Willapparaîtdans le salonlesépaulesvoûtéesquelquessecondesplustard.Jenel’aipasentendufrapper,etvusonair, jenepensepasqu’il l’ait fait. Ilnous salueàdemi-mot, sansnousregarder, avant d’aller s’asseoir sur les premières marches de l’escalier. Jem’apprêteàouvrirlabouchepourlesalueràmontour,puisqu’aucundesesamisneréagitàsonarrivéeetàsonhumeurmaussade,quandEdenmelanceuncoupd’œilpourm’endissuader.Jel’interrogesilencieusement,necomprenantpascequisepasse.Ilsepenchealorsversmoietmeglissedoucementàl’oreille:

—IladûdireaurevoiràSally,safille.Laisse-luiletempsdedigérer.

Aumêmemoment,Will,quejen’avaispasencorequittéduregardredresselatêteimperceptiblement.Sesyeuxsontrouges,ilaindéniablementpleuré.Monestomacseretourne.

J’aibesoind’air.Toutdesuite.

J’essaiedegardercontenance le tempsdemedéfairedesbrasd’Eden. Il al’air surprisalors jeposeunbaiser sur samâchoirepour le rassurercomme je

Page 126: Auteure : Julie Bradferekladata.com/JrqVTW_SvQt66_QEe2CQv28Fe2o/FM2.pdfgrisâtre lui aussi comme s’il était sur le point de tourner de l’œil. La mine décontenancée qu’il

peux. Je prends la direction de la cuisine d’un pas rapide. Aumoment où jepasselaporte,j’entendsArnodired’untondétaché:

—Bon,c’estquoileplan ?Onesttousprêtsàcroupirenprisonpourlerestedenosjours,c’estçal’idée ?

Je ferme les yeux, trébuche, me rattrape de justesse à la porte menant aujardinetjesorsenrefermantderrièremoi.

Jepousseunénormesoupir, lecœurbattantàm’en fairemal, etme laisseglisser contre lesbriques. Je lève lesyeuxvers le ciel d’unbleu éclatant pourrefoulerlamaréequejesensdéjàmechatouillerlespaupièresetjemeforceàrespirerlentementpourcalmermesdoigtstremblants.

Est-ce que j’ai vraiment cru que ce serait plus facile aujourd’hui qu’hiersoir ?Est-cequej’aivraimentcruquej’allaispouvoirtraversercettejournéeengardant la tête haute et sans flancher un seul instant ? En réalité, le poignardplantédansmapoitrines’enfonceunpeupluschaqueminutequipasse.Jemeprendslevisagedanslesmains.

Reprends-toi,Kate.Edenn’avraimentpasbesoindes’inquiéterpourtoienplusdetoutlereste.

Je prends quelques minutes pour me ressaisir. Je sais que j’ai le droit deressentirtoutecettetristesse,cettepeuretcedésespoirmaisceseraitégoïstedeleslaisseréclaterdevantlesgarçonsalorsqu’ilssontentraindeperdreautant,sice n’est bien plus, que moi.Will a dû se défaire de sa fille. Thib renonce àapporterdel’aideàsafamilledanslebesoin.Arnovatrèscertainementperdrelamaisondesesparentsalorsquec’était toutcequi lui restaitd’eux.Nousnousretrouvonstousdanslemêmepétrinetjenepeuxpasmemontrerplusaffectéequ’eux.

Jeneveuxplusêtrecellequiabesoindesoutien, jeveuxêtrecellequien

Page 127: Auteure : Julie Bradferekladata.com/JrqVTW_SvQt66_QEe2CQv28Fe2o/FM2.pdfgrisâtre lui aussi comme s’il était sur le point de tourner de l’œil. La mine décontenancée qu’il

apporte.

Jemeredresseunpeupluscalmeetprofiteencoreunesecondedesrayonsdusoleilréchauffantmapeauavantderetourneràl’intérieur.J’attrapequelquesbières dans le frigo avant de rejoindre le salon.Will etArno n’ont pas bougéd’unpouce.Thib,lui,s’estmisàfairelescentpasaumilieudelapièceetEdens’est appuyé contre l’accoudoir du fauteuil près de la fenêtre. Ils ont l’air ensérieuseréflexion.

—Toutçac’estbienjoli,lesgars.Onsaitcequ’onaàdirepourquenotrehistoire paraisse cohérente mais notre plus gros problème c’est Jordan, lâcheWillenacceptantlabièrequejeluitends.

Arnotrépignelimited’impatiencequandjeluiapportelasienne.

—Maisquellefemmeparfaite !Sérieux,jemedemandebienpourquoij’ailaisséEdentemettrelamaindessusenpremier !

Cederniergrognedansmondosalorsquejerisencore,amusée.Cetypen’avraimentaucunfiltre.

—Arno,concentre-toi,tuveuxbien ?leréprimandeThibenvenantcherchersaboissonàsontour.

J’ignorelesquelquespiquesqu’ilsselancentpourm’approcherd’Eden.Sesyeux se rivent àmon visage qu’il fouille aussitôt en profondeur. J’aimerais letireràl’étage,danssachambre,danssonlit.J’aimeraisfuircettepièceoumêmecemondeavec lui etpartir si loinquepluspersonneneviendrait jamaisnousempêcherdevivrenotrevie.Ilprendlabièrequejeluitendsmaislaposeàterreimmédiatement. Ilceinturema tailleetm’attireà luipourposersa jouecontremapoitrine.Jepasseunemaindanssescheveuxetpenchelatêtepourquemeslèvres frôlent ses mèches indisciplinées. Je ne suis partie qu’une dizaine deminutesetpourtantjeluimanquaisdéjà.

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Bonsang,quevontnousfairedessemainesoudesmoisdeséparation ?Etsic’étaitdesannées ?

—Eden,tuenpensesquoi ?

NousreprenonstousdeuxnosespritsenentendantWill.Mesortirdenotrebulleme demande de plus en plus d’efforts. J’ai vraiment peur de l’état danslequeljeseraicesoir.

— À propos de quoi ? répond Eden qui a visiblement perdu le fil de laconversationluiaussi.

—Jordan,répèteArno.Sionveutavoirunechanced’allégerunmaximumnotrepeine,ilfautqu’onlechargeàmort.Saufqu’onapratiquementriencontrelui.

—Cen’estpas toutàfaitvrai, rétorqueThibensortantsonportabledesapoche.Tusaisquej’aifilmélesderniersbraquagespouravoirunepreuvequ’ilœuvraitavecnous.Aucontrairedesvidéosqu’iladenous,onlevoitclairementparticipersurcelles-ci.

—Oui,maisavecçaonparvientjusteàprouverqu’ilyparticipait,pasquec’estluiquiatoutorchestréjusqu’ici.Sionlebalance,tusaistrèsbienqu’ilvagardersesvieillesvidéospourluietonauraaucunmoyendeprouverqu’ilnousfaisaitchanter.

—Arnoaraison.Çaneserapassuffisant,marmonneEdendontlapriseseraffermitsurmeshanches.

—Onestquandmêmeàquatrecontreun.Notreparoledevraitavoirplusdepoidsquelasienne,non ?s’enquiertWill.

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—Notre parole ne vaudra rien contre son fric et tu le sais. Il sortira souscautiondanslasecondesisapeinen’estpasassezlourdeet…

Arnos’interromptenmelançantunregard.JesensEdensetendreàcôtédemoi tandisqueThibetWillmedévisagentà leur tour.Jesais trèsbiencequetoutçasignifie.SiJordanalapossibilitédesortirdeprisonsouscaution,noussavons tous trèsbienqu’il feraen sortedenepasy retourneretde sevenger.Arno n’a plus de famille, celle deThib est à l’autre bout dumonde etWill aprobablement été assez intelligent pour mettre sa fille en sécurité, dans unendroit où Jordan ne sera pas capable de l’atteindre. Mais il reste Eden.Connaissant le ressentiment qu’il existe entre eux deux, il ne fait absolumentaucundoutequeJordans’enprendraméchammentàcequ’Edenadepluschers’il parvient à éviter la prison jusqu’au procès. Et ce qu’Eden a de plus cher,c’estMégane,samèreetmoi.

—Jepeuxtémoignercontrelui,lâché-je,lagorgenouée.

Laréponsefuse,implacable.

—Non.

—Eden…tenté-je.

— J’ai dit non. Ce n’est pas négociable, se braque-t-il en se crispantdavantage.

— Pourquoi ? Je peux prouver que c’est lui qui utilisait l’arme lors desbraquagesenl’identifiantformellement,jepeuxaussidireàlapolicequ’ilm’asuiviependantdessemainesetqu’ilm’amenacéeainsiqueBenetmesamies.SansparlerdeClara.

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—Etdonneruneraisonauxflicsdet’arrêteraussiparcequetunouscouvresdepuisdesmois ?LaissetomberKatelyn,çan’arriverapas.

Jeserrelespoings,agacée.

—Maisce…

—Edenn’apastort,Kate.Jeteremerciedecequetuessaiesdefairepournous,sincèrement,maissitutemêlesdeça,çaneferaqu’encouragerJordanàs’enprendreencoreplusàtoi,insisteArnolaminenavrée.

— Il a déjà une dent contre moi, ça n’y changera pas grand-chose, medéfends-je.

—Moijesuisplutôtd’accordavecelle.

—Will,putain !

—Non,Eden, réfléchis deux secondes. Jordan en a déjà après elle, elle araison.S’iln’apasd’assezgrosseschargescontrelui, tusais trèsbienquesonpèrepaieraimmédiatementsacautionetpeuimportequeKateaitparléounon,Jordanferacequ’ilfautpoursevengerdetoi.Laseulechanced’éviterqueçaarrive,c’estqu’elleparledecequ’ilafait.

—T’asécoutécequejeviensdedire ?Qu’est-cequevontpenserlesflicsenapprenantqu’elleconnaîtlavéritédepuisdesmoisàtonavis ?

La ragemêlée d’angoisse d’Edenme fend le cœurmais je ne peux pas lelaisseravoirraisonsurcecoup.Ilnepeutpasm’empêcherd’intervenir.Jesuisprobablementlaseuleàparteux,etmaintenantClara,àavoirétéconfrontéeàlaviolence de Jordan et, en tant que victime dans cette affaire,mon témoignage

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auraforcémentplusdepoidsqueleleurdevantuntribunal.

—Jordanamenacédes’enprendreàBensi jenemetaisaispas, jepenseque c’est une raison suffisante pour avoir gardé le silence jusqu’ici. Parrishrisquedemeremonterlesbretelles,c’estsûr,maisilnem’arrêterajamaispourça.Ilrêvedeclôturercetteaffaireetjesuisundesesprincipauxtémoins,jamaisilneprendralerisquedem’arrêter.

JecaptelesregardsapprobateursdeWilletdeThib.Arno,quantàlui,restedemarbreetsilencieux,leregardfigésurEdencommes’ilestimaitquec’estàlui de décider. Ce dernier a le poing refermé dans le bas de mon dos et lamâchoirecontractée.Jesensqu’ilfaitappelàtoutsonself-controlpournepass’emporter.Jecaressesajouetendrement.

—C’esttroprisqué…mesouffle-t-il,l’âmetorturée.

—Eden,s’ilteplaît.

—S’ilt’arrivequelquechose…S’il…s’ilsortetqu’il…

— Je serai prudente. Je te le jure, d’accord ?Mais laisse-moi t’aider. Nem’interdispasd’agir.Toutça,çameconcerneautantquetoi.

Ilfermelesyeuxuneseconde.Quandillesrouvre,ilestpluscalme.

—OK,dit-il.

Ce que je ne lui avoue pas, c’est que je l’aurais faitmême s’ilme l’avaitinterdit.Pasbesoindel’énerverdavantage.

Nous restons encore là, assis tous ensemble, pendant quelques heures. La

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conversationaudépartpurementpratiqueetorientéeverscequisepasseraunefois leurs méfaits avoués vire rapidement à la rigolade, à l’évocation desouvenirsdespremièresrencontresetdespiressoirées.Noussavonstousàquoinoustentonsd’échapperengrappillanttoutescessecondesmaiscelanesembledérangeraucundenous.Jusqu’aumomentoùl’échéancenousrattrape.Lafindel’après-midi est proche, si nous ne nous mettons pas bientôt en route lecommissariat sera fermé lorsque nous arriverons. C’est Arno qui lance lemouvementenpremier.

—Ilesttempsd’yaller.

Les derniers rires s’éteignent, l’angoisse revient, lesmines contrites aussi.Edenm’aideàmerelever.J’étaisassisesursesgenoux,rouléeenboulecontresontorsedepuistoutcetemps.Enlevoyantdisparaîtredanslecouloirmenantaubureau, jenepeuxm’empêcherde ressentirunvide insoutenable. J’entouremonventredemesbras et enfonce lesonglesdansmescôtespour essayerdecalmermarespirationplusquedouloureuse.

—Çavaaller,Kate.

Thibtentedemerassurerenposantunemainsurmonépauleavantdesortirdelamaisonàlasuitedesautres.Lesilencerégnantbrusquementdanslesalonmeplongedansunbaindeglace.Lorsquejereviendraiicitoutàl’heure,jeseraiseule.Jetanguesurmespiedstellementcetteidéemedonneletournis.

Eden réapparaît quelques secondes plus tard. Il se dirige vers moi sansvraimentmeregarderetmetenduneenveloppe.

—Quand…quandMéganereviendra,tupourrasluidonnerça ?

Je hoche la tête sans parvenir à prononcer le moindre mot. Mon Dieu,Mégane, pourquoi n’es-tu pas là ? Il aurait tellement besoin de toi en cetteseconde…

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—Tonfrèrepeuts’installerdansl’anciennechambredemamère.SituaslemoindreproblèmeavecundemesonclesconcernantlagardedeMégane,touslespapierssontenordredanslebureau.

Je serre les dents si fort que je crois les entendre craquer. Mon cœur esttellementgrosdansmacagethoraciquequejen’entendsplusquelui.Ilhurle.Ilpleure.Ilsebrise.

Edendéposel’enveloppesurlatabledusalonavantdeprendremamainetdemetirerverslasortie.J’aimeraisresterlàencoreunpeuaveclui.J’aimeraisqu’ilmeserreencorecontresoncorps rassurantaumilieudecettemaisonquirenfermepratiquementtoutdenotrehistoire.Maisjecomprendsqu’ilneveuillepass’yattarder.Siladouleurestinsupportablepourmoi,jen’osepasimaginerlasienne.

Le trajet jusqu’aucommissariatestde loin leplushorribleet terrifiantquej’aijamaiseuàvivre.J’aidonnémesclésàArno,nemesentantpasdutoutapteàconduireetnevoulantsurtoutpaslâcherlesdoigtsd’Eden.Unefoisarrivésàdestination, nous sortons de la voiture en silence et nous marchons, tendus,jusqu’aux grandes portes coulissantes délimitant l’entrée du bâtiment. Lesgarçonscommencentàs’agiterautourdemoi.

—Putain,quiaeucetteidéestupidedéjà ?marmonneThibalorsquenousnousdirigeonsversl’accueil.

—Toi,lejouroùtuasvendutonâmeaudiableenacceptantdeprendrepartauxconneriesdeJordan,cracheArnoentapantdupiedsurlesol.

—Ouais,bahjecroisquejepréfèrelesconneriesdeJordanplutôtquefinirentaule !

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—Ferme-la,Thib !

J’aitellementdepeinepoureuxquejeneparviensmêmeplusàlesregarderdanslesyeux.

Edensurmestalonsetsesdoigtstoujoursancrésdanslesmiens,jemedirigeverslafonctionnairegérantlesréclamations.

—C’estpour ?lâche-t-elleplatementsansmêmedécrocherleregarddesonécrand’ordinateur.

Jemeforceànepasbougeretànepasm’enfuird’iciencourant.

— Je… euh… Bonjour. Serait-il possible de voir l’inspecteur Parrish ?demandé-jepoliment.

Mavoixnetremblepastropetj’ensuissoulagée.Jejetteunbrefcoupd’œilàEdenquimerépondd’undemi-sourirepresqueconvaincant.J’aienviedemejeteràsoncoupourlevolerdirectementsurseslèvres.Avecunpeudechance,celaréchaufferaitmonâmegelée.

—Patientezuninstantensalled’attente,s’ilvousplaît.

Arno et Thib sont toujours en train de se disputer lorsque nous lesrejoignons.

—T’astoujoursétéunechiffemolle !semoquelegrandrasé.

—J’aitoujoursétéplusraisonnablequetoi,nuance !

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Will semble perdu dans la contemplation du plafond. J’imagine que lespseudoquerellesdesesamislelaissentdemarbre,depuisletemps.

—J’aipaslatrouille,connard !s’emporteThib.

—Ahouais ?Alorsposetesfessessurcettechaise !Onal’impressionquetuveuxtecasserd’icienpiquantunsprint !

—Vous avez pas autre chose à faire, putain ? Arrêtez de vous comportercommedesgamins,grondeEden,d’unairmenaçant.

Lesdeuxchamailleurs se taisent enmarmonnant.Monventre secontracte.Cen’estclairementpaslemomentdetrouverEdenultrasexyquandiljouelesmecsautoritaires.

—Ehbien,sijem’attendaisàça !

Nousnousretournons tous lescinqvers l’agentParrishvenantd’apparaîtreaucoinducouloir.SonregardsurprispassetranquillementdemoiàEdenavantdes’attardersurlestroisautresgarçonsderrièrenous.Sessourcilsbroussailleuxsont froncés, il doit très certainement être en train de faire tourner tous lesrouagesdesoncerveaupourcomprendrecequenouspouvonsbienfairelà.

—Vousvouliezmevoir ?dit-ilenrevenantposersonattentionsurmoi.

Jesuissoulagéedeconstaterqu’ilal’airbienmoinsaigrietacerbequelesdernières fois que je l’ai rencontré en compagnied’Eden.Quelque chosedanssonregardm’indiquequ’ilestprêtànousécoutersanslaissertropdeplaceàsesapriorietjen’auraispaspuêtreplusrassurée.

—Euhoui…je…

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J’ai dû mal à trouver mes mots. J’ai tellement peur de ne pas parvenir àamenerleschosescorrectementquejeneparvienspasàm’exprimer.

—Est-cequecelaconcernelajeuneClara ?

Saquestionmedonneunedécharge. Jeplongeunpeuplusdans le regardfoncé de l’inspecteur pour me rendre compte qu’il y brille une lueur deculpabilité.Était-celuilecontactdeClara ?

ArrêteKate,impossible !

—Je…Entreautres,mais…recommencé-je.

—Çaconcernelesbraquages.

Je sursaute en entendant Eden prendre la parole à mes côtés. Son ton estmaîtrisé,ilnelaissetransparaîtreaucuneémotion.Jenesaispassijedoism’enmontrerheureuse,aumoinsilneparaîtpassurlepointd’égorgerParrish—cequi est clairement une avancée considérable — mais je n’aime pas qu’il semontre si impassible. Ça me donne toujours l’horrible sentiment qu’ilm’échappe.

Lepoliciernecillepas.Aucunesatisfactionn’apparaîtsursestraits,aucuneformedesoulagement,pasunsignedecondescendance.C’estplutôtcommes’ilétaitenfinapaisé,commes’ilnousattendait.

—Trèsbien.Suivez-moi.

Parrishnousfaitnousinstallerdansquatresallesdifférentes.J’aiàpeineletempsdecapterleclind’œilrassurantd’Arnoavantquecelui-cinedisparaisseà

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l’angle du couloir et nous n’en avons pas plus pour saluer Will et Thib quidisparaissent par une porte à l’opposé. Le policier me demande de conduireEdenjusqu’àsonbureauetdel’yattendre.J’obtempèreengardantlesilenceetmonpetit-ami secontentedeme suivre sans lâchermesdoigts jusqu’àcequenous arrivions à destination. Tandis que nous nous asseyons, je le dévisage,inquiète. Il se penche pour poser sa bouche contrema tempe et je laisse sonbaiser occulter le reste du monde. Il pose sa main libre dans mon cou et lachaleurdesapaumeserépanddansmanuque.

—Çava ?murmuré-je.

—Ettoi ?merépond-il.

J’aimeraisquenousn’ayonspasaussipeurdenousrépondre« non ».

Nous nous écartons lorsque Parrish nous rejoint dans la pièce. Il nouscontourne,marchejusquederrièresonbureauets’installeconfortablementsursachaise.Croisant les doigts, il les pose sur la table, se penchant légèrement enavantpournouscontempleràtourderôle.Jen’enrevienstoujourspasducalmequirègneentreluietEdendepuisquenoussommesarrivés,maisjenepeuxpasm’en plaindre. C’est comme s’ils avaient décidé d’un commun accord de secomporter en adulte du jour au lendemain. Les miracles existent peut-être,finalement.

— Je vous écoute, dit l’inspecteur après un examen poussé de nosexpressions.

Eden et moi nous regardons. J’imagine qu’il ne sait pas plus par oùcommencer quemoi. Sauf qu’en serrant samain entre lamienne, jeme rendscompte que ça n’a pas d’importance. Nous sommes ici tous les deux et nousnous sommes toujours parfaitement complétés. Nous n’avons besoin de riend’autrepoursavoirqu’iltrouveralesmotsquandjeneparviendraiplusàparleret que je finirai ses phrases à chaque fois qu’il devra reprendre son souffle.

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Doucement,jeluisouris.Puisjecommenceàparler.

Je ne sais pas combien de temps cela nous prend. Je sais juste qu’il faitpresquecomplètementnoirdehorslorsquenotrerécitprendfinalementfin.J’aila gorge sèche à force d’avoir parlé et cemalgré les verres d’eau que nous aproposés lepolicier toutau longdenotreentretien.C’estEdenquiaprononcélesderniersmotsetjecroisnel’avoirjamaisvuaussisereinetdétendu.C’estenle voyant si paisible que je comprends pour de bon pourquoi il voulaitabsolumentlefaire,pourquoiilavaitbesoindeselivrer,desedénoncer.C’étaitlepremierpaspourselibérerdesonpassé.Jemesenscoupabledenepasl’avoirréaliséplustôt.

Parrishestsilencieuxdepuisquelquesminutesmaintenant.Illuiestarrivédenous poser plusieurs questions pendant nos explications ou bien de nousencourager à continuer lorsquenoushésitions ànous lancer.Globalement, j’ail’impressionqu’ilprendbienlachoseetilal’airsatisfaitdenosrévélations.Ilaété attentifquand je lui aiparlédeClara et aparuconcerné lorsqu’Eden lui arelatétoutcequeJordanleuravaitfaitvivrecesdernièresannées.Jecomprendsque cela n’efface en rien tous les actes que les garçons ont commis,mais aumoins, l’implication de Jordan est bien mise en avant. C’est ce que noussouhaitions,aprèstout.D’euxcinq,c’estceluiquimériteleplusdeseretrouverenprison,etd’yrester.

Jememords la lèvre nerveusement, me demandant ce qui va se passer àprésent.Alorsquejem’apprêteàlequestionner,l’inspecteursoupirelourdementen se passant une main sur le visage. Son service doit être fini depuis bienlongtempsàprésent.Ilal’airépuisé.

—Jevous remercie sincèrement d’être venume révéler tout ça, j’imaginequeçan’apasétéunedécisionfacileàprendre.Toutcelan’auraitbienentendujamaisdûseproduiremaisvosaveuxserontprisencompteainsiquetouteslescirconstancesquevousvenezdemerapporter.Malheureusement,j’imaginequevoussavezcequecelaimpliquepourlasuitedesévènements.

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Je cligne des yeux bêtement en me rendant compte que l’agent m’agentiment éjectéede la conversation. Il ne sembleplus échangerqu’avecmonpetit-amiquicomprendvisiblement toutcequeParrishvientdedirealorsquej’ailabrusqueimpressionqu’ils’estmisàparlerchinois.

—Jelesais,répondcalmementEden.

—Trèsbien.Alors jevaisdevoirvousdemanderdevous leveretdevousretourner,lesmainsdansledos.Jevaisvouslirevosdroitset…

Un bourdonnement sourd résonne soudain à mes oreilles et je vis lesprochaines cinq secondes dans un brouillard, à demi consciente. Je vois Edens’exécuter.LeslèvresdeParrishs’agitentcommes’ilparlaittandisquesamaindroite tire quelque chose de la poche arrière de son pantalon d’uniforme.Desmenottes.

—Avouezquevousenrêviezdepuisunmomentdéjà,entends-jeplaisanterEden,unmincesourireaccrochéauvisage.

—Jenediraipaslecontraire,Williams.

Jesuisauborddel’asphyxieetilssefontdesblagues.Dites-moiquec’estuncauchemar.

—Quoi ?!Non,arrêtez !

Jebondisdemonsiègeetmeprécipiteverseux.

—Kate…

J’ignoreletontristed’Edenenessayantdem’interposerentresondosetle

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policier.Parrishm’adresseunregardcompréhensifetcontrit,maisn’interromptpassongestepourautant.

—Pourquoiest-cequevouslemenottez ?Vousn’avezpasbesoindelefaire,il…

—Bébé,c’estjustelaprocédure,merassureEden.

—Jenefaisquemontravail,mademoiselleTundal,ajoutelepolicier.

Jem’enfiche.Jem’enfiche.Jem’enfiche,dois-jemeretenirdeluihurleràlafigure.

Bonsang,qu’est-cequejem’enfichedesontravail !Ilestentraind’arrêterl’hommedemavie !

Parrish referme la première boucle métallique autour du poignet droitd’Eden.Jem’accrochedésespérémentàl’autrepourl’empêcherd’allerplusloin.

—Non,s’ilvousplaît…Ne…nefaitespasça.Laissez-le…Laissez…

Je me remets à pleurer. Mes joues sont bientôt brûlantes et humides etj’hésite à m’arracher les cheveux. Je ne pensais pas que ce serait si dur.L’imaginersefairearrêtermefaisaitmalmaislevoirdemesyeuxmedétruit.Ilneméritetellementpasça.Nousneméritonspasça.

—Vousavezdeuxminutes,m’annoncel’officieraprèsqu’ilaitéchangéunregardentenduavecEden.

Àlasecondeoùlaporteclaquederrièrelui,Edenm’attiredanssesbras.

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—Chut…Kate,calme-toi.

Je ne peux pas. Je tape une putain de crise d’angoisse au pire momentpossible.J’ail’impressiond’êtresurlepointderevivrenotreruptureilyatroismoisetcetteidéem’écrasetellementlapoitrinequejesuffoque.

Edennousramèneversunedeschaisesoùilnousassiedtouslesdeux,moisursesgenoux,commed’habitude.J’ailesdoigtsfermementancrésdanssont-shirttandisqu’ilrepousselesmèchescolléesàmonvisage.

—Quand tout ça sera derrière nousmon amour, j’aurai toute la vie pourt’aimer…

J’aipeurdeluidirequ’unesimplevieàsescôtésneserajamaisassez.Maisceseratoujoursmieuxqu’aucunevieavecluitoutcourt.

—J’espèrebien…murmuré-je lavoix rauque.Parcequedeuxminutes,cen’estvraimentpassuffisant.

Ravalant mes larmes, je me penche vers lui pour effleurer sa bouche. Iln’attendpaspourrépondreàmonbaiser.Jepassemesbrasdanssanuqueetmepresseàenmourircontre lui.Sonsouffledevientmonsouffle.Sonairdevientmonair.C’est soncœurque je sensbattredansmapoitrine.Nousne formonsplusqu’un.

Quandl’inspecteurParrishrevientdeuxminutes,oupeut-êtrebiencinq,plustardpourl’emmenerloindemoi,ilmeprived’unboutdemonâmeaupassage.

Jem’accrocheauxdernièresparolesd’Eden.Jem’yaccrochesifortqu’ellescomblentunpeuletrouqu’ilvientdelaisserenmoienpartant.

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Ilm’apromistouteunevieàm’aimer.

Etjecomptebienfaireensortequ’ilrespectesapromesse.

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Jeplieetdépliemesdoigtssurledrapclair.

Unrayondesoleilzèbrelematelasendiagonale.Jesenssachaleuràchaquefois qu’il glisse surma peau.Ça contraste avec le froid se dégageant du côtédroitdulit.Lecôtédroitdulit.Soncôté.

Aïe.

Je soupire en roulant sur le dos et mes yeux se posent sur le plafond. Jeramèneunpoingserrésurmonventreetjemeforceàrespirercalmement.Parlafenêtreouverte,j’entendslebruitd’unetondeuseetdesriresd’enfantsrésonnerau loin.Un beau dimanche en perspective.Un repas de famille, un départ envacances,unaprès-midientreamis. J’essaied’imaginer toutceque lesvoisinsalentourorganisentparcetempsradieux,cequ’ilsontprévudefaireaujourd’huiencettejournéed’étéplusqu’ensoleillée.

EttoiEden,quevas-tufaireaujourd’hui ?

Jemelève,lecorpsglacémalgrélachaleurambiante.Ildoitfacilementêtreonzeheuresdumatin,mapremièregrassematinéedepuistroissemaines.Enmedirigeantvers laportepoursortirdans lecouloir, jemarqueunepauseprèsducalendrier que j’ai accroché au mur. Je m’empare du marqueur posé sur lacommodeetjebarrele8aoûtd’unecroix.

Dix-septjours.

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Jereposelemarqueuretvaismeréfugierdanslasalledebain.

Jecroisemonregarddanslemiroiravantd’entrersousladouche.Lamêmeombre l’habite toujoursquand j’ensors.Jegrimaceà lasimple idéedecequemediraBens’ilmevoitdescendreenfaisantcettetête:« Jevaistebotterlecul,Katin !Arrêtededéprimer,çamefoutenrogne ! »

Hier soir, ilm’a pratiquement forcée àmemettre au lit à vingt heures. Jedormaisdeboutd’après lui. Jen’aipasvraiment lutté.Cela faitdeuxsemainesque j’enchaîne les heures supplémentaires au supermarché et mon corpscommençait sérieusement à me lâcher. Mon frère sera sûrement rassuré deconstaterquelescernessousmesyeuxsesontunpeuatténuésaprèstoutescesheuresdesommeil.Etvusoncomportementexemplairedepuissonretourdelamer,c’estlemoinsquejepuissefaire:lerassurer.

J’ai dû aller chercher Benjamin à la gare deux jours après l’arrestationd’Eden.Ilatrèsrapidementcomprisquequelquechosen’allaitpasquandilm’adécouverte sur le quai. J’étais terrorisée à l’idée de devoir tout lui expliquer,mais j’ai été incapable deme taire en le voyant descendre tout sourire de sontrain.Jemesuiseffondréeentresesbrasàlasecondeoùilm’aserréecontreluiet nous avons passé les trois heures suivantes assis dans ma voiture ; lui àm’écouter parler,moi à tenter de garder la tête hors de l’eau. Je pensais qu’ilhaïraitEdendavantageaprèsavoirappristoutelavérité,j’aimêmecruqu’ilmeforceraitàl’abandonnersousprétextequejeméritaismieux.Saufqu’iln’arienditdetoutça.Aucontraire,j’aimêmeeul’impressionquepourlatoutepremièrefois,ilmecomprenait.Ilcomprenaitpourquoi,malgrétousnosdéboires,j’étaisrestéecoûtequecoûteauprèsd’Eden.

Jamaismonfrèrenem’aparuaussimaturequ’àcemoment-là.Sincèrement,jenesaismêmepascequejeferaissansluidanscettemaisonàl’heureactuelle.

—Posetesfesses,j’aifaitdesœufs !melâche-t-ilalorsquej’entredanslacuisine.

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Jerouledesyeuxenrepoussantdéjàl’assiettequ’ilvientdefaireglisserdansmadirectionsurlecomptoir.

—BonjourBenjamin,j’aibiendormiettoi ?dis-je,d’humeuràletaquiner.

—Jesaisquetuasbiendormi,t’astoujourslamarquedetonoreillersurlatronche !semoque-t-ilendésignantmajouegauchedesaspatuleenbois.

Jeluitirelalangueenfrottantaussitôtmonvisage.

—Jenevaispasmangermaintenant,Ben. J’ai rendez-vous avec les fillesdansdeuxheures.OndéjeunerasûrementchezHelen.

—Tumanges,c’estunordre.Cen’estpasunœufquivatetuer.

Jegrogne.Ce salegaminneme laissepas rater un seul repasdepuisqu’ils’estinstalléici.

—Jen’aipas…commencé-je,pasencoreprêteàm’avouervaincue.

—MangeoùjeteforceàregarderletroisièmeMatrixcesoir.

—Quoi ?!Maisj’airiencomprisauxdeuxpremiersettulesaistrèsbien !Tuasditquejepouvaischoisirlefilmcesoir !

—Seulementsitumanges !

Jem’emparerageusementdemonassietteenlefusillantduregard.

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—Tumériteraisque je te fouteà laporte,grommelé-jeenenfournantunepremièrebouchée.

—Pourquetupuissestelamentersurtonsortàlongueurdetemps ?Comptelà-dessus !Etvamangerçasurlaterrasse !Lesoleil,lavitamineC,toutça !

—LavitamineD,idiot !

Pourquoiluiai-jeproposédevivreavecmoidéjà ?

J’entends vaguement Ben se plaindre dans mon dos alors que je passe laporte donnant accès au jardin. Mes yeux se plissent quelques secondes pours’habituer à la clarté soudaine. Mégane est assise sur une couverture dansl’herbe,uneassiettesurlesgenouxetungrandverredejusd’orangeposéàcôtéd’elle. En m’approchant, je l’observe une seconde alors qu’elle a le visagerenverséversleciel.Elleal’airunpeuapaiséecematin.

—Jepeuxm’asseoir ?luidemandé-jedoucementenposantprudemmentunemainsursonépaule.

Sespaupièrespapillonnentdansmadirection.Ellem’offreunpâlesourireenhochantlatête.

—Biensûr,dit-elle.

Jem’installe sagement sur sagauche touten ladévisageantavecattention.J’ai promis à Eden de prendre soin d’elle et c’est ce que j’essaie de faire dumieuxquejepeux.Jenepensaissimplementpasqueceseraitsicompliqué.

Je n’avais jamais remarqué à quel point le caractère de Mégane étaitsemblableàceluidesonfrère :elleestaussi lunatiqueet imprévisiblequelui.

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Enfin,àundétailprès.EdenestadultelàoùMéganeestuneadoenpleinecriseexistentielle.Certainsjours,ilyavraimentdequois’arracherlescheveux.

Elleétaitlàquandjesuisrentréeducommissariat,ilyadix-septjours.Déjàquejen’étaispasautopdemaforme,jemesuissentievraimentmisérablesoussonregardfurieux.Jeluiaidonnélalettrequ’Edenavaitécritepourelleavantdepartirmaisellel’aàpeineregardée.Ellel’ajetéeparterreavantdemonteràl’étageetdes’enfermerdanssachambreenclaquantlaportecommeunefurie.Le lendemain, je l’ai retrouvée roulée en boule dans le salon, la lettre serréecontresoncœuràpleurer toutes les larmesdesoncorps.Ilm’afalluplusieursheurespour lacalmeretnousavons finiparnousempiffrerdecookiesdevantunevieillerediffusiondeBeverlyHills.

C’est à peu près de cette façon qu’elle a géré tous les jours qui ont passédepuis. Certains matins, elle ne m’adresse pas la parole et je suis à peu prèscertaine qu’elle rumine une colère profonde envers son frère.D’autres fois, ilsuffitqu’ellecroisemonregardpoursemettreàpleurer.Sansparlerdesjoursoùelle semble de bonne humeur une grande partie de la journée avant debrusquementchangerd’avis,demefoudroyerdesesyeuxassassinsetdemonterse coucher. Par chance, l’arrivée de Benjamin a un peu adouci ses humeurs.C’estpeut-êtreparcequ’ilsontlemêmeâge,qu’illacomprendmieux.Demoncôté,j’aibienconsciencequec’estparcequ’ellesouffreetqu’Edenluimanquequ’elle réagit de cette façon. Je sais qu’elle regrette de ne pas avoir été làlorsqu’il est parti et j’aimerais sincèrement pouvoir trouver un moyen de luipermettred’allerlevoir.Saufquejen’aipascepouvoir.

—Situnemangespas,çavaêtrefroid.

Méganemesortdemespenséesenpointantmonassiettedudoigt.

—Toiaussi,ilt’aforcélamain ?l’interrogé-jeenpiquantdansunmorceaud’omeletteavecmafourchette.

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Elleritdoucement.J’airemarquéqu’elleriaitsouventquandBenestdanslesparagesouquandons’amuseàsemoquerdeluidanssondos.Jesuiscontentequenousayonsçaencommuntouteslesdeux.

—Ilmeforcetoujourslamain !Maisaumoins,ilcommenceàs’améliorer.Çanegoûteplustroplebrûlémaintenant.

Jeconfirme.Depuisquemonfrangins’estmisànousfairelacuisinetouslesjours,sestalentsculinaires,jusque-làinexistants,sesontvachementdéveloppés.

—Qu’est-cequevousavezprévudefaireaujourd’hui ?

Mégane hausse les épaules en ramenant son attention sur ses pieds. Ellecontinuedesourireetçamefaitplaisir.

—Jenesaispastrop.IlespèretoujoursmemettrelapâtéeàMarioKart.Tupenses que je vais devoir le ratatiner combien de fois encore avant qu’ilabandonne ?

Je m’esclaffe à mon tour. Depuis qu’il est là et que je lui ai expliqué lasituation, Benjamin s’est donné pour mission ultime de changer les idées deMéganedèsqu’ellesembleredevenirmorose.Jepensequ’ilsupporteaussipeuquemoidelavoirpleureroufairelagueule.Ducoup,ilspassentlaplupartdeleur temps à jouer à des jeux vidéo. Sauf qu’elle est particulièrement balaiseavecunemanettedanslesmains,cequemonfrèren’avaitpasdutoutprévu.

—Ilatropdefiertépours’avouervaincu.Meg,promets-moiques’ilsemetàpleurerderage,tuimmortaliserascetinstant !

—Comptesurmoi !

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Nousrionsensembleunmomentpuisjedécidedefinirmonassiettetandisque Mégane s’allonge pour profiter pleinement du soleil. Je ne porte qu’undébardeur et un short et pourtant, je meurs déjà de chaud. J’enfileraiprobablementune robe légère avantdememettre en routepour l’appartementd’Helentoutàl’heure.Unedecellesqu’Edenauraitadorém’enlever.

Aïe.Encore.

—Letéléphoneasonnédanslebureaucematin,m’informeMéganeenmedévisageant.

Jefroncelessourcils.

—Tuasdécroché ?luidemandé-jeaussitôt.

—Jevoulais te l’amenersurtout, jesaisquec’est toiqui t’occupesdetoutça,maisBenn’apasvouluquejeteréveille.Alorsoui,j’aidécroché.

—Et ?

—C’était l’avocat. Ilvoulait justeconfirmervotre rendez-vousdedemain.Ceseraàquatorzeheuresaucommissariat.

—Oh,d’accord.Iln’arienditd’autre ?

QuelquechosesurEden ?Quelquechosesurl’avancéedel’affaire ?Quelquechosepournousrassurer ?

Méganesecouelatêtetristement.

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—Non.Je luiaidemandés’ilavaitvuEdenrécemmentet ilm’aditqu’ilallait bien, qu’il fallait semontrer patient et tout le bla-bla habituel. Tu y vaspourquoidemainencore ?

Jesoupireenmecouchantàcôtéd’elle.

—Parrishveutmevoirpourencodermanouvelledéposition.EtmonsieurGarrett aimerait qu’on discute demon témoignage. J’essaierai d’en apprendreplusetdeluidemanderquandonseraautoriséesàallervoirEden,d’accord?

Nous ne quittons pas le ciel des yeux ni l’une ni l’autre,mais je sens sesdoigtsseglisserdansmapaumepourlapressergentiment.

—D’accord, répond-elle.Tuvoudrasquandmêmebiendonnerma lettreàsonavocat ?J’aimeraisbienqu’illareçoiveaucasoùonnepuissepasluirendrevisitetoutdesuite.

Jepressesamaindanslamienneenretourpourtouteréponse.

—Merci,murmure-t-elleavantdeserelever,deramassernosaffairesetdedisparaîtredanslafraîcheurdelamaison.

Ellea l’airunpeu tristedenouveau.AucundoutequeBenjaminva sautersurl’occasionpourluiproposerunenouvellepartiedeStreetFighter.

Jeresteallongéedansl’herbeencoreunmomentàpenseràcequim’attenddemain. Je n’ai vu qu’une seule fois monsieur Garrett, le père de Kim et àprésent avocat d’Edendans cette affaire, depuis que tout a commencé. Je suisalléeàsarencontreilyadouzejoursenviron.Ilatrèsviteacceptédeprendreencharge ledossierd’Eden— le fait que je soisunedesmeilleures amiesde safilleacertainementdûpeserdanslabalance.D’aprèsKim,ilperdrarementsesprocèsetiltrouvetoujourslesmeilleurscompromispoursesclients.Ellen’est

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probablementpastrèsobjectivemaisc’esttoutcequej’avaisbesoind’entendre.En plus, c’est un homme adorable à l’air compétent et extrêmementcompréhensif,alorsjeluiaioffertmaconfiancetrèsrapidement.Sansparlerdufait qu’il m’avait aidée à réaliser le dossier de demande d’émancipation deBenjamin alors qu’il ne s’agissait pas du tout de son domaine juridique. Ensortantdesoncabinet,ilm’apromisd’entrerencontactavecEdenlejourmêmeetdes’atteleràsadéfenseenpriorité.Cequ’ilafaitpuisqu’ilm’arappelée lelendemainpourmeconfirmerquetoutétaitenordre.

Depuis,j’aidûl’avoirdeuxoutroisfoisautéléphone.Ilnemedonnejamaistropdedétails.Jenesaispassic’estpourm’épargnerousimplementparcequ’iln’a rien de neuf à m’annoncer pour le moment ; quoi qu’il en soit, j’espèresincèrementobtenirdesréponsesàmesquestions,demain.J’aibesoindesavoircequisepasse.J’aimeraispouvoirmerendreutileetserviràautrechosequ’àpayerseshonorairesfaramineux.Benn’arrêtepasdemedirequec’estdéjàbienassezetaufond,peut-êtrequ’ilaraison.

J’ai dû piocher dans une grande partie demes économies pour avancer lasomme demandée par l’avocat et je n’arrête pas de travailler pour être sûred’avoirassezderessourcesaucasoùleschosessecompliqueraient.Jesaisquesilasituationnesedébloquepasrapidement,jerisqued’avoiràpayermonsieurGarrettpourencoredelongsmoisetjenepeuxpasmepermettredeperdretoutcequej’aimisdecôté,surtoutavecMéganeetmonfrèreàcharge.Sansparlerdufaitqu’unepartiedelapeined’Edenetdesesamisconsisteraprobablementàdédommager financièrement les victimesdes braquages. Je préfèremeparer àtoute éventualité et travailler est donc la seule chose que je puisse faire pourl’instantpourvenirenaideàEden.Cequin’estpasgrand-chose,maistoujoursmieuxquerien.

Mon portable vibre dans ma poche, me sortant de mes pensées. C’est unSMSd’Helenquitientàs’assurerquejen’aipasoubliéqu’onavaitprévudeserejoindre. Je soupire enme rasseyant et en époussetantmes épaules couvertesd’herbesèche.

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Helen,Luke, Jess,Max,KimetDimitripartentenvacances tousensembleaujourd’hui.Quandonestsoi-mêmeplongédansuneréalitébienmoinsdrôle,ilestdifficiled’oubliercegenrededétail.

Je répondsdoncàmameilleureamieen la rassurant.Puis jeme lèveet jedécided’allermepréparer.

***

—T’astonbikini ?

—Biensûr !

—Tatrousseàmaquillage ?

—Etmondémaquillant !

—Combiendepairesdechaussures ?

—Mesescarpins,mesbasketsetmessandales:trois !

—Del’aspirine ?

—Pourquoiest-cequej’auraisbesoind’aspirine ?

—Kimi, neme dis pas que tu as déjà oublié les effets secondaires d’unecuite !

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Lablondegrommelleenouvrantsatroussedetoilette.

—C’estbon,j’enai !

—OKetest-cequetuasdequoisurvivreàtesrèglesimminentes ?

Kim brandit une poignée de tampons et les pointe fièrement en directiond’Helenquis’estapparemmentautoproclamée« inspectricedes travauxfinis ».Ilestvraiquenotreamieblondea lafâcheusetendanceàoublieraumoinsunindispensabledèsqu’ellepartenvoyage.Unvéritableplaisirpourmameilleureamiequisefaittoujoursunejoiedejoueràlamamandèsqu’ellelepeut.

—Hum…Tacrèmesolaire ?

—J’ai !

—Robes,jupes,t-shirts,shorts ?

—J’ai,j’ai,j’aietj’aiencore !

Kimrayonne,persuadéequ’ellen’arienoubliécettefois.

—Desculottes ?

Silence.

—Putain !J’étaissûrequej’avaiszappéuntruc !

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J’éclatederireavecJess.

—Oh,fermez-lavousdeux !C’estvraimentpasdrôle !boudeKim,agacéeparnosmoqueries.

J’essaiedifficilementdemereprendre.Jessabeaucoupplusdemal.

—Commentt’aspuoublierdesculottes ?C’estlabase !dit-elleensetenantlescôtes.

Elle écope d’un coup de coussin et nous passons les quinze minutessuivantes à les regarder se chamailler. Heureusement pour Kim, Helen a unecollection de sous-vêtements assez impressionnante et une fois dépannée enpetitesculottes,savaliseestenfinprêteàêtreembarquée.

—C’esttellementnulquetuneviennespasavecnous,Kate,selamentemameilleureamiealorsquenousnouscalonstouteslesquatredanssonlit.

—Jesais,soupiré-jeenposantmajouesursonépaule.

Lesfillessepressentautourdemoi,m’enlaçantpourmeréconforter.Jeneme rends pas toujours compte de la chance que j’ai mais je suis à peu prèscertaine qu’il n’existe que peu d’amies capables de soutenir l’une des leurscomme elles le font. Mon petit-ami braqueur a atterri en prison, j’ai fini àl’hôpitalàcausedeproblèmesdefamilledontjeneleuravaisjamaisparléetàaucunmoment elles nem’ont jugée. Leur amitié sans faille a réparé quelquechose en moi que je pensais détruit après des années passées avec une mèrem’ayant privée d’amour. Je ne pourrais jamais les remercier assez de ne pasm’avoirlaisséetomber.Jenepourraisjamaislesremercierassezd’avoiraidélafillebriséequej’étaisàdevenirlajeunefemmeforteetdéterminéequejesuisàprésent. Mais je sais qu’elles n’ont pas besoin de l’entendre. Elles le savent.Nousn’avonsjamaiseubesoindemots.

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—Tuasdesnouvellesd’Eden ?medemandedoucementJess.

Jenechercheplusàleurmentiretçafaitunbienfou.

— Non. Mais je devrais en avoir demain, je dois rejoindre ton père aucommissariat,Kim.

—Super ! Ilnemeparle jamaisde sesaffairesencoursmaisquandça sepassecommeillesouhaite,ilauntic:ilnousfaitsansarrêtdesclinsd’œilàmamèreetmoi.Ethier,iln’apasarrêté.

Jeserrelamainqu’elleaposéesurmahanche.Ellenepeutpassavoiràquelpointçamefaitdubiendel’entendremedireça.

—Est-cequ’onconnaîtdéjàladateduprocès ?s’enquiertHelen.

Jesecouelatête.

—Tunousappelleraspournousledire,d’accord ?Onnepartqu’unmois,apriorionseraderetourpourvenirtesoutenir.

—OK.

—Jesuissûrequeçavaaller,Katin,merassureJess.Etsituaslemoindreproblème,onrentreraplustôt.

Lesfillesacquiescentdeconcertet jen’osepas leurdireque jepréféreraisqu’elles restent exactement où elles sont si le moindre problème devait seprésenter.Jordanabeaus’êtrefaitarrêterdanslafoulée,auxdernièresnouvelles

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iln’estpasencoreimpossiblequ’ilsoitrelâchésouscaution.Tantquecerisqueexiste,jepréfèresavoirmesmeilleuresamiesbienàl’abridetoutça.

Lorsquel’heurede leurdépartapproche,nousquittons lachambred’Helenbrasdessusbrasdessous.Lesconversationset les riresenthousiastesvontbontrainalorsquenousfermonsl’appartementderrièrenousetquenousdescendonsdanslarue.Maxaréussiàemprunterlagrossevoiturefamilialedesesparentspourlevoyage.LavalisedeKimestajoutéeàlapiledanslecoffrepuistoutlemondesetourneversmoipourmedireaurevoir.

Tandisque les fillesm’embrassent à tourde rôle, je remarquequeDimsetientunpeuen retrait.Nousavonsclairementprisnosdistancesdepuisque jemesuisremiseavecEdenetlorsquejel’aiappeléilyaquelquesjourspourluiexpliquercequisepassait, iln’afaitaucuncommentaire.Jen’aipasvraimentenviequ’ilmefasselamoraleaujourd’hui,maisjen’aimepasnonpluscefroidridicule qui règne entre nous depuis qu’Eden est apparu dansma vie.Dimitricompte énormément pour moi, il m’a soutenue dans des moments trèscompliquésetjeluienseraiéternellementreconnaissante,maisilnem’estplusindispensablecommeilapul’êtreparlepassé.Ets’ilnepassepasau-dessusdeson ressentiment concernant ma relation avec Eden, je sais que nouscontinueronsdenouséloigner.Mêmesijeneleveuxpasforcément.

— C’est dommage que tu ne sois pas de la partie, me dit-il doucementlorsqu’ilneresteplusqueluietmoisurletrottoir.

JessetHelen font lagrimacederrière la fenêtreduvan.Jepouffeen tirantmonmeilleuramiunpeuàl’écartdeleursbêtises.

—Jesais,Dim.J’auraisvraimentvouluqueçasepasseautrementmaisj’aibeaucoupdechosesàréglerici.

—Ouais,j’aicrucomprendre.

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Jedécidedenepasreleversonairembêtélorsqu’ilfaitlamoue.

—SituasquelquechoseàmedireDimitri,c’estlemoment.

Ilsefrotte l’arrièrede lanuqueengrognant.J’aiunpincementaucœurenmerappelantqu’Edenaimebienfairecegeste-là,luiaussi.J’aimeraistellementqu’ilsoitprèsdemoiencemoment.

—Tuessûredecequetufais,Kate ?

Jedévisageattentivementmonamiengardantlesilencequelquessecondes.Il est exactement lemêmequ’au lycée.Lesmêmesbouclesbrunes aux refletsmiel lui tombent sur le front, ses iris noisette brillent d’un éclat doux etréconfortant, ses joues se creusent toujours en deuxmagnifiques fossettes dèsqu’ilremueleslèvres.Jecomprendsalorsquec’estexactementdelàquevientnotre problème. Dimitri n’a pas changé. Dimitri est toujours ce garçon pleind’entrainettaquinquej’airencontréunautomneilyadenombreusesannées.

Maismoi,j’aichangé.

Je lève lamain et pose tranquillementma paume sur sa joue parfaitementrasée.Jeluisouriset il froncelessourcilsenvoyantquejenem’emportepas,que je ne lui reproche pas de me questionner une fois de plus sur monimplicationauprèsd’Eden.

—Oui,jesuissûreDim.

Etjecroisqu’ilcomprendenfinluiaussi.Jecroisqu’ilréalisequ’ilessayaitde s’accrocher à un souvenir de nous, de notre amitié, mais que parfois, cesmomentsnesontpasfaitspourdurer.J’aigrandietj’aiavancé.Jenesuispluscellequ’ilavaitbesoindeprotégerouderemotiver.Jenesuisplusl’amiedesonadolescence.Mais je peux en devenir une nouvelle s’il décide d’avancer avec

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moi.

—D’accord,souffle-t-ilsimplement.

Ilprendmamainsursa joueet laposesursapoitrine. Ilmesouritaussiàprésent.

—Alors sors-le de taule,Katie.Parceque ce crétin rate vraiment quelquechoseenn’étantpasiciavectoi.

Enfin,jeretrouvemonDimitri.Celuiquicroitenmoi.

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Dix-huitjours.

Enbarrantle9aoûttoutàl’heure,j’ailaisséunetracedemarqueursurmonindex gauche. Entre chaque client passant à ma caisse ce matin, mon regardretombaitsanscessesurcettemarque.Àchaquefoisjepensais« Aïe,arrêtederegarder »mais ça ne servait à rien.Mes yeux revenaient sur la tâche etmoncœurcontinuaitdeseserrer.C’estcommesiçal’amusaitdem’entendreluidire« Aïe » constamment. C’est comme s’il trouvait ça amusant que je gardeconstammentcechiffreàl’esprit.

Dix-huitjourssansvoirEden.Presquetroissemainessanssavoirs’ilvabien.

Aïe.Aïe.Aïe.

Jeme suis vengée enme lavant lesmains avant de quitter lemagasin.Enroutepourlecommissariat,j’essaiedepasserenrevuetouteslesquestionsquej’aienviedeposeràmonsieurGarrett.J’aipeurd’enoublieretd’avoiràattendrevingtnouveauxjoursavantd’obtenird’autresréponses.Jegrogneenmegarant.J’auraisdûfaireunelistehiersoircommeBenetMéganemel’avaientproposé.

—L’inspecteurParrishvousattenddanssonbureau,mademoiselleTundal.

Jeremerciedistraitementlefonctionnairem’ayantorientéeetmedirigedanslescouloirsen laissant l’accueilderrièremoi. Jepourraispratiquement faire letrajetlesyeuxfermés,depuisletemps.

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—Katelyn !Entrez,entrez !

JemefigesurleseuildubureaudeParrish.L’officierestassiscommeàsonhabitudederrièreunemontagnededossiersetdepaperasse,unetassedecaféàlamain.Ilal’airtellementenjouéquejevérifiedeuxfoislaplaquenominativeaccrochéeàsaporte.

—Voulez-vousunetassedecafé ?J’enaifaitunpeutrop !

Jem’assiedsprudemmentenfacedelui.Jemedemandebiencequipeutlerendre aussi joyeux — la perspective d’avoir bouclé une grosse affaire,j’imagine.Sicelle-cin’impliquaitpasl’arrestationdel’hommedemavie,jemeréjouiraisprobablementaveclui.Enattendant,sabonnehumeuratoutdemêmequelque chose d’encourageant et de rassurant. Jeme détends un peu surmonsiègeetjeluisourislégèrement.

—Nonmerci.Est-cequemonsieurGarrettdoitnousrejoindreici ?

—Ilnedevraitpastarder !L’enregistrementdevotredépositionneserapaslong, j’ai justebesoind’encoder les informationsprincipalesquevousm’aviezdéjà rapportées ilyaunequinzainede jourspourque ledossiersoitenordre.Après quoi, vous devriez être définitivement débarrassée de moi. Jusqu’auprocèsentoutcas.

Lepolicierm’offreunclind’œilavantdemettreenroutesonordinateur.Lamachinefaitunbruitinsupportable.

—Voustémoignerezégalement ?luidemandé-je,curieuse.

—En tantqu’enquêteur chargéde l’affaire, je serai appelé à labarrepourrapporterlesfaits,indicesetpreuvesquenousavonsrécoltéstoutaulongdenosinvestigations.

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AlorsqueParrish se concentreun instant enouvrantplusieursdossiers surson écran, je cogite en silence. Combien d’autres témoins y aura-t-il lors duprocès ?Etsurtout,combientémoignerontenfaveurdesgarçons ?Jen’aiaucuneidée de la stratégie de défense que compte adopter monsieur Garrett maisj’espère sincèrement qu’elle ira dans le sens de ce que nous avions imaginé :chargerJordanaumaximumpourréduirelapeinedesquatreautres.Ilfautquej’enapprennedavantagetoutàl’heure.

—Vousêtesprête ?Nouspouvonscommencer ?ditParrish,visiblementprêtàprendredesnotes.

Maintenant que j’ai raconté cette histoire à la plupart demes proches, lesmotsmeviennentbeaucoupplusfacilement.JerépèteàParrishcequenousluiavionsexpliqué,Edenetmoi,mais trèsvite, ilm’orientepourque jeneparleque de mon ressenti et des choses auxquelles j’ai été personnellementconfrontée. Je lui rapporte comment j’ai découvert l’implication d’Eden,pourquoi je ne suis pas venue voir la police immédiatement, les menaces deJordanetsaviolenceaprèslacoursepoursuite.Nousréabordonstouslespointsqu’il jugenécessaireset ilmefaitpréciserquelques informationsdont ilprendsoigneusementnotesursonordinateur.

Parrishestentraindem’expliquerqu’ilfaudraprobablementquej’identifieJordan sous serment devant la cour lorsque la porte de son bureau s’ouvre engrand.

—Je suis en retard ! s’exclamemonsieurGarrett en s’engouffrant dans lapiècesansattendrequ’onl’yinvite.

Celan’apas l’airdedérangerParrishquise lèveaussitôtpour luiserrer lamain. Ilm’apparaîtalors immédiatementque lesdeuxhommesseconnaissent.Leur complicité est plus qu’évidente et jeme rappelle soudain que le père deKim a déjà traité de nombreux dossiersmêlés à des affaires de police. Lui etl’inspecteurontcertainementeul’occasiondeserencontrerparlepassé.

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—Nousavionsjustementterminé !lerassurel’officieralorsqueGarrettsetourneversmoipourmesaluer.

SaressemblanceavecKimmefrappeàchaquefois.monsieurGarrettesttrèsgrand,sesyeuxsontdumêmebleuetilatoujoursl’airsurlepointdefaireuneblague.Satignasseestaussiclairequecelledemonamieégalement,mêmesilasienneestgrisonnante.

—Tumelaissestonbureauouonpasseàcôté ?ditl’avocatens’adressantàParrish.

—Vouspouvezresterici.Situveuxjeteruncoupd’œilàladépositiondemademoiselle Tundal, tu y as accès surmon ordinateur. J’ai quelque chose àrégler,jerepasseraitoutàl’heure !

Lesdeuxhommess’échangentunsignedetêteentenduavantquelepoliciernedisparaissedanslecouloirenrefermantlaportederrièrelui.

—Commentallez-vous,Katelyn ?

J’ignore la sollicitude de monsieur Garrett, incapable de faire taire moninquiétudepluslongtemps.

—CommentvaEden ?

L’hommesouritens’installantàlaplacequeParrishvientdequitter.

—Ilvabien.Ilvatrèsbienmême,nevousinquiétezpas.

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Jecroiselesbrasenfaisantlamoue.J’aidûmalàcroirequ’onpuisseallertrès bien en étant enfermé dans une prison depuis près de vingt jours. Est-cequ’ilmangecorrectement ?Est-cequ’ildortbien ?Est-cequesescompagnonsdecellulelelaissenttranquille ?Jesaisquejen’aipasvraimentàm’enfaireàcesujetcomptetenudelacapacitéd’Edenàmettreenboîtequiconquetenteraitdel’emmerder,maisc’estplusfortquemoi:jemefaisunsangd’encre.

—J’imaginequevousavezbeaucoupdequestionsàmeposer.

Jehochelatête.

—C’estlemoinsqu’onpuissedire.

—Jeproposedevousexpliquertoutcequej’attendsdevousetdevousfairepartdetoutesmesinformationsdansunpremiertemps.Aprèsça,sivousvousinterrogez toujours sur certainspoints, vousn’aurezqu’àmedire cequevoussouhaitezéclaircir.Est-cequecelavousconvient ?

—Oui,c’esttrèsbien.

Garrettsepenchepourattrapersonattaché-caseetl’ouvresurlatable.Ilensort rapidement de quoi écrire avant de jeter un œil au document affiché surl’ordinateurdeParrish.Iladéjàconnaissancedetoutcequej’aiditàlapolice,c’estsûrementpourquoiilnes’yattardepastrop.

—Pourcommencer,vousdevezsavoirqueladatepourleprocèsaétéfixée.Ildevraitsedéroulerle27septembre.

Jenepeuxm’empêcherdegrimacer.C’estdansprèsdedeuxmois.Jepensedéjààtouteslescroixquej’aiencoreàbarrersurmoncalendrierd’icilà.Moncœurseremetsoudainàcrier« Aïe ».

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—Jesaisqueçaparaîtlongmaiscroyez-moi,enréalité,c’estundélaitrèscourtdanscegenred’affaires.

—D’accord,murmuré-je,l’estomactoutdemêmeauborddeslèvres.

Jedoisfaireappelàtoutmonsang-froidpourdemeurerdemarbresurcettechaise. Me dire que la liberté d’Eden va se jouer en l’espace de quelquessemainesmedonnelanausée.

— Il faut que vous sachiez que je travaille de concert avec les avocatschargésde ladéfensed’ArnoMiller, deWilliamEmersonet deThibaltKelic.Notre collaboration facilite en grande partie l’avancée des discussions etarrangementsaveclejugeetellevisetrèsclairementàincrimineraumaximumJordanRichardsdemanièreàdiminuerleschargesretenuescontrenosclients.

Jepousseunsoupirdesoulagementetmeprometsd’envoyerunmessageàKim pour la remercier d’avoir un père avocat aussi compétent. Le poids quiécrasait ma poitrine depuis des jours s’allège sensiblement et je m’autorise àrespirerdenouveau.Pourpeujememettraispresqueàriretellementjemesensdétendue tout à coup. Les choses semblent vraiment avancer dans notre senspourunefois.

— Les ressources dégagées par monsieur Richards rendent notre travailcompliqué. Nous sommes actuellement en train d’essayer d’empêcher salibérationsouscautionetmalheureusement,leschosesnetournentpasennotrefaveur sur ce point. Néanmoins, si libération il y a, elle devrait se faire souscertaines conditions qui comprendraient un placement sous surveillanceélectroniqueetunconfinementàdomicile.LeschargesretenuescontremonsieurRichardssontconséquentes,etmêmes’ilétaitautoriséàrentrerchezluijusqu’àladateduprocès,ilestpratiquementimpossiblequ’ils’ensortesansunepeinelourde.Surtoutsinouspouvonscomptersurvotreparticipation.

Garrettmelanceuncoupd’œilaviséet jemepenchelégèrementenavant,

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intriguéeparsespropos.

—Qu’attendez-vousdemoi ?

—Votre témoignage,bienentendu.Nousenavonsdéjàparlé lorsquevousêtes venue me voir. Nous avons quelques preuves matérielles incriminantmonsieurRichardsmais c’est véritablement votre déposition et le récit de vosaltercationsaveccedernierquiaurontunpoidsconsidérableauprèsdujury.Sivousêtes toujoursd’accord,nousdevronsplanifierquelques rencontresàmoncabinetpourquejepuissevousprépareraumieuxauxquestionsqu’onpourraitvousposeretpourmettreaupointnotredéfense.

—Biensûr !Vouspouvezcomptersurmoi.

—J’auraiségalementbesoindevotreaideconcernantunautredétail…

Sontonsoudainunpeuembêtém’interpelle.

—Commentça ?l’interrogé-je.

—J’aimeraisfairevenirMéganeWilliamsàlabarre.

Je me mords la lèvre inférieure pour m’empêcher de rire, comprenantimmédiatementd’oùluivientcetairennuyé.

—J’imaginequ’Edenn’apasétéraviparcetteidée.

—Ilestdifficileàconvaincre,effectivement.

Jem’esclaffe.PauvremonsieurGarrett.Ilnesaitpasencorequ’ilsefrotteà

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l’hommeleplusentêtédelaplanète.

— Il veut juste la protéger. Pourquoi souhaitez-vous qu’elle viennetémoigner ?luidis-je.

—Elleestlaplusàmêmedeparlerdesonfrèreetdessacrificesqu’iladûfaire pour s’occuper d’elle. Si nous voulons avoir une chance d’atténuer aumaximum la peine demonsieurWilliams, il faut que ses actions apparaissentcomme en partie justifiées aux yeux de la cour. L’intervention de Méganepourraitfairepencherlabalanceennotrefaveur.

J’acquiesceenréfléchissant.

—JepensequeMéganeseraitassezemballéeparl’idée.Pourcequiestdeconvaincre Eden, vous feriez mieux de lui laisser un peu de temps pour yréfléchir.Àmoins que…S’ils…s’ils pouvaient se voir tous les deuxpour enparler,çafaciliteraitpeut-êtreleschoses.Vouspensezqueceseraitpossible ?Jeveuxdire…quandpensez-vousquenouspourronslevoir?

Mavoixestmontéed’aumoinsdeuxoctavessurlafindemaphraseetjemegiflementalement pour tenter deme reprendre. Jouer à la fille désespérée nem’avanceraàrien.Craqueretm’effondrerdevantunavocatnonplus.

Reprends-toi,Kate.

Je serre mes mains en deux poings sur mes genoux pour faire passer madétresse. J’attends fébrilement une réponse, accrochée aux lèvres demonsieurGarrett.Lorsque je remarquequ’il s’apprêteàparler, je retiensma respiration.Uncoupportéà laporte lecoupedanssa lancéeet jemedégonflecommeunballondebaudruche.

—C’est l’heure ! lâche l’avocat en se levantd’unbondet en rangeant ses

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affaireséparpilléessurlebureau.

Jeclignedesyeuxàplusieursreprises,abasourdie.

—Quoi ?Commentça,c’estl’heure ?Vouspartezdéjà ?

Jeneluiaimêmepasencoreposélamoitiédemesquestions !

Garrettm’ignoreenbeautéetcontournedéjàlatablepoursedirigerverslaporte.C’estàmontourdemelever,révoltée.

—Maisattendez,vousnem’avezpasencorerépondu !

LalettredeMégane !Bonsang,ilnepeutpaspartiravantquejenelaluiaiedonnée !

—S’ilvousplaît,attendez !Ilfautquejevousdonne…

Lesmotssecoincentdansmagorgeàlasecondeoùcefichuavocatcinglé—oui, je ne suis plus certaine de ce que je vais envoyer àKim à présent—ouvrelaporte.

—Putain,jerêve !Vousêtesunfoutusalopard,Parrish !

Sijen’étaispasaussiretournéed’entendresavoix, jem’offusqueraisdelagrossièreté d’Eden. Mon cerveau n’arrive plus à formuler une seule penséecohérente.Toutcequitourneenboucledansmonesprit,c’estquemesdix-huitjoursdesolitudeviennentdes’effacerenunclaquementdedoigts.

—Je te fais une faveur et c’est comme ça que tume remercies ?Tu vois

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Garrett,lajeunessedenosjours…

Sidérée, je dévisage tour à tour les trois hommes m’entourant. MonsieurGarrettetParrishontl’airparticulièrementfiersdeleurcoup.Jenesaispascequi les a poussés à organiser cette rencontre, mais ils étaient clairement demèche.

—Vousauriezpumediretoutdesuitequ’elleétaitlà !seplaintEdensansmelâcherduregard.

Je crois que mon cœur est en train d’essayer de creuser un trou pours’échapperdemapoitrine.

—T’auraisétéencoreplus insupportablequed’habitudesi je te l’avaisdittout de suite. Maintenant, tourne-toi que je t’enlève tes menottes. Et si tucontinuesàteplaindre,jetefousdanslefourgondirect,rétorquelepolicier.

Je me tourne vers Garrett, interdite, pendant que Parrish s’occupe dedétachersonprisonnier.

— J’ai pensé que ce serait une bonne chose que vous puissiez vous voir.L’inspecteurParrishavaitbesoind’Edenaucommissariataujourd’hui,c’estpourça que j’ai planifié notre rendez-vous ici. Cela n’a rien d’officiel, mais nousferonscommesinousn’avonsrienvu,m’explique-t-ild’untonconspirateur.

—Tu as quinzeminutes,Williams, pas plus, ajoute l’officier en poussantEdendanslapièce.

Le père de Kim lui donne une tape sur l’épaule avant de se tourner unedernièrefoisversmoi.

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—Pensezàcequejevousaidit,mesouffle-t-ilavecunclind’œil.

C’est aumoins le troisième qu’ilme fait en l’espace de deuxminutes. Safillearaison,ilabeletbienuntic.

—Etjeneveuxriendepascatholiquesurmonbureau,c’estcompris ?

Nous n’avons pas l’occasion de répondre à Parrish, la porte s’est déjàreferméederrièreEden.Fébrile,jelecontemplesanssavoirquoifaire.Ilal’airaussisonnéquemoi.

—Dis-moiquejenesuispasentrainderêver,murmure-t-ilenmedévorantduregard.

J’inspireviolemmentenluttantdifficilementcontremonenviedeluisauterimmédiatementaucou.

—Situmepinces,jetepince,proposé-je,ledébutd’unsourireéclatantaucoindeslèvres.

—Pasquestion.Parceque si c’estunputainde rêve, jen’aivraimentpasenviedemeréveiller.

Ilfaitunpasdansmadirectionetmoncorpsseréchauffeinstantanément.

—Eden ?

—Oui,monamour ?

Jem’esclaffeetlespapillonsreprennentbrusquementviedansmonventre.

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— J’ai très envie de faire des choses absolument pas catholiques sur cebureau.

—Bordel,bébé.Tum’ôteslesmotsdelabouche.

Je tends les bras pour enlacer ses épaules à la seconde où ses mainss’emparentdemeshanches.Jegémisaucontactdeseslèvressurlesmiennesetil m’en donne aussitôt plus.Mes doigts se nouent dans ses cheveux et tirentdoucementsursesmèchessombresalorsquel’arrièredemescuissescognedéjàcontrelatable.Lespaumesd’Edenparcourentmondostendrementetjesourisencoreetencorecontresabouche.Edenest ladéfinitiondemonbonheur.Sonodeurm’emplit les poumons, sa chaleur se répand dansmes veines.Dans sesbras,j’ail’impressionderevivre.

—Dis-moiquetuvasbien,lesupplié-je.

C’est la seule chose que j’ai besoin d’entendre. C’est la seule chose quim’importevraiment.

—Jevaisbien.

Incapable de le croire sur parole, je m’écarte légèrement et décide del’inspecter sous toutes les coutures. Je caresse ses joues barbues tout enanalysantavecattentionchaquemillimètredesonvisage.Ilal’airdétendu,sesjouesnesontpascreuséesetiln’apasdecernessoussesyeuxmagnifiques.Enréalité,s’ilneportaitpassatenueobligatoirededétenu—unpantalonentoileetun large t-shirt du même gris délavé — j’en viendrais à douter qu’il estvéritablementenferméenprisondepuisvingtjours.Amuséparmoninspectionpoussée, Eden s’empare de mes poignets et les coince dans mon dos pourm’empêcherdelepalperdelatêteauxpieds.

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—Jevaisbien,Kate,répète-t-ilenembrassantmamâchoire.Jemangeàmafaim,personnenemecherched’embrouilleet jedors facilementdouzeheuresparjour.

Il répondà toutesmesangoissesavantmêmeque jene les formuleàvoixhaute.N’ai-jevraimentplusaucunsecretpourlui ?

—EtArno ?Thib,Will?Tusaiss’ilsvontbien,euxaussi?

Jelevoisserenfrognerenplissantlesyeux.

— On a seulement quinze minutes pour nous et tu te mets à me parlerd’autresmecs ?Tumebriseslecœurlà,Tundal.

—Cesonttesamis,idiot.

—Ons’enfiche.Jeveuxquetuneparlesquedemoi.

Jerouledesyeuxavantdelesfermerlorsquelalangued’Edens’attardedansmoncou.

— Réponds-moi… lui ordonné-je tout de même, refusant de céder à sescaprices.

—Ilsvontbien !Maintenant,embrasse-moietarrêtedepenseràmespotes,maugrée-t-il,impatient.

C’estbienlapremièrefoisqu’EdenWilliamsmesuppliedel’embrasser.

Je m’assieds sur le coin du bureau tout en l’attirant entre mes jambes. Il

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libèremespoignetsquejedécidedenouerautourdesatailletandisqu’ilglissesesdoigtsà l’arrièredemanuque.Lecontactdesapeausur lamienneenvoieune décharge dans tout mon épiderme. Être privée de cet homme est unevéritabletortureetnem’accorderquequinzeminutesavecluipourcomblercevideestencorepluscruel.Jeneveuxpasquinzeminutes.J’aiditquejevoulaistouteunevie.

—Dis-moicommentçasepasseàlamaison…

C’est tout lui ça, vouloir dévorermes lèvres tout en cherchant àme faireparler. Je tente dem’accrocher à l’air qu’il ne cesse deme subtiliser pour luirépondred’unefaçonplusoumoinscohérente.

—Çava…Benm’aidebeaucoup,iln’apaseul’airdevouloirencoreplustetuerquandilaapprislavérité…

—Jenem’inquiètepastrop…Tunelelaisseraisjamaisfaire…

Jememords la lèvre tandisque labouched’Edenpicoremaclavicule.Sabarbe rêche irrite délicieusement ma peau, me faisant me cambrer contre seshanches.Ilgrogne.Jem’accrocheàsescoudespournepastomber.

Pourquoin’avons-nousquequinzeminutes ?

—EtMeg ?

À l’évocation de la jeune fille, je me crispe imperceptiblement. Celan’échappe pas àmon petit-ami qui vient aussitôt planter ses iris couleur acierdanslesmiens.

—Kate ?

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— Je…Ça peut aller. Ça dépend les jours. Tu luimanques, c’est tout, etparfoisellelegèremoinsbien.Maisdansl’ensemble,çava.Ellem’adonnéunelettrequ’elleaécritepourtoi.JedevaisladonneràGarrett,maiscommetueslà…

—N’oubliepasdemeladonnerdansdixminutes.

—Tunelaveuxpasmaintenant ?

Edensecouelatêteavantdefrottersonnezcontrelemien.

—Jesuisavectoi,maintenant.Laisse-moiencoreenprofiterunpeu.

Jemepresse contre son torse, envoûtée par notre étreinte.Ça peut parfoisêtre si compliqué de vivre avec Eden et c’est pourtant si simple. Nous nousaimonsl’unl’autreinconditionnellement.Lerestenecompterajamaisvraiment.

Ilrecommenceàm’embrasseravectendresse,maisjelutteunpeu:quitteàparlerdeMéganeautantyallerjusqu’aubout.

—Garrettm’aditqu’ilvoulaitlafairetémoigner.

Eden fait la grimace en se crispant entremesbras. Je savais que çane luiplairait pas d’en parler ;malgré tout, j’ai vraiment envie de lui dire ce que jepenseàcesujet.Ilestprêtàfairen’importequoipourprotégersasœurmaissilaparticipation de cette dernière au procès peut augmenter ses chances de s’ensortir,ilestabsolumenthorsdequestionquejelelaisserefuser.

—Etmoijemerappelleparfaitementluiavoirditnon.

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—Tudevraisyréfléchir.

Je nemedémonte pas lorsqu’ilme foudroie de son regard courroucé et jel’emprisonne entre mes cuisses pour qu’il ne lui vienne pas l’idée dem’échapper.

—Katelyn,laissetomber.Jeneveuxpasqu’ellesoitmêléeàça.

—Tudevraisluilaisserlapossibilitédechoisir.Ellet’envoudrasiellesaitqu’ellepeutt’aidermaisquetulerefusescatégoriquement.

—Ellen’apasbesoindelesavoir.

Jehausseunsourcil.S’ilpensequejevaismetaire,ilsefourreledoigtdansl’œiljusqu’aucoude.Cequ’ilsemblecomprendrerapidement.

—Jet’interdisdeluienparler !gronde-t-il.

—Tunem’interdisriendutout,Eden:tuesenprison.Jeferaicequej’aiàfaire pour te sortir de là, et ce même si ça implique de me battre avec tonentêtementetmaniganceravectasœurdanstondos.

Ilserenfrognecommeungamindesixansetm’offreunregardquiseveutmauvais.Jedistinguepourtantparfaitementl’étincellededouceurdanssesyeux.

—Très bien, complote contremoi si ça te chante,mais arrête de faire ça,putain !

Ilappuiesurlemot« ça »enmedésignantlargementdudoigt.

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—Arrêterdefairequoi ?

—Demetenirtêteetdemerecadrer.Çam’excite.

Jepouffe.

—Çat’excite ?

—Ouais.Et tuviens encoredenous faireperdre cinqminutes.Boucle-la,Tundal.

Monairespièglefinitdelerendrefouetilm’offrelescinqminuteslesplusintenses dema vie. J’ai unmal fou àmaintenirmes vêtements en place alorsqu’il tente deme les arracher,mais jeme fais largement pardonner avecmesmains.Sansparlerdecequedécidentdemefairelessiennes…

—Est-ceque je temanque ?soufflé-jequand jesensquenousarrivonsauboutdenotredélai.

J’ai lecorpsenfeu, les lèvresgonfléesetundésirmonstrueux tapidans lefonddemonbas-ventre.Parrishvaprobablementvouloirdésinfectersonbureauàlajavellorsqu’ilverranostêtes.

Edens’écarteàpeined’uncentimètredemoi,justedequoimeregarderauplusprofonddesyeux.Sespupilles sont tellementdilatéesque jenedistingueplus la couleur de ses iris. Sa respiration est aussi hachée que lamienne et ilinspireprofondémentavantdemerépondred’unevoixrauque:

—Tun’asvraimentaucuneidéedecequeçafaitdevivreloindetoi.

Jefermelespaupières,submergéeparl’émotion,etplongemonvisagedans

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lachaleurdesoncou.

—Tumemanquesaussi,Eden.Tellement…murmuré-je.

Quand j’entends laportes’ouvrir, jem’agrippedavantageà lui. Ilposeseslèvresjustesousmonoreilleetjesensqu’iln’estpasprêtàmelaisserpartirluinon plus. Parrish peut bien aller se faire voir quelquesminutes de plus, aprèstout.

Je m’attends à un commentaire de l’inspecteur mais le silence perdure.Finalement,Eden se redresse et je décidede jeter un coupd’œil derrièremoi.Parrish se tient dans l’embrasure de la porte, les bras croisés et lamine bienmoinsréjouiequetoutàl’heure.L’espaced’uneseconde,jepensequ’ilvanousengueuler d’avoirmis son bureau sens dessus dessous sauf que je comprendsrapidementquesonairsombren’arienàvoiravecnous.Jelanceuncoupd’œilinquietàEdenquiserrelamâchoireenfixantlepoliciersansciller.

— Mauvaise nouvelle, les enfants, marmonne-t-il alors que j’entendsvaguementlavoixagacéedemonsieurGarrettrésonnerplusloindanslecouloir.

Monestomacsetordviolemment.

—Putain, fait chier, s’exclame Eden en resserrant sa prise autour demesépaules.

— Qu’est-ce qui se passe ? lui demandé-je même si je connais déjà laréponseàcettequestion.

—Jordan.Ilest…

—MonsieurRichardsvientdesortirdeprison.Sonpèreapayé lacaution

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établieparlejugeilyamoinsd’uneheure,termineGarrettennousrejoignantdanslapièce.

Unfrissond’horreurseréveilleàl’arrièredemanuqueetcouledoucementlelongdemacolonne.Pourquoiont-ilsl’airaussiconsternésparcettenouvelle ?

—D’accord…Maisonsavaitqueçapouvaitarriver,non ?Alorspourquoivoustireztouscettetête ?

ParrishgrimacealorsquejesensEdensetendrecommelacorded’unarc.Jen’aimevraimentpaslatournurequeçaprend.

LepèredeKimsoupireavantdemerépondre:

—Iléchappeàlasurveillanceélectronique.

Jenecomprendspastoutdesuitecequecelaimplique.

—Cequiveutdire ?

—Cequiveutdirequemoietmescollèguesavonsintérêtàleteniràl’œilsinous ne voulons pas qu’il nous file entre les doigts, conclut Parrish en melançantunregardlourddesens.

JetremblecontreEdensanspouvoirm’enempêcher.

Sinousnevoulonspasqu’ilnousfileentrelesdoigts…

ConnaissantJordan,jesuispersuadéequec’estexactementcequ’ilaentête.

Page 178: Auteure : Julie Bradferekladata.com/JrqVTW_SvQt66_QEe2CQv28Fe2o/FM2.pdfgrisâtre lui aussi comme s’il était sur le point de tourner de l’œil. La mine décontenancée qu’il

—Tum’asmenti !

Jemefige,déjàamusée.J’aiàpeinefaitunpasdanssachambred’hôpitalque le regard inquisiteur deClarameharponne.Après unmois et demi passédanslecoma,jedoisdirequejenem’attendaispasàautantdevéhémencedesapart.Mais lemoins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a l’air dans une formeolympique.

—Jenevoispasdutoutdequoituparles,rétorqué-jeenrefermantsagementlaportederrièremoi.

—Ne fais pas l’innocente !Pendant tout ce temps tu avais des réponses àtouteslesquestionsquejemeposais !

Je croise les bras en m’approchant tranquillement de son lit. Elle a l’airfaussementfurieuseetmoi,jeneressensquedusoulagement.Jenepensaispasledireunjour,maisjesuissincèrementheureusedevoircettefichuegamine.

—Tucomptesmeremonterlesbretellestoutletempsdemavisite ?

—Çadépend…Tucomptestefairepardonnercomment ?

—Je t’ai apportéàmanger.Si j’encroismonexpérience, labouffe ici estinfecte.

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Sesyeuxs’ouvrentengrandderrièresesgrosseslunettes.

—Dis-moiquetuasprisduchocolat !J’aibesoindechocolat,monDieu !

Jerisentirantunechaiseàcôtéd’elleetenluitendantunsacplastique.

—Jecroisquetuvasterégaler.

L’adolescentelâcheuncriendécouvranttouslespetitsen-casquejeluiaieachetés à mon boulot avant de venir la voir. Elle s’empresse de déchirerl’emballage d’une barre chocolatée et mord dans la moitié à pleine bouche.Lorsquejelavoissoupirerd’aise,jemedisquej’aivraimentbienfaitdepenserà lui amener quelque chose.Avec un peu de chance, cela devrait diminuer leressentimentqu’elleéprouvecertainementàmonégard.

—Comment tu te sens,Clara ? l’interrogé-je aprèsqu’elle ait dévoré troispaquetsdebiscuits.

Elleavaledifficilementladernièreénormebouchéequ’elleavaitpriseavantdemerépondre.

—Envie.J’imaginequec’estdéjàbien !

J’esquisseuntristesourire.Jemerappelleencoretropbiendesoncoupdetéléphone le soir où Jordan l’a renversée. Jeme souviens encore trop bien dubruit qu’a fait son corps lorsque la voiture de ce cinglé l’a percutée. Laculpabilitérevients’enroulerautourdemagorgecommeunecordedependu.Jesenslenœudseresserrerencoreetencore,commeàchaquefoisquejepenseàtoutcequej’auraisdûfairedifféremmentpourlaprotéger.

—J’ai quelques côtes cassées, ça fait unmal de chienmais c’est gérable.

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Mes jambes sont encore toutes molles à cause du temps que j’ai passé alitéemême si je botte le cul de mon kiné pour qu’il augmente le nombre de messéances. J’avais un œdème cérébral aussi, mais il s’est résorbé pendant moncoma.Pourlereste,toutbaigneàpartquejesuiscoincéeicipourencoredeuxbonnessemainesaumoins.

—Tum’asfichulatrouille,Clara.Jet’avaisditdenepast’approcherdecetype.

Jelaisseéchappercesmotsquimebrûlentleslèvresdepuistroplongtemps.AutantjemesenscoupabledenepasêtreparvenueàgarderClaraàl’écartdetoutcebordel,autantjeluireproched’avoiragicommeuneenfantbornéeetdenepasavoirtenusapromessederesterloindesennuisquandçadeviendraittropsérieux. Si ellem’avait écoutée, nous n’en serions peut-être jamais arrivés là.Ellen’auraitpasfaillimouririlyapresquedeuxmois.

—Jenecomptaispasl’arrêtertouteseule,sedéfend-elleenserenfrognant.J’avaisjustebesoind’êtrecertainedemoncoupavantd’appelerlapolice.

—Tun’auraisjamaisdûallerchezlui.Jet’avaisditqu’ilétaitdangereux.

—C’estbienlaseulechosevraiequetum’aiesdite…

Àmontourdemerenfrogner.Jesavaisenvenanticiquenotreconversationvireraitcertainementaurèglementdecompte,maisc’estlemoinsquejepouvaisfaire.Jeluidoisdesexplications.

—Jenevoulaispastementir,Clara.

—Peut-être,maistul’asfait.Tucomptesmedirelavéritémaintenant ?

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—Qu’est-cequetusaisexactement ?

Ellehausselesépaulesenrajustantsonchignondebouclesbrunes.

— Tout. Parrish est passé. J’ai dit que je voulais témoigner, mais il m’aenvoyée balader. Quand je sortirai, je vais passer tout mon temps aucommissariatpourleconvaincreducontraire,tupeuxmecroire.Leprocèsalieuàlafindumois,ilesthorsdequestionquejen’yparticipepas.

Jefroncelessourcils,nonseulementparcequ’elleesttoujoursaussitimbréemaisaussiparcequ’unepenséevientbrusquementdemerevenir.

—Clara…Ton contact dans la police, la… la personne par laquelle tu asobtenutoutestesinfos,est-cequec’étaitParrish ?

Ellefaitlamoue.

—Jenepeuxpasteledire.

—Pourquoi ?

—Parcequ’ilrisqueraitgrossiçasesavait.

—Doncc’estlui ?

Elle regarde rapidement autour de nous alors que la pièce est vide. Laconnaissant, elle doit être en train d’estimer la probabilité qu’on ait mis desmicrosdanslesmurspourl’espionner.Jevaisvraimentconseilleràsamèredelapriverdesériespolicièresàl’avenir.

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—Clara !Dis-moilavéritétoiaussi !

—Ouid’accord,c’estlui !Maistunedoisriendire !Promets-le !

—Jelesavais !

Jenecomprendsmêmepaspourquoijen’aipasréaliséçaplutôt.J’auraisdûlecomprendreàlasecondeoùClaras’estpointéesurmonlieudetravailenmedisantquec’étaitParrishquil’envoyaitmevoir.Unflicquienvoieunevictimeparler à une autre victime, sérieusement ? Comme dirait Helen : « L’agentMorgann’auraitjamaisproposéquelquechosed’aussistupide ».

—Comment est-ce que tu as fait ?Comment est-ce que tu as fait pour leconvaincre ?Tulefaischanter ?m’exclamé-je,tropcurieusepourmetaire.

—Quoi,t’esfolle ?!Biensûrquenon !

—Alorsquoi ?Tul’aspayé ?

—Non !

Je plisse les paupières en inspectant consciencieusement son visageempourpré.Ellemecachequelquechose,c’estsûr.

—Crachelemorceau,décrété-je.

—Ilsetapemamère !

Jemanquedem’étoufferavecmapropresalive.Lechocmefaitécarquillerlesyeuxetsi jen’étaispasdéjàassise, jemeseraisprobablementécroulée les

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quatrefersenl’air.Parrishsortavecsamère ?

Pincez-moi,jerêve.

—Turigoles ?hoqueté-je,stupéfaite.

—Pasdutout.Çafaittrèslongtempsqueçanesepasseplusbienentremamèreetmonpère—jenecomprendsmêmepaspourquoiilsnedécidentpasdedivorcer d’ailleurs — mais récemment, j’avais remarqué que ma mère étaitdifférente.J’airapidementcomprisquec’étaitparcequ’elleavaituneaventureetencreusantunpeu,j’aidécouvertquec’étaitavecParrish.Quandjesuisalléelevoir après lamortdemagrand-mère, il a suffique je le luimette sous lenezpour qu’il accepte demedonner des infos sur l’affaire. Il voulait sûrement sedébarrasserdemoietpensaitquecen’étaitpasungrosrisquedemedonnerunecopiedeleurdossier.Oualorsilvoulaitmefairebonneimpressiondanslecasoùildeviendraitunjourmonbeau-père.Jen’ensaisrien.Entoutcas,j’aieucequejevoulais.

Jemeforceàrefermerlamâchoire.Sijem’attendaisàça !

—Ehbien…Toiaussitum’enascaché,deschoses !

—Jenesortaispasavecuncriminelnotoire,personnellement.

Je tique.Jen’aimepasqu’elleparled’Edendecettefaçon.Je tiqueencoreplus en pensant à Eden. Mon cœur se serre. La date me revient en tête. 9septembre. 32 jours. J’inspire profondément pour échapper à la douleur. Saufquec’esttroptard,çafaitmaldenouveau.

—C’estbienpluscompliquéqueça,Clara.

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—Explique-moialors.

Je soupire en me frottant les yeux. Clara semble accrochée à mes lèvres,aucundoutequ’elleattendmesexplicationsdepuisqueParrishestvenuluidirequ’onavaitarrêtélesgarçons.Jemerépètequejeluidoislavérité.Çam’aideàmelancer.

—Jene savais pas qu’Eden était impliquédans les braquages la premièrefoisqu’ons’estvues.Jenelesavaispasnonplusquandtuesvenuel’espionneràsongarage.Jenel’aiapprisqueplusieursjoursplustard.Je…J’aivouluallervoir Parrish pour tout lui dire, mais Eden m’a demandé de me taire. Il m’ademandédeleprotéger.

—Ettuasaccepté.

—Oui…J’aiaccepté.Jesaisquetunepourraspeut-êtrepaslecomprendre,mais Eden a commis toutes ces erreurs pour sa famille. Lorsqu’il m’a dit lavérité,jeluiaipardonné.Etoui,j’aiacceptédeleprotéger…avantdelequitter.

Clarafroncelessourcils.Elleréfléchit.

—Le jourde tadeuxième identification.Le jouroù je t’aidit queParrishsurveillaitEdenetquetum’asditquevousn’étiezplusensemble:làtusavais,c’estça ?

—Oui.

—DonctuasmentiàParrishpendantl’identification ?

Jegrimace.

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—Pasvraiment.Jeneconnaissaispaslesuspectqu’ilavaitarrêté.Etentretemps,Jordanamenacédes’enprendreàmonfrèresijeparlais.J’étaiscoincée.

—Quelpsychopathe !

Jerisdoucement.Ellen’afranchementpastort.

—Tun’imaginesmêmepasàquelpoint.Lesoirdelacoursepoursuite,c’estEdenquilesarejointssurceparkingetqui lesaaidésàéchapperauxflics.Iln’avait plus pris part aux braquages depuis notre rencontre,mais sonmeilleuramis’étaitprisuneballeetjen’aipaspul’empêcherdes’enmêler.Jesuisalléeluidonneruncoupdemainpoursoignerlablessured’Arno.Ilsontvoulutoutarrêterce soir-là,mais Jordan les faisaitchanterpuis ilm’amenacéeavecsonflingueetdenouveau,ons’estécrasés.Jusqu’àcequ’ilterenverseenvoiture…

—Ouais,troismoisplustard…marmonne-t-elle.

—Je suis désolée,Clara.Nous savons que nous avons eu tort. Je… je nepensaispasqueçairaitaussiloin…Edennonplus,jeneluiavaisjamaisparléde toi avant ton accident. Je pensais qu’en te cachant tout ça, ça suffirait à teprotéger.Maisje…jemesuistrompée.Jen’aipastoujoursfaitlesbonschoixetj’ensuisdésolée.

Unsilences’installedanslachambreetjememetsàcontemplermesdoigtsquand le regard de Clara se fait trop intense. J’ai conscience d’avoir commisbeaucoupd’erreurset jecomprendraisqu’ellenemepardonnepasdeluiavoirmenti.Mon silence a failli lui coûter la vie si onypense et il est clair que jen’aurais plus été capable de me regarder dans un miroir si Jordan l’avaitvéritablementtuéeilyadeuxmois.Aumoins,maintenant,ellesaittoutetjemesensplus légère. Iln’yauraplusdebraquagesetplusdeblessés, toutfinitparrentrerdansl’ordre.Alorsjeneveuxplusmesentircoupable.Jenepourraispaschangerlepassémêmesijelevoulaisdetoutemanière.JepréfèrevivredansleprésentetClarameprouvequec’estcequ’elleveutaussi.

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—CommentvaEden ?medemande-t-elledoucement.

Jeretrouvesesgrandsyeuxcurieuxsansplus lescraindre.Jepensequ’ellenemeledirajamaisvraiment,maisellemepardonneelleaussi.

—Jenesaispas trop…Jel’aivuilyaunmois, ilavait l’aird’allerbien.Sonavocataessayédenousobtenirundroitdevisiteenprison,maislejugearefusédenousl’accorderavantleprocès.

Je tentederetenir labouledansmagorgequimenaced’exploseràchaquefoisquejememetsàpenseràEden.Garrettn’arrêtepasdem’assurerqu’ilvabien, que les choses se passent correctement et qu’il est confiant, mais je neparviens pas à me raisonner. Eden me manque et la façon dont nous noussommesquittésilyaunmoisnem’aidepasàcalmermonangoisse.Quandnousavons appris que Jordan était libéré sans qu’on lui impose une surveillanceélectronique,ma peur n’a fait qu’attiser la sienne. Parrish a dû le forcer àmerelâcheretjemesouviensencoredel’inquiétudequej’ailuesursestraitsavantqu’onnemeséparedeluiencoreunefois.Lefaitqu’onm’interdisedelevoiràprésentme rendaussi furieusequ’accablée.Est-cequec’est tropdemanderdenouslaisserluirendrevisite ?

—Je comprendsmieux pourquoi tu fais cette tête, semoqueClara enmepinçantlebraspourmeramenersurterre.

—Quelletête ?

—Celledelaveuveéplorée.T’asplusdormioumangédepuiscombiendetemps,dis-moi ?

—Jemangetroisfoisparjour !

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Benjaminmecassetoujoursautantlespiedsavecça.

—Ehbien,uneoudeux foisdeplusne te feraientpasdemal,observe lajeunefilleenmedétaillantavecattention.

—Jevaisbien.C’est justeque je travaillebeaucoupetque je suisunpeufatiguée.Jevaisbien.

Clarame dévisage d’un coup d’œil sceptique. Je soutiens son air dubitatifsansbroncher.

—Onvasortirtonmecdeprison,Katelyn,alorsfais-moiplaisiretoffre-toiunebonnenuitdesommeilenrentranttoutàl’heure.

Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer ce qu’ont tous ces adolescents àvouloirmebotterlesfessesàlongueurdejournée ?Ilsontcrééunclubouquoi ?

—« On » ?répliqué-je,amuséemalgrémoiparladéterminationdeClara.

—Oui, « on ».Avecmon témoignage, il n’y a absolument aucune chancequeJordans’ensorte.C’estluileresponsabledetoutça,c’estluiquidoitpayer.Jesuisdetoncôté,Kate.

—TontémoignagequeParrishneveutpasprendreenconsidérationtuveuxdire ?

Elle grogne en me faisant la grimace. Pourquoi est-ce que je me sens sidétenduetoutàcoup ?

—T’as finid’êtrepessimiste,oui ? Jem’occupedeParrish.Leprocèsn’alieuquedanstroissemaines,jeseraiparfaitementrétablied’icilà.Etpuisjene

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le fais pas que pour toi, Katelyn. Je le fais avant tout pour ma grand-mère.Personne ne m’empêchera de témoigner au tribunal. Personne, et surtout pasParrish.

—T’asl’airbiensûredetoi,lataquiné-je.

Ellem’offreunclind’œilen replongeant lamaindans le sacenplastique.Elleenressortdeuxnouvellesbarreschocolatéesetm’entendune.

—Qu’est-cequetuveuxquejetedise ?Cetidiotdeflicnesavaitpasdansquelpétrinilsefourraitencommençantàcoucheravecmamère.

Nouséclatonsde rire.Parrishn’aeffectivementaucune idéeducauchemardans lequel il vient de se plonger. Je le lui dirais bien si je n’aimais pas voirClara aussi déterminée à m’aider. Comme aucun témoignage ne sera de troppourrenforcerladéfensed’Eden,jenecomptevraimentpasrechigner.

Nousavonspassélafindel’après-midiàparlerdelabouffeimmondeservieàl’hôpitaletdesrediffusionspourriespassantsurlecâble.Pourlapremièrefoisdepuis ma rencontre avec Clara, aucunmauvais souvenir n’est venu entachernotreéchange.Ellen’avaitpasdequestionsàmeposerinlassablementetmoi,jen’avais rien à lui cacher. Lorsqu’une infirmière est venuem’annoncer que lesheuresdevisiteétaientterminées,jemesuissentiepresquenostalgiqueàl’idéequenousavionstournéunepagetouteslesdeux.

Ellenem’appelleraplusjamaiscommeunehystériqueaumilieudelanuit.

Bon,d’accord.Ça,çanevapasmemanquerdutout.

Après lui avoir dit au revoir et promis de revenir la voir avec une autreréservedenourrituretrèsbientôt,jereprendslavoiturepourrentreràlamaison.J’avais oublié mon téléphone sur le siège passager et un rapide coup d’œil à

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l’écranm’indiquequej’aiunpaquetd’appelsenabsence.Jenem’enétonnepastrop,lesfillesrevenaientdevacancesaujourd’huiaprèsuneprolongationd’unesemaine.Jeleurrépondraiunefoisarrivée.

Saufquecequim’attendchezlesWilliamsmefaitabsolumentoubliermesamiesharceleuses.

Lapeurmetordl’estomacalorsquelesgyrophareséclairentlafaçade.TroisvoituresdepolicesontgaréessurleparkingetjereconnaisParrishsurleseuildelamaison,engrandeconversationavecmonfrère.Ilsontl’airvraimentsoulagésdemevoir apparaître.Benjaminadéjàparcouru lamoitiéde ladistancenousséparantquandjememetsenmarcheverseux.Ilafficheunedrôledegrimacemêlantapaisementetcolère.Jem’inquièteaussitôt.

—Ben,qu’est-cequisepasse ?

—Jepeuxsavoiroùtuétais,putain ?!Çafaitdesheuresquejet’appelleenboucle !

Je fronce lessourcils faceà l’énervementdemonfrère.Quellemouche l’apiqué ?

—JesuispasséevoirClaraaprèsmesheuresdeboulot.Jetel’aiditcematinavantdepartir.

—Tum’asditquetun’ypasseraisqu’uneoudeuxheures !Tuyesrestéetoutl’après-midi !

—Bah j’y suis restée un peu plus longtemps que prévu, qu’est-ce que çapeutfaire ?

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—Tum’asfaitflipper,putain !

Ilm’écrase contre sa poitrine avant que j’aie le temps de faire lemoindregeste.Sesbrastremblentautourdemesépaulesetjesenssoncœurbattreàtoutrompre. Je ne l’ai jamais vu dans cet état.Mon âme de grande sœur paniqueimmédiatementdelesentirsibouleversé.

—Ben,tumefaispeur.Dis-moicequisepasse,s’ilteplaît…

Jecapte le regarddeParrish.Quelquechoseclocheetcettepenséemefaitl’effetd’uncoupdepoingdansleventre.

—Est-cequec’estEden ?Est-cequ’ilvabien ?Ben,bonsang,dis-moiqu’iln’estrienarrivéà…

—Cen’estpasEden,Kate.Toutvabien,OK ?

—Alorsquoi ?Pourquoitoutecetteagitation ?

—Jordan.C’estJordan.

OK.Jesensquejenevaispasapprécierlasuite.Encoreunefois.

—Qu’est-cequ’ilaencorefait ?m’inquiété-je.

—Ilafoutulecamp.

—Quoi ?!Merde !Quand ?

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—Cematin. Il a échappé aux flics qui étaient chargés de sa surveillance.Parrishadébarquéversmidi.Le tempsque lapolice le retrouve, il sembleraitquel’onsoitmissousprotection.

S’ilsleretrouvent ?Sicefoutucingléaunminimumdejugeote,ildoitdéjàêtre loin à l’heure qu’il est.Mais brusquement, en inspectant les environs, unhorriblesentimentmesecouelesentrailles.

—OùestMégane ?m’exclamé-je,paniquée.

Benjamin s’apprête àme répondre lorsque l’inspecteur Parrish, qui nous aenfinrejoints,lecoupedanssalancée.

—Enroute.Unepatrouillel’arécupéréechezsonamieetlaramèneici.Elleestensécurité.

Jelanceuncoupd’œilàmonfrèrequim’explique:

—EllepassaitlajournéechezCassandraaujourd’hui.Sespotessontvenuslachercherenvoiturecematin,jenepensaispasquetoutçaarriverait…

—Cen’estpastafaute,Ben.Leprincipalc’estqu’ellevabien.

Edenmetueraits’ilsavaitquej’ailaissésasœurvagabonderàgaucheetàdroiteavecJordandanslanature.Maconsciencemeréprimandeenmesoufflantquejenepouvaispasleprévoir.

—MonsieurParrish,vouspouvezm’expliquer ?

L’air tendu et sérieux, l’inspecteur hoche la tête avant de nous indiquer laported’entrée.

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—Allonsdiscuteràl’intérieur.

Benmerelâcheenfinetnoussuivonsl’officierjusquedanslesalon.

—Commevotrefrèreacertainementdûvouslesignaler,monsieurRichardsnousa filéentre lesdoigtscematin,commenceParrishalorsque jem’assiedssurl’accoudoirdudivan.

—Comment est-ce possible ?Vousm’aviez assuré qu’il était surveillé deprès.

Parrish grimace et Ben pose unemain surmon épaule. Il a probablemententendu l’exaspération dans ma voix et espère me calmer avant que je nem’emporte.

—L’enquêteestencours.Jenesaispasencorecequis’estpassé.

—Vouspensezpouvoirleretrouver ?

— Toutes les unités sont mobilisées. Son signalement a été transmis auxaéroports et gares routières pour empêcher qu’il se volatilise à l’étranger.MonsieurGarrettainsistépourqu’onvousmettesousprotection,mademoiselleWilliams et vous. Jusqu’à nouvel ordre, une patrouille vous suivra dans vosdéplacementsetsurveilleravotremaisonvingt-quatreheuressurvingt-quatre.

Jegrimace,pasfranchementravieparl’idéed’êtreépiéeenpermanence.Jeseraistentéederefusersijenesavaispasparfaitementcequ’Edenenpenserait.J’imaginesonairfuribondsanseffortetçamecoupebrusquementtouteenviedem’opposeràcettedécision.JesaisàquelpointJordanestdangereux.Lemoinsquejepuissefaire,c’estacceptercetteprotectionjusqu’àcequ’onleretrouve.

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—D’accord,trèsbien.Est-cequ’Edenestaucourant ?

Parrishlanceuncoupd’œilrapideàmonfrère.Ilal’airembarrassé.

—Malheureusementoui.Jerisquefortd’entendrevotrepetit-amiseplaindredemanièrevirulentedemonincompétencedanslesjoursàvenir.

Je retiens difficilement un sourire et mon cœur se réchauffeimperceptiblement.

—Sivouslevoyez,dites-luidenepass’inquiéter,soufflé-je.

—Ceserafait,merassurelepolicier.

Des pneus crissent dans le parking, signe queMégane est sur le point dedéboulercommeunefurie.Jesuispersuadéequecettehistoiredesurveillanceneva pas l’enchanter lemoins dumonde.Elle est insupportable depuis quelquesjours et je dois dire que j’ai un peu peur que tout cela ne fasse qu’empirer lasituation.

—Jereviendraivousvoirdèsquej’auraiplusd’informations.Enattendant,soyezprudentstouslestrois.

Parrishm’offreunsignedetêteavantdetournerlestalonsetdedisparaîtredansl’entrée.Méganelecroisesanss’arrêter,melanceunregardnoirpuisfonceaussitôt dans les escaliers. Je pousse un soupir en entendant la porte de sachambreclaquer.

—Jevaisallerluiparler,meditBenenm’embrassantsurlehautducrâne.

Jenesaispastrèsbiencequ’ilcompteluidire,maisj’espèrequecelafera

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passer sa colère. Je n’ai vraiment pas la force de me battre avec elle en cemoment.

—Katelyn… Promets-moi que tu feras attention, d’accord ? Ce taré en aaprèstoietjen’aivraimentpasenviequ’ilt’arrivequelquechose,OK ?

—Tout irabien,Ben. Je te lepromets,murmuré-je enme redressantpourpasserunemaindanssesboucles.

Ilm’offreunpâlesourireavantdemonteràl’étageàsontour.

Mesdoigts semettentà tremblercontremescuisses lorsque je leperdsdevue.

Jecroisquejeviensdementiràmonpetit-frère.

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L’eaubrûlantes’écouleencascadesurmoncorpsgelé.

J’ailefrontposécontrelecarrelagedeladoucheetjetentedifficilementdecalmerlesbattementsfrénétiquesdemoncœur.Mapeaupicotedésagréablementsous le jet. Je l’ai frottée un peu trop violemment pour la débarrasser desdernières traces de mon cauchemar. Cette routine s’est imposée si facilementdansmonquotidiendepuisunesemainequej’ensuiseffrayée.Jemesensfaibleetfatiguée.Mesémotionsrecommencentàmejouerdestoursetjedétestecettesensation.Jecoupelerobinetd’uncoupdepoingrageuravantdemetirerhorsde la douche. J’ai déjà le sentiment que j’aurais mieux fait de rester au litaujourd’hui.

Jemepréparerapidementenessayantdetenirmespeursàdistance.J’enfileun jean,mon t-shirt de travail et unpull d’Edenbeaucoup trop large, toujoursimprégnédesonodeur.J’inspireprofondémentenencaissantladouleurquecelainfligeàmoncœurinquiet.Avantdequittersa—notre—chambre,jem’arrêtecomme d’habitude à côté de la porte. Je barre le trente-quatrième jour que jem’apprête à passer sans lui. Mon regard s’accroche aux cases vides nousséparant encore. Il reste deux semaines avant le procès. Monsieur Garrett apromisquenouspourrionslevoiraumoinsunefoisavantcettedate.J’attendstoujoursdesesnouvelles.

Je me frotte les yeux avant de laisser le calendrier derrière moi. Je vaisarriverenretardauboulotsijenemedépêchepas.Edenn’apasbesoinquejememorfonde,ilabesoindesonavocatetcelui-ciabesoinquejelepaye.Horsdequestiondebaisser lesbrasmaintenant,peu importemonétatd’épuisementoumesangoisses.

Page 196: Auteure : Julie Bradferekladata.com/JrqVTW_SvQt66_QEe2CQv28Fe2o/FM2.pdfgrisâtre lui aussi comme s’il était sur le point de tourner de l’œil. La mine décontenancée qu’il

Arrivéeaupieddel’escalier,jem’apprêteàmerendredanslacuisinepourgrignoterunpeuavantdeprendre la route lorsque je repèreMéganeendormiesurlecanapé.Jefroncelessourcils.Jenelavoisquetrèspeucesdernierstempspuisqu’ellepasselaplupartdesesjournéesenferméedanssachambre.Ellen’apas voulu manger avec nous hier soir, même Ben n’est pas parvenu à laconvaincre.Quandest-elleredescendue ?

Cen’est qu’enm’approchant que je réalise l’ampleur des dégâts.La pièceempestel’alcooletlafuméedecigarette.Plusieurscanettesdebièrevidessontentasséessurlesoltoutautourdudivanetlatablebasseestrecouvertedetabacet de résidus de ce que je devine tout de suite comme étant de l’herbe.Cettevision me laisse un goût amer, non seulement parce qu’elle me fait penser àl’état dans lequel je retrouvaismamère tous lesmatins il y a quelquesmois,maisaussiparcequeMéganenesepermettraitjamaisdesecomporterdecettefaçon en présence de son frère. Elle ne le fait que pour me punir et pourm’obligeràsortirdemesgonds.

Nous nous sommes disputées au début de la semaine. La surveillance quenous impose la police depuis que Jordan leur a faussé compagnie l’empêched’alleroùbon lui sembleet ellem’abien fait comprendrequ’ellen’appréciaitpas du tout de se sentir épiée en permanence. J’ai refusé plusieurs de leurssortiesàmonfrèreetelle—moninquiétudeétantbienplusgrandequejeveuxbienl’admettre—etdepuis,Méganes’estdonnépourobjectifprincipaldemerendrelavieimpossible.LorsqueBenest là, ilparvientgénéralementàcalmersarancœuravantquele tonnemontetrop.Danslecascontraire, la jeunefilleme balance souvent à la figure des choses que jeme passerais vraiment biend’entendre.

Jesaisqu’Edenluimanque.Celafaitpratiquementdeuxmoisqu’ellenel’apasvuetmonsieurGarrettnenousaplusdonnésignedeviedepuisquelquesjours,cequinousangoisseparticulièrementtouteslesdeux.Maisellen’apasledroit de semontrer aussi insupportable et irrespectueuse enversmoi. Sa façond’évacuersadétresseetsonchagrinnefaitquerenforcermespropresangoisseset qu’elle le veuille ou non, je suis officiellement sa tutrice à présent. Et jen’accepteclairementpasdelavoirsedroguer.

Page 197: Auteure : Julie Bradferekladata.com/JrqVTW_SvQt66_QEe2CQv28Fe2o/FM2.pdfgrisâtre lui aussi comme s’il était sur le point de tourner de l’œil. La mine décontenancée qu’il

—Mégane !Réveille-toi !

Ma fatigue excessivem’empêche de gardermon calme. Je suis à bout denerfsetàfleurdepeauàforcedepassermontempsàcauchemarderdeJordanetàm’inquiéterdusortdemonpetit-ami.Ajoutéàcelalesréactionspuérilesd’unegaminededix-septansetjenesuispasloindeperdrecomplètementlaboule.

Comme Mégane ne réagit pas, je décide de la secouer par l’épaule. Sespaupières frémissent, elle remue engrognant avant d’ouvrir unœil rougi dansmadirection.Quandelleremarquemonaircourroucéetmonexaspération,ellese contente d’esquisser un demi-sourire satisfait avant de se réinstallerconfortablement contre les coussins. Je serre les dents, tâchant de garder unminimumde sang-froid. Je ne suis pas certaine qu’Edenme pardonne d’avoirétripésasœur.

—Mégane,lève-toi !Jepeuxsavoircequet’asfoutu ?!

L’adolescentesedégagedemaprisealorsquejelatireparlecoudepourlaforceràs’asseoir.Ellemelanceunregardnoir.

—Quoiqu’est-ceque j’ai foutu ? Jeme suisorganiséune fête toute seulepuisquetum’asempêchéedemerendreàlamiennehier !

Elle croise nonchalamment les bras enme toisant d’un airméprisant. S’ils’agissait de Ben, je lui aurais déjà collé mon coup de pied au cul pour luiremettrelesidéesenplace.

—Jeneveuxpasdeçaici,Meg !Tun’aspasledroitdeboireensemaineetcertainementpasentellequantité !Ettuasencoremoinsledroitdetedroguersousmonnez,c’estcompris ?

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—Tun’asrienàmedire !

—Tuesàmachargedoncsi,j’aibeaucoupàtedire !

—Vatefairevoir !Jefaiscequejeveuxetsij’aienviedefumeretdeboiredansmapropremaison,cen’estpastoiquivasm’enempêcher !

Ellenedevraitpasmemettreaudéfi.

D’ungeste rageur, jem’emparedusachetenplastiquecontenantcequi luirestedemarijuanaetlefourredansmonsac.

—Hé !Rends-le-moi !

— Tu rêves, Mégane ! Ce truc volera dans la première poubelle que jecroiserai !Jeveuxquetuaiesnettoyélesalonavantquejerentreetsijetevoisencore une fois avec un joint dans la bouche ici, crois-moi que ça vamal sepasser !

Je tourne les talonspourmerendredans lacuisine.Jedétesteagirdecettefaçonavecelle.Jedétestem’emporter.Mais jen’aipas laforceoulapatienced’agir autrement ce matin. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour me montrerconcilianteetpournepasm’imposerentantquefigured’autoritéauprèsd’elle.Ce rôle appartient et appartiendra toujours à Eden et j’espérais que notrecohabitationsedérouleraitsansproblème.Jen’avaispasprévudelabousculerdans seshabitudes.Saufqu’elle s’est apparemmentmise en têtedeme rendredingue.

Qu’est-cequejeneferaispaspourtoiEden,sérieusement ?

—Tun’aspasledroitdefaireça !

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Méganeme poursuit. J’ouvre le frigo pourm’emparer d’une pomme alorsqu’elleapparaîtàcôtédelaporte.Elleestfurieuse,çanefaitaucundoute.

—C’estmoil’adulteici.Donc,si,j’enailedroit !

—Cen’estpasparcequemonfrèret’arefilémagardequejesuisobligéedet’écouter !

— Ne recommence pas avec ça, Mégane ! Je n’ai jamais souhaité cettesituation !

—Ahnon ?Pourtantt’asvraimentl’airdeprendretonpiedenm’interdisantdeschoses !Situm’avaislaisséepartiràlasoiréedemonamie,onenseraitpaslà !

— L’agent Hodge était d’accord avec moi ! Ça aurait été trop compliquéd’assurertasécuritélà-bas !

La jeune fille ricane en roulant des yeux. Cette confrontationme rappellecruellementmesdisputesavecEdenaudébutdenotrerelation.J’auraisvraimentpréféréquesasœurn’héritepasdesonsalecaractère.

—Oh,c’estvrai,lesflicssontdevenustesgrandscopainsmaintenant !Edenseraitfranchementravid’apprendreça !

—Çasuffit !Tusaistrèsbienqu’Edenpenseraitlamêmechosedetoutça !

—Comment tu pourrais le savoir, hein ?! Aux dernières nouvelles, il esttoujoursenprisonetonnous interditde levoir !Etpersonnene fait rienpourqueçachange !

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Jeserrelespoings.Sesmotsmeblessent.

—Tuesinjuste,Mégane.Jefaistoutcequejepeuxpour…

—Ah oui ? Et qu’est-ce que tu fais au juste ?! On ne peutmême pas luirendre visite et toi tu passes ton temps à travailler ! Son fichu avocat ne nousdonneaucuneinformationetçan’amêmepasl’airdet’inquiéter !

—Nemeparlepascommeça !

—Je teparlecommejeveux !Edenn’aurait jamaisdûallerserendreà lapolice !Ilnel’auraitjamaisfaitsiçan’avaitpasétépourtoi !C’estàcausedetois’ilestenprison !

J’encaissedouloureusementsesaccusations.Elleatortetellelesait,cesontsimplementsespeursetsatristessequiparlentencemoment.Dumoins,c’estcedontj’essaiedemeconvaincrealorsqu’ellepivotesursespiedspoursortirdelacuisine. La peine m’empêche de répliquer quoi que ce soit. Elle m’empêchemêmedebougeretderespirerjusqu’àcequej’entendelaportedesachambreclaquer violemment.La boule grandit dansmagorge et je sens les larmesmebrûlerlesyeux.J’inspireprofondément,leslèvrestremblantes,etjeravalemonchagrinavecapplication.

Lapetite voixdema culpabilité se réveille dansmon crâne. Je tente de lachasser à grand coupdebalai,mais elle est toujours accrochée àmespenséesquandjesorsdelamaison.Ilfaittoutgrisaujourd’hui.Mêmeleclimatadécidédeseliguercontremonmoralvisiblement.

—Toutvabien ?medemandel’agentHodgequandj’atteinsmavoiture.

Il me sourit d’un air chaleureux, comme à son habitude depuis qu’il a

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commencéàsechargerdenotresurveillanceilyaunesemaine.

—Oh,je…oui !Jesuisdésolée,j’aiprisunpeuderetardcematin,jen’aipaseuletempsdevousprépareruncafé !

—Nevousinquiétezpas,mademoiselleTundal.Voustravaillezencoretoutelajournéeaujourd’hui ?

Jegrimacepourtouteréponsetoutenouvrantmaportière.

— Soyez prudente, me rappelle le policier. C’est la patrouille de Joe quis’occupe de votre protection aujourd’hui. Ils seront garés sur le parking dusupermarchésivousavezlemoindreproblème.

—Trèsbien,mercimonsieurHodge,dis-jesimplementavantdem’installerderrièremonvolant.

Voilà encore une routine qui s’est installée trop facilement dans monquotidien. Les patrouilles de police surveillantmon lieu de travail, surveillantmes déplacements à l’hôpital pour voir Clara, surveillantmes sorties au Jerryavecmesamiesrevenuesdevacances.Enyréfléchissant,jeneréussismêmepasà me souvenir de ce à quoi ressemblait ma vie avant que je ne me retrouveimpliquéedanscettehistoiredebraquages,avantquelecommissariatdepolicene devienne pratiquement ma deuxième maison. Je pousse un soupir endémarrant.

Je n’aurais vraiment pas dû me lever ce matin. Ce sentiment se renforceencorelorsquejequittemonvestiaireaumagasin.Patrickveutmevoirdanssonbureauavantque jeprennemonservice.Surprise, je traverse lesalléesvers lefonddelasupéretteenmecreusantlatêtepouressayerdedevinercequ’ilpeutbienmevouloir.Jesuisenretarddedixminutes,maisc’estlapremièrefoisquecelam’arriveentroisans.Ilnevapasmefaireunsermonquandmême,si ?

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J’entredanssonbureauaprèsavoir frappé.Monpatronest installéderrièrelesécransd’ordinateurposéssursonbureau.Ilaprisl’habitudedegarderàl’œilles allées et venues des clients dans le magasin grâce aux caméras desurveillance. Il est clairement devenu parano depuis notre agression il y a sixmois.

—Tu es en retard, souligne-t-il immédiatement sans relever le nez de sesécrans.

Iln’avraimentpasl’airdebonnehumeur.Quesepasse-t-il ?

—Jesuisdésolée,Patrick.J’aieuuncontretempsàlamaison.

—J’aimeraisqueçanedeviennepasunehabitude.

Monbossnemeregardetoujourspasetjemesenssoudainmalàl’aise.Jetanguesurmespieds,fébrile.J’aimeraism’asseoir,maisilnem’yapasinvitéealorsjerestecommeuneidiote,debout,aumilieudelapièce.

—Jeteprometsqueçan’arriveraplus,réponds-jedansl’espoird’apaiserlatensionquejesensémanerdelui.Tusaisquetupeuxcomptersurmoi.

C’estàcemoment-làqu’ildécidedemedévisagerenfinet j’auraispréféréqu’ils’abstienne,aufinal.Sonregardestfroidetemplidereprochesdontjenecomprendspasl’origine.Jen’aivraimentpasl’habitudedelevoirdanscetétat.Il n’a jamais été désagréable avec moi et comme je suis plutôt du genre « employéeefficaceetfiable »,iln’amêmejamaiseuàseplaindredemontravail.Maisj’aivisiblementbienmerdésij’encroislarancœurquisedessinesursestraitsencemoment.

—Jepeuxcomptersurtoi ?

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Bonsang,qu’est-cequej’aifaitdemal ?Mêmeenmecreusantlesméningesen profondeur, je ne parviens à me souvenir d’aucune erreur que j’aurais pucommettrecesderniersjours.Ilnem’afaitaucuneremarquehierenplusdeça.

—Biensûr,Patrick !Je…Jenecomprendspasbiencequisepasselà…Est-cequej’aifaitquelquechosequit’adéplu ?

Ilhausseunsourcilcommesicelaparaissaitévident.

—Commedemecacherquetonpetit-amiestresponsabledenotreagressionparexemple ?

J’ouvrelaboucheavantdelarefermeraussitôt,souslechoc.

—Oudenepasenavoirparléàlapoliceàlasecondeoùtul’asappris ?Jenesaispas,Katelyn.Çafaitdéjàbeaucoupdechosesdéplaisantes.

—Je…Edenn’étaitpas…

—J’aifaillidevoirmettrelaclésouslaporteaprèslebraquage.J’aitoujoursdesdouleursdansl’épauleàcausedelaballequejemesuisprisecejour-làetellesnedisparaîtrontprobablement jamaisvraiment. J’aideux séancesdekinéparsemaine,est-cequetuasuneidéedel’investissementquecelamecoûte ?Ettoi, pendant tout ce temps, tu avais lesmoyens d’arrêter ces cinglés, de nouspermettrederécupérertoutcequ’ilsnousavaientpris,ettuaspréférét’envoyerenl’airavecl’und’entreeux.Çavalaitlecoup,dis-moi ?

Jesuisrougepivoine.Jemesenshonteusealorsquejenedevraispasl’être.PatrickneconnaîtpasmonhistoireavecEden.Ilnesaitriendenousetdecequim’apousséeàmentir.Iléprouvejusteunehaineviscéralecontrenosagresseursetc’estpourçaqu’ilm’enveutautantden’avoirriendit.

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Jebaisselenezsurmespiedstoutencalantmesmainstremblantesdansmondos. Jesuis tellementembarrasséequ’ilm’est impossibledesoutenir le regarddemonpatron.Jenesaismêmepasquoiluirépondre.Quoiquejedise,j’ailesentimentquecelaneferaqu’exacerbersonressentiment.Jeserre lesdentsenattendantlasuite.Est-cequ’ilvamevirer ?Ceneseraitvraimentpaslemoment,merde !

—Çamedéçoit,Katelyn.Çamedéçoitbeaucoup.

Jememordsleslèvresjusqu’àm’enfairemal.Moncœurestsiserréqu’iladumalàbattre.

—Je…Jesuisdésolée,murmuré-je.

Jenesaismêmepassijelesuisvraiment.J’aijustel’impressionquejen’aipasledroitdedireautrechosequecela.Combiendefoisencoredevrais-jemesentirnavréed’êtretombéeamoureuseilyasixmois ?Combiendefoisencoreme reprochera-t-onmes actes etmes décisions ? Est-ce que l’amour n’est pasuneexcusesuffisanteàmeserreurs ?

Maculpabilitéseréveille,encore.J’aienviedehurler.

—Jeneveuxplusquetuarrivesenretard.Vaprendretacaisse,maintenant.

Je ne me fais pas prier. Je quitte le bureau en silence, trébuchantpratiquementàchaquepas.

Jepasselerestedelajournéeàessayerderespirersansmemettreàpleureretàbaisserlesyeuxchaquefoisquejecroiseundemescollègues.Jenecessede ressasser mes conversations avec Mégane et Patrick, m’empêchant de meconcentrer.

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Surletempsdemidi,jem’assoupisdanslasalledepauseetJordanrevientluiaussimehanter.Jenepeuxjamaislevoirvraiment,maisjesenssonsoufflecontre ma nuque, je devine ses lèvres contre mon oreille, j’entends son riremauvaisrésonnerdansmestympans.Sesdoigtss’enroulentautourdemagorge,sonarmesepressecontrematempeetàchaquefois,jesuispersuadéequ’ilvatirer, qu’il vame tuer.Mais il finit toujourspardétourner l’armeà ladernièreseconde.Il finit toujourspar tirersurundemesproches, jamaissurmoi.Et jem’éveilletoujoursensursaut,terrasséeparladouleurqueceladéclencheenmoi.

Ilestdix-huitheurestrentequandjemeréfugieenfindansmavoitureaprèsavoirfaitdescourses.J’aimeraisfairelapaixavecMéganeetjesaisàquelpointelleaimeleslasagnesalorsj’aipenséàachetertouslesingrédientsnécessairespourluipréparersonplatpréférécesoir.J’espèrequ’elleaccepteraaumoinsdemangeravecnous,jenepensepaspouvoirsupporteruneénièmedispute.

J’ail’estomacauborddeslèvresetlatêtequitourne.Ils’estmisàpleuvoiret le tempsque j’atteigne l’autreboutduparking, lepulld’Edenestdéjàbienhumide.Sonodeurserépanddansl’habitacleetjeserrelespoingscontremonventre en laissant retomber mon front contre le volant quelques secondes.J’inspire.J’expire.J’essaiede l’imaginerprèsdemoi.J’essaied’oublier toutesces cases du calendrier qui continuent de m’éloigner de lui et toutes cesincertitudes quime noient quand je pense à l’avenir.Mais ça ne change rien.Toutesttoujourssisombrequandiln’estpaslà.

Je sursaute violemment quand j’entends frapper à la vitre de ma voiture.J’étais déjà en train de somnoler et je suis pétrifiée de peur l’espace d’uneseconde. Je me calme immédiatement en comprenant qu’il ne s’agit que dupolicier chargédemaprotectionquivientmedemander si toutvabien. Je luifaisunsignede lamainpour le rassurer. Ildevaitsedemanderpourquoi jenedémarraispas.Ilm’adonnéunesacréefrousse.

Entournantlaclépourlancerlemoteur,jenepeuxm’empêcherdepenseràJordan encore une fois.Où est-il ?Que fait-il ?A-t-il disparu pour de bon ou

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souhaite-t-il se venger comme tout lemonde semble le penser ? J’ai vraimenttâchédenepas tropysongercesderniers jours.Malgrémonsubconscientquichaquenuitmerappellequejesuisterriblementangoissée,quichaquenuitmefaitcroirequ’ils’enprendàtousceuxquej’aime,jerefusederestercloîtréeàlamaisoncommeParrishmel’ademandé.Jerefusedelaisserlapeurgagner.C’estpeut-êtreidiotvulesrisques,maisjeneveuxpasoffrirceplaisiràJordan.Ilm’adéjàprivéed’Eden,jecomptenerienluicéderdeplus.

Je suis soulagée de ne pas travailler demain. Il faut vraiment que je mereposesi jeveuxespérer tenir lecoup jusqu’auprocès.Encoreplussi jeveuxpouvoircontinueràconduiresansrisque.Jemanquetellementdeconcentrationquejesuisàdeuxdoigtsdegrillerunfeurougesurlecheminduretour.L’agentJoedoitbiensemarrerderrièremoi.J’espèrequ’ilne ferapasderemarquesàParrish.Cedernierseraitcapabledemeretirermonpermis.

Ilpleuttoujoursquandjemegaredevantlamaison.Lecielcommencedéjààs’assombrir et je dois plisser les yeux pour distinguer l’agent Hodge qui mesalue depuis sa camionnette. J’essaie de lui rendre son sourire mais j’ai trèsclairement lasensationdegrimaceralors jemecontented’unsignedelamainavantdem’emparerdemescoursesetdesortir.Jerefermelaportièreducoude,marchejusqu’àlaporteetparviensàl’ouvrirlesbraschargésdesacs.Épuiséeettrempée, je m’affaisse sur le battant qui claque derrière moi et tente de medébarrasserdemeschaussurescouvertesdebouetoutengardantmespaquets.

Mesoreillesbourdonnentunpeumaisjesuispersuadéed’entendredesriresenprovenancedusalon.

— Putain, c’est dégueulasse ! T’as que des triples carapaces vertes ! Tutriches,Mégane !

Monfrèrerâle.IlestprobablemententraindeperdreuneénièmepartiedeMarioKart.

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—T’es juste pas doué, Ben ! Regarde devant toi, tu vas encore te chopertouteslesbananes !

Jesuisrassuréed’entendreletonenjouédeMégane.Masoiréeneserapeut-êtrepasundésastre,finalement.

—Hé !Maisarrête !Non…arrête…voustrichez !Voustrichez !

La jeune fille éclate de rire au moment où j’arrive dans la pièce. Sur lecanapé,jedistinguebienplusdebrasetdejambesqu’iln’enfaudrait.Jemetsunmomentàcomprendrecequisepasse.Benjamin,lamanetteenmainetleregardrivé à l’écran de la télévision, est couché sur les genoux de Mégane. Cettedernière tente tant bien que mal de l’empêcher de terminer la partie maisquelqu’un la retient par le coude et la chatouille tellement fort que je la voispleurer de rire. Étant donné l’angle du canapé, je n’arrive pas à distinguer levisagedel’inconnu.Est-cequ’ilsontinvitéundeleursamisàlamaison ?

LorsqueBenm’aperçoit,sonsourires’éclaireetils’empressedemettreleurjeuenpause.

—Katin !Comments’estpasséetajournée ?s’exclame-t-il.

Moncœursefaitlourd,maisjem’efforcedefairebonnefigure.Jen’aipasenvied’entacherleurbonnehumeur.D’oùqu’ellevienne,ellesefaisaittroprarecestemps-ci.

—Je…çava,réponds-jedoucement.

Mégane qui est parvenue à se reprendre et à se libérer de son tortionnairepose enfin son regard dans le mien. Elle a l’air tellement heureuse encomparaisonàcematinqueçame faitmal.Suis-je la seuleàavoirpasséunejournée totalementpourrie ?A-t-elledéjàoubliécequ’ellem’adit ?J’aipassé

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mon tempsà rumineretàculpabiliser toute la journéealorsqu’elleprenaitdubontempsavecmonfrèreet…

OhmonDieu.

—Vaaidertasœur,Ben.

Jefermelesyeux.Jeviensdemeprendreunouraganenpleincœur.

Savoix.

OhmonDieu,Eden.

JeflancheàlasecondeoùBenjaminmelibèredemescourses.J’aiencaissétellementd’évènementsbouleversants aujourd’huiquemon self-control décidedem’envoyerbouler.Ces foutues larmesquiontattendu impatiemmentque jecraque toute la journée se font enfin le plaisir de dévaler en cascade surmesjoues.Jemecachelevisageentrelesmains.J’aitroppeurderegarderdanssadirectiondenouveauetdemerendrecomptequejedevienstellementfollequejecommenceàhalluciner.

—Kate,je…jesuisdésolée…

J’entendsàpeineMéganes’excuserentremessanglots.Parcontre, je sensparfaitement le bras d’Eden s’enrouler autour de mes hanches. Je sensparfaitementsonautremainsecalercontremanuque.Jesensparfaitementsonsouffle dans mes cheveux quand il demande à sa sœur de nous laisser unmoment.

Jeveuxplusqu’unmoment. Jeveuxque tous sesmomentsdeviennent lesmiens.

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—Monamour,arrêtedepleurer…Laisse-moitevoir…

Jesecouelatêtecontresoncou,incapabledemecalmer.

—Regarde-moi…murmure-t-ilencherchantmonmentondesesdoigts.

Jen’arrivepasàluidirequejeneveuxpas.Jen’arrivepasàluidirequesij’ouvrelesyeux,quesijelevois,quesijem’assurequ’ilestbienlà,jen’auraisjamaislaforcedelelaisserrepartir.

Jen’yarrivepasetlegrisdesesirisn’estbientôtplusquelaseulechosequejevois.

Sonexpressionhésiteentrelemécontentementet lebonheurpur.Lescoinsdesabouches’étirent.Sesfossettessecreusent.Jesuissûrequ’ilvientdevolerlesoleilpourlefairebrillerdanssesyeux.

—Tudoismangeret tudoisdormir.J’espèrequetun’aspasd’objections,mesouffle-t-ilenessuyanttendrementmesjoues.

Je risenm’appuyantcontre son torsepournepasm’effondrercommeunepoupéedechiffon.

—Jen’enaiqu’une,répliqué-jed’unevoixrauque.

Edenmesoulèvedusoletjenouemesjambesautourdesonbassintoutenplaquantmon front contre le sien. Jene saispasquemevaut cette incroyablesurprisemaisçan’aaucuneimportance.Ilaéclipséabsolumenttoutdumondejusteenapparaissantdanscettepièce.

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—Dis-moi,bébé.

Jesouriscontreseslèvresparfaites.Nousrespironsensemble.

—Tuastrente-quatrejoursdebaisersenretard.Rattrape-toi,Williams.

Eden s’exécute dans la seconde,me prouvant à quel point nos baisers luimanquaientàluiaussi.

Jenerisquepasdemangeroudedormirdesitôt.

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—Aïe,Ben !Faisattention !

—OuibahdésoléKatemaiscetrucpèsetroistonnes !

—Tunedoispaslaportermaislapousser !

—Méganeestdevant,tuveuxquejel’écraseouquoi ?!Bouge-toi,Meg !

— J’essaie d’éviter que vous n’arrachiez tout le papier peint du couloir,attendsdeuxsecondes !

Lajeunefillesedécaleaprèscequimeparaîtuneéternité.Jen’auraisjamaispenséqu’unemotopouvaitêtreaussilourde.

—À droite, Benjamin. Non, stop, encore un peu à gauche. OK, avancezmaintenant.

Lorsquenousparvenonsenfinàinstallerl’enginaumilieudusalonquenousavonsparfaitementaménagépourl’accueillir,mesbicepsmelancentetjemeursdechaud.

—Oubliepasdemettrelabéquille,Katin.J’aipasenviequ’ellemetombesur les orteils, marmonne mon frère en faisant rouler ses épaules pour lesdétendre.

Page 212: Auteure : Julie Bradferekladata.com/JrqVTW_SvQt66_QEe2CQv28Fe2o/FM2.pdfgrisâtre lui aussi comme s’il était sur le point de tourner de l’œil. La mine décontenancée qu’il

—C’estparfait !Edenvaêtresupercontent !Onpeutresterjusqu’àcequ’ilselève ?mesupplieMéganeensautillantsurplace.

—Hors de question !Vous avez école !Dépêchez-vous demonter dans lavoiture !

L’adolescentegrogneenroulantdesyeuxtandisqueBenjaminmefoudroieduregard.

—Onauraitdûmieuxnégocierlestermesducontrat,seplaint-il.Déplacerunmachinaussilourdsitôtlematin,çavalaitclairementunejournéederepos !

—Malheureusementtun’échapperasqu’autrajetenbus,memoqué-jeenlepoussantversl’entrée.

Ils protestent tous les deux jusqu’à ce que je les dépose devant le lycée.MéganequittelavoitureenboudanttandisqueBenmejurequec’estladernièrefoisqu’il feraquelquechosepourmoi.Jeretiensmonamusementpournepasles froisser davantage. En réalité, je me fiche bien qu’ils soient de mauvaisehumeur.L’idéedepasserunenouvelle journée seuleavecEdensuffit à rendreleurmécontentementdérisoire.

J’aihâtedevoirsaréactionlorsqu’ildécouvriraquenousavonsdéplacéunepartie de son atelier dans lamaison.Sonbracelet électronique l’empêchant demettre le moindre pied dehors, je l’ai souvent surpris en train de contemplerl’appentisdanslefonddujardind’unairabsentdepuislafenêtredelacuisine.J’ai pensé que ça pourrait lui changer les idées et que ça lui ferait plaisir derecommencer à travailler sur lamotoqu’il réparait avant son arrestation.Sansparler du fait que j’ai plus que besoin de le savoir serein et heureux,particulièrementaujourd’hui.

—Bordeldemerde,Katelyn !Combiendefoisjet’airépétédeprendretonputaindetéléphoneavectoiquandtusors ?

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Jemeretiensderiredevant le regardfuribonddemonpetit-ami. Ilnem’amêmepaslaisséletempsderefermerlaported’entréederrièremoiavantdemebondirdessuscommeunchienenragé.

Pourlasérénité,onrepassera.

Ignorantsonénervement, jepassemesbraspar-dessussesépaulestendues.À voir sa mine à moitié endormie et la pagaille dans ses mèches brunes, jedevinequ’ilnedoitpasêtrelevédepuislongtemps.

—Bonjouràtoiaussi,monamour.Commentest-cequetutesenscematin ?raillé-je,amusée.

Ilrouledesyeuxmaisnemerepoussepaspourautant.

—Inquiet,Tundal. Jeme sensputaind’inquiet ! Je t’ai appeléquatre fois,t’étaisoùbordel ?

—JesuisalléeconduireBenetMegaulycée.Respire,Eden.

Ilgrogneenm’enlaçantenfinetplongelenezdansmoncou.

—Jedétestemeréveillersanstoi,souffle-t-ilendéposantunbaisersurmanuque.

Je réprime difficilement un frisson. Mon sang s’enflamme, mon corps seréchauffe.J’oublietoujoursàquelpointilfaitfroidloindelui.

—Etjen’aimepastesavoirdehorsseuleencemoment.

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—Jen’étaispasseule,Eden.L’agentJoemesuittoujourspartoutenvoiture.Jenerisquerienettulesais.

—Tunerisquesrienquandturestesiciavecmoi,voilàcequejesais.

Je le laisse bougonner sans surenchérir.Nous nous sommes déjà querelléspasmaldefoisàcesujetdepuisl’obtentionparmonsieurGarretdesalibérationprovisoire. Je me pensais angoissée concernant Jordan mais j’ai rapidementdécouvert qu’Eden l’était bienplusquemoi.Lepeude sortiesque jeme suispermisdepuissonretourentraînegénéralementde longsdébatset il s’emportedèsquejefaisminedenepasassezm’inquiéterdemasécurité.

—Jesuislàmaintenant,tenté-jedelerassurer.

Ilsoupirecontremapeautoutenmeserrantdavantagecontresontorse.

—Nemefouspaslatrouillecommeçadebonmatin,Kate.C’estvraimentmauvaispourmoncœur.

Jem’esclaffedanssescheveux.

—D’accord, tête demule ! Je te laisserai unmot la prochaine fois, tu escontent ?

— Très. Maintenant que c’est réglé, laisse-moi te poser une question,Tundal.

Il sourit contre ma gorge et je me dis que je vais enfin avoir droit à laréactionquej’attendais.

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—Tupeuxmedirepourquoiilyaunemotoaubeaumilieudusalon?

Ilredresselevisageetsesyeuxclairscaptentrapidementmonairmalicieux.

—Tun’aspasaccèsàtonatelier,ducoupjemesuisditquejen’avaisqu’àlefairevenirenpartiejusqu’àtoi,luiexpliqué-je.

—Turêvaisjustedemerevoirbosserentenuedemécano,admets-le.

Jerougisunpeutoutensecouantlatêtesoussonregardpétillant.Iln’apastotalementtort,maishorsdequestiondelereconnaître.

— Je rêvais juste de te revoir sourire vraiment, avoué-je enme penchantlégèrementpourembrasserlecoindeseslèvres.

Le silence s’installe aussitôt entre nous et ses sourcils se froncentimperceptiblement.L’ombrequejedistinguedepuispresquedeuxsemainesdansle fond de ses iris se fait soudain plus sombre encore et un éclair de tristessetraverse ses traits. Je passemes paumes contre ses joues piquantes et je tentevainement de chasser un peu ses tourments. Lorsqu’il se penche pourm’embrasser,jeréalisequec’estcequ’ilaimeraitpouvoirfaireluiaussi.

Lemanque est un drôle de sentiment. Il continue parfois de nous tirailleralorsmêmequ’ilnedevraitpas.Edenmemanquealorsqu’ilestlà,justedevantmoi.Ilmemanqueparcequ’unepartdeluin’estpasencorerevenueauprèsdemoi.Unepartdeluiesttoujoursenprison.

Nous n’avons pas parlé de ce qu’il vit là-bas. Nous n’avons pas parlé duprocès, approchant pourtant à grands pas.Nous n’avons pour ainsi diremêmepas explicitement parlé de Jordan et de sa disparition. Garret a obtenu salibérationsoussurveillanceélectroniquedepuisdeuxsemainesdéjàetEdennes’estpasencoreouvertàmoi.Jenesuismêmepascertainequ’illefera.

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J’aimeraismedirequecelameconvientmaiscen’estpasvraimentlecas.Jen’aime pas lorsqu’il est silencieux, j’aime encore moins le voir évitersoigneusementlessujetsquifâchent.Ilnemeparlepasdecequ’ilressentetj’aibeaudevinercequ’ilpenselaplupartdutemps,moncœurs’alourditchaquefoisquejesaisqu’ilsouffretoutenrefusantdem’enparler.

Notre mince sursis se termine demain. Le procès a lieu dans deux jours.Nousavonspeur tous lesdeuxdecequi endécoulera,maisnousn’osonspasnousconfierl’unàl’autre.Nouspréféronsnoustaire.Nouspréféronsgardernoscraintespournouspournepasamplifiercellesdel’autre.Nouspréféronsnepasnousparler.

Edenm’embrassejusqu’àcequ’ilnepuisseplusrespirer.Ilm’embrasseetjesaisqueseslèvrestententdemetransmettretouscesmotsqu’ilneditpasàvoixhaute. Mes paumes glissent sur ses joues, les siennes sont dans mon dos. Jegoûte l’angoisse sur sa bouchemais elle se dissout avant que je ne puisse lasaisirpleinement,commetoujours.Quandilmerelâche,l’ombres’estatténuéedanssonregard.Ilestplusserein,plusheureux.

Maisilmemanquetoujours…

***

Jepasseunegrandepartiedelamatinéeàl’observertravailler.Installéedansundescanapésquenousavonsprislapeined’écartercontrelesmurscematinavecBenetMégane,jecontempleEdenconcentrésursamoto.J’avaispresqueoubliéàquelpointçameplaisaitdelevoiraussiappliqué.Ilfaitminedenepasvouloirmanger àmidi,mais je le force à avaler entre deux coups de pince lesandwich que je lui ai préparé. Il s’amuse à mordiller mes doigts à chaquebouchée alors je le fuis rapidement pour ne pas succomber à son charme trop

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facilement. Jeme réfugiedans le jardinen sachantbienqu’ilnepeutpasm’ysuivre.Ilseplaint,maisjem’enfiche.Enrevenantaveclaradiodesonatelier,iloubliedenouveautoutpournes’occuperquedelamusiqueetdesontravail.Ilestsibeauquejememetsàrêvasserenl’admirant,lavoixdeSiarythmantsesmouvements.

Butyou'llneverbealone

I'llbewithyoufromdusktilldawn

I'llbewithyoufromdusktilldawn

Baby,I'mrighthere

I'llholdyouwhenthingsgowrong

I'llbewithyoufromdusktilldawn

I'llbewithyoufromdusktilldawn

Baby,I'mrighthere…

Il s’agit de notre dernier jour ensemble avant le procès et je souhaite lepasserdanssesbras.Seulementdanssesbras.Mais l’expressionque je lis sursonvisagedepuisqu’ils’estmisàbricolercettebécanemeplaîttellementquejen’osepasintervenir.J’ail’impressionqueçaluifaitdubien,bienplusquemoiàce stade, c’est pour dire. Alors je veux juste qu’il en profite encore un peu.J’aimeraisqueça lui fasseassezdebienpourvoirdisparaîtrecettefêluredanssesyeux.

— Bébé ? m’appelle-t-il alors que j’admirais les veines saillantes de sesavant-brasdepuisunebonnevingtainedeminutes.

J’aiunfaiblepoursesavant-bras,soyonsclair.

—Hum ? réponds-jed’unair absent en continuant à siroter tranquillementmonverredelimonade.

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—J’aibesoind’uncoupdemain.Arrêtedememateretviensparici.

Jefaislamoue.

—J’aimetemater,Eden.

Son sourire en coin et son air satisfait me retournent le bide. Il faitbrusquementtrès,trèschauddanscettepièce.

—Etj’aimequetumemates,Tundal.Promis,tupourrasrecommencerjusteaprès.

Amusée, je déposemonverre etm’extirpedu canapépour le rejoindre. Jefais le tour de la moto pour me retrouver sur sa droite mais Eden m’attirerapidemententresesbrasetcollemondoscontresontorse.

— J’ai besoin que tu tiennes ces deux câbles, là, le temps que je remetteceux-làenplace…

D’un geste habile, il guide mes mains vers ce qu’il m’indique. En sepenchant,ilremontesonnezlelongdemanuque.Jecomprendsimmédiatementqu’iln’aplusdutoutenviedetravailler.Soncorpssepressecontrelemien.Ilsentlasueuretlecambouis.Inutiledepréciserquej’adoreça.

—Jerêveoutumetripotes ?

Sesdoigtssontdéjàsousmont-shirt. Ilesten traindemettrede lagraissepartoutsurmonventre.

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—Jenevoispasdutoutdequoituparles,marmonne-t-ilenmordillantmonépaule.

Jerisenrelâchantlescâbles.

—Ilsuffisaitdelediresituvoulaisprendreunepause,Williams.

—C’estcequejefaislà,non ?Tunetrouvespaslemessageassezclair ?

Ses lèvres dansmon cou. Son index sousmon sternum. Sa paume surmahanche.Ohsi,lemessageestplusqueclair.

Jem’apprêteàmeretournerentresesbraspourluimontreràquelpointj’aienvie d’une pausemoi aussi quandmon portable semet à sonner sur la tablebasse.Edenmelibèreaussitôt,lecorpssoudaintendu,commesilasonneriedemon téléphone venait brusquement de le ramener sur terre. Ce numéro.Moncœurseserrealorsquejemeforceàdécrocher.

—MonsieurGarrett ?

—Ah,bonjourKatelyn !Vousallezbien ?

Jem’éloignedequelquespas,dosàEden.Jenetienspasàcequ’ilvoitmonvisage,ilsaitmieuxquequiconquedéchiffrermesémotions.

—Je…ouioui,toutvabien.

— Je suis ravi de l’entendre ! Je tenais juste à vous rappeler que je vousattends demain à mon cabinet pour que nous peaufinions votre témoignage.Méganen’estpasobligéedevousaccompagnercettefois,elleestsuffisammentpréparée.

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Jerefermemonbraslibresurmonventreenfermantlesyeux.

—Très…trèsbien…soufflé-jefaiblement.

—Parfait !VousvoussouvenezégalementquemonsieurWilliamsseraprisenchargedemainparlesservicesdepolicequileremettrontendétentionpourlanuit ?L’agentParrishm’aprévenuqu’ilviendraitlechercherenfindejournée.Jedevraispouvoirêtreprésentpour…

MonsieurGarrettcontinuedeparlermaisjen’entendsplusrien.

L’airsefaitlourdautourdemoi.Lesilenceenvahitlapièce.Jesensleregardd’Edensurmanuqueetjemeforceàresterdeboutpournepasqu’ilcomprennequel’angoissevientdereprendretoutesaplacedansmesveines.

Nousavonseudeuxsemainesdeplus.J’essaiedem’accrocheràça.J’essaiedem’accrocherauxnombreuxsouvenirsquenousavonsconstruitsen l’espacede quinze jours.Deux semaines, c’était bien plus que tout ce qu’on aurait puespérer.C’étaitplustoutenétantpasassez.

Dans le meilleur des scénarios, Eden écoperait d’une peine de travauxd’intérêtgénéraletdequelquesmoisdeprisonavecsursis.

Danslepiredescas,ilpourraitprendredixansdeprison.

Dixans.

Quesontdeuxsemainesfaceàdixans ?

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Jeneveuxpasêtredemain.Jeneveuxpasêtreaprès-demain.Jeveuxêtremaintenant,exactementdansceprésent,etnejamaisensortir.

Après avoir raccroché, je contemple mon portable. Mes mains tremblent.Touslesmotsquej’aitentéderetenircesderniersjours,toutesceschosesquejeme suis empêchée de dire pour éviter d’inquiéter Eden, tout ça me revientbrusquementetmagorgefourmillesouslecoupdel’émotion.

Jeneveuxplusmetaire.Jeneveuxplusquenousneparlionspas.

Je lâche mon téléphone sur le canapé avant de me retourner. Les yeuxd’Eden se plantent immédiatement dans les miens. Il s’est adossé au mur ducouloir et a croisé les bras sur sa poitrine. Je ne parviens pas à déchiffrer sonexpression, mais j’ai l’impression qu’il me supplie silencieusement. Il mesuppliedebrisercesilence.Ilmesuppliedeleforceràparler.

—Jemesensperduesanstoi.Oùquej’aille,c’estcommes’ilmemanquaittoujours quelque chose, comme si j’étais constamment incomplète. Tu… tuprendsunepartdemoiàchaquefoisquetut’envas,Edenetje…jesuisterrifiéàl’idéedetelaisserpartirdemain…Maisce…cequisepasseentoimeterrifieencoreplus.Toutesceschosesquetugardesentoietquetunepartagespasavecmoi,çamefaitsipeur.J’aimeraisjuste…Je…Dis-moicequeturessens,s’ilteplaît…

Il passe une main dans ses cheveux en soupirant. D’un pas hésitant, jecombleladistanceentrenous.Edens’empressedes’emparerdemesjouesetilmetirecontrelui.Soncœurcognetropfortcontrelemien.

—C’estmonâmequetumevolesàchaquefoisquetut’éloignes,Kate.

Ohbonsang,Eden.

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—Maisje…Jeneveuxpasquetu…essaie-t-ildecontinuer.

Ilsecrispesousmesdoigtsquejeviensdenouerdanssont-shirt.

—Eden,qu’est-ce…

—Sijeprendslemaximum…Jeneveuxpasquetum’attendes.Je…jenepeuxpastedemanderdem’attendrependantdixans.

Jefroncelessourcils.

—Tu…tun’aspasàmeledemander.Jenecompteallernullepartet…

Son sourire triste m’empêche de terminer ma phrase. Eden caressetendrementmesjoues,unelueurmélancoliquedansantdanssesyeuxgris.

—Ça,c’estcequetudismaintenant…

Jesecouelatête.

—Viensavecmoi.

Jen’attendspassaréponseavantdeletireràl’étage.Ilfautquejelerassure.Jeneveuxpasquenousnousséparionsdenouveauenlesachantsitourmenté.S’ilyabienunechosepourlaquelleiln’apasàs’enfaire,c’estbiencelle-là.Iln’aurajamaisàdouterdenous.

Je nous enferme dans la salle de bain. Sa curiosité laisse place à del’impatience lorsque jeguide sesmains jusqu’àmeshanchespuis sousmon t-shirt. Je frissonne au contact de sa peau sur la mienne alors que les pupilles

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d’Eden se rétrécissent imperceptiblement. L’électricité crépite entre nous,mespoumonssevident.

—Déshabille-moi,luisoufflé-je,lesjouesbrûlantes.

Iln’apasbesoindesefaireprierpourcegenredechose.

Jelèvelesbraspourl’aideràmeretirermonhautqu’iljettedansuncoindelapièce.Sesmainsreviennentsurmonventre,caressentmatailleavantd’allerdéboutonner le bouton demon jean. Eden s’accroupit alors en l’abaissant surmes jambes ainsi quema culotte et jeme débarrasse demes chaussures pourqu’ilpuissemelesenlevercomplètement.Sabouches’attardesurl’intérieurdemescuissesetjegémisdoucement.Ilseredressealorspourvenirm’embrassertandisquesesdoigtss’aventurentdansmondospourmelibérerdemonsoutien-gorge.

Mevoilàcomplètementnuedevantlui.Saufqu’ilneregardepasmoncorpsuneseuleseconde.Sonregardestaccrochéaumien.Ilveutquejeluidisecequisepasseensuite.

—Àtontour,continué-je.

Jem’amuse à répéter lesmêmes gestes qu’il a eus pourmoi et lorsque jerevienschercherseslèvresdesmiennes,j’embrassesonsourire.

Je le pousse jusqu’à la douche. En ouvrant le robinet, l’eau est d’abordglacialeetjelâcheuncrienrianttoutenmeblottissantcontresontorsejusqu’àcequelejetatteigneunetempératureplussupportable.Jedéposeunbaisersursonépauleavantdesuivreletracédesaclaviculeetderemonterlelongdesagorge. Il grogne lorsque ma langue passe sur sa lèvre inférieure et ses brasm’emprisonnent pour me pousser contre la paroi carrelée. Je sens son désirpressécontremonventre.Iln’yapaslamoindremoléculedeluiquin’aitpasenviedemoiencetinstant.

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—Est-cequetutesouviensdecequetum’asditlapremièrefoisquenousavonsprisunedoucheensemble ?murmuré-je.

Edenaposésonfrontcontrelemienetilm’observeattentivement.Jeposemes doigts sur son menton, mon index dessinant le contour de ses lèvres. Ilgardelesilence,mepoussantàpoursuivre:

—Tum’asditquetuallaismereprendretoutesmespremièresfois.

Une goutte d’eau coule sur sa tempe. Je suis son tracé jusqu’à ce qu’ellerejoignelesautresdanssabarbe.

—Tun’asjamaiseubesoindemelesreprendre,Eden.

Son front se plisse, il n’a pas l’air de comprendre où je veux en venir. Jel’éclairedoucement.

—Jenevisquedespremièresfoisquandjesuisavectoi.

Jelevoisserrerlesdents,sabouchetrembleunpeu.

—Alorss’ilfautquejepatientedixanspourenvivredenouvellesavectoi,j’attendraiEden.J’attendraiautantdetempsqu’illefaudra.Mespremièresfois,jeneveuxpluslesvivrequ’avectoi.

Unenouvellegoutteglissesursajoue.Ellevientdesapaupièrecettefois.

—Kate,chuchote-t-ilenfermantlesyeux.

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—Jet’aime.Jet’aime,Eden.Nemedemandepasdet’abandonner,jenelepourraijamais.

—J’aitellementpeur,bébé.

Jesoupireenm’agrippantàsanuquedetoutesmesforces.Ils’ouvreenfin.

—Jesais.Jesais,monamour.Maisjesuislà.Jeseraitoujourslà.

Parfois, j’aimerais pouvoir traduire sesbaisers enmots. J’aimerais pouvoirdéchiffrer toutes ces phrases muettes que ses lèvres écrivent sur les miennes.J’aimeraispouvoir lesgraverdans lemarbreetêtrecapablederelireencoreetencore ce que son souffle murmure en secret au mien. Parce qu’Eden nem’avouejamaisautantdechosesquedanslesilence.Celaatoujoursétéainsietjecroisquejenesouhaiteraijamaisquecelachange.

Quandilm’embrasse,c’estàmonâmequ’ils’adresse.Etjecroisquemonâmenes’estjamaissentieaussiaiméequ’encetteseconde.

L’eauruissellesurnospeauxbouillantes.J’enlacelesépaulesd’Edentandisqu’ilme soulève pourme plaquer davantage contre lemur de la douche.Malangue cherche la sienne,mes doigts dansent dans sesmèchesmouillées. Sespaumessontsurmescuissesoudansmondos,saboucheestsur lamienneousurmes seins. Jeme cambre enondulant deshanches contre les siennes,moncorpsdésirantaussiluidireàquelpointill’aime.

Quand la tensiondevient trop insoutenable, ilmepénètre aussi doucementque possible et nos gémissements se mêlent les uns aux autres. Puis noshalètements.Puisnoscris.Edenmepoussecontrelecarrelage.Ilmepoussesifortetsihautquejesaisquejevaismebrisertouslesosentombant.Saufquejen’ai plus peur de tomber ou de me briser. Je n’ai plus peur parce qu’il seratoujourslàpourrecollermesmorceaux.Commejeseraitoujourslàpourrecollerlessiens.

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—Katelyn…

Sesmusclestremblentcontrelesmiens,aveclesmiens.Jechercheseslèvresencoreetjeparleàsoncœuretjeparleàsonâme.Sesdernierscoupsdereinsmefontmontersihautquejetouchequelquesétoiles.Ilm’yrejointaussitôtetjesouris contre sa joue en savourant cette nouvelle première fois. Le retour surterren’estpasdouloureuxpuisqu’ilmetientdanssesbras.

***

Nous finissons la journée au lit, à nous chamailler pour oublier ou à nousparlerenregards.Edenfinitpars’endormircontremapoitrinejusteunpeuavantquejenedoivepartirrechercherBenetMéganeàl’école.Jecroisquec’estlapremière fois qu’il dort si bien depuis son retour alors je n’essaie pas de leréveiller. Jeme dégage de sa prise en silence, dépose un baiser sur sa tempeavantdeluilaisserunmotenluiexpliquantquejereviensvite.Avecunpeudechance, il somnolera toujours à mon retour et il n’aura pas eu le temps des’inquiéter.

Enrécupérantlesadolescentsaulycée,Méganemebombardedequestions.EllechercheàsavoircommentEdenaréagiendécouvrantlamotoinstalléedanslesalon,cequ’iladit,s’ilapassétoutl’après-midiàbricolerous’ill’aréparéeenuntempsrecord.Jeluirépondsensouriant,lecœurpluslégerqu’aumatin,etjeprofitedecemomentdecomplicitéavecelle.

Danslerétroviseur,Benn’ouvrepaslaboucheetgardelesyeuxrivésversl’extérieur.

Unefoisrentrés,Méganesautedelavoitureencatastropheavantdefoncerdans la maison. Elle va probablement tenter de retrouver son frère

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immédiatementetl’accaparerjusqu’audîner.Jenepeuxpasluienvouloir.Elleaussisaitquel’échéancearriveàsontermedemainetjeseraiségoïstedenepaslalaisserprofiterd’Edenalorsquejel’aieurienqu’àmoitoutelajournée.

Benjaminesttoujourssilencieuxalorsquenousatteignonsl’entrée.Sonairpréoccupé m’interpelle encore plus que durant le trajet et je l’arrête dans lecouloirpourl’interroger.

—Ben ?Toutvabien ?Tun’aspasl’airdanstonassiette.

Il m’envoie un coup d’œil étrange et hésitant. Il n’est apparemment pascertaindevouloirmeconfiercequiletracasse.

—Tuas euun souci au lycée ? insisté-je, désireusede comprendre cequisembletantinquiétermonfrère.

—Non,nonpasdutout,je…C’estjusteque…

Iln’estpascommecematin.Ilestforcémentarrivéquelquechose.

—Ben,dis-moi.

—Je…Cegars-là…Jordan.Jecroisque…Jecroisl’avoirvuenvilleàlapausedéjeuner.

Monsangseglacedansmesveinesetjedoisfaireuneffortsurhumainpourne pas commencer à inspecter mon frangin sous toutes ses coutures pourm’assurerqu’ilvabien.

—Quoi ?Tuessûr ?Tul’asditàl’agentquivoussurveillait ?

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Il secoue la tête avantdepressergentiment lamainque j’aiposée sur sonbras.

— Je suis pratiquement sûr d’avoir rêvé, Kate. J’ai eu un flash juste unefractiondeseconde.J’aivoulucompareraveclaphotodeluiquetum’asfiléesurmontéléphonemaisdanslaseconde,ilavaitdisparu.Je…jesuissûrquecen’estrien.Onesttousunpeuàcranencemoment,c’esttout.Net’enfaispas.

Iltentedem’offrirunregardrassurantavantdes’éloignermaissesépaulesvoûtéesnemetrompentpas.Ilsaitaussibienquemoiqu’ilnes’estpastrompé.

Jordanestencorebienlà,àrôderdehors.

Etj’aipeurdecequisepasseralorsqu’ildécideraderefairesurface.

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JereçoisunmessagedeMéganeunesecondeavantqu’Helennetentedemecontacter.Jegrogneensautillantjusqu’aulit,mesbottinesàmoitiéenfilées.

Jesaisquejesuisenretard,pasbesoind’insister !

Jerépondsrapidementà l’adolescenteen luiassurantque jeparsbientôtetquejen’aipasoubliédepasserlaprendrechezsonamie.Siellen’avaitpaseuenviedemecompliquer la vie à ladernièreminute, elle aurait dormi ici cettenuitetjen’auraispaseuàfaireundétoursurlecheminmenantautribunalpourpasserlarécupérer.JegrognedenouveauenmaudissantEdend’avoircédéàsoncaprice.Onvoitbienquecen’estpasluiquicraintd’êtreenretard.

Je finisdem’habiller avantde foncerdans le couloir tout en rappelantmameilleureamie.

—Katin ?T’esoù ?

Jecoursdanslacuisinerécupérermongiletpuistrottinejusqu’ausalonàlarecherchedemonsacàmain.

—Toujoursàlamaison !Jedémarrebientôt,vousêtesdéjàarrivées ?

—Oui, ilyaunmondedefou.Jessnouscherchedesplaces,est-cequ’ondoitengarderunepourtoi ?

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Je secoue la tête tout en soulevant les coussins du canapé. Bon sang,pourquoi est-ce que toutes mes affaires ont décidé de disparaître pile-poilaujourd’hui ?

—Katelyn ?

Jeréalisequejen’aipasréponduàvoixhauteàHelenetqu’ellenepeutpasencorevoiràtraversletéléphone.

—Ohoui,non,pardon !

—Quoi ?C’estouiouc’estnon ?

—Je…Attends,c’étaitquoilaquestion ?

Monamiesemetàrireetlatensionmequitteunpeu.Ilfautvraimentquejemecalmesijeveuxpouvoirsurvivreàcettejournée.

—Est-cequ’ondoit tegarderuneplaceprèsdenous surunbanc ? répètedoucementHelen.

— Oh non les filles, c’est gentil mais les témoins doivent s’asseoir aupremierrang.JeseraijustederrièrelepèredeKimetEden.

—D’accord ! Tu veux qu’on t’attende devant le bâtiment le temps que tuarrives ?

J’esquisseunsourireenentendantletonprévenantdemameilleureamie.Jesais qu’elle se fait du souci pourmoi.Lesheuresque jem’apprête à vivrenevonttrèscertainementpasêtrelesplusdrôlesdemonexistence.Savoirquelesfillesserontlàpourmesouteniretpourmerécupéreràlapetitecuillèrelorsque

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leverdicttomberamerassureunpeu.

— Non, allez vous installer. Je dois encore passer chercher Mégane, onarrivera probablement juste à temps pour le début du procès. Je vous verraiaprès,OK ?

—OK,Katie…

Jel’entendshésiterjusteavantderaccrocher.

—Kate,nestressepastrop,d’accord ?Çavaaller.Jesuissûrequetoutvabiensepasser.

J’expireungrandcoupaprèsavoircoupélacommunication.J’espèredetoutcœurqu’ellearaison.

Mon sac est dans l’entrée. Je le jette surmon épaule avant d’attrapermesclés et de me précipiter hors de la maison. Je ferme derrière moi avant derejoindreleparkingoùl’agentHodgem’attendpatiemment.

—Toutvabien,mademoiselle ?medemande-t-ilenmevoyantarriverprèsdemavoituretotalementessoufflée.

—Oui,merci ! Je suis juste complètement en retard ! Il faut que je passechercher Mégane chez une amie avant de me rendre au tribunal, ça va medemanderunlégerdétour.

—Trèsbien,jevaisprévenirJoe,m’assure-t-ilcalmement.

Son coéquipier attend sagement dans sa voiture de l’autre côté de la rue.Hodge lui transmet l’information via la radio attachée à sa ceinture et je vois

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l’homme lever le pouce dans notre direction pour nous faire signe qu’il acompris.

—Bendorttoujours.Vousrestezbienicipoursurveillerlamaison,n’est-cepas ?

L’inquiétude me ronge encore plus le concernant depuis qu’il m’a avouéavoirvutraînerJordanprèsdeleurlycéeilyadeuxjours.Maislepoliciermerassureaussitôt.

—Bien sûr. Ne vous inquiétez pas, il est en sécurité avec moi. Ne vousmettezpasplusenretard !

Je le remercie d’un sourire avant dem’installer derrièremon volant et dedémarrer.L’amiedeMeghabiteàunequinzainedeminutesd’icietensuiteàunedizainedeminutesdutribunal.Sitoutvabien,nousdevrionsarriverjusteavantquel’audiencenecommence.

Sitoutvabien.

J’ai à peine roulé un kilomètre que mon indicateur d’essence se met àclignoter surmon tableau de bord. Je jure en levant les yeux au ciel. Le sorts’acharne. En grommelant, je m’arrête à la première pompe que je trouve.J’attendsaumoinscinqminutesderrièreunpetitvieuxplusquelentetdoismeretenirdeuxfoisd’ouvrirmaportièrepourluisommerdesedépêcher.Jeseraivieille un jourmoi aussi, après tout. Ce n’est pas de sa faute si ses neuronescommencentàdécrépir.

Quandc’estenfinàmon tour, jedécidedene fairequ’undemi-plein.Mesdoigts sont vite couverts de graisse ce qui me fait douloureusement penser àEdenetmerappelleàquelpointjesuisàlabourre.

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Bon,unquartdepleinsuffira.

Je récupère mon portefeuille dans la voiture avant de courir jusqu’à lastation-service. Par chance, personne ne fait la queue à la caisse et je paierapidementavantderetourneràl’extérieur.Cen’estqu’àcetinstantprécisquejemerendscomptede l’ampleurduproblème.Lavoituredepolicede l’agentJoen’estpaslà.Jetournelatêteàgaucheetàdroitesurleparkingpratiquementdésert. J’étais pourtant certaine de l’avoir aperçue dans mon rétroviseur justeavantdebifurquersurlanationalemenantjusqu’ici.Serait-ilgarédel’autrecôtédubâtiment ?

Jenesaispastrèsbiencequimepousseàfaire le tour.Jeferaismieuxderécupérermon téléphoneetd’appelerHodgeouParrish.Leur collèguenem’apeut-êtrepasvuem’arrêter iciet ilspourront lecontacterpour luidiredem’yretrouver. En attendant qu’il arrive, je devrais attendre dans ma voiture, lesportesverrouillées,justeaucasoù.

Justeaucasoù.

Personne n’est garé derrière la station. Je pivote surmes pieds, décidée àopterpourlasolutionlaplussageetàallercherchermonportable.Lasilhouettequejevoissoudainadosséeaumurdubâtimentàquelquespasdemoimefaitd’abordsimplementsursauter.Jenemerappellepasqu’ilyavaitquelqu’unici.Puis elle sort de l’ombre et j’ai l’impression de voir prendre vie l’un demespirescauchemars.

Etjelasensd’aborddansmesveinesavantqu’ellenevibredansmesos.Laterreur.

—Tuesprêteàjouerunpeu,Katelyn ?

Moninstinctmefaittournerlestalons.Jememetsàcourir,lapeurauventre,nesachantpas tropcequej’espèreenfuyantde lasorte.J’atteins l’anglepour

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merendrecomptequ’onnepeutpasrejoindreleparkingdececôté.Lapaniquese fait unmalin plaisir àme paralyser. Je n’aimême pas assez d’air dans lespoumonspourhurler.

Alorsquejetentedeprendreunegrandeinspirationpourappeleràl’aide,lagifledeJordanm’envoievalserversl’arrière.Jetrébuchepuism’écroulecontrelemurderrièremoi,matêtesecognantviolemmentcontrelesbriques.Mavuesebrouilleàcausedeladouleuretungoûtdesangserépanddansmabouche.Jecroisquejemesuismordulalèvreentombant.

—Nerendspasleschosessicompliquées,chérie.

J’ailanauséerienqu’ausondesavoix.Jecrachesurlesolentâchantdemerelever.Ilesthorsdequestionquejem’avouedéjàvaincue.Ilfautquejecrie.Ilfautquequelqu’unm’entende.Ilfautque…

Lapaumedemon agresseur se presse durement contremabouche etmoncrânetapedenouveaudouloureusementcontrelemur.Sesgrandsyeuxsombresetmauvaisseposentsurmonvisageetmefontl’effetd’unélectrochoc.J’ylisdeschoseshorribles.Maconsciencememurmureque tout celava trèsmal seterminer.

Jememetsàhurlerdanssamainetàmedébattredetoutesmesforcesdansl’espoird’échapperàsaprise.Ledésespoirm’envahitquandjeconstatequemesminceseffortsnefontquel’amuserdavantage.Çaluiplaîtdemevoirtenterdeluirésister.Çaluiplaîtdevoirqu’ilmeterrifie.

Ilestcomplètementfou.

—Ducalme,Katelyn.Tusaisbienqu’onnesebatpasàarmeségales,toietmoi.

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Jenesuismêmepasétonnéedelevoirsortirunearmedelaceinturedesonpantalon.Cellequ’ilautilisée lorsdesbraquages luiaétéconfisquée lorsqu’ils’est fait arrêter il y a deux mois mais, connaissant la réputation de Jordan,c’étaitàparierqu’ilnes’agissaitpasdelaseulequ’ilpossédait.

Lamorsureducanonsurmapeaudéclenchelemêmedétestablefrissonenmoi. Je me sens faible, apeurée et impuissante. La noirceur de l’angoisserecommenceàtissersatoiledansmoncœuret lanouvellemoisecraquelleenfaisant resurgir les démons de celle que j’étais avant.Celle qui était fragile etinstable.LaKatecontinuellementauborddugouffre.

Jenepeuxpaslelaissergagneraussifacilement.

— Tu ne vas pas t’en sortir comme ça, Jordan. Je suis surveillée par lapolice.Situcroisquetuvaspouvoiréchapperà…

—Oh, tu parles de ton pote Joe, celui qui te suivait partout en bagnole ?C’estmarrant,jenelevoisnullepart,mecoupe-t-il,narquois.

Mon estomac se contracte si durement que j’ai l’impression de le sentirremonterdansmagorge.

—Qu’est-ceque…Commenttu…

— Y a pas que ton connard de mec qui sait bidouiller des moteurs, mecoupe-t-ilfroidement.

Ohnon.Eden.Leprocès.Montémoignage.

Non.Non.Non.

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—C’estlegrandjouraujourd’hui,heinbeauté ?

Samainseresserresurmagorge.Leslarmesmemontentauxyeux.

—Combien va prendre ton précieuxEden à ton avis ?Deux ans ?Trois ?Peut-êtreplussitunetepointespasauprocès,pasvrai ?Ets’ilprenaitdixans ?Tucroisqu’ilvabienlevivre,Katelyn ?Tunecroispasqu’ilvadevenirdingueenprison ?

Jefermelesyeuxalorsqu’ilapprochesonvisagedumien.Jecroisquelespremières larmes roulent sur mes joues au moment où je sens ses lèvresmurmurercontremonoreille.

—Tunecroispasqu’ilvadevenirdingueenapprenantcequej’aiprévudetefaire ?

Si j’avais pris la peine demanger quelque chose cematin, je le vomiraiscertainement.

Jordanm’agrippefermementparlebicepsetmetireviolemmentenavant.Ilsemetàmarcherenmecollantcontreson flanc, sonarmepresséecontremescôtes.J’aidumalàavancersanstitubertellementj’ailatêtequitourne.

—Jetedéconseilled’essayerd’appeleràl’aide,Katelyn.Toutpeuts’arrêteraujourd’huisitudécidesd’êtresage.Danslecascontraire,jemeferailemalinplaisird’allerm’enprendreàBenjaminetàtesjoliescopinesdèsquej’enauraisfiniavectoi.

Ilmepoussecontremaportièreetmeforceàm’installerderrièrelevolant.Jen’aimêmepasletempsdepenseràverrouillerlavoiturequ’ilenadéjàfaitletour et qu’il s’est installé sur le siège passager. Il pose le bout de son flinguecontre ma hanche tandis que sa main droite s’attarde sur ma cuisse. Si par

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miracle,jeparviensàreprendreledessus,jeletuerai.Jejurequejeletuerai.

—Démarreetroule,m’ordonne-t-ildesavoixglaciale.

—Jordan,tu…tun’aspasbesoindefaireça…

Ilricaneavantdetournerlacléàmaplacepourlancerlemoteur.

—Maisjen’aiencorerienfait,chérie.Roule.Directionletribunal.

Mesmainstremblenttellementquejelesvoispratiquementendouble.

—Non…Non !

Jordansepenchedansmadirectionenrepositionnantsonarmecontremoncou.

—Tuasl’impressiondepouvoirdiscuter ?medemande-t-il,mesquin.

Réfléchis,Kate.Réfléchisettrouveunesolution,putain !

—Qu’est-cequetucomptesfaire ?Pourquoiest-cequetuveuxallerau…

—Situveuxdesréponses,roule.

Jeserrelesdentsenessayantdemereprendre.Ilfautquejeresteconcentrée.Jenedoispas céder à lapanique.Pas encore.Pasmaintenant. Jedois le faireparler. Pour l’instant c’est la seule chose qui va me permettre de gagner dutemps.

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Fébrile, je passe la première et me réinsère dans la circulation. Jordann’attendpas longtempsavantdese remettreàme tourmenter.C’estcommeçaqu’ilprendsonpied.

— Ce n’était pourtant pas compliqué, Katelyn. Tu vois, je t’avaissimplement demandé de garder un tout petit secret. J’ai été plus que gentil etpatientavectoi.Ilauraitsuffiquetum’écoutes,tucomprends ?

Ilestcinglé.Ilestcinglé.Ilestcinglé.

—Maisilafalluquetumeprivesd’unedemesoccupationspréféréesetquetuessaiesdemecollerentaule.Cen’étaitvraimentpasfair-playdetapart.

Jel’écouteàpeine.Moncerveaucarbureàtouteallure.Pourquoiest-cequ’ilveutque je roule jusqu’au tribunal ?S’il y abienune chosedont je suis sûre,c’estqu’iln’aabsolumentaucuneenviedeseretrouverenprison.Or,l’endroitdoitgrouillerdepolicierscequisignifiequ’ilnecomptepasnousyfaireentrer.Maisqu’a-t-ilentêtealors ?

— Le pire dans tout ça, c’est que c’est en partie de ma faute. J’aipratiquement poussé Eden dans tes bras le jour où j’ai décidé de braquer tonfoutumagasin contre son gré. Et toi, tu t’es empressée de le retourner contremoi.J’auraisdûledevinertoutdesuite.J’auraismêmepeut-êtredûessayerdetebaiseravantlui,çaluiauraitfaitpasserl’enviedetetoucher.

—T’esqu’unputaindemalade !craché-je.

—Non,tucrois ?

Mes doigts se serrent sur mon volant. J’essaie de contenir ma haine. Jem’apprêteàl’insulterdetouslesnomslorsquemonportablesemetàvibrersur

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le tableau de bord. Je flanche aussitôt. C’est Mégane. Je vois d’ici la tonned’appels manqués qui s’accumule sur mon écran. Je ne peux pas laisser lapossibilitéàJordandecomprendrequej’étaiscenséeallerlachercher.

Noustendonslebrasenmêmetemps.Dansmaprécipitation,jedéviedematrajectoireetmefaisklaxonnerparlavoiturevenantd’enface.JerectifieletirdejustessemaisçalaisseletempsàJordanderajustersaprisesursonarmeetdes’accaparermontéléphoneavantquej’aiepul’atteindre.

—Mégane se demande où tu es. Ça fait un quart d’heure que tu devaispasserlaprendrechezsonamie.Jecroisqu’onvafaireunpetitdétour.Ceseraitvraimentdommagedenepasl’emmeneravecnous,tunepensespas ?

Sonsouriredémoniaquem’arracheunsanglotincontrôlable.

—Laisse-la…endehorsdeça,lesupplié-je.

—Valachercher.

Il décale le canon de son fusil sur ma tempe cette fois. Je crois quemespoumonsnesaventpluscomment fonctionner.Maconsciencedéserteet jemeretrouve seule avecunpsychopathe et un cerveaunonoxygénépour tenter detrouverunesolutionàcecauchemar.

—Jordan,nefaispasça…Tun’espasobligéde…

—J’ailongtempshésité,tusais ?Çafaitquelquessemainesmaintenantquejeréfléchisaumeilleurmoyendemevenger.Àcaused’Eden,jevaispasserlerestedemavieencavale, çavalaitbienunevengeancedignedecenom. J’aihésitéàm’enprendredirectementàlui.Avecquelquescontactsenprison,riendeplusfacile.Maisçaauraitététropsimple,tuvois ?C’estmêmecertainementcequ’il aurait vouluque je fasse. Il a toujours aimé se sacrifierpour les êtres

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auxquelsiltient.

Plusilmeparled’Edenetplusjemesenssombrer.

Nossouvenirss’accrochentpartoutsurmesrétines.

Toutes nos premières fois. La chaleur de ses mains. L’impatience sur seslèvres.Ladouceurdanssesyeux.Labeautédanssoncœur.L’éternitédanssonâme.Jelevoisrire,jelevoishurler,jelevoispleurer,jelevoism’aimer.Etj’ail’impressionquec’est ladernière fois.Ladernière foisque jeme souviensdenospremièresfois.

JenepeuxpaslaisserJordans’enprendreàMégane.

JenepeuxpaslelaisserfairesouffrirEden.

—Cequim’aramenéinévitablementàtoi.Tum’astrahietoiaussi,Katelyn.J’avaisdumalàsavoir lequeldevousdeuxj’avaisenviedefairesouffrirplusque l’autre. Puis j’ai compris que c’est à lui que je voulais faire payer votretrahison.Etriendemieuxquede lefaireenmedébarrassantde toi.Commentpenses-tuqu’ilvaréagirendécouvrantensortantdesonprocèsquejet’aicolléune jolie balle dans le crâne ?Etmaintenant queMégane s’ajoute au tableau,c’estcarrémentlacerisesurlegâteau.

Ilévoquel’idéedem’assassinercommes’ilénuméraitdesproduitsàajoutersurunelistedecourse.Sijen’étaispasauborddel’évanouissement,j’imaginequej’auraisputrouverçadrôle.

—Ilsfinirontpart’arrêter,espècedetaré.Etquandceserafait,tuprendrasplusquedixans.

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Il rit en secouant son arme entre nous. Un bref coup d’œil jeté dans sadirectionm’indique que Jordan est adossé négligemment contre la portière etqu’iln’amêmepasprisletempsdemettresaceinture.

Jepourraislefaire.Çapourraitmarcher.

Jefermelesyeuxunefractiondeseconde.UnefractiondesecondependantlaquellejevoisencoreEdenetnossouvenirs.Unefractiondesecondeàespérerqu’ilyenaurad’autres,desmilliersd’autres.

Pardon,Eden.Pardonne-moi.

Je rouvre les paupières, brisée mais déterminée, et je bifurque vers lanationaleenaccélérantprogressivement.

—Jenesuispassi facileàcoincer,chérie.Vousauriezdûypenserquandvousvousêtesmisentêtedemedénoncer.Jedoisadmettrequevousm’avezunpeusous-estimé.

Ilnesemblepasremarquerquenousaccélérons.Ilnevoitpaslesarbresquidéfilentàtoutevitesseparlafenêtre.

Jepeuxlefaire,merépété-je.Çapeutmarcher.

—Tusaisquid’autreaétésous-estimé ?lancé-je,lamâchoireserrée.

Moncœurs’emballe.Mespaumesdeviennentmoites.Peuimportecequivasepassermaintenant, je nepeuxpas reculer. Jene le laisserai plusblesser lesgensquej’aime.

Uncoupd’œilàJordanm’indiquequ’ilestsurpris.Parfait.

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—Moi,conclus-je,tranchante.

Ma voiture est lancée à plus de cent vingt kilomètres-heure et je braquebrusquement.

J’entendslespneuscrisser,monagresseurjureretladétonationd’unearmeàfeu.Lagravité cessede faire effet, j’ai l’impressiondevoler, et la carrosseriecraquebruyammentalorsquelavoituretourne,tourne,tournecontrelebitume.Maceinturedesécuritémelacèrelapoitrineetmecoupelagorgetandisquematêtecogneencore,encoreetencorecontrelavitre.

L’impact avec le tronc est imminent. Le choc est effroyable. Le bruit medéchirelestympans.

Unarbreetuncraquement.

Cesontlesdernièreschosesquejevoisetquej’entends.

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Jen’avaisjamaisremarquéquelenoirn’étaitpastoujourstoutàfaitnoir.

Jen’avaisjamaisremarquéàquelpointilpouvaitêtrenuancé.

Ilyalenoirprofondcommeceluiducield’unenuitsansétoiles.

Ilyalenoirtamisé,celuiqu’onvoitderrièrenospaupièresquandondécidedefaireunesiesteausoleil.

Ilyalenoirparsemédetachescommelorsqu’onsautetroprapidementdulitlematinetqu’ondoitfermerlesyeuxpourreprendrenotreéquilibre.

Etilyalenoird’encre.

Celui-làestplusimpénétrable,plusabsolu.Ilestlisse,implacableetaucunesource de lumière ne vient jamais en faire vibrer la surface.Mais ce qu’il estsurtout,c’estétouffant.Lenoird’encres’insinuedansvospoumonscommeunemarée noire. Même quand vous vous pensez conscient, il vous empêched’émerger.Ilvouscoule.Ilvousnoie.Ilnevouslaissepasvouséchapper.

Etmoi,jenevoisquecenoird’encre.Partout.

Respire,Katelyn.Respire.

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Ladouleurm’inquiètemoinsquecetteobscurité.Elleestbrûlantedansmonthorax, mordante dans mes côtes, insupportable dans mon crâne. Ellem’empêche de respirer et de bouger, pourtant je m’y accroche comme à unebouéedesauvetage,parcequejen’auraispassimalsij’étaismorte.Alors,oui,ladouleurestrassurante:jeneveuxpasmourir.

Respire,Katelyn.Respire.Respire.

Je n’y arrive pas. J’ai l’impression qu’on me maintient la tête sous l’eaudepuis des heures et que ma poitrine est remplie de glace. J’ai froid. Je suiseffrayée.

Respire,Katelyn.

Respire.

Jemesupplie.Onmesupplie.Jeveuxvivre.

Jeveuxvivre.

L’air revient brutalement dans mes poumons. Je cligne des paupières. Lalumièremebrûlelesrétines.

—Ellerevient !Onlatransfèremaintenant !

Le cri dans mes oreilles ravive la déchirure dans ma tête. Je sombre denouveau mais le noir n’est plus aussi noir derrière mes yeux clos. Il me faitmoinspeur.

Jevaisvivre.

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Jevis.

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Lorsquej’ouvrelesyeux,ilmefautunmomentpourrassemblermesespritset pour me situer. Je suis dans une chambre d’hôpital. Mes paupièrespapillonnent dans la semi-obscurité de la pièce.Les draps sont froids surmesjambesnuesetjesensmesmusclesengourdisseréveillerdoucement.Jetournelementon imperceptiblement,attiréepar lachaleurquisedégageprèsdemonflancgauche.

Mapoitrinesedéchirequandj’inspiretropbrutalement.

Ilestlà,endormidansunsiègetiréàcôtédulit.

Eden.

Je sens sesdoigtsnouésauxmiens sur lematelaset sa joueestposéenonloindemahanche.Moninstinctmepousseàtendrelebraspourletoucher,maisj’hésitepourtantàremuer.Ilal’airtellementpaisible,cequineserasansdoutepluslecassijeleréveille.Etpuislescernessontsombressoussesyeux,jenedevrais pas le priver de sommeil alors qu’il semble en manquer cruellement.Saufquelesquestionsmebrûlent lagorgeetquel’étatdanslequel jeretrouvemoncorpsravivel’angoissedansmoncœur.J’essaieenvaindemecalmeralorsquelessouvenirsaffluent.

Leprocès.Jordan.L’accident.

Ques’est-ilpassé ?

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Des bips se mettent à résonner plus rapidement sur le moniteur installécontre le mur. Réfléchir me donne la migraine. Je me crispe en essayantd’apaiser lesbattementsfrénétiquesdemoncœurparcequeplus ilbat,plus ladouleur se fait intense dansmes côtes. Je suffoque et c’est cemoment-là quechoisitEdenpourseréveiller.

—Kate ?

Il frotte son visage endormi, perdu un instant. Quand ses yeux griss’enfoncent dans les miens et qu’il comprend que je suis réveillée, lesoulagementengloutitimmédiatementsestraitstirés.Unmillierdequestionssebattentdansma tête,mais je suis incapabled’ouvrir labouche.Pourquoi ai-jetantdemalàrespirer ?

—Bonsang,bébé.Calme-toi.Toutvabien,calme-toi…

Sesmains chaudes glissent contremes joues alors qu’il se penche jusqu’àcaler son front dans mon cou. Son ton impuissant et sa détresse ne fontqu’aggraver ma souffrance et mes blessures se font soudain beaucoup plusprofondescontre les siennes. Jecherche son t-shirtdemesdoigtset ce simplemouvementmebrûledeshanchesàl’épaule.

—Respireavecmoi…Resteavecmoi…

Jegémisenserrantlepoingcontresondos.Jel’aiblessé.Encore.Edenesten miettes entre mes bras alors que je m’étais juré que cela n’arriverait plusjamais,alorsquejem’étaispromisdeneplusjamaislefairesouffrir.Dansquelétatm’a-t-onretrouvée ?Depuiscombiendetempssuis-jeici ?Depuiscombiendetempsattend-ilprèsdemoidansl’espoirdemevoirmeréveiller ?

—Eden…soufflé-jelorsquejeparviensàralentirunpeulacourseinfernaledemoncœur.

Page 248: Auteure : Julie Bradferekladata.com/JrqVTW_SvQt66_QEe2CQv28Fe2o/FM2.pdfgrisâtre lui aussi comme s’il était sur le point de tourner de l’œil. La mine décontenancée qu’il

Ses iris dévastés retrouvent aussitôt les miens qu’ils inspectent enprofondeur.MaisEdenn’yrestepasassezlongtemps.Trèsvite,ilmerelâcheets’écarteenseredressant.

—Jevaischercherunmédecin.

Monpoulss’emballedenouveau.

—Non !Ne…parspas.

Jegrimaceencherchantinutilementàleretenirparlebras:ilestclairquejen’en ai pas la force. Il se radoucit aussitôt et le sentiment qu’il m’échappes’apaiseunpeuquandilsepenchepourembrassermonfront.

— Je reviens, je te le jure. Laisse-moi juste appeler quelqu’un pourm’assurerquetuvasbien,d’accord ?

J’ai toujours l’affreuse sensation que quelque chose ne va pas quand ildisparaîtdansl’embrasuredelaporte.

Cette sensation se renforce quand il revient avec une infirmière quelquesminutesplus tard et qu’il la laisse s’approcher sans chercher à revenirprèsdemoi.Lajeunefemmes’occupedevérifiermesconstantesetdem’expliquerdanslesgrandeslignesl’étenduedemesblessures.Jel’écouted’uneoreilledistraitetandisquej’observeEdenserenfermersurlui-même,adosséaumurfaceàmonlit. Le pincement dansmon crâne est dû à une commotion cérébrale doubléed’unœdème.Regarde-moi,Eden.Labrûluredansmonflanc,àplusieurscôtescassées. Regarde-moi. J’ai une cheville foulée, une luxation de l’épaule etquelqueségratignures.Çaauraitpuêtrepire,bienpire.Regarde-moi !

L’infirmière m’avertit que le médecin viendra me voir dès la fin de ses

Page 249: Auteure : Julie Bradferekladata.com/JrqVTW_SvQt66_QEe2CQv28Fe2o/FM2.pdfgrisâtre lui aussi comme s’il était sur le point de tourner de l’œil. La mine décontenancée qu’il

consultationspour ajuster ledosagedemaperfusion et pour s’assurerdemonétat.Jem’apprêteàposerlaseulequestionquim’intéressemaisellemedonnelaréponseavantquejenem’endonnelapeine.

Troisjours.Celafaisaitpratiquementtroisjoursquej’étaisinconsciente.

Edennebronchepasmaisjelevoisexpirerlourdement.Quandl’infirmièrenouslaisseenfinseuls,messeulesinquiétudesleconcernent.Commentbrisercegouffre que je sens nous séparer en cette seconde ? J’ai tellementmal dans lapoitrinequej’aidesdifficultésàparler.

—Oùest…Mégane ?luidemandé-je,inquiétéeparsonairdistant.

Il se détache dumur lesmains dans les poches et vient se rasseoir àmescôtés.Malgrémonmaldetêtenaissant,jem’efforcedenepasperdreuneseulemiette de son expression. Si je veux pouvoir la déchiffrer, j’ai intérêt à bienl’analyser.

—Ellevabien.Tonfrèreaussi,dit-ilsimplementleregardperdusurlesfilsattachésaucreuxdemoncoude.

Je tends faiblement lamaindans sadirection cequi semble le ramenerunpeuàlui.Ils’empressedel’entourerdesesdoigtsramenantmapaumecontresabouche.Sabarbedequelquesjoursmechatouillelapeauautantquesonsoupiretjeressensunepeineimmenselorsqu’unéclatdedouleurpassedanssesyeux.

—C’estcequ’ilafait ?Jordanest-cequ’il…illesamenacés ?Je…Jet’enprie,dis-moicequis’estpassé…

Je ferme lesyeux.Si jen’avaispasaffreusementmaldanschaqueparcelleducorpsàchaquemouvement,jeletireraisimmédiatementcontremoi.

Page 250: Auteure : Julie Bradferekladata.com/JrqVTW_SvQt66_QEe2CQv28Fe2o/FM2.pdfgrisâtre lui aussi comme s’il était sur le point de tourner de l’œil. La mine décontenancée qu’il

—Il…ilvoulaits’enprendreàMéganeetàmoi.Ilvoulaittepunir.Je…j’aifaitcequej’aipupouréviterça…

C’estàson tourdefermer lesyeux.Sondésarroim’envientpresqueàmefaireregretterd’avoirprisladécisiondeprovoquercetaccident.Maisqu’aurais-je pu faire d’autre pour empêcher Jordan d’arriver à ses fins ? Quelle autresolutionaurais-jeputrouverpourprotégerMégane ?Mêmeenyréfléchissantàtêtereposée,jenepensepasquej’auraisétécapabled’agirdifféremment.

—Est-cequ’il…Est-cequ’ilest…

Je ne parviens pas à finir ma phrase — incapable de savoir si je tiensvraimentàconnaîtrelesortdemonagresseur—maisEdennesemblepasavoirdemal à comprendre où je veux en venir. Samâchoire se contracte sousmesphalangesetsoncorpssecrispedurement.Sonregardemplidehainemecoupelesouffle.

—Non.Iln’estpasmort, justesalementamoché.Maisilvapasseruntrèslongmomentenprisonunefoissortidel’hôpital.Lejugeluiacolléquinzeansfermes.

Jecomprendsfacilementàsontonlugubrequ’ilauraitprobablementpréféréqueJordan lesoit,mort.Pourtantcen’estpas l’animositéévidented’Edenquifaitquejemefigebrusquement.L’évocationdelaprisonetdelapeinedonnéeàmonagresseurmeramèneimmédiatementàtoutcequej’aimanquéenl’espacedetroisjoursetprincipalementauprocèsetaujugementdesgarçons.

Mon absence de témoignage a-t-elle eu un impact sur le verdict ?L’arrestation de Jordan et le fait qu’il ait failli me tuer ont sans doute rendul’importancedemoninterventiontotalementdérisoire,maisjemesenspaniquer.Qu’a-t-ilétédécidépour lesautresgarçons ?Edenest là,avecmoi,danscettechambre. Ilportedesvêtementsdevilleet jen’aiaperçuaucunpoliciersur leseuildelaporte.Est-cequeçavoudraitdireque…

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—Si…Situeslà,çaveutdireque…murmuré-je,unevagued’espoirprêteàm’engloutir.

Son expression désolée la réduit aussitôt à néant. Mes côtes brisées seréveillent,medonnantenviedelesarracheruneàunejustepourneplussouffrirautant.Eden se penche légèrement en avant et soulève la jambedroite de sonpantalon.J’ydistinguetoujourssonbraceletélectronique.

—Ilsm’ont justeaccordéquelques jourspour resterauprèsde toi.Garrettestplutôtdouépourobtenircequ’ilveut.

Jecomprendsqu’iltentededétendrel’atmosphèremaisjeneparviensmêmepasàsourireunpeu.J’ailecœurauborddeslèvresetmesdoigtssecrispentsurlessiensalorsquej’attendsqu’ilrépondeàmaquestionmuette.

Toutmonmondesefige.Commesicetinfimefragmentdetemps,commesiquelquesmotsd’Edenallaientdéfinirlerestedemavie,monfutur.

—Sixmois.J’aiprissixmois.

Jeplaqueunemain surmapoitrinepour atténuer ladouleurqueprovoquel’airentrantd’uncoupdansmespoumons.Sixmois ?J’aiàlafoisenviederireetdepleurerdebonheur.Jepeuxsurvivreàsixmois.Ohbonsang,jepeuxfaireplusquesurvivreà sixmois,cesontdescentainesd’autresquinousattendentaprèsça !

—Eden…commencé-je,unsourireauxlèvres.

Saufquejeleperdsaussitôt.Parcequeluinesouritpas.Denouveau,ilnemeregardepas,sesyeuxfixéssurmamainqu’iltienttoujoursentrelessiennes.

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—Arno,ThibetWillontprischacununanetplusieursheuresde travauxd’intérêtgénéralpuisqu’ilsnesontpascapablesderembourserdirectement lespersonnes que nous avons braquées,m’explique-t-il. J’ai la chance de n’avoirjamais touché à l’argent que nous avons volé— tout était sur le compte deMégane—j’imaginequec’estpourçaquelejugeaétéplusclémentavecmoi.

—Ilss’ensortentbien,Eden.Dansunan,toutçaseraderrièreeux.Danssixmois seulement pour toi… On pourra tous aller de l’avant après ça. Tousensemble.

J’essaie d’employer les mots justes dans l’espoir de l’aider à gagner lecombat qu’il semble se livrer contre lui-mêmemais j’ai l’impression quemesparoles résonnent vainementdans le silencedemachambre.Cela se confirmequandEdenabandonnemamaindenouveauet se relèvepour s’éloigner. Il seposte face à la fenêtre,mecachant enpartie sonvisage. Il enfonce sespoingsserrésdanslespochesdesonpantalonetjevoissamâchoiresecontracter.

Jeme taismalgré la tristesse que son comportement déclenche enmoi. Jesuispersuadéequemonmutismel’encourageraàmedirecequ’ilasurlecœur.Jenemetrompepas.

—C’estlatroisièmefoisquetuteretrouvesiciàcausedemoi.

—Çan’ajamaisétéàcausedetoi,Eden.

Je sais d’avance qu’il neme croira pas bien que je pense chacun demesmots.

— Jordan est entré dans ta vie à cause de moi. Mes conneries et mesproblèmest’ontmiseendangerunnombreincalculabledefoisetjen’aijamaisputeprotégerdetoutça.

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Il y a tellement d’amertume dans sa voix.Quand cessera-t-il donc de s’envouloirpourdesdécisionsquej’aiétéseuleàprendre ?

— J’aurais dû gardermes distances avec toi. Depuis le début. Ça t’auraitévitédeteretrouverauxurgencestroisfoisenl’espacedeseptmois.

Je roule des yeux, profitant du fait qu’il ne peut pas me voir. Je peuxcomprendrequ’ils’enveuilleetcestroisjoursàrumineràcôtéd’unemoiinertene l’ont certainement pas aidé à se sentir moins coupable, mais j’aimeraistellement qu’il arrête de se torturer constamment. Ça me donne toujours soitenviede leprendredansmesbrassoitde le tapersuffisammentfortsur la têtepourluiremettrelesidéesenplace.

—Eden,arrêtedediren’importe…

—Je…jeneveuxpasquetuviennesmevoirenprison.Jeneveuxpasquetum’attendespendantsixmois.Je…Nem’attendspas.

Je fronce les sourcils,mamâchoire se décrochant presque tandis que je leregarde,éberluée. Ilme tourne toujoursàmoitié ledosmais je remarquesansdifficultélatensionsursestraitsetdanssaposture.Sonregardsombreetmoroseestposésurleparcdel’hôpitalqu’ildoitcertainementdistinguerentrelesstorestirés.Mesyeuxmepiquentbrusquementetjemeretiensdel’insulterdetouslesnoms.Sonentêtementvavraimentfinirparmerendredingue.

— Je peux savoir ce que ça veut dire ? Tu… Est-ce que tu es en traind’essayerderompreavecmoi ?

Prononcercettequestionmebrûle lagorgemaispasautantquemacolère.Pense-t-ilvraimentpouvoirsedébarrasserdemoiaussifacilement ?

Edensetendencoreplusàmesparoles.Ilnesemblepasravidelesentendre

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lui non plus mais il ne fait rien pour me contredire. J’ai vraiment envie del’étripermaintenant.

—Je…jeveuxjustequetuvivestavie.Loindetoutcebordel,loindetoutça,loinde…

—Loindetoi ?lecoupé-jesèchement,agacée.

Cette idée m’est inconcevable et il le sait parfaitement. Cette fois, c’estdécidé,jevaisvraimentluibotterlesfesses.S’ilcroitquejevaislelaissermequitter simplement parce qu’il a eu effroyablement peur de me perdre cesdernièressoixante-douzeheures,ilsefourreledoigtdansl’œiljusqu’aucoude.

Je vais vivre ma vie, ça oui. Mais il sera partout avec moi et ce n’estvraimentpasnégociable.

—Espèced’abruti,marmonné-jetoutenrepoussantmescouvertures.

Ladouleursefaittellementmordantedansmoncorpsquandjemeredresseque des étoiles semettent à danser devantmes yeux. Je serre les dents, biendécidéeàmelevermalgrémesblessures.LesbipsaccélèrentdenouveausurlemoniteuretEdenseretourne,inquiet.Sonairperduetaccablémedonneencoreplusenviedelerejoindreetjepoussesurmesjambespoursortirdulit.

—Aïe !

J’avais oublié cette foutue cheville foulée. Elle ne me fait clairement pasautant souffrir quemes côtes qui semblent me lacérer les poumonsmais ellem’empêche quandmême demarcher. Je vaisme vautrer aumoindre pas, trèsfutéTundal.

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—Putaindemerde,Katelyn !Jepeuxsavoircequetufous ?!

Edenmerejointavantmêmequejem’interrogesurlafaçonderesterdeboutsansmecasser l’autrepied.Sesmainsbrûlantesglissent surmeshanchespuisdansmondosavecprécaution.Iln’osepasmeserrertropfortcontreluietcelaréveillelafrustrationdansmesveines.Jem’accrocheàsescoudespournepastombertandisqu’ilmefoudroiedesesyeuxclairs.Ilestfurieux.Parfait,onestdeux.

—Ettoi,qu’est-cequetufousaujuste,Williams ?rétorqué-jesurlemêmetonrageur.

Ilserenfrogne,mécontent.

—Jefaiscequejepeuxpouréviterdeteperdreuneénièmefois !

—Enmequittant ?Tutemoquesdemoiouquoi ?

—Tuasfaillimourir,bordel !Je…

—Saufquejenesuispasmorte,Eden !Jecomprendsquetuaspassétroisjours horribles et je suis sincèrement désolée que tu aies eu à revivre ça denouveau mais je t’interdis de me quitter, tu m’entends ? Il n’y a absolumentaucunechanceque je te laisseprendrecettedécisionalorsque toutcommencefinalementàrentrerdansl’ordre !Nemeforcepasàtehurlerdessus !

C’estàsontourdeleverlesyeuxauciel,exaspéré.

—Jet’interdisdemequitter,Eden,répété-je,déterminée.Siturompsavecmoi,jetejurededeveniruneexcomplètementtaréequiteferavivreunenfer.

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Çapourraitêtredrôlesijen’étaispasonnepeutplussérieuse.

—Putain,c’estbon,OK !Maismerde, rallonge-toidansce foutu lit, tuesblanchecommeunlinge !

— Seulement si tu te couches près de moi et que tu arrêtes de dire desconneries !Tuveuxquejevivemavie,Eden ?Vis-laavecmoi,merde !

Il pousse un soupir en courbant les épaules et dépose son front contrematempe.Noscœursfontlacourseetjeresserreunbrasautourdesondos.Ildoitvraimentarrêterdemediredeschosescommeça.

—J’aitellementpeurdenepasêtrel’hommequ’iltefaut,Kate…

J’embrassetendrementsapommette,bouleversée.

— J’aimerais que tu puisses te voir comme moi je te vois, Eden. Tu astoujoursétésieffrayéparl’idéedemebriserquetun’asjamaiscomprisquetuavaistoujoursfaitparfaitementlecontraire.Tum’assauvée.Tum’assauvéedetellementdemanièresquejenepourraijamaisteremercierassez.Arrêtedet’envouloiretvis tavieavecmoi. Ilnemefaudra jamaispersonned’autreque toipourêtrecomblée.

Ilsetait,émuluiaussi,etensilence,ilmeramèneverslelitetmeforceàmerallonger.Ilrésisteunpeuquandjeluidemandedesecoucherprèsdemoimaisfinitparsemoulercontremoncorpsquandilcomprendquejenelâcheraipas l’affaire. Il se plaint demon entêtement juste avant que je ne lui fasse lemêmecompliment.Nousnousesclaffonsdoucementensemblemaisçamefaitgrimaceralorsilm’embrassepourmefaireoublierunpeuladouleur.Saufquesonbaisermefaitoublierbienplus,commetoujours.

—Bébé ?

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Ils’écarteunpeudemeslèvresalorsquelemoniteurdevientfou.

—Qu’est-cequ’ilya ?luidemandé-je,aveugléeparl’éclatsauvagedanssesyeuxgris.

—Attends-moi.Jenepourraijamaisvivresanstoi,alorsattends-moi.

Jesouristendrementenposantunemainsursapoitrine.

— J’étais prête à t’attendre dix ans mon amour, alors six mois c’estclairementdelatarteàcôté.

Ilmerendmonsourire.Unvrai,cettefois.Undeceuxquirepeignent toutmonmondeencouleur.Undeceuxquisontemplisdepromesses.

Undeceuxquimurmurent:« D’accord,bébé.Jeveuxvivrepleinementavectoi,moiaussi. »

Edenetsessilences.

Moncœurquibat.

Sonsoufflesurmeslèvres.

Nosdeuxâmesbriséesenfinguériesetlibres.

Ensemble.

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Épilogue

—Alors,Williams ?Heureux ?

Je balance mes fringues de détenu dans le bac en plastique que me tendl’officierchargédemasortie.Ceconnardn’amêmepasidée.

—Grouillez-vousdemefilermesaffaires,onm’attend.

Enfin,jecroisqu’onm’attend.Ellem’attend,pasvrai ?Elleapromisqu’ellem’attendrait.

Bordel,jeveuxtellementlavoirquemoncœurmefaitmal.

— On vient te chercher ? m’interroge l’homme en cherchant mes effetspersonnelssurl’unedesétagères.

Jeserrelesdentspournepasm’emporterfaceàsalenteurexagérée.Illefaitexprèsouquoi ?

—Ouais.Normalement.

Enréalité,jen’enaiaucuneidée.Garrettnem’arienditdeparticulierhier,lors de sa dernière visite. Je ne sais pas s’il a prévenuKate de l’heure demasortieounon.Etmêmes’il l’a fait, jene saispas si elle sera là. Jegrogneenserrantlespoings.Merevoilàentraindestressercommeuncon.

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—Portefeuille,portableetclés.Tun’avaisriend’autre ?

—Non.

—Signelà.

Je fais pratiquement un trou dans la feuille que l’agentme tend tellementmesdoigtstremblent.

—Bonvent,monpetitgars !J’espèrenepasterecroiser !

Jerouledesyeux.

Commesic’étaitmonintention.

Je le remercie de mauvaise grâce avant de fourrer mes affaires dans lespochesdemonjeanetdetournerlestalonsverslasortie.Ilfaitunfroidglacialdehors,monsweatesttropfinetj’ailachairdepoule.Qu’importe.Jesuisbientrop occupé à savourer ma liberté fraîchement retrouvée pour m’en souciervraiment.

Je m’éloigne de l’enceinte de la prison en longeant les hauts grillages desécurité.Lesdétenussortentpeuenhiverdonclescourssontvides.Çafaisaitunmomentquejen’avaisplusmislespiedsàl’extérieurmêmesifoulerlesoldel’autre côté des grilles n’a rien à voir avec nos quelques heures de baladeautoriséeenprison.J’aipresqueenviedecourirtellementjemesensléger,maisj’aitroppeurdemevautreralorsjem’abstiens.Mesjambestremblenttrop.J’ailatrouille.

Etsiellen’étaitpaslà ?

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Lesportesdonnantsur leparkings’ouvrentengrinçant.Jem’avanceetonmedemandeunedernièrefoisdeprésenterlepapierattestantmalibération.Jeledépliemaladroitementet letendsd’unemainfébrileausurveillant.J’entendsàpeine son approbation, mes yeux rivés sur la seule voiture parquée devant laclôture.

Jenepeuxplusrespirer.

Assisesurlecapot,emmitoufléedansunevesteépaisseetlenezplongédanssa large écharpe, Katelyn a le regard perdu au loin. Ses mèches blondesvirevoltentdoucementetjenepeuxpasmedétacherdecettevision,sidéréparlabeautéqu’elledégagesanslevouloir.

Celadoitfairequatremoisquejenel’aipasvueetpourtantsonsouveniresttoujoursparfaitementintactdansmonesprit.J’airêvétantdefoisd’elle,penséàtoutesceschosesqu’elledevaitfairesansmoipendantquejeruminais,couchésurlematelastropdurdemacellule.Jel’aidessinéedemilleetunefaçonsdansmespensées,j’aiécritunmillierdesuiteànotrehistoiredansmatête.Elleétaitconstammentavecmoi, j’aiété incapabledemelasortirducrânepeuimporteleseffortsquejefaisaispourmeteniroccupé.Etmaintenant,elleestlà,devantmoi.J’hésiteàmepincerpourm’assurerquetoutcelaestbienréel.

J’avance de quelques pas dans sa direction et mon mouvement attire sonattention.Ellese figedèsqu’ellem’aperçoit, sesgrandsyeuxazurs’enfonçantauplusprofonddesmiensàlasecondeoùellecroisemonregard.

Et je replongeaussi facilementqueça.Comme la toutepremière fois.Sonâmeensorcellelamienneetjeretombeamoureuxencoreetencore.L’amourn’apasdelimitesquandils’agitd’elle.

Jem’attendsàlavoircontrariée,toujoursaussiencolèrequelejouroùjeluiai demandé de ne plus venir me rendre visite. C’était deux mois après mon

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emprisonnement.ElleétaitdéjàvenuemevoirdeuxoutroisfoisavecMéganedepuismon incarcération et j’avais rapidement compris que je nevoulais plusqu’ellelefasse.Êtreautoriséàleurparlersansavoirledroitdelestoucherestprobablement la chose la plus difficile qu’onm’ait jamais forcé à faire. Sansparlerdufaitquejenesupportaispasl’idéequ’ellesmevoientenfermé.

Katen’apasvraimentappréciémoninterdiction.Enfait,Katen’appréciepasqu’on lui interdise quoi que ce soit, surtout quand ça me concerne. Je ne lispourtantaucuneanimosité sur ses traitsaujourd’hui.Elleestbelleàencrever,ellemecontemplecommesij’étaislahuitièmemerveilledumondeetquandellefinitparmesouriretimidement,jesensmoncœurprendrefeu.

—Salut,dit-elledoucementalorsquejecombleladistanceentrenouspourn’êtreplusqu’àquelquescentimètresd’elle.

Ellem’observeavecattention,lesmainspresséescontresescuissesalorsquejedevinequ’ellesladémangent.

Jelesaisparcequelesmiennesmedémangentaussi.

—Salut,réponds-je,incertain.

C’est vraiment débile,mais j’ai peur de faire une connerie en la touchant.J’aipeurdeneplussavoircommentm’yprendre.

Son regard s’éclaire quand elle entendma voix et ses joues rosissent. J’aienvied’embrasserchaqueparcelledesonvisagemaisçaaussi, j’aipeurdeneplussavoircommentfaire.

—Tuesvenue ?

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Maquestionestvraimentstupide.Jel’aidevantlesyeux,c’estplutôtévidentqu’elleestvenue.Sonairagacémelefaitimmédiatementsavoir.

—Pourquoi ?Tuvoulaisaussim’interdiredevenirtechercher ?

Ohbordel.Cettemoue.Ceslèvres.Cettemouesurceslèvres.

—Non.Vraimentpas.

Elles’adoucitaussitôtetsesyeuxglissentcommedel’eausurmonvisage.Lorsqu’elle y pose la main, je retiens difficilement un gémissement. Elle n’aaucuneidéedel’effetquemefaitcettesimplecaresse.Oubienpeut-êtrequesi,vusonsouriresatisfait.

Etquellebouche,putain !Commentai-jepusurvivresixmoissanselle ?

—Onrentre ?

Elle se fait timide de nouveau, comme si elle non plus ne savait pluscomments’yprendreavecmoi.Jelâcheunsoupirenplongeant lenezdanssapaume tiède. Rien que l’idée d’enfin rentrer chez moi à ses côtés suffit àm’exalter. Ilya tantdechosesquejevoudrais luidire,mais j’ai lagorgetropnouéepourparler.

—D’accord,parviens-jeseulementàformuler.

Ellesouritencore.Jecroisqu’elleveutmetuer.

—Tiens.

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Katemetendsesclésetcen’estqu’àcemoment-làquejeréalisequ’elleestvenuejusqu’iciavecmavoiture.

—Tacaisseaunproblème ?Turoulesaveclamienne ?

Ellesecouelatêtemalicieusementencontinuantàagiterletrousseaudevantmon nez. Je me mets à admirer ses doigts fins et la courbe délicate de sonpoignet.Mêmeça,çam’avaitmanqué.

—Non. Jeme suis juste dit que ça te ferait plaisir de conduire tonbolidepourrentreràlamaison.

Jenesaispaslequeldecesmotsdéclencheenmoicetourbillond’émotions,maisj’ail’impressiondem’êtreprisunedéchargeélectrique.Peut-êtreest-celefait qu’elle ait pensé à me faire plaisir. Peut-être est-ce parce que ça me faitréaliseràquelpointellemeconnaîtbien.Àmoinsquecenesoitparcequ’elleparleenfindemamaisoncommedelasienne.

Katelynme tend simplement les clés dema voiture etme voilà déjà danstousmesétats.

Calmetesnerfs,Williams.

—Tu…tun’enaspasenvie ?

Sonregardsefaitinquietenconstatantquejeneluirépondspas.Sesépauless’affaissent légèrement et elle a l’air tellement abattue de penser que sapropositionnemefaitpasplaisirquej’envoieboulerlepeudeself-controlqu’ilmerestaitencorepourlaprendredansmesbras.

J’aibesoinqu’ellecomprennequej’aienvied’absolumenttoutcequ’elleme

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proposeraàl’avenir.

—Eden,qu’est-ce…

J’écrasemeslèvrescontrelessiennesenlaplaquantcontremaportière.

C’est commesiunebombevenaitd’éclaterdansmapoitrine.Cela fait sixmois que je ne l’ai pas embrassée et même en rêvant d’elle toutes les nuits,j’avaisoublié.

J’avaisoubliéàquelpointlemondes’évaporaitdanssesbaisers.

J’enveuximmédiatementplusettoutdesuitebienquecenesoitpasdutoutraisonnable.Mondésirpourelleadéjàprislescommandesetils’accroîtquandellegémitcontremaboucheenemprisonnantmatailleentresesbras.Sonodeurenvahitmespoumonset je suiscommeunputaindecamé reprenantunedoseaprèsunsevrageforcé.Jeplane.Jeplanesihautavecellequej’ail’impressionquenousn’auronsplusjamaisbesoindemarchersurlaterreferme.

Jem’accrocheàsesjouesetàsescheveuxtandisquejecherchesalanguedelamienne.Aussitôt, elle penche la tête en arrière pourme laisser approfondirnotreétreinteetl’expressionsursonvisagemedonneenviedeladébarrasserdesa veste et de toutes ces couches de vêtements inutiles quime séparent de sapeau. Sauf que nous nous trouvons toujours sur ce foutu parking devant cetteputaindeprison. Ily aunmillierd’endroitsdans lesquels jedésirerais l’avoirnuecontremoimaiscelui-cin’enfaitdéfinitivementpaspartie.

Je grogne, frustré, en me forçant à m’éloigner de ses lèvres gonflées. Jemanque envoyer ma résolution au tapis en découvrant ses traits apaisés et larougeuradorablesursespommettes.Sansparlerdecequejelisdanssesyeuxquandellelesrouvreenfin.Ellemeveutaumoinsautantquej’aienvied’elle.

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— Est-ce que je dois conclure que je t’ai manqué ? se moque-t-elle enremontantsesmainscontremesflancs.

Jepressemonbassincontresonventrepour luiendonnerconfirmation.Jecroisnem’êtrejamaissentiaussiàl’étroitdansundemespantalons.

—Arrêtedefairelamaligneetdonne-moicesclés.Onrentre.

Elleritenobtempérantetçamedonneletournis.Ya-t-ilneserait-cequ’unechoselaconcernantdontjenesoispascomplètementraidedingue ?

Katem’embrassesousl’oreilleenmurmurant:

—Tum’asmanquéaussi,monamour.

Jefrissonnealorsqu’ellecontournelavoiturepours’yinstaller.Jesensquejevaisbrûlerquelquesfeux.

C’estcommesirienn’avaitchangé.C’estcommesilapagedemessixmoisd’enfermementétaitdéjàtournéedansleromandenosvies.Jeconduis,ellemeregarde.Jem’agrippeàsamain,ellecaressemoncou.Jemetais,elleparle.Jelancelaradio,ellefredonne.

Iwannatestify

Screamintheholylight

Youbringmebacktolife

Andit’sallinthenameoflove

Durantcesquelquesmoispassésloind’elle,j’aieutoutleloisirderepenserde fondencombleànotrehistoire. J’aieu tout le loisirdeprendreconscience

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que finalement, je ne regrettais rien, et que s’il fallait tout recommencer, jereferais lesmêmeserreursparcequenousneserionspascequenoussommesaujourd’hui, elle etmoi, si nous ne nous étions pas retrouvés dans toutes cesimpasses.

Katelynm’a toujours dit que je l’avais sauvée.Et si je ne comprenais pasexactementcequ’ellevoulaitdireparlà,jenelacroiraisprobablementpas.Or,justement, je comprends.Parcequepourmapart, elle a fait bienplusquemerameneràlavie.

Ellem’alibéré.

Demacolère,demapeine,demaculpabilité.Elleforcelesportesquandjem’évertue à lesmaintenir fermées.Ellem’entendquand je nedis pasunmot.Ellemecalmequandjehurle.Ellemeguidequandjemeperds.Etellem’aime.Ellem’aime.

Ilyatoujoursunmilliondechosesquejevoudraisluidire,maisnousavonsmaintenanttoutnotretempsdevantnous.

Jen’enchoisisqu’unequejeveuxluidiremaintenant.

—Bébé ?

Ellemecontempleensilence,attentive.Jepassemonindexsurseslèvresenquittantlaroutedesyeuxjusteuneseconde.

Jesuisprêtàluidécrocherlaluneetellen’enamêmepasconscience.

—Jet’aime.

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Sa bouche s’étire sous mes doigts, creusant de petites fossettes dans sesjoues.Elleneditrienmaistiresurmamainjusqu’àlaposersursoncœur.C’estlui qui me répond en tambourinant. C’est son âme qui me murmure qu’ellem’appartient.

Toutirabien,maintenant.

Ellem’aime,jel’aime,etjecomprendsenfin.

C’estsuffisant.Çaatoujoursétésuffisant.

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Remerciements

Voicivenulemomentpasdutoutstressantderemerciertoutlemondesansoublierpersonne.Sijamaisçadevaitêtrelecas,unbureaudesréclamationsseraouvert, c’est promis. En attendant, et comme une histoire ne s’écrit jamaisvraimentseule, ilmesembleque j’aiunpaquetdepersonnesextraordinairesàciter.C’estpartiiiiii !

ÀPauline,maSpring.Celaremonteàloinmaintenantmaisunjour,tum’asfaitliretesmotsetçam’adonnéenvied’écrirelesmiens.Tapassionacréélamienne.Ànossoiréessur le trampoline lorsquenous lisionschacune l’histoirede l’autre en nous laissant des commentaires délirants. Tu as été ma toutepremièrelectricemêmesinousn’étionsquedesenfants.Jenel’oublieraijamais.

À toute l’équipe deKayaEditions et plus particulièrement àMarine,monéditrice,etCamille,macorrectrice.Mercipourvotretravail,votreconfianceetvosconseils.Vousm’avezpermisderéaliserundemesplusbeauxrêvesetquelrêve ! Tout ceci n’aurait pas été possible sans votre motivation et votreenthousiasme.Mercid’avoircruenmoietdem’avoirdonnémachance.

Àmesparentsquiaimentmefairedelapubalorsquejen’enveuxpas.SiKate a probablement eu les pires, moi j’ai hérité des meilleurs. Merci dem’aimer autant et de ne pasm’avoir jeté à la ruemalgrémon sale caractère.Mercidem’encourageràvivremavieetsurtoutmespassionsàcentàl’heure.Continuonssimplementàgarder lesilencesurmesscènesérotiqueset tout irabien,d’accord ?

À mon Benjamin à moi, mon petit frère, Simon. Comme Ben, tu as un

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humourdouteux.CommeBen,tuesunfêtardquinetientpastoujoursl’alcool(oupsje l’aidit).CommeBen, tues toujours làpour tafrangineunpeucasse-pied.Suistaroutecommetul’entendsmonSimon,jelavoissibelledevanttoi.Etcontinueàme faire rireouà râlerquand je t’embête,parcequebon,ouais,OK,çam’inspireunpeu.Jet’aime.

Àmestaréesdecopines,quimedonnenttantdematièreàretranscrirequejepourraisécriredespagesetdespagessurnosaventuressansm’arrêter, sachezqu’aucunefêtenevautlapeined’êtrevécuesansvous.Vousêtestroppourquejevouscitetoutesmaisvousavezchacuneuneplacebienparticulièredansmoncœur. Merci de me tirer vers le haut quand je vise un peu trop le bas. Vousm’avezsauvéeplusd’unefoisdemespropresdémonsetKatelynn’auraitpaseudesibonnesamiessimoi,jenevousavaispas.

À Morgane. Merci de partager mon amour pour les livres, les goodieslivresquesetlesachatscompulsifssurAmazon.Mercidem’avoirsuivieàParisetdem’avoirsoutenuealorsquejemouraisdetrouilleàmapremièreséancededédicace.Tuesuneamieenoretj’aihâtedenousvoirplusvieilles,assisesavectousnoschatsdansnotrebeauboudoir.

ÀmonTitid’amourpourses« tata »etàDoudouparcequejesaisqu’ilvafairelatêtesijel’oublieencorehihi.

ÀLaetitia,unedemesdeuxbêta-lectrices,quiapassésontempsàpleurerouàmemaudireenlisantmesébauches(pardonne-moipourtesgenouxetpromis,jetefournisenbaguettesavantmonprochainromanhéhé).Tueslapersonnelaplusdouceetgénéreusequejeconnaisse,merciWattpaddem’avoirfaitcroisertarouteetmerciàtoid’êtretoi,sidrôleetsibelle,toutsimplement.

ÀIsabelle.Direquejeneseraispasarrivéeauboutdecettehistoiresanstoiest un euphémisme. Tu m’as botté les fesses un nombre incalculable de foisquand j’en avais besoin, tum’as empêché de supprimer des heures de travailquandj’avaisenviedemettredeschapitresentiersàlapoubelle,tum’asrassuréeàchacunedemesprisesde têteoudemescrisesd’angoisseet, lavérité,c’est

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queKateetEdenneseraientpascequ’ilssontaujourd’huisitun’avaispasétélà. Je pourrais te répéter unmilliardde foismerci que cene serait pas encoreassez.J’aigagnéplusqu’unelectriceouuneamieenterencontrant,j’aigagnélasœurque jen’ai jamais eue.Tu saisdéjà toutmais jevais te le répéterquandmême.TuesexceptionnellemonIsaetjesaisquetantquejet’auraiavecmoi,jepourraigravirdesmontagnes.Tueslapetitepiècedéfectueusequej’avaishâted’accrocherauxmiennesdanslepuzzleunpeucabossédemavie.

Àmes lectrices, anciennes surWattpad ou nouvelles à présent, pour votresoutien indéfectible. Je sais que je l’ai déjà dit et que jeme répètemais sansvous,jeneseraispasentraindemeprendrelatêteàécriredesremerciementsaprèsavoirpubliémesdeuxpremiersromans.Cesontchacundevosvotes,devos commentaires ou de vos messages qui m’ont menée jusqu’ici et vosencouragementsontpermisàmonpetitcœurdesegonflerd’uneconfiancequ’ila rarement eue. Alorsmerci, merci infiniment, parce que vous faites du petitboutdefemmede22ansquejesuislaplusheureusequisoit.

Etpourfinir,àKateetàEden.C’estdrôlederemerciersespersonnagesmaisilsonttoujoursétébienplusqueçapourmoi.ÉcrirelemotFINàleurhistoirem’a fait pleurer une après-midi entière et rien que d’y repenser, çame donneenviedepleurerànouveau.Quoiqu’ilensoit,cesonteuxquisesontfaituneplacedansvotrecœuravanttoutalorsjetrouvejustedelesremercier.J’aiappristantdechosesàleurcôté,j’aigrandioumêmesouffertaveceuxetjesaisqu’unepart d’eux m’accompagnera toujours un peu partout. La fin de leur histoiremarqueledébutd’unetrèsbelleaventurepourmoialorsoui,àKateetàEden.Etàtoutessesâmesunpeubriséesquisontsibellesàaimer.

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le14juin2018!

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DécouvrezELLE,SEULEMENTELLElenouveauromandeAurélieColeen

Résumé:

Ungarçon.Deuxsœurs.Untriangleamoureux.

Marwann.Ilest lastardulycée, lecapitainedel’équipedefootball,désirépar toutes les filles.Maisuneseule trouvegrâceàsesyeux :Nohella.La fillediscrète,l’intellostudieuseetréservée,vivantdansl’ombredesasœurjumelle.

Depuislepremierjouroùill’avue,ellelefascine.

Illaveut.

Peuimportentlesconséquences.

Après « Lui seulement Lui », le deuxième tome de la série : découvrezl’histoiredeMarwannetNohellasousunautrejour!

Extrait:

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JerejoinsSeanà l’agence immobilière.Quandj’arrive,biensûr, le rendez-vous a déjà commencé. Au moment de pousser la porte, une petite sonnerieretentit. Sean me fait un grand sourire. Je m’assois à côté de lui en laissanttomber mon sac par terre. Nos mains se rejoignent rapidement, l’agentimmobiliernousfaitunpetitsourireetreprendsonrécit.

—Commejevousledisaisilyaquelquesminutes,lamaisonquevousavezsélectionnéeestencoreenvente,leprixvientdebaisser.

Jemeredressesurmachaise.Qu’est-cequej’aimalaudos !Seansetournevers moi, visiblement curieux demonmanque d’enthousiasme. Je lui fais unpetitsourire.Ilmequestionne.

—Qu’enpenses-tu,moncœur ?

—Jenesaispas,çafaitdesmoisquel’onveutcettemaison.Jecroisqu’ilnefautpasattendreplus,c’estdéjàpasmalqueleprixdeventeaitbaissé.

L’agentimmobiliersefrottelesmains.Seanmesouritetsetourneverslui.LesdollarsdansentdanslesyeuxdeceM.Radcliffe !

—Ehbien,simafiancéeestd’accord,c’estbonpourmoi.

Nousfixonsunedatepoursignerlespapiersdeventeetnoussortons.Surletrottoir,Seanmeprenddanssesbrasetposeseslèvressurlesmiennesenpleinmilieu de la foule. Quand il me relâche, je suis à bout de souffle, un sourired’idiotesurleslèvres.

—Tum’asmanqué,machérie.

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—Toiaussi.

—Tuveuxmangerenville ?Jet’invitepourfêterça !

—Oui,pourquoipas ?

Nousrejoignonsnosvoituresetjem’engagederrièreluidanslacirculation.Nousnousarrêtonsdevantlerestaurantdesesparents.Jetroquemesescarpinscontremesballerinesavantdesortirdelavoiture.Ilrit,ilmepréfèreentalonshauts, mais ces chaussures me font trop mal aux pieds, je préfère être à platdepuistoujours.Aprèstout,c’estjusteunesortiechezsesparents.Jeconnaislerestaurantparcœur,depuistoutcetemps.Nousfaisonsengénéraltouslesrepasdes grandes occasions ici. Alors, je ne vois pas pourquoi je garderais meschaussuresàtalons.Nousentrons,samèrenousinterpelle.

—Nohella,Sean !

Ellenousrejointetnousenlace.Jereculenéanmoinstrèsvite,mabelle-mèrea tendance à m’étouffer ! Nous prenons place à une table et deux coupes dechampagne nous sont servies rapidement. Nous trinquons à notre nouvellemaison, enfin, c’est une façon de parler. Moi, je suis bien dans notreappartement,c’estluiquienveutuneàtoutprix...

Le repas fini, nous rentrons chez nous. Depuis cette histoire, nous avonsdéménagédansunappartementplusgrandetplusprèsdenos jobs.C’estpluspratique et surtout, nous sommes moins l’un sur l’autre, et il n’y a pas dedouloureuxsouvenirs...

Sean ouvre la porte d’entrée. Je n’ai pas le temps d’enlevermonmanteauqu’ilmecloueaumurpourm’embrasserdanslecoucommeunfou.Jegémisetl’enlacedemesbras,ilrespiremonparfumetmedéshabillelentement.

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—Jet’aime,machérie.

Savoixn’estqu’unsoufflesurmapeaubrûlante.

—Idem.

Commed’habitude, jene lui répondsquecemot, cardepuis lui, je ne suisplusjamaisarrivéeàleprononcer.

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Disponiblele31mai2018danstouteslese-librairies!