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Peintures rupestres des expéditions Frobenius
IntroductionIntroductionL’une des nombreuses questions non encore résolues concernant l’art est celle de ses origines. Or, comment pouvons-nous nous familiariser avec un art qui n’est pas accessible sous sa forme originale et dont les auteurs, femmes ou hommes, resteront définitivement inconnus?
L’art de la préhistoire n’est pas une simple exposition – elle est multiple. Elle offre une multitude de possibilités d’approche des monumentales copies de peintures rupestres de la Collection Frobenius, que le public peut admirer pour la première fois en Suisse dans une reprise d’une exposition de l’Institut du même nom à Francfort.
À un premier niveau, l’exposition raconte l’histoire de l’eth-nologue allemand Leo Frobenius (1873 – 1938). Fasciné par l’art rupestre préhistorique, ce dernier engagera des peintres, dont de nombreuses femmes, qui l’accompagneront dans ses expéditions entre 1913 et 1937, afin de documenter des peintures exécutées dans des grottes ou sur des parois il y a 40 000 ans. Au milieu de déserts, de chaînes de montagne ou dans des grottes dissimulées, ces artistes reproduiront et peindront ces précieux vestiges avec une grande minutie. Environ 5000 copies de peintures rupestres, dont les mo-dèles originaux ont en partie disparu, ont ainsi été réalisées dans des conditions particulièrement difficiles.
Le deuxième niveau met en lumière l’histoire de la réception des peintures rupestres – en l’occurrence de leurs copies – dans le domaine artistique. En reproduisant la gravure ou la peinture ori-ginale sur le papier ou sur la toile, l’art de la préhistoire devenait transportable et exposable: on pouvait le voir enfin, en couleurs et dans des formats monumentaux, dans de grandes expositions qui attiraient les foules en Europe et aux États-Unis, mais aussi en Suisse, au Musée des arts appliqués de Zurich en 1931. Il sera une source d’inspiration majeure pour des artistes comme Klee, Giacometti, Baumeister ou Pollock.
La photographie et le film documentaire jouant un rôle de plus en plus important pour la recherche, les documents rassemblés par Frobenius disparaîtront bientôt dans les archives. Les copies,
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qui comportaient d’inévitables distorsions, étaient désormais consi-dérées comme non scientifiques. Ce n’est qu’avec les différents «tour-nants narratifs» du post-modernisme que l’on a redécouvert la qua-lité propre de ces images. En tant que «copies originales», elles documentent le processus d’approche artistique et, grâce à l’histoire de leur réception, elles sont indissociables de l’art de notre temps. Le troisième niveau pose la question de notre manière d’aborder l’art rupestre aujourd’hui, ainsi que de sa signification pour les com-munautés actuelles et pour l’archéologie.
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Alf BayrleBiberach an der Riss, 1900 – 1982, Rotthalmünster
Avant de s’intéresser à l’art moderne et au traitement libre et expérimental de l’espace, de la ligne et de la couleur, Alf Bayrle avait
étudié à l’Académie des beaux-arts de Stuttgart, notamment auprès de Franz von Stuck. En 1926, il s’installe à Paris. Parmi ses amis, il compte la célèbre femme de lettres française Colette, le peintre André Derain et le compositeur Maurice Ravel. En novembre 1933, il rencontre Frobenius qui vient d’inau-gurer une exposition de copies de pein-tures rupestres de grand format au Musée du Trocadéro. Stimulé par l’en-thousiasme de l’avant-garde à l’égard des sources iconographiques extra- européennes et de l’art des «primitifs», et curieux de se lancer dans l’aventure de la recherche, il abandonne son exis-tence de peintre à Paris pour rejoindre
l’équipe de l’Institut en tant que dessi-nateur scientifique. En 1934/35, il accompagne l’expédition ethnologique en Abyssinie. Deux autres voyages de recherche le conduiront vers le sud de la France, puis au nord et à l’est de l’Espagne en 1936. Le style de la ving-taine de copies de peintures rupestres préhistoriques qu’il a réalisées est fort varié: cela va de copies minutieuses jusque dans le moindre détail à des copies presque minimalistes qui se rap-prochent nettement de l’art moderne. Cette liberté artistique lui vaudra de sévères critiques de la part de ses collè-gues. Après la Seconde Guerre mon-diale, Bayrle travaillera comme péda-gogue d’art et artiste indépendant. Les expériences des expéditions et de la recherche sur le terrain résonnent en-core dans ses tableaux non figuratifs, exaltant la matérialité de la surface.
Ruth Assisa «Azizié» CunoConstantinople, 1908 – 1934, Francfort sur le Main
Bien que Ruth Cuno n’ait travaillé que deux ans pour l’Institut de morphologie culturelle, elle a laissé une œuvre importante. Née à
Constantinople, fille de l’architecte francfortois Hellmuth Cuno et de la Suissesse Ina Cuno, elle rejoint l’équipe de collaborateurs de Frobenius en 1932 qu’elle accompagne peu après, avec Agnes Schulz, lors de la dixième expé-dition de recherche de l’Institut en Libye. Celle-ci durera quatre mois, au cours desquels elle réalisera 285 copies de peintures rupestres. Une grande par-tie d’entre elles seront publiées en 1937 dans un volume illustré et soigneuse-ment mis en page, Ekade Ektab. Felsbil-der Fezzans, ainsi que Hádschra Máktuba. Urzeitliche Felsbilder Kleinafrikas (1925, en collaboration avec le préhistorien Hugo Obermaier) et Madsimu Dsangara. Südafrikanische Felsbilderchronik (1932), l’un des ouvrages majeurs de Frobenius sur l’étude de l’art pariétal. Parmi les œuvres les plus connues de Ruth Cuno, citons l’impressionnante copie, d’un réalisme saisissant, de la composition zoomorphe grandeur nature représen-tant deux girafes et un éléphant, que le public put découvrir dans de nom-breuses expositions, notamment au MoMA de New York en 1935. Cette des-sinatrice prometteuse disparaîtra pré-maturément, le 15 avril 1934 à l’âge de 26 ans, des suites d’une infection contractée après une maladie fulgu-rante. Dans sa nécrologie, Frobenius rend hommage à Ruth Cuno comme «[...] modèle de bonté, du plus haut de-gré d’épanouissement de la création artistique ainsi que d’un travail infati-gable en Afrique et en Europe.»
Albert HahnHöchst am Main, 1910 – 1995, Bad Homburg vor der Höhe
Le peintre, dessinateur, photographe et cinéaste Albert Ferdinand Hahn a travaillé au total 38 ans pour l’Institut Frobenius à
Francfort. Pendant ses études à la Stä-delschule [École des beaux-arts et des arts appliqués], Albert Hahn visite plu-sieurs pays européens. En 1937/38, il participe en tant que dessinateur scien-tifique à un voyage de recherche en Indonésie – à Java, à Seram, aux Mo-luques et en Nouvelle-Guinée occiden-tale (Papouasie occidentale). Alors qu’à Seram, l’accent était mis sur la recherche ethnographique et le recensement do-cumentaire des êtres humains et de la nature, en Nouvelle-Guinée occidentale, Albert Hahn se concentrera sur les pein-tures rupestres préhistoriques qu’on y avait découvertes. Pour ses copies, il utilise notamment une technique de gabarits et de pulvérisation expérimen-tale correspondant aux modèles origi-naux. Dans ses journaux intimes, il évoque les conditions de travail éprou-vantes, voire périlleuses, et décrit les nombreux défis picturaux – questions de perspective, ductus du pinceau, co-loris – auxquels il doit faire face pour la transposition de ces peintures ru-pestres sur la toile. Au cours des années qui suivront, outre son activité de des-sinateur, Hahn participera à des publi-cations et des expositions. Au contraire de ses premiers dessins, ses illustrations plus tardives, qui seront publiées dans des ouvrages scientifiques, sont impres-sionnantes de précision et de souci du détail.
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Gerta KleistErlangen, 1911 – 1998,Francfort sur le Main
Parmi les dessinatrices des expéditions de Frobenius, Gerta Kleist fut certaine-ment la plus active en tant qu’artiste – et la seule à se
définir comme telle. Elle avait fait des études d’art graphique, de publicité, de peinture et de sculpture à la Städelschule [École des beaux-arts et des arts appli-qués] de 1931 à 1938, avec son futur collègue de l’Institut, Albert Hahn. Sa formation avait donc été marquée par l’influence de Willi Baumeister et Max Beckmann, qui enseigneront dans cette école jusqu’en 1933. Avant de passer son diplôme, Gerta Kleist voyage en Italie comme dessinatrice scientifique de l’Institut pour la morphologie cultu-relle, sous la direction d’Agnes Schulz. En 1938/39 suit un deuxième voyage de recherche dans le nord-ouest de l’Australie. Lors de ces deux voyages, Kleist réalise, outre des images ethno-graphiques, au total 33 copies de pein-tures rupestres qui témoignent de sa grande précision stylistique, de son trait sûr et de son sens de la couleur. Bien que l’expédition en Australie ait laissé des traces dans ses mémoires, ni les peintures rupestres ni la confrontation avec l’étranger n’auront de répercussion notable dans ses œuvres ultérieures.
Elisabeth «Katta» KrebsHongkong, 1907 – 1950, Francfort sur le Main
Dès son plus jeune âge, Elisabeth Krebs se familia-rise avec d’autres pays que l’Allemagne. Fille d’un ca-pitaine de la compagnie
Norddeutsche Lloyd, elle est née à Hong-kong. Elle vivra notamment à Singapour et à Gênes, avant que la famille ne s’éta-blisse à Brême en 1914. Après une for-mation à l’École d’art appliqué de cette ville, elle trouve son premier emploi d’«assistante technique» au Museum für Völkerkunde de Hambourg. En 1934, Frobenius réussit à convaincre la jeune femme talentueuse de travailler pour son Institut. Lors de trois voyages de recherche au Sahara en 1934/35, au Valcamonica et en Istrie en 1936, elle réalise au total 17 copies de peintures rupestres et 96 images ethnographiques. Ses copies, réalisées avec une grande minutie, pour la plupart à l’aquarelle, se caractérisent par un trait de plume et une touche de pinceau d’une grande exactitude, ainsi que leur perspective et leurs couleurs harmonieuses. Elisa-beth Krebs écrit à propos de la technique de copiste: «Nul ne doute que la patience soit une vertu. Mais quiconque n’est pas convaincu qu’il s’agit d’une vertu fémi-nine devrait essayer de participer à un travail de copie de peintures rupestres en Afrique, qui plongerait plus d’un homme dans le désespoir.» En décembre 1939, Elisabeth Krebs donne sa démis-sion, car elle est enceinte d’un homme marié. Elle gagnera sa vie par la suite comme enseignante et graphiste indé-pendante, jusqu’à sa mort soudaine, à l’âge de 43 ans, d’une maladie cancé-reuse.
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Joachim LutzHöchst am Main, 1906 – 1954, Heidelberg
Dès ses premières années d’activité, Joachim Lutz s’était fait connaître pour son exceptionnel talent de dessinateur, en particulier
ses gravures sur bois. Lorsqu’il part en Afrique du Sud avec Leo Frobenius en 1928, il a tout juste 22 ans. Sur place, sa tâche consiste à «enregistrer» des lieux et des personnes en réalisant des dessins au crayon, et plus tard aussi des aqua-relles. Les dessins de paysages et les portraits ethnographiques de Lutz té-moignent de son intérêt pour les cou-rants artistiques modernes, tels que l’expressionnisme, le cubisme et la Nou-velle Objectivité. Le séjour en Afrique se prolongeant et des maladies entraî-nant des défaillances au sein de l’équipe, Lutz travaillera de plus en plus souvent comme copiste de peintures rupestres. Les 157 copies qu’il réalisera comptent parmi les plus grandes et les plus im-pressionnantes de toute l’expédition. A son retour en 1930, elles seront présen-tées dans des musées, notamment lors de l’exposition Die Kunst der Höhlen und Felsen [«L’art des grottes et des falaises»] à la Kunsthalle de Mannheim. Dans les années qui suivront, Joachim Lutz gagne sa vie surtout comme des-sinateur de presse et professeur d’art. Après la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle il est engagé comme «dessinateur de guerre» dans la Wehr-macht, il vivra comme peintre et gra-phiste indépendant à Ziegelhausen, où il exercera une influence importante sur la vie artistique locale, avant de décéder d’un cancer à l’âge de 48 ans seulement.
Elisabeth MannsfeldHambourg, 1891 – 1971, Harare/Zimbabwe
Ayant grandi dans un mé-nage d’enseignants ham-bourgeois, la jeune femme suivit d’abord une forma-tion de professeur de dessin
et trouva son premier emploi d’ «assistante technique» au Museum für Völkerkunde [Musée d’ethnologie] de Hambourg. En 1923, Frobenius l’engage et lui demande d’abord de réaliser des copies d’objets ethnographiques dans des musées de Paris, de Londres et de Florence. En 1928-1929, Elisabeth Mannsfeld se rend en Afrique australe dans le cadre de la nouvelle expédition de l’Institut, durant laquelle elle copie-ra de nombreuses peintures rupestres préhistoriques. À Salisbury –– l’actuelle ville de Harare, capitale du Zimbabwe –, elle fait la connaissance d’un certain Goodall, officier de police originaire de Grande-Bretagne, qu’elle épouse peu après. Dans sa nouvelle patrie, elle conti-nuera de travailler pour l’Institut de Francfort, puis pour le Queen Victoria Museum, l’actuel Museum of Human Sciences du Zimbabwe à partir de 1934.
Au fil des ans, on lui confiera de plus en plus des tâches de commissaire d’exposition. Elle dirige des fouilles archéologiques, fréquente des col-loques, donne des conférences et rédige toute une série d’essais scientifiques. Sa documentation de peintures ru-pestres, qu’elle continuera de constituer pendant des décennies, sera à la base de l’inventaire systématique des ex-traordinaires peintures rupestres du Zimbabwe.
Katharina MarrHambourg, 1911 – 2004, Munich
Fille d’un professeur de so-ciologie francfortois, elle commence des études de graphisme et de création publicitaire auprès de Willi
Baumeister à la Städelschule [École des beaux-arts et des arts appliqués] en 1929 et travaillera d’abord comme peintre de réclames et scénographe.
En 1934, Katharina Marr se lance dans une activité de dessinatrice scien-tifique à l’Institut Frobenius et y tra-vaillera au total 15 ans – mis à part les interruptions dues à la guerre. Lors de cinq expéditions qui la conduiront en Jordanie et en Libye, ainsi qu’en France, en Espagne et en Italie, elle réalise 142 copies de peintures rupestres. Parmi ses collègues, elle était considérée comme «la meilleur copiste de pein-tures rupestres que nous ayons en Allemagne», dont les travaux «combi-naient de manière idéale une exactitude implacable, une représentation très vivante du sujet et une haute qualité artistique». En 1949, Katharina Marr épouse le futur directeur du Völkerkun-demuseum [Musée d’ethnologie] de Munich, Andreas Lommel. En 1954, tous deux partent pour un voyage de recherche d’environ 20 mois dans la région de Kimberley, en Australie. Les copies de peintures rupestres qu’elle réalise sur place seront présentées au cours des années suivantes dans plu-sieurs expositions auxquelles elle prit une part active.
Cologne, 1906 – 1984, Francfort sur le Main
Issue d’une famille de la haute bourgeoisie de Cologne, elle suivit une formation artistique aux Kölner Werkschulen [École
des arts appliqués], ainsi que des cours privés auprès du peintre suisse et pro-fesseur au Bauhaus Johannes Itten, et aura un certain succès comme designer. Sans doute avide d’aventure, elle postule auprès de l’Institut Frobenius. Suivront six voyages de recherche au Sahara et dans des régions montagneuses euro-péennes, au cours desquelles elle réalise 326 copies de peintures rupestres. En-tretemps, elle poursuit ses études à la Städelschule [École des des beaux-arts et des arts appliqués] de Francfort.
Durant les années de guerre, E. C. Pauli crée avec deux collègues, le légendaire «État des Amazones» qui, malgré des circonstances extrêmement difficiles, s’efforcera de maintenir le fonctionnement de l’Institut et de mettre en sécurité les précieuses col-lections. Ensuite, elle entreprend deux autres voyages de recherche dans le sud de l’Éthiopie et épousera le successeur de Frobenius, Adolf Ellegard Jensen.
Durant les trente années de son activité à l’Institut, cette «nature joyeuse de Rhénanie» aura marqué comme nulle autre l’atmosphère créative par-ticulière qui y régnait. Qu’il s’agisse de voyages de recherche, d’anniversaires ou de fêtes de Noël, E. C. Pauli savait mieux que personne mettre en scène et rédiger de nombreux poèmes et pièces de théâtre humoristiques.
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Agnes Susanne Schulz «Asuschu»Leipzig, 1892 – 1973, Capoliveri
Agnes Susanne Schulz compte parmi les artistes les plus productives de l’his-toire de l’Institut Frobenius. Entre 1923 et 1957, elle a
réalisé plus de 700 copies de peintures rupestres et 450 images ethnogra-phiques. Fille d’un célèbre professeur de droit, elle a étudié auprès de la fameuse Königliche Akademie für Graphik und Buchgewerbe [Académie royale de graphisme et de reliure] de Leipzig. En 1925, lorsque Frobenius quitte Munich pour s’installer avec son Institut à Francfort, elle fait déjà partie de son équipe. Son talent artistique n’a d’égal que son engagement scientifique, et, conjugués, ils aboutiront à une série de publications. Après des voyages de recherche en Afrique du Sud et en Libye, elle entreprendra des voyages d’études de plusieurs mois dans de nombreux musées et sites de peintures rupestres européens. Vers le milieu des années 1930, elle documente les peintures rupestres scandinaves de sa propre initiative. Puis elle découvrira ce conti-nent qui allait l’occuper et l’enthousias-mer pendant les décennies suivantes: l’Australie. Au cours de deux expédi-tions, elle s’intéressera aux peintures rupestres et aux cultures traditionnelles de ce continent, à la fois en qualité de peintre et de scientifique.
Erika TrautmannOsterwick / Prusse occidentale, 1897 – 1968, Münster
Fille d’un propriétaire fon-cier de Prusse occidentale, Erika Trautmann refusa un mariage en bonne et due forme et passa les années
1920 à Berlin. Assoiffée de savoir mais aussi joviale et sûre d’elle, elle jouissait d’un vaste cercle d’amis dans les milieux mondains, tout en suivant des cours de photographie, de design de mode, de dessin technique et de peinture. En 1933, elle postule auprès de Frobenius qui l’enverra aussitôt dans des expédi-tions en France et en Espagne.
Elle voue alors une véritable passion au site de Valcamonica, dans le nord de l’Italie. Transportant son équipement de dessinatrice jusqu’en haut des falaises abruptes, elle pour-suivra infatigablement sa tâche, et dé-couvrira ainsi des centaines de pétro-glyphes encore inconnus. C’est alors qu’elle fait la connaissance du spécia-liste de l’histoire ancienne Franz Altheim et divorce de son premier mari. Elle quitte bientôt l’Institut Frobenius en 1937 pour travailler avec Altheim à l’Institut Ahnenerbe (litt. «recherche de l’héritage des ancêtres»), dirigé par le Reichsführer Heinrich Himmler, maître absolu de la SS sous le Troisième Reich. Trautmann entretenait d’excel-lentes relations avec le régime nazi, et pendant que l’Europe s’enfonçait dans la guerre, elle entreprit des voyages de recherche dans les Balkans et, avec Franz Altheim, elle rédigera des textes marqués par l’idéologie nazie de la su-périorité de la «race aryenne».
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Maria WeyersbergCologne, 1886 – 1987, Bornheim
Les femmes n’ayant été ac-ceptées à l’Académie des beaux-arts qu’à partir de 1919, Maria Weyersberg, fille unique d’un industriel
de Cologne, prit d’abord des cours par-ticuliers auprès de peintres renommés, puis fréquenta la Kunstgwerbeschule [École d’art appliqué] et étudia finale-ment auprès de l’historien de l’art suisse Heinrich Wölfflin à Munich. C’est là qu’elle fera la connaissance de l’équipe de Frobenius.
Sa première expédition la con-duit au sud de l’Afrique; suivront cinq autres, respectivement en Jordanie et en Libye, en France, en Espagne et en Italie.
Outre de nombreuses photographies, elle réalise au total 601 copies de pein-tures rupestres. Très vite, elle devient assistante scientifique, publie des ar-ticles spécialisés et se voit de plus en plus souvent confier des tâches de di-rection, notamment l’inauguration des expositions de peinture rupestre à Paris en 1930 et en 1933. Avec Charlotte Pau-li, elle était considérée comme l’âme même de l’Institut. Une fois à la retraite, elle trouvera enfin le temps de déployer son potentiel créatif dans son art et ré-alisera des aquarelles et des dessins, des natures mortes et des paysages, la plu-part du temps dans des couleurs pastel.
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Entre 1913 et 1919, certains artistes participèrent à de nombreuses expéditions aventureuses en Afrique, en Océanie, en Australie et en Europe, durant lesquelles ils réalisèrent environ 5000 copies de pein-tures rupestres à la demande de l’ethnologue allemand Leo Frobenius (1873–1938). Ils furent ainsi à l’origine de la collection de ce type la plus ancienne et la plus complète au monde. Après un début modeste, suivi d’une étape temporaire à Munich (1920–1925), les archives africaines (Afrika-Archiv) créées à Berlin par l’ethnologue en 1898 devinrent l’institut allemand de recherche en anthropologie le plus important de l’époque. Son siège fut fina-lement établi à Francfort-sur-le-Main.
Les œuvres rupestres, souvent situées dans des lieux loin-tains et inaccessibles comme des déserts inhospitaliers, des chaînes de montagnes solitaires ou des grottes dissimulées, furent reproduites au prix de gros efforts, en couleurs et souvent dans leur format ori-ginal. Jusque-là uniquement connues de quelques spécialistes, ces images comptant parmi les œuvres les plus anciennes de l’humani-té purent ainsi toucher un public bien plus large. Elles firent ainsi l’objet de livres illustrés volumineux, mais furent surtout révélées lors de nombreuses expositions en Europe et aux États-Unis, où elles furent montrées en couleurs et en grand format. Avec la comparaison des œuvres rupestre, Frobenius souhaitait répondre à des questions historico-culturelles telles que la migration des styles préhistoriques d’un continent à l’autre. Les copies, conçues comme des images scientifiques à visée documentaire, reproduisent malgré tout la puissance esthétique et l’aura de leur original préhistorique. Elles s’imposèrent comme une source d’ins-piration supplémentaire, jusque-là guère prise en considération, pour le développement de l’art moderne, au même titre que l’art « primitif » ou « naïf ». Alfred H. Barr, fondateur et directeur du Museum of Modern Art à New York (MoMA), exposa en 1937 des images de la collection Frobenius et fit le constat suivant : « L’art
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du XXe siècle se trouve déjà sous l’influence des grandes traditions de l’art mural préhistorique ».
L’exposition fournit un aperçu de ces expéditions aventu-reuses dans des régions reculées du globe et nous plonge dans le quotidien professionnel de l’équipe Frobenius. À partir des docu-ments artistiques, appelés « copies originales », l’exposition révèle les conséquences historiques de ce travail de pionnier sur l’art mo-derne comme sur l’archéologie. Pour la première fois en Suisse, elle examine la réception réservée à l’art mural préhistorique et s’interroge sur les possibilités d’une discussion d’un point de vue contemporain.
Datation des peintures rupestres
À l’époque des expéditions Frobenius, les méthodes physiques de datation aujourd’hui usuelles n’avaient pas encore été mises au point. Les chercheurs ne pouvaient que formuler des hypothèses sur la base d’études comparatives des styles ou des techniques utilisés. Au-jourd’hui, il est par exemple possible, grâce à des méthodes techno-logiques de pointe, de dater physiquement de minuscules pigments de couleur organiques ou de très fines particules de charbon. Ces méthodes physiques fournissent des indications en années au sujet de la datation absolue de l’objet étudié. En revanche, les études com-paratives de style ou les observations de strates permettent unique-ment de déterminer si une image est plus ancienne qu’une autre.
Alors que la chronologie des peintures rupestres de certaines régions comme l’Europe ou l’Afrique du Nord est de nos jours rela-tivement bien établie, les connaissances scientifiques avérées d’autres zones géographiques restent largement inexistantes.
Aujourd’hui encore, les œuvres rupestres constituent pro-bablement les découvertes les plus difficiles à dater en archéologie. La datation directe est techniquement très compliquée et reste source d’erreurs. De plus, beaucoup d’images ont été réalisées par couches successives et sur de longues périodes. Il n’existe donc pas de datation directe pour la plupart des images préhistoriques exposées ici. Les données fournies sont le plus souvent à considérer comme des ap-proximations peu précises et ne sont pas acceptées par tous les experts.
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1 Intérêt du public
Les expéditions de Leo Frobenius rencontrèrent un vaste intérêt dans la presse de l’époque. Le départ et le retour d’une expédition étaient soigneusement mis en scène et suscitaient un grand engoue-ment à Francfort-sur-le-Main et au-delà.
Figure de Bena LuluaLeo Frobenius a financé ses premières expéditions africaines au moyen d’une intense, mais parfois douteuse activité de collectionneur sur place. Avant même la Première Guerre mondiale, quelque 24 000 objets ont atterri dans les musées et été introduits sur le marché de l’art. L’un de ces objets, une figure de pouvoir Bena Lulua du Congo, est entré en possession du fondateur et donateur du Musée Rietberg Eduard von der Heydt par l’intermédiaire de la société commerciale Umlauff de Hambourg, et se trouve donc dans la collection du musée. On peut la découvrir dans le Schaudepot.
2 Réception des intellectuels africains
Les intellectuels africains considérèrent très tôt les travaux de Frobe-nius comme une revalorisation de la culture africaine et un soutien de leurs demandes d’émancipation. En particulier les étudiants afri-cains à Paris dans les années 30, comme Leopold Sedar Senghor, poète et futur président du Sénégal, mais aussi les intellectuels afro-américains, comme W.E.B. Du Bois, se référaient à l’ethnologue. Par la suite, dans les années 1980, une réception critique rappelant l’ambivalence de Frobenius vis-à-vis des Africains et dénonçant ses pratiques de collectes parfois douteuses apparut.
1 Sahara7:53 min.n. et bl.sans son1933Auteur : Elisabeth Pauli
Images originales de la 11e expédition de recherche allemandes en Afrique intérieure
(11. Deutsch-Innerafrikanische Forschungsexpedition - DIAFE) en 1933, prises dans la région désertique du Gilf el-Kebir dans le sud-ouest de l’Égypte, à la frontière libyenne. Elles offrent un aperçu presque intimiste du quotidien de l’expédition : les lieux et chemins parcourus lors du voyage (entre autres Koufra, Aqaba, Al-Dakhla), les trois véhicules utilisés pour l’expédition et leurs difficultés à par-courir ces territoires peu praticables. Aux scènes de la vie sociale (repas et invités au camp, pauses pour boire dans le désert) et aux plans privés et humoristiques (László Almásy commence sa journée au camp dans le désert avec une cigarette) succèdent des scènes représentant les travaux archéologiques : photographies et dessins des œuvres rupestres, fouilles effectuées à l’aide d’une simple pioche, inspection de la surface et présentation d’une lame en silex.
A La peintre Agnes Schulz copiant une œuvre rupestre dans les monts Matobo, situés au Zimbabwe actuel1929
045 Composition animaleLibye, Fezzan, Wadi In Habeter, env. 8000 – 5000 av. J.-C. 1932, Ruth Assisa Cuno, Huile sur toile
B Gravure, groupe grandeur nature de deux girafes et d’un éléphant Libye, Fezzan, Wadi In Habeter, 1932, Gélatine argent, papier baryté
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037 Composition animale Libye, Fezzan, Wadi In Habeter, env. 8000 – 5000 av. J.-C. 1932, Ruth Assisa Cuno, Crayon sur papier
C Portrait de Leo FrobeniusHerman Frobenius, 1924, Huile sur toile
1 Les participants de l’expédition à Walvis Bay de gauche à droite : Elisabeth Mannsfeld, Maria Weyersberg, Albert Seekirchner, Adolf E. Jensen, Heinrich Wieschhoff, Leo FrobeniusWalvis Bay, Namibie, 1928
2 Maria Weyersberg, Agnes Schulz et Elisabeth Mannsfeld sortant de leur hôtel à côté de Loskop et partant pour la grotte d’Iditima, près du Cathkin PeakDrakensberg, Natal, Afrique du Sud, 1929
3 Traversée du fleuve OrangeAfrique du Sud, 1928
4 Grotte Domboshawa : Joachim Lutz copiant les peintures rupestresMashonaland, Zimbabwe, 1928
5 Excursion dans le Karkur Ibrahim : paysageUweinat, Libye, 1933
6 Hans Rhotert et Muntaz Mufta retraçant les gravures rupestres sur le site d’œuvres rupestres 24Karkur Talh, Uweinat, Libye, 1933
7 Campement devant le Gilf : László Almásy et Elisabeth Charlotte Pauli reçoivent des invités pour le petit-déjeunerGilf el-Kebir, Égypte, 13.11.1933
8 Réparation sur le trajet de Burg et Tuyur à Wadi Amag : László Almásy et le chauffeur soudanais Sabir MohammedDarfour du Nord, Soudan, 1933
9 Trajet de Lagaia à Kassala : Elisabeth Charlotte Pauli jette un regard Darfour du Nord, Soudan, 1933
10 Enfouss , site d’art rupestre : Elisabeth Charlotte Pauli et Katharina Marr copiantEl Ghicha, Aflou, Algérie, 1935
11 Katharina Marr dessinant des outils en pierre Kilwa, Arabie Saoudite, 1934
12 Trajet de Siwa à Bawiti : campement, Karin Hissink et Douglas C. Fox dans le véhicule, sur une dune au sud du lac SitraSitra, Égypte, 19.02.1935
13 Grotte Cinyati : Maria Weyersberg et Elisabeth Mannsfeld copiant les peintures rupestresDrakensberg, Natal, Afrique du Sud, 1929
14 48 kilomètres à l’ouest de Manopie, Palma Farm : Joachim Lutz copiantProvince du Limpopo, Afrique du Sud, 1929
15 Joachim Lutz copiant dans la grotte de RucheraDistrict de Mutoko, Zimbabwe, 1929
16 Leo Frobenius faisant soigner sa main fouléeAin Dua, Uweinat, Libye, 1933
17 Elisabeth Charlotte Pauli travaillant à CAin Dua, Uweinat, Libye, 1933
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18 Elisabeth Charlotte Pauli travaillant sur le site d’œuvres rupestres 16Karkur Talh, Uweinat, Libye, 1933
19 Karin Hissink et Elisabeth Charlotte Pauli faisant les bagagesDzioua, Ouargla, Algérie, 1935
20 Ain el-Safsaf, site d’art rupestre : Elisabeth Charlotte Pauli copiant le large groupe d’éléphants El Ghicha, Aflou, Algérie, 1935
21 Trajet d’Al-Bahariya à Siwa : campement pour la nuit vers la dune au sud du lac SitraSitra, Égypte, 1935
22 Pause caféOuadi Sora, Gilf el-Kebir, Égypte, 1935
23 Oasis Koufra, au bord du lacKoufra, Libye, 1935
24 Dzioua : Ewald Volhard et Karin Hissink devant l’établissement routier Dzioua, Ouargla, Algérie, 1935 Photo : Elisabeth Charlotte Pauli
25 Elisabeth Charlotte Pauli et Karin Hissink à Ghardaïa Ghardaïa, Algérie, 1935
26 Campement principal du Gilf lors du petit-déjeunerGilf el-Kebir, Égypte, 1935
27 Elisabeth Pauli copiant dans la grotte DAin Dua, Uweinat, Libye, 1933
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e28 Trajet de Zolat el Hammad à Lagaia : Leo Frobenius prenant son petit-déjeuner, 18 kilomètres au nord de NatrounDarfour du Nord, Soudan, 1er déc. 1933
29 Camp vu d’en haut, orienté vers l’est Abou Ballas, Égypte, 1934
30 Amman – Jérusalem : Elisabeth Charlotte Pauli au volant de l’automobile 49Jordanie, 1934
31 Dans les PyrénéesFrance, 1934
32 Cueva de los Caballos dans le barranc de la Valltorta : Maria WeyersbergValltorta, Albocàsser, Espagne, 1934
33 Saltadora travaillant dans le barranc de la Valltorta Valltorta, Albocàsser, Espagne, 1934
34 Site d’art rupestre Ain el-Safsaf : Elisabeth Charlotte Pauli et Katharina Marr copiant le large groupe d’éléphantsEl Ghicha, Aflou, Algérie, 1935, photo : Karin Hissink
35 Cueva de los Caballos dans le barranc de la Valltorta : Elisabeth Charlotte Pauli et Maria WeyersbergValltorta, Albocàsser, Espagne, 1934
36 Fête d’anniversaire, Gerta Kleist sur le site d’art rupestre MalibaMunja, Kimberley, Australie, 06.07.1938
37 Elisabeth Charlotte PauliAltamira, Cantabrie, Espagne, 1936
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38 Maria Weyersberg copiant un bison sur un stalactite El Castillo, Cantabrie, Espagne, 1936
39 Étude des œuvres rupestres : Károly Kerényi, historien de l’Antiquité hongrois, sa femme Magda, Franz Altheim, Maria Weyersberg, Adolf E. Jensen Naquane Valcamonica, Italie, 1936, Photo : Erika Trautmann
40 Grotte Kalingi Odin : Agnes Schulz copiantKimberley, Australie, 1938
Sud de l‘AfriqueSud de l‘Afrique1928–1930
Le sud de l’Afrique est le berceau de l’une des traditions d’art rupestre les plus riches au monde. C’est aussi de cette ré-gion que viennent les ob-jets d’art les plus anciens réalisés par l’homme, il y a de cela plus de 75 000 ans. Les
peintures et gravures murales préservées non pas dans des grottes mais sur des parois et des abris sont moins anciennes. Leur datation est compliquée mais l’on présume qu’elles furent réalisées respectivement il y a 12 500, 4000 et 2500 ans selon les régions. Elles sont pour la plupart attribuées au peuple autochtone de la région, les San, dont les membres étaient autrefois aussi appelés « Boshimans ».
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Ce peuple de chasseurs-cueilleurs réalisa des peintures rupestres jusqu’au début de la période coloniale. Ses croyances se révélèrent clé pour un domaine de recherche influent, qui interprète de nombreuses images comme des voyages chamaniques dans l’au-delà. En plus de gros gibiers comme les antilopes, ces œuvres rupestres du sud de l’Afrique représentent très souvent des hommes.
Accompagné d’une équipe de sept personnes, dont les peintres Elisabeth Mannsfeld, Agnes Schulz, Maria Weyersberg et Joachim Lutz, Leo Frobenius parcourut le sud de l’Afrique entre 1928 et 1930. Les artistes passèrent ainsi de longs mois dans les montagnes isolées du Drakensberg, dans le désert de Namibie et dans la savane du Zimbabwe pour copier les peintures des « Boshimans ». Formés dans différentes Académies des beaux-arts, ces peintres, qui menèrent ensuite pour la plupart une carrière artistique couronnée de succès, s’efforcèrent de reproduire les originaux aussi fidèlement que pos-sible. Situés sur des supports rocheux irréguliers, exposés à une luminosité changeante et souvent très estompés, ces derniers étaient parfois particulièrement difficiles à distinguer. Les peintres furent à plusieurs reprises contraints de prendre des libertés artistiques consi-dérables afin de transposer ces œuvres en deux dimensions et d’en rendre les différents traits et tracés.
3 Logistique
Les usines Ford, situées à Cologne, mirent au total dix automobiles de type A, spécialement laquées dans un rouge flamboyant, à la disposi-tion de Leo Frobenius pour son expédition saharienne de 1934 – 1935. L’expédition, scindée en plusieurs colonnes, put ainsi se rendre dans différentes régions du Sahara ainsi qu’à Kilwa, dans le nord de l’Arabie Saoudite. Bien que relativement solides, ces automobiles n’étaient pas faites pour ce terrain peu praticable. À cela s’ajoute le risque de se perdre dans ces territoires sans routes et à peine cartographiés. Les tempêtes de sable, les blessures, les maladies graves, associées au com-portement prussien peu subtile de leur chef, avare en vivres et consi-dérant qu’une « expédition n’était pas une assurance-vie », menèrent les collaborateurs et les collaboratrices aux limites de leurs capacités.
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4 Documentation
Les œuvres rupestres furent avant tout documentées grâce à des copies au stylo et au pinceau soigneusement réalisées. Par ailleurs, il existe également de nombreuses photographies en noir et blanc de l’art rupestre. Cependant, Frobenius se montrait critique à l’égard de ce support : « Pour moi, il est en quelque sorte douloureux que la croyance vaniteuse en la fiabilité absolue des photographies fasse perdre de vue à de nombreuses personnes que, par exemple, un des-sin conçu avec une énergie bien vivante est plus « significatif » qu’une photographie prise mécaniquement. Je souligne formellement ce fait, car il est question ici d’œuvres d’art, de monuments qui prennent vie. ». En plus des photographies à visée documentaire, des milliers de photos illustrant le quotidien, les joies et les peines de ces voyages aventureux furent prises lors des différentes expéditions.
026 Silhouette couchée portant un masque à cornes Zimbabwe, Rusape, Diana’s Vow, datant de plusieurs milliers d’années 1929, Agnes Schulz, Aquarelle sur papier
027 Procession d’hommes marchantZimbabwe, Rusape, Lesapi Falls, datant de plusieurs milliers d’années 1929, Agnes Schulz, Aquarelle sur papier
025 Éland entre deux silhouettes à la tête d’animal Lesotho, Quthing , datant de plus de 400 ans1929, Agnes Schulz, Aquarelle sur papier
024 Grand éland et nombreuses silhouettesLesotho, Khotso, Ha Baroana, datant de plus de 400 ans1929, Elisabeth Mannsfeld, Maria Weyersberg, Aquarelle sur papier
029 Homme marchant à la tête d’éléphant Afrique du Sud, Natal, Cinyati, datant de plusieurs milliers d’années 1929, Maria Weyersberg, Aquarelle sur papier
031 Élands, buffles et hommesAfrique du Sud, Harrismith, Balmoral, datant de plusieurs milliers d’années, 1929, Maria Weyersberg, Aquarelle sur papier
007 Silhouettes couchées aux extrémités blanches Zimbabwe, Murewa, datant de plusieurs milliers d’années1929, Joachim Lutz, Aquarelle sur papier
005 Silhouettes debout, dont des petites silhouettes Zimbabwe, Marandellas, datant de plusieurs milliers d’années1929, Joachim Lutz, Aquarelle sur papier
006 Silhouettes ovales aux extrémités pointues, homme courant au premier plan Zimbabwe, Murewa, datant de plusieurs milliers d’années 1929, Joachim Lutz, Aquarelle sur papier
014 Scène funéraire avec momie enveloppée dans une peau de bœuf Zimbabwe, Rusape, Fishervall, datant de plusieurs milliers d’années 1929, Joachim Lutz, Leo Frobenius, Aquarelle sur papier
009 Grande silhouette rouge assise Zimbabwe, Marandellas, Ruzawi, datant de plusieurs milliers d’années1929, Joachim Lutz, Aquarelle sur papier
001 Silhouettes debout, avec deux silhouettes entre elles Zimbabwe, Macheke, datant de plusieurs milliers d’années1929, Leo Frobenius, Aquarelle sur papier
021 Silhouettes d’éléphants Zimbabwe, Chinamora, Makumbe, datant de plusieurs milliers d’années1929, Elisabeth Mannsfeld, Aquarelle sur papier
008 Femme couchée et deux hommes Zimbabwe, district de Mutoko, datant de plusieurs milliers d’années1929, Joachim Lutz, Crayons de couleur
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002 Trois silhouettes accroupiesZimbabwe, Macheke, datant de plusieurs milliers d’années1929, Leo Frobenius, Aquarelle sur papier
003 Grande silhouette assise avec un arc Zimbabwe, Rusape, datant de plusieurs milliers d’années1929, Leo Frobenius, Aquarelle sur papier
004 Deux hommes de grande taille portant un bateauZimbabwe, Goromanzi, datant de plusieurs milliers d’années1929, Leo Frobenius, Aquarelle sur papier
015 Élands et hommes longilignes Afrique du Sud, Harrismith, Southey’s Hoek, datant de plus de 400 ans1929, Elisabeth Mannsfeld, Crayons de couleur
016 Grand éléphant blancZimbabwe, Harare, Makonwe, datant de plusieurs milliers d’années1929, Elisabeth Mannsfeld, Aquarelle sur papier
017 Silhouette d’un grand éléphant et silhouettes longilignes Zimbabwe, Chinamora, Massimbura, datant de plusieurs milliers d’années1929, Elisabeth Mannsfeld, Aquarelle sur papier
018 ProcessionZimbabwe, Chinamora, Massimbura, datant de plusieurs milliers d’années1929, Elisabeth Mannsfeld, Aquarelle sur papier
019 Éléphants, serpent et animaux sautantZimbabwe, Charter, Mangeni, datant de plusieurs milliers d’années1929, Elisabeth Mannsfeld, Aquarelle sur papier
020 Éléphant, « lièvre mythique », silhouettesZimbabwe, Charter, Sindjandja, datant de plusieurs milliers d’années1929, Elisabeth Mannsfeld, Aquarelle sur papier
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e022 Élands jaunes et hommes rouges Lesotho, Teyateyaneng, datant de plus de 400 ans1929, Elisabeth Mannsfeld, Maria Weyersberg, Aquarelle sur papier
023 Élands jaunes Afrique du Sud, Bethlehem, Infolflen, datant de plus de 400 ans1929, Elisabeth Mannsfeld, Maria Weyersberg, Crayons de couleur
010 Silhouette d’éléphant, immense animal rouge et hommesZimbabwe, Marandellas, Inoro, datant de plusieurs milliers d’années1929, Joachim Lutz, Aquarelle sur papier
030 Élands, buffles et hommes Zimbabwe, Monts Matobo, datant de plusieurs milliers d’années1929, Maria Weyersberg, Aquarelle sur papier
011 Cérémonie de l’éclair ou de la pluie Zimbabwe, Marandellas, Rusawi, datant de plusieurs milliers d’années1929, Joachim Lutz, Aquarelle sur papier
012 Silhouettes debout et couchéesZimbabwe, Chinamora, Makumbe, datant de plusieurs milliers d’années1929, Joachim Lutz, Aquarelle et crayons de couleur sur papier
032 Mantes religieusesNamibie, Spitzkoppe, env. 2000 – 1 av. J.-C. 1929, Maria Weyersberg, Aquarelle sur papier
013 Grands éléphants, autres animaux et hommes peints sur de nombreuses couches Zimbabwe, district de Mutoko, grotte de Ruchera, datant de plusieurs milliers d’années, 1929, Joachim Lutz, Aquarelle sur papier
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Afrique du Nord et Sahara Afrique du Nord et Sahara 1914, 1926, 1932 – 1935
Alors que l’on trouve en Afrique du Nord princi-palement des gravures rupestres, il existe dans les régions monta-gneuses du Sahara éga-lement de nombreuses peintures rupestres. Les hommes commencèrent probablement déjà il y a
10 000 ans environ à représenter du gros gibier tel que des girafes, des éléphants et des rhinocéros, mais aussi des crocodiles et des hippopotames, témoignages qu’à cette époque le climat du plus grand désert du monde était beaucoup plus humide. Puis, il y a environ 8000 ans, l’homme devint le sujet principal de ces œuvres, remplacé environ 1500 ans plus tard par des troupeaux de bétail. Avec l’appa-rition d’une sécheresse grandissante, les chameaux devinrent le thème dominant de ces représentations il y a 2500 ans.
La première expédition rupestre de Frobenius le mena dès 1913 à la lisière septentrionale du Sahara. Il voulait prouver que l’art rupestre de la période glaciaire européenne n’avait pas disparu, mais avait au contraire survécu sur le continent africain. En 1926, il réa-lisa un voyage dans le désert de Nubie (Égypte), suivi dans les an-nées 30 de plusieurs expéditions dans le Sahara oriental où lui et son équipe découvrirent de nombreux ensembles rupestres jusque-là inconnus. En 1933, Frobenius s’associa au Hongrois László Almásy. Grâce à son utilisation de l’aviation et de l’automobile, ce dernier devint un pionnier de l’étude du Sahara. Au cours de ce voyage, Almásy découvrit la « grotte des Nageurs », à laquelle Le patient anglais, film oscarisé de 1996 et basé sur le roman de M. Ondaatje appelé L’Homme flambé, rend hommage. Lors de ce voyage et surtout de l’importante expédition saharienne qui suivit (1934 – 1935), les
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membres du groupe dépendirent entièrement de l’automobile pour atteindre les sites isolés des œuvres rupestres, situés sur des territoires non cartographiés et sans routes. L’équipe, constituée de 14 personnes dont sept femmes, devait régulièrement sortir du sable les lourds véhicules, qui s’y enfonçaient souvent malgré la basse pression des pneus visant à en élargir la surface. Les pannes telles que les ruptures d’essieu faisaient partie du quotidien et les réparations demandaient beaucoup de temps ainsi qu’un grand talent d’improvisation.
5 László Almásy (1895 – 1951)
Le Hongrois László Almásy, pionnier dans l’exploration du Sahara, conduisit en 1933 la onzième expédition Frobenius dans le Sahara central. Sa vie servit de référence pour le héros du roman de Michael Ondaatjes, L’Homme flambé, dont fut tiré le film oscarisé Le patient anglais qui rendit Almásy célèbre dans le monde entier.
035 Hommes à têtes d’animaux Libye, Fezzan, Tel Issaghen, env. 5000 – 3000 av. J.-C. 1932, Ruth Assisa Cuno, Crayon sur papier
036 ArcherLibye, Fezzan, Wadi In Habeter, env. 8000 – 5000 av. J.-C.1932, Ruth Assisa Cuno, Crayon sur papier
038 Quatre macaquesLibye, Fezzan, Wadi In Habeter, env. 8000 – 5000 av. J.-C.1932, Ruth Assisa Cuno, Crayon sur papier
040 Éléphant GorgoLibye, Fezzan, Wadi In Habeter, env. 8000 – 5000 av. J.-C.1932, Ruth Assisa Cuno, Fusain sur papier
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061 Éléphant protégeant un éléphanteau d’une attaque de léopardAlgérie, Djebel Amour, Ain el-Safsaf, env. 8000 – 5000 av. J.-C.1935, Elisabeth Charlotte Pauli et Elisabeth Krebs, Huile sur toile
046 Homme avec arc et flèche Algérie, Monts des Ksour, Tiout, env. 8000 – 5000 av. J.-C.1914, Friedrich Wilhelm Fischer-Derenberg, Aquarelle sur papier
033 Bélier avec disque solaire Algérie, Monts des Ksour, Djebel Bes Sebaa, env. 8000 – 5000 av. J.-C.1914, Carl Arriens, Aquarelle sur papier
063 Scène de chasseAlgérie, Tassili n’Ajjer, Ido, env. 2000 – 1000 av. J.-C. 1932, Agnes Schulz, Aquarelle sur papier
059 Antilope et autruchesAlgérie, Djebel Amour, Ain el-Krotara, env. 8000 – 5000 av. J.-C.1935, Elisabeth Charlotte Pauli, Aquarelle sur papier
034 Buffles adultes se battant Algérie, Djebel Amour, Enfouss, env. 8000 – 5000 av. J.-C.1914, Maria Weyersberg, Craie sur toile
058 Rhinocéros et animal ressemblant à une antilope Algérie, Djebel Amour, Ain el-Krotara, env. 8000 – 5000 av. J.-C.1935, Elisabeth Charlotte Pauli, Aquarelle sur papier
062 Grande silhouette avec hommes et bétail plus petitsÉgypte, Djebel Uweinat, Ain Dua, env. 5000 – 3000 av. J.-C.1933, Elisabeth Charlotte Pauli, Aquarelle sur papier
060 Troupeau de bétail Libye, Djebel Uweinat, Ain Dua, env. 5000 – 3000 av. J.-C. 1933, Elisabeth Charlotte Pauli, Huile sur toile
048 Scène de funérailles (présumée) Libye, Gilf el-Kebir, Ouadi Sora, env. 6000 – 5000 av. J.-C.1935, Katharina Marr, Aquarelle sur papier
049 Girafes et animaux à cornesLibye, Gilf el-Kebir, Wadi Hamra, env. 7000 – 3000 av. J.-C. 1935, Katharina Marr, Aquarelle sur papier
050 Deux silhouettes humaines à parure Égypte, Djebel Uweinat, Karkur Talh, env. 5000 – 3000 av. J.-C. 1933, Elisabeth Charlotte Pauli, Aquarelle sur papier
051 Archers, scène de combat Égypte, Djebel Uweinat, Karkur Talh, env. 5000 – 3000 av. J.-C. 1933, Elisabeth Charlotte Pauli, Aquarelle sur papier
053 Groupe de silhouettes humaines Égypte, Gilf el-Kebir, Ouadi Sora, env. 6000 – 5000 av. J.-C. 1933, Elisabeth Charlotte Pauli, Aquarelle sur papier
054 Nageurs dans le désert Égypte, Gilf el-Kebir, Ouadi Sora, env. 6000 – 5000 av. J.-C. 1933, Elisabeth Charlotte Pauli, Aquarelle sur papier
055 Trois silhouettes humaines Égypte, Gilf el-Kebir, Ouadi Sora, env. 6000 – 5000 av. J.-C. 1933, Elisabeth Charlotte Pauli, Aquarelle sur papier
056 Silhouette humaine à la tête d’animal transpercée par une flèche Égypte, Gilf el-Kebir, Ouadi Sora, env. 6000 – 5000 av. J.-C. 1933, Elisabeth Charlotte Pauli, Aquarelle sur papier
057 Groupe de danseurs Égypte, Gilf el-Kebir, Ouadi Sora, env. 6000 – 5000 av. J.-C. 1933, Elisabeth Charlotte Pauli, Aquarelle sur papier
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047 Animaux et silhouettes elliptiques Libye, Gilf el-Kebir, Ouadi Sora, env. 7000 – 3000 av. J.-C. 1934 – 1935, Elisabeth Krebs, Aquarelle sur papier
052 Main avec trois petites silhouettes Égypte, Gilf el-Kebir, Ouadi Sora, env. 6000 – 5000 av. J.-C. 1933, Elisabeth Charlotte Pauli, Aquarelle sur papier
065 Bélier avec disque solaire et collier Algérie, Djebel Amour, Boualem, env. 8000 – 5000 av. J.-C.1914, Maria Weyersberg, Huile sur toile
042 BubalesLibye, Fezzan, Tel Issaghen, env. 5000 – 3000 av. J.-C. 1932, Ruth Assisa Cuno, Huile sur toile
043 Hommes à têtes d’animaux et rhinocéros abattu Libye, Fezzan, Wadi In Habeter, env. 8000 – 5000 av. J.-C.1932, Ruth Assisa Cuno, Huile sur toile
044 Éléphants GorgoLibye, Fezzan, Wadi In Habeter, env. 8000 – 5000 av. J.-C.1932, Ruth Assisa Cuno, Huile sur toile
064 Vaches avec bateau Égypte, désert de Nubie, Magal Hodein, env. 4000 – 3000 av. J.-C. 1926, Siegfried Shalom Sebba, Aquarelle sur papier
039 Quatre autruches Libye, Fezzan, Wadi In Habeter, env. 8000 – 5000 av. J.-C.1932, Ruth Assisa Cuno, Huile sur toile
041 Hommes à têtes d’animaux Libye, Fezzan, Tel Issaghen, env. 5000 – 3000 av. J.-C. 1932, Ruth Assisa Cuno, Huile sur toile
Expositions et réception artistique Expositions et réception artistique 1912 – 1938
À partir des années 60, la collection de Frobenius perdit de plus en plus de son importance archéologique. La photographie en couleurs semblait offrir une plus grande fidélité envers l’original et la copie de l’art rupestre fut à partir de ce moment considérée comme désuète, en raison de la touche personnelle inévitablement laissée par les copistes.
La collection ne fut redécouverte que récemment dans un autre domaine d’activité : la reconstruction de l’histoire des exposi-tions internationales presque oubliée dont ces œuvres furent l’objet. Dans les années 30, les copies rupestres voyagèrent d’une métropole européenne à l’autre, ainsi que dans 32 grandes villes américaines. Des expositions couronnées de succès furent organisées autour de ces œuvres, notamment au Trocadéro à Paris, au Reichstag à Berlin et au Museum of Modern Art à New York. Le Kunstgewerbemuseum de la ville de Zurich (aujourd’hui le Museum für Gestaltung Zürich) organisa en 1931 l’exposition « Prähistorische Felsbilder Südafrikas - Negerkunst » (Art rupestre préhistorique d’Afrique du Sud - art nègre). Quel effet produisirent ces images jusque-là inédites, venues de régions lointaines et de grottes dissimulées, montrées pour la première fois à un large public citadin ?
Nous savons que de nombreux protagonistes de l’art mo-derne visitèrent les expositions d’art rupestre et se procurèrent les livres illustrés des expéditions de Frobenius. Le traitement de la perspective, de la dynamique, de l’espace et des surfaces exerçait sur eux une véritable fascination, au même titre que la présentation in-habituelle de ces œuvres, sans cadre et dans des formats pouvant occuper un mur entier.
L’art rupestre préhistorique arriva sur le devant de la scène au moment où l’avant-garde internationale cherchait un nouveau langage visuel. Elle aspirait à la réduction et à l’abstraction, était en quête d’essentiel et commença ainsi à réaliser des collages et de grandes peintures murales. Cela permit à Joan Miró de dire en 1928 :
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« La peinture est sur le déclin depuis l’âge des cavernes ». Alberto Giacometti renchérit en 1946 : « C’est là et uniquement là que le mouvement a été rendu avec justesse ».
Paul Klee travailla également sur des motifs de l’art rupestre préhistorique dans sa recherche d’un art nouveau. Les avant-gardistes étaient en quête d’origine, de pureté. Ils aspiraient d’après leur conception de l’époque à trouver ce qu’il y a de plus authentique, ce qui touche à notre être le plus profond.
6 Œuvres rupestres de Frobenius en Suisse1931 Kunstgewerbemuseum ZürichL’art rupestre de Leo Frobenius fut présenté pour la première fois en Suisse il y a déjà 90 ans. L’exposition « Prähistorische Felsbilder Südafrikas - Negerkunst » (Peintures rupestres préhistoriques d’Afrique du Sud - art nègre) eut lieu en août 1931 au Kunstgewerbe- museum à Zurich et remporta un immense succès. En plus des copies des œuvres rupestres réalisées lors de l’expédition de 1928 – 1930 en Afrique du Sud, on pouvait y admirer des œuvres appartenant aux musées ethnographiques de Bâle, Berne et Zurich ainsi que des objets de la collection d’Han Coray. L’exposition avait pour but de montrer l’habilité et l’historicité du continent africain. La disposition des salles s’inspirait de la Nouvelle Objectivité. L’affiche, réalisée par Max Bill, rappelle un masque abstrait ou le style géométrique de l’art rupestre. Elle reste aujourd’hui encore intemporelle.
7 Réception à Paris
L’intérêt suscité par les travaux de Frobenius et par ses copies d’œuvres rupestres était particulièrement important parmi les membres de la scène artistique parisienne. Celle-ci était en quête de nouvelles sources d’inspiration pour succéder au « primitivisme » et trouva ce qu’elle cherchait dans l’art préhistorique.
8 Artistes et expositions
Bien que Frobenius n’appréciait pas le mouvement moderne de son époque, de nombreux contacts avec le monde de l’art eurent lieu depuis son Institut. Ainsi, des artistes furent par exemple régulièrement in-vités aux vernissages des expositions sur l’art rupestre.
14 Réception aux États-Unis
L’exposition de 1937 « Prehistoric Rock Pictures in Africa and Europe » qui eut lieu au New Yorker Museum of Modern Art fut évoquée en détail et célébrée non seulement dans tous les grands journaux new-yorkais mais aussi de l’ensemble du pays. Mais la confrontation entre l’art préhistorique et l’art moderne mise en scène par Alfred H. Barr divisa la presse. Certains journaux la qualifièrent de manœuvre habile et reconnurent la « modernité » étonnante de l’art rupestre. À l’inverse, les publications plutôt conservatives utilisèrent cette confrontation pour fonder un règlement de compte avec le moderne abstrait.
10 Expositions
Entre 1912 et 1939, les images rupestres de la collection Frobenius furent exposées environ 40 fois en Europe ainsi qu’en Afrique du Sud et en Australie et plus de 30 fois aux États-Unis. Vous trouverez ici une sélection des expositions les plus importantes :
1912 « Von Atlantis nach Äthiopien », Berlin, Chambre des députés1914 « Frobenius-Expedition », Hagen, Folkwang-Museum1927 « Ergebnisse der DIAFE VIII (Nubische Wüste) », Francfort- sur-le-Main, Bundespalais 1929/1930 « Bushman Paintings and Engravings », Johannesburg, Pretoria, Le Cap1930 « Die Kunst der Höhlen- und Felsbilder », Mannheim, Kunsthalle1930 « L’art nègre », Bruxelles, Palais des Beaux-Arts1930 « L’art préhistorique d’Afrique du Sud », Paris, Salle Pleyel1930 Oslo 1931 « Prähistorische Felsbilder Südafrika - Negerkunst », Zurich, Kunstgewerbemuseum
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1931 Amsterdam, Städtisches Kunstmuseum1932 « Madsimu Dsangara », Cologne, Kunstgewerbemuseum1933 « Art préhistorique d’Afrique du Nord », Paris, Musée d’Ethnographie du Trocadéro1933 Rome, Museo Coloniale1934 « Madsimu Dsangara: Die Schatten des Vergessenen », Vienne, Kunstgewerbemuseum1934 « Madsimu Dsangara », Budapest1935 « Zeitlose Kunst afrikanischer Kulturen », Berlin, Reichstag1936 « Das Urbil », Francfort-sur-le-Main, Bundespalais1937 « Prehistoric Rock Pictures in Europe and Africa », New York, Museum of Modern Art1939 Perth, Museum of Western Australia
Après la Seconde Guerre mondiale, les images rupestres de la col-lection Frobenius furent entre autres présentées lors de deux expo-sitions sur le thème de l’art moderne :
1948 « 40,000 Years of Modern Art. A Comparison of Primitive and Modern », Londres, Institute of Contemporary Art1953 « 40 000 ans d’art moderne », Paris, Musée d’art moderne
2 Peintures rupestres africaines et art moderne aux États-UnisFilm documentaire diffusé sur ARTE Metropolis7:22 min.en couleurson2012Production : Hessischer RundfunkRégie : Christine Romann
Les caves de la Goethe-Universität à Francfort-sur-le-Main recèlent de véritables trésors, des documents uniques au sujet de l’art ru-pestre africain. Dans les années 1920 et 1930, l’ethnologue Leo Frobenius demanda à des artistes de copier des peintures rupestres
africaines, à l’origine à des fins de recherche. Il en résulta des œuvres d’art à part entière.
En 1937, Leo Frobenius exposa ces copies d’œuvres ru-pestres en couleurs et dans leur taille originale au Museum of Modern Art à New York. Son directeur, Alfred H. Barr, établit des parallèles entre la peinture moderne et la peinture préhistorique. L’exposition rencontra un immense succès : les critiques comme les artistes furent enchantés. Les peintres préhistoriques furent décrits comme les pre-miers surréalistes. De nombreux artistes contemporains, comme Jackson Pollock ou Willem de Kooning, étaient à New York à ce moment-là et il faut présumer qu’ils virent ces images rupestres.
Un projet d’étude cherche à découvrir dans quelle mesure les œuvres rupestres exposées influencèrent les artistes du mou-vement moderne américain. Metropolis a rencontré les scientifiques travaillant sur ce projet et les a interrogés : qui était véritablement Leo Frobenius ? Comment est-il parvenu à exposer au Museum of Modern Art à l’époque où Hitler dirigeait l’Allemagne et où les artistes modernes étaient poursuivis ? Et quel est le lien entre l’art moderne et la peinture rupestre ?
D Paul KleeDessin sur roche, 1938, 271Craie sur papier sur carton , Centre Paul Klee, Berne
Bien que Paul Klee n’ait jamais fait de référence explicite à l’art préhistorique, les titres de certaines de ses œuvres et certaines entrées de ses journaux de bord montrent incontestablement que ce sujet l’intéressait. Klee souhaitait être « entièrement sans élan, presque origine » (entrée de son journal, 1902).
E Paul KleeÇa l’énerve, 1938, 53 Peinture à la colle colorée sur papier sur carton, Centre Paul Klee, Berne
Durant l’été 1928, Paul Klee visita les sites préhistoriques et le musée de Carnac en Bretagne. Dans les années qui suivirent, il transposa ses impressions des pétroglyphes dans ses œuvres, réduisant le langage pictural en ensembles de lignes rappelant des symboles universels tels que des flèches ou des yeux.
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F Paul KleeGroupe d’arbres, 1934, 62Craie et tempéra sur une couche primaire en apprêt sur cartonPropriété privée Suisse, prêt permanent au Centre Paul Klee, Berne
Le ton brun-rouge des différents éléments picturaux rappelle fortement un dessin incrusté ou gravé dans la roche.
G Paul KleeSinistre voyage en bateau, 1940, 345Peinture à la colle colorée sur papier sur carton Propriété privée Suisse, prêt permanent au Centre Paul Klee, Berne
Paul Klee pensait découvrir les « débuts primaires » dans l’art préhistorique. Le psychologue Carl Gustav Jung emprunta le même chemin dans ses études de cultures comparées sur les mythes et symboles, où il explora la profondeur de l›inconscient collectif. Sinistre voyage en bateau rejoint métaphoriquement les représentations de voyages en bateau communes dans les pétroglyphes scandinaves.
H Affiche de Max Bill pour l’exposition de 1931 au KunstgewerbemuseumMuseum für Gestaltung, 1931La mise en scène de l’exposition et l’affiche de Max Bill, dont les couleurs s’inspirent des œuvres rupestres d’Afrique du Sud, séduisent par la sobriété de leur composition.
Brochure pour l’exposition de 1931 au KunstgewerbemuseumKunstgewerbemuseum, 1931, La combinaison de copies d’œuvres rupestres et d’objets ethnographiques provenant de différents musées suisses ainsi que de la collection d’Han Coray était novatrice.
Carte d’invitation à une conférence donnée par Leo FrobeniusKunstgewerbemuseum, 1931, Lors de sa conférence, Frobenius raconta les difficultés rencontrées lors de l’expédition qui dura 20 mois, mais évoqua aussi le sauvetage des œuvres rupestres menacées de destruction.
Aperçu de l’exposition présentant des copies des œuvres rupestres sud-africaines Kunstgewerbemuseum, 1931, Les copies des peintures rupestres réalisées par Leo Frobenius et son équipe en Afrique du Sud entre 1928 et 1930 furent présentées pour la première fois en Suisse en 1931. Exposition, Prehistoric Rock Pictures in Europe and Africa, Museum of Modern Art,New York, 27.04 – 30.05.1937À New York, la mise en scène de l’exposition fut limitée à la présentation presque sans contexte dans les white cubes de 150 copies d’œuvres rupestres provenant de la collection Frobenius. © 2021 Digital image, The Museum of Modern Art, New-York / Photo Scala, Florence
Exposition, Prehistoric Rock Pictures in Europe and Africa, Museum of Modern Art,New York, 27.04 – 30.05.1937Le directeur du MoMA, Alfred H. Barr, combina ces copies d’œuvres préhistoriques au 4e étage du musée à des œuvres de Joan Miró, Hans Arp,Paul Klee, André Masson, Wladimir Lebedew et Michail Larionow.© 2021 Digital image, The Museum of Modern Art, New-York / Photo Scala, Florence
Exposition, 40,000 Years of Modern Art – A Comparison of Primitive andModern, Institute of ContemporaryArts, Londres, déc. 1948 – jan. 1949Cette exposition présentait, à côté d’œuvres de Paul Gauguin, Constantin Brancusi, Hans Arp, Pablo Picasso et Henri Matisse, des objets préhistoriques, des sculptures africaines et océaniennes ainsi que certaines des copies d’œuvres préhistoriques de la collection Frobenius. © 2021 Tate, London
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Exposition de copies d’œuvres rupestres de la collection Frobenius provenant du Sahara libyen Museo Coloniale, Rome, jan. 1933Leo Frobenius explique la copie d’un pétroglyphe de la région de Fezzan© 2021 Bundesarchiv/Schotten
Exposition, Art préhistorique de l’Afrique du Nord, Musée d’Ethnographie du Trocadéro,Paris, 10.11 – 10.12.1933L’ethnologue français Georges Henri Rivière devant une peinture rupestre de la collection Frobenius© 2021 ullstein bild – Roger-Viollet/Albert Harlingue
Australie Australie 1938 – 1939
L’art rupestre australien compte parmi les plus anciens au monde. On estime que plusieurs images ont jusqu’à 30 000 ans, certaines re-présentations sont pro-bablement plus vieilles encore. En Australie, la tradition rupestre ne fut
jamais interrompue. En effet, les Aborigènes continuent aujourd’hui encore à « rafraîchir » leur art rupestre.
Les œuvres rupestres australiennes exposées proviennent toutes du Kimberley, situé au nord-ouest du pays. C’est dans cette région particulièrement isolée et très peu peuplée que se situe le territoire traditionnel de la communauté aborigène appelée Wanji-na Wunggur. Il s’agit probablement de la seule région au monde à fournir un aperçu précis d’une tradition culturelle indigène toujours pratiquée et où « l’art rupestre » s’intègre de manière intrinsèque. Elle s’insère dans une conception du monde étroitement liée à la nature, où histoires, êtres humains, lieux, animaux et plantes forment un réseau complexe de significations dont les ramifications sont toutes connectées. Pour les communautés locales, ces images repré-sentent un élément essentiel de leur identité et symbolisent leur appartenance à un lieu. Il est ainsi primordial d’adopter un compor-tement respectueux à leur égard.
L’art Wanjina Wunggurr possède notamment une particu-larité : un grand nombre des peintures issues de cette tradition ne sont pas à comprendre comme des images au sens occidental du terme. Elles sont – littéralement – perçues comme des êtres surna-turels. Les plus importants d’entre eux sont Wandjina, Gwion et Woongudd, qui sont à l’origine des propriétés topographiques et des
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autres singularités du territoire et font souvent partie intégrante du paysage. Les Wandjina sont par exemple des êtres surnaturels, sou-vent connus par leur nom, qui possèdent leur propre histoire et per-mettent de définir les lieux d’origine des groupes familiaux. De nom-breuses images rupestres sont donc considérées comme des personnalités respectées à part entière. Leur reproduction peut par conséquent poser des problèmes. Les propriétaires traditionnels des images montrées ici ont donc spécialement donné leur accord. Ces images continuent par ailleurs de jouer un rôle fondamental dans la vie culturelle, sociale et spirituelle des Aborigènes.
11 Nord-ouest australien : la dernière tradition rupestre encore existanteAvant cette exposition, de nombreux échanges eurent lieu avec les propriétaires traditionnels des images rupestres du Kimberley, situé dans le nord-ouest de l’Australie. Ils ont finalement donné leur accord pour que certaines copies de leurs images réalisées en 1938 soient exposées ici.
3 Kimberley
Ce film, tourné spécialement pour l’exposition, montre quelques-uns des propriétaires traditionnels des œuvres rupestres du Kimberley exposées ici. On retrouve dans cette région du nord-ouest de l’Australie, reculée et très peu peuplée, l’une des dernières traditions rupestres encore existantes de nos jours. Les propriétaires traditionnels (traditional owners), représentants des groupes de familles dont les ancêtres réalisèrent ces images, ont été recherchés et informés au sujet des objectifs exacts du projet d’ex-position lors d’un long processus de consultation. Depuis plusieurs années déjà, il existe un échange entre différentes corporations abo-rigènes du Kimberley et l’Institut Frobenius à Francfort. L’initiative est cependant venue de ces corporations et a débouché sur plusieurs visites en Allemagne. La confiance mutuelle croissante a constitué une base solide sur laquelle construire le processus de négociation.
Dans le film, certains des traditional owners parlent de leur relation avec les œuvres et de ce qui les lie à la présentation de ces images à Zurich.
125 CrocodileAustralie, Kimberley, Glenelg River, env. 1700 av. J.-C. – aujourd’hui 1938, Agnes Schulz, Aquarelle sur papier
110 WandjinaAustralie, Kimberley, Mount Hann, env. 1700 – aujourd’hui 1938, Douglas C. Fox, Aquarelle sur papier
121 Silhouette Gwion Gwion penchée Australie, Kimberley, Malan, env. 28 000 – 13 000 av. J.-C. 1938, Agnes Schulz, Crayons de couleur
122 Silhouette Gwion Gwion à la longueur disproportionnée Australie, Kimberley, Malan, env. 28 000 – 13 000 av. J.-C.1938, Agnes Schulz, Crayons de couleur
127 Groupe de serpentsAustralie, Kimberley, Maliba, env. 1700 av. J.-C. – aujourd’hui1938, Agnes Schulz, Aquarelle sur papier
123 Wandjina yandurrgaialiAustralie, Kimberley, Munja, env. 1700 av. J.-C. – aujourd’hui 1938, Agnes Schulz, Aquarelle sur papier
119 Groupe de têtes WandjinaAustralie, Kimberley, Bindjibi, env. 1700 av. J.-C. – aujourd’hui 1938, Gerta Kleist, Aquarelle sur papier
124 Serpent UngudAustralie, Kimberley, Kalingi, env. 1700 av. J.-C. – aujourd’hui 1938, Agnes Schulz, Aquarelle sur papier
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128 Wurrindjango et son fils LilingoAustralie, Kimberley, Kalingi, env. 1700 av. J.-C. – aujourd’hui1938, Agnes Schulz, Aquarelle sur papier
120 Têtes WandjinaAustralie, Kimberley, Maliba, env. 1700 av. J.-C. – aujourd’hui 1938, Gerta Kleist, Aquarelle sur papier
126 Serpent UngudAustralie, Kimberley, Kalingi, env. 1700 av. J.-C. – aujourd’hui 1938, Agnes Schulz, Aquarelle sur papier
129 Grand Wandjina couché avec ses deux enfants Australie, Kimberley, grotte Modum, env. 1700 av. J.-C. – aujourd’hui 1938, Gerta Kleist et Agnes Schulz, Aquarelle sur papier
Papouasie occidentale Papouasie occidentale 1937–1938
L’art rupestre indoné-sien est considéré comme l’un des plus an-ciens au monde. D’après les dernières datations, certaines représenta-tions figuratives trou-vées sur Célèbes furent réalisées il y a environ 44 000 ans et sont ainsi
plus âgées que les œuvres comparables trouvées dans les grottes eu-ropéennes de la période glaciaire. Par ailleurs, les habitants de la Pa-pouasie occidentale continuèrent à pratiquer l’art rupestre jusqu’à il y a quelques générations.
Cette région est considérée comme possédant l’art rupestre le plus riche d’Indonésie. La relation entre les traditions artistiques de la Nouvelle-Guinée et de l’Australie alimenta de nombreuses spé-culations. Pendant la période glaciaire, le niveau de la mer était plus de 100 mètres inférieur à celui d’aujourd’hui, ces deux territoires formaient donc un seul continent nommé Sahul.
De nombreuses œuvres rupestres ne furent découvertes que lors des dernières décennies, et il arrive aujourd’hui encore que de nouvelles images soient mises à jour. Leur étude permet un nombre considérable de découvertes au sujet des échanges culturels sous-jacents entre les hommes qui vivent sur cet immense continent. C’est à l’expédition Frobenius de 1937 – 1938 en Papouasie occidentale et à Céram que nous devons l’une des documentations les plus an-ciennes à ce sujet.
L’art rupestre que l’on trouve le long des côtes est associé aux locuteurs des langues austronésiennes qui commencèrent à im-migrer dans cette région il y a 4500 ans environ. Ces œuvres se situent souvent sur le littoral, sur des parois rocheuses surplombant le niveau
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de l’eau d’à peine quelques mètres. Certains de ces endroits semblent également avoir servi de sites funéraires. Sur les gravures rupestres figurent principalement des silhouettes géométriques, des hommes et des bateaux, tandis que les peintures rupestres, souvent réalisées dans des tons rouges, représentent des oiseaux et des poissons, des lézards et différentes silhouettes géométriques. En plus d’innom-brables représentations de mains négatives, l’on retrouve régulière-ment des créatures recomposées, c’est-à-dire des animaux aux ca-ractéristiques humaines (ou l’inverse). Ces dernières se retrouvent dans l’art rupestre un peu partout dans le monde. Elles témoignent d’une vision ancestrale de l’univers, dans laquelle les frontières entre le monde des hommes et le monde des animaux ne sont pas aussi hermétiques que dans notre société occidentale matérialiste.
111 Dessins de poissons naturalistes Indonésie, Papouasie occidentale, Jarak Nusa, jusqu’à 2500 av. J.-C.1937, Albert Hahn, Aquarelle sur papier
112 Poissons et autres signes ininterprétables Indonésie, Papouasie occidentale, Arguni, jusqu’à 2500 av. J.-C.1937, Albert Hahn, Aquarelle sur papier
113 Baleine « Pauspaus »Indonésie, Papouasie occidentale, Uruan, jusqu’à 2500 av. J.-C.1937, Albert Hahn, Aquarelle sur papier
114 Représentation du soleil au-dessus de la silhouette d’un poisson Indonésie, Papouasie occidentale, Damir, jusqu’à 2500 av. J.-C.1937, Albert Hahn, Aquarelle sur papier
116 Poissons, masques et source Indonésie, Papouasie occidentale, Arguni, jusqu’à 2500 av. J.-C.1937, Albert Hahn, Aquarelle sur papier
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ce115 Mains rouges et jaunes au pochoir et baleine « Pauspaus »Indonésie, Papouasie occidentale, Seraga, jusqu’à 2500 av. J.-C.date peut-être bien plus ancienne, 1937, Albert Hahn, Aquarelle sur papier
117 Mains au pochoir, poissons et lune Indonésie, Papouasie occidentale, Tabulinetin, jusqu’à 2500 av. J.-C.date peut-être bien plus ancienne, 1937, Albert Hahn, Aquarelle sur papier
118 Mains et pieds au pochoirIndonésie, Papouasie occidentale, Abba, jusqu’à 2500 av. J.-C.date peut-être bien plus ancienne, 1937 – 1938, Albert Hahn, Huile sur toile
Europe : Espagne et sud de la France Europe : Espagne et sud de la France 1934, 1936, 1937
Suite à la découverte en 1879 d’œuvres rupestres admirablement réalistes dans les galeries de la grotte d’Altamira située au nord de l’Espagne, plus de 20 ans furent en-core nécessaires pour confirmer l’authenticité de ces images. La vision
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évolutionniste selon laquelle nos ancêtres n’étaient que des êtres primitifs obtus qui se contentèrent à chasser à travers l’Europe de la période glaciaire en fut ébranlée. De nombreuses autres œuvres rupestres furent par la suite découvertes dans des grottes en France et en Espagne, les plus anciennes d’entre elles remontant à 36 000 ans (Chauvet, France) et même à 40 000 ans (El Castillo, Espagne).
Au milieu des années 30, les grottes ornées d’art rupestre de la Dordogne française et du nord de l’Espagne furent l’objet de trois voyages documentaires dirigés par la peintre Maria Weyersberg. Ils permirent de copier les représentations monumentales de gros gibiers dans l’ancien style franco-cantabre. Ces voyages furent pous-sés jusqu’à l’est de l’Espagne, où des œuvres rupestres plus récentes (généralement des scènes de combat et de chasse) réalisées sur des parois en surplomb furent documentées, et jusqu’en Galice pour ses gravures rupestres à ciel ouvert. Notamment dans les grottes étroites et boueuses, la reproduction des oeuvres préhistoriques à la lueur des lampes à acétylène était rendue particulièrement difficile. Plu-sieurs étapes de tracés et d’esquisses étaient nécessaires. Frobenius refusa toute forme d’idéalisation et insista pour que les œuvres ru-pestres soient copiées fidèlement, en considérant leur état de conser-vation à ce moment-là, en tenant compte des parties disparues en raison de l’érosion ainsi que du sol rocheux environnant, souvent apparent dans le motif. La description de l’art de copier donnée par Frobenius relevait pour ainsi dire du mystique, en se montrait « fier du fait que les collaborateurs spécialistes de l’Institut aient appris au fil des ans à transmettre la spiritualité à l’origine des œuvres ».
7 Publications
Différents artistes possédaient les publications sur l’art rupestre de Leo Frobenius, dont certaines étaient très volumineuses.
Paul Klee les avait ainsi dans sa bibliothèque tandis que l’expressionniste Ernst Ludwig Kirchner en comptait même trois en sa possession.
087 Hommes masqués France, Dordogne, Les Combarelles, env. 13 000 – 9000 av. J.-C. 1934, Erika Trautmann, Crayons de couleur
091 MammouthFrance, Dordogne, Les Combarelles, env. 13 000 – 9000 av. J.-C. 1934, Maria Weyersberg, Aquarelle sur papier
088 BisonFrance, Dordogne, Font de Gaume, env. 16 000 – 13 000 av. J.-C. 1934, Erika Trautmann, Détrempe sur toile
082 Tracé du « cheval sauvage »France, Dordogne, Les Combarelles, env. 13 000 – 9 000 av. J.-C. 1934, Elisabeth Charlotte Pauli, Crayon sur papier
083 Esquisse du « cheval sauvage »France, Dordogne, Les Combarelles, env. 13 000 – 9 000 av. J.-C. 1934, Elisabeth Charlotte Pauli, Sanguine sur papier
084 Cheval sauvageFrance, Dordogne, Les Combarelles, env. 13 000 – 9 000 av. J.-C. 1934, Elisabeth Charlotte Pauli, Détrempe sur toile
095 Frise de chevauxFrance, Dordogne, Cap Blanc, env. 16 000 – 13 000 av. J.-C.1934, Maria Weyersberg, Huile sur toile
067 Signes tectiformes Espagne, Cantabrie, Altamira, env. 16 000 – 11 000 av. J.-C. 1936, Alf Bayrle, Craie sur papier
093 Fragment de bison Espagne, Cantabrie, El Castillo, jusqu’à 38 000 av. J.-C. 1936, Maria Weyersberg, Aquarelle sur papier
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068 Bison polychromeEspagne, Cantabrie, El Castillo, jusqu’à 38 000 av. J.-C. 1936, Katharina Marr, Aquarelle sur papier
081 Signes tectiformes Espagne, Cantabrie, El Castillo, jusqu’à 38 000 av. J.-C. 1936, Elisabeth Charlotte Pauli, Aquarelle sur papier
094 Cheval, bison et signes tectiformesEspagne, Cantabrie, La Pasiega, jusqu’à 20 000 av. J.-C. 1936, Maria Weyersberg, Aquarelle sur papier
073 SanglierEspagne, Cantabrie, Altamira, env. 16 000 – 11 000 av. J.-C. 1936, Katharina Marr, Aquarelle sur papier
075 Esquisse du « sanglier »Espagne, Cantabrie, Altamira, env. 16 000 – 11 000 av. J.-C. 1936, Katharina Marr, Crayon sur papier
070 Grand cerf avec cercle sur les boisEspagne, Galicie, Pontevedra, env. 4500 – 1500 av. J.-C. 1936, Katharina Marr, Craie sur toile
072 « Labyrinthe » ouvert et double cercleEspagne, Galicie, Pontevedra, env. 4500 – 1500 av. J.-C. 1936, Katharina Marr, Craie sur toile
089 Deux archers courant Espagne, Valltorta, Cueva del Civil, jusqu’à 10 000 av. J.-C. 1934, Maria Weyersberg, Aquarelle sur papier
086 Archers marchant Espagne, Valltorta, Cueva del Civil, jusqu’à 10 000 av. J.-C. 1934, Elisabeth Charlotte Pauli, Maria Weyersberg, Aquarelle sur papier
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ce066 Chasse au cerf Espagne, Valltorta, Cueva Mas d’en Josep, jusqu’à 10 000 av. J.-C. 1934, Alf Bayrle, Aquarelle sur papier
078 Archers, scène de combat Espagne, Castellón, Morella, jusqu’à 10 000 av. J.-C. 1934, Elisabeth Charlotte Pauli, Aquarelle sur papier
090 Tête de chevalEspagne, Cantabrie, La Pasiega, jusqu’à 20 000 av. J.-C. 1936, Maria Weyersberg, Aquarelle sur papier
092 Bison avec flèche (?)Espagne, Cantabrie, La Pasiega, jusqu’à 20 000 av. J.-C. 1936, Maria Weyersberg, Aquarelle sur papier
080 Femelle bison debout Espagne, Cantabrie, Altamira, env. 16 000 – 11 000 av. J.-C. 1936, Elisabeth Charlotte Pauli, Aquarelle sur papier
085 Esquisse de la « femelle bison debout »Espagne, Cantabrie, Altamira, env. 16 000 – 11 000 av. J.-C. 1936, Elisabeth Charlotte Pauli, Crayon sur papier
069 Bison couchéEspagne, Cantabrie, Altamira, env. 16 000 – 11 000 av. J.-C. 1936, Katharina Marr, Aquarelle sur papier
077 Esquisse du « bison couché »Espagne, Cantabrie, Altamira, env. 16 000 – 11 000 av. J.-C. 1936, Katharina Marr, Crayon sur papier
074 Tête de bisonEspagne, Cantabrie, Altamira, env. 16 000 – 11 000 av. J.-C. 1936, Katharina Marr, Aquarelle sur papier
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Europe : Italie et Scandinavie Europe : Italie et Scandinavie 1934 – 1937
Les quelque 150 000 gra-vures rupestres trouvées au nord de l’Italie dans le Valcamonica et les quelque 40 000 gravures de la vallée des Mer-veilles dans les Alpes maritimes françaises furent réalisées entre l’âge du Bronze ancien
et l’Empire romain. Elles représentent un grand nombre de motifs : des hommes, des maisons, des animaux et des armes. La plupart des gravures rupestres scandinaves sont probablement moins anciennes. Cependant, il est estimé que certaines des images rupestres de cette région datent d’il y a jusqu’à 8000 ans. Les grandes représentations linéaires d’animaux sont particulièrement impressionnantes.
Frobenius fit documenter les gravures rupestres du sud des Alpes lors de cinq voyages ayant eu lieu entre 1934 et 1937. Quant à elle, la peintre Agnes Schulz réalisa des copies de l’art rupestre scan-dinave entre 1934 et 1935. Il n’a pas été déterminé à quel point l’intérêt consacré à ces images rupestres était dû à la nouvelle situation politique de l’époque. Le Forschungsinstitut für Kulturmorphologie (Institut de recherche pour la morphologie culturelle) créé avec le statut d’as-sociation par Frobenius lui assura une grande liberté. Cependant, son financement ne fut jamais assuré sur le long terme et était dépendant des bonnes relations de son créateur avec les personnalités importantes de la bureaucratie ministérielle et du monde politique et économique. Son amitié avec l’ancien empereur allemand Guillaume II fut par exemple très utile. Il put par ailleurs s’assurer la protection de Musso-lini pour son expédition dans le désert libyen. Des subventions accor-dées par Hindenburg et Hitler l’aidèrent à financer des voyages de recherche dans le milieu des années 30. Cependant, certains natio-
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Indien
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Norditalien/Frankreich
Oberitalien Norditalien
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nal-socialistes comme Alfred Rosenberg désapprouvèrent ses re-cherches avec virulence en raison de leur absence de référence raciale.
13 Réseaux politiques
Suite à leur première rencontre en 1912, Leo Frobenius et l’empereur Guillaume II se lièrent d’une profonde amitié. Elle se traduisit entre autres par un intense échange de lettres qui dura jusqu’à la mort de Frobenius en 1938. Non seulement l’empereur finança la majeure partie de l’expédition en Afrique du Nord de 1914, mais le soutien de l’ancien monarque perdura même lors de son exil aux Pays-Bas. Frobe-nius étant toujours en quête de financement, Guillaume II lui ouvrit ainsi les portes des plus hautes sphères politiques et économiques.
14 L’ethnologie sur mandat du régime
Leo Frobenius fut l’un des ethnologues les plus célèbres de son époque, mais aussi l’un des plus lus grâce à ses livres populaires. Pourtant, il était par ailleurs un marginal dans le monde académique, ce qui l’incita à mettre son expertise en application non seulement dans la recherche, mais aussi dans les domaines politique et militaire, au service de son pays.
15 La galerie du Reich d’images préhistoriques
À l’image de nombreux conservateurs de droite allemands, Leo Frobenius considéra avec un certain espoir la passation du pouvoir au national-socialisme en 1933. Il obtint dans le milieu des années 1930 la prise en charge des anciennes dettes de son Institut par le Reich. En échange, une partie de ses images rupestres devinrent la propriété du régime dans le cadre de « la galerie du Reich d’images préhistoriques » (vorgeschichtliche Reichsbildergalerie).
Cependant, l’incompatibilité de sa philosophie de la culture et de sa fascination pour la culture africaine avec l’idéologie raciale du national-socialisme se fit de plus en plus visible. La situation se fit telle-ment critique pour l’Institut de Frobenius qu’il était menacé de ferme-ture après sa mort en 1938.
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101 SkieurNorvège, Rødøy, jusqu’à 5500 av. J.-C. 1934, Agnes Schulz, Craie sur papier
102 Silhouette humaineNorvège, Tennes, jusqu’à 5500 av. J.-C. 1934, Agnes Schulz, Craie sur papier
106 Renne, cerf ou élanNorvège, Askollen, jusqu’à 5500 av. J.-C. 1934, Agnes Schulz, Craie sur toile
107 Homme courant sur les genouxItalie, Valcamonica, Naquane, env. 5000 – 1 av. J.-C. 1935, Erika Trautmann, Aquarelle sur papier
100 Animaux et représentations ressemblant à des poignards Italie, Cemmo, Greppe, env. 3500 – 1 av. J.-C. 1936, Elisabeth Charlotte Pauli, Aquarelle sur papier
109 Homme à cornes vêtu d’un long vêtement Italie, Valcamonica, Naquane, env. 5000 – 1 av. J.-C. 1935, Maria Weyersberg, Aquarelle sur papier
098 Représentations d’habitations Italie, Valcamonica, Naquane, env. 5000 – 1 av. J.-C. 1935, Elisabeth Krebs, Aquarelle sur papier
105 Rennes, ours et élan sans bois Norvège, Leiknes, jusqu’à 5500 av. J.-C. 1934, Agnes Schulz, Craie sur toile
096 Têtes de bœufs, poignards et figures géométriques France, près de la frontière italienne Mont Bégo, Vallée des Merveillesenv. 2000 – 1000 av. J.-C., 1937, Gerta Kleist, Aquarelle sur papier
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108 Homme avec une épée transperçant un animal Italie, Valcamonica, Cimbergo, env. 5000 – 1 av. J.-C. 1935, Erika Trautmann, Aquarelle sur papier
097 Silhouettes humaines brandissant des armes Italie, Valcamonica, Naquane, env. 5000 – 1 av. J.-C. 1935, Elisabeth Krebs, Aquarelle sur papier
099 Hommes avec des armes, cavaliers et construction sur pilotis Italie, Valcamonica, Naquane, env. 5000 – 1 av. J.-C. 1935, Elisabeth Krebs, Aquarelle sur papier
104 Large poignard et têtes de bœufs France, près de la frontière italienne, Mont BégoVallée des Merveilles, env. 2000 – 1000 av. J.-C.1937, Agnes Schulz, Aquarelle sur papier
Recherche sur l‘art rupestre Recherche sur l‘art rupestre Abandon et redécouverte
Les expéditions de Frobenius consacrées à l’art rupestre débou-chèrent sur une période sombre de l’histoire. Certains archéologues se rallièrent eux aussi aux intérêts du national-socialisme à travers des interprétations tendancieuses concernant les origines ethniques.
Cela provoqua une forte contre-réaction lors de l’après-guerre : l’archéologie s’opposa alors avec véhémence à toute inter-prétation de sources matérielles. Dans le même temps, les progrès techniques permirent une documentation exacte presque infinie, en
apparence libre de toute interprétation. Par conséquent, les images peintes réalisées lors des expéditions Frobenius apparurent comme inexactes, interprétatives et teintées d’une touche personnelle.
De plus, l’idée que les images rupestres ne peuvent pas être interprétées comme une catégorie de trouvailles isolée s’imposa par-mi les spécialistes. L’archéologie moderne intègre l’art rupestre dans des études portant sur les contextes correspondants aussi complètes que possibles et lui donne ainsi une signification dans ce cadre.
En revanche, l’étude de l’art rupestre réalisée par Frobenius touche à quelque chose de bien différent, qui peut donner une nouvelle impulsion essentielle à l’archéologie moderne. Frobenius lui-même y faisait allusion avec le mot-clé «émotion», repris dans un autre domaine, celui de l’art. Les artistes de l’avant-garde avaient compris un élément fondamental : les représentations rupestres sont des œuvres créatives très significatives issues de l’esprit humain. Leur signification ne peut être saisie en relevant et en documentant des images de manière exacte.
Pourtant, le fait que des œuvres provenant de réalités in-croyablement éloignées nous captivent d’emblée est spectaculaire. Même si nous ne pouvons en premier lieu qu’émettre des hypothèses au sujet des intentions de leurs auteur-e-s, nous éprouvons à leur égard une proximité qu’il est impossible de dissimuler. Au-delà d’un surpassement empreint de pathos, nous nous sentons liés à nos an-cêtres au travers de ces formes d’expression artistique.
Nous avons un devoir de protection à l’égard de ces œuvres. Quelles révélations associons-nous à une copie aussi détaillée que possible de l’original ou même à une reproduction purement vir-tuelle ? À quoi pourrait ressembler aujourd’hui un rapprochement ou une entrée en contact avec l’art rupestre du passé ?
16 Original et copie de nos jours
En 1940 au plus tard, avec la découverte de la grotte de Lascaux dans le sud de la France (Dordogne) et de ses images datant de la période glaciaire, le tourisme consacré à l’art rupestre connut un gigantesque essor en Europe, ce qui eut parfois des conséquences catastrophiques pour cette forme d’art à la fois ancien et vulnérable. Après l’ouverture
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de la grotte au grand public en 1948, jusqu’à 1500 visiteurs s’y pré-cipitaient quotidiennement. Les moisissures et les bactéries mena-cèrent de détériorer ces images colorées. Depuis les années 70, plu-sieurs copies de la grotte furent ainsi réalisées et l’impressionnant centre Lascaux IV accueille depuis 2016 jusqu’à 500 000 visiteurs par an. Peu de temps auparavant, la reproduction de la grotte Chau-vet fut inaugurée en Ardèche. Les neo-caves d’Altamira et d’Ekain au nord de l’Espagne jouent également un rôle important dans l’éco-nomie locale. Cependant, seuls quelques privilégiés peuvent encore accéder aux originaux bien gardés.
En comparaison, les conditions de conservation des œuvres rupestres préhistoriques de la plupart des autres régions du monde sont dramatiques. Elles se trouvent souvent dans des zones reculées et dans des régions aux paysages dégagés, où les institutions étatiques ne sont pas en mesure de superviser l’ensemble de ces héritages culturels si fragiles. De nombreux sites rupestres subirent ainsi de gros dommages et de lourdes pertes en raison du tourisme de masse, des carrières de pierres, de la construction de barrages, de graffitis ou d’autres formes de vandalisme.
En plus de l’information et de l’implication systématique de la population locale dans la conservation et l’exploitation des sites rupestres, une documentation rigoureuse est indispensable. De même que la copie à la main des œuvres se révéla de plus en plus être une impasse technique dans les années 50 en raison du perfectionnement de la photographie en couleurs, cette dernière est aujourd’hui à son tour remplacée par des méthodes high-tech comme les scanners 3D, la photogrammétrie et l'amélioration de l'image numérique.
La documentation la plus ancienne, peinte ou dessinée, dont font partie les copies de la collection Frobenius réalisées il y a 110 ans, acquière malgré tout de plus en plus d’importance, car elle représente le seul moyen de constater la dégradation actuelle dramatique des œuvres originales par rapport au début du 20e siècle. Dans certains cas, les copies aux pinceaux et aux crayons de couleur restent même au-jourd’hui la méthode de premier choix : aucun procédé technique ne peut reproduire, l'art rupestre sur les murs tridimensionnels des neo-caves en restant aussi fidèle à l’original que les artistes expérimentés.
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17 Les pétroglyphes de Carschenna
Sur une arête rocheuse qui s’élève au-dessus de Sils dans le Domleschg/GR, des ouvriers travaillant à la construction d’une ligne à haute tension ont mis au jour en 1965 de nombreux pétroglyphes sur onze plaques dissimulées sous la végétation. Les pétroglyphes sont des dessins réalisés par piquage dans la pierre à l’aide d’un outil pointu. Le site de leur découverte se trouve sur le vieux sentier qui mène au col du Splügen ainsi qu’au col du San Bernardino. En romanche, carschen signifie «lune montante». Peut-être ce nom fait-il référence à une signification jadis cultuelle du lieu.
Les nombreux dessins, notamment des cercles concentriques, des spirales et des cupules, proviennent sans doute d’époques fort différentes. Certains remontent à l’âge du Bronze ancien et moyen (vers 1800 av. J.-C.). Dans les environs, on a entretemps découvert plusieurs sites d’habitat datant de la même époque.
Peu après la découverte de ces pétroglyphes, les archéolo-gues ont réalisé des moulages de ces plaques de pierre. Ils sont au-jourd’hui entreposés au Service archéologique du canton des Grisons. Depuis qu’elles ont été dégagées dans les années 1960, les plaques gravées originales ont sérieusement souffert des intempéries, raison pour laquelle un concept de protection correspondant doit être pro-chainement mis en œuvre.
18 Archéologie moderne de l’art rupestre – un exemple venu du Pérou
L’étude archéologique moderne de l’art rupestre étudie les œuvres non plus de manière isolée en les considé-rant comme une catégorie de trou-vailles indépendante, mais cherche à les contextualiser autant que possible. Les études portant sur l’histoire du climat et la topographie appar-tiennent à cette tendance au même titre que l’intégration des œuvres dans leur environnement initial.
Chichictara est le site ru-pestre le plus important de la région de Nazca au sud du Pérou, connue
dans le monde entier en raison de ses immenses figures tracées sur le sol (géoglyphes ou lignes de Nazca). La fondation helvéti-co-liechtensteinoise pour l’étude archéologique à l’étranger (SLSA), dont le secrétariat se trouve au musée Rietberg, initia un projet ar-chéologique interdisciplinaire au long cours afin d’étudier en détail la culture nazca (200 av. J.-C. à 650 apr. J.-C.). Dans le cadre de ce projet, les images rupestres de Chichictara purent également être documentées et étudiées.
La documentation digitale en trois dimensions des plus de 400 œuvres rupestres ainsi que du paysage environnant dans son en-semble, obtenue grâce à des scanners laser et à la photogrammétrie, ouvrit de nouvelles perspectives. Associée aux trouvailles des fouilles archéologiques, aux connaissances sur l’histoire climatique et culturelle ainsi qu’aux études iconographiques comparatives, cette documenta-tion donna un aperçu du contexte dans lequel ces œuvres s’intégraient.
Visiblement, ces sites riches en art rupestre datant de la civilisation de Paracas (800 – 200 av. J.-C.) étaient des lieux de repos pour les caravanes de camélidés qui empruntaient des chemins dé-
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terminés pour se déplacer entre la côte pacifique et les hauts plateaux andins. Les images dessinées dans la roche, représentant des hommes, des animaux, des chamanes et des créatures mystiques, servaient à s’orienter et offraient une protection pendant les moments de repos et de remise des marchandises. La signification des différentes images ne nous apparaît que lorsque nous tenons compte de ce cadre d’ac-tion ainsi que des études comparatives consacrées à d’autres caté-gories de trouvailles et contextes.
Le modèle numérique de terrain de la région de Nasca permet de nombreuses analyses. L’analyse dite «du moindre coût» permet de visualiser l’accessibilité du terrain. Plus la section est accessible, plus elle est colorée. Il est ainsi possible de déterminer d’anciens sentiers de longue distance afin de pouvoir rechercher de manière ciblée des traces sur le terrain.
Chichictara est le plus grand site d’art rupestre de la région de Nasca. Ses quatre secteurs et tous les pétroglyphes sont cartographiés avec précision et documentés numériquement en trois dimensions.
Ci-dessus: les quelque 400 peintures rupestres de Chichictara situées sur les versants des vallées latérales du Río Palpa montrent des figures anthropomorphes et zoomorphes, ainsi que des figures géométriques. Ici, un raton laveur est probablement représenté.
En bas à gauche: ce pétroglyphe représente un sujet connu sous le nom de «tête de Chavín». A quelques centaines de mètres seulement du site de sa découverte, une parure en perles (en bas à droite, avec déroulement) représentant le même motif a été découverte dans une tombe. D’après les restes organiques du squelette, cette tombe a pu être datée du début de la période Paracas (800-500 av. J.-C.) grâce à la méthode au radiocarbone, ce qui indique clairement l’âge du pétroglyphe.
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4 Reproduction digitale de la «grotte des bêtes», Ouadi Sora7 min.en couleurCommentaires en voix offAuteurs : Rudolph Kuper & l’équipe de Ouadi Sora, Université de CologneProduction : Jörg Jung, 2015
À environ 10 km seulement de la «grotte des Nageurs», découverte par le célèbre comte hongrois László Almásy, une autre grotte ru-pestre encore plus spectaculaire fut découverte en 2002. La «grotte des Bêtes» contient environ 8000 figures peintes ou, en plus petite proportion, sculptées, ce qui en fait l’un des sites rupestres les plus riches du Sahara. On y trouve de nombreux motifs, notamment des silhouettes humaines en mouvement, à la gestuelle et à la composition variées, semblant s’adonner à des danses, à des scènes ménagères, à des scènes de combats et à des rituels mystérieux. La représentation d’environ 60 bêtes acéphales reste empreinte de mystère.
Près de 80 ans après la documentation de la «grotte des Na-geurs» réalisée par l’équipe de Frobenius, une nouvelle équipe de chercheurs de l’Université de Cologne entreprit de documenter et de conserver des œuvres rupestres dans la même partie du désert. Cependant, ils ne s’appuyèrent cette fois pas sur une analyse personnelle et perceptive de l’art, mais sur l’utilisation de techniques laser, de photos à haute résolution et d’autres méthodes digitales. Cette approche ouvrira-t-elle de nouvelles perspectives pour appréhender l’art rupestre? Ce film commenté nous guide à travers la «grotte des Bêtes», mais aussi dans une nouvelle réalité. Son objectif est de contribuer à ré-pondre à la question suivante : dans quelle mesure est-il possible de surmonter le «tiraillement entre la réalité et la reproduction» (Leo Frobenius)? La dernière image cherche à illustrer la tentative visant à transporter l’observateur, grâce à des techniques digitales, sur le lieu de travail et dans la position de la personne copiant, afin d’ob-tenir une analyse personnelle et créative des œuvres et ainsi parvenir à une interprétation variée de cette forme d’art. à une interprétation
Traductions: Anne-Caroline O'Quin, Nicole Viaud