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1 LE SERVICE PUBLIC DE L’EAU AU BENIN : CADRE JURIDIQUE ET DROIT A L’ACCES Auteur : Fiacre Sourou LOKO HOUNKPATIN * Plus d'un milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable, dont plus de 90% dans les pays en voie de développement et plus de 80% en zone rurale. L'Afrique subsaharienne est la zone la plus fragile, avec à peine 60% de la population ayant accès à l'eau 1 . Elle est ainsi victime de pathologies parfois mortelles, qui freinent le développement 2 . La situation risque de s’aggraver. Comme dans la plupart de ses pays voisins en Afrique de l’ouest, le Bénin, classé par le PNUD en 2004 parmi les Pays les Moins Avancés (PMA), ne fait donc pas exception à la règle. Son cas apparaît comme l’un des plus préoccupants. L’eau constitue un bien considéré à l’instar de l’air, comme essentiel à la vie 3 . C’est aussi une ressource rare et indispensable à la vie et au développement socio-économique du pays. L’alimentation, la santé et toutes les activités humaines dépendent de sa disponibilité en quantité et qualité suffisantes 4 . L’accès à cette ressource pose d’énormes difficultés dans plusieurs régions du monde 5 . Partout en Afrique de l’ouest, comme au Bénin, les services de l’eau sont des services marchands d’intérêt général pour lesquels l’accès universel reste pourtant une priorité pour les gouvernements 6 . Il s’agit là des biens communs encore appelés ressources communes, caractérisés par une non-exclusion et une rivalité 7 . Un bien est non exclusif, lorsqu’une fois produit, il est accessible à tous. Cette accessibilité est une responsabilité de l’Etat. Ce dernier est le garant de ces services de bases, qui participent fortement au développement du pays. L’administration a donc la charge d’assurer ces services qualifiés de services publics, dû par elle, et qui doivent être accessible à tous les citoyens sans égard. * Doctorant en droit public, Assistant de recherche au Centre de Droit Administratif et de l’Administration Territoriale (CeDAT), Université d’Abomey-Calavi (UAC) BENIN. 1 Stéphane (C), Amélioration des performances des services d'eau et d'électricité en Afrique subsaharienne : bilan et perspectives des partenariats entre le secteur public et le secteur privé , Mastère d’action publique, Thèse professionnelle, École Nationale des Ponts et Chaussées, Paris 12è, 2005, P. 5 2 Voir à cet effet l’article de presse, SOLIDARITES INTERNATIONALES, Accès à l’eau potable dans le monde, en ligne sur www.solidarites.org (Consulté le 10 Janvier 2013) 3 HOUNMENOU (B. G.), « Gouvernance de l’eau potable et dynamiques locales en zone rurale au Bénin », Développement durable et territoires [En ligne], Dossier 6 : Les territoires de l'eau, mis en ligne le 12 mai 2006, consulté le 07 janvier 2013. URL: http://developpementdurable.revues.org/1763 ; 4 Voir le Document du Comite de Pilotage de la « Stratégie Nationale de l’Approvisionnement en Eau Potable en Milieu Urbain 2006 2015 », Ministère des Mines, de l’Énergie et de l’Eau (MMEE), Janvier 2007. 5 HOUNMENOU (B. G.), idem, 6 Programme Solidarité Eau « La gestion du service de l’eau dans les petites villes », Rapport de Synthèse de la rencontre inter-états d’Afrique de l’Ouest, Nouakchott, du 11 au 14 mars 2001, p. 15. 7 Ostrom, 1999, cité par HOUNMENOU (B. G.).

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Page 1: Article Service Public Eau Au Benin (1)

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LE SERVICE PUBLIC DE L’EAU AU BENIN : CADRE JURIDIQUE ET DROIT A L’ACCES

Auteur : Fiacre Sourou LOKO HOUNKPATIN*

Plus d'un milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable, dont plus de 90%

dans les pays en voie de développement et plus de 80% en zone rurale. L'Afrique

subsaharienne est la zone la plus fragile, avec à peine 60% de la population ayant accès à

l'eau1. Elle est ainsi victime de pathologies parfois mortelles, qui freinent le développement2.

La situation risque de s’aggraver.

Comme dans la plupart de ses pays voisins en Afrique de l’ouest, le Bénin, classé par

le PNUD en 2004 parmi les Pays les Moins Avancés (PMA), ne fait donc pas exception à la

règle. Son cas apparaît comme l’un des plus préoccupants.

L’eau constitue un bien considéré à l’instar de l’air, comme essentiel à la vie3. C’est

aussi une ressource rare et indispensable à la vie et au développement socio-économique du

pays. L’alimentation, la santé et toutes les activités humaines dépendent de sa disponibilité

en quantité et qualité suffisantes4. L’accès à cette ressource pose d’énormes difficultés dans

plusieurs régions du monde5.

Partout en Afrique de l’ouest, comme au Bénin, les services de l’eau sont des services

marchands d’intérêt général pour lesquels l’accès universel reste pourtant une priorité pour

les gouvernements6. Il s’agit là des biens communs encore appelés ressources communes,

caractérisés par une non-exclusion et une rivalité7. Un bien est non exclusif, lorsqu’une fois

produit, il est accessible à tous. Cette accessibilité est une responsabilité de l’Etat. Ce dernier

est le garant de ces services de bases, qui participent fortement au développement du pays.

L’administration a donc la charge d’assurer ces services qualifiés de services publics, dû par

elle, et qui doivent être accessible à tous les citoyens sans égard.

* Doctorant en droit public, Assistant de recherche au Centre de Droit Administratif et de l’Administration

Territoriale (CeDAT), Université d’Abomey-Calavi (UAC) BENIN. 1 Stéphane (C), Amélioration des performances des services d'eau et d'électricité en Afrique subsaharienne :

bilan et perspectives des partenariats entre le secteur public et le secteur privé, Mastère d’action publique, Thèse professionnelle, École Nationale des Ponts et Chaussées, Paris 12è, 2005, P. 5 2 Voir à cet effet l’article de presse, SOLIDARITES INTERNATIONALES, Accès à l’eau potable dans le monde, en

ligne sur www.solidarites.org (Consulté le 10 Janvier 2013) 3 HOUNMENOU (B. G.), « Gouvernance de l’eau potable et dynamiques locales en zone rurale au Bénin »,

Développement durable et territoires [En ligne], Dossier 6 : Les territoires de l'eau, mis en ligne le 12 mai 2006, consulté le 07 janvier 2013. URL: http://developpementdurable.revues.org/1763 ; 4 Voir le Document du Comite de Pilotage de la « Stratégie Nationale de l’Approvisionnement en Eau Potable en

Milieu Urbain 2006 – 2015 », Ministère des Mines, de l’Énergie et de l’Eau (MMEE), Janvier 2007. 5 HOUNMENOU (B. G.), idem,

6 Programme Solidarité Eau « La gestion du service de l’eau dans les petites villes », Rapport de Synthèse de la

rencontre inter-états d’Afrique de l’Ouest, Nouakchott, du 11 au 14 mars 2001, p. 15. 7 Ostrom, 1999, cité par HOUNMENOU (B. G.).

Page 2: Article Service Public Eau Au Benin (1)

2

En effet, « L’administration publique béninoise n’est ni orientée vers les résultats, ni

orientée vers les clients. Ce qui entrave sérieusement son efficacité et sa contribution au

développement du pays8 ». Ainsi s’exprimait le Ministre de la Réforme Administrative et

institutionnelle, à l’occasion de la semaine nationale du service public. Remarque fort juste à

laquelle le Ministre a tenu à ajouter ce qui suit : « complexité des circuits et des procédures,

absence de proximité, difficultés d’accès à l’information, mauvais accueil, agissements

contraires à l’éthique9 ».

Alors que l’essentiel de l’action administrative consiste à assurer le fonctionnement

des services publics, qui sont la raison d’être de l’administration10, cette dernière est par

principe au service des citoyens, et plus particulièrement des citoyens fragiles, ceux qui ont

le plus grand besoin de son aide et de son soutien11. C’est ce qui justifie son appellation de

service public.

Selon Gaston Jèze, le service public est la pierre angulaire du droit administratif. Il est

au cœur du droit administratif dont il constitue une notion fondamentale.

Le service public revêt en premier lieu une dimension concrète et familière. Il existe

des activités caractérisées par leur finalité, la satisfaction de l’intérêt général, qui sont des

activités de service public12. Ces dernières dispensent des prestations13 matérielles (sécurité,

transports, distribution d’eau, d’électricité ou de gaz), financières (aides, subventions,

bourses universitaires) ou intellectuelles (enseignement, formation permanente). C’est

l’approche dite matérielle du service public. Mais il s’analyse en une mission d’intérêt

général relevant de façon plus ou moins étroite d’une personne publique14.

Le service public, c’est aussi une partie, une composante, de l’appareil administratif

de l’Etat ou d’autres personnes publiques15 (collectivités territoriales, établissements

publics), qui assurent ces activités (ministères de la défense, de la justice ou de l’éducation

nationale, la sécurité sociale, les hôpitaux publics, les universités publiques, la SBEE et la

SONEB, etc.…). C’est l’approche dite organique du service public.

Il existe également une dimension plus technique du service public, qui renvoie à un

régime juridique spécifique16.

Dans le domaine du service public, comme d’ailleurs dans bien d’autres du droit

administratif, ni le législateur, ni le titulaire du pouvoir réglementaire, ne se sont vraiment 8 Propos tenus par le Ministre de la Réforme Administrative et institutionnelle, Monsieur Martial SOUTON, dès

l’entame de la semaine nationale du service public, Co-organisée par son Ministère avec le Ministère de la fonction Publique et le Ministère de la Décentralisation, du 16 Avril au 20 Avril 2012. 9 Voir la Chronique écrite par Jérôme Carlos et publiée le mercredi 18 avril 2012 à 06:40 sur le site internet de

La Nouvelle Tribune http://www.lanouvelletribune.info/index.php/reflexions/chronique/10629-le-service-public-pour-qui-pour-quoi (Consulté le 22 Décembre 2012) 10

SALAMI (I), Droit Administratif, Cotonou, Edition CeDAT 2013, à paraitre. 11

ADJAKPA ABILE (R), « S’engager sur la qualité du service dans l’administration publique africaine : le devoir d’une démocratie réelle », 12

SALAMI (I), Idem. 13

SALAMI (I), op, cit., 14

LACHAUME (J.F), PAULIAT (H), BOITEAU (C) et DEFFIGIER (C), Droit des services publics, Paris, LexisNexis, 2012, P. 5. 15

LACHAUME (J.F), PAULIAT (H), BOITEAU (C) et DEFFIGIER (C), idem. 16

SALAMI (I), op, cit.

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3

préoccupés de définir la notion de service public17. La difficulté où l’on se trouve de donner

une définition précise et incontestable du service public est, en définitive, lourde de

conséquences juridiques mais aussi politiques si l’on songe que le service public constitue, à

bien des égards, « la légitimité contemporaine du pouvoir »18.

Il est révélateur que la doctrine juridique française n’ait jamais trouvé une définition

précise et consensuelle du Service public19. Didier TRUCHET l’exprime très bien quand il

affirme que « *…+ Personne n’a jamais réussi à donner du service public une définition

incontestable : le législateur ne s’en est pas soucié, le juge ne l’a pas voulu, la doctrine ne l’a

pas pu *…+ »20. Ce problème de définition explique en partie les maux dont souffrent les

services publics en droit français et par ricochet en droit béninois. Ainsi le service public a

été « *…+ abordé en termes de crise, de déclin, de vicissitude, *…+, crise qui n’en finira pas

d’emporter le malade. Le service public est ainsi au fil des ans devenu un « lazare juridique »,

un « illustre vieillard » *…+ »21.

Faute de définition constitutionnelle, législative et jurisprudentielle (celle du Tribunal

des Conflits et du Conseil d’Etat par exemple) du service public, la notion semble devoir être

caractérisée par certaines données éparses extraites de textes normatifs et d’actes

juridictionnels, de jugements ou d’arrêts, qui caractérisent telle ou telle activité22.

Il peut donc être défini comme une activité d’intérêt général, prise en charge

directement ou indirectement par une personne publique et soumise, à des degrés divers, à

un régime juridique spécifique23. Il est à la fois une activité, une structure et un organisme.

L’existence d’un service public se trouve en effet conditionnée par la réunion de trois

indices. Un élément fonctionnel relatif à la présence plus ou moins visible d’une personne

publique à la tête du service ou le rattachement à une personne publique. Ensuite, un

élément juridique déterminant sa soumission à un régime spécifique, et enfin, un élément

matériel justifié par sa mission d’intérêt général24.

L'accès à certains services comme d’ailleurs l’eau étant considéré comme faisant

partie des « basic requirements25 », on peut donc estimer que les populations aussi bien

urbaines que rurales ont besoin et souhaitent être approvisionnées en eau potable.

Cependant, la création, l’organisation et le fonctionnement des services publics

17

LACHAUME (J.F), PAULIAT (H), BOITEAU (C) et DEFFIGIER (C), op. Cit., p.5. 18

LACHAUME (J.F), PAULIAT (H), BOITEAU (C) et DEFFIGIER (C), op. Cit., p.5.et 6. 19

Certains à l’exemple de René CHAPUS réfutent cette position. « Les meilleurs esprits se rejoignent pour professer que la notion fonctionnelle de service public est indéfinissable. En réalité, il n’en est rien ; il serait d’ailleurs bien étonnant que l’édifice du droit administratif ait pu être construit sur quelque chose d’insaisissable ». Dès lors il définit le service public comme « une activité *...] assurée ou assumée par une personne publique en vue de l’intérêt public ». CHAPPUS (René), Droit administratif général, Tome 1, 15

e

Édition, Montchrestien, Paris 2001, 1427 pages, p. 579. 20

TRUCHET (D.), Label de service public et statut de service public, AJDA 1982, p. 427. 21

MESCHERIAKOFF (A-S), Droit des services publics, novembre 1997, 2ème édition PUF, Paris, 389 pages, p. 12. 22

SALAMI (I), op. Cit., 23

SALAMI (I), op. Cit., 24

Arrêt du Conseil d’Etat, 28 Juin 1963, Narcy. 25

Terme employé dans les actes de la déclaration finale du Sommet mondial pour le développement durable (SMDD) qui s'est tenu à Johannesburg en 2002.

Page 4: Article Service Public Eau Au Benin (1)

4

d’approvisionnement en eau potable relèvent des obligations de l’administration publique et

de ses démembrements.

Mais le constat conduit à observer que le service public est très décrié par les

usagers, tant en ce qui concerne son manque d’efficacité que son inefficience, alors que son

coût dans le budget national s’accroît inexorablement26. Souvent objet de frustrations voire

de vexations de la part des agents des services publics, l’usager n’a pas d’image positive du

service public, ce qui est source de tensions voire de conflits.

La question se pose dès lors de savoir comment instaurer la qualité du service dans

les administrations publiques ? Tel est l’enjeu de la modernisation des services de l’Etat au

moment où la rationalisation des moyens est d’une impérieuse urgence, et où les obligations

de résultats devraient corréler les moyens humains, matériels et financiers mis en œuvre :

exigence de bonne gouvernance.

En définitive, il apparaît que la question du service public confronté à la construction

africaine se cristallise autour de deux problématiques majeures, à savoir la question du

financement et de la consistance du service public. Cette complexité étant source

d’insécurité juridique il devient nécessaire de clarifier et de rationaliser les règles applicables

aux services publics. Pour ce faire, le recours à la contractualisation semble être une piste

sérieuse de réflexion.

Au regard de ces observations, il est évident que le droit des services publics n’est pas

une science à part entière. Pour l’étudier, il faut s’inscrire dans le schéma de la science

juridique en général, du droit administratif en particulier. Il s’agit donc, dans cette étude, de

présenter et d’étudier le cadre juridique du droit des services publics au Bénin.

Pour saisir la mesure d’une telle démarche scientifique, la réflexion essayera de

répondre à une double interrogation : Existe-t-il un droit des services publics au bénin ?

Si oui, facilite-t-il l’accès des usagers au service public et quel est son avenir ?

Les réponses à ces interrogations vont s’appuyer sur l’œuvre du législateur comme

sur celle du pouvoir réglementaire pour analyser les normes qui sont édictées en matière de

service public et plus précisément du service public d’eau au Bénin.

L’analyse, essentiellement juridique, présentera l’intérêt, au moins sur le plan

théorique, de dégager les règles qui gouvernent le service public. L’un des critères de

l’analyse est donc le critère normatif, sans occulter le critère institutionnel, car le droit ne se

résume pas aux règles, mais comprend aussi les institutions effectives chargées d’appliquer

les règles édictées par la société27. Le critère institutionnel permettra de faire la lumière sur

la gestion des services publics d’eau au Bénin.

Le second critère est celui des règles permettant l’accès aux services publics d’eau. En

insérant ces deux critères d’analyse dans le système global du droit des services publics

béninois, il faudra réfléchir successivement sur l’inefficience du cadre juridique (I) qui rend

difficile la réalisation du droit à l’eau (II). 26

ADJAKPA ABILE (R), « S’engager sur la qualité du service dans l’administration publique africaine : le devoir d’une démocratie réelle », 27

AKEREKORO (H), Prolégomènes sur le droit public économique béninois, Cahier du CeDAT N°1, « Les métamorphoses du droit public », p. 29.

Page 5: Article Service Public Eau Au Benin (1)

5

I- UN CADRE JURIDIQUE NON EFFICIENT

Au début des années 90, le bilan de l’évolution des besoins ou des demandes en eau

et des ressources mobilisables disponible à l’échelle mondiale, a fait craindre aux milieux

spécialisés la naissance, à plus ou moins longue échéance, d’un conflit généralisé ou d’une

troisième guerre mondiale autour de l’eau. Cette crainte, propagée à grand renfort de

plaidoyers, d’information, d’animation et de sensibilisation, a rapidement gagné toutes les

régions de la terre. Elle est présentement partagée par l’ensemble des décideurs et

responsables à divers niveaux. Le Bénin n’est pas resté en marge de cette dynamique.

Le service public étant l’émanation de l’Etat, il repose sur une base juridique précise.

Cette base légale, précisément celle axée sur la gestion de l’eau est définie tant par le

législateur que par les titulaires du pouvoir réglementaire. Elle détermine les conditions et

les modalités dans lesquelles les services publics de l’eau sont crées, organisés et

fonctionnent.

Ainsi, le cadre normatif du service public de l’eau sera abordé pour clarifier la gestion

qui est faite de l’approvisionnement en eau potable au bénin, notamment celle des

institutions qui ont le plein pouvoir en la matière.

A- Le cadre normatif du secteur de l’eau

Il est reconnu de nos jours que la gestion rationnelle et durable des ressources en

eau est un défi majeur pour l’humanité. C’est dans ce cadre qu’il convient de situer les

nombreuses rencontres organisées aux niveaux mondial, régional, sous régional et nationaux

au cours des vingt dernières années. Ces différentes rencontres ont permis d’échanger, de

réfléchir ensemble et de définir les grandes orientations et les principes directeurs de ce

qu’il est convenu d’appeler la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE), considérée

comme la seule approche optimale et efficiente des ressources en eau.

1- Au niveau international et régional

S’inscrivant dans le mouvement d’ensemble de la gestion durable des ressources en

eau, le Bénin a pris une part active aux grandes réunions qui ont jalonné le chemin de la

GIRE. Il a ainsi signé ou ratifié la plupart des accords et conventions internationaux tant au

niveau international qu’au niveau régional africain, dont certains ont des incidences sur la

gestion de l'eau. Ils sont relatifs aux aspects transfrontaliers de cette gestion et à la

conservation de la nature et des milieux aquatiques. Pour la plupart, elles énoncent des

principes fondamentaux du droit de l’environnement, notamment dans le domaine de l’eau.

Avant 1990, au niveau international, plusieurs textes ont été signés ou ratifiés. Il

s’agit en autre de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 194828 ; du Pacte

28

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) de 1948 stipule en son Article 25 que “Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires”

Page 6: Article Service Public Eau Au Benin (1)

6

international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) de 196629 ; de la

Conférence de Stockholm sur l’environnement de 197230 ; de la Conférence des Nations

Unies sur l’eau (Mar del Plata) de 197731. A la suite de ces rencontres, les Nations unies ont

lancé en 1981, une décennie internationale de l’eau potable et de l’assainissement32.

Vers la fin de cette décennie, en 1990, les ONG internationales ont adopté la Charte

de Montréal33 sur l’eau potable et l’assainissement suivi dans la même année, de la

Conférence mondiale sur l'eau salubre et l'assainissement au cours de laquelle, il a été

adopté la Déclaration de New Delhi de septembre 199034.

En 1992, suivra la Conférence internationale sur l’eau et l’environnement qui a

adopté la Déclaration de Dublin35 et la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et

le développement36 (CNUED), tenue à Rio. Ces rencontres étaient consacrées à l’examen des

conditions ayant trait à la gestion de l’environnement et de l’eau. Cette adhésion a été

certainement l’acte décisif d’entrée du Bénin dans le processus Gestion Intégrée des

Ressources en Eau (GIRE) même si en réalité, le concept, le contenu et les implications n’ont

commencé à être mieux compris et cernés qu’avec la naissance du Partenariat Mondial de

l’Eau (GWP) en 199637. Ils ont également adopté le Programme Action 21 qui comprend de

multiples références aux éléments du droit à l’eau pour tous, sanctionné par des citations

particulièrement pertinentes. Ainsi, “Le principe de base, accepté d'un commun accord, était

que tous les peuples, quels que soient leur stade de développement et leur situation

économique et sociale, ont le droit d'avoir accès à une eau potable dont la quantité et la

qualité soient égales à leurs besoins essentiels38”. Dans la mise en valeur et l'utilisation des

ressources en eau, il faut donner la priorité à la satisfaction des besoins fondamentaux et à

29

L’Article 11.1 du Pacte : qui stipule que “Les Etats reconnaissent… le droit de toute personne à un niveau de

vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants”. 30

Les États adoptent la Déclaration de Stockholm selon laquelle : “L’homme a un droit fondamental……... à des conditions de vie dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être” 31 A cette importante rencontre, il a été convenu que tous les peuples, quels que soient leur stade de

développement et leur situation économique et sociale, ont le droit d'avoir accès à une eau potable dont la quantité et la qualité soient égales à leurs besoins essentiels. 32

Au cours de cette décennie, il faudra mettre en vigueur l’objectif selon lequel : “Tous les peuples, quels que soient leur stade de développement et leur situation économique et sociale, ont le droit d'avoir accès à une eau potable dont la quantité et la qualité soient égales à leurs besoins essentiels”. 33

Selon la Charte de Montréal sur l’eau potable et l’assainissement, “Toute personne a le droit d’avoir accès à l’eau en quantité suffisante, afin d’assurer ses besoins essentiels”. 34

Point 18.48 de la Déclaration de New Delhi sur l'eau salubre et l'assainissement. Elle a souligné la nécessité de fournir de manière durable un approvisionnement suffisant en eau potable et des services d'assainissement convenables à tous, et mis l'accent sur l'approche consistant à assurer "un minimum pour tous, plutôt qu'un maximum pour quelques-uns. 35

Elle a consacré le principe suivant lequel : “ L'eau, utilisée à de multiples fins, a une valeur économique et devrait donc être reconnue comme bien économique. En vertu de ce principe il est primordial de reconnaître le droit fondamental de l'homme à une eau salubre et une hygiène adéquate pour un prix abordable.” 36

Au cours de cette conférence, les Gouvernements adoptent la Déclaration de Rio selon laquelle “Les êtres humains... ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature”. 37

Voire le Rapport Final de l’étude portant sur l’inventaire, la typologie et la description des pratiques liées aux divers usages de l’eau au Bénin, initiée par le Partenariat National de l’Eau du Bénin, Juin 2005, p. 11 38

Citation 18.47 du Programme d’Action 21 de la Déclaration de Rio sur l’Environnement et le Développement.

Page 7: Article Service Public Eau Au Benin (1)

7

la protection des écosystèmes. Toutefois, au delà de ces exigences, les utilisateurs devraient

payer un juste prix39.

En 1993, l’Union International pour la Conservation de la Nature (UICN) développe un

projet de Pacte international sur l’environnement et le développement. Le Projet met

l’accent sur l’élimination de la pauvreté et précise que les États prennent les mesures qui

contribuent à l’élimination de la pauvreté notamment “les mesures de fourniture d’eau

potable40”. L’année suivante, plus précisément en février 1994, la France organise une

réunion internationale qui adopte les Recommandations de Sophia Antipolis aux termes

desquelles : “Toute personne, quelles que soient ses conditions de vie ou ses ressources, a le

droit imprescriptible de boire une eau saine”.

Dans la même dynamique de montrer l’importance que revêt l’eau dans la vie des

peuples, la Conférence internationale eau et développement durable (CIEDD), réunie à Paris

à l’Unesco, adopte en mars 1998, une déclaration41.

Enfin, en mars 2000, la Déclaration ministérielle de La Haye sur la sécurité de l’eau au

21ème siècle se fixe un objectif42. Les Ministres ont aussi décidé de tenir compte “des

besoins fondamentaux des pauvres et des plus défavorisés”. En septembre 2000,

l’Assemblée générale43 des Nations unies adopte quant à elle, la Déclaration du Millénaire.

Au regard de la pertinence des analyses ou du bilan qui a conduit les gouvernants du monde

vers ce mode contraignant de gestion des ressources en eau, tous les États se sont très tôt

mis dans la danse, parce qu’ils tiennent encore à la survie de leur population.

A cet titre, il faut souligner la participation et ou l’adhésion du Bénin aux conclusions

des réunions régionales consacrées aux mêmes questions et présentant des intérêts

humanitaires. Nous avons : la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée

à Banjul en 198144 ; la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant de 199045

(Addis-Abeba). En décembre 1997, les Ministres chargés de l’eau, de l’urbanisme et de

l’environnement de la région Afrique ont adopté la Déclaration du Cap46.

39

Citation 18.15 du Programme d’Action 21 de la Déclaration de Rio sur l’Environnement et le Développement : il est désormais admis que l'eau est un bien social et économique, les différentes options dont on dispose pour la facturer aux divers groupements d'usagers devront être examinées plus avant d’être expérimentées. 40

Article 29 du Projet de Pacte international sur l’environnement et le développement. 41

La Déclaration selon laquelle : “Nous, Ministres et Chefs de délégations...nous engageons à appuyer la mise en place progressive du recouvrement des coûts directs et indirects des services, tout en protégeant les utilisateurs à bas revenu, devrait être encouragée.” 42

“L’accès de tous à suffisamment d’eau potable à un prix raisonnable pour mener une vie saine et productive”. Elle reconnaît donc que l’accès à l’eau et à l’assainissement sont des “besoins humains de base essentiels à la santé et au bien-être”. 43

L’Assemblée générale des Nations unies adopte la Déclaration du Millénaire A/RES/55/2. A cette importante assemblée, les Chefs d’État et de gouvernement ont décidé de réduire de moitié, d’ici à 2015, la proportion des personnes qui n’ont pas accès à l’eau potable ou qui n’ont pas les moyens de s’en procurer”. 44

Article 24 de la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 : “Tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement”. 45

Elle prévoit l’obligation pour les États de prendre les mesures nécessaires “pour garantir la fourniture d’une alimentation et d’une eau de boisson saine en quantité suffisante”. 46

Ils y ont inscrit : “La promotion de l’application de tarifs réalistes pour l’eau et les services d’hygiène accompagnés d’une tarification préférentielle pour les groupes à bas revenus, par exemple des avantages tarifaires, des péréquations, etc.”.

Page 8: Article Service Public Eau Au Benin (1)

8

En janvier 1998, la Conférence de Harare47 “Stratégie de gestion de l’eau” a été

organisée dans le cadre de la Commission pour le développement durable, suivie dans la

même année, de la réunion de Ouagadougou sur la Gestion Intégrée des Ressources en Eau

et celle tenue dans la même ville en 2003 soit cinq (05) ans plus tard dénommée COAGIRE +

5 ans48. En juin 2000, la Communauté européenne et ses États Membres et les membres du

groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ont adopté à Cotonou un Accord de

partenariat49.

Enfin, en octobre 2001, le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique

(NEPAD) a adopté à Abuja, un objectif sur l’accès et la fourniture d’une eau potable et

adéquate. Tous ces instruments n’auront de valeur que s’ils sont accompagnés des mesures

sous-régionales et surtout internes.

2- Au niveau sous-régional et national

Au plan sous-régional, le Bénin a activement participé à la Conférence Ouest-africaine

sur la GIRE de mars 1998 qui a aboutit à la déclaration de Ouagadougou, à l’élaboration du

Plan d’action régional de GIRE pour l’Afrique de l’Ouest adopté en décembre 2000. Un an

plus tard, il était également présent à la rencontre qui a conduit à la création d’un cadre

permanent de coordination et de suivi de la GIRE. Il s’agit de l’Unité de Coordination des

Ressources en Eau au sein de la CEDEAO adopté en décembre 2001.

Au niveau interne, des normes existent pour la qualité de l’eau potable aussi bien en

milieu rural qu’en milieu urbain. Le Bénin s’est engagé dans un processus participatif dans le

but de se doter de façon consensuelle des principaux outils de la gestion salvatrice mais

contraignante des ressources en eau. A ce titre, il a organisé plusieurs rencontres de

concertation et d’échanges au niveau national entre les acteurs du secteur de l’eau et dont

la plus importante fût le premier Forum National de l’Eau tenu en janvier 2001.

Pour la réalisation effective et le renforcement de l’état de droit au bénin, les

gouvernants doivent prendre toutes les dispositions nécessaires pour garantir les droits et

libertés des citoyens. C’est à juste titre que, la constitution stipule que la personne humaine

est sacrée et inviolable50. A cet effet, l’Etat doit garantir à tout être humain un droit au

développement et un plein épanouissement de sa personne51. Le secteur de l’eau en fait

partie. Le législateur et les titulaires du pouvoir réglementaire ont dès lors pris des

dispositions pour organiser ce secteur vital qu’est l’approvisionnement en eau potable.

47

Il a été conclut à cette rencontre que : “Si l’on veut que la fourniture d’eau soit durable, il faut que tous les coûts en soient couverts. Des subventions pour des groupes spécifiques, généralement les plus pauvres, peuvent être considérées comme souhaitables dans certains pays.” 48

Voir le Rapport Final de l’étude portant sur l’inventaire, la typologie et la description des pratiques liées aux divers usages de l’eau au Bénin, initiée par le Partenariat National de l’Eau du Bénin, Juin 2005, P. 13 et 14. 49

Aux termes de l’Article 25 de l’Accord ACP-UE, en matière de développement social sectoriel : “Il conviendra de veiller tout particulièrement à maintenir un niveau suffisant de dépenses publiques dans les secteurs sociaux. Dans ce cadre, la coopération doit viser à : augmenter la sécurité de l'eau domestique et améliorer l'accès à l'eau potable et à une hygiène suffisante…………et améliorer les conditions du développement urbain”. 50

Article 7 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990. 51

Article 8 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990.

Page 9: Article Service Public Eau Au Benin (1)

9

En effet, pour mettre en œuvre la politique internationale de la gestion du service de

l’eau, il a été adopté un dispositif législatif et règlementaire. Il s’agit de :

• le règlement général du service public de la distribution d’eau potable et industrielle en

zone urbaine du 30 octobre 1987, révisé en 1998 et qui traite de la qualité d’eau distribuée.

• la Loi N° 2010-44 du 24 novembre 2010 portant gestion de l’eau en République du Bénin. Il

a pour objet principal de déterminer les conditions d’une gestion intégrée des ressources en

eau52. Cette dernière a pour but d’assurer une utilisation équilibrée, une répartition

équitable et une exploitation durable de la ressource disponible. En vue d’une conservation

des ressources en eau, l’Etat et les collectivités décentralisées assurent, dans le temps et

dans l’espace, un équilibre entre la disponibilité de la ressource en eau en quantité et en

qualité et les besoins à satisfaire selon les divers usages et fonctions de l’eau53. A cette fin, et

dans le cadre de la gestion de l’eau, ils assurent à tous les niveaux, la mise en place des

structures appropriées et la participation des acteurs concernés54.

• la Loi n° 97-029 du 15 Janvier 1999 portant organisation des Communes en République du

Bénin qui confère à ces dernières des responsabilités en matière d’approvisionnement en

eau potable. Dans le domaine de l’AEP, les Communes assurent les missions55 suivantes :

Préparation et ou Participation à l’élaboration des programmes et plans d’AEP, en

collaboration avec les services départementaux de l’Eau ; Financement des programmes

d’AEP ; Protection des ressources en eau et des points de captage existants et futurs ;

Maîtrise d‘ouvrage, à terme, des installations d’eau existantes après leur transfert par l’Etat

aux Collectivités locales ; Suivi et contrôle, à terme, de l’exploitation du service de l’eau

assuré par la société d’Etat, lorsque les Communes assureront effectivement la fonction de

maîtrise d’ouvrages. En effet, « La Commune veille à la préservation des conditions d’hygiène

et de la salubrité publique notamment en matière : de prospection et de distribution d’eau

potable ; de périmètre de sécurité sanitaire autour des captages, forages de puits ;

d’assainissement privé des eaux usées ; *…+ »56. Au terme de l’article 93 de cette même loi

« La commune a la charge : de la fourniture et de la distribution d’eau potable ; *…+ ; du

réseau public d’évacuation des eaux usées ; du réseau d’évacuation des eaux pluviales ; *…+ ».

Le Bénin dispose en outre d’autres instruments essentiels à savoir :

- les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) définis par les Nations Unies,

considérés comme fondamentaux pour le développement humain, afin de relever les défis

du millénaire que le Bénin s’est engagé depuis 2000 à atteindre à l’an 2015, à

savoir « réduire de moitié, la proportion de la population n’ayant pas accès à l’eau potable »,

ce qui équivaut à porter le taux national moyen de desserte en eau potable à 67, 3% à l’an 2015.

52

Article 2 de la Loi N°2010-44 du 24 novembre 2010 portant gestion de l’eau en République du Bénin. 53

Article 26 de la Loi N°2010-44 du 24 novembre 2010 portant gestion de l’eau en République du Bénin. 54

Alinéa 1er

de l’Article 29 de la Loi N°2010-44 du 24 novembre 2010 portant gestion de l’eau en République du Bénin. 55

Document de la stratégie nationale d’Approvisionnement en Eau Potable en milieu urbain Période 2006 – 2015 du MMEE, janvier 2007, P, 15. 56

Article 95 de la Loi N° 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République de Bénin.

Page 10: Article Service Public Eau Au Benin (1)

10

- le Partenariat National de l’Eau, dont le Bénin a été le premier pays de l’Afrique de l’ouest à

se doter, sous l’égide du Partenariat Mondial de l’Eau57 (Global Water Partnership « GWP »)

et qui a pour rôle la définition des règles et orientations stratégiques de gestion des

ressources en eau du pays ;

- la Politique Nationale de l’Eau qui vient confirmer l’engament du gouvernement de garantir

l’eau en quantité et en qualité pour tous les usages, tout en optant pour une gestion

rationnelle, efficiente et durable des ressources en eau. Il contient les grandes orientations

et les principes directeurs de l’utilisation de l’eau dans les différentes branches d’activités,

regroupés dans ce qu’il convient d’appeler « Gestion Intégrée des Ressources en Eau

(GIRE) », adopté en 1998. A partir de cette dernière, une première « Vision Bénin Eau

202558 » a été élaboré et présenté dans le cadre de la préparation de la « Vision Mondiale de

l’Eau au 21è siècle » lors du second Forum Mondial de l’Eau qui s’est tenu à la Haye en mars

2000. Elle a été développée sous la forme d’un document intitulé ‘‘ Gestion Intégrée et

Durable de Ressources en Eau59 ’’, qui présente la GIRE.

Pour mettre effectivement en application ces différentes mesures législatives, le

gouvernement doit prendre des textes réglementaires. A cet effet, les décrets et arrêtés ci-

après ont été pris :

• les Décrets n°2003-203 et n° 2003-204 du 12 Juin 2003 portant respectivement création et

approbation des statuts de la Société Nationale des Eaux du Bénin (SONEB) ;

• le Décret 2001-094 du 20 février 2001 portant fixation des normes de qualité de l’eau

élaborées selon les directives de l’OMS ;

• le Décret n°2007-580 du 28 décembre 2007 portant attributions, organisation et

fonctionnement du Ministère de l’Energie et de l’Eau.

• le Décret n°2011-573 du 31 Août 2011, portant instauration du schéma directeur

d’aménagement et de gestion des eaux.

• le Décret n°2011-574 du 31 Août 2011, portant création, attributions, composition,

organisation et fonctionnement du Conseil National de l’Eau

• le Décret n°2011-621 du 29 septembre 2011, portant création, attributions, composition,

organisation et fonctionnement des comités de bassin.

• le Décret n°2011-623 du 29 septembre 2011, fixant la procédure de détermination des

limites des dépendances du domaine public de l’eau.

• le Décret n°2011-671 du 5 octobre 2011fixant les procédures de délimitation des

périmètres de protection

• le Décret n°2012-227 DU 13 AOUT 2012 portant instauration du schéma d’aménagement

et de gestion des eaux.

57

Voir le document de Politique Nationale de l’Eau, Direction Générale de l’Eau (DGE / MMEE), élaboré en Juillet 2009, P. 44. 58

Elle définit comment d’ici l’an 2025, les ressources en eau au Bénin seront exploitées et gérées en assurant l’équité et la paix sociales, la durabilité environnementale et l’efficience économique ; elles contribueront ainsi efficacement au renouveau économique, à la réduction de la pauvreté, et au rayonnement international du Bénin. 59

Voir le document de Politique Nationale de l’Eau, Direction Générale de l’Eau (DGE / MMEE), Op., Cit., P. 28.

Page 11: Article Service Public Eau Au Benin (1)

11

• l’Arrêté 2007-18 du 19 février 2007 portant attributions, organisation et fonctionnement

de la Direction Générale de l’Eau.

Ces textes ont pour vocation, de définir l’organisation institutionnelle du secteur, les

autorités en charge, leurs missions et responsabilités, (administration centrale, structure

chargée de la régulation), de définir les modalités juridiques et administratives d’exercice

des activités par les opérateurs ainsi que d’édicter la réglementation spécifique applicable

aux opérateurs exerçant les différentes fonctions opérationnelles de la captation, le

traitement et la distribution d’eau potable.

Il reste cependant que des textes d’application de la loi portant gestion de l’eau font

encore défaut et que parmi ceux qui existent, certains mériteraient d’être plus précis et plus

complets, afin d’organiser au mieux la gestion dévolue aux différentes institutions.

B- La gestion du service public de l’eau

Le service public d’approvisionnement en eau potable sur toute l’étendue du

territoire national est une mission dévolue au Ministre de l’Energie et de l’Eau (MEE). Il

initie, anime, coordonne et réglemente les activités des ressources en eau, en même tant

qu’il exerce un contrôle sur toutes les entreprises et structures intervenant dans les

domaines de l’eau60. Ainsi, pour assurer sa mission qui porte sur l’élaboration et la mise en

œuvre de la politique du gouvernement dans le secteur de l’eau, le MEE dispose sous son

autorité, Direction Générale de l’Eau (DG-Eau). Cette dernière a pour mission d’assurer la

gestion des ressources en eau sur toute l’étendue du territoire national, la définition des

orientations stratégiques nationales en matière d’approvisionnement en eau potable et

d’assainissement des eaux usées et de veiller à leur mise en œuvre en collaboration avec les

acteurs concernés61. C’est alors à juste titre que la Société Nationale des Eaux du Bénin

(SONEB), une entreprise publique placée sous la tutelle du MEE, est chargée de

l’approvisionnement en eau potable et de l’évacuation des eaux usées en milieu urbain62.

L’approvisionnement en eau potable en zone rurale est donc laissé à la charge la Direction

Générale de l’Eau (DG-Eau).

1- En milieu urbain et périurbain

Actuellement le secteur de l’Approvisionnement en Eau Potable constitue une des

priorités nationales, consacrées dans les documents de base63 du Bénin et bénéficie

d’importants appuis techniques et financiers par les partenaires au développement. Depuis

la Décennie internationale de l’eau potable et de l’assainissement, des efforts tangibles ont

60

Article 1er

du Décret n°2007-580 du 28 décembre 2007 portant attributions, organisation et fonctionnement du Ministère de l’Energie et de l’Eau. 61

Article 1er

de l’Arrêté 2007-18 du 19 février 2007 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Direction Générale de l’Eau. 62

Article 50 du Décret n°2007-580 du 28 décembre 2007 portant attributions, organisation et fonctionnement du Ministère de l’Energie et de l’Eau. 63

Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté, PAG2 ; Objectifs du Millénaire pour le Développement

Page 12: Article Service Public Eau Au Benin (1)

12

été réalisés en matière d’équipements des villes en installations hydrauliques modernes,

d’augmentation du taux de desserte des populations et de gestion du service de l’eau.

En milieu urbain, la responsabilité de l’Approvisionnement en Eau Potable est

assurée par la Société Nationale des Eaux du Bénin64 (SONEB) créée en Juin 2003, à l’issue de

la réforme du secteur de l’Electricité et de l’Eau et qui a conduit à la séparation des deux

activités précédemment gérées par l’ex-Société Béninoise d’Electricité et d’Eau (SBEE). La

SONEB est un opérateur public c'est-à-dire une société publique à caractère industriel et

commercial65, dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Son capital

social est fixé à (10) Milliards de Francs CFA, souscrit entièrement et libéré intégralement par

l’Etat66. Elle a pour objet, directement ou indirectement la captation, le traitement et la

distribution d’eau potable sur le territoire national67, mais n’intervient qu’en zones urbaines

et périurbaines. Elle est aussi chargée d’exercer l’activité de traitement et d’évacuation des

eaux usées en milieu urbain.

En 2005, la population urbaine68 du Bénin était estimée à près de 40 % de la

population totale du Bénin, tandis que le grand Cotonou et les villes de Porto-Novo,

Abomey, Bohicon et Parakou69 comptaient à eux seul 56 % du total urbain.

Le système tarifaire est de type administré et rigide, ne comportant que deux (02)

tranches, sans distinction des catégories de consommateurs70. Mais à compter du 1er juillet

2009, de nouveaux tarifs, applicables en Eau potable sur toute l’étendue du territoire

national de la République du Bénin, ont été adopté. Ils comportent deux catégories

d’abonnés : ceux qui ont un branchement individuel et ceux qui ont un accès collectif. Pour

les premiers ils existent trois tranches de paiement selon le volume d’eau consommé par

mois. Mais pour ce qui concerne les seconds à savoir les bornes fontaines, les kiosques, les

adductions d’eau villageoises et les revendeurs d’eau, il existe une tranche unique de

paiement à un tarif préférentiel71. Il n’existe pas encore de mécanisme efficient

d’actualisation des tarifs. Les capacités de production et de distribution d’eau sont

insuffisantes pour satisfaire la demande, particulièrement à Cotonou. Les pertes d’eau

(techniques et commerciales) sont croissantes et estimées à 22 % en 2012 tandis que la

maintenance préventive est peu développée. Le phénomène d’intrusion saline est constaté

sur les différents champs de captage en particulier sur celui de Godomey.

L’habitat dans les villes étant essentiellement de type horizontal, extensif et très

consommateur d'espace, avec une faible densité d’occupation des sols, ce qui engendre des

coûts élevés des investissements d'AEP et des difficultés économiques pour rentabiliser ces

64

Article 1er

du Décret n°2003-203 portant création de la Société Nationale des Eaux du Bénin (SONEB). 65

Article 1er

du Décret n°2003-203 portant approbation des statuts de la Société Nationale des Eaux du Bénin. 66

Article 6 du Décret n°2003-203 portant approbation des statuts de la Société Nationale des Eaux du Bénin. 67

Article 2 du Décret n°2003-203 portant création de la Société Nationale des Eaux du Bénin (SONEB). 68

La population urbaine du Bénin était estimée à 2,9 millions d'habitants en 2005 (2,6 millions selon RGPH 2002, taux de croissance de 3,25 % par an), soit près de 40 % du total. 69

Ces villes comptaient au total 1,62 million d’habitants en 2005, soit 56 % du total urbain. 70

Document de la stratégie nationale d’Approvisionnement en Eau Potable en milieu urbain, Op., Cit P, 6. 71

Voir la note d’information de la SONEB.

Page 13: Article Service Public Eau Au Benin (1)

13

installations. Les eaux pluviales sont évacuées par des caniveaux à ciel ouvert le long de

certains grands axes des agglomérations urbaines72.

Les ressources des populations proviennent essentiellement des activités salariales et

de commerces73 (y compris informel). Le chômage étant assez élevé, en particulier chez les

jeunes, environ 25 % de la population urbaine se trouvent en dessous du seuil de pauvreté74.

A cet effet, les ménages rencontrent beaucoup de difficultés pour épargner l’argent pour le

paiement d’un branchement à la SONEB, à cause de la faiblesse et de la précarité des

revenus. Par conséquent, les catégories à faibles revenus recourent à l’achat de l’eau au

niveau des Bornes fontaines et des revendeurs.

Le Règlement général de la distribution d’eau en zone urbaine, datant d’Octobre

1987, et révisé en 1998 n’est toujours pas adapté à la réalité actuelle de la gestion du service

de l’eau sur plusieurs aspects (ex. protection des zones de captage, tarification de l’eau,

conditions et modalités de raccordement aux réseaux publics d’Approvisionnement en Eau

Potable).

En juin 2005, la SONEB n’alimentait que 69 Chefs-lieux de Communes et comptait

environ 123 000 abonnés. Mais en fin décembre 2012, la situation n’a pas tellement évolué,

puisque c’est toujours 69 Chefs-lieux de commune qui sont alimentés, avec environ 176 603

abonnés, 31,95 millions m3 de vente d’eau, pour un chiffre d’affaire de 16,61 Milliards FCFA

au 31 décembre 201175. La demande en eau est concentrée à 80 % à Cotonou, Porto-Novo,

Parakou et Abomey et Bohicon. Le reste provient des villes secondaires et des petites

localités urbaines. Le taux de desserte en eau potable des populations en zone urbaine et

périurbaine est estimé environ à 63,4 % en fin décembre 2012. Une partie de la population

des villes s‘approvisionne également par le biais de la revente de l‘eau réalisée par des

abonnés.

Par conséquent, environ 36,6 % de la population urbaine n’a pas actuellement accès

à l’eau potable. Ce sont surtout les populations des quartiers périurbains qui souffrent

davantage des problèmes d’alimentation en eau potable. Ce phénomène est

particulièrement perceptible à Cotonou avec des quartiers entiers, comprenant des milliers

d’habitants, qui ne disposent pas de réseaux d’AEP (c’est l’exemple des quartiers

excessivement peuplés comme Agla et de Ladji).

La demande en eau est assez forte, particulièrement dans les grandes villes, mais

celle-ci n’est pas encore satisfaite compte tenu, entre autres, de l’insuffisance des ressources

financières pour réaliser les branchements et les extensions des réseaux de distribution. Le

développement du secteur de l’AEP en milieu urbain est néanmoins très appréciable.

72

Document de la stratégie nationale d’Approvisionnement en Eau Potable en milieu urbain, Op, Cit., P. 8. 73

Les revenus moyens annuels par UC en milieu urbain ont été de 365 942 F CFA en 2002. La taille moyenne de l’UC est de 3,5. Les dépenses moyennes par UC en milieu urbain en 2002 étaient de 252 077 F CFA. 74

Source : Résultats de l’enquête QUIBB, INSAE 2003, citée dans Bilan et perspectives à court et à moyen termes de l’économie nationale, redistribution du revenu et réduction de la pauvreté au Bénin, MFE, édition 2003. 75

Voir le Site Internet de la SONEB : http://www.soneb.com/soneb2/01-entreprise/fiche-signaletique.php Consulté ce 21/03/2013.

Page 14: Article Service Public Eau Au Benin (1)

14

Par ailleurs, la loi sur la décentralisation confère aux Communes la responsabilité en

matière d’AEPA. Mais, ces prérogatives ne sont pas actuellement pleinement exercées par

les collectivités locales en milieu urbain, faute de textes d’application, de transfert de

compétences et de ressources76. En effet, les collectivités locales jouent un rôle encore

réduit en matière de gestion urbaine, par manque de structures techniques et de moyens

humains et financiers77.

En matière d’évacuation des eaux usées, le cadre institutionnel et le contexte socio-

économique du pays ne sont pas encore favorables pour une prise en charge efficace de ce

volet par les différents acteurs. L’activité de traitement d’évacuation des eaux usées est peu

développée et les moyens dont il dispose sont très faibles. Elle est toujours en phase d’étude

de faisabilité et de mise en place de financement. Les pouvoirs publics et populations

n’accordent pas un intérêt suffisant au secteur de l’évacuation des eaux usées. La gestion

des eaux usées en milieu urbain n’est pas encore une priorité des pouvoirs publics et les

populations ne sont pas motivées sur les questions d’assainissement, notamment au plan

financier. Il n’existe réellement pas de programmes d’investissements en évacuation des

eaux usées en zones urbaines. En outre, il y a actuellement un programme à titre pilote pour

Cotonou et une partie de la Commune d’Abomey-Calavi.

Le secteur d’Approvisionnement en Eau Potable en milieu urbain recèle de réelles

possibilités pour générer davantage de ressources financières78 si des mesures appropriées

sont prises, notamment l’assouplissement des mécanismes d’accès à l’eau potable,

l’extension des réseaux de distribution pour satisfaire davantage la demande de plus en plus

importante et la modernisation de la gestion clientèle.

Actuellement, il n’existe pas de mécanismes efficaces et appropriés de financement

du développement du secteur de l’Approvisionnement en Eau Potable urbaine. La

satisfaction de la demande est fortement tributaire de la mobilisation des ressources

financières indispensables pour la réalisation des programmes d’investissements pour

répondre aux besoins de la population.

2- En milieu rural et semi-rural

Le secteur de l'approvisionnement en eau potable en milieu rural au Bénin, reste

également un des secteurs prioritaires qui se positionne au centre de la politique de

développement du pays. Sa promotion et sa gestion performante continuent de retenir

toute l’attention du gouvernement, en ce que l’accroissement du taux de desserte en eau

potable est un des défis majeurs à relever d’ici à l’an 201579. Ceci apparaît aussi comme un

préalable au renforcement de l’état de santé et de la capacité de travail des populations

76

Document de la stratégie nationale d’Approvisionnement en Eau Potable en milieu urbain, Op, Cit., P. 8. 77

Document de la stratégie nationale d’Approvisionnement en Eau Potable en milieu urbain, Op, Cit., P. 6. 78

Les ressources financières générées par les ventes de l’eau par la SONEB ont été de dix (10) milliards F CFA en termes de ventes et de huit (08) milliards F CFA en termes de recettes en 2004. 79

Voir le Guide sur le processus de programmation communale des ouvrages d’approvisionnement en eau potable en milieu rural et semi-urbain de la Direction Générale de l’Eau (MME), Juin 2009, P. 6.

Page 15: Article Service Public Eau Au Benin (1)

15

béninoises ; toutes choses qui concourent de façon décisive, à la réduction de leur pauvreté

et à l’émergence économique et sociale véritable du Bénin.

L’approvisionnement en eau potable en milieu rural relève de la Direction Générale

de l’Eau, et fait intervenir, sur le terrain, les comités de gestion des points d’eau, et dans

certains gros villages ou quartiers, les associations des usagers de l’eau. La Direction

Générale de l’Eau comprend plusieurs directions dont la Direction de L’Approvisionnement

en Eau Potable (DAEP). Cette dernière est structurée en des services parmi lesquels se

trouve le Service d’Approvisionnement en Eau Potable en Milieu Rural (SAEP-MR). Il est

chargé de coordonner la réalisation et le suivi technique des ouvrages d’AEP en milieu rural.

A ce titre, il a pour attributions80 de :

- coordonner la planification des points d’eau en milieu rural effectuée par les services

déconcentrés et les communes ;

- assurer la coordination de la réalisation et du suivi technique des points d’eau en milieu

rural ;

- assurer l’assistance technique aux services de l’eau des Directions Départementales des

Mines, de l’Energie et de l’Eau ;

- procéder au suivi de l’exécution des marchés publics d’Approvisionnement en Eau Potable

en milieu rural ;

- effectuer le contrôle des spécifications techniques relatives aux points d’eau en milieu

rural.

En conséquence, le développement du secteur de l’AEP en milieu rural est très

appréciable, comme le montre le tableau suivant du point des réalisations par département

qui fait la lumière de la situation exhaustive des besoins en point d’eau, des points d’eau

équipés, fonctionnel et en panne puis du Taux National de Desserte en eau en milieu rural

au Bénin à la date du 31 décembre 2011.

Département Population Besoins en Points d’Eau

Equivalent Points d’Eau équipés

Equivalent Points d’Eau fonctionnels

Taux de Panne

Taux de Desserte

ALIBORI 727 583 2 910 2 216 1 860 07,32% 63,90%

ATACORA 719 484 2 878 2 413 2 022 09,41% 70,30%

ATLANTIQUE 1 257 766 5 031 2 860 2 617 06,40% 52,00%

BORGOU 1 035 910 4 144 3 101 2 163 14,37% 52,20%

COLLINES 785 408 3 142 2 635 2 066 15,60% 65,80%

COUFFO 664 694 2 659 1 952 1 620 15,49% 60,90%

DONGA 460 352 1 841 1 391 1 235 01,36% 67,10%

MONO 434 728 1 739 1 669 1 404 04,88% 80,70%

OUEME 906 041 3 624 1 467 1 341 03,87% 37,00%

PLATEAU 526 062 2 104 1 662 1 428 14,08% 67,90%

ZOU 731 976 2 856 2 514 2 317 06,87% 81,10%

NATIONAL 8 232 004 32 928 23 880 20 073 09,58% 61,00%

80

Article 32 de l’Arrêté 2007-18 du 19 février 2007 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Direction Générale de l’Eau. (MMEE).

Page 16: Article Service Public Eau Au Benin (1)

16

Sources des Données : BDI/DG-Eau/DDMEE (Au vendredi 11 mai 2012)

Par ailleurs, la décentralisation du secteur de l’approvisionnement en eau potable

(AEP) consacre la volonté d’un désengagement progressif de l’Etat central de ce secteur

stratégique, au profit des collectivités territoriales, notamment des communes qui semblent

désormais les mieux placées, de par leur proximité et leur vocation, pour assumer le service

public de l’eau potable au bénéfice des populations locales. Dans ce cadre, la commune est désormais chargée de l’élaboration et de l’adoption

de son plan de développement économique et social qu’elle exécute en harmonie avec les

orientations nationales, en vue d’assurer les meilleures conditions de vie à l’ensemble de la

population81. Dans le secteur de l’approvisionnement en eau potable en particulier, la

maîtrise d’ouvrage communale est affirmée par la loi qui dispose que la commune est

chargée de la réalisation des infrastructures hydrauliques autant que de la fourniture et de la

distribution de l’eau potable aux populations, sans oublier le réseau d’évacuation des eaux

usées82. A cet effet, elle veille à la protection des ressources hydrauliques et contribue à leur

meilleure utilisation puis à la préservation des conditions d’hygiène et de la salubrité

publique en matière de prospection et de distribution d’eau potable.

Toutes ces difficultés concourent indubitablement à rendre difficile la réalisation du

droit de toute personne à l’eau potable sans laquelle, l’on ne peut s’épanouir.

II- UN DROIT DIFFICILEMENT REALISABLE

La promotion d’un véritable état de droit passe par diverses conditions parmi

lesquelles la garantie des droits humains figure en bonne place. En effet, toute personne a le

droit à un environnement sain, satisfaisant et durable et à la devoir de le défendre. L’Etat

veille à la protection de l’environnement et à la conservation des ressources naturelles en

général, en l’occurrence l’eau83. La Loi N° 2004-44 du 24 novembre 2004 portant gestion de

l’eau en République du Bénin reprend exactement les termes de l’article 27 de la

Constitution béninoise du 11 décembre 1990, en érigeant le droit à l’eau en un principe

constitutionnel. Elle dispose en outre en son article 6 que : « chaque citoyen béninois a le

droit de disposer de l’eau pour ses besoins et les exigences élémentaires de sa vie et de sa

dignité », tout en mettant à la charge de l’Etat et des collectivités territoriales, dans leurs

domaines respectifs de compétence, de veiller à la gestion durable de l’eau, en vue de

garantir aux usagers un accès équitable.

Ainsi, le droit à l’eau est-il vraiment réaliser au Bénin ? Par quels moyens peut-on

garantie efficacement ce droit à tout citoyen ? Qu’est ce que l’Etat doit donc faire pour

permettre à tous les béninois de jouir effectivement du droit à l’eau ? Par ailleurs, pour

81

Article 84 de la Loi N° 97-029 du 15 janvier 1999 portant Organisation des Communes en République du Bénin. 82

Article 93 de la Loi N° 97-029 du 15 janvier 1999 portant Organisation des Communes en République du Bénin. 83

Article 1er

de la Loi N° 2004-44 du 24 novembre 2004 portant gestion de l’eau en République du Bénin.

Page 17: Article Service Public Eau Au Benin (1)

17

concrétiser ce droit constitutionnellement consacré et essentiel pour la vie, il faudra penser

à la réorganisation et l’amélioration du service public de l’eau.

A- La concrétisation d’un droit constitutionnellement consacré

Selon le Professeur AHADZI, l’organisation des droits de l’homme dans les pays

d’Afrique de l’Ouest francophone ‘‘repose sur une proclamation généreuse des droits

accompagnés de devoirs et la mise en place d’un système sophistiqué de garanties’’84. Cette

‘‘générosité’’85 qui peut se mesurer tant sur le plan statistique que sur le plan de l’étendue

des droits proclamés, impose aux Etats la responsabilité de créer les conditions de

réalisation de ces droits sociaux et économiques annoncés. Comment pourront-ils y parvenir

efficacement sans utiliser leurs prérogatives de puissance publique ?

1- Le service public, condition indispensable

Le régime juridique du service public semble être un moyen permettant aux Etats de

l’Afrique de l’Ouest francophone en général, et du Bénin en particulier, de mieux satisfaire

les besoins fondamentaux érigés en droits par la constitution. En effet, comme l’affirme

Babakane D. COULIBALEY86, ‘‘S’agissant des formules visant à créer les conditions d’exercice

des droits garantis par la constitution, seules celles qui permettent de préserver les pouvoirs

et droits spéciaux connus sous le nom de prérogatives de puissance publique semble devoir

s’imposer en tant qu’elle permet de passer outre aux obstacles que le droit commun aurait

pu placer à la nécessité de faire prévaloir l’intérêt supérieur de la collectivité’’.

Il alors discutable que la seule voie pour l’Etat de concrétiser les droits

constitutionnellement garantis passe par la bonne gouvernance en matière de l’organisation

des services publics87. Cette organisation doit être à même de répondre efficacement aux

besoins de l’ensemble de la population.

A cet effet, le Professeur DELVOLVE écrit : ‘‘Le service public peut être aussi un

moyen d’exercice des libertés, en permettant à ses usagers de bénéficier concrètement des

moyens qu’il met à leur disposition : on reconnait ici les libertés réelles, ajoutées aux libertés

84

AHADZI (K. N), ‘‘Droits de l’homme et développement : Théories et réalités’’, In La Voix de l’Intégration Juridique et Judiciaire Africaine (V.I.J.J.A.), Revue semestrielle de l’Association Ouest-Africaine des Hautes Juridictions Francophones (A.O.A.-H.J.F.), N°03 et 04, Cotonou, 2003, p.49. 85

L’expression est du Professeur Pierre MASSINA, ‘‘Droits de l’homme, libertés publiques et le sous-développement’’, N.E.A., Lomé, 1997, p. 31. Cité par Etienne S. AHOUANKA ‘‘Réflexion sur la crise du service public en Afrique de l’ouest francophone’’, In Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives (R.B.S.J.A.), N°16, Abomey-Calavi 2006, p. 72. 86

COULIBALEY (B. D.), ‘‘Sur le service public en Afrique : déclin et utilité d’une institution’’, Annales de l’Université du Bénin, Tome XVIII-1999, Les Presses de l’UB, Lomé, 1999, p.7, Cité par Etienne S. AHOUANKA ‘‘Réflexion sur la crise du service public en Afrique de l’ouest francophone’’, In Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives (R.B.S.J.A.), N°16, Abomey-Calavi 2006, p. 72. 87

AHOUANKA (E. S). ‘‘Réflexion sur la crise du service public en Afrique de l’ouest francophone’’, In Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives (R.B.S.J.A.), N°16, Abomey-Calavi 2006, p. 73.

Page 18: Article Service Public Eau Au Benin (1)

18

formelles88 ’’. Aussi les droits créances ne peuvent recevoir satisfaction qu’après la mise en

place d’un appareil destiné à répondre aux exigences des particuliers. Tant que l’Etat n’a pas

réuni les moyens nécessaires pour s’acquitter de son obligation, le droit du créancier qu’est

le citoyen, ne peut s’exercer.

Ainsi, tant que l’Etat n’aura pas investit dans le renouvellement des infrastructures

pour la production et la distribution de l’eau potable, et doter les structures gestionnaires de

moyens suffisants et personnels qualifiés, les citoyens ne pourront pas jouir de leur droit à

l’eau potable. Outre le service public, la concrétisation du droit à l’eau nécessite la

réaffirmation d’un droit à l’eau pour tous et d’une participation citoyenne ainsi que l’accès à

l’information.

2- La réaffirmation d’un droit à l’eau pour tous

L’affirmation de l’existence d’un droit à l’eau est de peu d’utilité si ce droit ne peut

être effectivement mis en œuvre et, en particulier, s’il ne contribue pas à diminuer le

nombre de personnes sans accès à l’eau potable. Comme le disait M. Federico MAYOR,

Directeur général de l’Unesco : “Si l’accès à l’eau est aujourd’hui considéré comme un droit

fondamental, il nous incombe à tous de réfléchir aux responsabilités qu’implique l’exercice

de ce droit.”89 Et M. F. MAYOR ajoute : “L’eau est un bien social et patrimonial dont les

utilisations humaines sont réglées par le droit.”90

Les modalités qui facilitent l’accès à l’eau pour tous varient avec les institutions, les

traditions et les cultures, les niveaux d’équipement et de revenus et sont généralement

soutenues par des programmes d’information et de sensibilisation91. Sachant que l’eau

consommée peut provenir de nombreuses sources (eau en bouteille, eau de réseau, eau de

source, de rivière, de puits, de marais, etc.), les mesures à prendre sont très diverses. Les

conditions d’accès varient beaucoup puisque l’eau peut être proche ou éloignée, de bonne

qualité ou non, gratuite ou payante.

Le cadre juridique et politique varie beaucoup puisque, dans certains pays, il n’est pas

possible d’obliger les personnes à payer leur eau, ni d’ailleurs de couper l’eau. D’autre part,

il existe ou non des compteurs pour mesurer l’eau distribuée.

88

DELVOLVE (P.), ‘‘Service public et libertés publiques’’, in RFDA, 1985, Cité par Etienne S. AHOUANKA ‘‘Réflexion sur la crise du service public en Afrique de l’ouest francophone’’, In Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives (R.B.S.J.A.), N°16, Abomey-Calavi 2006, p. 73. 89

Message délivré à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, 22/3/97 (Marrakech). M. F. Mayor plaide pour une nouvelle éthique de l’eau et ajoute : “Il est manifeste que des politiques de prix conformes au principe de l’équité sociale ont un rôle déterminant à jouer dans la revalorisation de l’eau”. Il ne suffit pas que les pauvres aient des droits (éducation, culture, justice, santé, eau) ; encore faut-il qu’ils puissent les exercer. L’école gratuite, l’aide judiciaire (prise en charge des frais de défense), la couverture médicale universelle comme l’aide pour l’eau (prise en charge des besoins essentiels) rendent ces droits effectifs. 90

MAYOR (F.) : Un monde nouveau, Odile Jacob, Paris 1999. Cité par SMETS Henri, Le droit à l’eau, publié par l’Académie de l’eau, CEDE – AESN, 2002, p. 82. 91

Sur le contenu concret du droit à l’eau, voir H. Smets : “De l’eau potable pour les pauvres”, Env. Pol. Law, Vol.30, n°3, pp.125-140 (2000) ; “Le droit à l’eau potable”, dans L’eau au XXIe siècle, Futuribles, Paris, 2000, Cité par SMETS Henri, Le droit à l’eau, publié par l’Académie de l’eau, CEDE – AESN, 2002, p. 82.

Page 19: Article Service Public Eau Au Benin (1)

19

La mise en œuvre du droit à l’eau requiert l’existence de droits précis susceptibles

d’être invoqués devant les tribunaux afin que ceux qui seraient privés d’eau puissent se

défendre et exiger le respect de leur droit à l’eau92. Le droit à l’eau comme à la nourriture ne

signifie pas que l’eau ou la nourriture soit gratuite ; il signifie seulement que l’eau soit d’un

prix abordable de sorte que chaque personne puisse en disposer. Ceci implique en

particulier que les plus déshérités devront recevoir de l’eau de façon gratuite ou quasi

gratuite mais nullement que chacun a droit à recevoir de l’eau à bas prix.

Le droit à l’eau pour tous entre parfois en conflit avec d’autres droits tels que le droit

de propriété ou le droit des contrats. Ainsi en France et en Belgique, le propriétaire d’une

source en milieu rural ne peut priver les usagers de cette source de l’eau qui leur est

nécessaire93. De même, dans de nombreux pays, les ménages démunis qui ont des impayés

d’eau ne peuvent plus être soumis à une coupure d’eau même si le contrat de fourniture le

prévoit expressément.

3- La participation citoyenne et l’accès à l’information

La participation active et éclairée du public permet de maintenir un climat de

confiance entre le distributeur d’eau et le public. A cette fin, l’information sur la gestion des

réseaux de distribution et des services d’assainissement et sur les fondements de la

tarification doit être disponible, transparente et vérifiable.

La participation du public est particulièrement nécessaire dans le cas de sociétés

démocratiques comme celle du bénin et constitue un moyen très utile pour obtenir

l’information socio-économique nécessaire à la bonne marche du système.

Le centralisme donne généralement des résultats inférieurs à une gestion

décentralisée avec implication forte des autorités municipales ou des collectivités d’usagers.

Car il tend à déresponsabiliser les populations concernées dans le choix des meilleures

solutions techniques et des modalités les plus appropriées de financement et de tarification.

Beaucoup de projets concernant l’eau ont échoué faute d’adhésion des populations

concernées.

L’Académie de l’eau en France, a mis en avant dans la Charte sociale de l’eau les

principes de participation, coopération, concertation et négociation avec les populations

locales et leurs représentants. De son côté, le CEDE94 insiste sur la nécessité de gérer l’eau

“en coopération avec les usagers”, c’est-à-dire en les associant étroitement aux décisions

92

Selon Henri SMETS, Cette approche permet de corriger les imperfections des systèmes en place qui laissent de côté les populations marginalisées, trop pauvres ou trop faibles pour faire respecter leurs droits sans le soutien d’actions judiciaires ou la menace d’y recourir. L’intégration des pauvres dans des sociétés inégalitaires implique de leur donner des droits pour contrebalancer leur faiblesse. 93

Selon l’art.642 al.3 du Code civil français, le propriétaire d’une source d’eau potable ne peut en user “de manière à enlever aux habitants d’une commune, village ou hameau, l’eau qui leur est nécessaire”. Selon la jurisprudence, cette eau doit être destinée à la satisfaction des besoins personnels des habitants ou de ceux des animaux, à l’exclusion des besoins relatifs à l’irrigation des terres et à l’usage de la force motrice. Il s’agit d’une servitude légale au bénéfice de personnes auxquelles l’eau est ”nécessaire”. Selon l’art. 644, le propriétaire d’un fonds traversé par une eau courante doit la rendre à la sortie de ce fonds à son cours ordinaire sans dénaturer l’eau, ni la rendre impropre à son usage normal. 94

Le Conseil Européen du Droit de l’Environnement.

Page 20: Article Service Public Eau Au Benin (1)

20

concernant le service de l’eau comme la qualité et l’étendue du service, la réduction des

fuites des réseaux, les modalités de tarification, la facturation de l’eau aux services publics.

La participation des usagers devrait faciliter l’acceptation sociale du prix de l’eau et

promouvoir une répartition équitable de l’ensemble des coûts entre tous95. Elle est tout

particulièrement nécessaire lorsque les subventions diminuent, lorsque la tarification de

l’eau implique des différences tarifaires et des subventions croisées entre groupes et surtout

lorsque l’on envisage la privatisation partielle ou totale du service de l’eau, comme la qualité

et l’étendue du service, la réduction des fuites des réseaux, les modalités de tarification, la

facturation de l’eau aux services publics.

Au total, il ne s’agit pas seulement de définir des règles suffisamment précises pour

qu’elles soient opératoires sur le plan de la technique juridique, il convient de les

accompagner de réformes et d’améliorations adéquates.

B- L’impérieuse nécessité d’améliorer le service public de l’eau

La réévaluation du rôle de l’Etat est impérieuse et semble être la seule condition de

l’amélioration du service public de l’eau. Cette réflexion qui repose sur l’analyse de la

gestion du service public de l’eau, qui nécessite une réforme, requiert ainsi la participation

effective des collectivités locales et l’intervention du secteur privé.

1- La réforme du cadre de gestion de l’eau

L’analyse de l’état actuel des ressources en eau et de leurs différents modes de

gestion fait apparaître d'importants problèmes de gouvernance. La demande en eau est

croissante et de plus en plus concurrentielle96. On observe une pluralité des acteurs pouvant

faire valoir des responsabilités légales en matière de gestion des ressources en eau. Dans

ces conditions, il devient nécessaire d’institutionnaliser les mécanismes requis pour un

arbitrage entre les différents types de demande et les divers groupes d’acteurs concernés. Il

s'agira, pour le Gouvernement, de faire fonctionner un système de régulation pour faciliter

la concertation entre les différents acteurs de façon à garantir l’équité dans l’accès à l'eau, et

à couvrir de façon harmonieuse l’ensemble des différents types de demande.

Pour ce faire, il faudra d’abord : développer un système national d’information sur

l’eau ; privilégier l’approche par la demande ; créer des mécanismes de prévention et de

résolution des conflits ; se prémunir contre les risques et effets négatifs liés à l’eau ; établir

et appliquer une police de l’eau97, etc.

95

Selon Henri SMETS, Le Droit à l’eau, L’une des difficultés rencontrées est de convaincre les usagers de renoncer aux subventions, de payer l’eau à son vrai prix et d’accepter l’augmentation du prix de l’eau pour rendre financièrement autonome le service de l’eau. 96

Voire le document de Politique Nationale de l’Eau, Direction Générale de l’Eau (DGE / MMEE), élaboré en Juillet 2009, P. 31. 97

Voire le document de Politique Nationale de l’Eau, Direction Générale de l’Eau (DGE / MMEE), élaboré en Juillet 2009, P. 47.

Page 21: Article Service Public Eau Au Benin (1)

21

Ensuite, la clarification des rôles des acteurs intervenants dans le secteur de l’eau est

essentielle dans un cadre institutionnel en pleine évolution98. Ces rôles doivent être bien

définis et connus de tous. Il s’agit non seulement de ceux que les acteurs ont depuis que le

nouveau dispositif est mis en place. Les acteurs potentiels de la gestion de la ressource sont

nombreux et regroupés en plusieurs catégories (les ministères et certaines directions

ministérielles, les collectivités territoriales, le secteur privé, les ONG, la société civile etc.).

Chacune de ces catégories d’acteurs a ses propres intérêts qui peuvent correspondre avec

ceux d’un autre groupe ou bien leur être contradictoires. Les intérêts et l’importance de

chaque catégorie d’usagers peuvent en outre évoluer avec le temps. Ainsi, dans un objectif

de saine gouvernance et d’efficacité de la gestion des ressources disponibles, les différentes

fonctions de chacun des acteurs doivent être transparentes et précisément définies, et

l’application de principes clairement établis doit régir leur exécution99.

Enfin, la réforme du cadre organisationnel de la gestion des ressources en eau exige

de ce fait un repositionnement des structures gouvernementales sur leurs mandats régaliens

et une meilleure implication des acteurs non publics dans les actions à mettre en place. Les

moyens d’intervention de l’Etat sont divers. Ils partent de l’autorité sociétale à la persuasion,

l’animation et le maillage en passant par les organisations et des ressources financières. Le

succès de ce système d’amélioration des services publics implique une bonne répartition des

responsabilités100. La décentralisation et la privatisation seront les modes pertinents de

dévolution des responsabilités.

2- La décentralisation effective des services publics de base

A la fin du mois de mars de cette année 2013, le Bénin aura achevé dix (10) années

d’expériences en matière d’apprentissage de la décentralisation. Pourtant le transfert de

compétence n’est pas encore une réalité, en particulier dans le secteur de

l’approvisionnement en eau potable. Le constat fait actuellement dans ce secteur est que les

services techniques101 de la Direction Générale de l’Eau et les services déconcentrés de l’eau

assurent toujours, en tant qu’acteurs les prérogatives d’avant la réforme décentralisatrice. Il

s’agit de la maîtrise d’ouvrage des infrastructures d’hydraulique et d’assainissement.

En cherchant donc à capitaliser les progrès accomplis par plusieurs communes en

matière de capacité à exercer la maîtrise d’ouvrage et constatés lors de l’évaluation de

certains programmes d’hydraulique villageoise, l’Etat doit assurer de façon progressive mais

rapide, le transfert de compétence et de ressources financières aux collectivités territoriales

dans le secteur de l’approvisionnement en eau potable et de l’assainissement. Ce faisant, il

s’agit d’améliorer de manière conséquente, le niveau de responsabilité des acteurs locaux, le

98

Ibidem, p. 45. 99

Ibidem, p. 46. 100

Voir CHAPUS (R.), Droit administratif général, Tome 1, N°342, 343, p. 256-260, ou N°553 s, 15è édition, Montchrestien, Paris, 2001. Cité par AHOUANKA (E. S). ‘‘Réflexion sur la crise du service public en Afrique de l’ouest francophone’’, In Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives (R.B.S.J.A.), N°16, Abomey-Calavi 2006, p. 77. 101

Voir le document de Politique Nationale de l’Eau, op. cit., p. 57.

Page 22: Article Service Public Eau Au Benin (1)

22

rythme d’exécution des infrastructures hydrauliques, la transparence et la rapidité dans la

prise des décisions, l’efficience et l’efficacité des activités102.

Au total, la décentralisation des pouvoirs et des ressources au niveau infra-municipal,

par exemple au niveau des quartiers ou des villages, exige des efforts particuliers, mais elle

peut avoir des avantages considérables103.

3- L’intervention du secteur privé

Faire participer le secteur privé à la gestion des ouvrages hydrauliques est un choix

stratégique qui vise l’amélioration de la gestion des ouvrages hydrauliques, en milieu urbain

comme en milieu rural, grâce à la création de valeur ajoutée en termes de compétence

technique et de dynamique commerciale par les opérateurs privés104.

L'appel du privé dans le domaine des infrastructures en général peut ainsi être

considéré comme pertinent puisqu'il doit et peut se faire prioritairement pour des projets

"capitalistiques", c’est-à-dire comportant la réalisation d’infrastructures qu’il peut contribuer

à financer, ou pour des projets où sa gestion innovante sera recherchée. Le secteur privé

apporte une plus-value également lorsque le projet fait appel à une technologie et une

technicité particulières ou évolutives105. Puisqu'en première approche, plus un bien ou

service public est "tarifable", plus il apparaît facile d’introduire un partenaire privé : c’est le

cas dans l’eau, les télécommunications, de l’électricité, où la consommation appelle

redevances et/ou tarifs106.

La participation du privé peut prendre plusieurs formes possibles. Elle doit assurer

une plus value à la gestion de la ressource à travers le professionnalisme, des gains de

productivité économique et la mobilisation de capitaux privés au profit des investissements

pour la mise en valeur des ressources en eau.

La stratégie nationale de l’approvisionnement en eau potable en milieu urbain (2006-

2015) prévoit à juste titre un appui-conseil de la SONEB au démarrage de la nouvelle

expérience de délégation en milieu urbain. Toutefois, il est important de mettre en place un

mécanisme national de régulation de la gestion déléguée des ouvrages hydrauliques par le

secteur privé107.

Le secteur privé doit continuer à jouer le rôle d’appui conseil et d’appui à la

réalisation et à la gestion d’infrastructures hydrauliques. La qualité et le niveau de service

fourni devront être compatibles avec les normes techniques en vigueur.

Le rôle du secteur privé doit être renforcé par sa responsabilisation dans la gestion

déléguée des ouvrages hydrauliques en milieu rural et des petits systèmes d’AEP en milieu

102

Voir le document de Politique Nationale de l’Eau, op. cit., p. 58. 103

Voir, Banque Mondiale, Rapport sur le développement dans le monde 2000-2001, ‘‘Combattre la pauvreté’’, éditions ESKA. Cité par AHOUANKA (E. S), 104

Voir le document de Politique Nationale de l’Eau, op. cit., p. 58. 105

Si cela s’applique bien aux télécommunications et aux transports aériens par exemple, c’est aussi le cas pour l’eau et l’assainissement qui requièrent désormais des techniques particulières de purification comme de tarification. 106

Stéphane (C), op. cit., p. 38 107

Voir le document de Politique Nationale de l’Eau, op. cit., p. 58.

Page 23: Article Service Public Eau Au Benin (1)

23

semi urbain, conformément à la stratégie nationale de l’approvisionnement en eau potable

en milieu rural (2005-2015) et à la stratégie nationale de l’approvisionnement en eau

potable en milieu urbain (2006-2015). En accompagnement de cette dynamique, il est

indispensable de créer un environnement favorable à la participation responsable et efficace

du secteur privé108.

Conclusion

L’accès à l’eau potable est un critère de justice sociale, de dignité, d’équité et de paix.

Il doit être garanti pour tous et être suffisant, satisfaisant et non discriminatoire. En

conséquence, il est nécessaire d’améliorer la desserte en eau potable des populations. Cet

objectif doit constituer la priorité majeure du secteur de l’eau et de l’assainissement pour

atteindre les OMD, à savoir : porter le taux moyen de desserte en eau des populations

urbaines de 50% en 2005 à 75% en 2015 et le taux moyen de desserte en eau des

populations en milieu rural et semi urbain de 44% en 2006 à 70% en 2015.

Par ailleurs, afin d’assurer l’exercice du droit à l’eau, l’Etat et les collectivités

territoriales doivent être responsables, dans le cadre de leurs compétences respectives, de

l’organisation et du fonctionnement du service public de l’approvisionnement en eau

potable et de l'assainissement.

Depuis quelques années, des efforts soutenus ont été consentis afin de mieux gérer

les ressources en eau et les écosystèmes qui en dépendent. Les résultats obtenus restent

encore limités au regard des défis majeurs de développement à relever qui constituent

encore de véritables facteurs limitant pour une meilleure valorisation des ressources en eau.

Ces défis se résument comme suit :

- la formation des ressources humaines en nombre et en qualification requises pour une

bonne gestion des ressources en eau ;

- une bonne connaissance des ressources en eau disponibles et mobilisables ;

- la couverture entière des besoins en eau potable des populations urbaines et rurales.

Le document de politique nationale de l’eau s’est donné précisément pour but de

fixer les orientations pour surmonter les défis et agir en matière de planification, de

mobilisation et de mise en valeur durable des ressources en eau, pour faire du secteur de

l’eau un véritable levier de développement durable. La victoire définitive sur la pauvreté et

l’épanouissement des populations béninoises sera d’autant plus proche que les ressources

en eau disponibles seront mobilisées et valorisées durablement.

L'amélioration des performances de la gestion du secteur de l’AEP reste bien en effet

l'objectif ultime. Le recours au secteur privé, sans doute trop considéré comme une fin en

soi, ne doit être vu que comme un outil au service de cette finalité et qui plus est comme un

outil qui ne peut agir seul mais avec et en fonction de son environnement, sans se substituer

au secteur public, à ses forces et à ses faiblesses.

108

Voir le document de Politique Nationale de l’Eau, op. cit., p. 34.

Page 24: Article Service Public Eau Au Benin (1)

24

Dans le secteur de l'eau béninois, les autorités publiques seront a priori en première

ligne pour investir. Les réussites du Sénégal et de la Côte d'Ivoire ne doivent pas masquer

l'immense chemin qui reste à parcourir pour satisfaire les besoins essentiels de plus d'un

million d'individus tout en se mettant en position de se conformer à des exigences fortes

telles que le développement durable de la planète.

De plus en plus, la communauté internationale s'accorde à dire que les collectivités

locales doivent jouer un rôle grandissant dans la fourniture des services essentiels, sans

doute d'ailleurs d'abord dans le domaine de l'eau. Encore faut-il leur en donner les moyens,

juridiques mais aussi techniques et financiers.

Actuellement au Bénin, le cadre législatif et réglementaire de la gestion du service de

l’eau est peu appliqué et ne répond pas encore aux réalités et aux exigences d’une Gestion

Intégrée des Ressources en Eau, bien que le code de l’eau ait été remplacé par la loi portant

gestion de l’eau en République du Bénin pour l’adapter au contexte de la décentralisation,

de la déconcentration, à la GIRE et au renforcement des capacités d’intervention des

acteurs.

La promotion du secteur privé dans certaines activités du secteur de l’AEP urbaine

doit être encouragée. Dans ce cadre, il sera envisagé, entre autres :

• de faire sous-traiter, autant que possible, les travaux de branchements et d’extensions des

réseaux et autres services réalisés auparavant directement par la SONEB à des prestataires

privés ;

• de favoriser la gestion déléguée des petits systèmes d’AEP par des prestataires privés avec

un appui technique de la SONEB.

En outre, dans les sociétés démocratiques, les pouvoirs publics veillent à mettre en

œuvre à titre prioritaire le principe selon lequel “il faut fournir un minimum pour tous plutôt

qu’un maximum pour quelques uns”153, c’est-à-dire le principe d’assurer la fourniture en

eau d’un maximum de personnes. Aussi les pouvoirs publics visent-ils à satisfaire un objectif

social : “de l’eau pour tous”, tout en optimisant la gestion du service. Leur objectif n’est pas

de maximiser les revenus des services de l’eau car si tel était le but, ils devraient se libérer

des clients les moins “rentables” ou les plus éloignés. or un tel comportement

économiquement justifié est socialement inacceptable.

Les obligations des pouvoirs publics sont des obligations positives (fournir de l’eau

potable, évacuer et traiter les eaux usées, faire obstacle à la dégradation des ressources en

eau, fournir de l’eau en cas de pénurie), des obligations d’égalité (traitement non

discriminatoire des différents utilisateurs, accès de chacun à la quantité minimale d’une eau

de qualité satisfaisante) et des obligations négatives (ne pas interrompre le service de l’eau,

ne pas distribuer de l’eau insalubre, ne pas laisser s’épuiser les ressources en eau, ne pas

autoriser ou tolérer la pollution des eaux).

Ces obligations peuvent faire l’objet d’un recours contentieux lorsqu’elles ne sont pas

satisfaites. Les recours concernant les obligations positives aboutissent plus difficilement

lorsque ces dernières impliquent des investissements de la part des pouvoirs publics. En

Europe, le non-respect des directives communautaires peut conduire à sanctionner les

Page 25: Article Service Public Eau Au Benin (1)

25

autorités défaillantes par voie d’astreinte (pour le motif que l’eau distribuée est non potable

ou que l’assainissement est insuffisant) même si aucune sanction n’est possible en droit

interne.

En effet, quelle que soit la forme de gestion du service de l’eau (régie, affermage,

gestion déléguée, concession) et le rôle des entreprises privées dans ce service, les pouvoirs

publics sont tenus d’exercer un contrôle sur le service de l’eau et de fixer les obligations

découlant du service universel de l’eau. Ils doivent examiner la qualité de l’eau, le degré

d’assainissement, la continuité du service, la gestion en cas de pénurie, le contenu des

cahiers des charges, la tarification, la participation des usagers et le financement des

ouvrages, leur extension et leur réhabilitation. Ils peuvent aussi jouer un rôle utile pour

informer les usagers et développer chez eux la volonté de ne pas gaspiller l’eau. En cas de

privatisation du service de l’eau, les pouvoirs publics continuent de jouer un rôle important

notamment en prenant en charge la construction de nouvelles infrastructures.

Des mesures particulières doivent être prises par les pouvoirs publics pour éviter les

abus de position dominante et les autres excès que pourraient commettre des entreprises

publiques ou privées en situation de monopole.154 A cet égard, la plus grande transparence

financière et un contrôle comptable efficace s’imposent afin de ne pas laisser s’installer des

situations socialement ou moralement inacceptables et de ne pas autoriser des prix excessifs

de l’eau.

La privatisation éventuelle du service de l’eau ne devrait pas avoir d’influence sur les

obligations du service public (ou du service universel155) qui doivent être clairement

définies et respectées.156 L’entreprise privée se voit reconnaître des responsabilités sociales

à l’égard de la société en plus des responsabilités économiques à l’égard de ses actionnaires.

L’argument de la distorsion des conditions de concurrence du fait de contraintes différentes

en matière de tarification de l’eau ne peut pas être invoqué dans ce cas puisque l’eau

potable est vendue dans le cadre d’un monopole naturel local et qu’en pratique, elle ne fait

pas partie des biens échangés sur les marchés mondiaux.

L’organisation du financement de l’eau est une responsabilité importante de la

collectivité ; elle implique d’identifier les moyens financiers nécessaires et de veiller à

protéger la solvabilité du service de l’eau. La collectivité peut exiger que l’eau soit payante et

que les subventions soient réduites157 mais elle doit aussi veiller à ce que le prix de l’eau

pour les usagers pauvres reste abordable.

Pour parvenir à garantir la continuité et la pérennité du service de l’eau, il apparaît

souvent préférable que le service de l’eau soit financé directement par les utilisateurs

(principe utilisateur-payeur) plutôt que par des subventions publiques soumises aux aléas

des politiques budgétaires. Lorsque les investissements de base ont été mis en place et

financés, le prix de l’eau devrait être fixé à un niveau suffisant pour payer au moins

l’entretien et le renouvellement des équipements existants ainsi que les frais de

fonctionnement, ce qui permettrait d’éviter la dégradation de la qualité du service. (Henri

SMETS, p. 56)

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BIBLIOGRAPHIE

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