aspects physicochimiques de l'encapsulation et de la

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1 Thèse Présentée par Gildas Komenan GBASSI Pour obtenir le grade de Docteur de l’Université de Strasbourg Discipline : Chimie Aspects physicochimiques de l’encapsulation et de la désencapsulation des probiotiques Soutenue publiquement le 30 novembre 2010 devant la commission d’examen: Pr. Eric Marchioni Directeur de thèse Pr.Thierry Vandamme Directeur de thèse Pr. Remi Saurel Rapporteur externe Pr. Samir Benayache Rapporteur externe Dr. Philippe Andre Examinateur Dr. Dalal Aoude-Werner Examinateur ÉCOLE DOCTORALE DES SCİENCES CHİMİQUES . . . . Nº d’ordre UdS: 825 Thèse

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    Thse

    Prsente par

    Gildas Komenan GBASSI

    Pour obtenir le grade de

    Docteur de lUniversit de Strasbourg

    Discipline : Chimie

    Aspects physicochimiques de lencapsulation

    et de la dsencapsulation des probiotiques

    Soutenue publiquement le 30 novembre 2010 devant la commission dexamen:

    Pr. Eric Marchioni Directeur de thse Pr.Thierry Vandamme Directeur de thse Pr. Remi Saurel Rapporteur externe Pr. Samir Benayache Rapporteur externe Dr. Philippe Andre Examinateur Dr. Dalal Aoude-Werner Examinateur

    COLE DOCTORALE DES SCENCES CHMQUES

    .

    .

    .

    .

    N dordre UdS: 825

    Thse

  • 2

    Ce travail de thse a t ralis conjointement au Laboratoire de Chimie Analytique

    des Molcules Bioactives (UMR 7178) et au Laboratoire de Conception et Application de

    Molcules Bioactives (UMR 7199). Ce travail a donn lieu 2 publications dans des revues

    spcialises comit de lecture, ainsi qu 3 communications sous forme de posters aux

    congrs internationaux organiss par le groupe de recherche sur la bioencapsulation

    (ditions 2007, 2008 et 2009). Les rfrences compltes de ces publications et

    communications sont dtailles en annexe de ce manuscrit.

    Avant-Propos

    Avant-Propos

  • 3

    Mes premiers remerciements vont lendroit de mes deux encadreurs, les

    professeurs Eric Marchioni et Thierry Vandamme, qui mont accueilli dans leurs laboratoires

    respectifs, et mont exprim leur confiance en me permettant deffectuer ce travail de thse.

    Vous mavez aid durant ces annes de thse dvelopper une rigueur scientifique et un

    esprit critique. Je garderai un souvenir de mon passage ici, qui jen suis convaincu, me sera

    dune utilit tout au long de ma carrire professionnelle.

    Je suis trs sensible l'honneur que me font les professeurs Remi Saurel (Universit

    de Bourgogne, Dijon, France) et Samir Benayache (Universit Mentouri, Constantine,

    Algrie) en acceptant d'tre les rapporteurs de ce travail de thse. Soyez assurs de ma

    profonde reconnaissance.

    Mes remerciements vont lendroit du Dr Philippe Andre, qui de faon spontane,

    sest prt certaines de mes questions sur la microbiologie, et qui a accept volontiers de

    siger dans ce jury de thse, ainsi quau Dr Dalal Aoude-Werner qui a galement accept de

    siger dans ce jury.

    Je tiens exprimer ma gratitude envers monsieur Denis HEISSLER, directeur de

    lEcole Doctorale des Sciences Chimiques de Strasbourg, pour mavoir mis en contact avec de

    nombreux directeurs de laboratoire, dans ma recherche initiale dun laboratoire daccueil.

    Jexprime ma reconnaissance au Dr Sad Ennahar pour avoir accept de se joindre

    ce travail. Merci davoir pris le temps de porter un jugement sur lensemble de la production

    scientifique issue de ce travail (rsum de congrs, proposition darticles, mmoire de

    thse).

    Ma reconnaisse va galement lendroit du Pr Jean Yves PABST (Doyen de la facult

    de pharmacie de Strasbourg) pour ses conseils, son soutien et ses encouragements continus.

    Un grand merci aux personnes ci-dessous : Dr Batrice Heurtault (UMR 7199, Facult

    de Pharmacie), Dr Nadia Messadeq (Service de microscopie lectronique, IGBMC), Dr

    Clarisse Maechling (UMR 7081, Facult de Pharmacie), Dr Bruno Kieffer (UMR 7104, ESBS),

    Cyril Antheaume (Service Commun dAnalyse, Facult de Pharmacie) pour mavoir aid

    Remerciements

  • 4

    comprendre le bien fond et la pertinence des techniques de caractrisation des interactions

    molculaires.

    Merci au personnel enseignant de mes laboratoires daccueil avec qui jai eu

    changer dans le cadre de mon travail (Martine pour les questions de statistique, Franoise

    pour la dtermination de la teneur en azote totale des protines, Nicolas tout rcemment

    sur les techniques dmulsion).

    Merci tous les doctorants que jai ctoys au cours de cette thse, des anciennes

    (Amandine, Diane et Esther) pour mavoir aid mintgrer, ceux de ma promotion (Julie,

    Pierre, Mustafa), et ceux qui seront encore l pour quelques annes (Carole, Cline, Elie,

    Erwan, Etienne, Li, Omar, Zhou).

    La vie se droulant galement en dehors du laboratoire, merci tous les amis des

    Doctoriales dAlsace 2007, du Nouveau Chapitre de la Thse (ABG 2009), et tous ceux qui

    ont contribu rendre mon sjour Strasbourg agrable.

    Enfin, un merci spcial ma mre, mon pouse et mes enfants qui nont cess de me

    soutenir, et ma famille plus largie, mme si la distance a fait que je nai pu vous voir

    frquemment. Je terminerai par remercier mes responsables de lUFR des sciences

    pharmaceutiques de luniversit de Cocody (Cte dIvoire), notamment les professeurs Yolou

    Seri (Directeur du Laboratoire de Chimie gnrale et minrale) et Malan Anglade (ancien

    Doyen de lUFR des Sciences Pharmaceutiques), pour avoir autoris ma si longue absence,

    malgr mes charges denseignement.

    Remerciements

  • 5

    C : Degr Celsius % : Pourcentage ADN : Acide Desoxyribonuclique AFSSA : Agence Franaise de Scurit Sanitaire des Aliments AG : Acide Galacturonique ARN : Acide Ribonuclique ARNr : ARN ribosomal ATCC : American Type Culture Collection CCRC : Culture Collection and Research Center CIP : Collection de lInstitut Pasteur cm : Centimtre DM : Degr de Methylation DSMZ : Deutsche Sammlung von Mikroorganismen und Zellkulturen EDTA: Ethylene Diamine Tetra Acetic EFSA: European Food Safety Authority FAO : Food and Agriculture Oganization (United Nations) GRAS: Generally Recognized As Safe g : Gramme g/L : Gramme par Litre h : Heure ISO : International Standard Organization JOCE : Journal Officiel de la Communaut Europenne JOUE : Journal Officiel de lUnion Europenne KDa : Kilodalton LDL : Low Density Lipoprotein log10 : Logarithme Dcimal M : Molarit ou concentration molaire MM : Masse Molculaire MSDA : Manuel Suisse des Denres Alimentaires m/v : Masse sur Volume MEB : Microscope Electronique Balayage min : Minute mL : Millilitre mm : Millimtre MRS : de Man, Rogosa et Sharp mV : Millivolt NCIMB : National Collection of Industrial and Marine Bacteria NCYS : National Collection of Yeast Cultures nm : Nanomtre OMS : Organisation Mondiale de la Sant PAGE : Polyacrylamide Gel Electrophoresis PBS : Phosphate Buffer Saline pH : Potentiel Hydrogne SDS : Sodium Dodecyl Sulfate UFC : Unit Formant une Colonie UFC/g : UFC par Gramme UFC/mL : UFC par Millilitre L : Microlitre V : Volt

    Liste des abrviations

  • 6

    Figure 1. Schma de lappareil digestif de lhomme.

    Figure 2. Schma des compartiments de lappareil digestif de lhomme et leurs microflores.

    Figure 3. Classification des diffrentes allgations.

    Figure 4. Schma du positionnement des aliments fonctionnels.

    Figure 5. Procd dencapsulation des bactries par les techniques dextrusion et dmulsification.

    Figure 6. Monomres et squences de la chane dalginate.

    Figure 7. Principales tapes de la glification des alginates.

    Figure 8. Structure de lacide galacturonique des pectines.

    Figure 9. Structure et diffrents types de carraghnanes.

    Figure 10. Mcanisme de glification des kappa et iota carraghnanes.

    Figure 11. Structure tridimensionnelle dun monomre de bta-lactoglobuline.

    Figure 12. Schma du procd dencapsulation des souches de L. plantarum

    Figure 13. Influence du pH sur le potentiel zta des dispersions aqueuses de biopolymres.

    Figure 14. Influence du pH sur labsorbance des dispersions aqueuses de biopolymres.

    Figure 15. Reprsentation graphique de la taille particulaire de dispersions aqueuses dalginate et de

    protines de lactosrum.

    Figure 16. Images macroscopiques de billes frachement labores.

    Figure 17. Images de microscopie lectronique balayage de billes lyophilises.

    Figure 18. Profil lectrophortique dun chantillon de protines de lactosrum incub pendant 4

    heures dans un liquide acide artificiel.

    Figure 19. Profil lectrophortique dun chantillon de bta-lactoglobuline incub pendant 4 heures

    en prsence denzymes et de sels biliaires.

    Figure 20. Morphologie des billes dalginate.

    Figure 21. Vue interne des billes dalginate non imprgnes et imprgnes.

    Figure 22. Vue externe des billes dalginate non imprgnes et imprgnes.

    Figure 23. Spectres infra rouge des billes dalginate de calcium lyophilises

    Figure 24. Dispositif exprimental de simulation gastro-intestinale.

    Figure 25. Effets du pH sur la survie des bactries encapsules.

    Figure 26. Effets du pH, des enzymes et sels biliaires sur la survie des bactries encapsules.

    Figure 27. Influence de la matrice alimentaire sur la survie de L. plantarum 299v encapsule.

    Liste des figures

  • 7

    Tableau 1. Principaux milieux artificiels utiliss pour la simulation du liquide gastrique.

    Tableau 2. Principaux milieux artificiels utiliss pour la simulation du liquide intestinal

    Tableau 3. Principaux microorganismes considrs comme probiotiques.

    Tableau 4. Principales allgations attribues L. plantarum 299v aprs des tudes in vivo chez

    lhomme.

    Tableau 5. Synthse des avis rendus par lAFSSA depuis 2002 sur les dossiers scientifiques portant sur

    des produits probiotiques usage humain.

    Tableau 6. Principales sources de polymres naturels.

    Tableau 7. Composition en protines de lactosrum du lait bovin.

    Tableau 8. Influence de lacidit du liquide gastrique sur la survie des souches libres de probiotiques.

    Tableau 9. Conditions exprimentales utilises pour llaboration des billes de biopolymres.

    Tableau 10. Tolrance lacidit (pH 1,8) des souches non encapsules de L. plantarum.

    Tableau 11. Tolrance lacidit (pH 3) des souches non encapsules de L. plantarum.

    Tableau 12. Evaluation de la taille particulaire de dispersions aqueuses dilues dalginate de sodium

    et de protines de lactosrum.

    Tableau 13. Conditions exprimentales dans le modle gastro-intestinal.

    Tableau 14. Concentrations rsiduelles de L. plantarum dans les billes non imprgnes (pH 1,8)

    Tableau 15. Concentrations rsiduelles de L. plantarum dans les billes non imprgnes (pH 3)

    Tableau 16. Concentrations rsiduelles de L. plantarum dans les billes imprgnes (pH 1,8)

    Tableau 17. Concentrations rsiduelles de L. plantarum dans les billes imprgnes (pH 3)

    Tableau 18. Vrification de la viabilit des bactries aprs incubation des billes durant 2 h

    Tableau 19. Vrification de la viabilit des bactries aprs incubation des billes durant 2,25 h

    Liste des tableaux

  • 8

    TABLE DES MATRES

    AVANT-PROPOS

    Remerciements

    Liste des abrviations

    Liste des figures

    Liste des tableaux

    NTRODUCTON GNRALE

    CHAPTRE 1: CONTEXTE DE LTUDE

    1. Physiologie de lappareil digestif humain

    2. Microflore intestinale et probiotiques

    3. Mthodologie de lencapsulation des probiotiques

    CHAPTRE 2: ENCAPSULATON DES PROBOTQUES

    1. NTRODUCTON

    2. MATRELS ET METHODES

    3. RSULTATS ET DSCUSSON

    4. CONCLUSON

    CHAPTRE 3: DSENCAPSULATON ET DEVENR DES PROBOTQUES

    1. NTRODUCTON

    2. MATRELS ET METHODES

    3. RSULTATS ET DSCUSSION

    4. CONCLUSON

    CONCLUSON GNRALE

    RFRENCES BBLOGRAPHQUES

    ANNEXES (Liste des communications et publications scientifiques)

    RSUM COURT (versions franaise et anglaise)

    2

    3

    5

    6

    7

    9

    13

    14

    29

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    106

    107

    108

    109

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    132

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    138

    158

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  • 9

    NTRODUCTON GNRALE

    ntroduction gnrale

  • 10

    Les tudes ralises ces dernires annes dans le domaine de lencapsulation ont port

    sur de nombreux ingrdients bioactifs de natures diverses (vitamines, enzymes, principes

    actifs mdicamenteux, cellules drives du foie ou du pancras, probiotiques etc). Toutefois,

    peu dtudes ont t consacres la protection des probiotiques par encapsulation, la

    stabilit des systmes de protection mis en uvre, et la libration des probiotiques

    encapsuls dans un modle simulant le systme digestif (Chandramouli et al., 2004; Picot et

    Lacroix, 2004; Madureira et al., 2005; Mainville et al., 2005). Lutilisation de lencapsulation

    comme moyen de protection des probiotiques dans les aliments, ainsi que lvaluation de la

    stabilit de ces probiotiques au sein de la matrice alimentaire, ont fait lobjet de peu dtudes

    (Sultana et al., 2000; Sun et Griffiths, 2000; Picot et Lacroix, 2004; Michida et al., 2006;

    Nebesny et al., 2007).

    La tolrance des probiotiques ( ltat non encapsul) aux conditions

    environnementales (pH acide, temprature, enzymes, sels biliaires etc) a t largement dcrite

    dans la littrature (Sultana et al., 2000; Hansen et al., 2002; Lian et al., 2003; Krasaekoopt et

    al., 2004 ; de Giulio et al., 2005; Saarela et al., 2006; Ding et Shah, 2007; Champagne et

    Gardner, 2008). Bien que les techniques dencapsulation soient des procds de longue date,

    le besoin de comprendre le processus de dsencapsulation (libration) des probiotiques

    encapsuls demeure un challenge. Rares sont les tudes qui ont t consacres aux aspects

    physicochimiques de cette dsencapsulation.

    Lengouement suscit par lencapsulation des probiotiques date des annes 1980. En

    effet, les premiers travaux publis ont port sur les ferments lactiques du yaourt, savoir

    Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus thermophilus. Ces espces lactiques ont t piges

    dans des hydrogels dalginate de calcium (Prevost et al., 1985). Dautres espces de ferments

    lactiques ont aussi t piges dans des hydrogels dalginate de calcium (Prevost et Divies,

    1987; Steenson et al., 1987; Audet et al., 1991). Dautres encore lont t dans des hydrogels

    base dun mlange de carraghnane et de gomme caroube (Audet et al., 1988).

    A partir des annes 1990 sont apparues de nouvelles formes galniques capables

    dimmobiliser les ferments lactiques. Ce sont notamment les billes (Divies et al., 1990;

    Lacroix et al., 1990; Kearney et al., 1990; Champagne et al., 1992a) et les capsules (Yoshioka

    et al., 1990; Cheong et al., 1993; Yoo et al., 1996). Le cur dune capsule est un liquide

    envelopp dune membrane de biopolymre. Daprs Yoo et al. (1996), la croissance des

    ntroduction gnrale

  • 11

    cellules est beaucoup plus importante dans les capsules. Toutefois, ces capsules demeurent

    instables aprs la production dacide lactique par les cellules au cours de la fermentation. La

    mise au point des capsules fait appel aux techniques dmulsification (Arnaud et al., 1992;

    Poncelet et al., 1999). Lajout de tensioactifs est fortement conseill pour stabiliser lmulsion

    en formation (Sheu et al., 1993; Yoo et al., 1996; Kebary et al., 1998). Parfois, des solvants

    organiques (glutaraldhyde, hexamthylne-1-6 diisocyanate, tolune 2-4 diisocyanate) ont

    t utiliss au cours de lmulsification comme agents de rticulation (Groboillot et al., 1993;

    Hyndman et al., 1993).

    A loppos des capsules se trouvent les billes qui sont formes dune matrice

    (Totosaus et al., 2002). La stabilit de la matrice dpend des caractristiques

    physicochimiques du biopolymre (composition chimique, masse molculaire etc). Elle

    dpend aussi du type dinteractions (interactions lectrostatique, hydrophobe, covalente etc)

    que peut tablir le biopolymre dans des conditions de temprature, de pH, de force ionique

    ou de salinit du milieu (Totosaus et al., 2002; Draget et al., 2009). Lapparition dans les

    annes 1990 dune gnration de bioracteurs, quips de multiples aiguilles, a permis de

    produire lchelle industrielle des billes de appa-carraghnane (Hunik et Tramper, 1993) et

    dalginate (Seifert et Philips, 1997a ; Brandenberger et Widmer, 1998).

    Certains de ces bioracteurs ont produit des billes de 800 m de diamtre (Seifert et

    Philips, 1997a). Dautres par contre ont produit des billes denviron 470 m de diamtre, avec

    une capacit de production de 50 billes par seconde (de Vos et al., 1997). Brandenberger et

    Widmer (1998) ont propos un bioracteur capable de gnrer des billes dun diamtre moyen

    de 340 m, pour un traitement de 5 litres de suspension par heure. En gnral, ces

    bioracteurs affichent les paramtres rhologiques et viscolastiques de la suspension,

    permettent une strilisation interne des aiguilles par une vapeur 120C, procdent

    lenrobage des billes aprs leur formation. Labsence de contamination croise est aussi un

    des avantages majeurs de la plupart de ces bioracteurs. Malgr la performance de ces

    derniers, leur cot lev limite leur utilisation dans les laboratoires universitaires.

    Lobjectif de ce travail de thse a t dencapsuler des probiotiques, afin de les

    protger, mais surtout, de dterminer les conditions de leur libration dans des situations

    exprimentales bien dtermines. Les travaux exprimentaux de cette thse sont exposs dans

    les chapitres 2 et 3 de ce manuscrit. Le chapitre 2 traite de lencapsulation des probiotiques.

    ntroduction gnrale

  • 12

    Ce chapitre se focalise sur les conditions de fabrication des billes base de biopolymre, de

    mme que sur les conditions de leur optimisation. Des paramtres physicochimiques (charge

    lectrique, turbidit, taille particulaire, pH) des biopolymres en suspension ont t

    dtermins. Ce chapitre se termine par un examen macroscopique et microscopique des billes

    fabriques. Le chapitre 3 sest intress au pouvoir de protection des billes fabriques. Le

    niveau de protection des probiotiques immobiliss dans les billes a t valu. Lincubation

    des billes dans des milieux artificiels simulant des conditions gastrique et/ou intestinale a t

    ralise. Le pouvoir de protection des billes a aussi t valu au sein dun environnement

    simulant une matrice alimentaire. Enfin, un modle exprimental du tractus gastro-intestinal

    artificiel a permis de dterminer les conditions de libration des probiotiques encapsuls.

    Toutefois, un chapitre 1 bibliographique dnomm "Contexte de ltude" a pass en

    revue les principales fonctions de lappareil digestif quil convient de rappeler, tant donn

    que la sphre digestive est le lieu de prdilection des probiotiques. Les milieux artificiels

    simulant lappareil digestif, ainsi que la microflore intestinale dont est issue une bonne partie

    des probiotiques, ont galement t abords. Lintrt de la protection des probiotiques par

    encapsulation, de mme que les mthodes et matriaux dencapsulation applicables aux

    probiotiques, viennent mettre un terme ce chapitre.

    ntroduction gnrale

  • 13

    CHAPTRE 1:

    CONTEXTE DE LTUDE

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 14

    1. Physiologie de lappareil digestif humain

    Tous les organismes vivants ont un appareil spcialis dans la digestion et labsorption

    des nutriments. Cet appareil diffre dune espce une autre dans son anatomie et

    lorganisation de ses fonctions. Cest ainsi que chez lhomme, la fermentation des fibres a lieu

    dans le clon (partie terminale du tube digestif faisant suite lintestin grle) alors quelle a

    lieu chez les ruminants dans le rumen (partie situe au dbut du tube digestif avant lintestin

    grle) (Cuillerier et Marteau, 2002). Une bonne connaissance de la physiologie de lappareil

    digestif humain est indispensable si on dsire utiliser des modles in vitro pour simuler le

    systme digestif. Chez lhomme, lappareil digestif reprsent la figure 1, est compos du

    tube digestif et des glandes annexes. Ces dernires comprennent les glandes salivaires, le foie

    et le pancras.

    Figure 1. Schma de lappareil digestif de lhomme (daprs Cuillerier et Marteau, 2002) (1) Oesophage (2) Estomac (3) Duodnum (4) Jjunum + Ilon (5) Caecum (6) appendice (7) Clon (8) Rectum (9) Anus

    La morphologie et la structure du tube digestif varient dune personne une autre en

    termes de dimension et de zone de surface dabsorption (Desesso et Jacobson, 2001). Le tube

    digestif permet labsorption slective de nutriments ncessaires au maintien dun tat

    nutritionnel adquat (Cuillerier et Marteau, 2002). Labsorption nest possible, en rgle

    gnrale, que pour de petites molcules. Une digestion pralable des aliments est ncessaire

    pour les transformer en nutriments absorbables. La motricit permet de contrler le temps de

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 15

    rsidence des aliments dans les diffrents compartiments du tube digestif (estomac, intestin

    grle et clon). Le tube digestif de lhomme assure plusieurs fonctions.

    1.1. Fonction de digestion

    La digestion est la dpolymrisation des molcules complexes ingres, suivie de leur

    transformation en nutriments simples absorbables. Elle est facilite par la mastication

    pralable et les mouvements de trituration et de brassage des aliments. Elle fait appel des

    enzymes et des scrtions non enzymatiques qui maintiennent le chyme ltat liquide. La

    salive est le premier lubrifiant des aliments. Elle contient lamylase salivaire qui dbute la

    digestion de certains aliments comme les amidons. La salive contient aussi une lipase dite

    linguale qui agit uniquement au niveau de la cavit buccale (Cook et al., 1994), et qui

    hydrolyse une trs faible quantit de triglycrides (moins de 2%) en acides gras libres

    (Armand, 2008). Dans lestomac, les scrtions gastriques sont le rsultat de cellules

    spcialises dans la production dacide chlorhydrique.

    Le pH acide de lestomac participe la dnaturation des constituants alimentaires (cas

    de certaines protines comme lalbumine bovine srique). Dautres cellules scrtent la

    pepsine: une protase dont lactivit est optimale des pH compris entre 1,7 et 3,5 (Hersey,

    1994; Tobey et al., 2001). Il existe une lipase gastrique (Canaan et al., 1999) qui hydrolyse 25

    40% des triglycrides dans lestomac (Armand, 2008), librant des acides gras libres

    directement absorbs dans la muqueuse gastrique. Carriere et al. (2000) ont tudi les effets

    des lipases gastrique et intestinale chez des volontaires sains, aprs leur avoir fait absorber un

    repas lipidique solide et/ou liquide (repas principalement riche en triglycrides).

    La recherche des produits du catabolisme des triglycrides (diglycrides,

    monoglycrides, acides gras libres) la sortie de lestomac et au niveau du duodnum t le

    principal indicateur du degr de lipolyse. Les auteurs ont rapport (en se rfrant aux masses

    molculaires des composs dtects) la prsence de triglycrides, de diglycrides, de

    monoglycrides et dacides gras libres dans les liquides gastriques et duodnaux. Dans

    lintestin, les enzymes pancratiques sont nombreuses et de structures varies (Coan et Travis,

    1972; Terata et Nakanuma, 1995; Rose et al., 2003).

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 16

    On distingue les enzymes protolytiques (trypsine, chymotrypsine, carboxypeptidases

    etc), les enzymes lipolytiques (lipase, phospholipase etc), les enzymes glycolytiques

    (amylase) et les enzymes nuclolytiques (ribonuclase, DNAse etc). La bile quant elle est

    secrte par le foie, et est stocke dans la vsicule biliaire sous la forme dacides biliaires

    (Hoffmann, 1994a). Dverss dans le duodnum, les acides biliaires sont prsents dans les

    autres compartiments de lintestin grle, et en faible concentration dans le clon (Hoffmann,

    1994b). Les acides biliaires ont un rle essentiel dans lmulsification des graisses.

    Lmulsion qui en rsulte est attaque par les lipases pancratiques. Ces dernires terminent la

    digestion des matires grasses, et conduisent la formation dacides gras libres, de

    monoglycrides et de lysophospholipides (Armand, 2008).

    1.2. Fonction dabsorption

    Labsorption est le processus qui permet le passage slectif des nutriments dans la

    circulation sanguine. Elle a lieu pour lessentiel dans lintestin grle. Les mcanismes

    dabsorption diffrent selon les substances absorbes (Leverve, 1999). Dans le cas des

    protines, leur digestion aboutit la libration de peptides et dacides amins qui sont

    absorbs au niveau des entrocytes de lintestin grle, par un mcanisme actif impliquant un

    transporteur et un apport dnergie. Le transporteur est diffrent selon quil sagisse dacides

    amins neutres, acides ou basiques (Gardner, 1994). Labsorption des peptides est

    quantitativement trs faible, mais reste possible (Gardner, 1994; Chabance et al., 1998).

    Labsorption des lipides fait intervenir des mcanismes complexes. Leur solubilisation

    sous la forme de micelles ncessite une quantit suffisante de sels biliaires dans la lumire

    intestinale. Les micelles se dissocient par la suite, facilitant le passage des constituants

    lipidiques dans la membrane des entrocytes, lexclusion des sels biliaires qui restent dans

    la lumire intestinale.

    Dans lentrocyte seffectue la synthse de triglycrides et dapolipoprotines.

    Lassociation de triglycrides, dapolipoprotines, de phospholipides et de cholestrol forme

    les chylomicrons (Tso, 1994). Labsorption des glucides comme le glucose, le galactose et le

    fructose se fait principalement au niveau du duodnum et du jjunum (respectivement premier

    et deuxime compartiment de lintestin grle). Le glucose et le galactose sont absorbs selon

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 17

    un mcanisme actif alors que labsorption du fructose se fait par diffusion facilite. Les

    glucides non absorbs arrivent dans le clon o ils sont hydrolyss en sucres simples sous

    laction de la microflore colique (Cummings, 1995). Au niveau des minraux, labsorption est

    fonction de la nature du minral impliqu. Lexemple du fer montre que ce dernier est absorb

    au niveau du duodnum et du jjunum, selon un processus actif rgul en fonction de ltat

    des stocks de fer (Andrew, 1999). Labsorption du fer dpend de sa forme physicochimique.

    Le fer organique li lhmoglobine est absorb plus vite que le fer inorganique ferreux, ce

    dernier encore plus rapidement que le fer ferrique.

    Les vitamines hydrosolubles sont absorbes dans le duodnum et le jjunum

    lexception de la vitamine B12. Cette dernire est absorbe grce un rcepteur spcifique

    prsent dans lilon (troisime compartiment de lintestin grle). Les vitamines liposolubles

    (A, D, E, K) sont absorbes avec les lipides. Cette absorption dpend de la prsence de sels

    biliaires et de la formation de micelles (Cuillerier et Marteau, 2002). Leau et les lectrolytes

    comme le Na+ sont absorbs par voie essentiellement paracellulaire (par les pores des

    jonctions serres) selon un gradient dosmolarit. La permabilit leau varie selon les sites

    du tube digestif: elle est trs faible dans lestomac mais importante dans lintestin grle et le

    clon (Cuillerier et Marteau, 2002).

    1.3. Fonction de motricit

    La motricit digestive permet le brassage du chyme, mais surtout, le contrle du temps

    de rsidence des aliments dans chaque compartiment du tube digestif. Au niveau du pharynx

    et de lsophage sont mis en uvre diffrentes activits motrices. Ces activits, contrles

    par le systme nerveux central, permettent dacheminer rapidement les aliments dans

    lestomac (Dent et Holloway, 1996). La fonction motrice de lestomac se manifeste dans la

    digestion des aliments. Lestomac joue un rle de rservoir et intervient dans le brassage et le

    broyage des aliments. La vidange gastrique dpend du volume de laliment prsent et de sa

    composition. La vidange des liquides est plus rapide que celle des solides (Malmud et al.,

    1982). La rgulation de la motricit et de la vidange gastrique est complexe (Cuillerier et

    Marteau, 2002). Les diffrentes activits motrices de lestomac assurent le passage du contenu

    du bol alimentaire vers le duodnum.

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 18

    Lintestin grle facilite le mlange de laliment avec les scrtions enzymatiques et

    biliaires, et favorise la progression de laliment vers le clon (Bassotti et al., 1999; Rao,

    2009). Le clon, dans les conditions physiologiques, remplit une triple fonction. La premire

    est lachvement de labsorption de leau, des lectrolytes et des sels biliaires non absorbs

    dans lintestin grle. La seconde est la fermentation des rsidus glucidiques, source de

    facteurs trophiques pour la muqueuse colique, et dnergie pour lorganisme. La troisime est

    le stockage des rsidus de la digestion (Ducrotte et Gourcerol, 2005).

    Lactivit motrice du clon intervient dans la progression du contenu intestinal et dans

    la fonction de rservoir (Camilleri et Ford, 1998). La motricit colique varie au cours du

    nycthmre: elle est faible pendant le sommeil, elle augmente aprs les repas ou lors dune

    activit physique. Lanus et le rectum ont pour fonction essentielle dassurer la continence ou

    la dfcation. Leur motricit et leur physiologie sarticulent autour dun quilibre entre ces

    deux fonctions. Ces fonctions sont sous le contrle de lindividu qui choisit de rpondre ou

    non ce besoin en fonction des conditions dans lesquelles il se trouve (Ducrotte et Gourcerol,

    2005).

    1.4. Fonction de barrire slective

    Le tube digestif est quip de nombreux moyens de dfense contre des

    microorganismes pathognes (Marteau, 2000b). La motricit gastro-intestinale est un moyen

    de contrle des populations bactriennes dans lintestin. Lacidit de lestomac est une

    barrire la survie des microorganismes. Toutefois, certains microorganismes peuvent

    survivre durant la traverse de lestomac, grce une capacit intrinsque leve de rsistance

    lacidit, ou la faveur dune baisse de la scrtion acide de lhte, ou bien la protection

    confre par certains aliments pouvoir tampon lev (Mahida et al., 1997; Marteau, 2000b).

    Les scrtions acides, biliaires et enzymatiques ont des effets bactriostatiques voire

    bactricides. Le mucus exerce des proprits dadhrence en mimant les rcepteurs bactriens.

    La flore endogne soppose le plus souvent la colonisation du tube digestif par des

    microorganismes trangers. Ces diffrents moyens de dfense constituent des barrires de

    protection. En cas de rupture de cette barrire, il est possible dassister une prolifration de

    microorganismes pathognes dans le clon, cest le cas notamment de Clostridium difficile

    (Marteau, 2000c). Dautres moyens de dfense existent et se rapportent limmunit digestive

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 19

    (Mestecky, 1998). En effet, lintestin est le premier organe immunitaire de lorganisme. Sa

    muqueuse renferme environ 60% des cellules immunitaires qui assurent deux types de

    rponse immunitaire. La rponse immunitaire mdiation cellulaire qui est assure par les

    lymphocytes T de la muqueuse intestinale, et la rponse immunitaire mdiation humorale

    qui est assure par des anticorps, principalement des immunoglobulines de type A (Mestecky,

    1998; Cellier et al., 2000).

    1.5. Appareil digestif et milieux artificiels simuls

    Dans la littrature scientifique, des modles exprimentaux de simulation gastro-

    intestinale ont t dcrits. Ces modles valuent la tolrance des microorganismes lacidit,

    la bile et aux enzymes. On retrouve globalement deux types de modles exprimentaux,

    mieux connus sous les appellations de "modle conventionnel" et de "modle dynamique". Le

    modle dynamique diffre du conventionnel par son caractre semi-automatis. Diffrentes

    approches de simulation ont t proposes. Le modle conventionnel simule soit la partie

    gastrique du tube digestif, soit la partie intestinale.

    De faon gnrale, le modle conventionnel est constitu dun racteur contenant le

    liquide artificiel. Par contre, le modle dynamique est constitu de plusieurs racteurs. Le

    racteur est le plus souvent un rcipient en verre (bcher, erlenmeyer) ou non (tube Falcon,

    microplaque etc). A lorigine, le modle dynamique tait compos de cinq racteurs

    interconnects. Les racteurs 1 et 2 ont respectivement simul lestomac et lintestin grle,

    alors que les racteurs 3, 4 et 5 ont simul les trois compartiments du clon (clon ascendant,

    clon transverse et clon descendant) (Molly et al., 1993). Par la suite, le modle est pass

    quatre racteurs qui ont simul cette fois-ci lestomac, et les trois compartiments de lintestin

    grle (duodnum, jjunum et ilon) (Minekus et al., 1995). Les modles proposs par la suite

    sont passs deux racteurs, dont lun a permis de simuler lestomac et lautre la partie

    suprieure de lintestin grle (Mainville et al., 2005).

    Le rcent modle propos par Barmpalia-Davis et al., (2008), plus labor dans son

    architecture, comprenait les lments suivants: deux racteurs dune capacit de 500 mL,

    quatre pompes pristaltiques, deux pH-mtres et un bain-marie stabilis 37C. Le racteur 1

    a simul lestomac, le racteur 2 a simul toute la partie intestinale. La pompe 1 a dlivr un

    aliment liquide dans le racteur 1 (estomac). La pompe 2 a transfr laliment liquide du

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 20

    racteur 1 vers le racteur 2 (partie intestinale). La pompe 3 a dlivr la bile dans le racteur

    2. La pompe 4 a aussi dlivr des scrtions pancratiques dans le racteur 2. Le pH-mtre 1 a

    contrl le pH du racteur 1 et le pH-mtre 2 a contrl celui du racteur 2. Lensemble du

    dispositif a t coupl un ordinateur central.

    Un modle dynamique de simulation exclusive des diffrents compartiments du clon

    a t dcrit dans la littrature (Macfarlane et al., 1998; FSA, 2005). Quel que soit le type de

    modle utilis, celui-ci doit contenir un liquide de simulation gastro-intestinale. Les

    principaux liquides artificiels utiliss pour la simulation de la partie gastrique sont dtaills

    dans le tableau 1.

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 21

    Tableau 1. Composition des principaux milieux utiliss pour la simulation du liquide gastrique.

    Nature et composition du milieu pH Concentration en pepsine (g/L)

    Volume (mL)

    Dure de lexposition (min)

    Rfrences

    Milieu base de NaCl (2 g/L) 1,55 1,55 2 2 et 3

    0 0 0 0

    10 10 5 10

    120 180 60 120

    Krasaekoopt et al. (2004) Lee et Heo (2000) Annan et al. (2008) Hansen et al. (2002)

    Milieu base de NaCl (5 g/L) 2 2 2 et 3

    3 3 3

    10 2 10

    60 180 240

    Chen et al. (2006) Michida et al. (2006) Lian et al. (2003)

    Milieu base de NaCl (8,5 g/L) 2,5 1,5 ; 2 et 3 2

    3 3 0

    np np 30

    90 90 120

    de Giulio et al. (2005) Izquierdo et al. (2008) Shima et al. (2006)

    Milieu base de NaCl (9 g/L) 1,8 3 10 120 Gbassi et al. (2009)

    Milieu base de HCl (3,65 g/L) 1,1 1,9 1 et 2

    0 0,26 0

    10 80 np

    120 30 120

    Graff et al. (2008) Picot et Lacroix (2004) Favaro-Trindade et Grosso (2002)

    Milieu base de MRS (55 g/L) 2 0 np 120 Ding et Shah (2007)

    Milieu base de peptone (7,5 g/L) 1 ; 2 et 3 0,3 10 20 FSA (2005)

    Milieu base de fromage (8,5 g/L) 2,5 et 3 2 et 3

    0,016 0

    np np

    120 180

    Madureira et al. (2005) Vinderola et al. (2000)

    Milieu contenant glucose (3,50 g/L) NaCl (2,05 g/L) KCl (0,37 g/L) KH2PO4 (0,60 g/L) CaCl2 (0,11 g/L) bile de porc (0,05 g/L) et lysosyme (0,10 g/L)

    2

    0,013

    np

    90

    Corcoran et al. (2005)

    Milieu contenant lait crm (12 g/L) glucose (2 g/L) extraits de levures (1 g/L) et cystine (0,05 g/L)

    2 et 3 2 et 3

    0 0

    10 10

    60 180

    Chandramouli et al. (2004) Sultana et al. (2000)

    (np) non prcis

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 22

    A la lecture du tableau 1, il est vident que les milieux proposs sont de nature et de

    composition variables. Ces milieux ont t utiliss pour tudier la tolrance des probiotiques

    lacidit. Une prfrence pour le milieu NaCl a t constate. Plus de la moiti des auteurs

    lont propos. Il est noter que les concentrations de 2 et 5 g/L de NaCl utilises semblent

    insuffisantes pour maintenir lisotonie du milieu. En effet, dans le contexte dune cellule, le

    compartiment intracellulaire et le compartiment extracellulaire sont spars par une

    membrane plasmique semi-permable.

    Pour les soluts qui ne peuvent traverser passivement la membrane plasmique, il

    sapplique alors le phnomne dosmose. Leau va diffuser vers le compartiment qui est le

    plus concentr pour diluer le solut qui ne peut traverser la membrane plasmique, et remdier

    ainsi la diffrence de concentration en soluts de part et dautre de la membrane. Une

    solution isotonique par rapport au milieu intracellulaire contient une quantit de soluts

    dissous gale celle du cytoplasme.

    Dans les procdures microbiologiques ncessitant lutilisation de diluant isotonique, le

    srum physiologique 0,9% (9 g/L de NaCl) est utilis pour la suspension et/ou la dilution de

    microorganismes non exigeants. Il est galement utilis pour la prparation de suspension de

    cellules microbiennes, comme les suspensions de bactries. Il a t recommand par la socit

    amricaine de microbiologie dans les tests de tolrance aux substances antimicrobiennes

    (Gerhardt, 1981; Chapin et Lauderdale, 2003). Les auteurs ont rapport que le phosphate

    (Na2HPO4, NaH2PO4, K2HPO4 et KH2PO4) peut tre ajout au milieu NaCl pour le

    tamponner. Dans ce cas, la concentration en NaCl doit tre ramene entre 8 et 8,5 g/L.

    Le NaCl fournit un milieu isotonique qui maintient lintgrit et la viabilit des

    cellules microbiennes. En outre, les phosphates garantissent une valeur de pH physiologique

    stable (entre 5,8 et 7,4) cause de leur pouvoir tampon, ce qui participe au maintien de la

    viabilit des cellules. Cette stabilit du pH est perturbe ds lors que le milieu est acidifi,

    des pH semblables ceux rencontrs dans le liquide gastrique.

    Lutilisation dune solution aqueuse dacide chlorhydrique en tant que milieu gastrique

    artificiel peut tre prjudiciable la survie des microorganismes, du fait dun manque

    disotonie. Les milieux base de MRS et de peptone, ainsi que les milieux contenant des

    ingrdients alimentaires (fromage, lait crm), au-del des lments nutritifs quils peuvent

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

    http://en.wikipedia.org/wiki/Disodium_phosphatehttp://en.wikipedia.org/wiki/Disodium_phosphatehttp://en.wikipedia.org/wiki/Monosodium_phosphatehttp://en.wikipedia.org/wiki/Monosodium_phosphate

  • 23

    procurer la cellule, peuvent se rvler instables en cas de modification du pH. Cest le cas de

    certaines protines comme lalbumine bovine srique qui est hydrolyse en milieu acide.

    Concernant le degr dacidit des milieux proposs, il est noter que les valeurs de pH varient

    entre 1 et 3. Cet intervalle de pH couvre les valeurs de pH gnralement observes au niveau

    gastrique chez lhomme (Lubran, 1966).

    Au cours dune investigation clinique portant sur lvaluation du degr dacidit du

    liquide gastrique humain, Lubran (1966) a dos par titrimtrie 177 chantillons de liquide

    gastrique, prlevs par intubation, chez des sujets sains. Lauteur a rapport que les valeurs de

    pH obtenues taient toutes infrieures 3, et a mis en vidence trois valeurs frquentes (pH

    1,02; 1,50 et 2,39). Labsence de donnes rcentes sur les valeurs de pH du liquide gastrique

    tmoigne de la complexit de la mesure de lacidit gastrique chez lhomme (Lubran, 1966;

    Christiansen, 1967).

    Lun des obstacles la mesure de lacidit gastrique demeure lchantillonnage. En

    effet, la technique daspiration du liquide gastrique (par intubation) est une contrainte la

    slection de potentiels volontaires sains. Le second obstacle se rapporte au dosage de lacidit

    du liquide gastrique et linterprtation des rsultats de ce dosage. Le liquide gastrique est un

    mlange dacide fort (acide chlorhydrique) et dacides faibles (acides organiques comme

    lacide citrique) (Lubran, 1966).

    Le dosage de lacide chlorhydrique, qui est un bon indicateur de lacidit gastrique,

    reflte mieux la ralit lorsque le point final du dosage est fix pH 3,5 (Lubran, 1966;

    Christiansen, 1967) et non pH 7 (Bock, 1962; Baron, 1963). Pour Pratha et al. (2001), la

    production inconstante dacide chlorhydrique dans lestomac ne permet pas de garantir un pH

    stable. Linstabilit du pH gastrique est galement d au volume de liquide gastrique qui nest

    pas toujours constant la sortie de lestomac (Pratha et al., 2001). En pratique, la mesure du

    pH demeure le procd en vigueur pour dterminer le degr dacidit dun milieu gastrique

    artificiel.

    Dans le tableau 1, la pepsine a parfois t utilise comme modle denzyme gastrique.

    Des divergences ont t notes quant la concentration de pepsine utilise. Les donnes de la

    littrature sur la physiologie digestive mentionnent la prsence de pepsine au niveau gastrique

    (Hersey, 1994; Tobey et al., 2001; Roberts et al., 2007). Par contre, aucune information nest

    ce jour disponible sur la concentration exacte de cette enzyme au niveau gastrique. Cela

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 24

    sexplique par le fait que la pepsine est scrte sous la forme de pepsinogne (forme

    inactive) qui est ensuite active en pepsine en fonction du pH du milieu (Hersey, 1994).

    Lactivit de la pepsine ncessite un pH < 5,6. Cette activit est optimale pour des valeurs de

    pH comprises entre 1,7 et 3,5 (Hersey, 1994; Tobey et al., 2001). Tout milieu gastrique

    artificiel doit donc inclure cette enzyme dans sa composition.

    Sagissant du volume de liquide gastrique utilis pour la simulation in vitro, de

    nombreux auteurs ont omis de le mentionner dans leurs publications (Vinderola et al., 2000;

    Favaro-Trindade et Grosso, 2002; Corcoran et al., 2005; Madureira et al., 2005; de Giulio et

    al., 2005; Ding et Shah, 2007; Izquierdo et al., 2008). Toutefois, un volume de 10 mL a t

    rapport dans la plupart des tudes. Ce volume bien que trop faible pour reprsenter le liquide

    gastrique, peut cependant se justifier par des besoins dconomie en consommables (ractifs,

    enzymes etc) et de praticabilit lors des manipulations. Les donnes de la littrature sont

    quasi-inexistantes en ce qui concerne le volume dun estomac rempli ou jeun.

    Enfin, pour ce qui est de la dure dincubation dans les milieux artificiels, il a t

    observ des divergences. Une dure de 120 min a t note dans 40% des cas. Des dures de

    180 min (20% des cas) ou de 60 et 90 min (15% des cas) ont galement t observes. Des

    dures de 20 min (FSA, 2005) ou de 30 min (Picot et Lacroix, 2004) sont trop faibles,

    largement en dea de la dure du sjour de laliment dans lestomac. A loppos, une dure de

    240 min dans le milieu gastrique artificiel apparat excessive (Lian et al., 2003). En effet,

    Malmud et al. (1982) au cours dune tude clinique, ont montr quune dure de 120 min tait

    ncessaire pour assurer la vidange gastrique de 60% dun repas semi-solide, et de 90% dun

    repas liquide. Graff et al. (2000) ont aussi montr quune dure moyenne de 120 min dans

    lestomac tait necessaire pour assurer la vidange de la moiti de son contenu (aliment semi-

    solide). Une tude mene chez des sujets dun plus jeune ge (5 10 ans) a conclu une

    dure moyenne de 107 min pour assurer la vidange de la moiti du contenu de lestomac de

    ces enfants, aprs absorption dun repas semi-solide (Singh et al., 2006). Une dure

    dincubation de 120 min est donc raisonnable pour le sjour des probiotiques dans un milieu

    gastrique artificiel.

    Dans le tableau 2 sont prsents les milieux artificiels utiliss pour la simulation de la

    partie intestinale. Les milieux contenant uniquement la bile en solution aqueuse nont pas t

    rpertoris dans ce tableau. En effet, la bile ne saurait reprsenter elle seule le liquide

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 25

    intestinal simul. Dans lintestin grle se trouvent la bile et le suc pancratique. Ce dernier

    contient des enzymes pancratiques (Cuillerier et Marteau, 2002; Ouwehand et Vesterlund,

    2003). Les tudes associant la prsence de bile et dau moins une enzyme pancratique ont t

    privilgies.

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 26

    Tableau 2. Composition des principaux milieux utiliss pour la simulation du liquide intestinal.

    Nature du milieu pH Concentration en bile (g/L)

    Concentration en enzymes (g/L)

    Volume (mL)

    Dure de lexposition (min)

    Rfrences

    Pancratine Trypsine

    Milieu base de Na2HPO4 (2,84 g/L)

    7,5 150 1,95 0 np 360 Picot et Lacroix (2004)

    Milieu base de PBS (1 mol/L) 8 1 1 0 np 120 FSA (2005)

    Milieu base de PBS (np)

    7,4 2 1 0 np 180 Duc et al. (2004)

    Milieu base de NaCl (5 g/L) 8 45 1 0 np 180 Michida et al. (2006)

    Milieu base de NaHCO3 (25,2 g/L) 6,5 40 3,5 0,1 np 240 Barmpalia-Davis et al. (2008)

    np (non prcis), PBS (phosphate buffered saline) dfinit en ralit un milieu compos de plusieurs sels (Gerhardt, 1981; NCCLS, 2000; Chapin et Lauderdale, 2003).

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 27

    A la lecture du tableau 2, on remarque que les milieux utiliss sont base de sels de

    sodium (phosphate, chlorure et carbonate). Si le chlorure de sodium 9 g/L a t recommand

    par la socit amricaine de microbiologie pour son caractre isotonique (Gerhardt, 1981 ;

    Chapin et Lauderdale, 2003) et le phosphate conseill pour son effet tampon, peu

    dinformations sont disponibles quant lutilisation du carbonate de sodium. Les sels de

    sodium ont t utiliss des concentrations diverses (2,84 g/L pour le phosphate de sodium; 5

    g/L pour le chlorure de sodium et 25,2 g/L pour le carbonate de sodium).

    Lutilisation du phosphate de potassium (KH2PO4) la concentration de 6,8 g/L a t

    mentionne dans la littrature (Krasaekoopt et al., 2004). Le PBS utilis la concentration de

    1 mol/L prte confusion. Le terme PBS (phosphate buffered saline) dsigne un milieu salin

    tamponn en phosphate. En ralit, cest un milieu qui est compos principalement de NaCl

    auquel dautres sels ont t ajouts. On y retrouve du NaCl (8,5 g/L), du K2HPO4 (1,1 g/L) et

    du KH2PO4 (0,32 g/L) (Gerhardt, 1981). Parfois, il est compos de NaCl (8 g/L), de Na2HPO4

    (1,44 g/L) et de KH2PO4 (0,24 g/L) (Chapin et Lauderdale, 2003). Il est parfois utilis tort

    pour dsigner une solution aqueuse contenant exclusivement du chlorure de sodium (Shima et

    al., 2006). Dans bien des cas, la composition du PBS na pas t mentionne (Duc et al.,

    2004; FSA, 2005). De plus, cest un milieu dont les concentrations en sels peuvent tre

    ajustes, ou compltes par dautres sels, en fonction des besoins recherchs (NCCLS, 2000).

    Les valeurs de pH utilises par les diffrents auteurs sont comprises entre 6,5 et 8. Ces

    valeurs refltent bien le pH habituellement retrouv au niveau de lintestin grle (Vandamme

    et al., 2002). La dure dincubation des probiotiques dans le liquide intestinal artificiel a t

    de 120, 180, 240 voire 360 min. Labsence de donnes scientifiques publies sur la dure de

    transit dans lintestin grle peut expliquer les diffrences de dure dincubation constates.

    Toutefois, une tude clinique non confirme, conduite par Graff et al. (2000), a montr quil

    faut en moyenne 4 h (240 min) pour quun aliment semi-solide et radiomarqu parcourt les

    diffrents compartiments de lintestin grle (duodnum, jjunum, ilon et caecum). Des

    tudes complmentaires menes avec plusieurs aliments (solide et liquide) sont ncessaires

    pour valider de telles informations.

    Pour ce qui est de la concentration en bile et en enzymes, aucune donne publie ce

    jour ne permet de prciser les teneurs exactes, ce qui peut expliquer les variations normes

    constates dun auteur un autre (1, 2, 40, 45 et 150 g/L dans le cas de la bile).

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

    http://en.wikipedia.org/wiki/Monosodium_phosphatehttp://en.wikipedia.org/wiki/Monosodium_phosphatehttp://en.wikipedia.org/wiki/Monosodium_phosphatehttp://en.wikipedia.org/wiki/Monosodium_phosphate

  • 28

    De nombreux auteurs se sont limits au test de tolrance la bile pour prsager du

    comportement des probiotiques dans lintestin. Diffrents liquides biliaires (bile porcine, bile

    bovine, bile oxgall, sels biliaires) ont t utiliss diverses concentrations et dures

    dincubation. Une trs grande disparit tant des concentrations que des dures dincubation a

    t note: 3 g/L durant 2 h dincubation (Madureira et al., 2005), 5 et 10 g/L durant 3 h

    (Hansen et al., 2002) ou 6 h ( Hansen et al., 2002; Chandramouli et al., 2004), 6 g/L durant

    2,5 h (Krasaekoopt et al., 2004) ou 6 et 12 h (Lee et Heo, 2000), 6 et 20 g/L durant 4 h (Lian

    et al., 2003), 10 et 20 g/L durant 3 h (Sultana et al., 2000) et 30 g/L durant 4 et 8 h (Ding et

    Shah, 2007).

    En se rfrant aux principales fonctions de lappareil digestif humain dcrit

    prcdemment, il semble impossible de mimer les aspects mcaniques de la digestion

    (mouvements de broyage, de trituration et de pristaltisme etc). Par contre, la simulation des

    aspects physicochimiques de la digestion (pH, temprature, prsence de bile et denzymes

    pancratiques etc) apparat tre un moyen simple de reproduire de faon artificielle les

    conditions dans lestomac ou dans lintestin grle. Les tudes rsumes dans les tableaux 1 et

    2 le montrent clairement. Ces tudes font galement ressortir labsence de protocole standard

    dans lvaluation de la tolrance des probiotiques aux conditions gastrointestinales. La

    recherche dun consensus dans la mise en place dun protocole standard devra se faire dans le

    respect des conditions du tractus gastro-intestinal. La dure dincubation, le choix des valeurs

    de pH, la prsence denzymes gastrique et intestinale, la prsence de bile sont des facteurs

    essentiels dont il faut tenir compte. Ces facteurs doivent reflter autant que possible la ralit

    chez lhomme.

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 29

    2. Microflore intestinale et probiotiques

    2.1. Composition et fonctions de la microflore intestinale

    Les animaux ainsi que les tres humains vivent en quilibre avec une flore

    microbienne extrmement dense et varie quils abritent pour lessentiel dans la cavit de leur

    tube digestif. Cette flore reprsente un cosystme trs complexe dont la composition est

    extrmement stable chez un individu donn, mais trs variable dun individu un autre, en

    fonction notamment des habitudes alimentaires (Tannock, 1999). Si lon exclut la bouche,

    directement en contact avec le milieu extrieur, les populations bactriennes prsentes dans le

    tube digestif augmentent progressivement de lestomac jusquau clon (figure 2).

    Figure 2. Schma des compartiments de lappareil digestif de lhomme et leurs microflores (adapt de Ouwehand et Vesterlund, 2003)

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

    pH acide (HCl), O2, enzymes (pepsine, lipase), mucus. Microflore: 104 UFC/g Helicobacter pylori Lactobacilles Streptocoques Estomac

    Mucus, pristaltisme. Seuls les

    microorganismes provenant des aliments ou de la cavit buccale

    sont prsents. Oesophage

    Ilon Anarobiose, sels biliaires, enzymes. Microflore: 107-108 UFC/g Bactrodes, Clostridies Enterobactries, Entrocoques Lactobacilles, Veillonelles

    Scrtions pancratiques et biliaires, mucus, O2 faible. Microflore: 103-104 UFC/g

    Bactrodes Lactobacilles

    Streptocoques Duodnum

    Jjunum Scrtions pancratiques et biliaires, mucus, pristaltisme. Microflore: 105-107 UFC/g Bactrodes Lactobacilles Streptocoques

    Colon Anarobiose, motricit,

    enzymes bactriennes, acides gras volatiles, ammoniaque

    Microflore: 1010-1011 UFC/g Bactrodes, Bifidobactries,

    Clostridies, Entrocoques, Eubactries, Fusobactries,

    Bacilles, Peptostreptocoques Ruminicoques, Streptocoques

  • 30

    Comme le montre la figure 2, lenvironnement gastro-intestinal comprend trois rgions

    principales (estomac, intestin grle et clon) qui offrent des conditions trs diffrentes pour la

    survie des microorganismes. Dans le premier compartiment quest lestomac, la prolifration

    microbienne est fortement rduite cause de loxygne apport par la dglutition et par la

    prsence dune forte acidit. Lestomac hberge slectivement les microorganismes qui

    tolrent lacidit du milieu et qui vivent en arobiose. Cest le cas par exemple de

    Helicobacter pylori (bactrie pathogne) qui est responsable des ulcres gastriques et

    duodnaux.

    Dans le deuxime compartiment quest lintestin grle (duodnum, jjunum, ilon), la

    microflore est assez constante. On note par ailleurs la prsence dautres bactries au niveau de

    lilon (bactrodes, clostridies, entrobactries, entrocoques etc). Dans le dernier

    compartiment quest le clon, le transit digestif est plus lent, et la flore microbienne est plus

    abondante, reprsentant 35 50 % du volume du contenu du clon (Cummings et al., 1989;

    Gournier-Chteau,1994).

    Il faut savoir quune partie de la flore gastro-intestinale (fraction minoritaire) demeure

    non cultivable et moins explore, et ce pour diverses raisons: mconnaissance des besoins de

    croissance de certaines bactries, slectivit des milieux utiliss, stress d aux conditions de

    culture, ncessit danarobiose stricte, difficult stimuler les interactions entre les bactries

    et les autres microorganismes ou les cellules de lhte (Zoetendal et al., 2004). La stabilit de

    lcosystme intestinal est due la prsence de mcanismes de rgulation et de dfense

    propres lhte ou la microflore rsidente. Les populations microbiennes affectent les

    fonctions digestives et la physiologie de lpithlium intestinal par leurs activits

    mtaboliques (Roberfroid et al., 1995). De nombreuses bactries intestinales participent la

    dcomposition des substances non digres comme les fibres, les amidons et les sucres

    (Gibson et Roberfroid, 1995). Une autre fonction exerce par la microflore intestinale est la

    stimulation du systme immunitaire de lhte. Des tudes ont montr que la flore intestinale

    stimule lactivit phagocytaire (Nicaise et al., 1993) et la scrtion de cytokines par les

    macrophages (Nicaise et al., 1999). La reconnaissance de la microflore endogne par le

    systme immunitaire de lhte se traduit par la production danticorps locaux et systmiques

    (Apperloo-Renkema et al., 1993). Diffrents facteurs endognes contribuent maintenir le

    bon fonctionnement de la microflore, contrlant ainsi lhomostasie intestinale (contrle des

    quilibres hydrolectrolytique et acido-basique).

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 31

    Parmi ces facteurs endognes, on retrouve le pH, les scrtions biliaires et

    pancratiques, les interactions microbiennes, le mucus et le pristaltisme (Holzapel et al.,

    1998). Les facteurs exognes comme la composition du rgime alimentaire, les circonstances

    environnementales (antibiothrapie, chimiothrapie, stress, hygine etc) modifient le

    fonctionnement de la microflore intestinale (Hopkins et al., 2002). A noter galement quavec

    lge, il est possible dobserver une modification de la flore de putrfaction, faisant apparatre

    des troubles du transit, une baisse du tonus intestinal, et une sensibilit accrue aux infections.

    Dans bien des cas, lquilibre de la microflore intestinale est perturb, favorisant la

    prolifration de microorganismes pathognes, ce qui peut compromettre la sant et le bien-

    tre de lhte. La restauration de lquilibre de la microflore intestinale par lutilisation de

    probiotiques apparat tre une alternative prometteuse. Les probiotiques, une fois ingrs, sont

    capables de rgnrer la microflore et de contribuer renforcer les dfenses de lorganisme.

    2.2. Microorganismes activit probiotique

    Le terme probiotique drive de deux mots grecs ''pros'' et ''bios'' qui signifient

    littralement ''pour la vie'', contrairement au terme antibiotique qui signifie ''contre la vie''.

    Cest sans doute Vergin (1954) qui a introduit pour la premire fois le terme de probiotique,

    en comparant dans un crit intitul Anti-und Probiotika les effets dltres des

    antibiotiques sur la flore avec les effets bnfiques de substances produites par certaines

    bactries. Quelques annes plus tard, Lilly et Stillwell (1965) parlent des probiotiques comme

    des substances produites par des microorganismes, et qui stimulent la croissance dautres

    microorganismes.

    Par la suite, la dfinition du probiotique a privilgi la notion deffet bnfique sur la

    flore de lhte par rapport un effet sur la croissance. Cette dfinition qui a t propose

    par Fuller (1989) se basait sur des tudes chez lanimal. Une telle dfinition tait difficilement

    acceptable faute de marqueurs adquats de leffet sur la flore. Cette dfinition tait galement

    trs limitative car les microorganismes peuvent agir par dautres moyens quune action sur la

    flore.

    Toutefois, cette dfinition indiquait dj la recherche dun mcanisme daction et la

    flore tait le premier site daction logique. La dfinition actuelle des probiotiques est celle

    adopte par le comit mixte dexperts FAO/WHO (2002) qui les dfinit comme des

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 32

    microorganismes vivants qui, lorsquils sont administrs en quantits adquates, exercent un

    effet bnfique sur la sant de lhte. Cette dernire dfinition implique donc de dfinir des

    critres de slection des microorganismes activit probiotique.

    Le premier critre suggr par Doleyres et Lacroix (2005) est un critre technologique:

    une souche probiotique doit tre produite grande chelle partir dun concentr de cultures

    viables, survivre au cours des phases de prparation et de conservation, et tre stable jusquau

    moment de son utilisation. Le critre technologique doit galement inclure les proprits

    sensorielles (Saarela et al., 2000). Le second critre qui se rapporte la fonctionnalit de la

    souche prend en compte les effets bnfiques sur la sant (Doleyres et Lacroix, 2005; Ammor

    et Mayo, 2007).

    Les probiotiques sont principalement des bactries et des levures. On nen connait pas

    ce jour qui soit dorigine virale. La seule levure dclare probiotique au jour daujourdhui

    est saccharomyces cerevisiae Boulardii (Segarra-Newnham, 2007). Depuis trs longtemps, les

    probiotiques sont consomms dans les produits ferments, plus particulirement dans les

    produits drivs du lait (Ballongue et al., 1993). Ils bnficient du statut GRAS (Generally

    Recognized As Safe). Les principales espces de microorganismes activit probiotique sont

    rpertories dans le tableau 3.

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 33

    Tableau 3. Principales espces de microorganismes activit probiotique (adapts de Hozalpfel et al., 1998 et Shah, 2007)

    Principales espces de bactries lactiques Espces de bactries non lactiques Espces de levures

    Lactobacilles Bifidobactries Autres bactries lactiques

    - Lactobacillus acidophilus

    - Lactobacillus amylovirus

    - Lactobacillus brevis

    - Lactobacillus casei

    - Lactobacillus cellobius

    - Lactobacillus crispatus

    - Lactobacillus curvatus

    - Lactobacillus delbrueckii

    - Lactobacillus farciminis

    - Lactobacillus fermentum

    - Lactobacillus gasseri

    - Lactobacillus gallinarum

    - Lactobacillus helveticus

    - Lactobacillus johnsonii

    - Lactobacillus paracasei

    - Lactobacillus plantarum

    - Lactobacillus reuteri

    - Lactobacillus rhamnosus

    - Bifidobacterium adolescentis

    - Bifidobacterium bifidum

    - Bifidobacterium breve

    - Bifidobacterium infantis

    - Bifidobacterium lactis (reclass

    Bifidobacterium animalis)

    - Bifidobacterium laterosporus

    - Bifidobacterium longum

    - Bifidobacterium thermophilum

    - Enterococcus faecalis

    - Enterococcus faecium

    - Lactococcus lactis

    - Leuconostoc mesenteroides

    - Pediococcus acidilactici

    - Sporolactobacillus inulinus

    - Streptococcus diacetylactis

    - Streptococcus intermedius

    - Streptococcus thermophilus

    - Bacillus spp

    - Escherichia coli (souche nissle)

    - Propionibacterium freudenreichii

    Saccharomyces cerevisiae

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 34

    Lidentification des espces de probiotiques repose sur deux approches qui sont

    bases sur ltude des caractres phnotypiques et gnomiques (Charteris et al., 1997; Ammor

    et al., 2005). Lvaluation des caractres phnotypiques prend en compte les exigences

    nutritionnelles des microorganismes, leur tolrance loxygne, leur sensibilit aux

    antibiotiques, ainsi que la couleur et la morphologie des colonies formes. Lvaluation des

    caractres gnomiques (recherche dune parent gntique) fait appel aux techniques de

    biologie molculaire, en particulier lhybridation des acides nucliques: hybridation

    ADN/ADN et squenage des gnes codant lARN ribosomal (Charteris et al., 1997;

    Stackebrandt et al., 2002; Marmonier et Teyssou, 2002).

    Lactivit probiotique nest pas spcifique dune espce (Hozalpfel et al., 1998). Elle

    est plutt spcifique de la souche de microorganisme issue de lespce (de Vries et al., 2006;

    Shah, 2007). Une souche par dfinition provient dune succession de cultures drives d'une

    culture pure (le plus souvent une colonie parfaitement isole). Une souche est gnralement

    dpose dans une collection rpertorie qui lui attribue un code d'identification. La

    connaissance de ce code permet didentifier la souche de faon formelle, et offre une

    rfrence par rapport une possible volution de la souche (Azais-Braesco, 2007).

    Le fait quune souche dispose de noms diffrents prte confusion. Cest le cas par

    exemple de L. plantarum 299v qui est rpertorie sous le nom de L. plantarum DSMZ 9843

    (Johansson et al., 1998), ou encore de L. rhamnosus GG qui est rpertorie sous le nom de L.

    rhamnosus ATCC 53103 (Shah, 2004). Le reclassement de souches suite des donnes

    exprimentales rcentes peut aussi prter confusion. Cest le cas avec B. lactis Bb 12 qui est

    dsormais dsigne B. animalis Bb 12 (Shah, 2007). En ralit, B. lactis et B. animalis

    appartenaient deux espces diffrentes. Aujourdhui, ces deux espces nen font quune (B.

    animalis), celle-ci est subdivise en deux sous-espces. La nomenclature exacte est donc B.

    animalis subsp animalis et B. animalis subsp lactis (Masco et al., 2004). Malgr cette

    prcision, lappellation B. lactis Bb 12 continue dtre employe dans la littrature (Ringer-

    Kulka et al., 2009).

    Dautres formes de confusion existent, notamment avec les souches commerciales.

    Pour des raisons de confidentialit, il est difficile didentifier les probiotiques prsents sur le

    march. A titre dexemple, la souche DN-173 010 du groupe Danone, isole partir de la

    sous-espce B. animalis subsp animalis, est commercialise sous divers noms (Bifidus

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 35

    digestivum au Royaume-Uni; Bifidus regularis aux tats-Unis et au Mexique; Bifidus

    actiregularis dans les pays de la zone Euro etc). Cest galement le cas avec la souche BB-12

    du groupe Chr. Hansen

    . La socit continue de commercialiser sous la marque BB-12 les

    deux sous espces B. animalis subsp animalis et B. animalis subsp lactis.

    2.3. Probiotiques et allgations

    Le mot "allgation" est d'origine latine, il est synonyme d'affirmation, de dclaration

    ou de prtention. Les allgations restent des affirmations sans preuves, jusqu' ce qu'elles

    puissent tre prouves. Ce mot prend de lampleur dans le domaine de lalimentation, avec le

    concept dallgation nutritionnelle (nonce une proprit nutritionnelle particulire).

    Dautres concepts sont apparus entre temps, savoir les allgations fonctionnelles

    (dcrivent leffet dun ingrdient sur les fonctions normales de lorganisme), les allgations

    sant (dcrivent lamlioration dune fonction dans un sens favorable la sant) et les

    allgations thrapeutiques (prsentent lingrdient alimentaire comme possdant des

    proprits de prvention, de traitement ou de gurison). La classification des allgations, tire

    de lannexe I des directives du codex alimentarius, est reprsente la figure 3 (Cynober,

    2008).

    Figure 3. Classification des diffrentes allgations (adapt de Cynober, 2008)

    Eleve

    ALLGATIONS

    Nutritionnelle Fonctionnelle Sant Thrapeutique

    NIVEAU DE PRECISION DE LALLGATION

    Faible

    Fort

    FACILITE DEMPLOI DE LALLGATION

    Faible

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 36

    Le codex alimentarius distingue deux catgories dallgations sant. La premire est

    "toute vocation dune amlioration dune fonction et/ou dun paramtre physiologique,

    biologique, psychologique dans le sens dapporter une contribution positive la sant ". La

    seconde est "toute vocation dune relation entre un aliment ou un de ses composants et un

    tat li la sant, ou relative la rduction du risque de maladies, sans faire rfrence une

    maladie prcise".

    En Europe, la commission europenne, appuye par les tats membres, a promulgu

    un rglement spcifique sur cette question, le rglement n 1924/2006 (JOUE, 2007; Baelde,

    2008; Bourlioux, 2008). Ce rglement englobe dans les allgations sant, celles qui dcrivent

    ou mentionnent le rle dun nutriment ou dune substance dans la croissance ou le

    dveloppement de lorganisme, dans les fonctions psychologiques ou comportementales, dans

    le contrle du poids, et dans la baisse dun facteur de risque de maladies humaines.

    En prenant en compte la "baisse dun facteur de risque de maladies humaines" qui

    peut tre assimile une action de prvention de survenue de maladies, la commission

    europenne a franchi un pas en se rapprochant de la frontire du mdicament, et en interdisant

    par la mme occasion les allgations thrapeutiques. La prvention de risque de maladies

    figure dans la dfinition du mdicament. Un mdicament est dfini comme "toute substance

    ou composition prsente comme possdant des proprits curatives ou prventives lgard

    de maladies humaines ou animales " (article L511 du code franais de la sant publique).

    Une lgislation inadquate et des amalgames gnrent trs souvent la confusion (Cynober,

    2006).

    De nombreux ingrdients contenus dans les aliments revendiquent des effets

    bnfiques sur la sant par le biais dallgations, et les probiotiques nchappent pas ce

    phnomne. Pour ces microorganismes, il sagit surtout dallgations fonctionnelles ou de

    sant qui mritent dtre prouves. Il faut donc apporter la preuve du bnfice li la

    consommation de quantits habituelles du probiotique par la population cible. Si des lments

    exprimentaux sur des cellules ou des animaux sont utiles, la preuve clinique, obtenue par des

    tudes conformes la mthodologie reconnue, est indispensable. Analysons quelques donnes

    publies sur les effets bnfiques ou non de quelques souches de probiotiques.

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 37

    L. rhamnosus GG (L. rhamnosus ATCC 53103)

    Le premier constat qui se dgage de ltude de cette souche est le nombre de

    publications scientifiques qui lui ont t consacres. Sur lensemble des tudes publies de

    1988 1998 portant sur les effets des probiotiques, environ 45% ont t consacres L.

    rhamnosus GG (de Roos et Katan, 2000). Les auteurs ont rvl que la prise quotidienne de L.

    rhamnosus GG retarde la phase diarrhique des infections lies au rotavirus. La preuve dune

    prvention des diarrhes lies des toxines bactriennes (E. coli enterotoxinogne) a t

    moins vidente. Une efficacit dans la lutte contre les diarrhes causes par C. difficile a t

    allgue cette souche (Shah, 2007).

    Une autre excellente revue de la littrature est parue dans les annales de

    pharmacothrapie (Segarra-Newnham, 2007). Lauteur a pass en revue la littrature mdicale

    (de janvier 1970 mars 2007) sur lusage de L. rhamnosus GG. Des tudes cliniques

    contrles et des tudes de cas-tmoins ont valu ce probiotique dans le traitement ou la

    prvention des pisodes aigus ou rcurrents de diarrhe associe C. difficile. Certaines de

    ces tudes ont montr des rsultats favorables avec L. rhamnosus GG. Cependant, dautres

    tudes ont mis en vidence une absence de bnfice de ce probiotique. Lhtrognit de ces

    tudes a rendu toutes conclusions dfinitives difficiles. En outre, plusieurs cas de bactrimie

    (prsence de bactries dans le sang) lie lusage de ce probiotique ont t rapports durant la

    dernire dcennie. Les patients les plus frquemment affects par cette complication sont les

    immunodprims. Malheureusement, ces patients sont galement ceux qui sont les plus

    exposs aux diarrhes rcurrentes. En conclusion, lauteur estime que des tudes

    additionnelles avec L. rhamnosus GG sont indispensables pour clarifier des questions restes

    sans rponse (mcanisme daction, prsence dune bactriemie etc).

    S. cerevisiae Boulardii

    S. cerevisiae Boulardii est la souche qui, avec L. rhamnosus GG, ont fait lobjet dune

    mta-analyse (Segarra-Newnham, 2007). Lauteur a rapport des rsultats mitigs concernant

    cette levure, dans le traitement des diarrhes associes C. difficile. Shah (2007) a plutt

    rapport des effets positifs dans le traitement des colites associes C. difficile. Pour

    McFarland (2006), S. cerevisiae Boulardii aide prvenir les diarrhes associes une

    antibiothrapie, et prsente une utilit dans les pathologies intestinales lies C. difficile.

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 38

    B. animalis Bb-12

    Autrefois connue sous lappellation de B. lactis Bb 12, cette souche probiotique a fait

    lobjet de peu dtudes cliniques (Malinen et al., 2002; Mohan et al., 2006, Ringer-Kulka et

    al., 2009). Sa principale cible est la flore endogne o elle entre en comptition avec certaines

    bactries pathognes. B. animalis Bb 12 a rduit le nombre dentrobactries et de clostridies

    au profit des bifidobactries chez des enfants supplments (Mohan et al., 2006). Ce

    probiotique a eu un effet positif sur la prvention des diarrhes associes une antibiothrapie

    (Shah, 2007). Il a aussi prsent un effet positif sur la physiologie digestive, en terme

    damlioration de la consistance des selles mises (Ringel-Kulka et al., 2009). Aucun effet sur

    la rduction de certains pathognes rsistants aux antibiotiques na t obtenu avec ce

    probiotique (Mohan et al., 2006).

    A travers ces trois exemples qui mettent en vidence les effets parfois controverss des

    probiotiques, il est important de relativiser la porte de certains travaux, et de conserver

    essentiellement la littrature scientifique pertinente, en indiquant prcisment quels critres

    ont amen inclure telle tude et exclure telle autre. La prise en compte des facteurs

    dimpact des revues comit de lecture peut tre un moyen sur dvaluer le niveau

    scientifique des travaux, mme si cette approche nest pas idale. Pour preuve, un article

    publi dans le "British Medical Journal" (Hatakka et al., 2001) a trait de ladministration de

    L. rhamnosus GG en association dune antibiothrapie, chez des jeunes enfants (ge moyen

    de 4,4 ans), afin de lutter contre des infections respiratoires et gastro-intestinales.

    Le rsum des rsultats de ltude nous informe dune baisse de 17% du nombre

    dinfections respiratoires, dune baisse de 19% de lutilisation des antibiotiques dans le

    groupe dintervention, sans toutefois dire un mot sur les infections gastro-intestinales. En

    parcourant le contenu de larticle, on se rend compte que leffet protecteur dans les infections

    gastro-intestinales na pas t dmontr. En investiguant un peu plus encore, on note que les

    plaintes des enfants taient enregistres par les parents, ce qui laisse la porte grande ouverte

    une interprtation subjective. On note galement que les enfants malades taient suivis par des

    mdecins diffrents, ce qui peut influencer linterprtation des signes cliniques observs chez

    chaque enfant. Aussi, sur les 571 enfants qui participaient l'tude, 58 ont abandonn les

    essais sans voquer de raisons. Ltude a conclu une lgre diffrence, statistiquement non

    significative, en faveur du groupe dintervention (compar au groupe placbo). Cette

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 39

    conclusion montre que la statistique ne peut pas et ne doit pas remplacer linterprtation

    clinique. Aprs 3 mois dadministration quotidienne de ce probiotique, le bilan est bien

    maigre: on peut juste sattendre une lgre protection. Cette tude montre quel point il est

    important danalyser les donnes de la littrature avec tout le recul ncessaire, au risque

    daboutir des conclusions trop htives ou parfois errones, mme si les travaux sont publis

    dans des revues de qualit.

    Le dernier exemple de probiotique est donn au tableau 4. Il sagit de L. plantarum

    299v (L. plantarum DSMZ 9843). Les proprits allgues cette souche sont en rapport avec

    la rduction du taux de cholestrol sanguin, la baisse des diarrhes associes C. difficile, et

    la rduction probable des signes cliniques du syndrome du clon irritable.

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 40

    Tableau 4. Principales allgations attribues L. plantarum 299v aprs des tudes in vivo chez lhomme (adapt de de Vries et al., 2006).

    Dose utilise (UFC/Jour)

    Nombre de sujets

    Dure de la prise

    Type dtudes cliniques Effets cliniques observs Rfrences

    21010 26

    21 jours

    Essai contrl, randomis, en double aveugle, versus placebo

    Augmentation du contenu fcal dacides gras chanes courtes Johansson et al. (1998)

    2109 32 21 jours " Pas daugmentation du contenu fcal dacides gras chanes courtes Goossens et al. (2005)

    1010 30 42 jours " Rduction du LDL-Cholestrol (9,6%) et du fibrinogne (13,5%) Bukowska et al. (1998)

    21010 36 42 jours " Rduction du LDL-Cholestrol (11,7%) et du fibrinogne (21%) Naruszewicz et al. (2002)

    51010 20 38 jours " Baisse de 30% des diarrhes associes C. difficile Wullt et al. (2003)

    21010 60 28 jours " Rduction des signes cliniques du syndrome du clon irritable Nobaek et al. (2000)

    21010 40 28 jours " Rduction des signes cliniques du syndrome du clon irritable Niedzielin et al. (2001)

    6,3109 12 28 jours " Pas de rduction des signes cliniques du syndrome du clon irritable Sen et al. (2002)

    UFC (Unit Formant une Colonie) LDL (Low Density Lipoprotein)

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 41

    La validit scientifique des effets cliniques observs dans le tableau 4 est trs variable.

    L. plantarum 299v a montr des effets controverss dans lvaluation du contenu fcal en

    acides gras chanes courtes, de mme que dans la symptomatologie du syndrome du clon

    irritable (Johansson et al., 1998; Goossens et al., 2005; Nobaek et al., 2000; Niedzielin et al.,

    2001; Sen et al., 2002). Les proprits allgues ce probiotique demeurent encore un stade

    hypothtique, et des tudes plus approfondies sont ncessaires pour apporter des preuves

    scientifiques plus convaincantes ces allgations.

    Dans les diffrents travaux mentionns, la taille de lchantillon pose le problme de la

    pertinence de certains rsultats. En recherche clinique, la notion de grand ou petit chantillon

    repose sur la thorie statistique de lestimation. On parle de grand chantillon quand N > 30 et

    de petit chantillon quand N < 30. N tant le nombre de volontaires par groupes de

    comparaison (groupe placbo et groupe dintervention). Dans chacune des tudes, la

    diffrence de taille des chantillons rend complexe la comparaison inter-tudes. Au problme

    de la taille de lchantillon doit tre ajout le problme de sa reprsentativit. Cette dernire

    doit reflter la population tudier. La dfinition de la reprsentativit est une question

    difficile rsoudre au cas par cas. En effet, il faut prendre en compte selon le paramtre

    tudier, limportance de lge, du sexe, du groupe ethnique, le style de vie et lalimentation, le

    poids et la taille, lenvironnement (climat) etc.

    Dans le tableau 4 sont galement mentionnes la dose quotidienne ingre et la dure

    de traitement. Un minimum de 109 UFC/Jour a t administr par voie orale aux volontaires,

    ce qui est en conformit avec certaines normes en vigueur comme celle des pays de lunion

    europenne (JOUE, 2004). Les tudes cliniques ralises ont t contrles, c'est--dire que le

    produit test a t compar un produit contrle (idalement un placebo). La randomisation

    est galement un critre important: elle permet daffecter au hasard les volontaires un

    traitement, vitant ainsi des biais importants. Enfin, on parle dtudes "en double aveugle"

    selon que laffectation des sujets aux diffrents traitements est inconnue de tous.

    Dans les tudes "ouvertes" ou "en simple aveugle", laffectation des sujets est

    respectivement connue de tous ou connue seulement des investigateurs jusqu la fin du

    traitement des donnes. Les tudes cliniques contrles, randomises, et en double aveugle

    prsentent le meilleur niveau de qualit, et sont donc les plus recherches (Azais-Braesco,

    2007). Toutefois, elles ne sont pas toujours possibles, ni adaptes toutes les situations, et

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 42

    dautres configurations peuvent tout fait tre recevables. Quelle que soit ltude retenue,

    celle-ci doit respecter les rgles de bonnes pratiques cliniques qui assurent linformation,

    lanonymat, la libert et la scurit du volontaire, ainsi que la qualit de ltude, sur les

    aspects traabilit, fiabilit des rsultats, et pertinence du traitement statistique.

    La conduite dune tude clinique conforme aux rgles en vigueur reprsente un travail

    important et rclame un grand professionnalisme. Il est aujourdhui impossible quun produit

    probiotique, dont lallgation repose sur un dossier de qualit moyenne, puisse bnficier

    dune valuation favorable par une agence nationale. Plusieurs produits contenant des

    probiotiques ont t rcemment soumis lvaluation de comits dexperts. En France, sur les

    8 dossiers qui ont jusquici fait lobjet de lavis de lAFSSA (Agence Franaise de Scurit

    Sanitaire des Aliments), seuls 2 ont t jugs aptes justifier lallgation pour laquelle ils

    taient proposs lvaluation (tableau 5). Ces avis sont intgralement disponibles sur le site

    internet de lagence. Les avis ngatifs correspondent des dossiers dont la qualit a t juge

    insuffisante.

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 43

    Tableau 5. Synthse des avis rendus par lAFSSA depuis 2002 sur les dossiers scientifiques portant sur des produits probiotiques usage humain.

    Date de la publication de lavis

    Type de produits

    Type de probiotiques Population vise

    Allgation formule Dcision de lAFSSA

    Quelques lments explicatifs motivant la dcision

    12/11/2007 Aliment dittique

    L. rhamnosus GG Enfants bas ge et nourrissons

    Probiotique bon pour lintestin

    Ngative Allgation vague, imprcise et non dmontre, aucune preuve de lactivit du probiotique sur une longue priode

    14/10/2005 Complment alimentaire

    L. rhamnosus GG + L. acidophilus R52

    Enfants bas ge et nourrissons

    Probiotique demploi scuris

    Ngative Allgation vide de sens, ncessit de conduire des tudes cliniques afin dvaluer le bnfice/risque

    16/12/2004 Produit laitier L. bulgaricus + S. thermophilus + B. lactis Bb 12

    Adultes, enfants, adolescents

    Aide renforcer les dfenses naturelles

    Ngative Absence dtudes cliniques ralises avec le produit fini sur la population cible, posologies non justifies

    15/12/2004 Aliment dittique

    L. rhamnosus GG Enfants bas ge et nourrissons

    Aide lutter contre les allergies lies aux protines de vache

    Ngative Absence de preuves cliniques, arguments scientifiques suggestifs

    22/03/2004 Aliment dittique

    B. lactis Bb 12 Enfants bas ge et nourrissons

    Participe au bon fonctionnement du tube digestif

    Positive Allgation acceptable dun point de vue scientifique

    04/03/2004 Complment alimentaire

    P. freudenreichii shermanii

    Enfants de plus de 3 ans et adultes

    Stimule la flore intestinale bifide

    Ngative Absence de preuves scientifiques incontestables, conditions demploi insuffisamment argumentes

    23/01/2003 Produit laitier L. casei DN 114-001 Enfants de plus de 3 ans et adultes

    Participe renforcer les dfenses naturelles

    Positive Nombreuses tudes in vitro et in vivo attestant de lefficacit de la souche sur la flore intestinale

    08/10/2002 Complment alimentaire

    L. acidophilus + L. plantarum + L. casei + S. thermophilus + S. cremoris + E. faecum

    Enfants de plus de 3 ans et adultes

    Multiples allgations portant sur le systme digestif

    Ngative Allgations non scientifiquement tablies, donnes insuffisantes pour mener une valuation rigoureuse de linnocuit

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 44

    Dans le tableau 5, les probiotiques ont t prsents sous des formes alimentaires

    diverses (aliment dittique, complment alimentaire, produit laitier). Or il est bien connu que

    les aliments dittiques et les complments alimentaires sont rgis par une rglementation

    bien prcise (JOCE, 1999, 2002). Les complments alimentaires sont des "produits destins

    tre ingrs en complment de lalimentation courante, afin de pallier linsuffisance relle ou

    suppose des apports journaliers" (JOCE, 2002). Les aliments dittiques sont des "aliments

    destins une alimentation particulire et devant rpondre des besoins physiologiques

    particuliers, soit en raison dune maladie comme par exemple le diabte, soit en raison dune

    situation physiologique particulire comme la grossesse" (JOCE, 1999). Au regard de ces

    deux dfinitions, on pourrait se demander sil existe un apport journalier recommand en

    probiotiques, et si ces derniers rpondent des besoins physiologiques particuliers. Il est bien

    vident que non. Par consquent, les produits probiotiques ne sauraient tre prsents sous ces

    deux formes alimentaires. Malheureusement, de nombreux aliments contenant des

    probiotiques sont de plus en plus prsents sous la forme de complments alimentaires

    (Majaama et Isolauri, 1997; Vanderhoof et al., 1999; Pessi et al., 2000; Gionchetti et al.,

    2003; de Vries et al., 2006).

    Depuis ladoption de la nouvelle rglementation europenne (JOUE, 2007), il

    appartient lautorit Europenne de scurit des aliments (EFSA, European Food Safety

    Authority) de procder lharmonisation des avis mis par les agences nationales, mais aussi

    lvaluation de nouvelles demandes de produits porteurs dallgations. Dans son rapport

    doctobre 2009, LEFSA a discrdit toutes les allgations en rapport avec les probiotiques.

    LEFSA a estim que les probiotiques nont pas apport la preuve de leur efficacit, en raison

    dun manque dinformation concernant les souches pour lesquelles des avantages sur la sant

    ont t revendiqus.

    2.4. Cadre rglementaire des aliments contenant des probiotiques

    En consommant des produits probiotiques, on recherche un effet bnfique sur la

    sant. Toutefois, la nature de ce bnfice sant nest pas prcise. Daucuns disent que le

    bnfice sant est dordre fonctionnel. Cest pourquoi, on qualifie les probiotiques de cultures

    fonctionnelles (Shah, 2007; Ammor et Mayo, 2007). Cette approche semble idale pour

    rpertorier les produits probiotiques dans la catgorie des aliments dits "fonctionnels", mais le

    concept daliments fonctionnels est un concept flou et ambigu, et pour cause, il nexiste pas

    Chapitre 1 : Contexte de ltude

  • 45

    de dfinition consensuelle de ces aliments (Cynober, 2008). Plusieurs dfinitions ont t

    proposes pour ces aliments. Goldberg (1994) a dfini laliment fonctionnel comme "tout

    aliment qui en plus de sa valeur nutritive, a un impact positif sur la sant de lindividu, sur sa

    performance et son tat mental". Pour Diplock et al. (1999), un "aliment peut tre considr

    comme fonctionnel sil a dmontr de faon satisfaisante quil exerce un effet bnfique sur

    une ou plusieurs fonctions cibles de lorganisme, au-del des effets nutritionnels de base, de

    manire amliorer la sant et le bien tre". Jones et Varady (2008) ont dfini laliment

    fonctionnel comme "un aliment non ncessaire au fonctionnement de lorganisme mais qui

    procure des bienfaits physiologiques additionnels amliorant globalement la sant".

    Labsence dun consensus universel sur la dfinition de laliment fonctionnel montre

    quil est urgent de dfinir un cadre rglementaire clair pour ce type daliment, afin de

    permettre leur contrle, et dassurer la protection du consommateur. Les aliments fonctionnels

    sont avant tout des aliments, et doivent par consquent se prsenter sous une forme

    alimentaire. Ils sont censs amliorer la sant de ceux qui les consomment. Ils se positionnent

    linterface des mdicaments et des complments alimentaires, comme le montre bien la

    figure 4.

    Figure 4. Schma du