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Françoise Granjean Gérard Blanchard Jan Tschichold parle de typographie In: Communication et langages. N°63, 1er trimestre 1985. pp. 54-70. Résumé « Les deux personnalités qui ont marqué la typographie du XXe siècle sont Stanley Morison, mort en 1967 et Jan Tschichold (mort en 1974). » C'est ainsi que commençait un article sur le grand graphiste allemand publié dans le numéro 25 de la présente revue. L'apport aux métiers de la chose imprimée de ce créateur est en effet capital. Et justifiait, pour le lecteur français, cette seconde étude. Citer ce document / Cite this document : Granjean Françoise, Blanchard Gérard. Jan Tschichold parle de typographie. In: Communication et langages. N°63, 1er trimestre 1985. pp. 54-70. doi : 10.3406/colan.1985.1662 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1985_num_63_1_1662

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Françoise GranjeanGérard Blanchard

Jan Tschichold parle de typographieIn: Communication et langages. N°63, 1er trimestre 1985. pp. 54-70.

Résumé« Les deux personnalités qui ont marqué la typographie du XXe siècle sont Stanley Morison, mort en 1967 et Jan Tschichold(mort en 1974). » C'est ainsi que commençait un article sur le grand graphiste allemand publié dans le numéro 25 de la présenterevue. L'apport aux métiers de la chose imprimée de ce créateur est en effet capital. Et justifiait, pour le lecteur français, cetteseconde étude.

Citer ce document / Cite this document :

Granjean Françoise, Blanchard Gérard. Jan Tschichold parle de typographie. In: Communication et langages. N°63, 1ertrimestre 1985. pp. 54-70.

doi : 10.3406/colan.1985.1662

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1985_num_63_1_1662

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JAN TSCHICHOLD

PARLE DE TYPOGRAPHIE

Traduction de Françoise Granjean, présentée par Gérard Blanchard

« Les deux personnalités qui ont marqué la typographie du XXe siècle sont Stanley Morison, mort en 1967 et Jan Tschichold (mort en 1974). » C'est ainsi que commençait un article sur le grand graphiste allemand publié dans le numéro 25 de la présente revue. L'apport aux métiers de la chose imprimée de ce créateur est en effet capital. Et justifiait, pour le lecteur français, cette seconde étude.

Q> CD o

Ce n'est pas d'aujourd'hui que les praticiens ont théorisé leur savoir et il existait déjà des codes typographiques qui faisaient la somme des bons usages d'une profession. Ces manuels et ces codes sont indispensables dans la formation des maîtres et des élèves. Il y a aussi les écrits des spécialistes de toute nature (paléographes, historiens, sociologues...) et des écrivains professionnels qui réfléchissent sur leur propre pratique. Leur réflexion recoupe, complète, enrichit celle des typographes, des dessinateurs de lettres et des metteurs en pages. Jan Tschichold appartient à l'un et l'autre groupe. Jan Tschichold, homme de haute culture, graphiste et typographe, mêlé aux mouvements importants de l'art contemporain, s'est d'abord, nous l'avons vu, fait le pionnier de la typographie « asymétrique » avant de revenir à la défense de la symétrie traditionnelle. Il est aussi l'auteur d'une étude sur la peinture chinoise au'

lavis. Puisque l'œuvre des théoriciens français est si difficile à trouver (les Thibaudeau, les Audin, les Ponot1...) force nous est de pra-

1. Francis Thibaudeau : La Lettre d'imprimerie, 2 tomes, 1921 ; Le manuel français de la typographie moderne, 1924. Marius Audin : Le Livre, tome 1 : Son architecture, sa technique, Paris, éd. CRES, 1924 ; tome 2 : Son illustration, sa décoration, éd. CRES, 1926 ; L'histoire de l'imprimerie par l'image, 4 tomes, Paris, H. Jonquières, 1929 ; La somme typographique, vol. 1 : Les origines, Paris, Paul Dupont, 1947, vol. 2 : L'atelier et le matériel, Lyon, éd. Audin, 1949. René Ponot et Robert Giraud : Les techniques d'impression et de reproduc-

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Jan Tschichold parle de typographie 55

tiquer les bons auteurs anglo-saxons et de demander à nos étudiants en art graphique d'apprendre l'anglais pour les lire.

ETUDE D'UN LIVRE-SOURCE Nous voudrions signaler ici une pratique que nous avons mise en place à l'Ecole des beaux-arts de Besançon, qui consiste d'une part à fabriquer les ouvrages dont nous avons besoin \ d'autre part à faire traduire les grandes études étrangères telle celle de Tschichold. Trésor des alphabets et du lettrage. Un livre-source des meilleures formes de lettres du passé et du présent pour les peintres en lettres, artistes graphiques ou commerciaux, typographes, peintres, sculpteurs, architectes et les écoles d'art et de design, traduit par Françoise Grandjean, stagiaire du Centre de linguistique appliquée de Besançon à l'Ecole des beaux-arts, en septembre 1983.

L'ouvrage de Tschichold est divisé comme suit : — le dessin de la lettre : un travail d'art ; — les bonnes et les mauvaises lettres ; — les formes anciennes des lettres ; — les formes récentes de lettres (classification et nomenclature des formes de lettres fondamentales) ; — l'utilisation des capitales ; — disposition des lettres bas de casse ; — sélection du bon style de lettre ; — disposition des dessins de lettres et des inscriptions (bonnes proportions pour les panneaux, enseignes, affiches, etc.) ; — à propos de l'esperluète (&).

HETEROGENEITE DES FORMES DE L'ECRITURE Tout d'abord Tschichold constate que « les formes classiques de lettres sont restées jeunes et pleines de vitalité » malgré les diverses variantes redessinées par Rudolf von Larish (dès 1910) et ses contemporains. «-Une forme personnelle de lettre de n'im- « porte quelle période a toujours pour point de départ une forme « classique (...). Chaque personne qui dessine ou peint des let- « très devrait aller tout de suite aux meilleures sources et les étu- « dier soigneusement (...). Chaque style de dessin est soumis à

tion (CRDP Poitiers, 1974) ; René Ponot et Joseph Beaune : Qui a ramassé la plume d'oie ?, éd. Dessain et Tolra, 1979. René Ponot : Histoire de presque tous les caractères, éd. Rencontres de Lure, 1981 (réunion d'articles). 2. Gérard Blanchard, Pour une sémiologie de la typographie, éd. des Rencontres de Lure chez Rémy Magermans, 1980, et Images de la musique de cinéma, Edilig, 1983 ; Le Son. avec J.P. Bacelon, éd. I.P.R.T.L., 19.. ; Leçon sur le son, avec P. Philippon, J.C. Macquet..., éd. de l'Ecole des beaux-arts de Besançon ; Ecriture, typographie, enseignement, actes du Congrès de 1982, éd. Besançon, 1985.

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Graphisme

«sa propre loi, sa propre forme définie {...). Les proportions « changent avec chaque style de lettre (...). De tout temps c'est « l'œil humain, un œil extrêmement sensible et expérimenté qui «a trouvé les proportions déterminées des styles de lettres {...). « Le compas et la règle sont de bons auxiliaires techniques mais « ce ne sont pas eux qui créent les formes* (...). On a tenté de « réduire et de figer les formes de lettres en quelques rapports «numériques simples ou dans des constructions géométriques «faites au compas (...). Les célèbres lettres de Luca Pacioli « (1509) et celle de Durer (1525) ne sont pas les meilleurs mo- « dèles (...). L'œil seul et non l'esprit peut créer et percevoir « l'harmonie d'une lettre. » S'ensuit une série d'exemples, pris dans des « logotypes » contemporains, qui sont vivement critiqués pour des raisons précises. « Dans un groupe de lettres, aucune lettre — conclut-il — ne « doit se détacher des autres, telle est la règle la plus impor- « tante. » « Même un dessin de lettre très ordinaire demande « une certaine unité et une harmonie dans tous ses détails. » « Lorsqu'on parle de ** bonnes " lettres, cela signifie plus qu'un « ensemble composé de lignes. Tout le monde ne reconnaît pas « l'importance des formes internes, la forme des espaces blancs, « en négatif, au cœur de la lettre. Une lettre parfaite a toujours « des espaces internes très beaux. Le mouvement et la silhouette « de ces espaces doivent être aussi purs, simples et nobles que «ceux. des formes pleines.»

unworthy Approche trop serrée. unworthy Approche trop large. unworthy Approche correcte.

Tschichold, à propos de ses exemples, parle de «l'image du mot » et de ce qui la conditionne : « la relation équilibrée entre les largeurs de toutes les lettres de bas de casse» (minuscules),

co et « la longueur des ascendantes et descendantes * par rapport à 50 la hauteur du n... »

g, « Les ascendantes et descendantes d'un style de lettres carac- S> « térisent l'image d'un mot. Si les ascendantes et descendantes S « sont trop courtes, l'image du mot n'est plus nette (...). Une

« belle lettre doit être claire et compréhensible... » o "§ 3. « La règle et le compas seuls, rendent les lettres " artificielles w. »

4. Jambage ascendant: partie du dessin d'un caractère bas de casse b, d, f, h, k, I, t, qui dépasse l'œil des lettres « courtes » (a, e, i, o, u, s, c...).

S Jambage descendant: partie du dessin d'un caractère bas de casse qui § dépasse par en dessous l'œil des lettres courtes a, e. /, o, u... ; on le ren- O contre dans /, g. J, p, q.

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Jan Tschichold parle de typographie 57

« Les descendantes ne doivent pas être plus courtes que les « ascendantes. » Tschichold remarque qu'historiquement, il n'y a pas de rapport entre capitales et bas de casse ; les formes que nous utilisons sont issues de la Renaissance. « Bien sûr, les capi- « taies sont, et doivent être, toujours un peu plus épaisses que « les minuscules, mais cela ne doit pas sauter aux yeux, on ne « doit le découvrir qu'en les mesurant. » Les nombres — « ... ils ont des ascendantes et des descendantes « tout comme les minuscules. Bien entendu, il est quelquefois

« opportun d'utiliser des dessins de nombres de hauteur égale, ' « comme dans une ligne de capitales, mais ces occasions sont

« rares. Un nombre avec des ascendantes et des descendantes « n'est pas seulement plus joli, mais aussi plus lisible si on « l'utilise avec des formes anciennes de bas de casse. » Ainsi Tschichold met en évidence l'hétérogénéité des formes de notre écriture. « Ce n'est qu'après une étude minutieuse et beau- « coup de pratique de recopiage que l'on peut saisir l'importance « vitale de chaque détail et de la spécificité de chaque lettre au « sein de l'alphabet tout entier. »

L'ESPACEMENT VISUEL DES LETTRES La spécificité des capitales pose donc un problème très différent dans leur composition de celui posé par les bas de casse. « Ce « qui compte c'est l'espacement visuel des lettres. » Premier principe : « On ne doit pas altérer les lettres », d'où il ressort qu'il vaut mieux les interlettrer que de les serrer. « L'es- « pacement équilibré des lettres sans-serif est plus difficile à « réaliser car la moindre faute paraît accentuée.» Le O ainsi que les lettres ouvertes (L ou V) posent des problèmes. « Si on place la lettre voisine suffisamment loin du O « — de façon à ce que l'espace blanc qui borde la circonférence « du O soit optiquement égal au blanc intérieur, le " trou " dïs- « paraît alors. J'appelle ce procédé " neutralisation '*. L'espace- « ment minimum entre les capitales doit toujours respecter cette « valeur optique... »

WOOLWORTH

Un espacement uniforme entre les lettres donne une image de mot sans rythme.

WOOLWORTH

Des espaces blancs uniformes et adéquats doivent séparer les lettres.

Le « NUN » (en capitales), comme le mot « nun » (en bas de casse), doit être disposé de façon à ce que les six lignes parallèles soient à peu près à égale distance les unes des autres. Ce

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Graphisme

CH (0 en

ô

RESUME D'UNE VIE

1902 : il naît à Leipzig le 2 avril et est initié très tôt, par son père, au métier de « peintre en lettres ». Il étudie l'œuvre du calligraphie Edward Johnston, le père de la renaissance calligraphique anglaise. Il se passionne pour l'étude de Rudolf von Larish sur l'art de la lettre (de style 1900). Il a seize ans. 1918 : il découvre la beauté du caractère Caslon # dans une revue anglaise. 1919: il apprend la gravure (bois, cuivre). Il découvre les traités des calligraphies italiens de la Renaissance : Palatino, Tagliente et un peu plus tard, Vicentino. 1921 : il devient l'assistant de son professbur Hermann De- litsch, pour les cours de calligraphie. Il découvre le travail de Rudolf Koch, calligraphie expressionniste de l'Académie d'Of- fenbach. Il étudie — en bibliothèque — les maîtres calligra- phes, il devient collectionneur. 1921 : il se fait une solide réputation de qualité en calligraphiant les annonces de la foire de Leipzig. 1923 : maquettiste typographe pour l'imprimerie Fischer et Wittig (Leipzig). Il découvre la première exposition du « Bau- haus » à Weimar, qui révolutionne sa manière de faire et la systématise à la lumière du « constructivisme » (à la Lizitsky) et du « suprématisme », écoles de rigueur et de dépouillement. Il se veut résolument « moderne », il adopte les caractères « bâtons » et la disposition dyssymétrique dans ses compositions. 1925 : dessinateur à Berlin. Il publie son manifeste Typographie élémentaire. 1926 : il devient, à Munich, professeur de typographie et de

* William Caslon (1692-1766) graveur et fondeur typographique anglais.

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Jan Tschichold parle de typographie 59

calligraphie, à la demande de Paul Renner, le dessinateur du caractère Futura '". 1928 : il publie son manuel sur La nouvelle typographie qui devient la bible des jeunes compositeurs. 1933 : l'arrivée des nazis le fait émigrer en Suisse. Il s'installe à Bâle. Il enseigne à mi-temps à l'Ecole d'art graphique. 1935 : il publie les formes de la typographie. 1942 : Les caractères, l'écriture et le croquis typographique. Dans ce livre il abandonne sa théorie sur la typographie dyssy- métrique et revient à une typographie axée. 1940-1970 : 6 études sur les impressions chinoises en couleurs. 1941 : l'histoire de la lettre par l'image. 1942 : Tschichold devient citoyen bâlois. 1945 : il rénove la présentation des « Penguin Books » anglais et il publie les règles de composition qu'il applique. 1953 : il publie son Trésor des alphabets et de la composition (livre, ressource des meilleures formes de la lettre du passé et du présent). Nous présentons ici des extraits — inédits en français — de ce livre. 1954 : il obtient à New York la médaille d'or de l'Institut américain des Arts graphiques. 1962 : publication de son texte le plus célèbre : Willkûrfreie Massverhaltnisse der Buchseite und d&r Stazspiegel. 11 ne connut pas moins de dix-huit réimpressions et fut traduit en danois, anglais, finnois, français, néerlandais, italien, norvégien, polonais et hongrois. 1967 : tournée aux Etats-Unis. Paraît à la Linotype et à la Monotype son caractère de style « garalde » : le Sabon. 1974 : il meurt, en Suisse, le 11 août.

Tschichold est, aujourd'hui, reconnu non seulement en Suisse où son influence a fait — en partie — « l'école suisse » de typographie, mais dans son pays d'origine et dans les pays anglo-saxons. Il est moins connu en France **" (parce que non traduit) bien qu'en 1960 il soit devenu membre d'honneur de l'Association typographique internationale (président-fondateur Charles Peïgnot).

** Ce caractère est défini par les Anglais comme un « geometric sans serif » : car, simple, modulaire, géométrique. Très utilisé en offset. *** Jan Tschichold, typographe. Article publié dans T.M. en 1972 — pour le 70« anniversaire de Tschichold — et traduit par Fernand Baudin in Communication et langages n° 25, 1975.

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Graphisme

NUN Mauvais trop serré. NUN Satisfaisant

principe, selon Tschichold, permet d'obtenir un « rythme harmonieux ». « En règle générale, pour que les capitales soient vrai- « ment harmonieuses, elles ne devraient jamais paraître emmê- « lées par manque d'espacement même si elles ne sont pas « composées de lettres ouvertes. » « Entre les mots, il faut mettre une distance équivalente à celle « de la largeur d'un I, en comptant, en plus, bien sûr, les espace cements accompagnant la lettre. » Pour Tschichold la règle de la distance d'un O ou d'un N n'est pas bonne. Mais « à un espace cernent plus large des lettres doit correspondre un espacement « plus large des mots ». La ponctuation des capitales « n'est pas réellement indispensable». Si l'on met un point, celui-ci ne doit pas être collé. Les barres à la place des points appartiennent aux styles gothiques (schwabacher et fraktur). « ... la hauteur de la lettre et l'espace entre les lignes de capi- « taies doivent être proportionnels (...), la distance entre les « lignes équivaut à la hauteur des lettres (...) et ne doit jamais «être inférieure (...). Une autre bonne proportion est 1 à 2, « l'espacement des lignes est alors exactement le double de la « hauteur, des lettres. »

DEPARTMENT OF

THE INTERIOR

Les espaces entre les mots ressemblent à des trous parce que l'espacement entre les lignes est trop étroit.

DEPARTMENT OF

THE INTERIOR

Avec un espacement de lignes adéquat, les deux lignes ne semblent plus collées et sont attrayantes.

8 CO o> O) c

En ce qui concerne le bon usage des bas de casse, Tschichold fait d'abord remarquer que « nous sommes trop conditionnés par «la valeur médiocre des dessins de lettres qui nous entourent « pour noter les défauts dans les images de bas de casse... ». Autrefois « les lettres bas de casse n'étaient pas aussi rappro- « chées les unes des autres qu'elles le sont maintenant (...). Les « maîtres du dessin de la lettre d'autrefois appliquaient la règle « suivant laquelle tous les traits de base d'un mot devaient être « placés à égale distance les uns des autres. De nos jours, on «n'en tient pas compte (...). La règle d'autrefois reste pourtant « valable. Ce n'est qu'en la respectant qu'on arrivera à éliminer

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Jan Tschichold parle de typographie 61

allegory allegory Les descendantes ont une longueur Descendantes chétives. correcte.

« les vides créés par les lettres k, r, t, v, w, x y, z ou les trous « résultant de l'emploi de b, d, o, p, q ». « L'espacement des let- « très bas de casse devrait toujours être l'espacement normal, « car l'irrégularité dans leur contour est plus grande que dans « celui des capitales (...). Grâce à leur forme caractéristique, les « mots en bas de casse sont beaucoup plus faciles à percevoir « que les mots en capitales. » Tschichold alors se lance dans la démonstration que connaissent bien les lecteurs de Communication et langages, et qui est celle de la lecture des lettres par le haut. « Le cerveau capte la silhouette, l'ensemble des mots composés « en bas de casse, alors qu'il déchiffre lettre par lettre les mots « en capitales. Mais nous ne lisons pas que la silhouette. On peut « prouver facilement que l'œil capte la partie supérieure de l'ima- « ge du mot (...). Ce que nous lisons dans une lettre, ce sont « ses traits caractéristiques et non les traits communs à l'ensem- « ble des caractères de l'alphabet. » Quant à l'espacement entre les mots, selon Tschichold, il est toujours trop grand ; il devrait être « à peu près deux fois le «tiers de la hauteur du n (...). Ce qui compte dans tout cela, « c'est la valeur optique de l'espace ».

Industrial Department

Main Entrance Espacement correct des lignes et des mots.

Industrial Department

Main Entrance

L'espacement des mots est trop grand. La composition semble de scinder en deux.

« Le plus petit espacement des lignes — interlignage — est « celui dans lequel les descendantes de la ligne supérieure tou- « chent les ascendantes de la ligne en dessous (...). L'espace- « ment des mots est considérablement plus petit que l'espace- « ment des lignes. »

Voilà, quelques rapides extraits d'un «bon sens» dicté par la longue expérience d'une manipulation exigeante. Ce sont des conseils pratiques avec la démonstration de bons et mauvais exemples opposés. Cela part de l'image de mot, du « logotype » pour arriver aux lignes et à la composition.

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Graphisme

CLASSIFICATION ET NOMENCLATURE DES FORMES DE LETTRES FONDAMENTALES

PRINCIPAUX GROUPES: 1 — lettres d'origine latine a) lettres" romaines

b) lettres gothiques 2 — lettres d'origine non-latine (grec, sémitique, arabe, chinois...)

LETTRES D'ORIGINE LATINE

Romaines

Avec des traits d'épaisseur variable

Avec des traits de même épaisseur

partie accentuée inclinée

partie accentuée presque verticale

partie accentuée verticale

sans empattement

avec empattement

Vénitienne Ancien Style avec italique

Transitoire avec italique

Moderne avec italique

Sans serif italique Sans serif Egyptienne

eMgm eMgm

eMgmem

eMgm

eMgm eMgm

1470-1500 (*) 1495-1757

1757-1790

1790-1900 O

depuis 1832

depuis 1815 (*)

Gothiques Le haut de i, n, et m est brisé ; les courbes ont tendance à être brisées comme dans la minuscule Caroline, mais sans pointes.

Presque tous les traits des bas de casse sont brisés.

Les deux côtés de o, s, d, a, v, sont arrondis et terminés en pointe.

o, s, d, a, v, sont à moitié rondes, à moitié brisées.

Rotunda

Gothique pointue ttt\O0btÛ&

Schwabacher

Fraktur tmOdbdt)

1486

depuis 1455

depuis 1470 (*)

depuis 1513 (*)

1

CD O) c CO

(*) environ.

La classification des caractères de Tschichold ci-dessus est — comme celle de Maximilien Vox — une classification historique. Elle est suivie de quelques conseils dans son application architecturale. Déjà, en son temps, le Dr Gérard Knuttel B, avait publié une étude sur de tels rapports, Tschichold aussi opère ce passage de l'imprimé au monumental.

5. De Gérard Knuttel : The letter as a work of Art observations and confrontations with contemporaneous expressions of Art from roman times to the present day (Fonderie d'Amsterdam, juin 1951).

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Jon Tschichold parle de typographie 63

La composition des mots

LES FORMES RECENTES DE LETTRES Depuis l'invention de Gutenberg, on trouve essentiellement deux catégories de style typographique : le romain et le gothique.

Les lettres romaines se divisant en deux groupes : 1 . les lettres qui ont des traits d'épaisseur variable ; 2. les lettres avec des traits d'épaisseur identique : • Sans serif (sans empattement) ' • Egyptienne.

Le premier groupe se subdivise en quatre groupes : a. Vénitienne (ou Humanes dans la classification Vox) ; b. Ancien Style (Oldstyle) (ou Garalde, issue de Garamond et Aide) ; c. Transitoire (ou Réaies) ; d. Moderne (ou Did one. issue de Didot et Bodoni).

Les caractères Vénitiens (Humanes) ont été empruntés à la minuscule humanistique écrite, la lettre utilisée pour écrire les livres au début de la Renaissance en Italie. Le modèle gravé par Nicolaus Jenson — 1470 — est le plus beau. Mais, en général, on peut dire que la Vénitienne ressemble beaucoup à la lettre Ancien Style qui apparaît un peu plus tard. Le trait le plus dis- tinctif est la barre du e ; on trouve une autre différence dans l'empattement supérieur du M qui se prolonge à l'intérieur. Le caractère de Jenson servit de modèle au caractère qui porte le nom du typographe américain Bruce Rogers.

ulla menno erac ♦ Quare ncc mdxos(poft

gentiles:quontam non utgentes pluralîta

hebœos proprie noîamus aut ab Hebcre

Le romain de N. Jenson, Venise, 1470.

L'Ancien Style (Garalde) a aussi pour modèle la forme manuscrite (Bembo, de Tournes, Garamond). Ici, cependant, la barre du e est horizontale et les capitales sont le résultat d'une étude approfondie des inscriptions romaines antiques. Les empattements supérieurs des e, b, d, ainsi que de i, j, m, n, sont obliques, comme dans les lettres calligraphiées. Le renflement oblique des

6. Texte extrait de « Treasury of alphabets and lettering » (Trésor des alphabets et de la composition) publié en 1953. 7. Les lettres « sans serif » (bâtons) si elles possèdent des traits variables sont dites « humanistic sans serif ».

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Garamond de Deberny et Peignot.

Le Caslon de Monotype (1911). Caractère Baskerville de

la Monotype.

8

o O) co O) c CD

8

courbes est dû aussi au modèle calligraphié. Le haut et le bas des empattements des capitales sont, légèrement arrondis en direction des lignes verticales. De la Renaissance (XVIe) au milieu du XVIIIe siècle; on utilisa les lettres Ancien Style. Les plus connues appartiennent à la famille des caractères gravés d'après l'original Garamond. Un des caractères de cette famille a été utilisé pour le texte de ce livre. Cependant, le modèle original est, en fait, un caractère créé en 1621 par un graveur suisse nommé Jean Jannon de Sedan. Cela ne fut connu que postérieurement à l'attribution de l'appellation « Garamond ». Au ■fur et à mesure que le temps passait, la différence entre lignes épaisses et lignes étroites fut, de plus en plus, marquée. Les lettres devinrent plus pointues. On en trouve un bon exemple dans le caractère. noble et expressif qui porte le nom de Anton Janson de Leipzig, 1670 environ. On reconnaît dans ce caractère, le style Hollandais de la fin du XVII* siècle, qui servit de modèle pour le caractère du graveur William Caslon. Caslon n'atteignit pas la beauté parfaite, mais son caractère a prouvé son utilité sur une période de plus de deux siècles.

Les formes du style Transitoire (Réaies) sont exactement intermédiaires entre l'Ancien Style et le Moderne. Les empattements supérieurs des I, b, d, et des i, j, m, n, u, étaient placés à un angle de 45° et sont moins obliques dans le style Transitoire où l'on trouve aussi un épaississement des courbes presque horizontal et plus brutal que dans les caractères de l'Ancien Style. Cependant, les renflements sont toujours incurvés à l'intérieur :

Schémas qui montrent la distinction fondamentale entre Ancien Style, Transitoire et Moderne.

On devine l'influence des graveurs sur cuivre du XVIIIe siècle. Le groupe Transitoire comprend les caractères romains de John Baskerville de 1751 et de John Bell de 1788 ainsi que les lettres de J.F. Rosart, J.P. F our nier le Jeune et les ornées de Fry (Fry's ornamented) et le Caractère Ancien Ouvert (Old Face Open).

Dans les caractères typographiques modernes dont le plus célèbre fut dessiné par Bodoni en 1790, on ne trouve plus trace de

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Illustration non autorisée à la diffusion

Jan Tschichold parle de typographie 65

la. forme calligraphiée d'origine. Tous les empattements sont horizontaux et extrêmement maigres, contrastant fortement avec les verticales grasses, ils n'ont pas de courbes intérieures de transition ; même des détails très importants pour la lisibilité comme les barres des f et des t sont aussi maigres que les empattements. Dans l'italique de Bodoni, on retrouve encore quelques caractéristiques calligraphiques, mais, même pour ces lettres, le principe de construction géométrique est poussé aussi loin que possible. Le renflement des courbes est strictement vertical et apparaît brutalement, sans transition. L'intérieur de ces courbes est droit. Deux contemporains du Bodoni, Didot et le caractère allemand Walbaum n'allèrent pas tout à fait aussi loin dans l'application de cette règle du moment. La lettre moderne ultra grasse' qui apparut en 1807 est l'une

Modern Spécialement faite pour l'usage publicitaire.

des créations les plus grotesques de l'histoire du dessin de la lettre. Les traits principaux des lettres sont exagérément épais et les lignes de liaison aussi fines que possible.

Le groupe de caractères appelés sans serif (sans empattement) apparut pour la première fois en 1832 — ces caractères sont souvent appelés faussement .« Gothic » dans les pays de langue anglaise ; ils sont appelés Antique ou Lettre bâton en France. Ces caractères semblèrent tout d'abord si étranges que les allemands les appelèrent « Grotesques ».

Le style Egyptien (dit Mécane dans la classification VOX), connu depuis 1815 environ, présente des traits d'égale épaisseur, comme le sans serif. Le style Egyptien se reconnaît par les empattements qui sont presque aussi épais que les traits principaux. Il existe deux variantes : Italienne et Clarendon, caractérisées l'une par l'épaississement des horizontales, l'autre par les « congés » qui assouplissent ses empattements.

BQEN

Egyptienne de Stevens Shanks (vers 1860).

Depuis 1540, à toutes les formes de lettres romaines, à l'exception des Egyptiennes, correspond une forme italique. Ceci se rapporte aux lettres droites, mais les lettres a et e sont toujours

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Graphisme

copiées sur la forme écrite. Même Bodoni a fait ce choix. On peut regretter que dans certaines écritures italiques récentes les lettres a et e aient le même dessin que les a et e romains, mais sont inclinés. Sans tenir compte de leur aspect plus étroit et cursif, on peut dire que c'est la forme typique des a et des e qui indique qu'on a affaire à un alphabet italique. Le but recherché par l'usage de l'alphabet italique n'est donc pas atteint si on ne garde pas cette différence.

Les lettres gothiques se divisent en quatre groupes : 1 . Gothique ronde ou Rotunda ; 2. Gothique pointue (pointed Black letter) ; 3. Schwabacher; 4. Fraktur :

am&momtjmi amOmomomi

Pointed blackletter ' Rotunda

am&momt>mi ûmbmomtn

Schwabacher Fraktur

Les trois premiers groupes font partie du style gothique, Fraktur, qui date de 1513 est une création de la Renaissance allemande. La forme complètement brisée que Gutenberg utilisa aussi pour sa bible à 42 lignes devrait être appelée Gothique pointue (pointed Blackletter) plutôt que Gothique (Gothic). La Rotunda fut remodelée à notre époque. Son meilleur dessin est celui de E.R. Weiss. Le style Schwabacher qui date de 1470 a été oublié pendant longtemps, il est utilisé de nouveau occasionnellement en Aile-

co . magne. Les quatre catégories gothiques se reconnaissent facile- § ment par leurs caractères bas de casse (voir ci-dessus), g, Dans la Textur, la lettre du Nord de l'Europe de la fin de la S période gothique, toutes les courbes des caractères bas de casse 5 sont brisées. La Rotunda utilisée en Italie et en Espagne au "S XVe ne va pas si loin, mais les terminaisons supérieures du n § et des formes similaires sont cependant brisées. Dans la Schwa- '% bâcher, lettre utilisée dans les textes de la fin du gothique en •g Allemange même le a et le b (voir ci-dessus) sont arrondis des | deux côtés et toutes les formes sont plus pointues que dans la | Rotunda. Le g qui est barré à droite et le sont caractéristiques o aussi.

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Jan Tschichold parle de typographie 67

Fraktur, 1470.

Dans la Fraktur, la lettre de la Renaissance allemande, les lettres qui sont entièrement rondes dans la Schwabacher sont, ici, à moitié rondes et à moitié brisées.

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, on produisit un nombre étonnant de formes de lettres pleines d'imagination et en partie fantastiques. La plupart d'entre elles ne sont plus utilisées mais elles pourraient l'être en architecture dans leur forme d'origine, étant donné que plus de la moitié de nos bâtiments datent du XIXe siècle.

Forestière», J. Midolle. 1834.

Romano», lettres lithographiques de R. Stirling, 1843.

Silvestre », 1844. .

Ombre perlée», fonderie Chaix, vers 1885.

SELECTION DU BON STYLE DE LETTRE Lorsqu'on sélectionne une lettre pour un travail donné, la beauté n'est pas le seul critère. La lettre doit aussi convenir au but qu'on s'est fixé et à l'environnement. Et, ce qui est encore plus important, on doit faire la distinction entre un dessin qui doit servir longtemps et un dessin qui ne servira que brièvement. On voit assez souvent des dessins de lettres légers, cursifs, utilisés en architecture, qui en fait, ne conviendraient que pour des enseignes

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Graphisme

temporaires et bon marché. Le dessin de nombreuses inscriptions sur les façades de magasins imite le trait d'un pinceau ; cela ne convient pas à la finalité de ces inscriptions qui, de plus, sont réalisées sur du métal ou en tube néon. Généralement, ces inscriptions sont difficiles à lire et elles ne possèdent pas la spontanéité, la fraîcheur de forme que seul un maître expérimenté serait capable de leur donner. Elles paraissent boiteuses, gauches, lamentables. Les personnes qui peignent ces lettres ne sont pas préparées et s'entêtent dans ce genre de lettres qui finalement ne valent rien. Aujourd'hui,. chaque cojn de rue de nos villes est enlaidi par ces inscriptions de pacotille. Un tel dessin de lettres imitant le pinceau n'a pas sa place sur nos façades et magasins et il est en outre pauvrement exécuté. Dessiner des lettres pour les enseignes, c'est faire de l'architecture puisque ces lettres font partie d'un édifice. Ces lettres sont faites pour durer longtemps, souvent des dizaines d'années, et devraient donc toujours être correctes, nobles et belles. Mouler ce pseudo-dessin au pinceau dans un métal onéreux est une perte d'argent pure et simple.; il faut le remplacer quelques

-"années plus tard parce qu'il n'est plus à la mode et blesse constamment tous les regards. Cette sorte de dessin a été conçu soit par le client lui-même, soit par des dessinateurs qui feraient mieux de choisir une autre profession. La tâche n'est pas si aisée ; faire du bon graphisme n'est pas donné à tout le monde ; comme en peinture, il n'y a que quelques maîtres. Un magasin fait partie d'un bâtiment, et mettre des dessins de lettres sur un bâtiment, c'est créer un élément important de l'apparence générale du bâtiment, et donc de l'apparence de la ville tout entière. En conséquence, tout graphisme sur un édifice devrait être en harmonie avec l'architecture de cet édifice ; l'idéal étant un. dessin de lettre ornement à part entière du bâtiment et du magasin qui, si on l'enlevait créerait un vide. Tout d'abord, le maître de dessins de lettres appliquées examinera soigneusement le bâtiment et obtiendra une élévation (des-

g sin de la façade entière) ou en fera une lui-même. Regarder la *£ façade du magasin n'est pas suffisant. Depuis l'autre côté de la g, rue et au-delà, on voit le bâtiment tout entier, pas seulement le S> magasin. Ceci est vrai aussi lorsque le magasin est de conception 5 entièrement moderne tandis que le bâtiment est décoré dans un © style plus ancien. Un maître doit donc bien connaître l'histoire c de l'architecture; en^effet, il ne pourra choisir un dessin de

'••= lettres adéquat que s'il peut dater le style et le bâtiment lui-même. •| Même de bonnes lettres anciennes semblent étranges sur les | bâtiments entièrement modernes et, sur des constructions de 6 plus de 50 ans, des lettres comme les sans serif de Gill ne sont u pas à leur place du tout. Des caractères de ce style peuvent

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Jan Tschichold parle de typographie 69

SEN AT VS Les capitales de la Trajane.

MODE

mode MODE

Mode

KOOE

mode mode

Mode

Mode M<Q)ID)E

mode

être emplo'yés uniquement sur des bâtiments de style moderne (comme ceux de Le Corbusier) cependant, ce ne sont pas les seules lettres utilisables pour de telles constructions. La simplicité, la sobriété, la sévérité fonctionnelle de l'architecture moderne exige souvent l'emploi d'une forme de lettre plus raffinée, plus riche, plus animée. C'est-à-dire précisément le contraire d'une molle imitation de graphisme au pinceau — un style Didot ou Bodoni ou une lettre Trajane. La beauté de ces formes nobles s'épanouit pleinement sur un support sobre et dépouillé alors qu'une lettre sans serif, en particulier une lettre épaisse, apparaîtrait facilement grossière et peu esthétique.

Bien entendu, une mise en place correcte des lettres est très Importante ici. L'espacement doit -être suffisamment grand. Pour une construction du début du XIXe siècle, il est préférable d'utiliser une lettre de cette période, c'est-à-dire essentiellement Bodoni, Didot, Walbaum ; mais rarement leur italique. Des bâtiments datant de 1840, doivent porter des inscriptions en Gras Vibert ou en d'autres lettres de la période comprise entre 1820 et 1860. Une lettre sans serif d'un dessin moderne comme la sans serif de Gill ne conviendrait pas ici. Une gothique étroite, une lettre typique et assez belle de la seconde moitié du XIXe siècle sont très souhaitables pour la plupart des bâtiments construits entre 1840 et 1900. Généralement, on ne réfléchit pas assez aux proportions que doivent avoir les inscriptions sur les bâtiments ou les enseignes de magasins par rapport aux lignes et caractéristiques de l'architecture sur laquelle elles s'inscrivent. Le résultat est horrible, les lettres étant habituellement beaucoup trop grandes. Elles sont, de plus, beaucoup trop rapprochées les unes des autres et difficiles à lire. Un tel dessin de lettres gâche l'environnement de nos rues et blesse le regard. La laideur de la plupart de nos rues commerçantes est largement due à l'usage de lettres trop grandes, pour ne rien dire des formes de lettres dessinées sans compétence. Les architectes peu imaginatifs sont aussi à blâmer. Une inscription raffinée qui n'est ni vulgaire, ni ostentatoire, peut racheter, un frontispice pauvrement dessiné et même lui donner du charme. Presque tous les styles romains conviennent pour orner la façade d'un édifice, mieux que les sans serif. Il est grand temps de stopper l'usage de plus en plus répandu de sans serif en architecture et partout ailleurs. Le dessin de la lettre doit être subordonné à l'architecture, et ne doit pas l'éclipser. C'est ici que le dessinateur de lettres consciencieux ou l'architecte doivent souvent aller contre la volonté des clients. Le meilleur argument à opposer à des désir$

Variation moderne sur un même mot, le mot « mode ».

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peu raisonnables est qu'un dessin de lettres parfaitement appliqué et qui s'intègre à l'architecture est plus moderne qu'un dessin maladroit aux dimensions exagérées ; d'autant plus que ce dessin n'a besoin d'être lisible qu'à une distance de 7 à 18 mètres environ. De plus, les capitales espacées correctement sont beaucoup plus lisibles que des mots trop resserrés et donc peu clairs. La taille exagérée de la plupart des lettres n'aide pas à la compréhension du message qu'elles sont censées transmettre. Les enseignes sur les magasins ou les édifices sont nécessaires, mais elles ne devraient pas être aussi mauvaises qu'elles le sont actuellement. Là où l'esprit communautaire et un sens des responsabilités civiques dominent encore, un appel à la raison devrait être suffisant, mais, aux endroits où ces vertus ne sont pas aussi développées, on devrait mettre en place des services municipaux chargés de la surveillance des enseignes, des panneaux d'affichage et du contrôle du bon goût des graphismes, de façon à éviter tout excès, même minime. La réglementation au sujet de la taille des enseignes n'est pas suffisante, les services municipaux cités précédemment devraient employer des artistes de grand talent ou des architectes ayant une grande connaissance du dessin de la lettre. Le paysage des villes, et particulièrement des villes en voie . de rénovation serait ainsi nettement embelli en quelques années.

Traduction F. Grandjean Présentation G. Blanchard

8 o O) Cl)

I

Cachet pour Typographische Monatsblâtter », Saint-Gall' Suisse, avec les deux lettres T et M telles que les voit le typographe qui compose.