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LA FUSTE L’art d’habiter en milieu forestier
N A T U R E – C U L T U R E – A R C H I T E C T U R E
E N S A S E
S e m e s t r e 6
C U G N E Y M a r i e – E X T R A T M a n o n – V E R N A Y C o r a l i e
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« La nature a donné au bois brut ses formes et ses couleurs. La fuste
en tire parti pour offrir une construction chaleureuse et accueillante. »
Thierry HOUDART, fustier
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SOMMAIRE
REMERCIEMENTS …………………………………………………….…... 4
INTRODUCTION ……………………………………………………….….. 5
I. La fuste : une construction dans son milieu ………..……….……. 6
1. Origine de la fuste ……………………...................... 6
2. Le fût : un matériau issu de la forêt ……………….. 7
3. La fuste en bordure de forêt …………………….….. 8
II. Mise en œuvre d’une fuste ……………………………………….. 11
1. Outils et méthode : préparation du fût …………… 11
2. Assemblage des fûts ……………………………....... 12
3. Espace et architecture de la fuste ……………….. 13
III. Transmission du savoir du fustier ………………………..……..…. 16
1. Parcours d’un fustier ……………………………..….. 16
2. Partage d’une passion (stage et location) ……... 17
3. Expérience de la fuste : une nuit à Planfoy …….. 19
CONCLUSION …………………………………………………………... 22
BIBLIOGRAPHIE ..………………………………………………………... 23
ANNEXE ……....………………………………………………………...... 24
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REMERCIEMENTS
Nous souhaitons tout particulièrement remercier Frédéric MONTIEL
pour son accueil chaleureux et sa disponibilité. Lors de notre première
rencontre, il nous a communiqué sa passion pour son métier et nous a
donné envie d’approfondir ce sujet. Il nous a également permis de passer
une nuit dans l’un de ces gîtes. Ce fut pour nous une expérience
inoubliable.
Nous souhaitons également remercier Mme Jeanne SEMIN, qui nous
a guidés et qui a suivi notre travail au fil du semestre, en nous donnant de
nombreux conseils.
Enfin, nous remercions l’ensemble des personnes qui nous ont
soutenues dans l’élaboration de ce rapport d’études, notamment Sophie
JOUBERT.
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INTRODUCTION
Lors de la découverte des barrages du Pas-de-Riot et du Gouffre d’Enfer,
en première année, nous avons eu l’occasion d’arpenter les chemins forestiers
alentours. Au détour d’un sentier, en sortant d’une forêt, nous sommes arrivées
devant quatre petites habitations au caractère surprenant. Les murs en rondins de
bois nous avaient intrigués, mais nous n’y avions pas prêté plus grand intérêt.
Aujourd’hui, c’est en se souvenant de cette balade, mais aussi par
curiosité, que nous avons choisi d’en savoir plus sur ce mode d’habitat peu
ordinaire, autrement appelé « fuste ». Intriguées par l’assemblage du bois, la mise
en œuvre peu commune d’une maison de ce type et par le mode de vie des
habitants, nous souhaitons comprendre pourquoi certaines personnes choisissent
le mode de construction aujourd’hui. De quelle manière ce mode d’habiter se
développe-t-il ? Quels sont les avantages mais aussi les inconvénients lorsque l’on
habite dans une fuste ? De quelle manière ce type d’habitat émerge-t-il dans
notre société comme modèle architectural ?
Concernant notre méthode d’étude anthropologique, nous avons
rencontré Frédéric MONTIEL, un fustier de 45 ans qui vit à Saint-Jeures (Haute-
Loire). Il exerce cette nouvelle profession depuis peu d’années, après avoir été
propriétaire d’un magasin de sport à Saint-Etienne pendant plusieurs années.
Aussi, nous avons réalisé une observation participative, en passant une nuit
dans une fuste construite par F. MONTIEL à Planfoy (Loire). De plus, nous avons pris
contact avec une architecte spécialisée dans les constructions bioclimatiques en
bois brut, Camille HOUDART, fille du fustier Thierry HOUDART.
Dans un premier temps, nous nous intéresserons à l’histoire, au matériau et
au milieu de ce type de construction. Nous verrons ensuite de quelle manière sont
bâties les fustes et quelles sont les qualités architecturales de cet habitat. Pour finir,
nous évoquerons le parcours d’un fustier, Fréderic MONTIEL, et la transmission de
son savoir-faire. Nous apporterons également un regard critique sur notre
expérience de la fuste.
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I. La fuste : une construction dans son milieu
1. Origine de la fuste
La fuste désigne un procédé de construction en rondins de bois brut, ou de
madriers, qui conservent leur forme naturelle. Ils sont ajustés afin d’être assemblés
par empilage, suivant des techniques d’ajustage, afin de constituer un mur solide
et étanche. La fuste, rencontre entre la force de la nature et l’art de l’homme est
une technique au service de l’architecture : elle devient alors un art.
L’art de la fuste remonte à une époque très reculée. Les plus anciennes
constructions ont été découvertes à Biskupin, en Pologne. Ce village a été édifié
huit siècles avant Jésus-Christ. Les agriculteurs maitrisaient la menuiserie, c’est
pourquoi ils ont construit l’ensemble des fortifications, mais aussi leurs maisons, en
rondins de bois empilés.
Village de Biskupin (Pologne) aujourd’hui
7000 ans plus tard, la métallurgie apparait et les hommes savent maitriser la
technique de fabrication du cuivre, puis du bronze. Ils peuvent alors fabriquer des
haches, qu’ils vont utiliser pour couper les arbres. Ils se mettent donc à construire
des maisons en rondins. En fonction de la tradition et de la culture de chaque
région, différentes techniques se développèrent et reflétaient ainsi le savoir-faire
de chacun. Les bois pouvaient être empilés, entrecroisés… Certains utilisaient la
technique du calfatage qui consiste à boucher les trous, les fentes entre les
rondins, à l’aide de mousse, de terre ou encore de paille.
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Plus tard, au Nord de l’Europe, les hommes inventent une technique
d’ajustage pour que les arbres s’ajustent parfaitement les uns sur les autres.
Les différentes recherches montrent que ces maisons en rondins sont les
maisons des pays aux hivers froids, des pays de montagne et de forêts (Norvège,
Autriche, Pologne, …). En France, c’est dans les Alpes du Sud, dans le Queyras,
que l’on retrouve le plus grand nombre de constructions de ce type (52 granges à
foin sont répertoriées). Cependant, la déforestation a entrainé peu à peu la
disparition de la construction en bois massif.
C’est alors en Amérique du Nord que l’on retrouve ces maisons. Les
techniques de l’ajustage des arbres deviennent plus précises et les constructions
deviennent plus solides et isolantes, grâce aux outillages qui se modernisent.
L’Europe connait alors un retour de la fuste, suite au reboisement intensif des
forêts. De plus, les hommes veulent habiter dans des maisons où ils se sentiront
bien, des maisons chaleureuses. Tout cela entraine donc une renaissance des
constructions artisanales en bois brut.
2. Le fût : un matériau issu de la forêt
Le choix du bois est une étape essentielle dans l’élaboration d’une maison
en bois brut. Les essences les plus utilisées sont principalement issues de résineux et
notamment du mélèze, du pin sylvestre, du douglas et de l’épicéa. Cela
s’explique par le pouvoir isolant des résineux, qui est supérieur à celui des feuillus.
La durée de vie d’une fuste varie en fonction du résineux utilisé. En effet, une
maison en mélèze à une durée de vie d'environ 600 ans, et d'environ 400 ans pour
les autres résineux.
Le choix se fait également en fonction de l’aubier et du duramen de
chaque arbre. L’aubier correspond à la partie de l’arbre qui se situe directement
sous l’écorce. Il s’agit d’une partie tendre, qui se fissure aisément et qui est
difficilement utilisable pour des éléments de structures porteuses. C’est aussi une
partie qui est propice à l’attaque des insectes. Le duramen, quant à lui, est la
partie interne de l’arbre. Plus foncée, elle est également dure et compacte,
résistante à l’attaque des insectes. En fonction de l’endroit où le rondin de bois
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sera placé, on choisira d’utiliser une essence avec un duramen plus ou moins
grand. Plus le duramen est important, plus l’arbre sera résistant aux insectes.
Coupe d’un tronc d’arbre
Les bois doivent être abattus en hiver car il s’agit de la période de
descente de sève. Cela signifie l'arrêt de la circulation de la sève au cœur de
l’arbre. Il est donc plus facile de le couper. De plus, le sol gelé en hiver facilite le
déplacement des troncs en forêt.
Le choix se fait en fonction d’autres critères, importants pour la mise en
œuvre d’une fuste. Il faudra apprécier la décroissance métrique moyenne, c’est-
à-dire le nombre de centimètres que l’arbre perd sur sa circonférence par mètre
de hauteur. Celle-ci ne doit pas être supérieure à 1 cm par mètre. Aussi, le
diamètre de l’arbre doit faire entre 25 et 40 cm. Il faudra également utiliser des
arbres de 40 ans d’âge minimum, et qui se trouvent au cœur d’une forêt, car ils
sont moins branchus et ont donc moins de nœuds. Une fois abattu, chaque arbre
doit être écorcé à la main (voir II. 1.) et doit sécher pendant environ deux années
pour pouvoir être utilisé dans une construction.
Construite en bois brut, avec des essences de résineux, la fuste se situe
principalement dans des pays de montagne, en bordure de forêt. Pourquoi
placer ce type de construction à proximité du milieu d’origine du matériau
principal ? Cela a-t-il une signification ?
3. La fuste en bordure de forêt
La philosophie principale d’un éco-constructeur est simple : respecter
l’équilibre naturel. Le désir de construire des espaces de vie sans nuire à
l’environnement permet de rester connecter à la fois avec les hommes mais aussi
Aubier
Duramen
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avec la nature. Cela permet de ne pas oublier ses racines tout en évoluant avec
notre époque. Une symbiose d’établie peu à peu entre l’homme, la fuste et son
milieu.
Le bois, matériau noble issu de l’arbre, provient de la forêt. Le soleil
représente la seule source d’énergie utilisée pour faire pousser un arbre. Matière
première renouvelable, la ressource forestière est largement sous-exploitée en
France. Il est dommage que peu de maison soient construites dans ce matériau
car le bois local est abondant.
Dans la tradition française, les maisons en rondins étaient celles des
charbonniers, scieurs, bucherons, qui vivaient en grand nombre, sur leur lieu de
travail. Une question se posait alors : les cabanes de bucherons sont-elles
réellement des maisons ? Il s’agit d’habitations rudimentaires, mais vivre dans une
maison en rondin procurait à l’époque une sensation de liberté. Aujourd’hui
encore, habiter dans une fuste évoque une sensation d’évasion. Lors de notre nuit
à Planfoy (voir III. 3.), nous avions l’impression de nous retrouver en montagne, loin
de tout. C’est l’environnement général, la proximité de la forêt, qui fait que l’on se
sent proches de la nature.
Fuste à Planfoy (42)
Respectueux de l’environnement, les éco-constructeurs veillent à limiter les
transports et les déplacements. C’est pourquoi la plupart des constructions en
fuste se trouvent à proximité du lieu de découpe des arbres. Le rayon
d’approvisionnement en bois, pour construire une fuste, est d’environ 100 kms
autour du chantier. Les arbres sont choisis dans des forêts gérées de façon
responsable. De plus, en limitant les transports, l’impact écologique est plus faible
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et cela permet de faire travailler des personnes de la région. Il s’agit d’un circuit
local, respectueux de l’environnement.
Il est important, pour un éco-constructeur, de recréer un environnement
propice à l’installation d’une fuste. Les deux fustes que nous avons pu voir se
placent en bordure de forêt et s’intègrent donc parfaitement au lieu. Il paraitrait
choquant de trouver ce type de construction au cœur d’un lotissement
pavillonnaire… Cela ne répondrait pas à la philosophie de vie des habitants, qui
souhaitent conserver un rapport à la nature.
Le matériau naturel est utilisé dans son environnement d’origine. Il s’agit de
l’une des plus belles valorisations du bois. Même s’il est très peu transformé lors de
la mise en œuvre d’une fuste, le bois subit quelques modifications et cela
demande tout de même un certain savoir-faire que seuls les fustiers maitrisent et
sont capables de transmettre.
"Ils rêvaient d'une maison en bois, toute en bois, aussi simple et
naturelle que les arbres dont elle est faite. Comme si, elle avait, elle
aussi, poussé là..."
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II. Mise en œuvre d’une fuste
1. Outils et méthode : préparation du fût
Pour commencer, plusieurs outils adaptés sont indispensables pour réaliser
une maison en fuste. Pour manipuler ces énormes troncs, il faut bien entendu une
grue afin de déplacer les rondins aisément. Un grand pied à coulisse est
également essentiel pour mesurer le diamètre des fûts. Le fustier utilise aussi deux
tronçonneuses, une pour l'entaille en long (les dents de la chaîne ont un angle
presque nul) et une autre pour les découpes en travers (chaîne normale).
Comme pour toute maison, des fondations sont nécessaires pour bâtir une
fuste. Celle-ci peut être installée sur un sous-sol, un vide sanitaire, une dalle sur
radier, des pilotis... En aucun cas les bois ne doivent toucher la terre !
Chaque fût nécessite une importante préparation avant de pouvoir être
utilisé dans la construction.
Tout d'abord, on écorce le fût à l'aide d'un gros Karcher, l'écorce est
éclatée pour donner une patine au bois. Cette étape est la plus physique du
métier de fustier. Ensuite, le bois doit sécher lentement pendant deux ans avant
de pouvoir être mis en œuvre.
Le premier rondin de la construction doit être déligné, c'est à dire coupé en
deux dans le sens de la longueur. Pour réaliser ce délignage, on ponce les nœuds
et autres irrégularités du bois afin de faciliter le traçage. Puis, l'on trace les axes de
symétries verticaux sur les deux extrémités du rondin pour pouvoir ensuite tracer
au cordex le dessus et le dessous du fût en rejoignant les deux axes. Il faut ensuite
découper le rondin en suivant l'axe dessiné à la tronçonneuse. Ce demi-fût est
ensuite utilisé pour le premier demi-tour de la construction.
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2. Assemblage des fûts
Après la pose de ce premier demi-rondin, on peut commencer à monter la
construction. Pour débuter, il faut choisir le bon diamètre du tronc en fonction des
fûts déjà en place. Pour cela, on utilise un grand pied à coulisse.
Ensuite, on réalise des entailles dans le bois. Cela s'appelle la « tête de
bélier », elle permet de réduire le diamètre du rondin de 1/3, donc de limiter les
effets du retrait du bois, et d'obtenir des entailles d'angle coulissantes
verticalement et auto-bloquées horizontalement.
Pour exécuter cette découpe, on ponce les nœuds et aspérités du bois
pour faciliter le traçage, on positionne le rondin à l’œil sur le mur, tout en ayant
pour objectif de monter le plus vite possible. Puis, il faut caler le rondin, tracer des
repères verticaux sur le fût du dessous et sur celui que l'on travaille afin de pouvoir
repositionner le rondin après pré-découpe.
Puis, on trace les pré-entailles, l'objectif étant de ramener le rondin
parallèle et à 5 centimètres du rondin inférieur.
Traçage de la pré-entaille
On dessine donc les pré-entailles avec les ouvertures de compas définies,
pour pouvoir découper facilement cette gueule tracée et retirer le bois entre les
segments découpés par plusieurs incisions plus ou moins inclinées.
Au niveau de l'entaille à mi-bois, on découpe 4 facettes. Celles-ci sont dites
autobloquantes, le tronc ainsi préparé est à nouveau présenté à sa future place.
C'est à ce moment là qu'intervient le traçage final. Afin d'obtenir des joints bien
serrés, la précision est nécessaire. On utilise donc un outil particulier : le compas
traceur à double niveau. Il permet de reproduire la courbe du rondin de dessous
sur celui de dessus
Technique :
- Mesurer h1 et h2,
distance entre les deux
rondins aux deux extrémités
- Prévoir pour le côté h1
une ouverture de compas
de h1-5cm, et pour le côté
h2, une ouverture de
compas de h2-5cm
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Une fois que les découpes des entailles sont terminées, on réalise la
découpe en long du fût, la gorge. Ensuite, il faut sortir le bois qui se trouve entre
les découpes. On entaille tout le long des découpes déjà existantes, on obtient
donc un « W ». Il faut faire attention à ne pas découper en long jusqu'au bout du
rondin, sinon on obtient un trou inesthétique à l'extrémité du fût.
Entaille au carré
Pour terminer, on passe aux finitions. Avec la ponceuse, on finit toutes les
arêtes au niveau des facettes et de la gorge. On place le rondin suivant les
repères d'axes dessinés, on sangle, on frappe, et le fût est en place. On répète
ensuite la même opération sur tous les rondins pour faire monter les murs de la
construction.
3. Espace et architecture de la fuste
Comme dans toute architecture, vivre dans une fuste nécessite un apport
de lumière naturelle. Il faut donc créer des ouvertures. Pour cela, il existe deux
techniques. La première est d'utiliser des bouts de bois courts de chaque côté de
l'ouverture. La seconde est d'employer des bois longs et de découper l'ouverture
à la tronçonneuse avant de poser le linteau. La première technique permet
d'économiser du bois, mais elle nécessite plus de temps, et l'on doit veiller à se
trouver à la même hauteur de chaque côté de l'ouverture avant la pose du
linteau. La seconde technique, plus rapide, assure l'obtention de hauteurs
identiques avant linteau, mais le risque est d'avoir des bois pas forcément alignés
au niveau de l'ouverture.
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Aussi, le principal problème d'une construction en fuste est le tassement. En
ce qui concerne les ouvertures, il faut donc éviter que les fûts écrasent les
dormants. Pour cela, il faut prévoir des jeux de tassements et de coulissement. Le
jeu de tassement, qui est comblé par un isolant, est découpé dans le rondin qui
ferme l'ouverture et les tasseaux s'encastrent donc verticalement dans la rainure
de coulissement. Les jeux de tassements et les rainures sont réalisés à la
tronçonneuse. Après avoir posé les tasseaux dans les rainures, on peut ensuite
poser la fenêtre ou la porte.
Pour se sentir à l'aise dans une habitation, il faut également que celle-ci soit
confortable thermiquement. De par sa composition, le bois offre une excellente
isolation thermique sans avoir à doubler l'intérieur. Il agit comme un frein pour
stopper les déperditions de chaleur lors des variations de température extérieure.
Cependant, il est nécessaire de chauffer ces maisons l'hiver, à l'aide d'un
poêle à bois, mais les économies de chauffage, par rapport à une maison
traditionnelle, seront considérables. Ces critères fonctionnent si les murs de la
maison sont bien exposés aux rayons du soleil. Pour un maximum de confort, il est
donc essentiel, lors du projet, de bien veiller à orienter convenablement la
construction ainsi que de positionner le poêle judicieusement.
Pour ce qui est de l'architecture d'une maison en fuste, elle est différente
d'une maison traditionnelle sous différents aspects. Ainsi, les murs d'une fuste ne
peuvent pas dépasser 8 mètres de long, pour une raison de taille des rondins. Si
l'on veut une façade supérieure à cette distance, il faut donc réaliser des
décrochés. Ceci est une contrainte architecturale assez forte, que l'on peut
dépasser avec de l'expérience dans ce domaine. Camille HOUDART est une
architecte spécialisée dans les constructions de maisons d'habitations
bioclimatiques en bois brut, grâce à cette spécialisation, elle est assez reconnue
dans le domaine de la fuste, d'autant plus qu'en France, il n'existe pas de DTU
dédié à la fuste.
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Aussi, dans une maison en rondin de bois, la résonance est complètement
différente de celle que l'on trouve dans une maison traditionnelle, cela donc une
ambiance particulière propre à la fuste. C'est le bois qui offre une acoustique
surprenante. Il y a peu de résonances intérieures et une très bonne atténuation
des bruits extérieurs. De plus, l'espace de vie d'une fuste est sain et dépourvu
d'allergènes puisque le bois régule de lui-même les problèmes d'humidité, le tout
sans nuire à l'environnement.
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III. Transmission du savoir du fustier
1. Parcours d’un fustier
Formation en Corrèze
Cette formation est animée par Thierry HOUDART, ingénieur ES-Bois et
Maître-artisan, Constructions artisanales en rondins de mélèze (Fustes). Il crée, en
1981, une entreprise appelé « Les Bois de la Combe Noire ». Elle se situe au cœur
de la forêt de Haute-Corrèze sur la commune de Lamazière-Basse. Thierry
HOUDART y enseigne ses techniques de construction en boit brut.
La technique enseignée répond à des « règles de base » bien précises qui
ont pour base les « Standards » de « l’International Log Builder Association », qui
sont des règles reconnues dans le monde entier.
Les stagiaires viennent apprendre la technique pour faire leurs propres
maisons (auto construction), pour en faire leurs métiers ou simplement pour
découvrir une nouvelle technique de construction artisanale. La formation est
composée de deux stages :
- un stage d'apprentissage : d’une durée de 6 jours, on y apprend la
technique d’ajustage des fustes, la pratique des différentes entailles et des
entailles spéciales pour la charpente et le blocage des bois.
- un stage de perfectionnement : ce stage intitulé « poteaux et système
pièce en pièce » apporte un certain nombre de solutions techniques innovantes
pour utiliser le poteau dans la construction en bois brut, aussi bien dans la
conception des ouvertures que dans les structures poutre-poteaux avec
remplissage en bois massif (pièce-en pièce) ou autre matériaux (terre, pierre,
bétons de bois, de chanvre…).
Pourquoi devenir fustier ?
F. MONTIEL a suivi ces deux formations afin de devenir lui aussi fustier. Pour
sa première expérience, il a conçu un petit abri de 9 m² au fond de son jardin
devenu aujourd'hui un sauna. Il a vécu dans cet abri le temps de construire sa
propre maison à côté. La construction a duré 6 mois, ce qui est peu par rapport à
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une construction de maison traditionnelle. Lors de l'entretien, il nous a avoué que
ce nouveau type d'habitat a entrainé un changement de vie important pour lui.
En effet, les fustes sont construites avec un matériau naturel et
renouvelable, qui n'a demandé que de l'énergie solaire pour être produit. Elles
demandent très peu d'énergie pour être fabriquées. Elles sont belles, solides
(antisismiques), saines, faciles à entretenir, et surtout très faciles à chauffer. Leur
confort thermique est exceptionnel car le bois massif possède un bon pouvoir
isolant et une forte masse thermique. Ce sont ces différentes caractéristiques qui
ont poussé Frédéric faire ce métier.
Le métier de fustier, constructeur de maisons en rondins bruts, est nouveau
ou plutôt connait un grand renouveau. Les savoirs et connaissances se partagent
afin que le plus grand nombre de personnes puisse concevoir sa maison et
habiter dans un cadre agréable et naturel. Aujourd’hui, Frédéric est devenu
formateur en Haute-Loire, afin de partager son savoir.
2. Partage d’une passion
Stages et stagiaires
Frédéric MONTIEL propose des stages, qui se déroulent en Haute-Loire, sur
une période de 5 jours. Les stages se déroulent en pleine nature, du mois de mars
au mois de novembre inclus. Ces stages ont pour but d'enseigner une formation à
ceux et celle qui désirent s'initier à la construction en rondins bruts.
Les stagiaires découvriront la technique de construction en rondins bruts et
notamment le taillage des entailles spéciales du bois (têtes de chien et têtes de
bélier), l'ajustement des rondins, l'empilage des futs, le traçage, la découpe, les
contraintes liées à ce style de construction (voir II. 2.). Les stagiaires apprendront à
choisir correctement le bois, à organiser un chantier. Chaque stagiaire travaille
indépendamment des autres. Il réalise soit sa propre construction comme un
banc, ou participe à la construction collective d'une maison, d'un sauna, en
prenant, dans ce cas-là, la relève des stagiaires précédents...
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A l'issue de ce stage et après une pratique régulière, le stagiaire devrait
être capable d'envisager de réaliser une petite construction du type sauna, abris
de jardins ou garage. 70% des stagiaires deviennent auto-constructeurs, et 30%
sont presque certains de construire leur maison. Frédéric propose alors de suivre
ces personnes-là dans leur aventure afin de leur prodiguer des conseils au fil de
l’avancée du chantier.
Frédéric joue un rôle important. En étant à l’écoute des demandes de
chacun, il transmet un savoir mais aussi un mode de pensée, un mode de vie. Au
cours des stages, la convivialité est au rendez-vous. C’est l’occasion que des
personnes qui envisagent le même projet puissent se rencontrer, échanger et
pourquoi pas, travailler ensemble par la suite.
Partager, c’est tout d’abord être là, présent avec l’autre. Ce n’est ni
analyser, ni conseiller, ni résoudre son problème. C’est donner des conseils, tenter
de régler les problèmes ou de faire quelque chose pour l’autre. Partager, c’est
aussi exprimer ce qui est là, ce qui existe. Partager a également quelque chose à
voir avec le corps. On donne une partie de soi à quelqu’un, qui, par la suite, se
l’approprie pour peut-être par la suite la retransmettre à quelqu’un d’autre. Cela
demande une certaine conscience. Avoir conscience de ce qui se passe est
important dans la notion de partage car cela permet tout d’abord de faire un
don de soi à autrui, mais aussi de se faire un cadeau soi-même. L’émotion
ressentie lors d’un partage permet de satisfaire un besoin, celui de l’intimité, et
ainsi être fier de transmettre un sentiment, un savoir, une passion aux autres.
Location de gites
Cette transmission passe également par la location des gites que F.
MONTIEL a construits sur la commune de Planfoy, à proximité du barrage du
Gouffre d'Enfer. Ils sont situés en lisière de forêt et sont intégrés à l’environnement
boisé. La location peut se faire pour le weekend, du vendredi au dimanche et en
semaine du samedi au samedi. Chaque chalet peut accueillir jusqu'à six
personnes. Ils sont chacun composé d'une pièce à vivre, comprenant une cuisine,
de deux chambres indépendantes et d'une salle de bain.
Nous avons pu passer une nuit dans l’un de ces gîtes. Cette expérience
nous a permis de comprendre comment l’on peut vivre dans une construction en
bois rond mais aussi de cerner les avantages et inconvénients de ce mode de vie.
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3. Expérience de la fuste : une nuit à Planfoy
Vivre en pleine nature dans la Loire mais avec tout le confort c'est possible !
Il suffit de s'installer dans l’une des fustes de Frédéric MONTIEL. Nous avons pu
tenter l'expérience lors d'une nuit passée dans l’un des gîtes. Lorsque nous
sommes rentrées dans la fuste, nous avons ressenti une ambiance de chalet de
montagne. C’est sans doute pour cette raison que nous avons eu envie de
manger une bonne raclette !!
Le bois domine et la décoration rouge fait son effet aussi. Le petit poêle à
bois apporte une source de chaleur et de la convivialité à la cabane. Nous avons
eu un sentiment de bien-être dès que nous avons franchi la porte d'entrée. Le gite
dispose aussi d'une terrasse avec une table en bois, fabriquée avec la même
technique des fustes. C'est d'ailleurs le premier endroit que nous avons pu
apprécier après que F. MONTIEL nous ait fait visiter la fuste.
Terrasse de la fuste
Celle-ci se compose de deux entités. En rentrant, nous tombons sur la
cuisine et la pièce de vie (table à manger, canapé). Au fond de la fuste, nous
trouvons de part et d'autre de la salle de bains, deux chambres : une avec un lit
double et une avec des lits superposés.
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Plan de la fuste dans laquelle nous avons dormis
Hormis le fait que le bois procure une ambiance chaleureuse. Nous n'avons
pas constaté que des avantages à ce type d'habitat. En effet, nous avons trouvé
que le revêtement du sol en carrelage n'était pas adapté à la situation. Après
avoir eu la chance de rentrer dans la propre maison de F. MONTIEL, nous nous
attendions à retrouver également du parquet au sol, ce qui nous a surpris.
Nous supposons que c'est pour une question d'entretien, mais nous trouvons cela
dommage.
D’un point de vue architectural, à l'extérieur, nous avons remarqué que la
toiture était réalisée de tuile en terre cuite, ce qui contraste beaucoup avec le
bois. Mais pour une question de réglementation du PLU, le choix du matériau en
toiture a été très restreint.
Autre remarque, après avoir passé la nuit dans la fuste, nous nous sommes
réveillées la gorge sèche. Nous ne sommes pas habituées à vivre dans un chalet
où l'atmosphère et l'air sont secs, à cause de la chaleur d'un poêle et du bois.
Intérieur de la fuste
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Il s’agit pour nous d’une expérience inhabituelle mais qui s’est avérée très
enrichissante. Bien que la fuste se développe de plus en plus aujourd’hui, tout le
monde n’a pas la chance d’avoir connu un tel mode d’habitat proche de la
nature. Même si nous ne sommes pas restées longtemps, cette nuit nous a tout de
même permis de nous faire notre propre idée sur la manière d’habiter une fuste.
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CONCLUSION
Pour finir, le développement de ce mode d’habiter est freiné par l’absence
de DTU, ce qui rend sa mise en œuvre difficile. Même s’il existe des formations
pour guider les auto-constructeurs, il n’y a pas de professionnels reconnus et
encore moins de matériaux disponibles dans les grandes enseignes commerciales.
Ce sont ces différents aspects qui font que la fuste reste encore aujourd’hui
rare dans le paysage architectural. De plus, cela correspond à une philosophie
de construction particulière qui oblige à concevoir et bâtir soi-même. Ces
bâtisseurs particuliers sont en quête d’une manière d’habiter plus proche de la
nature et recherche également un retour aux sources en refusant les aspects
négatifs d’une maison traditionnelle, trop consommatrice en énergie et en
matières polluantes.
De nos jours, encore très peu d’architectes se spécialisent et s’intéressent à
cette manière de construire et de vivre. Nos recherches nous ont permis de
prendre contact avec Camille HOUDART, fille du formateur-fustier Thierry
HOUDART. Cependant, nous n’avons pas eu de réponses de sa part et donc nous
n’avons pas pu obtenir l’avis d’un architecte sur nouveau mode d’habiter, ce qui
laisse encore de nombreuses questions en suspend.
Qu’est-ce qui pousse un architecte à se spécialiser dans cette voie ?
La conception architecturale est-elle singulière de ce type d'architecture ?
Quels sont les avantages et les inconvénients pour le maître d’œuvre et sa
clientèle ?
Existe-t-il un véritable avenir pour les architectes qui souhaitent réaliser des
constructions bioclimatiques en bois brut ?
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BIBLIOGRAPHIE
CHIVA Isac, 1987, « La maison : le noyau du fruit, l’arbre, l’avenir », Terrain, n° 9,
Habiter la maison, pages 5 à 9
Les Maisons d’Arbres, éco-construction
http://www.lesmaisonsdarbres.com/
Construire en bois brut et matériaux naturels – Site internet de Thierry HOUDART
http://www.boisbrut.org/
Les fustes de Fred – Sites internet présentant les stages de Frédéric MONTIEL
http://www.fredfuste.fr/
Les fustes de Fred - Stage construction en rondins bruts
https://www.facebook.com/pages/Les-fustes-de-fred-stage-construction-
en-rondins-bruts/305941782827461?fref=ts
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ANNEXES
Annexe 1
Matériels nécessaires à la réalisation d’une fuste
Grue
Tronçonneuse de 45 cm – Modèle STIL
Compas de fustier
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Annexe 2
Quelques exemples de réalisations des stagiaires de Frédéric MONTIEL
Réalisation d'Arnaud – Toiture prairie sur un petit abri
Réalisation collective – Atelier du lieu de stage