après avoir vu le spectacle...

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10 janvier 2007 16 Après avoir vu le spectacle Pistes de travail En 1991, Jean-Luc Lagarce s’empare d’une tragédie culte du langage, La Cantatrice chauve, la ravit, la fait voyager et lui offre de grands espaces. L’artiste nous quitte en 1995. En 2006-2007 François Berreur et la Compagnie Les Intempestifs voyagent dans le temps et réveille la Cantatrice endormie dans sa Roulotte. Cette Cantatrice chauve de Jean-Luc Lagarce danse, mime, chante, colère, explose, s’émerveille, s’effraie, se fait peur, délire et finit par nous livrer, sans fard, ses ultimes secrets. Jean-Luc Lagarce parle le Ionesco : il traduit La Cantatrice chauve en gestes, en musique et en jeux. Ce spectacle est élitiste et populaire dans sa prétention légitime à s’adresser à chacun et à tous. Devant nous, la machine à créer le plaisir de jouer s’emballe jusqu’ au jouissance (comme dirait la pauvre Bobby !) Langage fou et théâtre roi Entretien avec François Berreur Quelques mots avec François Berreur avant de tracer les lignes de notre travail avec les élèves. François Berreur nous parle de la genèse de la création qui a vu le jour en 1991 (où il interprétait le rôle du Capitaine des pom- piers) et nous dit quelques mots sur cette reprise « à l’identique » de la mise en scène de Jean-Luc Lagarce (où il intervient comme regard extérieur). Ces propos ont été recueillis par téléphone le ven- dredi 8 décembre 2006 et remis en forme. François Berreur rappelle d’emblée que Jean- Luc Lagarce se sentait proche à la fois de Samuel Beckett et d’Eugène Ionesco. Son écriture commence d’ailleurs par là, puisque la première pièce de Jean-luc Lagarce, Erreur de construction (1977) rendait un hommage explicite au dramaturge roumain et à sa Cantatrice chauve, tant par son contenu que par sa forme. L’idée de monter La Cantatrice chauve lui est venue dès 1977, avec déjà la perspective de choisir un plateau large (contrairement à la mise en scène de Nicolas Bataille au théâtre de La Huchette, que Jean- Luc Lagarce n’avait pas vue). La pièce fut créée en 1991 à Montbéliard. Jean-Luc Lagarce ne considérait pas La Cantatrice chauve comme une pièce de l’absurde. L’interchangeabilité des couples Smith et Martin, le rapport à la télévision, le projet de faire dire les didascalies de Ionesco sur la mise en scène de Nicolas Bataille, de convoquer l’univers de Lewis Carroll et de Walt Disney, l’idée d’une déconstruction en chaîne se sont imposés comme des choix artistiques et non pas théoriques ; Jean-Luc Lagarce ne théori- sait pas ses lignes dramaturgiques. C’est par la pratique de la mise en scène qu’il ques- tionne le théâtre. Attaché à la forme, écrivain de théâtre, il aimait la littérature comme l’é- ternité, conscient que la trace du metteur en scène est éphémère. Lors du travail de créa- tion avec les comédiens, il s’agissait de trou- ver les enjeux des scènes, de faire parler un sous-texte (on pensera, par exemple, au désir sexuel de Monsieur Martin, dans la scène IV). La reprise en 2006-2007, inscrite dans l’Année (...) Lagarce, vient apporter une cou- leur supplémentaire à l’artiste, auteur et comédien : celle d’un metteur en scène sin- gulier et inventif. Pour cette reprise, les cos- tumes ont été refaits, les décors repris, la conduite son et lumière suivie à l’identique. François Berreur et les comédiens sont venus, comme des gardiens de cette mémoire, retrouver les marques d’antan, comme il s’agi- rait de relire une partition musicale oubliée, pour la redonner à entendre. Il fallait, côte à côte avec les comédiens, faire connaître son travail de metteur en scène. Parler de ce travail sans le jouer, relevait de l’exercice de musée ; le jouer dans sa scéno- graphie d’origine, avec les comédiens de la création, c’était le faire découvrir au présent, parmi les spectateurs, bien vivant !

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janvier 2007n°16

Après avoir vu le spectacle

Pistes de travail

En 1991, Jean-Luc Lagarce s’empare d’unetragédie culte du langage, La Cantatricechauve, la ravit, la fait voyager et lui offre degrands espaces. L’artiste nous quitte en1995. En 2006-2007 François Berreur et laCompagnie Les Intempestifs voyagent dansle temps et réveille la Cantatrice endormiedans sa Roulotte. Cette Cantatrice chauve deJean-Luc Lagarce danse, mime, chante, colère,explose, s’émerveille, s’effraie, se fait peur,

délire et finit par nous livrer, sans fard, sesultimes secrets. Jean-Luc Lagarce parle leIonesco : il traduit La Cantatrice chauve engestes, en musique et en jeux. Ce spectacleest élitiste et populaire dans sa prétentionlégitime à s’adresser à chacun et à tous.Devant nous, la machine à créer le plaisir dejouer s’emballe jusqu’au jouissance (commedirait la pauvre Bobby !)

Langage fou et théâtre roi

Entretien avec François Berreur

Quelques mots avec François Berreur avant detracer les lignes de notre travail avec lesélèves.François Berreur nous parle de la genèse dela création qui a vu le jour en 1991 (où ilinterprétait le rôle du Capitaine des pom-piers) et nous dit quelques mots sur cettereprise « à l’identique » de la mise en scènede Jean-Luc Lagarce (où il intervient commeregard extérieur).Ces propos ont été recueillis par téléphone le ven-dredi 8 décembre 2006 et remis en forme.

François Berreur rappelle d’emblée que Jean-Luc Lagarce se sentait proche à la fois deSamuel Beckett et d’Eugène Ionesco. Sonécriture commence d’ailleurs par là, puisquela première pièce de Jean-luc Lagarce, Erreurde construction (1977) rendait un hommageexplicite au dramaturge roumain et à saCantatrice chauve, tant par son contenu quepar sa forme. L’idée de monter La Cantatricechauve lui est venue dès 1977, avec déjà laperspective de choisir un plateau large(contrairement à la mise en scène de NicolasBataille au théâtre de La Huchette, que Jean-Luc Lagarce n’avait pas vue). La pièce futcréée en 1991 à Montbéliard. Jean-LucLagarce ne considérait pas La Cantatrice chauvecomme une pièce de l’absurde.L’interchangeabilité des couples Smith etMartin, le rapport à la télévision, le projet defaire dire les didascalies de Ionesco sur lamise en scène de Nicolas Bataille, de convoquerl’univers de Lewis Carroll et de Walt Disney,

l’idée d’une déconstruction en chaîne se sontimposés comme des choix artistiques et nonpas théoriques ; Jean-Luc Lagarce ne théori-sait pas ses lignes dramaturgiques. C’est parla pratique de la mise en scène qu’il ques-tionne le théâtre. Attaché à la forme, écrivainde théâtre, il aimait la littérature comme l’é-ternité, conscient que la trace du metteur enscène est éphémère. Lors du travail de créa-tion avec les comédiens, il s’agissait de trou-ver les enjeux des scènes, de faire parler unsous-texte (on pensera, par exemple, au désirsexuel de Monsieur Martin, dans la scène IV).La reprise en 2006-2007, inscrite dansl’Année (...) Lagarce, vient apporter une cou-leur supplémentaire à l’artiste, auteur etcomédien : celle d’un metteur en scène sin-gulier et inventif. Pour cette reprise, les cos-tumes ont été refaits, les décors repris, laconduite son et lumière suivie à l’identique.François Berreur et les comédiens sont venus,comme des gardiens de cette mémoire,retrouver les marques d’antan, comme il s’agi-rait de relire une partition musicale oubliée,pour la redonner à entendre. Il fallait, côte àcôte avec les comédiens, faire connaître sontravail de metteur en scène.

Parler de ce travail sans le jouer, relevait del’exercice de musée ; le jouer dans sa scéno-graphie d’origine, avec les comédiens de lacréation, c’était le faire découvrir au présent,parmi les spectateurs, bien vivant !

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b On abordera l’analyse dramaturgique dutravail de Jean-Luc Lagarce en posant auxélèves des questions simples :comment était la scénographie ?quels sont, pour eux, les éléments les plus mar-quants de la mise en scène ?ce qui les a fait rire ?ce qu’ils pensent des personnages et de leursrelations entre eux ?ce qu’ils pensent de la fin du spectacle ?ce à quoi un tel spectacle leur a fait penser ?(on insistera sur cette dimension de comparai-son, de références ; le spectacle est visuel,musical et comique, ce qui devrait être pour les

élèves un moyen de pratiquer des parallèlesavec leur univers culturel)

Pour aider à ce travail avec les élèves, on pro-posera d’explorer dans un premier temps lasignature artistique de Jean-Luc Lagarcecomme metteur en scène. On s’attachera par lasuite à comprendre la manière dont le metteuren scène a habillé les personnages de Ionescopour leur proposer un jeu singulier. On s’inter-rogera aussi sur les jeux de mise en abyme dansla mise en scène. Et puis quelques jeux pourfinir, cela s’impose !

- Quel est le décor ? À quoi les éléments dudécor vous font-ils penser ?

b On invitera les élèves à retrouver les élé-ments qui constituent le décor sur le pla-teau : deux chaises, un tuyau d’arrosagejaune, un ballon rouge, une balançoire, leshaies taillées et une petite maison anglaiseà l’éclairage arc-en-ciel.À partir du décor, on pourra travailler :- sur la situation : on se trouve à l’intérieur chezIonesco et à l’extérieur chez Jean-Luc Lagarce,de l’autre côté du miroir, on inverse le jeu ;- sur le matériau : synthétique, artificiel, dethéâtre ou de studio télé ; on évoquera lekitsch, l’univers du dessin animé, la maisonrappelant aussi le logis des Sept Nains ;

- sur les tailles : comme dans Alice au paysdes merveilles, Jean-luc Lagarce joue sur lestailles, la porte de la maison est trop petite ;le plateau est plus large que dans la mise enscène de La Huchette, donnant l’idée d’uneCantatrice chauve en cinémascope. Cet élargis-sement sert la volonté de Jean-Luc Lagarce degrossir à la loupe le texte de Ionesco, de le« doubler » ;- sur la symbolique des objets : l’univers dujeu, du cirque et de l’enfance avec le ballonrouge et la balançoire ; le tuyau d’arrosage rap-pelant le cinéma burlesque ; la maison qui n’estque « façade » comme les personnages ne sontque des masques avant d’exploser ; les chaises,légèrement surdimensionnées, objets chers àIonesco.

Le plan de travail avec les élèves

À travers des questions simples, on s’efforcera de donner la ligne dramaturgique du metteur en scène.

Jean-Luc Lagarce, metteur en scène :une esthétique singulière

Le décor

© BRIGITTE ENGUERAND

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Le Kitsch

b À quoi le mot kitsch vous fait-il penser ?Qu’est-ce que le kitsch ?On pourra essayer de définir avec les élèves lanotion complexe et insaisissable du kitsch eton verra que les différentes définitions nesont pas sans liens avec la mise en scène deJean-Luc Lagarce.

Pour aborder cette partie, il faudra s’entenir à quelques repères précis. Le motkitsch est un mot allemand, introduit en1960 dans la langue française ; il seraitdérivé de kitschen « ramasser la boue desrues » d’où « rénover des déchets, revendredu vieux ».(Robert historique de la languefrançaise). On voit comment Jean-LucLagarce, en reprenant dans sa mise enscène les notes de Ionesco, recycle unepartie annexe pour la donner à entendre.Le mot kitsch en histoire de l’art, s’ap-plique souvent à des objets surchargés,baroques, inauthentiques et de mauvaisgoût. On pourra passer au crible les cos-tumes des personnages et voir comment ilsrelèvent du mauvais goût.L’ensemble de la mise en scène travaillesur l’artifice et l’inauthenticité : le décorest peu crédible (ressemblant à un décormonté à la va-vite, il finira d’ailleurs pars’effondrer). Jean-Luc Lagarce a lavolonté de montrer que tout est faux ettruqué : on aperçoit dans la maison, unefois la façade soufflée, l’escabeau quiservait à la bonne pour ses déplacementset les fils qui permettaient les change-

ments de lumières dans la maison.Le kitsch signifie aussi détourner un objet

de sa fonctionnalité première. On verra queJean-Luc Lagarce cherche à détourner LaCantatrice chauve de sa fonction absurde.On notera enfin que kitsch pourrait venir del’anglais sketch (esquisse) qui signifie unecourte scène rapide et comique : on s’en seraitdouté !

Semblable et dissemblable

b Quels sont les éléments qui se ressem-blent dans la pièce ? Quels sont ceux qui secontredisent ? Ce pourra être l’occasion pourles élèves de décrire les costumes et lescomédiens.On notera la similitude des tailleurs rose fuch-sia avec sacs et coiffes assortis pour lesépouses Smith et Martin et la similitude descostumes gris, avec chemise jaune, cravates etpochettes oranges pour les époux Smith etMartin. Cet effet favorise le jeu d’interchangea-bilité. La bonne, elle, glisse du blanc au noir(obscurcissant le mystère !) et le pompier estclinquant et d’apparat puisqu’il n’a rien à faire !On fera remarquer aux élèves les différences detaille au sein des deux couples Smith et Martin.

On notera également le jeu amusant sur leschevelures : la queue de cheval du pompier, lesnattes de la bonne, la perruque de MadameSmith.Jean-Luc Lagarce invente des situationsopposées qui créent des effets burlesques etdrolatiques : Madame Martin apparaît, scène IV,derrière la haie, comme une tête-bouquet sanscorps ; le pompier fait son apparition,scène VIII, dans l’embrasure de la porte troppetite, apparaissant à son tour comme un corpssans tête !Ces jeux de contraire concourent souvent àcréer un équilibre qui permet d’éviter la lignede l’absurde.

Mireille Herbstmeyer et Olivier Achard, mai 1994, tournée du Maladeimaginaire de Molière, mis en scène par Jean-Luc Lagarce

© LIN DELPIERRE

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b Vous rappelez-vous de certains jeux delumières ?Il faudra essayer de montrer aux élèves que lalumière qui vient délimiter un espace sur leplateau correspond aux morcellements queJean-Luc Lagarce a opéré à l’intérieur desscènes de Ionesco. La lumière chez Jean-LucLagarce opère ainsi un double « découpage ».On pourra aussi montrer aux élèves commentla lune devient, par ses mouvements autonomes,

capricieux et joyeux, un personnage du spec-tacle. Le moment où elle vient grandir encercles progressifs sur la façade de la maisonpour s’épanouir pleine et entière en fond dedécors rappellera aux élèves leurs jeux delasers et l’univers du cirque. Un petit carrélumineux s’installe alors sur la façade : est-ceJean-Luc Lagarce, soulignant, par un jeu delumière, la quadrature absurde du cercle tracépar Ionesco ?

Gestes et mouvements

b Quels gestes et mouvements sont utilisésdans la mise en scène ?On essaiera de demander aux élèves de serappeler du langage des signes créé par lemetteur en scène et qui, comme des sur-titres(parfois illustratifs, parfois incohérents),viennent se surajouter à la langue deIonesco. Ce langage des signes se transmetentre personnages (on pensera aux doigts desdeux mains prenant une forme conique, illus-trant à merveille la réponse du normand).On montrera comment l’approche gestuellede Jean-Luc Lagarce se caractérise par des

placements précis sur le plateau : MadameSmith, Monsieur Smith, Madame Martin vien-dront à divers moments se placer exactementau milieu du nœud formé par le tuyau d’arro-sage ; des déplacements chiasmiques s’or-chestrent entre les deux couples pour favori-ser l’échange. On montrera enfin commentpar la danse et les mouvements synchronisés(Madame Smith et Madame Martin ont ledoigt tendu dans un même geste sur lesébats du pompier et de Mary) Jean-LucLagarce crée une véritable chorégraphie.

Les lumières

b Vous rappelez-vous de certains jeux sur lamusique ?Ils resteront sans doute impressionnés par lesextraits de Vertigo et Psycho de BernardHerrmann. Ils arriveront peut-être à identifierles extraits de Walt Disney. Il faudra les aiderpour trouver les accents tango-jazzy de CarlaBley dans Social studies (qui porte bien son

nom pour ceux qui voient dans La Cantatricechauve une satire de la « upper middleclass »). Le thème de Carla Bley est importantpour dérouler la mécanique du spectacle,transformant par magie les personnages enmarionnette poétique et tragique. Jean-LucLagarce ralentit et accélère le cours des des-tins avec la musique.

La musique

b Avez-vous eu l’impression parfois d’unarrêt sur image ou d’un temps suspendu ?Jean-Luc Lagarce pratique des ralentissementsou des arrêts sur image au cours de la pièce(sur le mot : « Cependant » de Madame Smith,scène I ; sur la fin des retrouvailles respec-tives des époux Smith et Martin aux scènes Iet IV ; sur le mot « peigne » du pompier,scène VIII …).

On essaiera, avec les élèves, de donner un sensà ces effets : une pause ou un ralenti commesur un lecteur dvd ; La Cantatrice chauvesous le charme de la musique ; les person-nages réalisant le sort tragique dans lequelIonesco, le sorcier du langage, les a plongé !

Arrêt sur image

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b On demandera aux élèves de dessiner lescontours des caractères des différents per-sonnages de la pièce.L’élaboration du profil pourra se faire à par-tir d’un tableau simple dont chaque entréede personnage correspondrait aux rubriquessuivantes : tenue vestimentaire ; caractèreet personnalité ; attitude et action ; postu-re et position ; évolution et progression ;temps de présence sur le plateau.On pourra moduler les rubriques en fonction

des objectifs qu’on se sera fixés. L’idée pre-mière étant de mettre à jour la marque du met-teur en scène sur les personnages d’écriturethéâtrale de Ionesco.

Il paraît évident que le travail de Ionesco, quelleque soit l’interprétation qu’on en fait, s’écarted’un travail sur la psychologie des personnages(on peut même se demander si les person-nages de La Cantatrice chauve ont une psyché).Ils n’en sont pas pour autant condamnés à n’être

b Le jeu et les gestes des comédiens corres-pondent-ils au texte de Ionesco ?On s’efforcera de montrer aux élèves com-ment Jean-Luc Lagarce prend le texte deIonesco au pied de la lettre et invente sou-vent sa mise en scène à partir du texte.Ainsi, scène VII, après la réplique de MadameSmith : « …mais un pompier est aussi unconfesseur », le pompier se transforme surscène en figure du confesseur (qui se confes-sera par la suite). Ses interventions sont alorsponctuées, par la suite, d’une musique de messe

à l’orgue. Et pour confirmer ce choix, on citerales derniers mots du pompier sur la blague duRhume : « une vielle femme qui était la nièced’un curé, dont la grand-mère attrapait, par-fois, en hiver, comme tout le monde, unrhume. » : logique !

Mais la force de la mise en scène de Jean-LucLagarce réside essentiellement dans sa capacitéà prendre à son compte le texte de Ionesco pourcréer des personnages et un jeu qui lui appar-tiennent.

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Les personnages et le jeudans la mise en scène de Jean-Luc Lagarce

Au pied de la lettre

La plus-value lagarcienne dans la caractérisation des personnages

b En quoi ce spectacle fait-il penser à latélévision ?Les élèves devraient en premier lieu penser auxrires enregistrés qui viennent très tôt se faireentendre dans la pièce. Le choix des passagesoù le metteur en scène a inséré ces rires paraîtaléatoire. Cela renforce le coté subversif decette proposition. La télé nous dit là où il fautrire, de manière autoritaire, elle fabrique lerire en différé mais assassine l’humour endirect ! Les rires provoqués par le texte deIonesco, la mise en scène de Jean-luc Lagarceet le jeu des comédiens viennent démontrerque l’on peut, avec la construction d’un textedoublé d’un imaginaire, déclencher le rire sansl’imposer. L’aspect artificiel des décors, le mor-cellement des scènes écrites par Ionesco, leton forcé des voix et les expressions exagéréesdu visage, la quotidienneté mise en spectacle,l’idée d’un sous-texte sexuel, les longuespauses avant la réplique du partenaire, les

intonations déplacées, le marquage précis ausol des mouvements de plateau, les retourne-ments tranchés d’ambiance, les ellipses narra-tives (on retrouve les Smith dans leurs cos-tumes, allongés, comme morts, au début dela scène II, que s’est-il passé ?), tout celanous rappelle l’ensemble des ingrédients dusoap-opera.La musique hitchcockienne annonce un trèsmauvais thriller, Walt Disney par la musiquenous fait voyager vers le cirque et le music-hall, la danse des morts vivants des épouxSmith et Martin scène XI évoque les films deGeorge A. Romero (La Nuit des morts vivants)et le clip Thriller de Michael Jackson. On a par-fois aussi l’impression d’être dans Amityville deStuart Rosenberg.On pourra aussi demander aux élèves de défi-nir les ingrédients du soap-opera et d’apporterdes exemples de leur culture qui définissent cegenre télévisuel.

La télévision

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que des enveloppes corporelles figées ou descoquilles vides, aliénées dans leur destin pro-grammatique de véhicule oratoire de l’absurde.Jean-Luc Lagarce, sans contrecarrer cetteapproche non-psychologisante, vient demanière singulière et personnelle « caractéri-ser » les personnages. Il leur donne du« caractère », ou plus précisément deshumeurs. Humeur dans le sens de « l’ensembledes tendances dominantes qui forment lecaractère », de « l’ensemble des tendancesspontanées s’opposant à la raison et lavolonté » (Robert historique de la languefrançaise), et comme un déclencheur de fan-taisie, précurseur souterrain de l’humour.Les personnages de Jean-Luc Lagarce sont eneffet capricieux, spontanés, imprévisibles,comme uniquement animés par une logiquequi leur est propre.Il n’est pas étonnant que l’univers de Disneys’invite dans la mise en scène à travers lamusique.On songe aux sept nains de Blanche Neige cesderniers étant eux-mêmes l’incarnation d’hu-meurs (Simplet, Dormeur, Grincheux, Joyeux,Timide…)Il est intéressant de noter, qu’à chaque fois oupresque, la caractérisation propre à Jean-LucLagarce enrichit le personnage initial d’unedimension supplémentaire, résolutoire ou pro-blématique.

Madame Smith : Il n’est pas innocent queMadame Smith ouvre le bal du théâtre pourJean-Luc Lagarce car c’est elle, qui, en fin depièce, viendra d’un geste de la main clore latentative de Madame Martin de finir la pièce parun recommencement à l’identique où lescouples sont inversés.Madame Smith est le personnage-comédiennequi d’une certaine manière ouvre et ferme lejeu. Très vite, elle apparaît sûre d’elle dans sesregards au public, dans la manière brutale ettranchée dont elle assène ses convictions, semontrant animée par la foi aveugle de celle quia raison. Elle est très « matter of fact », commedisent les anglais. « On ne lui la fait pas ». Ellepeut paraître condescendante parfois et l’au-torité qu’elle semble manifester vis à vis deM. Smith sera rarement démentie. Elle domine.Elle a un fichu caractère : tour à tour maîtres-se, femme, matrone (même si la bonne a raisond’elle parfois). Elle contrôle son petit monde.Affligée par la stupidité de l’histoire deMadame Martin sur le monsieur et son soulier,elle n’est pas bon public ; se sentant désavouéesur l’enjeu des sonneries, elle apparaît mauvaiseperdante. Elle demeure le personnage dirigiste

qui dans la mise en scène de Lagarce use leplus du doigt de l’autorité, mais semble surtoutavoir une position de surplomb.N’est-elle pas aussi une figure possible dela cantatrice chauve ? Il n’échappera pas auxélèves que dans le final chaotique précédant lachute de la façade, elle se départit de sa per-ruque.Dans la symphonie des fins imaginées parIonesco, elle se dessine comme une figure cen-trale, posée, mais aussi touchante de sincérité.

Monsieur Smith : Monsieur Smith apparaît trèsvite comme faussement détendu. L’apparentebonhomie et sérénité du lecteur de journalponctuant sa lecture de la presse et le mono-logue de Madame Smith par des claquementsde langue s’évanouit vite. Il se révèle être unpersonnage qui s’emporte vite, capable de coupde sang sur mode mineur, s’aventurant parfoisà des intonations pagnolesques. Il se dévoilecomme un trouillard, un anxieux, capable demoments de panique, de petits cris d’effroi,alternant le ton péremptoire et la petite voixde l’enfant. Dans la première séquence, il mani-feste des signes de paranoïa (rejetant la têteen arrière pour voir s’il est épié) et montre uncaractère maniaque en allant de manière com-pulsive et impérieuse, armé d’un ciseau orangeà la main, ratiboiser un ou deux poils de gazonqui dépassent. Il essaie tant bien que mal (pardes accents de colère souvent), de sortir dujoug harcelant de sa femme. Si lui aussi se sou-met à l’autorité de la bonne, il retrouve face aucouple des Martin une « consistanced’autorité », se montrant tour à tour ironiqueet sadique (indiquant du doigt où les Martindoivent prendre place à ses pieds). On sentdans son « Ah, la la la la » de la scène VII laforce d’un ennui existentiel pétri de déprime,suivi d’une expression satisfaite et admiratived’être à côté d’une femme qui a bien compris lefondement de sa souffrance en répliquant : « Ils’emmerde ». Il est à souligner que la couardi-se du personnage est affublée d’une volontéirrépressible « d’aller voir ». C’est lui qui prendla décision, sur fond sonore de thriller hitch-cockien, d’aller voir à la porte qui sonne. Plusdominé que dominant, son rapprochement avecMadame Martin se fait aussi sur fond d’uneangoisse commune.Dans la pléiade des fins possibles, il incarneral’auteur et le directeur du théâtre.

Monsieur Martin : C’est le plus animal, le plusinstinctif, le plus pulsionnel du sextet. Ildanse le tango de sa première scène avecMadame Martin, la jambe-patte marquant

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l’arrêt en rythme avec la musique. Dragueur,assumant sa position de mâle, il joue du corps,des épaules et des hanches pour afficher lescouleurs de sa séduction. Tout aussi fluide danssa langue que dans son corps, il n’hésite pas àillustrer par une gestuelle sexuelle les pulsionsqui l’animent. Il est tour à tour, l’incarnation dela pulsion (en affichant ses intentions ani-males), puis du désir (en engageant une dansed’approche et de séduction), de son accomplis-sement (il se place derrière Madame Martin,mimant l’acte sexuel) jusqu’à la jouissance (unpetit gémissement aigüe et une main délicateportée à la bouche témoigne de la conclusionjouissive de l’acte sexuel). Il poursuivra, toutau long de la pièce, cette attitude lubrique. Ilse livrera à une séance de plaisir égoïste, exé-cutant une pratique clairement onaniste lorsquesa femme raconte son histoire aux Martin. Iljouera le jeu de l’échangisme entre les épouxSmith et Martin en ponctuant son « Oh, char-mant » de la scène VIII d’une « main au cul »

adressée joyeusement à Madame Smith et qui sedécline en une caresse appuyée. On le retrouvevoyeur, perché sur une chaise, aux premièresloges des ébats amoureux du pompier et de labonne.Le personnage, dirigé par ses pulsions, est aussisoumis à l’autorité du plus fort. Il adopte sou-vent la position du chien à genou, obséquieux,roi de l’approbation et de la désapprobationostentatoires, n’hésitant pas à condamner leridicule de sa femme pour se ranger du côté duconformisme des Smith, recherchant une cama-raderie masculine ridicule et compassée avecMonsieur Smith. Son ridicule est affiché,assumé. Le personnage est entier. Il est bonpublic, écoutant dans une attitude quasi reli-gieuse d’adoration celui qui conte (le pompieret ses anecdotes ; Monsieur Smith et safable…). Il est souvent du côté du plus fort,ménageant tout le monde, curieux, à l’affût detout, espionnant les conversations de person-nages sur le plateau comme s’il écoutait auxportes.

Son jeu en relief trouve tout son impact dans lapartie finale des fins possibles, où son rapportprivilégié aux spectateurs, (c’est sans doute lepersonnage le plus drôle), dévoile sa dimensionde miroir : il vient s’installer parmi eux !

Madame Martin : Elle apparaît comme coincée,peu sûre d’elle, embarrassée, s’emballant trèsvite et se rétractant aussitôt. Elle donne sou-vent l’impression d’avoir conscience de sa mal-adresse, de sa bêtise, mais réalisant qu’il esttrop tard pour corriger la bévue et la gaffe, elleprend l’option salvatrice du jeu et joue l’hébé-tude et l’incompréhension. Devant le désirostentatoire de Monsieur Martin, elle joue l’af-folée, la paniquée (courant désespérément versles sorties cour et jardin, sans avoir la fermeintention de sortir, au contraire !). Elle afficheainsi parfois le visage de l’hystérique. Elle seglisse aussi dans la peau de la victime, de lafautive. Dans un premier temps, elle subit, elleest dominée. Mais, dans un deuxième temps,elle va laisser libre champ au retour du refoulé,donnant une vie gestuelle à ses désirs enfouis.L’histoire du monsieur et du soulier ressemble àun strip-tease crispé, esquissé sans être abouti.En présence du pompier, elle fait l’aveu du feusexuel qui l’attise, relevant sauvagement sajupe sur les deux répliques du pompier de lascène VII : « Tous » et « Non, malheureuse-ment ». Par contraste à cette attitude hysté-rique, Madame Smith, allongée, une jambecroisée sur un genou, offre une invitationséductrice plus détendue et contrôlée.Il aura fallu l’aide des verres d’alcool désinhi-bant déposés par la bonne Mary à la scène VIIpour qu’elle se livre à ces poses outrancières.Personnage qui pourrait paraître secondairemais qui, comme Monsieur Smith d’ailleurs, faitpreuve de volonté pour sortir de son carcananxiogène et laisser libre cour à ses désirs.

La bonne Mary : elle apparaît d’emblée commele personnage le plus décomplexé et le plusépanoui. Tout droit sortie de Blanche Neige etles Sept Nains et de Mary Poppins, elle trans-porte avec elle, dans un entrain sans borne, lesunivers joyeux, inventifs, merveilleux et fortsen rebondissements du dessin animé, du cirqueet du music-hall. Elle joue des personnages (dumonde de la fiction et de l’animation), incarnantdifférentes facettes de la figure de l’artiste : leclown ; la contorsionniste (lorsque sa tête ren-versée coulisse le long d’une fenêtre), la danseu-se indienne mimant Shiva, la chanteuse àpaillettes dans son tour de chant à Broadway…Onlui trouve au début l’air déterminé et gai d’un dessept nains rentrant du travail : en l’occurrence,

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Cahier de régie - Jean-Luc Lagarce

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elle sort du logis, couverte de suie, comme aprèsune séance de ramonage (on pense à MaryPoppins), jouant du sifflet, énergique et swin-guante. Elle apparaît libérée, émancipée,affranchie de son statut de domestique,engueulant vertement les Smith, s’esclaffantdans un rire-pleurs maléfique de sorcière debande dessinée. Elle est un électron libre, uneforce de transgression, de révolte et de rébel-lion (parce qu’elle représente la figure de l’ar-tiste, voilà ce que veut peut-être nous dire lemetteur en scène). Ainsi la profusion d’imageset de figures qu’elle incarne ne vient pasbrouiller les contours du personnage mais luiconfère au contraire une autonomie de jeu et detravestissement singulière. À la scène V, où labonne nous éclaire (Ionesco nous perd, en fait)sur l’identité et la descendance des Martin, elleprend les accents véhéments de l’expert qui saitavec preuves à l’appui, de l’avocat et du syndi-caliste, et conclut son plaidoyer endiablé par unaveu amusé de dérision : « J’en sais rien ». À lafin de cette scène, elle gueule presque la révé-lation de sa véritable identité : SherlockHolmes. Il faut attendre la scène VIII, aumoment où le pompier fait l’aveu qu’il n’a plusde feu à se mettre sous la lance, pour voir labonne Mary, grimée en espionne- SherlockHolmes, faire son apparition. Jean-Luc Lagarcevient rapporter l’image au son, sur les aveux dupompier. On pourrait presque jouer au syllogis-me et comprendre la manière dont Lagarce aprocédé avec le texte : s’il y a aveu et confi-dence, c’est qu’il y a des choses à cacher, c’estqu’il y a culpabilité, il nous faut donc un détec-tive et Lagarce fait apparaître la bonne enSherlock Holmes : élémentaire mon cherWatson !Il faut aussi souligner une des forces de la miseen scène. La bonne est aussi la didascalienne,incarnation sur le plateau de Ionesco etNicolas Bataille, l’ensemble mis en abyme dansla mise en scène de Jean-Luc Lagarce. Ainsielle est celle qui sait, qui détient la vérité tex-tuelle, qui corrige, qui apporte des précisions :un Sherlock Holmes au milieu de 5 Watson ! Labonne se promène dans la pièce (elle apparaîtsouvent à différents endroits de la maison),comme l’auteur dans son texte et le metteur enscène sur le plateau des répétitions. Elle est lafigure perturbante et malicieuse de l’auteur etdu metteur en scène dans la représentation surle plateau.Sa transformation vestimentaire (passant dublanc au noir, le visage subissant une évolutioninverse) pourrait tout aussi bien symboliserson aspect transformiste que l’aboutissementd’une quête de vérité. Elle est le personnage

dans la pièce qui vit un coup de foudre finaldevant des spectateurs-personnages réproba-teurs ou voyeurs.Il n’est peut-être pas étonnant que la figure dela bonne-détective (le détective s’apparentantau dramaturge dans sa recherche de vérité etd’indices capables de faire sens) lise le journaldans l’ultime final des fins possibles deIonesco. Présence de l’auteur et de son metteuren scène, en charge des didascalies, elleconnaît l’histoire et ses suites, ce discours l’en-nuie. Elle pense trouver plus de malice et d’in-dices dans la presse.

Le pompier : contrairement à la bonne qui s’estaffranchie joyeusement de sa fonction domes-tique, le pompier semble miné de n’être qu’unefonction sans emploi. Qu’est-ce qu’un pompiersans feu ? L’allure de pompier d’apparat oud’opérette que lui donne Jean-Luc Lagarce ren-force encore la vacuité du personnage. Sonentrée avait pourtant donné le change, et ilparaissait avoir un certain crédit auprès desSmith, tout investi qu’il était du rôle de média-teur chargé de rendre la justice, et de celui duprêtre dont on attend qu’il dise qui est dans ledroit chemin et qui s’en écarte. (Jean-LucLagarce utilise une musique solennelle à l’orguequi semble annoncer la parole de Dieu). Mais lecapitaine et l’ecclésiaste vont faillir. Incapabled’être ni l’un ni l’autre, le pompier fait prévaloirla réponse du normand. Ce qui est beau, c’estcette tentative première de rouler les méca-niques, d’en imposer et d’essayer de faire parlerl’autorité de l’uniforme. Vaine tentative, lepompier s’est avéré être (comme MonsieurSmith) frappé de couardise sur sa réplique :« Non, ce n’était pas moi. » de la scène VIII.Le voici enfant, ayant peur d’être accusé à tort,presque peur d’être battu, pathétique dans sadéfense. Vexé et boudeur quand MonsieurSmith vient lui ravir l’affiche, le voilà dépité etdécouragé, s’emballant ensuite comme ungamin quand on lui demande à nouveau d’êtrela vedette. Les figures du capitaine et du prêtren’en apparaissent par la suite que plus ridi-cules. Que lui reste-t-il pour exister ? Raconterdes histoires (Ionesco, à travers le pompier etson rôle de conteur semble confesser qu’il n’apas écrit de fable théâtrale, que La Cantatricechauve n’existe pas, et que l’on va passer sontemps à raconter de mauvaises blagues).Lagarce n’a fait que suivre à merveille le textede Ionesco, il fait du pompier un personnagepuéril, capricieux et susceptible, distrait,oublieux et naïf, de qui l’on attend qu’il dise labonne parole car la vérité sort de la bouche desenfants !

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b Un des jeux sur ce travail des humeurspourra consister à appliquer la grille deshumeurs des sept nains aux personnages deLagarce pour s’apercevoir qu’ils correspon-dent à de nombreux traits de caractère chezles personnages de La Cantatrice chauve.

b On pourra proposer aux élèves d’écrire lamise en scène d’un passage en prenant lecontre-pied de l’option choisie par Jean-LucLagarce. Dans la scène IV entre les épouxMartin, on fera de Madame Martin le person-nage le plus pulsionnel et de Monsieur Martinle plus timide.

b On pourra proposer aux élèves au contrai-re d’exploiter un des partis-pris du metteuren scène : prolonger le registre religieux surd’autres parties du dialogue du pompier (luifaire raconter Le Rhume comme une homé-lie, par exemple).En éclairant la singularité des silhouettestracées par Jean-Luc Lagarce, il apparaitraplus facile aux élèves de comprendre les choixde mise en scène et de mettre à jour sesmécanismes de bascule, d’interchangeabilité,de double et de contraire. Il est important degarder à l’esprit que le fruit de ces recherches

ne constituera pas une grille interprétativemais permettra de dévoiler une des optionsdramaturgiques du metteur en scène. Les per-sonnages ont des humeurs propres mais toutcela est interchangeable à l’infini. L’auteurLagarce prend un vif plaisir à brouiller lespistes sans jamais perdre de vue ses desseins.On notera que la symbolique des objets vientrenforcer cette impression d’interchangeabi-lité et de circulation des humeurs et des sen-timents :- Le ballon rouge : on se renvoie la ballecomme on ferait circuler, d’un personnage àl’autre, des humeurs et des tempéraments : lacolère, la complaisance, la moquerie, la jouis-sance, l’hébétude, la confusion…

- La balançoire : symbole du renversement etde la chute, incarnant les passages de la colè-re à la parole policée, nœud emblématique surle plateau du basculement du calme serein àla folie extatique, du contrôle de soi au désireffréné, de l’apparente raison à la folie…

- Les deux chaises du plateau : où les person-nages de Jean-luc Lagarce deviennent à la foisspectateurs et acteurs.

Après ce travail nécessaire sur la singularité despersonnages, on demandera aux élèves d’établirdes liens de relation entre les membres du sex-tette en leur posant des questions simples :

b Qui sont les couples dans la pièce ?Comment évoluent-ils ?

Les couples : la norme, l’échangeet vice-versa

Les postures des Smith au début de la mise enscène les figent dans l’image traditionnelle ducouple. La femme est debout et l’homme assis,lisant le journal. Ce qui va fédérer le coupleSmith, c’est une forme absurde du débat sophis-te, jouant sur des rapports de dominant àdominé. L’arrivée des Martin est en fait uneaubaine. Elle va permettre le glissement vers unéchangisme, en passant par toutes les phases durefus de la transgression : crispation, rirescoincés, ennui, vacuité du langage. La tenue desMartin en reproduisant dans ses moindres détailsla tenue des Smith vient contrarier toute inter-prétation psychologique et facilite le bascule-ment et l’inversion des couples. Les déplace-

ments sont chorégraphiés (comme dans le finaldes scènes I et IV où les époux respectifs vien-nent se loger l’un dans l’autre, abattus et fata-listes, exécutant une danse rigide de marion-nettes). Les couples finiront par se rapprocherdans un même mouvement : à la « main au cul »scène VIII, de M. Martin à Mme Smith, répondla caresse de Monsieur Smith sur la jambe deMadame Martin, et la bonne repart les mains surles fesses sous les yeux avides du pompier.Chorégraphie harmonieuse des désirs ou machi-nerie des stéréotypes automates ? Le jeu del’amour est avant tout UN JEU chez Jean-LucLagarce. Il sera d’ailleurs intéressant de présen-ter la scène IV entre les époux Martin commeune tentative de réinvention du jeu érotique etsexuel au sein de la quotidienneté du couple.On se découvre et on fait l’amour comme si onne se connaissait pas. Hélas les masques tom-bent, le théâtre a une fin, mais l’on a bien ri letemps d’un tango (scène IV). À cette construc-tion savante et mécanique de l’échange despartenaires vient répondre le coup de foudreéclair de la bonne et du pompier. Il n’est passurprenant que le personnage de la bonneMary, authentique et spontané, offre une scène

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Interchangeabilité et interrelation des personnages

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d’amour passionnée dont la fougue sincère pro-voque la réprobation des couples conformistes(à l’exception de Monsieur Martin, esclave deses pulsions envahissantes).Si, pour Jean-Luc Lagarce, La Cantatrice chauveest « une machine à jouer », il laisse aussiapparaître que l’amour, s’il veut rester sincère etfort, doit se laisser guider par la force inventi-ve du jeu et de la folie.

b Y a-t-il des clans qui se forment ? Se désa-grègent ?

Alliance et mésalliance

En gardant la technique du déplacement pré-cis dans l’espace, Jean-Luc Lagarce procède àla création d’entités, de clans, de groupesqu’il fait et défait sur le plateau. Il crée ainsiune chorégraphie rythmique qui tend à fairedes relations humaines un jeu névrotique depouvoir et de conflits qui ne trouvent leurrésolution que dans l’illusion finale de lapièce, dans la mise en scène de l’illusion duthéâtre. Il faut en effet attendre la scènefinale pour retrouver l’unité de la troupe théâ-trale. On essaiera de faire retrouver aux élèvesles scènes où la répartition des personnagesen groupes est la plus marquante. On pourraleur proposer ces deux tableaux : la scène IVentre les Martin et les Smith où MadameMartin se trouve isolée vers la balançoire ; lascène XI, où Monsieur Smith est seul en fondde plateau, assis sur une chaise, tournant ledos au public, alors que le trio est vers labalançoire. Dans ces ballets d’union et dedésunion, le pompier cherche désespérémentdes alliances, une écoute qu’on lui refusealors que la bonne persiste dans son entête-ment à faire cavalier seul.Les déplacements et les regroupements ne sontpas signifiants autrement que dans le sens oùils concourent à démontrer l’interchangeabilitédes êtres dans la pièce (du moins pour le qua-tuor des Smith et des Martin) ; d’autres combi-naisons seraient possibles dans d’autres misesen scène. Chez Lagarce les structures établies,les couples officiels se déconstruisent, sereconstruisent différemment, pour se perdre ànouveau dans un chaos.

b Comment les personnages sont-ils à lafin ? Seuls ou ensemble ?

Éclatement des relations et chaos

On essaiera à partir de la scène XI, de demanderaux élèves ce qui se dérègle dans la pièce, ce qui

s’écarte de la norme supposée, ce qui se décons-truit. On s’efforcera de restituer cette scène quidevrait visuellement marquer les élèves.Au chaos verbal proposé par Ionesco, scène XI,Jean-Luc Lagarce vient ajouter des déconstruc-tions en chaîne. Il multiplie la force du texte enlui conférant le pouvoir d’une onde de choc : àla déconstruction du langage, il ajoute celle desconsciences, des corps et du décor. Dans cefinal, Lagarce vient puiser dans le texte destrouvailles de mise en scène ; M. Smith nousdit : « Ne soyez pas dindon, embrassez plutôt leconspirateur ». Et sur le plateau, les comédiensvont se transformer en gallinacés, exécutant unballet incohérent de dindons.Voilà l’homme redevenu animal, régi seulementpar l’instinct, pris soudain de folie face à l’alié-nation des conventions. Ou est-ce aussi Ionescoet Lagarce donnant à voir l’inconscient, matièrebigarrée et incohérente, soumise à la logique dusignifiant (le mot Dindon les fait apparaître)dont la mise à jour serait symbolisée par la faça-de de la maison qui s’effondre?

b Que pensez- vous du retour des comédiensà la fin de la pièce ?

Le final (s) et la photo de groupe

b On demandera aux élèves de réfléchir surle mot « fin ». La pièce finit-elle dans lamise en scène de Jean-Luc Lagarce, et si ellefinit, quand finit-elle ?Jean-Luc Lagarce décide d’inclure dans sa mise enscène les différentes fins proposées par Ionesco,comme il avait décidé d’inclure les notes deIonesco sur la mise en scène de Nicolas Bataille.Il ne s’agit pas pour lui de briser l’illusion duthéâtre (comme un magicien qui dévoilerait latechnique des ses tours de magie) mais de pro-longer le jeu, le complexifier dans le but para-doxal de le rendre accessible à tous. D’ailleurs lescomédiens continuent à être des comédiens quijouent des personnages en train de dire les finspossibles, tous empreints encore des traces de cequ’ils ont joué pendant une heure trente. De cetteCantatrice chauve, Lagarce fait un spectacle total,rendant le mystère de la pièce encore plus obscur.Au « je n’en sais rien » drolatique de la bonneMary, au « et voilà » du pompier qu’il fait suivred’un noir profond, Jean-luc Lagarce ajoute l’ab-sence de rideau conclusif, comme pour interdiretoute clôture du texte. Madame Smith, encoreelle, vient dire :« le rideau tombe vite »… et rien ne se passe.Seul un claquement de ses doigts, comme parmagie vient nous dire que c’est fini, pour untemps…

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À la notion d’anti-pièce avancée par Ionesco,on essaiera de faire réfléchir les élèves sur cequi serait un anti-jeu au théâtre.

b Qu’est-ce que ne pas jouer ? On pourra par-tir des stratégies d’anti-jeu au sport et défi-nir ce concept avec les élèves (le terrain desport étant un autre plateau du spectacle).L’objet d’une telle démarche permettra aux élèvesd’identifier les éléments dans l’écriture deIonesco qui empêchent de suivre les règles dujeu canonique et montrera comment Jean-LucLagarce vient renforcer cette écriture par des élé-ments perturbateurs de sous-jeu, de sur-jeu, dethéâtralisation, tout en restant fidèle au verbede Ionesco.Ne pas jouer en sport, c’est souvent refuser l’at-taque, rester sur la défensive (au théâtre, ceserait refuser d’adresser des répliques justes àses partenaires ou cabotiner), c’est aussi le plai-sir égoïste de préserver un résultat (là où lethéâtre demande de courir le risque de réinven-ter tous les soirs) ; c’est aussi jouer la montre,avoir le contrôle du temps ( l’acteur en perte derythme finit par sonner faux et perd le public) ;c’est ne pas respecter son adversaire en luioctroyant une chance de se refaire (alors qu’onsait qu’au théâtre, on ne joue pas seul, pour êtrejuste, il faut être ensemble) ; c’est enfin oublierla beauté et la noblesse du sport.On voit bien que Ionesco crée toutes les condi-tions possibles de cet anti-jeu : il fait dire à sespersonnages une partie des didascalies, il inclutdans son texte des notes insolites de la mise enscène de Nicolas Bataille, il use d’incohérence etd’absurdité dans une tentative de dynamiter lelangage, disqualifiant ainsi toute velléité de jeuclassique.Jean-Luc Lagarce prend Ionesco au mot. Il inven-te une écriture scénique pour La Cantatrice chauve.Il opère des ralentissements au sein des dialoguesgrâce à la musique, il fait varier les humeurs despersonnages au milieu d’une même tirade (les per-sonnages passent du calme serein à la colère subi-te). Les comédiens modulent leur débit (rapidité,pause de la voix, parfois essoufflement). Ils s’ex-priment dans les aigus et les graves. Ils multi-plient les regards au public, s’absentent parfois(par exemple sur la réplique : « Cependant » demadame Smith, scène I). On a souvent l’impres-sion qu’ils semblent nous dire qu’ils sontconscients de jouer dans une pièce de Ionescodont ils ne comprennent pas le sens. À d’autresmoments, les personnages paraissent au contrairealiénés dans une caricature d’eux-mêmes, commes’ils étaient incapables d’établir la relation avec

l’autre, touchants et burlesques dans leur vainetentative. Ils semblent nous dire à travers leursnombreux regards frontaux en direction dupublic : attention, on ne « joue pas » car tout cecin’est qu’un jeu ! C’est là que réside la force de ladramaturgie de Jean-Luc Lagarce. Son anti-théâtreprend la forme d’un amusement, d’un jeu desociété tragi-comique d’une heure trente, où l’onjoue à faire « très sérieusement » du faux théâtre,dans le seul but de le rendre encore plus vivant.Seul l’anti-jeu est de mise avec La Cantatricechauve. On joue comme des enfants, à faire et diredes bêtises, à être tout fou, à bouder, à piquer descrises d’énervement…mais tout cela au sein del’horlogerie rigoureuse construite par le metteuren scène, qui vient, par sa petite musique, orga-niser le babil incohérent des enfants en une forcede jeu qui prend les accents d’un opéra télévisueldont la logique implacable est frappée de folie.Ainsi la machine à jouer de Jean-Luc Lagarcedémultiplie le plaisir du jeu, autorise la venued’un imaginaire qui lui est propre, remplit lecontrat de La Cantatrice chauve : inscrire le jeu etl’amusement dans le vertige de l’éternité.La volonté de Jean-Luc Lagarce de faire unspectacle emphatique, excessif, paroxystiquenous renvoie à l’article de Roland Barthes « Lemonde où l’on catche » (Mythologie, Éditions duseuil, 1957) où il comparait théâtre et catch.Dans la scène XI, les personnages de Jean-LucLagarce s’apprêtent à en découdre comme descatcheurs sur un ring.On pourra proposer aux élèves, en classe delettres, de philosophie et de théâtre de relire cetarticle à l’aune de la mise en scène de Jean-LucLagarce. On comparera la mise en jeu de lascène XI, scène chaotique, avec la citation quisuit de l’article de Barthes : « l’emphase des pas-sions, le renouvellement des paroxysmes,l’exaspération des répliques ne peuvent naturelle-ment déboucher que dans la plus baroque desconfusions. Certains combats, et des plus réussis,se couronnent d’un charivari final, sorte de fan-tasia effrénée où règlements, lois du genre, cen-sure arbitrale et limites du Ring sont abolis,emportés dans un désordre triomphant qui débor-de dans la salle et entraîne pêle-mêle les cat-cheurs, les soigneurs, l’arbitre et lesspectateurs. ».Les catcheurs, les soigneurs, l’arbitre et les spec-tateurs… les comédiens, le metteur en scène,l’auteur, et les spectateurs. Dans sa mise enscène, Jean-Luc Lagarce va brouiller les pistes ; ilcrée des pièces dans la pièce (comme la lumièreavait permis de créer des scènes dans lesscènes) ; il interchange les rôles.

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L’anti-jeu de l’anti-pièce

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bOn essaiera de faire réfléchir les élèves sur lamanière dont Jean-Luc Lagarce vient boulever-ser la place établie des rôles suivants : l’auteur,le metteur en scène, les comédiens, les specta-teurs, les commentateurs, le directeur duthéâtre… On demandera simplement aux élèvesde repérer dans la mise en scène les différentesfigures de l’auteur, des spectateurs…

Quelques pistes

L’auteurEst-ce seulement Ionesco ? Le metteur en scènepar ses choix dramaturgiques (en s’appropriantles notes de la mise de Nicolas Bataille, parexemple) n’est-il pas par moments une sorte demauteur en scène. Dans les fins jouées,Monsieur Smith-comédien devient l’auteur, quidu coup devient comédien !

Le metteur en scèneIonesco en fondant la mise en scène de NicolasBataille dans son texte avale le metteur enscène. Jean-Luc Lagarce, en faisant jouer cesnotes dans sa mise en scène, avale le tout. Loind’une transgression, c’est une libération. Labonne et Madame Smith peuvent apparaîtreparfois comme des figures du metteur en scène(on pense au passage où Madame Smith semblesouffler son texte à Monsieur Smith sur le« Le serpent et le renard », scène VIII, singeantune direction d’acteur).

Les comédiensEn racontant des histoires, des anecdotes, desblagues et en lisant des poèmes, les comé-diens-personnages de la pièce s’improvisentcomédiens-amateurs. La bonne, comme nousl’avons vu, prend plusieurs figures de l’artiste.Des spectacles se recréent dans le spectacle.La déclinaison des différentes fins imaginéespar Ionesco fait apparaître les frontières entreles comédiens, les personnages et lespersonnes.

Les spectateursLes comédiens-personnages prennent presquetous dans la pièce la position de spectateursface aux différentes performances artistiquesdes autres personnages. Les Smith, assis chezeux, dans leur jardin, écoutent les Martincomme au théâtre et attendent d’être distraits.Les personnages-spectateurs meurent d’ennuien écoutant « Le Rhume » du pompier. Les vraisspectateurs, devenant comédiens-figurants,viennent mourir sur le plateau.

Les commentateursLes comédiens-personnages prennent souventle public à témoin de leurs actions, ils com-mentent Ionesco. Ils se laissent aussi parfoisdistraire par les commentaires de la bonne surles notes de Ionesco à propos de la mise enscène de Nicolas Bataille.

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Des pièces dans la pièce

- On pourra proposer aux élèves de relire letexte de Ionesco et d’essayer de le prendre aupied de le lettre comme Jean-Luc Lagarce (lespersonnages pourraient tousser sur la blague« Le Rhume » et rendre les propos du pompierinaudible).

- Les élèves pourront jouer au langage dessignes de Jean-Luc Lagarce sur plusieurs partiesdu texte de Ionesco, en étant soit illustratifs,soit incohérents.

- On pourra proposer aux élèves de transporterla scène d’exposition dans un autre pays quel’Angleterre et de jouer sur les stéréotypes et lesclichés.

- On demandera aux élèves d’interpréter la blaguedu « Rhume » de plusieurs manières : en pleurant,en éclatant de rire, rongé par la timidité…

- On pourra prendre certains passages du texteet les annoter d’humeurs (comme sur une parti-tion musicale), et les faire jouer par les élèvespour étudier des effets de jeu.

- On invitera les élèves à écrire les notes de lamise en scène de Jean-Luc Lagarce, commeIonesco l’avait fait pour Nicolas Bataille. Parexemple, scène IV on fera dire : « dans la miseen scène de Jean-luc Lagarce, Monsieur Martins’envoie en l’air avec Madame Martin »

- On pourra essayer de travailler des morceauxde la pièce comme une comédie musicale ou undessin animé (choisi par les élèves)

- On proposera aux élèves de faire une analysede la critique théâtrale, en comparant lesarticles de presse sur la création de la pièce en1991 et ceux de 2006-2007.

Pour finir, quelques jeux

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- On fera établir aux élèves les points de com-paraison entre La Cantatrice chauve de Ionescoet Erreur de construction de Jean-Luc Lagarce.

- Dans un même travail de comparaison, onpourra amener les élèves voir la mise en scènede Nicolas Bataille à la Huchette.

- En classe d’arts plastiques, on invitera lesélèves à faire des recherches sur des mouve-ments ou des auteurs dont on peut sentir laprésence dans la mise en scène de Jean-LucLagarce : le Kitsch, l’hyperréalisme, lesartistes Roy Lichtenstein et Edward Hopper.

- En classe de philosophie, de théâtre, ou delettres, on fera réfléchir les élèves sur cette cita-tion tirée de l’ouvrage de Peter Brook, L’espacevide. Citation qui semble résumer à merveille laphilosophie qui anime Jean-Luc Lagarce lorsqu’ilmonte La Cantatrice chauve : « Brecht (…) a sur-pris ses collaborateurs en disant que le théâtredoit être naïf. Disant cela, il ne reniait pas le tra-vail de toute sa vie, il voulait dire que monter unepièce, c’est toujours s’amuser. De manière décon-certante, il parlait d’élégance et de divertissement.Ce n’est pas par hasard que, dans de nombreuseslangues, on utilise le même mot pour désigner le« jeu » de l’acteur et les « jeux » des enfants. »

Comité de pilotage et de validationPascal CHARVET, IGEN Lettres-ThéâtreMichelle BÉGUIN, IA-IPR Lettres (Versailles)Jean-Claude LALLIAS, Professeur à l’IUFMde Créteil, directeur de la collection nationale« Théâtre Aujourd’hui »

Auteur de ce dossierNunzio CASALASPROJean-Luc DESCHAMPS

Directrice de la publicationNicole DUCHET, Directrice du CRDP

Responsabilité éditorialeVincent LÉVÊQUE

Chargé de projetVincent LÉVÊQUE

Maquette et mise en pagesSybille PAUMIERCréation, Éric GUERRIER

© Tous droits réservés

Nos remerciements chaleureux à François BERREUR et à toute l'équipe du Théâtre de l’Athénée qui a permis laréalisation de ce dossier dans les meilleures conditions.

Tout ou partie de ce dossier sont réservés à un usage strictement pédagogique et ne peuvent être reproduitshors de ce cadre sans le consentement des auteurs et de l'éditeur.

Relations avec les scolairesSoizic LE LASSEUR01 53 05 19 10

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