atelier des coteaux
DESCRIPTION
Une usine à la campagne ou 125 ans de réparation navaleTRANSCRIPT
LES ATELIERS DES COTEAUX“ Une usine à la campagne ” ou 125 ans de réparation navale
Textes de Aurélie Dessauvages-Giard
Yves Berrier
Là où l’on ne fait jamais escale, loin des ports et de la mer, face à Couëron et
ses bacs, sur la rive sud de la Loire, sur la commune du Pellerin, au lieu-dit des
« Côteaux », sont installés depuis 125 ans les ateliers du même nom.
D’aspect rudimentaire, voire désuet, ces ateliers, méconnus de tous, joue un
rôle primordial et stratégique, tant sur la vie économique locale que sur les
activités du Port Autonome de Nantes – St Nazaire, quatrième port français,
dont ils assurent la maintenance des outils et des engins.
De cet endroit s’échappent une identité forte et toute l’histoire d’une région,
profondément imprégnée par la richesse de son activité portuaire.
LES ATELIERS DES COTEAUX
HISTOIRE D’UNE « USINE À LA CAMPAGNE » OU 125 ANS DE REPARATION NAVALE.
Un atelier « reculé » :
En remontant l’estuaire de la Loire vers
Nantes, lorsque les tumultes des cargos, des
porte-conteneurs, des dockers et autres
remorqueurs se sont éteints, à quelques
kilomètres seulement, la nature reprend
ses droits. La campagne omniprésente de
chaque côté des berges du fleuve révèle
un tout autre visage, celui de la tranquillité,
de la sérénité. Le silence règne. Seuls les
chants des oiseaux, les cris des coqs et
les hennissements des ânes viennent le
briser ou, au contraire, le conforter. Alors
qu’au loin apparaissent subrepticement
les premières silhouettes de Nantes, des
cales, des estacades, des pontons font leur
apparition dans le paysage et notifient la
présence d’activités humaines.
Les ateliers des Côteaux s’avancent alors
en empruntant des allures d’amphithéâtre
sur 480m de long. Ils rendent hommage à
l’architecture industrielle du XIX, alliant la
noblesse des matériaux, entre brique, métal,
bois et verre.
Le bâtiment principal surplombe les berges
du plus long fleuve français. Il se compose
de trois corps de bâtiment disposés en U
autour d’une vaste cour pavée. Le bâtiment
de droite est dédié aux ateliers d’usinage.
Celui de gauche aux bureaux d’études et aux
services administratifs. Celui du fond abrite
l’atelier des menuisiers et charpentiers. Une
horloge du XIX honore la façade principale
du bâtiment, dont les aiguilles immobiles
semblent avoir décidé de suspendre la
course folle du temps.
En contrebas, au-delà de la route, initialement
empruntée par les seuls voyageurs en chemin
vers St Jacques de Compostelle, menant au
petit village voisin de La Martinière, d’autres
ateliers et corps de bâtiment semblent
directement connectés à l’actrice principale
de cette scène : la Loire elle-même.
Atelier d’usinage – mécanique bord :
Qu’ils soient outilleurs, tourneurs, fraiseurs
ou aléseurs, dix personnes, travaillent
dans cet atelier. Toujours à poste, derrière
leurs machines, ils prennent en charge la
construction mécanique, la fabrication
d’outils et de pièces détachées. Dix
ouvriers, dont un apprenti, travaillent
également dans l’atelier juxtaposé. Ce
sont des mécaniciens généralistes, des
ajusteurs, des diésélistes, des spécialistes
de la motorisation hydraulique ou à
propulsion. Mobiles, ils passent environ la
moitié de l’année en déplacement pour
assurer la maintenance directement sur
site.
Atelier de chaudronnerie soudure :
Une quinzaine de chaudronniers, dont
un apprenti et environ cinq soudeurs
partagent le même atelier. Eux aussi
se déplacent beaucoup à travers les
différents sites ou directement sur les
bateaux.
Atelier électricité :
Dans cet atelier, trois ouvriers électriciens
et un apprenti, en alternance, préparent
Répartition des ateliers :
leurs interventions. Ils assurent la
connexion de tous les automates, de
toutes les lignes d’alimentation, de tous
les postes de conduite : grues, cabines,
portique du terminal charbonnier....
Atelier de menuiserie - charpente :
Cinq personnes arpentent cet atelier :
deux charpentiers, un manutentionnaire
et deux marins ! Les seuls marins dont les
pieds restent le plus souvent à terre. Leur
présence est obligatoire, car ils prennent
en charge la manutention des engins
flottants. Ce type d’intervention exige
de disposer d’un permis de navigation
et de membres du personnel inscrits aux
services maritimes.
Chaque atelier dispose également d’un
agent de maîtrise, d’un contremaître et de
deux chefs d’équipe pour les chaudronniers
et soudeurs (un assurant les déplacements
pendant que l’autre demeure sur site).
Un lieu porteur de mémoire :
L’histoire du port de Nantes est intimement
liée à celle du canal de La Martinière et à celle
de l’atelier des Côteaux. Au XIX, il courre à sa
perte. L’estuaire est jonché de part en part,
de bancs de sable, rendant la navigation vers
l’amont particulièrement hasardeuse. Les
techniques de dragage ne sont pas encore
abouties, les navires de grande envergure
sont incapables de remonter le fleuve et
d’éviter les hauts-fonds. En 1882, l’Etat, les
négociants et les armateurs décident de
relancer le trafic en creusant un canal le long
du Golfe du Tenu, sur la rive sud de la Loire
entre le Carnet et le village de La Martinière.
Les travaux s’écouleront durant dix ans dans
des conditions humaines, techniques et
financières déplorables.
Les ateliers des Côteaux verront le jour en
même temps que ce projet. En 1882, les
entrepreneurs des Travaux Publics en charge
du canal de la Basse-Loire jettent, en effet,
leur dévolu sur le site de la commune du
Pellerin. Jusqu’en 1892, les ateliers sont
employés exclusivement à la construction
du canal maritime. Ils servent de centre
de stockage du matériel nécessaire à sa
réalisation, prennent en charge l’usinage
des systèmes de pompage des écluses et
entament également la construction de
la Marianne, vedette à vapeur des Ponts
et Chaussées, qui assurera le trafic des
hommes et des marchandises le long du
canal dès 1895, avant de se reconvertir dans
l’entretien des feux balisant le fleuve.
Le 15 juin 1891, la propriété des Côteaux
passe sous l’égide des Ponts et Chaussées
maritimes, sous la dénomination « d’Atelier
et Magasins des Côteaux ». Un procès
verbal, adopté par les ingénieurs du
Service du Canal Maritime et du Service de
Navigation de la Loire souligne « la nécessité
de conserver à titre provisoire ou définitif, les
ateliers, dépôts et cales des Côteaux pour
l’entretien, la mise en œuvre, la surveillance
des machines du Canal Maritime d’une
part, des engins et matériels de dragage du
Service de Navigation de la Loire d’autre
part ».
Une place menacée ...
L’âge d’or des dragues à godets :
L’année 1892 marque l’achèvement du
canal, malheureusement abandonné à peine
21 ans après son inauguration. Au début du
XX, les nouvelles techniques de dragage
commencent, en effet, à ouvrir la possibilité
aux cargos et autres navires de naviguer
sur la Loire, sans emprunter le canal de La
Martinière. Celui-ci perd sa principale raison
d’être et se verra ainsi fermé à la grande
navigation dès 1913.
Jusque dans les années 60, 38000 navires,
essentiellement dédiés à la batellerie et au
cabotage continueront toutefois à l’utiliser.
Ses bassins d’attente, bien abrités des
courants et des marées, seront également
couramment employés par les Ponts et
Chaussées maritimes pour entreposer
certains de leurs engins. Aujourd’hui, le canal
fait partie intégrante du patrimoine régional.
Réputé pour la faune et la flore qu’il abrite,
le site de La Martinière est désormais devenu
un espace de grande qualité esthétique et
paysagère particulièrement apprécié des
promeneurs.
Dès la fermeture du canal de La Martinière, le
ministre des Travaux Publics pose la question
du maintien ou de la suppression des
ateliers. Un rapport détaillé sur leur mission
réelle révèle la nécessité de les maintenir en
activité, compte tenu de leur emplacement
stratégique, à l’embouchure du canal
maritime et de l’excellente qualification du
personnel employé. Il précise également
les coûts non négligeables d’une éventuelle
délocalisation du site. De tels arguments
encouragent l’administration à moderniser le
matériel et les infrastructures existantes afin
d’accompagner l’accroissement du trafic
des navires à forts tirants d’eau remontant
la Loire.
L’activité des ateliers et magasins des Côteaux
se développe alors autour de la maintenance
des engins flottants, principalement de celle
des dragues à vapeur à godets. Ce type de
dragues marque l’apogée du développement
des ateliers. Elles assuraient le nettoyage du
fleuve à un rythme effréné et nécessitaient
d’être constamment entretenues : sur
dix années de fonctionnement, elles en
passaient environ 2 à 3 ans en réparation
aux Côteaux.
L’occupation allemande…
L’après guerre…
Après le départ des allemands, les ateliers se
voient affectés à la préparation du matériel
nécessaire au relevage des engins.
A la même époque, les techniques de
dragage se modernisent. Les années 60
donnent naissance aux dragues aspiratrices
en marche (DAM) et aux dragues
aspiratrices stationnaires (DAS). Beaucoup
plus perfectionnées et performantes que
leurs ancêtres à vapeur et à godets, ces
nouvelles dragues remplissent parfaitement
leur fonction de maintien du chenal de
navigation, même avec une flotte plus
restreinte. Les Côteaux disposent ainsi
En ce début de siècle, les prémisses de la
guerre commencent à se faire sentir à travers
le pays. Si les ateliers semblent avoir été
quelque peu épargnés par la guerre 1914/18,
il en sera, malheureusement, tout autrement
durant la seconde guerre mondiale. Le
bulletin N° 419 de la Hafenkommandatur de
Nantes, daté du 5 octobre 1940, ordonne
l’occupation des usines « stratégiques ». Les
ateliers et magasins des Côteaux seront dès
lors réquisitionnés. Ils continueront à assurer
les services de la navigation de la Loire,
entre Nantes et St Nazaire, tout en relatant
l’ensemble de leur activité aux autorités
militaires allemandes.
La guerre gronde, les négociations s’enlisent,
les conflits se renforcent. Les ateliers seront
mitraillés et le matériel flottant coulé… Les
dégâts sont conséquents.
davantage de temps pour poursuivre leur
activité de maintenance du Service Dragage,
tout en élargissant leurs domaines de
compétence à l’entretien de l’ensemble des
engins et outillages portuaires.
Une ou deux fois par an, les dragues Samuel
de Champlain et André Gendre montent sur
le dock des ateliers des Côteaux pour leur
arrêt technique, sorte de cure de jouvence.
Extrêmement sollicitées, ces dragues servent
à déblayer le fond de l’estuaire de la Loire
et du chenal du fleuve afin de maintenir la
hauteur d’eau nécessaire au passage des
navires entre Nantes et St Nazaire. 24h sur
24, 7j sur 7, elles dégagent le lit du fleuve
des dépôts vaseux, boueux, sableux ou
rocheux. Dans l’estuaire de la Loire, 1000
millions de mètres cubes de sédiments sont
ainsi, tous les ans, dragués.
La drague « André Gendre » est une drague
aspiratrice stationnaire (DAS), en activité
depuis le début des années 80. Elle ne peut
avancer seule, des remorqueurs de servitude
l’aident dans ses manœuvres. Deux longs
pieux, plantés au sol, lui servent de jambes,
l’aidant à se mouvoir. Ils se relèvent chacun
leur tour puis basculent, pour donner de
l’élan à l’embarcation. Ce type de drague
permet de nettoyer les « souilles » des
quais : les trous accueillant les navires en
déchargement à marée basse.
Drague :
La « Samuel de Champlain » est, quant à elle,
une drague aspiratrice en marche (DAM),
utilisée aussi bien dans l’estuaire de la Loire,
que de la Seine ou de la Gironde. D’une
contenance de 8500m3, elle représente
la drague propulsée la plus importante de
France. Handicapée par son tirant d’eau, qui
l’empêche de se rapprocher des quais, elle
est exclusivement employée pour maintenir
le chenal central de navigation. Avançant
à faible allure, elle pompe les sédiments
déposés dans le fleuve. De chaque côté
de l’embarcation, une « élinde », un bras
mobile supporte le conduit d’aspiration,
pendant que le « bec » est posé sur le fond
et aspire les sédiments. La mixture recueillie
est déposée dans un réservoir, qui, une fois,
rempli sera déchargé de son contenu plus
loin, au large des côtes.
Le milouin est un remorqueur, un navire
de servitude possédant la particularité de
disposer au dessous de sa coque d’une
« charrue ». S’il aide la DAS à se déplacer,
il aide également la DAM grâce à cette
plaque de métal qui racle le fond du chenal
et permet d’égaliser les sillons irréguliers
qu’elle aurait pu former sur le fond.
Le 1er avril 1966, naît le Port Autonome
de la fusion des huit ports de Nantes, avec
ses annexes de Basse-Indre, Couëron,
Paimboeuf, Donges et St Nazaire. Les
ateliers des Côteaux quittent le giron des
Ponts et Chaussées maritimes pour passer
sous l’égide de cette nouvelle organisation.
Le travail des ateliers s’organise autour
de quatre ateliers, rassemblant un large
éventail de corps de métiers (voir encadré).
Leur activité s’articule dès lors, au gré des
réglementations maritimes et portuaires
autour de l’entretien régulier et de la
réparation préventive des dragues aspiratrices
ou stationnaires, des remorqueurs, du navire
hydrographique, des vedettes sur le site
du Pellerin, des chalands, des grues, des
vannes cloches, des portiques, des tapis de
déchargement et des pontons mobiles aux
terminaux portuaires de Donges, Montoir
et St Nazaire. Ils consacrent désormais les
deux tiers de leur temps à la maintenance
des outillages portuaires et un tiers à celle
des engins flottants.
...Jusqu’à une époque plus récente....
Contrairement aux deux autres ateliers
du Port Autonome, situés à Donges et St
Nazaire, dédiés aux seules interventions
d’urgences en cas d’avarie, nécessitant
d’être présents directement sur les lieux
d’exploitation, la position reculée « des
Côteaux » n’entrave guère sa vocation de
maintenance. Les ouvriers sont amenés à se
déplacer, le cas échéant, pour intervenir sur
certains engins qui, de par leur taille ou leur
poids, ne peuvent venir à eux.
Le dock était initialement destiné aux
sous-marins du Rhin, en Allemagne.
D’une capacité de 1700 tonnes, ce dock
DFT est le dernier dock de ce type en
France. Sa particularité réside dans sa
double structure : un dock fille, de 92m
de longueur et de 16m de largeur utiles,
est intégré à un dock mère. Les deux
docks ne sont retenus l’un à l’autre que
par quatre morceaux de bois et quelques
élingues. Il disposait, à l’origine, de six
filles : trois furent bombardées, deux
autres servirent aux chantiers navals
DOCK :
Lorsque la drague monte sur le dock, elle se cale sur les tins et ne peut plus bouger. Mère
et fille plongent alors ensemble. La fille quitte ensuite sa mère, poussée par la puissance du
remorqueur de servitude.
Dubigeon et de la Roche Maurice, mais
tombèrent rapidement en désuétude. Le
dock et la dernière fille restante furent
affectés, à titre d’hommage de guerre aux
ateliers des Côteaux à la fin de la seconde
guerre mondiale. Il est venu suppléé la
cale sèche de Paimboeuf, trop éloignée
et sert à la mise au sec, à l’entretien et
aux réparations d’une partie de la flotte
du port autonome. Il est également, de
temps à autre, sollicité pour accueillir
certains navires de compagnies privées,
notamment les bacs de Loire.
Les années 80 entament un nouveau virage dans le fonctionnement des ateliers des Côteaux. Le
nouveau décret de loi sur l’amiante impose à la direction de renouveler 70% de son personnel.
Alors que la moyenne d’âge s’élevait auparavant à cinquante ans et que les anciens tenaient
fermement les rênes de chaque atelier, ils se voient désormais contraints de céder la place aux
trentenaires. Les ouvriers n’entendent plus les longs coups de sirène à air comprimé, signalant
l’embauche. Leurs femmes ne s’empressent plus de quitter les boutiques pour rejoindre leur
foyer cinq minutes avant la débauche de midi. Les jeunes travaillent dorénavant en journée
continue et n’emplissent plus les cafés-restaurants du Pellerin. Le recrutement du personnel ne
s’effectue plus au sein de la commune, selon une tradition familiale, transmise de génération
en génération, mais uniquement sur concours, interne au Port Autonome. Si certains suivent
encore les traces de leurs pères ou de leurs grands-pères au sein des ateliers, ils sont de moins
en moins nombreux et ce chemin ne semble pas être le seul fruit du hasard. C’est avec fierté
qu’ils évoquent leur entrée « aux Côteaux », diplôme en poche. Désormais, des personnes
d’horizons extrêmement différents se côtoient. Ils ne se racontent peut-être plus les ragots et
autres rumeurs de la commune, mais tous partagent la même passion pour le travail bien fait et la
fierté d’appartenir au Port Autonome, plus précisément à cette petite « usine à la campagne ».
Si certains cols bleus sont amenés à se déplacer fréquemment, principalement les soudeurs
et les mécaniciens du montage bord, devant intervenir, directement sur une embarcation, une
coque ou une cabine de grue, tous sont aujourd’hui fiers de se retrouver sur les autres sites du
Port autonome, arborant la même étiquette : « celle des gars des Côteaux », précieux gage de
qualité et de reconnaissance !
Leur particularité ? Un travail de maintenance, exigeant en terme de compétences, de technicité
et de précision.
Dans ce décor ancien, pittoresque, voire hors du temps, les gars des Côteaux, contrairement
à leurs machines-outils, sont à la pointe de la technicité : de taille à remettre au goût du jour
certaines « vieilleries », comme ils s’amusent à dire, en de performants outils, compétitifs et
disposés à redonner une once de modernité à des machines de prime abord obsolètes.
L’aléseuse fêtera, à la fin de l’année, ses 83 printemps et la mortaiseuse, dite la « grand-mère »
est déjà centenaire ! Ils parviennent à composer avec toutes ces machines, dont ils connaissent
parfaitement le moindre rouage, et à façonner des ouvrages de grande précision. « Dès qu’on
peut faire, on fait. On fabrique des pièces uniques. 90% des pièces sont façonnées au sein des
« A l’œuvre, on connaît l’ouvrier » (Aristophane).
ateliers et validées par un bureau de contrôle », précise un usineur. Des pièces, les ateliers en
ont fabriqué des tas, quelque soit leur diamètre, quelque soit leur dimension. Pour certaines
d’entre elles, l’atelier avait pour habitude de préparer des moules en bois, modélisant leur
forme avant d’initier leur fabrication. Aujourd’hui encore, certains moules demeurent employés,
mais le magasin « modèle », a fermé ses portes, il y a 25 ans, en même temps que l’ensemble
des magasins de stockage de pièces détachées, aujourd’hui implantés sur le site de St Nazaire.
A la fois menuisiers, grutiers ou pompistes…
Une autre clé de voûte de ces ateliers réside dans la polyvalence et la réactivité de ses
ouvriers. Pour la mise à sec d’un navire, le pompiste en charge du ballastage du dock est déjà,
préalablement intervenu, en tant que, menuisier sur le « latinage ». Les charpentiers s’occupaient
traditionnellement des ouvrages sur les coques des navires, autrefois en bois. Par respect des
traditions et du savoir-faire, ce sont eux qui, aujourd’hui encore, coupent chaque morceau de
bois, les « tins » sur lesquels viennent, à chaque arrêt technique, s’échouer les embarcations.
Là encore, le travail se veut précis et délicat. Si ces morceaux de bois ne sont pas taillés au bon
gabarit, la tôle du navire risque de s’enfoncer ou d’être endommagée.
Tous apprécient la richesse de leurs interventions, prompts à intervenir sur tous les types de
tôles, de métal, de supports. « Sur un mois, on touche à tout : tapis, réducteur, grue… », vante
un contremaître. Leur polyvalence naît de la nécessité de savoir manier leurs outils en hauteur,
sur l’eau, sous une coque… dans des conditions parfois extrêmes, disposés à limiter les risques
et les dangers.
La transmission du savoir est également
un des leitmotiv de l’entreprise. Au début
du siècle, les jeunes suivaient la voie de
leurs ancêtres ou commençaient leur
apprentissage très tôt, dès l’âge de 12 ans.
Ils apprenaient l’âpreté du métier, dans
un climat de dur labeur. Devenir apprenti
aux Côteaux puis accéder à un poste
ont toujours été considérés comme une
réelle opportunité, un mérite accordé aux
meilleurs.
Si les règles d’apprentissage se sont
aujourd’hui assouplies, la transmission du
savoir demeure prépondérante dans la vie
de chaque atelier. « Le travail en équipe est
de rigueur ici. On aime transmettre notre
savoir-faire. L’étendue de nos missions est
trop vaste pour que nous gardions tout pour
nous. L’expérience, on la partage. Pour
savoir gérer efficacement tous les problèmes
... L’héritage des anciens…
encore faut-il savoir également transmettre
tous les ennuis. La première fois que nous
sommes intervenus sur la « Samuel de
Champlain » pour un problème sur le joint de
soupape de déblai, plus de deux semaines
ont été nécessaires pour le résoudre. Il
a fallu inventer les outils nécessaires à sa
réparation, les essayer, les modifier, les
adapter puis les améliorer. Aujourd’hui, nous
sommes capables d’intervenir en deux jours
pour un problème équivalent. On essaie
de conserver cet avantage, ce savoir-faire
original. De là repose notre réputation.
Former un apprenti devient une marque
de reconnaissance pour nous. S’il est bien
formé, il aura d’autant plus de chances de
réussir le concours et de rejoindre l’équipe »,
raconte un chaudronnier.
Les ateliers des Côteaux ont ainsi, au fil du temps, changé, à plusieurs reprises
de visage : une première fois à la fermeture du canal de La Martinière à
la navigation, une seconde fois avec la modernisation des techniques de
dragage, une troisième fois, enfin, à une époque plus récente, avec l’adoption
du décret sur l’amiante.
Depuis 125 ans, ils ont su, grâce au savoir-faire de leurs ouvriers s’adapter à
toutes les situations, traverser les époques, défier le temps, perdurer encore,
toujours et témoigner de leur authenticité.
Merci à l’ensemble du personnel des Ateliers des Coteaux pour l’accueil et leur disponibilité.Mr Hubert Sellier
Photographie Yves Berrier Texte Aurelie Dessauvages-GiardCréation couverture Philippe Finjean http://www.agencebelleile.com/
Les photos et le textes sont la proprieté des auteurs, toute utilisation est soumise à leur accord préalable.