aspects juridiques d’immigration et de...
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ASPECTS JURIDIQUES DIMMIGRATION ET DE TRANSIT DANS LA REGION DU MAGHREB AVEC
UNE ATTENTION SPECIALE SUR LEXEMPLE TUNISIEN
Par HAKIM Abderrazek Doctorant la FSJPS de Tunis
Avocat au Barreau de la Tunisie
Longtemps terres de dpart, les pays du Maghreb1 commencent ces
dernires annes occuper des nouvelles fonctions migratoires. En effet, en plus
de leur fonction classique dexportation des migrants, la Tunisie tout comme
lAlgrie et le Maroc constituent aujourdhui un territoire de transit migratoire
entre lAfrique subsaharienne et lEurope.
Malheureusement, la proximit avec lEurope, qui a verrouill ses
frontires, fait que ces dynamiques migratoires qui affectent le Maghreb se
ralisent dans la plupart de temps dans la clandestinit.
A ce premier phnomne quil faut mettre en exergue sjoute un second : Il
consiste pour les pays du Maghreb se transformer progressivement en terre
daccueil c'est--dire dimmigration.
En effet, les tentatives de transit clandestin peuvent durer ou demeurer
infructueuses. Par consquent, les migrants, dont le niveau conomique de leurs
pays (En majorit les pays de lAfrique subsaharienne) est dans la plupart de
temps moins lev que celui des pays de transit, peuvent renoncer leur
aventure de passage clandestin, solliciter clandestinement les marchs demploi
de ces pays voire dcider dy demeurer.
Le Maghreb est aujourdhui une zone dmigration, de transit et dimmigration. Cependant, nous nous limiterons dans cette tude aux deux dernires fonctions, savoir le transit et limmigration, en raison de leur actualit
et de leur complmentarit.
Les droits des pays du Maghreb rglementent dune manire plus ou moins
dtaille ces nouveaux aspects. En droit tunisien, la matire est rglemente
essentiellement par la loi du 8 mars 1968 relative la condition des trangers en
Tunisie2 et certains autres textes spcifiques des catgories spcifiques
dtrangers tel que le code du travail3 pour les travailleurs trangers
4. En droit
1 On vise dans cette tude les 3 pays du Maghreb savoir la Tunisie, le Maroc et lAlgrie.
2 Loi n 68-07 du 8 mars relative la condition des trangers en Tunisie (JORT n 11 du 08/03/1968, p. 251). V.
aussi le dcret dapplication n 68-198 du 22/06/1968 (JORT du 21-25-28 juin 1968, p. 814). 3 Code du travail promulgu par la loi n66-27 du 30 avril 1966 (JORT n 20 du 03/05/1966, p. 716).
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marocain, la nouvelle loi n 02-03 du 11 novembre 2003 relative lentre et au
sjour des trangers au Maroc, lmigration et limmigration irrgulires5
reprsente le texte de rfrence en la matire6. Quant au droit algrien, le statut
des trangers est rglement essentiellement par lordonnance n 66-211 du 21
juillet 1966 relative la situation des trangers en Algrie7 et pour les travailleurs
trangers la loi n 81-10 du 11 juillet 1981 relative aux conditions demploi
dtrangers en Algrie8.
Ces diffrent textes ont voqu des solutions assez comparables, mais aussi
assez critiquables pour la matrise des ces nouveaux phnomnes.
Pour limmigration et le transit rguliers, la plupart des pays du Maghreb
ont rglement un rgime de contrle et de filtrage des trangers (Partie I). Sagissant de limmigration et de transit clandestin, tout un arsenal juridique rpressif a t mis en place (Partie II).
Quil sagisse de lun ou de lautre aspect de limmigration maghrbine, les
droits fondamentaux des migrants risquent dtre remis en cause dans la mesure
o leur statut juridique dans lEtat hte est dans la plupart du temps forg en
considration des seuls intrts politiques, conomiques et sociaux de cet Etat.
La situation devient dautant plus inquitante si ltranger en question est un
travailleur dans la mesure o sa vulnrabilit devient double : Tout dabord en
raison de son extranit ; Ensuite en raison de son adhsion dans un rapport
dsquilibr de travail.
Nous nous tudierons les deux aspects de limmigration et de transit savoir
limmigration et transit rguliers et irrguliers et les solutions que le droit a donn
chacun de ces aspects.
I/Aspect rglementaire dimmigration et de transit en droit
tunisien:
Nous nous tudierons dans cette partie les formalits daccs des trangers
au territoire tunisien (A) et les droits dont ils sont titulaires (B).
A- Les formalits daccs :
Laccs rgulier dtrangers au territoire national est soumis un certain
nombre des conditions quil faut remplir. A ces conditions gnrales tous les
4 V. notamment les dispositions du Chapitre II du Livre VII du code de travail4 intitul : Emploi de la main
duvre trangre qui englobe les articles 258 269. 5 V. sur cette nouvelle loi V. notamment Khadija Elmadmad, La nouvelle loi marocaine du 11 novembre 2003
relative lentre et au sjour des trangers au Maroc, lmigration et limmigration irrgulires , in,
http:/www.carim.org 6 On peut y ajouter aussi les dispositions du nouveau code marocain du travail promulgu par la loi n 65-99 du
11 septembre 2003, texte intgral publi au Bulletin Officiel du Royaume du Maroc n 5210 du 06 mai 2004. 7 Journal officiel de la rpublique algrienne (JORA) n 64 du 29 juillet 1966.
8 JORA n 17 du 25 avril 1990, p. 488.
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trangers (1) il faut ajouter les formalits spcifiques certaines catgories telles que les salaris trangers (2).
1/ Les rgles gnrales tous les trangers :
Chaque Etat contrle laccs des trangers sur son territoire. Les conditions
daccs varient selon la situation conomique, politique et scuritaire du pays en
question.
Ainsi, la loi tunisienne du 08 mars 1968 relative la condition des trangers
en Tunisie exige de tout tranger de prsenter, son entre au territoire tunisien,
un passeport national en cours de validit, ou un titre de voyage qui permet son
porteur de retourner au pays qui la dlivr, et revtus du visa de lautorit
consulaire tunisienne. Par ailleurs la loi du 1968 et celle du 14 mai 1975 relative
aux passeports et aux documents de voyage prvoient que lentre et la sortie de
la Tunisie ne peuvent seffectuer que par les points frontaliers dtermins par un
arrt du ministre de lintrieur.
Le dcret du 22 juin 1968 rglemente 5 sortes de visas : le visa dentre, le
visa de sjour, le visa de retour, le visa de sortie et le vis a de transit qui permet
son titulaire, en plus du transit, un sjour ne dpassant pas sept jours.
Sont dispenss de visa dentre et de sjour pendant trois mois les
ressortissants des Etats ayant conclu avec lEtat tunisien une convention
dtablissement (Art 7 de la loi du 1968)9.
De plus, sont dispenss de visa de transit les trangers se trouvant dans un
port tunisien bord dun navire y faisant escale destination ltranger, ds lors
quils ne quittent pas le navire, et les trangers transitant par le territoire tunisien
par la voie arienne condition quils ne sortent pas des limites de laroport
durant les escales.
A ces conditions gnrales sajoutent dautres plus restrictives lorsquil
sagit daccder au march national demploi.
2/ Les rgles spcifiques aux salaris trangers :
Laccs des trangers au march national demploi est soumis des
conditions restrictives qui visent protger la main duvre nationale de la
concurrence trangre.
Dans les trois pays du Maghreb, ces conditions concernent le contrat de
travail et lautorisation de travail.
Sagissant du contrat de travail, il est dure dtermine et
renouvellement limit. Contrairement aux contrats de travail des nationaux qui
est consensuel, le contrat des travailleurs trangers doit tre tabli par crit selon
un modle tabli davance par lautorit responsable de lemploi. Par ailleurs, le
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contrat des travailleurs trangers doit comporter certaines mentions obligatoires
telles que le secteur dactivit et la rgion de travail.
Quant lautorisation de travail, elle constitue une condition pralable au
recrutement du travailleur tranger. Ainsi, larticle 8 de la loi du 8 mars 1968
relative la condition des trangers en Tunisie, Il est interdit tout tranger
dexercer une profession ou davoir une activit rmunre en Tunisie sil nest
pas autoris () . Cette autorisation prend la forme dun visa appos sur le
contrat de travail et exige aussi bien pour son renouvellement. En droit tunisien
cette autorisation doit aussi tre appose sur la carte de sjour du travailleur en
question.
Lautorisation de travail est octroye sur la base dune multitude des critres
telles que la rgularit de sjour et linexistence des comptences tunisiennes
dans le secteur dactivit concern par le recrutement (Art. 258-2 CT) 10
. Par
ailleurs, la procdure doctroi de lautorisation de travail se caractrise par
limprcision cause du silence des textes. Ceci a engendr la longvit des
procdures et lextension des pouvoirs de ladministration notamment en ce qui
concerne linterprtation des dlais et des conditions doctroi de ladite
autorisation.
Le non respect des formalits du contrat et dautorisation de travail est
sanctionn par la nullit absolue du contrat de travail. Cette sanction qui est assez
svre, puisquelle constitue une arme entre les mains des employeurs, nest
expressment dicte par le lgislateur mais elle constitue dans la plupart du
temps le rsultat dune interprtation jurisprudentielle11
.
B- Les droits procurs :
Face la subtilit qui caractrise les dispositions rgissant lentre, le sjour
et le travail des trangers sur le territoire tunisien, les dispositions protectrices des
trangers quelles soient internes ou internationales savrent insuffisantes.
1/ Linsuffisance dinstruments internationaux engageant la Tunisie :
Le droit tunisien se caractrise par linsuffisance des dispositions
protectrices des trangers en gnral et des travailleurs trangers en particulier.
Tout dabord, la Tunisie tmoigne dune faible approbation des instruments
internationaux universels ou rgionaux ayant pour objets la protection des
immigrants. Sur le plan universel, la Tunisie na ratifi aucune convention de
lOIT sur les travailleurs migrants. Ces conventions sont notamment la
10
V. titre dexemple lart 258-2 infine du CT tunisien qui dispose que : Le recrutement dtrangers ne peut
tre effectu lorsquil existe des comptences tunisiennes dans les spcialits concernes par le recrutement . 11 V. par exemple larrt n 59828 du 2 fvrier 1998 dans lequel la Cour de Cassation tunisienne a annul le
contrat de travail dun salari marocain alors mme quil tait respectueux des conditions requises, dont
notamment le visa du travail du seul fait que son titre de sjour ne comportait pas la mention autoris
exercer un travail salari en Tunisie exige par lart. 258-2 du CT (Arrt publi au Bulletin civil de la cour de
cassation tunisienne, 1998, 2e partie, p. 440).
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convention n 97 du 1er
juillet 1949 (rvise) concernant les travailleurs migrants
et celle n 143 du 23 juin 1975 sur les migrations dans les conditions abusives et
sur la promotion des lgalit des chances et de traitement des travailleurs
migrants. Par ailleurs, la Tunisie na pas ratifi la convention des Nations Unies
sur la protection des droits des tous les travailleurs migrants et des membres de
leurs familles adopte le 18 dcembre 1990 et qui constitue aujourdhui le texte
de rfrence en la matire. Le Maroc est le seul pays maghrbin qui ratifi la
convention du 1990.
Sur le plan rgional, la Tunisie na pas ratifi les conventions de lOIT qui
prvoient une protection des travailleurs arabes dans un autre pays arabe telle la
convention arabe n 2 du 1967 sur le dplacement de main duvre (rvise par
la convention n 4 du 1975) et la convention n 14 du 1981 concernant le droit du
travailleur arabe aux assurances sociales en cas de son dplacement dans un autre
pays arabe.
Malgr que les droits accords par ces conventions soient couverts par
dautres instruments gnraux ratifis par la Tunisie tels que la DUDH du 1948,
les deux actes du 16 dcembre 1948 et la convention internationale sur
llimination de toutes les formes de discrimination raciale du 16 dcembre 1965
et les 8 conventions fondamentales de lOIT, ladoption des garanties spcifiques
aux immigrs est loin dtre superflue. Elle permet dailleurs daligner le droit
tunisien la tendance universelle en la matire.
La faible approbation par la Tunisie des instruments spcifiques aux
migrants semble avoir des rpercussions sur le plan des dispositions internes.
2/ Linsuffisance des dispositions internes :
Protger les trangers sur le territoire national suppose quon leur assure
travers des textes clairs et efficaces un certain nombre des droits fondamentaux et
prvoir des mesures qui les aident surmonter les handicaps lis leur extranit.
Nous nous contenterons des droits essentiels savoir le droit dester en justice et
le droit au non discrimination.
- Le droit dester en justice : ds son accs et durant son sjour et jusqu son dpart du territoire national, le sort juridique de ltranger est rythm par une
confrontation quasi permanente avec ladministration. Il est soumis des
pratiques administratives qui supplent le silence des textes et qui deviennent une
vritable source de droit. Malgr quil nexiste aucune disposition qui interdit aux
trangers de se protger contre la discrtion de ladministration en attaquant ses
dcisions devant le juge, la question semble pratiquement difficile. En effet,
attaquer ladministration quivaut pour ltranger attaquer lEtat hte lui-mme,
do sa crainte de ne pas tre tolr et, partant, dtre renvoy.
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A supposer que ltranger exerce de tels recours, lannulation ventuelle de
la dcision administrative attaque naura pas des consquences concrtes car elle
intervient toujours trop tard en raison de la lenteur de la justice.
- Le non discrimination lgard des trangers : ce droit est prvu par la
plupart dinstruments internationaux de droits de lhomme ratifis par la Tunisie
tels que la dclaration universelle des droits de lhomme, les deux pactes et la
convention internationale sur llimination de toutes les formes de discrimination
raciale. Cependant, sur le plan interne, il nexiste quune disposition qui octroi un
droit lgalit aux seuls travailleurs trangers rguliers. Larticle 263 du CT
prvoit que : Le travailleur tranger bnficie des mmes droits et est soumis
aux mmes obligations rsultant des relations du travail et applicables au
travailleur tunisien .
Nanmoins, la mise en uvre de tel principe est difficile plus dun titre.
En premier lieu, le salari tranger victime dune discrimination ne dispose
daucune rgle spcifique qui lui permet dobtenir gain de cause en justice sans
souffrir des reprsailles de son employeur. Le droit franais, par exemple, permet
aux organisations syndicales dagir au lieu et place du salari victime dune
discrimination et il dclare nul le licenciement dun salari suite une action
engage par ce dernier sur la base des dispositions relatives aux discriminations.
En second lieu, la discrimination pose un problme relatif la charge et
lobjet de la preuve. Tout dabord, cest ltranger de prsenter la preuve de la
discrimination quil a subie. En effet, en labsence dune disposition contraire, le
principe demeure que la preuve de lobligation incombe celui qui sen prvaut
(Art. 420 du COC). Cette situation procdurale est trs difficile pour une
personne qui dispose la fois de la qualit de salari et celle dtranger. De plus,
la preuve dune discrimination est difficile raliser car lobjet de la preuve est
pratiquement insaisissable. En effet, les discriminations patronales se dissimulent
souvent sous lapparence dactes de direction et il incombe au salari de les
tablir et de dmontrer leur caractre illicite. Sajoute cela la pnurie des
moyens de preuve tels que laveu ou lcrit ou les tmoignages.
En dernier lieu, Aucune sanction civile ou pnale spcifique na t rserve
la rgle de larticle 263 du CT. Or, un principe dpourvu de sanction risque de
voir son efficacit rduite nant.
Tout dabord, aucune sanction civile spcifique na t prvue. En droit
franais, par exemple, cette sanction consiste dans lannulation de lacte ou de la
disposition discriminatoire et au replacement du salari victime dans la situation
dans laquelle il aurait t trouv si lacte discriminatoire na pas t pris.
De mme, le principe de non-discrimination ne tombe pas, en droit tunisien,
sous le coup de la loi pnale. La sanction pnale prsenterait plusieurs vertus
pour le salari tranger victime dune discrimination. Ainsi, le caractre
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inquisitoire de la procdure pnale assure ce dernier un allgement de la charge
de la preuve et, en cas daboutissement de laction, elle lui permet dobtenir
facilement gain de cause devant le juge civil et ce en raison du principe de
lautorit de la chose juge au pnal sur le civil.
II/Aspect scuritaire dimmigration et de transit en droit tunisien
Le transit, le sjour ou lemploi clandestin des trangers fait lobjet dune
prudence spciale de la part des pays du Maghreb en raison des engagements
quils ont contract avec les pays europens. A ce stade, un certain nombre des
mesures scuritaires sont mises en uvre afin de limiter autant que faire ce peut
les consquences nfastes des migrations clandestines. Certaines de ces mesures
sont prventives (A), dautres sont dordre rpressif (B).
A- Les mesures prventives prises lencontre des trangers :
Ces mesures consistent essentiellement au contrle minutieux des trangers
sur le territoire national en gnral et sur le march national demploi en
particulier.
1/ Le contrle des trangers sur le territoire national
Il existe plusieurs modalits de contrle des trangers tablis sur le territoire
national.
La premire modalit consiste au contrle par le biais des titres de sjour qui
sont dune validit limite et qui doivent tre renouvels priodiquement.
En effet, la loi du 8 mars 1968 organise deux sortes de sjours et, partant,
deux types des cartes de sjour : Une carte de sjour temporaire dont la validit
ne peut dpasser une anne sauf autorisation spciale du ministre de lintrieur, et
une carte de sjour ordinaire dont la dure est de 2 ans renouvelable.
La deuxime modalit voque par la loi du 8 mars 1968 est plus rvlatrice
du souci scuritaire du contrle. En effet, larticle 21 de cette loi exige de toute
personne logeant un tranger quel que titre que ce soit, mme titre gracieux,
den informer le poste de police ou de garde nationale du lieu de sa rsidence
dans un dlai maximum de 48 heures. Des dlais plus restreints simposent aux
hteliers et aux propritaires des chambres meubles.
Par ailleurs, larticle 22 de la mme loi oblige toute personne qui loue un
local usage dhabitation dinformer les services de police du lieu de local lou
dans un dlai ne dpassant pas une semaine. Tout dfaut de dclaration est
passible des sanctions pnales prvues par larticle 28 de la loi du 1968.
Ne sont dispenss de lobligation de dclaration que les tunisiens qui logent
provisoirement des ascendants, des descendants ou collatraux de leurs pouses
de nationalit trangre et qui ne rsident pas en Tunisie (Art 212 de la loi du
1968).
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De sa part, ltranger qui change sa rsidence est tenu den aviser
auparavant les services de police de sa prcdente rsidence et dans un dlai de
trois jours les services de police de sa nouvelle rsidence.
Il convient aussi de souligner les mesures prises par les lois n2004 du 20
janvier 2004, modifiant et compltant le code de commerce maritime et n2004-
4 du 20 janvier 2004, modifiant et compltant le code de la police administrative
de la navigation maritime qui ont permis dinstituer un contrle accru des
autorits sur les navires notamment en soumettant le transfert de leur proprit
un plus grand formalisme12et en rorganisant leur immatriculation13.
2/ Le contrle des trangers sur le march national demploi
Le code de travail prvoit certains procds qui permettent de contrler les
salaris trangers exerant en Tunisie.
A ce stade, le contrat de travail constitue lun des moyens privilgis de
contrle en raison du formalisme accentu qui le caractrise contrairement au
contrat de travail des nationaux14
.
Certaines mentions obligatoires exiges par la loi refltent cette fonction de
contrle que remplit le contrat des travailleurs trangers. Ainsi, certaines clauses
du contrat attachent le travailleur tranger son employeur, sa profession et la
rgion o il sest install. Le contrat assure donc une fixation professionnelle et
territoriale du travailleur tranger. Linterdiction de la mobilit professionnelle et
territoriale rsulte des articles 259 et 262 du CT. Au sens de larticle 259 du CT,
ltranger est contraint de travailler uniquement dans le gouvernorat et la
profession obligatoirement mentionns sur son contrat de travail. Larticle 262
prcise que : Aucun employeur ne peut recruter un travailleur tranger avant
lexpiration du contrat du travail le liant lemployeur prcdent .
12
Le transfert de la proprit des navires a toujours t un acte formaliste en droit tunisien. Lancien article 16 du
Code de commerce maritime de 1962 disposait que tout acte translatif de proprit de tout ou partie dun navire
doit tre fait par crit . Larticle 16 ne prvoyait aucune sanction au dfaut de rdaction dun acte crit. La lacune
est comble avec la loi du 20 janvier 2004. Lalina 1er
du texte dispose, en effet, que tout acte translatif de
proprit de tout ou de parts indivises dun navire tunisien doit tre fait par un crit rdig auprs de lautorit
maritime comptente . Lalina 2 de larticle 16 prcise que tout transfert de proprit dun navire tunisien en
Tunisie fait en violation des dispositions de lalina 1er
de larticle 16 est nul et non avenu. La violation des
dispositions de larticle 16 constitue, depuis la loi du 20 janvier 2004, une infraction pnale. Larticle 28 nouveau
du Code de commerce maritime punit, en effet, toute personne qui contrevient aux dispositions de larticle 16
dune peine de 1000 dinars damende. 13
Dsormais, limmatriculation obligatoire se situe ds la phase de construction du navire. En effet, alors que
limmatriculation des navires en construction tait facultative sous lempire de la loi de 1962, larticle 25 du Code
de commerce maritime tel que modifi par la loi du 20 janvier 2004 oblige le propritaire dun navire en cours de
construction de limmatriculer sur prsentation dune requte lautorit maritime du chef lieu du quartier
maritime o seffectue la construction. 14
Le contrat de travail des nationaux est en principe consensualiste en ce sens quil peut tre crit ou verbal et
quaucune formalit particulire nest exige pour sa validit. V. lart 62 du code de travail tunisien qui dispose
que : La relation de travail est prouve par tous les moyens .
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En fixant ltranger chez un employeur unique et dans une profession unique
pendant la dure du contrat, les autorits publiques procdent facilement son
contrle en cas de besoin. Cependant, cette fixation du travailleur tranger permet
son employeur de le surexploiter pendant une priode plus ou moins longue
sans craindre sa perte.
Par ailleurs, le lgislateur associe lemployeur lopration du contrle en
lui incombant lobligation dinscrire tout travailleur tranger recrut dans un dlai
de 48 heures sur un registre spcial conforme au modle fix par arrt du
ministre charg de lemploi et obligatoirement prsent aux agents de
linspection du travail chaque demande (Lart. 261 du CT).
Lemployeur doit aussi informer le ministre charg de lemploi du dpart de
tout travailleur tranger employ dans lentreprise (Lart. 262 du CT).
B- Les mesures rpressives prises lencontre des trangers
Larsenal juridique rpressif des migrations irrgulires ou clandestines (1) ne peut agir quen complmentarit avec un dispositif rpressif spcifique
lemploi irrgulier des trangers (2). Ceci sexplique par le fait que lemploi rmunr constitue trs souvent la finalit mme de limmigration et que
lirrgularit peut ne se produire quau stade daccs lemploi.
1/ La rpression de limmigration et de transit clandestins des trangers :
En droit tunisien, la lutte contre la migration irrgulire ou clandestine est
assure aussi bien par application dinstruments internes quinternationaux.
Sur le plan international, la Tunisie a ratifi en 2003 le protocole contre le
trafic illicite des migrants par terre, air et mer additionnel la convention des
Nations Unies contre la criminalit transnationale organise du 15 novembre
200015
. Le trafic illicite des migrants a t ainsi considr comme un crime
transnational organis.
Le protocole a propos plusieurs mesures de lutte contre la migration
clandestine et incit les Etats parties ce que leurs lgislations internes couvrent
un ventail trs large dactes criminels et les sanctionnent svrement. Encore,
certaines dispositions du protocole ont-elles voqu des sanctions et des dlais de
prescription des peines assez longs et a propos aux Etats signataires de les
adopter directement dans leurs lgislations internes.
Ce protocole a constitu une source dinspiration incontournable pour le
lgislateur tunisien qui a aussitt harmonis un certain nombre de textes avec les
dispositions de ce protocole. Il en est de la loi n 2003-75 relative au soutien des
efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et le blanchiment dargent
15
Signs par la loi n 2002-63 du 23 juillet 2002 et ratifis par le dcret n 2002-2101 du 23 septembre 2002 et
publis au JORT n 52 du 29/06/2004, pp. 1651 et ss.
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ratifie le 10 dcembre 200316
et la loi n 2004-6 du 3 fvrier 2004 modifiant et
compltant la loi du 14 mai 1975 relative aux passeports et aux documents de
voyage17
.
Cette dernire loi se caractrise par son aspect exceptionnel dans la mesure
o elle a accentu la rpression en voquant des peines trs svres et
dapplication trs large. Ainsi, les peines prvues par cette loi varient entre 3 et
20 de prison doubles de peines damende variant de 8 100 mille dinars. Les
peines prvues ont concern aussi bien les actes des filires organises que les
simples aides mme bnvoles voire mme le non signalement de lexistence de
tels actes.
De mme, la loi du 2004 a t farouchement critique par la doctrine en
raison de sa drogation certains principes de droit pnal notamment en
sanctionnant la rsolution criminelle et en interdisant de la confusion des
peines18
.
Bien que cette loi vise essentiellement la rpression des passeurs, trafiquants
et organisateurs des migrations clandestines, il nen reste pas moins quelle a
touch dune manire indirecte les droits fondamentaux des migrants clandestins.
Ainsi, en instituant un devoir de signalement la charge de toute personne mme
tenue par le secret professionnel, larticle 45 de la loi est de nature priver
limmigr clandestin de tout recours que ce soit un avocat ou mme un
mdecin pour le besoin des soins urgents 19
.
La svrit des sanctions prvues a suscit le mcontentement des dputs
lors de la dlibration de la loi du 3 fvrier 2004 au point que certains dentre eux
navaient pas cach leur crainte que la Tunisie se transforme en une prison pour
les migrants arabes et subsahariens20
.
La loi du 2004 sajoute une panoplie des textes consacrant des sanctions
plus ou moins svres telles que le code pnal21
, la loi du 8 mars 1968 sur la
16
JORT n 99 du 12 dcembre 2003, p. 3592. 17 En ralit, il existe dautres textes. Il en est ainsi de tous les textes organisant les secteurs du transport et qui
reprsentent linfrastructure de la lutte contre la migration clandestine ou irrgulire. V. pour le transport arien la
loi n 99-58 du 30 juin 1999 portant promulgation du CAC sus-voqu ; pour le transport maritime la loi n 2004-
3 du 20 janvier 2004 modifiant et compltant le code de commerce maritime et la loi n 2004-4 du 20 janvier
2004 modifiant et compltant le code de police administrative de la navigation maritime ( publies
successivement au JORT n 6 du 20 janvier 2004, pp. 115 et 116 ) ; concernant le transport terrestre la loi
n 2004-33 du 19 avril 2004 portant organisation des transports terrestres ( JORT n 32 du 20 avril 2004, p. 996).
Ces textes se sont venus renforcer la formalit dimmatriculation et de contrle des moyens de transport. 18 V. sur lensemble de cette loi BEN ACHOUR (S.), Le cadre juridique des migrations clandestines en Tunisie :
les mesures rpressives , in, Aspects juridiques des migrations dans lespace Euro-maghrbin, Colloque organis
le 20 et 21 avril 2006, Unit de recherche relations prives internationales (commerce, arbitrage et migration),
FSJPS de Tunis (indit) ; HAKIM (A.), La condition des travailleurs trangers en Tunisie : Rgime de droit
commun, Mmoire du Master en Sciences Juridiques Fondamentales, FSJPS de Tunis, 2005-2006, p.p. 86 et ss. 19
V. dans le mme sens BEN ACHOUR (S.), Le cadre juridique des migrations clandestines en Tunisie, les mesures rpressives , Prcit. 20
V. Dlibrations de la chambre des dputs, JORT n 19 du 27 janvier 2004, p. 790. 21 Les articles 291 et ss. Du code pnal tunisien.
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11
condition des trangers en Tunisie22
, la loi du 14 mai 1975 sur les passeports et
les documents de voyage, le code disciplinaire et pnal maritime23
et le code de
laronautique civile24
. Ces dernires lois visent rprimer limmigrant
clandestin.
2/ La radmission des migrants et passagers clandestins :
Une ultime solution pour la lutte contre les migrations clandestines a t
systmatise travers les accords bilatraux de radmission. A linstar du Maroc,
de lAlgrie et de la Libye, la Tunisie a sign en 9 aot 1998 un accord de
radmission avec lItalie. Cet accord, non publi par la Tunisie, a t considr
comme ayant pour objectif de faire dbarrasser lItalie des flux migratoires
clandestins25
.
Il fait supporter les autorits tunisiennes des lourdes engagements dans la
mesure o il les oblige radmettre les tunisiens et les trangers non
ressortissants des pays de lUMA ds lors quil est tabli quil est entr en Italie
en transitant par la Tunisie ou aprs avoir sjourn en Tunisie.
Le mutisme qui caractrise laccord et de la confidentialit qui entoure sa
mise en uvre par les autorits tunisiennes est angoissant. Il laisse poser des
grandes interrogations relatives, notamment, la procdure concrte de
radmission, au sort des trangers radmis et aux conditions de leur sjour
provisoire en Tunisie.
3/ La rpression de lemploi clandestin des trangers :
En plus des sanctions rpressives relatives tous les trangers irrguliers, les
articles 264 269 du code de travail tunisien consacrent des sanctions spcifiques
lencontre des salaris trangers et leurs employeurs afin de les dissuader de
sengager dans relation irrgulire de travail.
Ce qui caractrise ces sanctions cest leur ingalit selon quil sagit de
lemployeur ou du salari tranger : alors que lemployeur ne peut subir que des
sanctions pcuniaires (amendes)26
, des sanctions aussi bien disciplinaires (mise
pied), pnales (amende et emprisonnement) et administratives (refoulement) sont
infliges au salari tranger employ irrgulirement.
De plus, la plupart des sanctions prvues ne peuvent bnficier des
dispositions de lart. 53 du code pnal relatif aux circonstances attnuantes (Art.
269 du CT).
22
Les articles 23 et 24 de la loi du 8 mars 1968 relative la condition des trangers en Tunisie. 23 Ce code promulgu par la loi n77-28 du 30 mars 1977, JORT n 23 du 5 avril 1977, p. 830. 24
Promulgu par la loi n 99-58 du 30 juin 1999 (JORT n 54 du 6 juillet 1999, p. 1091). 25
BEN ACHOUR (S.), Le cadre juridique des migrations clandestines en Tunisie, les mesures rpressives ,
Prcit. 26 Articles 265 et 266 al. 2 du CT.
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