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Actes du 11 e colloque de l’Association de comptabilité nationale Paris, 18-20 janvier 2006 Faire le point de l’évolution des normes comptables, appréhender les diverses dimensions des inégalités, évaluer le partage de la valeur ajoutée. L’Association de comptabilité nationale L’ACN (Association de comptabilité nationale) fondée en 1983 à l’initiative de l’Insee et de l’Université Paris I, est devenue une association loi de 1901 en 1992, avec pour objectif de créer un lieu de rencontre largement ouvert à toutes les personnes intéressées, de près ou de loin, par les divers aspects de la comptabilité nationale. Bureau de l’association : Président : A. Vanoli Vice-présidente : E. Archambault (Université de Paris I) Autres membres : P. Augeraud (Banque de France), N. Canry (Université de Paris I), G. Klotz (Université de Lyon II), M. Lemaire (Insee), F. Lenglart (Insee), F. Lequiller (OCDE). Pour en savoir plus : http://www.insee.fr/fr/nom_def_met/colloques/acn/cnat_acn.htm

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Actes du 11e colloque de l’Association de comptabilité nationale

Paris, 18-20 janvier 2006

Faire le point de l’évolution des normes comptables,appréhender les diverses dimensions des inégalités,évaluer le partage de la valeur ajoutée.

L’Association de comptabilité nationaleL’ACN (Association de comptabilité nationale) fondée en 1983 à l’initiative de l’Insee et de l’Université Paris I, est devenue uneassociation loi de 1901 en 1992, avec pour objectif de créer un lieu de rencontre largement ouvert à toutes les personnes intéressées, deprès ou de loin, par les divers aspects de la comptabilité nationale.

Bureau de l’association :Président : A. VanoliVice-présidente : E. Archambault (Université de Paris I)Autres membres : P. Augeraud (Banque de France), N. Canry (Université de Paris I), G. Klotz (Université de Lyon II), M. Lemaire (Insee),F. Lenglart (Insee), F. Lequiller (OCDE).

Pour en savoir plus :http://www.insee.fr/fr/nom_def_met/colloques/acn/cnat_acn.htm

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OUVERTURE DU COLLOQUE

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ALLOCUTIONS D’OUVERTURE

Jean-Michel CHARPIN INSEE

Puisque la date1 de ce colloque m’en donne l’occasion, je vous transmets mes meilleurs vœux pour l’Association de comptabilité nationale, pour les comptables, les statisticiens, les économistes qui s’intéressent aux questions de comptabilité nationale. Moi-même, je me félicite de l’existence de ce colloque biennal et je veille à en favoriser la tenue dans la mesure de mes moyens, c’est-à-dire à travers la contribution des personnes de l’INSEE qui acceptent d’y consacrer une partie de leur temps. Je me réjouis qu’il y ait beaucoup d’inscrits à ce colloque et qu’un certain nombre de nos collègues d’instituts étrangers ou d’organisations internationales puissent participer à ces travaux. Le rôle fondamental, à mon sens, de ce colloque est de permettre que cette discipline reste vivante. Le risque pour la comptabilité nationale est qu’après la période des inventeurs, des pionniers, on se contente de la production. Cette production pose des problèmes intéressants et importants. Mais il ne faut pas ignorer le fait que pendant ce temps le monde continue d’évoluer et à quelle vitesse ! Il faut rester inventif pour pouvoir adapter la comptabilité nationale au monde tel qu’il est et tel qu’il sera. Je m’étais beaucoup réjoui, par exemple, de l’initiative qu’avait prise mon collègue britannique, aujourd’hui retraité, avec le rapport Atkinson traitant de la mesure directe de la production non marchande. En effet cela me paraît un sujet où il y a des investigations conceptuelles, méthodologiques, pratiques, où les choix sont complexes et où, par ailleurs, comme l’a bien montré le rapport Atkinson, il ne suffit pas d’avoir les bons concepts pour automatiquement avoir la méthode optimale. On voit que les meilleures intentions peuvent déboucher sur des difficultés si, dans la mesure et l’application, on n’a pas les outils adaptés. En tous cas je trouve très fructueux que l’on mène ce type de débat. Lors de ce colloque, un certain nombre de sujets très importants seront abordés. J’ai été ces derniers mois membre de la Commission Pébereau qui a travaillé à la demande du Ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie sur les finances publiques et la dette (je le précise pour nos collègues étrangers). Cette Commission n’avait pas d’objectifs strictement comptables mais néanmoins j’ai été surpris du temps que nous avons passé à parler non pas de mesure de la dette publique au sens strict, puisque je dois dire que la mécanique européenne mise en place dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance nous fournit tout ce qu’il faut, mais de la question des retraites. Les débats finalement assez approfondis que nous avons eus à ce sujet donnent lieu dans le rapport Pébereau à des développements intéressants sur des thèmes qui ont une importance pour les comptables puisque, comme chacun sait, ce sujet fait l’objet de débats internationaux aigus dans l’optique de la révision du Système de comptabilité nationale. Les questions soulevées sont difficiles, j’en cite quelques-unes. Jusqu’où faut-il distinguer les régimes de retraites mutualisés et les régimes de retraites d’employeurs ? Est-ce que du point de vue du droit des retraités, il y a une quelconque différence entre le droit vis-à-vis d’un régime mutualisé ou vis-à-vis d’un régime d’employeur? Si ce droit s’apparente à une créance, qui détient la dette correspondante ? Et est-ce parce qu’on n’arriverait pas à décider du titulaire de cette dette que l’on devrait dire qu’il n’y a pas de créance ? Les questions qui ont trait aux recettes sont tout aussi délicates. Pour les régimes publics d’employeurs, les dépenses futures sont à peu près certaines mais les recettes futures le sont à peu près tout autant. Pourquoi y aurait-il un traitement différent des futures dépenses et des futures recettes ? La question la plus simple à formuler et que je trouve aussi la plus difficile est la suivante : serait-il raisonnable d’agréger de la dette publique, qui correspond à des dépenses publiques déjà faites, avec des dépenses publiques qui non seulement sont à des horizons lointains, 20 à 30 ans pour certaines, mais qui en outre ne sont pas certaines puisqu’évidemment dans la plupart de nos régimes de retraites il s’agit de promesses qui ont une certaine

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probabilité de se réaliser qui n’est pas 100 %. Et d’ailleurs il y a deux ans, j’y ai joué quelque rôle, nous avons vécu une loi de réforme des retraites qui a significativement modifié les droits y compris les droits acquis. Toutes ces questions sont très complexes et je trouve très bien que les organisateurs aient décidé d’y consacrer une session pour avancer dans notre réflexion, ce qui nous mettra en meilleure position dans les prochaines discussions internationales. Vous allez traiter aussi de la question de la mesure des inégalités, de ce que la comptabilité nationale peut dire et ne pas dire à ce sujet, du caractère synthétique et relativement pauvre du PIB et des agrégats de même nature. C’est une bonne chose aussi, car ce sont des sujets sur lesquels nous sommes très fréquemment interpellés dans le débat social. D’ailleurs Jacques Freyssinet, qui fera une intervention dans ce colloque, préside actuellement pour le CNIS un groupe de travail qui a pour objet de s’interroger sur le système d’information sur les inégalités, le rôle des indicateurs qualitatifs, quantitatifs, monétaires et non monétaires. Seul un système d’information peut permettre d’approcher ce genre de question. Au niveau international la technique des indicateurs devient de plus en plus usuelle. Nous-mêmes nous nous y sommes engagés avec peut-être plus de prudence que d’autres systèmes statistiques. Est-ce un bon choix, un mauvais choix, quelle utilité peuvent avoir ces indicateurs, quelles sont les précautions à prendre dans leur utilisation ? Il me reste à vous souhaiter un fructueux colloque avant de passer la parole à Pierre-Yves Hénin.

Pierre-Yves HENIN Université de Paris 1

C’est avec plaisir que j’accueille en Sorbonne aujourd’hui les participants à ce 11ème colloque de l’ACN. Ce qui permet à ce colloque de vivre, de progresser, de maintenir le cap, c’est évidemment l’implication de l’équipe qui anime l’association, c’est aussi cette longue collaboration entre l’INSEE et l’Université de Paris 1-Panthéon Sorbonne. Vous êtes ici dans nos locaux historiques qui, pour Paris 1, ne correspondent plus qu’à une partie de ses locaux d’activité mais qui est toujours lourde d’une signification symbolique. Comme toutes les universités, Paris 1 s’adapte à des mutations profondes. En matière d’enseignement vous avez entendu parler de ce LMD qui cherche à mieux participer à une harmonisation européenne de la structure de l’enseignement supérieur. Nous avançons également en terme d’organisation de la recherche. Le choix fait récemment de participer à ce nouveau projet ambitieux de l’Ecole d’Économie de Paris en est la marque. C’est une occasion de plus de collaborer avec l’INSEE à travers ses écoles et son centre de recherche. La lecture de votre programme très riche fait apparaître une forte implication des organisations internationales, qu’elles soient productrices de normes internationales ou en charge de mettre en œuvre et de faire connaître des comparaisons internationales. Cela montre que la comptabilité nationale épouse son temps, qu’elle s’efforce de répondre à des questions de politique économique et de se faire l’écho de débats qui animent la théorie. Je serai bref car je ne vais pas reprendre ce qu’a dit Jean-Michel Charpin, mieux que je ne le ferai, ne serait-ce qu’en évoquant les questions posées par la mesure de la dette et des déficits publics et la construction des normes qui peuvent servir au pilotage des politiques dans ces domaines, ainsi que l’importance prise par la réforme des systèmes de retraites. Là aussi les choix politiques sont lourds de conséquences parfois difficiles à prévoir en matière de comportement des agents et aussi sur la question plus fondamentale relative à la caractérisation et à la comptabilité des droits qui peuvent sous-tendre la refonte de ces systèmes. La mesure des inégalités des niveaux de vie, comme celle de la pauvreté, peut de moins en moins s’exprimer en terme purement pécuniaire mais les solutions alternatives en cours d’expérimentation posent des problèmes importants pour élargir la gamme des indicateurs pertinents. Faut-il dans ces conditions maintenir cette volonté d’agréger, de comparer ces indicateurs ? Comment trouver des indicateurs avancés d’explosion sociale ? Une actualité récente, la révolte des banlieues, nous montre la pertinence de telles questions. Le partage de la valeur ajoutée et son évaluation à long terme posent aussi de sérieux problèmes de méthodes alors qu’il serait utile que des faits stylisés servent de préalable au dialogue et à la négociation sociale. Il suffit d’évoquer la diversification des formes de rémunération des cadres, avec la distribution de titres, pour se demander aujourd’hui où passe la frontière entre rémunération salariale et non salariale.

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Enfin partout une économie de plus en plus immatérielle pose des problèmes de représentation, théorique autant que comptable, pour l’entreprise comme pour l’administration et les ménages. La comptabilité publique, la comptabilité d’entreprise, la comptabilité nationale se rapprochent sans se confondre. Nous vivons aujourd’hui à l’université, comme dans les autres administrations, l’expérience de la LOLF qui va introduire dans la politique des administrations publiques des analyses de coûts proches de la comptabilité analytique et des mesures de performance qui vont utiliser de nombreux indicateurs - non monétaires le plus souvent, et monétaires pour certains cas - qui contribueront à une meilleure connaissance de la sphère publique. Pour avoir à pratiquer ces dispositifs, je peux vous dire que le passage de la question de principe à des contenus analytiquement fondés demandera encore beaucoup de travail. A partir de là diverses réflexions peuvent être évoquées je n’en reprendrai que deux :

- les limites de l’immatériel qui induisent des conséquences importantes - la définition des droits, les périmètres du taxable, qui rebondissent sur la place du politique et sur les

frontières des différents modèles d’entreprise. Je mentionnerai également une réflexion sur les mécanismes d’évolution : on s’aperçoit que si les normes comptables connaissent actuellement une mutation, c’est bien sûr, parce qu’il y a une mutation des fondamentaux dans les échanges et les comportements des agents mais le catalyseur de ces faits a souvent été la déviance : les problèmes de comptes falsifiés d’ENRON, les déficits publics qui ont été contestés… Diagnostiquer ces mécanismes de déviance suffit-il à une correction politique ? Quel est leur rôle moteur dans l’évolution des systèmes comptables ? Je ne vais pas allonger ce propos liminaire mais plutôt vous souhaiter un plein succès dans vos travaux et remercier tous les organisateurs de ce colloque qu’ils soient de l’association, de l’INSEE comme de l’Université.

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SESSION 1 COMPTES PUBLICS ET ÉVOLUTION

DES NORMES COMPTABLES

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LES TRAVAUX DE LA TASK FORCE SUR L’HARMONISATION DES COMPTES DU SECTEUR PUBLIC (TFHPSA) 1

Lucie LALIBERTÉ FMI

1. Introduction

1. Le présent document donne une vue générale2 des travaux entrepris par le Groupe de réflexion sur l’harmonisation de la comptabilité du secteur public (TFHPSA – Task Force on Harmonisation of Public Sector Accounting) dans la perspective de l’harmonisation des directives statistiques et des normes comptables pour le secteur public, dans la mesure du possible3. La TFHPSA — qui est présidée par le FMI et dont le secrétariat est assuré par l’OCDE — représente la première tentative, à l’échelle mondiale, d’harmonisation dans ces deux domaines. La TFHPSA rassemble des statisticiens de haut rang et des responsables de la politique comptable de nombreux pays, de même que des représentants d’organisations internationales et régionales. Elle fut créée au siège de l’OCDE en octobre 2003, donnant suite à une réunion organisée en juin 2003 par le Comité du secteur public (CSP) de la Fédération internationale des comptables, IFC (CSP maintenant nommé « International Public Sector Accounting Standards Board », IPSASB). Les activités de la TFHPSA sont assurées par deux groupes de travail. 2. Le premier (WG I), dirigé par l’IPSASB, traite principalement des questions d’harmonisation entre les normes comptables internationales du secteur public (IPSAS) 4 et le Manuel de statistiques de finances publiques du FMI de 2001 (MSFP 2001), tenant aussi compte dans la mesure du possible de l’harmonisation avec le Système de comptabilité nationale de 1993 (SNC 93), le Système européen des comptes de 1995 (SEC 95) ainsi que le Manuel SEC95 pour le déficit public et la dette publique d’Eurostat. Élaborées par l’IPSASB, les IPSAS comprennent des normes comptables qui sont issues de l’adaptation des Normes internationales d’information financière (IFRS)5 dans la mesure où elles sont adaptables aux entités du secteur public, ainsi que des IPSASs qui tiennent compte des caractéristiques du secteur public. Les IPSAS ne sont pas nécessairement utilisées par une majorité d’administrations et entités publiques de pays, encore que l’Union Européenne (UE), l’OCDE, l’OTAN et IFAC les aient adoptées et qu’un haut comité de l’ONU ait recommandé qu’elles soient adoptées par les agences de l’ONU. De plus en plus, ces normes offrent des points de repère en matière de meilleures pratiques internationales et servent de base aux pays pour développer leurs propres normes comptables. Plusieurs entreprises dans plusieurs pays utilisent les IFRs (adoptées par l’UE pour les entreprises cotées), qui servent aussi de base pour établir des exigences nationales en comptabilité. L’intérêt des IFRS pour l’information statistique est d’autant plus évident que les directives statistiques récemment élaborées ou en cours d’élaboration y font de plus en plus référence (par exemple, Compilation Guide on Financial Soundness Indicators, à paraître prochainement en français sous le titre Guide pour l’établissement des indicateurs de solidité financière, et Guide to the Monetary and Financial Statistics). 3. Le second groupe de travail (WG II), dirigé par l’OCDE, se centre sur des problèmes liés aux statistiques de finances publiques, en développant l’harmonisation entre les systèmes MSFP 2001, le SNC 93 et le SEC 95 ainsi que le Manuel SEC95 pour le déficit public et la dette publique. 1 Lucie Laliberté remercie Paul Sutcliffe et Jean-Pierre Dupuis (dirigeants respectifs des WG I et II de la TFHPSA), Rob Edwards, Keith Dublin et Sagé deClerk pour leurs suggestions, et assume la responsabilité des erreurs. Les vues exprimées dans ce document sont celles de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celles du Fonds Monétaire International, ni des politiques de cette organisation. 2 A la date de janvier 2006, les travaux du groupe n’étaient pas totalement achevés. 3 Les deux systèmes ont chacun leurs propres objectifs et unités de base, et leurs traitements de certaines transactions et évènements diffèrent. Cependant, plusieurs de leurs spécifications d’enregistrement et de mesure sont similaires, ainsi que les transactions qui y sont traitées. Les objectifs étant différents, une harmonisation complète n’est pas nécessairement appropriée. La TFHPSA se veut d’assurer que les divergences soient fondées, et de promouvoir l’harmonisation dans la mesure du possible et lorsque approprié. 4 Telles qu’incluent dans le Manuel sur les Normes comptables internationales pour le secteur public, New York, émis par la Fédération internationale des comptables (IFAC). Le Manuel est produit à tous les ans par le IFAC. L’abréviation anglaise IPSAS est utilisée dans le présent rapport pour référer à ces normes. 5 Élaborées par le Conseil international de normalisation comptable (IASB).

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4. La TFHPSA s’est réunie cinq fois entre octobre 2003 et septembre 2005; et la prochaine réunion est programmée pour mars 2006 (les ordres du jour, procès verbaux, documents et listes des participants sont affichés sur le site http://www.imf.org/external/np/sta/tfhpsa/index.htm ). 5. Le présent document passe d’abord en revue certains des progrès accomplis par la TFHPSA vers une harmonisation accrue des systèmes comptable et statistique. Il examine ensuite d’autres domaines où une plus grande harmonisation serait souhaitable. Enfin, la dernière section récapitule les conclusions et se penche sur l’avenir. L’annexe 1 rappelle les tendances qui poussent au rapprochement des concepts à la base des systèmes statistiques et comptables.

2. Les progrès de la TFHPSA vers un rapprochement des systèmes statistiques et comptables

6. La TFHPSA a accompli des progrès considérables vers l’harmonisation des systèmes comptables et statistiques dans la mesure du possible, y compris dans six grands domaines : (A) la définition et la documentation des différences entre les deux systèmes; (B) la recommandation d’une norme comptable de présentation d’information financière de l’unité statistique de base « administration publique »; (C) la définition, en matière statistique, de la notion de contrôle analogue à celle des normes comptables; (D) la reconnaissance de certains types de garanties dans les normes statistiques; (E) une plus grande harmonisation du traitement des impôts dans les deux systèmes; (F) la mise en valeur, en matière statistique, d’une unité déclarante du secteur public quasiment équivalente à l’unité déclarante existant dans le domaine comptable. Ces domaines sont élaborés dans les parties qui suivent.

2.1 Une vaste documentation sur les IPSAS et les directives de statistiques des administrations publiques

7. Le WGI a eu pour principale tâche de rassembler de manière systématique les énormes quantités d’informations contenues dans les systèmes statistiques et comptables afin de pouvoir les comparer. Ce travail a été couronné de succès et ses résultats ont été publiés par l’IPSASB dans le rapport d’étude intitulé International Public Sector Accounting Standards (IPSAS) and Statistical Bases of Financial Reporting: An Analysis of Differences and Recommendations for Convergence6. 8. Ce rapport contient notamment une vaste matrice qui recense les différences dans le traitement d’éléments clés entre les IPSASs (et les IFRs dans les cas non traités par les IPSASs) et les bases statistiques selon les directives du MSFP 2001 (et du SEC95/Manuel sur le déficit et la dette publique/SCN 93 dans la mesure du possible) au mois de juin 2004. La matrice regroupe sous 10 catégories les étapes qui retracent le processus de décision intervenant dans l’élaboration des états financiers pour une entité (voir Annexe 2). Sont définis tout d’abord l’identification des limites de l’entité (catégorie 1); les décisions relatives à la définition, l’enregistrement et la mesure des éléments des états financiers (catégories 2, 3, 4, 5 et 6); et la présentation des états financiers et le traitement de questions spécifiques (catégories 7 et 8). Les deux dernières catégories identifient la terminologie, les définitions et les concepts fondamentaux (catégorie 9) et les questions qui ont été examinées et qui ne posent ou ne devraient pas poser de différences. Le rapport contient des recommandations pour promouvoir la convergence, de même que, le cas échéant, des références à d’autres catégories ou groupes d’études concernés par le thème. Ces recommandations sont prévues comme plan à long-terme comme le reconnaît d’ailleurs le rapport : «À l’évidence, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que tous les groupes désignés ci-dessus soient en mesure d’apporter tous les changements recommandés à leur dispositif d’information financière dans le court ou le moyen terme. Comme nous l’avons déjà signalé, nombreux sont les groupes dont la charge de travail est déjà extrêmement lourde. Autrement dit, ces recommandations constituent une feuille de route et un programme à l’appui de la convergence à long terme». (Rapport d’étude, p. 21)

6 Voir http://www.ifac.org/Store/Details.tmpl?SID=110719768348077 Robert Keys (Australian Accounting Standard Board), Betty Gruber (FMI) et Paul Sutcliffe (PSC).

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2.2 Établissement d’un projet de norme comptable pour le secteur des administrations publiques

9. Un autre accomplissement du WG I a trait à l’unité déclarante (terminologie IPSAS) ou le secteur (terminologie statistique). La définition de l’unité déclarante/secteur est cruciale en statistique et en comptabilité parce que les états financiers/statistiques enregistrent (comptabilisent) les activités économiques de cette entité. Cependant, l’entité n’est pas toujours la même en statistique et en comptabilité reflétant une différence de critères dans l’identification l’entité. 10. Pour les directives statistiques, l’unité déclarante est définie par secteur. Chaque secteur comprend une unité institutionnelle ou un groupe d’unités institutionnelles. Une unité institutionnelle est une entité (économique) résidente qui est capable, de son propre chef, de posséder des actifs, de prendre des engagements, de s’engager dans des activités économiques et de réaliser des opérations avec d’autres entités, et qui établit ou pourrait établir un ensemble complet de comptes (SCN 1993, paragraphe 4.2). La résidence est fonction de l’économie ou territoire, où un gouvernement national est souverain et établit les lois qui régissent les activités économiques. La définition des secteurs résidents (groupes d’unités institutionnelles) repose sur leurs fonctions, comportements et objectifs principaux. Dans les comptes nationaux, cinq secteurs mutuellement exclusifs sont définis : administrations publiques, sociétés non financières, sociétés financières, institutions sans but lucratif au service des ménages, et ménages. 11. Pour les normes comptables, l’unité déclarante pour laquelle les états financiers sont présentés est une entité individuelle ou une entité économique (groupe d’entités composé d’une entité contrôlante et toutes les entités contrôlées). La notion de contrôle est essentielle lorsqu’il s’agit de déterminer l’unité, et donc les activités économiques et les ressources qui sont comptabilisées dans les états financiers de cette unité. Par exemple, dans les normes IPSAS, le secteur public (« whole of government ») englobe dans l’administration publique, c’est-à-dire comprend les activités économiques entièrement consolidées de l’administration publique pour chaque niveau de l’administration (administration centrale, États fédérés, administrations de territoires ou collectivités locales) et des entités que l’administration contrôle. Les entités contrôlées incluent les entreprises publiques7. Les activités économiques des unités contrôlantes sont entièrement consolidées avec celles des unités contrôlées dans la présentation des états comptables. De plus, les normes comptables prévoient soit la consolidation proportionnelle, soit la méthode de la mise en équivalence pour la plupart des entités conjointement contrôlées. 12. Le secteur des «administrations publiques» du système statistique est donc un sous-ensemble de l’entité publique des normes comptables. Conscient de la nécessité d’établir pour les fins statistiques une entité déclarante « administration publique », l’IPSASB a rédigé l’Exposure Draft 28 — Publication d’informations financières à propos du secteur de l’ensemble des administrations publiques. Il s’agit d’établir une IPSAS qui permet ou encourage la publication d’informations financières sur le secteur des administrations publiques tel qu’il est défini dans les bases statistiques dans le contexte des états financiers du secteur public préparés selon les normes IPSAS, et de spécifier les règles à suivre par une administration qui choisit de publier ces informations.

2.3 Définition harmonisée du contrôle

13. Les deux systèmes utilisent la notion de contrôle, mais définissent et appliquent cette notion à des fins différentes. Le système comptable utilise le contrôle pour définir ce qui comprend l’entité pour laquelle les états financiers sont présentés tandis que les normes statistiques utilisent la notion de responsabilité juridique, c’est-à-dire le fait de détenir, de manière juridiquement indépendante, des actifs et des passifs. Elles donnent la préférence aux unités («centres de décision autonomes») qui détiennent juridiquement des actifs et des passifs

7 Une entreprise publique est définie dans les IPSASs comme une entité qui 1) est habilitée à s’engager par contrat en son nom propre; 2) s’est vu attribuer l’autonomie financière et opérationnelle nécessaire pour exercer une activité; 3) dans le cadre normal de son activité, vend des biens et des services à d’autres entités moyennant bénéfice ou recouvrement total des coûts; 4) ne dépend pas d’un financement public permanent pour être en situation de continuité d’activité (à l’exception d’achats de sa production selon des conditions de concurrence normale), et 5) est contrôlée par une entité du secteur public. Cette définition semble correspondre plus ou moins à celle des sociétés publiques dans les directives statistiques, quoique «prix économiquement significatifs» (sociétés publiques) n’équivaut pas nécessairement à «moyennant bénéfice» (entreprise publique).

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par rapport à d’autres unités, «parce que (cela) permet de mieux organiser la collecte et la présentation des statistiques, même si, dans certains cas, son utilité est limitée» (SCN 1993, paragraphe 2.19). 14. Par ailleurs, les directives statistiques reconnaissent que les unités contrôlées par d’autres unités n’ont peut-être pas une autonomie de décision pour tous les aspects de la vie économique. En fait, elles utilisent les mêmes expressions que les normes comptables pour caractériser ces relations, définissant les filiales comme des entités contrôlées par une autre société (avec, en général, une participation au capital de 50 % ou plus, ou le droit de nommer/démettre une majorité des administrateurs) et les entités associées comme des entités influencées par une autre société (avec, en général, une participation au capital de 10 à 50 %) (1993 SNC, par. 4.32 and 4.34). Enfin, dans les cas où le contrôle est partagé conjointement, le système statistique ne permet pas de partager le contrôle et exige qu’une décision soit prise au titre de la majorité contrôlante, l’environnement comptable, cependant, permet dans de tels cas de comptabiliser ces unités selon la consolidation proportionnelle. 15. Les normes comptables définissent le contrôle d’une entité comme « le pouvoir de diriger les politiques financières et opérationnelles d’une autre entité afin d’obtenir des avantages de ses activités »8 Cependant, l’IPSAS explique aussi que: « savoir si une entité contrôle une autre entité pour les besoins de l’information financière est une affaire de jugement prenant en compte la notion du contrôle définie dans la présente Norme et des circonstances particulières à chaque cas. La définition inclut deux éléments : le pouvoir (de diriger les politiques financières et opérationnelles d’une autre entité) » et les bénéfices (des activités de l’autre entité) (IPSAS 6, paragraphe 26). 16. Si l’objectif de l’utilisation du «contrôle» reste spécifique à chaque système, la TFHPSA propose que les statisticiens se fondent dorénavant sur l’approche plus systématique de la définition du contrôle dans les IPSAS. Cela s’applique aux unités qui sont des unités institutionnelles en tant que telles, mais qui sont contrôlées par l’administration publique, c’est-à-dire les entreprises publiques et les institutions à but non lucratif9. Lié de façon étroite à ce dossier est le travail que la TFHPSA a aussi mené sur la définition des entités créées ad hoc (en anglais, Special Purposes Entities) ainsi que des agences de restructuration mises en place par l’administration publique.

2.4 Garanties

17. Tant dans le système comptable que dans le système statistique, une garantie financière est un droit contractuel pour le prêteur de recevoir de la trésorerie du garant, et une obligation contractuelle correspondante pour le garant de payer le prêteur, en cas de défaillance de l’emprunteur. Par ailleurs, lorsqu’une entité donne des garanties en échange d’une redevance, les deux systèmes comptabilisent des produits/dépenses10. 18. Cependant, les deux systèmes traitent le passif lié à la garantie de manière différente. Sauf pour ce qui est de garanties qui sont négociables et qui ont donc un prix (e.g., instruments financiers dérivés),11 le système statistique ne comptabilise pas la garantie lorsqu’elle est accordée, et ne la comptabilise qu’à la condition qu’un événement obligatoire survienne et active la garantie. En fait, c’est parce qu’elles sont perçues comme des actifs conditionnels que les normes statistiques ne comptabilisent pas les garanties. Plus particulièrement, « les garanties de paiement par des tiers sont des actifs conditionnels puisque le paiement n’est requis qu’en cas de défaut de paiement de la part du principal débiteur » (SCN 1993, paragraphe 11.25), car le prêteur ne peut exercer son droit et le garant ne doit s’exécuter que dans l’éventualité d’un futur défaut de paiement de l’emprunteur. 19. Dans les IPSAS, les provisions sont définies comme des engagements dont l’échéance et les montants sont incertains et qui répondent à certains critères (IPSAS 19, par. 18 et 22). Le système comptable distingue les provisions12, qu’il comptabilise comme engagements dans les états financiers et les éventualités, qu’il ne comptabilise pas. Il en résulte donc que les garanties qui satisfont aux critères de «provisions» sont

8 Les directives pour l’application de cette définition se retrouvent dans l’IPSAS 6 Etats financiers consolidés et comptabilisation des entités contrôlées. 9 Voir Government/Public Sector/Private Sector Delineation Issues, http://unstats.un.org/unsd/nationalaccount/aeg.htm. et aussi “units”at http://unstats.un.org/unsd/nationalaccount/aeg.htm 10IPSAS 9, Produits des opérations avec contrepartie directe et appel à commentaires «Revenue from Non-Exchange Transactions», New York, janvier 2004. «Les commissions relatives aux actifs conditionnels sont traitées comme paiements de services» (SCN 1993, paragraphe 11.26). 11 1993 SCN, par. 11.8 - 12 IPSAS 19 Provisions, passifs éventuels et actifs éventuels. Ne sont pas traités ici l’amortissement, la dépréciation d’actifs et les créances douteuses, qui sont des ajustements d’actifs existants.

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comptabilisées. Ainsi, les garanties financières qui satisfont aux trois conditions suivantes de provisions13 sont comptabilisées dans le système comptable : • une entité a une obligation actuelle (juridique ou implicite) résultant d’un événement passé (le fait générateur d’obligation) ; • il est probable qu’une sortie de ressources représentatives d’avantages économiques sera nécessaire pour régler l’obligation ; • le montant de l’obligation peut être estimé de manière fiable. 20. Le système comptable ne comptabilise pas les engagements/actifs éventuels car l’existence d’une obligation actuelle ne sera confirmée que par la survenance (ou non) d’un ou plusieurs événements futurs incertains qui ne sont pas totalement sous le contrôle de l’entité ou parce qu’il n’est pas probable qu’il y ait une sortie de ressources ou que le montant ne peut être estimé de manière fiable. 21. Si les directives statistiques considèrent aujourd’hui les garanties comme des passifs éventuels, la TFHPSA propose que certains types de garanties financières, à savoir les garanties normalisées, contrairement aux garanties ad hoc, soient comptabilisées dans le système statistique sous le compte « réserves techniques d’assurance », et que les montants enregistrés au bilan des unités de l’administration reflètent la probabilité que les garanties seront exercées. Il s’agit d’une mesure importante en vue de rapprocher les deux systèmes.

2.5 Traitement des impôts et crédits d’impôts

22. La TFHPSA a présenté des propositions14 pour clarifier et améliorer le SCN 1993 en ce qui concerne la comptabilisation des impôts. Elle a aussi formulé et proposé d’introduire des directives sur les crédits d’impôts, une question qui n’est pas abordée dans le SCN 1993. 23. Trois parties y sont présentées : 1. définition desimpôts : ceci comprend la couverture des impôts ainsi que le traitement des cas limites, comme la fourniture de services traités comme ventes de services et non comme impôts; 2. l’enregistrement des impôts sur la base des droits et obligations, couvrant tant le moment de l’enregistrement que les montants à comptabiliser. Le document présente trois méthodes d’enregistrement qui seraient acceptables sur la base des droits et obligations : la méthode de la caisse ajustée (ou caisse transactionnalisée), où les montants encaissés sont attribués à la période de l’activité économique sous-jacente ; la méthode du coefficient (un enregistrement net des impôts, utilisant un coefficient pour effectuer l’ajustement) et la méthode du transfert en capital (enregistrement brut des impôts avec un ajustement au compte de capital); 3. l’enregistrement des crédits d’impôt, particulièrement le cas controversé des crédits d’impôt payables (cas où une partie du crédit d’impôt fait l’objet d’un versement effectif au bénéficiaire). La partie payable du crédit doit être enregistrée comme une dépense de l’administration publique. Dans les cas, cependant, où les crédits d’impôt ont le caractère de prestations sociales, ils doivent être inscrits en totalité en dépenses des administrations, car ils servent en de tels cas à des substituts de revenus que l’administration alloue par le biais des crédits d’impôt. Le document présente douze recommandations pour fins de mise à jour du SCN : trois au titre de la définition et couverture d’impôts, quatre de la mise en œuvre du principe d’enregistrement d’exercice, et cinq de l’enregistrement des crédits d’impôt. 24. Les discussions qui ont mené à ces recommandations ont eu lieu en même temps que celles qui se déroulaient sur une proposition d’Exposure Draft de l’IPSASB Revenue from Non-Exchange Transactions (including Taxes and Transfers)15 . De ce fait, les recommandations visent à harmoniser autant que possible l’enregistrement de ces opérations avec les propositions de cet Exposure Draft.

2.6 Chapitre sur l’administration publique et le secteur public

25. Dans les directives statistiques, l’administration publique et les entreprises contrôlées par l’administration publique sont généralement présentées dans des secteurs différents. De plus, certaines institutions à but non lucratif, contrôlées et principalement financées par l’administration (SCN 1993, par. 4.62) sont comprises dans le secteur des administrations publiques. L’administration est exposée aux risques et aux bénéfices qui émanent de ces entités et la TFHPSA propose que, dans sa version révisée, le SCN contienne un chapitre consacré au secteur

13 IPSAS 19 Provisions, passifs éventuels et actifs éventuels, par. 22 14 Voir Tax Revenue and Tax Credits, http://unstats.un.org/unsd/nationalaccount/AEG/papers/m3Taxes.pdf. 15 Il est prévu que cet ED sera émis vers la fin janvier 2006.

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des administrations publiques et au secteur public 16 afin de mettre en évidence l’administration et ses relations particulières avec les entreprises publiques, ainsi qu’avec les institutions à but non lucratif qui font partie du secteur des administrations publiques. 26. Ce chapitre mettra l’accent sur le secteur public dans les directives statistiques et ouvrira ainsi la voie à la poursuite de l’harmonisation avec l’entité déclarante «entité publique» (« whole of government ») dans les normes comptables, qui est un équivalent proche du secteur public dans les directives statistiques. Une différence entre les deux systèmes au titre du secteur public est le traitement des unités non résidentes détenues par l’administration publique. Dans la mesure où ces unités sont contrôlées, elles doivent être totalement consolidées dans l’entité déclarante dans les normes comptables et le sont selon la méthode « equity » ou de mise en équivalence dans les directives statistiques. Pour ce qui est des autres entités non résidentes détenues par l’administration publique mais pas contrôlées, les revenus sont comptabilisés selon la méthode des dividendes déclarés dans les deux systèmes.

3. Domaine où l’harmonisation doit se poursuivre

3.1 États présentant la performance financière

27. Les deux systèmes comptabilisent la création, la transformation, l’échange, le transfert et l’extinction des actifs sont enregistrés comme flux. Les encours d’actifs sont le résultat des flux et, dans le même temps, les flux expliquent les variations des actifs figurant au bilan entre deux périodes. Il existe deux différences entre les deux systèmes. Premièrement, dans la mesure où les activités économiques comptabilisées par chaque système sont différentes, les flux qui prétendent rendre compte de ces activités le sont donc aussi. Deuxièmement, les directives statistiques établissent une distinction claire entre les flux qui émanent des « opérations » et ceux qui proviennent d’« autres changements », les définissent de façon complète, et les présentent séparément dans des états statistiques distincts. Les normes comptables ne font pas nécessairement cette distinction dans les états financiers, bien qu’elles distinguent les transactions des autres événements. 3.1.1 Flux

28. En statistique, les flux sont composés des opérations (ou transactions) et des autres changements. Une opération (voir encadré) implique une interaction entre des unités institutionnelles agissant en accord réciproque et, dans une moindre mesure, une action se déroulant au sein d’une unité institutionnelle qu’il est utile de traiter comme une opération, souvent parce que l’unité en question agit à deux titres différents (SCN 1993, paragraphe 3.12). Les autres changements sont de deux types : «réévaluations» et «autres changements de volume».

Encadré 1. Types d’opérations

Description Unités impliquées

Évaluation Exemples

1. Observable en termes de valeur

2 Opérations monétaires Achat de biens ou services

2. Observable mais pas immédiatement évalué

2 Une valeur est attribuée en termes monétaires

Troc de biens, services d’éducation fournis gratuitement par l’État

3. Physiquement observable

1 Une valeur est attribuée en termes monétaires

Compte propre, par exemple consommation de capital fixe

29. Les normes comptables comptabilisent aussi les opérations et, de plus en plus, d’autres événements. Dans le passé, à quelques exceptions près, les entités du secteur public utilisaient la comptabilité de caisse et, de ce fait, les états financiers ne comptabilisaient que les changements de valeur résultant d’opérations de caisse avec d’autres unités. Cela est en train de changer. Premièrement, le secteur public adopte de plus en plus la méthode des droits et obligations. Deuxièmement, les normes comptables utilisent de plus en plus la juste valeur (« fair value ») et autre valeur courante comparativement à la méthode fondée sur le coût historique; cette dernière méthode était très souvent utilisée dans le passé par les entreprises du secteur privé qui adoptent maintenant la 16 Voir The General Government and Public Sectors, http://unstats.un.org/unsd/nationalaccount/AEG/papers/m3delineationOutline.pdf.

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base des droits et obligations. L’usage croissant de la juste valeur pour certains actifs et non pour d’autres a amené à questionner le rôle du compte de résultat et du message qu’il porte. 3.1.2 Présentation des flux

30. Pour ce qui est de l’information fournie dans les états, une différence majeure17 entre les deux systèmes tient au fait que les normes statistiques distinguent dans des rapports séparés les opérations des autres changements, alors qu’en comptabilité, le compte de résultat englobe à la fois les opérations et les autres événements comptabilisés selon les normes comptables. 31. Les produits et les charges qui sont enregistrés au compte de résultat proviennent d’activités ordinaires opérationnelles (qui font partie des activités de prestation de services ou des activités de transaction, y compris les activités qui en sont le prolongement ou l’auxiliaire) ainsi que les éléments extraordinaires (événements ou opérations qui ne devraient pas se produire fréquemment ni régulièrement et qui échappent au contrôle et à l’influence de l’entité) (IPSAS, par. 101). Certains événements qui donnent lieu à des produits/charges sont enregistrés dans l’actif net/situation nette (par exemple, les écarts de réévaluation des immobilisations corporelles, et les profits ou pertes résultant de la conversion des états financiers d’une entité étrangère). D’autres événements qui ne sont pas enregistrés dans les états comptables sont parfois repris dans les notes accompagnant les états financiers18. 32. Le WG I recommande que l’état financier « performance financière » soit développé en plus grande profondeur en comptabilité afin de distinguer plus clairement produits et des charges qui émanent des transactions de ceux qui proviennent d’évènements comme l’augmentation des prix. Une telle présentation donnerait un compte de résultat détaillé en deux colonnes : l’une qui distinguerait entre les produits et les charges autres que les «réévaluations» et l’autre qui serait composée des réévaluations. Il inclurait donc les variations de l’actif net/situation nette résultant d’opérations et d’autres événements non liés aux propriétaires. Le concept global de produit faciliterait l’intégration des ajustements de valeur (par exemple, les opérations en monnaies étrangères) et d’autres événements économiques (par exemple, une restructuration). Il offrirait une plus grande souplesse pour distinguer les opérations de financement et de la réévaluation des comptes. Enfin, et c’est important, cette présentation reflèterait étroitement les concepts utilisés dans les directives statistiques. 33. L’IASB a fait du progrès dans le projet d’état financier « performance financière ». L’IPSASB a suivi ce déroulement avec l’intention de développer un tel projet pour le secteur public, les ressources le permettant. Si ces projets sont mis en application, ils permettront de rapprocher les deux systèmes.

3.2 Revenu d’investissements en participation financière enregistré sur la base des de la mise en équivalence.

34. Selon les directives statistiques, toutes les prises de participation financière dans les autres secteurs sont enregistrées au bilan à la valeur de marché ou à une valeur équivalente ; le produit (revenu) de ces investissements est comptabilisé sur la base des dividendes déclarés déboursés, sauf dans le cas des investissements directs étrangers. Ces derniers, du fait que la participation confère une influence significative dans la gestion de l'entité non résidente dans laquelle l'investissement est effectué, sont enregistrés selon la méthode de la mise en équivalence19.

17 Comme noté plus haut, d’autres différences existent, y compris les opérations internes, alors que la transformation au sein de l’unité n’est pas comptabilisée dans le compte de résultat. Ces différences ne sont pas traitées ici et nous renvoyons le lecteur à l’appendice 3 du Manuel de statistiques de finances publiques 2001 pour plus d’information sur le compte courant et le compte de résultat. 18Le SCN 1993 prévoit quelques postes pour mémoire (biens de consommation durables et investissements directs étrangers, paragraphe 13.84); des renseignements supplémentaires (pour les actifs éventuels, paragraphe 11.26) et des comptes satellites (pour étendre les capacités d’analyse offertes par la comptabilité nationale, paragraphe 21.4). Lors de la révision de la 5ème édition du Manuel de la balance des paiements du FMI, Washington, D.C., 1993, les postes pour mémoire seront considérés comme faisant partie des composantes types, alors que les renseignements supplémentaires seront traités comme des options à envisager. 19 «Le fait de conserver en son sein tout ou partie des bénéfices d'une entreprise d'investissements directs étrangers peut être considéré comme une décision délibérée d'investissement prise par les propriétaires étrangers. En conséquence, les bénéfices non distribués sont réorientés dans le Système en les présentant, dans un premier temps, comme étant versés aux propriétaires étrangers comme des revenus de la propriété, et ensuite réinvestis dans le capital de l'entreprise d'investissement direct» (SCN 1993, paragraphe 3.27). Il convient de noter que la réorientation est une «réorganisation» des transactions, par opposition à une «imputation». L’imputation s’applique à des transactions internes (par exemple la consommation propre ou

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35. D'après les normes comptables, par contre, ce sont les classes d'actifs financiers qui déterminent la méthode d'évaluation utilisée et le traitement des produits20 suivant que l'investissement confère un contrôle, un contrôle partagé (conjointement), une influence significative ou simplement un investissement qui ne donne ni le contrôle ni une influence significative. 36. Le TFHPSA propose que les produits soient comptabilisés selon la méthode de la mise en équivalence pour les unités institutionnelles liées qui appartiennent à des secteurs différents et dont la liaison confère une influence significative. Le TFHPSA fait valoir que les unités qui opèrent dans des secteurs différents et qui sont liées ont des comportements économiques différents de celui des entités non liées. Cela est particulièrement important lorsqu’il existe un rapport avec le secteur public :

« La comptabilisation du produit sur la base des distributions reçues peut ne pas constituer une évaluation adéquate du produit revenant à un détenteur du fait de sa participation dans une entité associée, parce que les distributions reçues peuvent n’avoir que peu de rapport avec la performance de l’entité associée. En particulier, lorsque l’entité associée poursuit un but non lucratif, la performance de la participation sera déterminée par des facteurs tels que le coût des produits et la livraison globale des services. Comme le détenteur exerce une influence notable sur l’entité associée, il a une part de responsabilité dans la performance de l’entité associée et, en conséquence, dans la rentabilité de sa participation. Le détenteur prend en compte les conséquences de cette responsabilité en élargissant le périmètre de ses états financiers consolidés en y incluant sa quote-part du solde net de cette entité associée et fournit ainsi une analyse des bénéfices et de l’investissement à partir desquels il est possible de calculer des ratios plus utiles. De ce fait, l’application de la méthode de la mise en équivalence offre une meilleure information sur l’actif net/la situation nette et le solde net du détenteur » (IPSAS, page 202).

3.3 Provisions et actifs contingents

37. Les deux systèmes comptabilisent les flux même s’ils en donnent des définitions différentes. Comme on l’a vu à la section II plus haut, plusieurs provisions qui sont comptabilisées dans le système comptable sont vus dans le système statistique comme des actifs conditionnels. Les deux systèmes excluent les actifs conditionnels et les engagements conditionnels, ces actifs étant par contre définis quelque peu différemment dans les deux systèmes. La partie ci-après traite de la notion d’actifs conditionnels/contingents dans les deux systèmes avec l’intention de poursuivre la proposition de François Lequiller (voir « The treatment of provisions in national accounts ») 21 pour que le SCN comptabilise « les provisions et cantonnement des actifs qui sont comptabilisés dans le système comptable d’affaires ». 38. Selon le SCN 1993, «les actifs et passifs contingents (dits aussi "conditionnels") ne sont considérés comme financiers que si les créances ou engagements n'imposent aucune obligation particulière aux deux parties et/ou si l'objet concerné a une valeur observable du fait qu'il peut être négocié » (SCN 1993, paragraphe 13.22). Cependant le système reconnaît qu’il peut y avoir des cas limités. Premièrement, il reconnaît que certains arrangements financiers conditionnels peuvent être comptabilisés du fait que « les arrangements eux-mêmes ont une valeur car ils sont négociables » (SCN 1993, paragraphe 11.28). Deuxièmement, le système reconnaît les cas où les engagements sont comptabilisés sans qu’il n’y ait eu de fonds échangés, donnant en exemple le cas des acceptations bancaires (SCN 1993, paragraphe 11.27). Troisièmement, le système indique : « Les méthodes servant à déterminer les instruments sont considérés comme des actifs effectifs à inscrire dans les comptes de patrimoine varient d’un pays à l’autre… Il faudra appliquer cette recommandation avec souplesse pour tenir compte des pratiques nationales et de la diversité de ces instruments. » SCN 1993, paragraphe 11.27). 39. Le SCN 1993 identifie les externalités comme exemple d’actifs conditionnels. Par externalités, on entend certaines actions économiques d’unités institutionnelles, qui ont pour effet de changer la situation ou les conditions d’existence d’autres unités sans le consentement de ces dernières (SCN 1993, paragraphe 3.51).

la formation de capital) ; dans ce cas, les valeurs sont imputées, même si les biens et les services eux-mêmes ne le sont pas (SCN 1993, paragraphe 1.73). 20 IPSAS 7 : Comptabilisation des participations dans les entités associées (IAS 27) ; IPSAS 6 : États financiers consolidés et comptabilisation des entités contrôlées ; IPSAS 15 : Instruments financiers : informations à fournir et présentation (IAS 32 et 39). 21 Voir Lequiller Francois, “The treatment of provisions in the national accounts: elements for the review of the SNA” http://www.oecd.org/dataoecd/53/49/33740137.pdf

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« Il faut se demander, cependant, s'il faut assigner des valeurs à ces externalités. Les comptes économiques ont à mesurer des fonctions économiques comme la production ou la consommation dans le cadre d'un système socio-économique et juridique particulier au sein duquel se déterminent des prix et des coûts relatifs. Il peut arriver que certains pays, au moins à un moment de leur histoire, choisissent un cadre législatif permettant à certains producteurs de réduire leurs coûts en polluant en toute impunité. Cela peut, par exemple, être délibérément fait pour promouvoir une industrialisation rapide. La sagesse d'une telle politique peut sembler hautement contestable (…), mais cela ne veut pas dire qu'il ne soit pas approprié ou analytiquement utile pour les comptes économiques d'essayer de corriger des lacunes institutionnelles présumées en attribuant aux producteurs des coûts que la société n'a pas choisis de reconnaître » (SCN 1993, paragraphe 3.52).

40. Tel que noté plus haut, les normes comptables établissent une distinction entre provisions (qui sont comptabilisées dans le système) et passif éventuel (qui n’est pas comptabilisé) (IPSAS 19). 41. Comptabiliser dans le système statistique les provisions comptables pourraient aider, selon les circonstances, à fournir de l’information quantitative sur des problèmes importants qui se posent dans plusieurs domaines : réparation des dommages causés à l’environnement (par exemple, remise en état des mines à ciel ouvert après arrêt des activités d’extraction, élimination des déchets toxiques causés par les activités de production, décontamination du site lorsqu’une centrale nucléaire est mise hors service), actions en justice, expropriation, et auto-assurance. 42. Deux raisons sont évoquées qui favoriseraient une telle inclusion. Premièrement, de plus en plus, les normes comptables distinguent le risque de l’incertitude et enregistrent le risque, car il est mesurable et peut être exprimé en terme de probabilités. En revanche, l’incertitude ne peut être mesurée, car elle dépend d’un trop grand nombre de facteurs inconnus et imprévisibles. Deuxièmement, les droits de propriété évoluent et sont mieux définis, donnant lieu à une responsabilisation des unités par le biais des unités assumant leurs obligations :

« Si les marchés ne permettent pas une répartition efficace des ressources, affirme M. (Ronald) Coase, c’est l’absence de droits de propriété bien définis qu’il faut incriminer. Si les droits de propriété étaient clairement définis, des marchés se développeraient qui assureraient une utilisation efficace des ressources. Par exemple, si les droits d’utilisation d’une rivière étaient clairement fixés, un propriétaire d’usine désireux de polluer la rivière et un pêcheur qui souhaite garder l’eau propre pourraient négocier la quantité de pollution admissible. Si le propriétaire de l’usine détient les droits sur la rivière, le pêcheur pourrait le payer pour qu’il limite sa pollution ; si c’est le pêcheur qui détient les droits, le propriétaire de l’usine pourrait acheter le droit de polluer. On le voit, M. Coase voyait dans le marché des possibilités beaucoup plus larges…»22.

4. Conclusion

43. Les travaux sur la méthodologie statistique à appliquer à la comptabilité nationale ont progressé depuis la quatrième révision du SCN23. Ces travaux ont tenu compte, entre autres, de l’évolution continue des secteurs financiers (on citera par exemple les travaux sur les produits dérivés et les indicateurs de solidité financière) et des développements au niveau institutionnel (par exemple les travaux approfondis de l’Union européenne sur l’application des directives statistiques aux fins de la réglementation – Directive PNB et critères de convergence). 44. Les activités de recherche se sont intensifiées dans le cadre de la cinquième révision du système de comptabilité nationale prévue pour 200824, plusieurs enceintes ayant été créées pour traiter certains aspects particuliers de cette révision, y compris la TFHPSA. 45. À cet égard, la TFHPSA a entrepris une bonne partie de son programme de travail en reconnaissant que, dans les dernières années, les développements en normes comptables et directives statistiques ont ouvert le champ vers une convergence de ces deux systèmes. Ainsi, les normes comptables du secteur privé sont devenues internationales, et les normes comptables adoptent progressivement la juste valeur. De plus, le IPSAB a développé pour le secteur public des normes comptables (qui convergent vers les normes du secteur privé

22 Backhouse Roger, The ordinary business of life, page 283 23 On trouvera un tour d’horizon de ces travaux dans «La comptabilité nationale face aux transformations de la finance et de la comptabilité», d’André Vanoli, Revue d’économie financière, Association d’économie financière, Paris, automne 2004. 24 Veuillez référer à “Towards SNA 1993 REV 1” http://unstats.un.org/unsd/nationalaccount/snarev1.asp

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lorsque applicables, mais qui sont spécifiques au secteur public dans les autres cas). Ces développements reconnaissent que, malgré les différences dans l’environnement institutionnel et opérationnel des entités du secteur public et du secteur privé, ces deux secteurs ont beaucoup en commun. La TFHPA favorise l’approche du IPSASB d’encourager une convergence des IPSASs et IFRs plutôt que d’introduire des différences. Cette convergence facilite la tâche de ceux qui préparent ainsi que ceux qui utilisent les états statistiques et financiers des entités du secteur privé et public. De plus, la TFHPSA appuie le projet de mettre à jour les IPSASs qui traitent des ajustements de périodes précédentes de façon à rapprocher les pratiques comptables des directives statistiques (et IFRS). 46. Du côté statistique, le MFSP 2001, le 1993 SCN et le SEC95 ont introduit l’enregistrement des droits et obligations dans le secteur public (avec le Manuel SEC95 sur le Déficit et la dette publique d’Eurostat qui illustre comment une telle comptabilité peut être mise en œuvre). Les développements en finance, en comptabilité et en économie (l’annexe donne le détail) intensifient aussi les tendances vers une harmonisation plus poussée des deux systèmes. Tel que documenté dans le présent document, les efforts de la TFHPSA ont réussi à amenuiser certaines différences entre les deux systèmes bien qu’il y ait encore d’autres domaines à poursuivre. La TFHPSA a aussi œuvré à établir des liens avec les autres groupes travaillant à la mise à jour du SCN 1993 afin d’assurer la cohérence des développements proposés (par exemple, l’engagement sous forme de dette, restructuration de dette, entités à buts spéciaux SPV, etc.). 47. Les efforts vers l’harmonisation devront se poursuivre pour mettre au point des outils d’analyse, de suivi et d’évaluation axés non seulement sur des données comparables entre pays, mais aussi à un niveau de détail qui exigera un lien plus serré entre l’unité micro-économique et les agrégats macro-économiques. Les développements en technologie de l’information peuvent accommoder de telles exigences, notamment pour ce qui a trait aux systèmes de sources de données et au transfert de l’information. En même temps, une responsabilisation accrue s’imposera pour accroître l’efficacité et l’efficience de la production statistique, notamment en limitant la charge qui pèse sur les statisticiens par une harmonisation plus poussée des normes comptables. Ceci peut être réalisé par une harmonisation accrue entre les directives statistiques et les normes comptables qui servent à comptabiliser les données qui sont généralement des sources pour les statistiques. L’élaboration continue de normes comptables internationales… et leur adoption par les organismes publics à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union européenne ouvrent la perspective d’une diminution simultanée de la charge pesant sur les statisticiens et d’une amélioration de la qualité des statistiques25.

25 Tiré de l’exposé de A.H.E.M. Wellink, intitulé «Business Accounting Standards and Statistical Standards», à l’ouverture de la table ronde, Deuxième conférence de la BCE, Francfort, 22-23 avril 2004.

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Annexe 1 : Tendances à la base de l’harmonisation26

1. Plusieurs phénomènes récents ont ouvert la voie vers l’harmonisation des systèmes de données statistiques et comptables, dont l’internationalisation des normes comptables, la tendance à l’évaluation comptable des actifs à leur valeur marchande, les progrès dans la recherche sur les fondamentaux de l’évaluation des actifs, et l’élaboration de cadres économiques analytiques qui relient le macroéconomique et le microéconomique.

Internationalisation des normes comptables

2. Les comptes nationaux sont reconnus de longue date, soit depuis les années 50s, par la société statistique à l’échelle mondiale27. Les normes comptables se sont développées à l’échelle internationale à partir des années 70s. En effet, au début des années 1970 fut créé le Comité international des normes comptable (IASC), remplacé en 2001 par le Conseil international de normalisation comptable (IASB). Les normes comptables internationales (IAS) élaborées par cet organisme, et désormais désignées par l’appellation IFRS, rivalisent avec les normes nationales comme source de normes comptables. Dans le même ordre d’idées, l’IPSASB de la Fédération internationale des comptables a mis au point des normes internationales pour le secteur public (Normes comptables internationales du secteur public (IPSAS). Pouvant être admis comme «principes comptables d’application mondiale» les IFRS/IPSAS offrent un cadre de référence pour l’harmonisation des directives statistiques. 3. De plus, l’apparition d’entreprises multinationales industrielles et financières et l’internationalisation des portefeuilles et des marchés de capitaux ont rendu nécessaire le rapprochement à l’échelle mondiale des normes comptables nationales. En outre, les scandales financiers et institutionnels qui ont secoué le monde des entreprises durant ces dernières années ont également mis en évidence la nécessité d’une plus grande harmonisation dans le domaine comptable. 4. Correspondant à cette plus grande internationalisation des normes comptables nationales, il est maintenant plus facile de dévouer des efforts vers leur harmonisation avec les directives statistiques.

Recours accru à la valeur marchande

5. L’utilisation comptable du coût historique est de plus en plus remise en question du fait que ce coût ne permet pas de rendre compte fidèlement de la véritable situation financière. Les normes comptables tendent de plus en plus à utiliser la valeur marchande ou juste valeur de marché. Cette tendance (juste valeur de marché) donne une vue plus prospective des actifs que l’évaluation traditionnelle (coût historique), qui donne une vue rétrospective des avoirs. L’utilisation de la juste valeur a pour effet de réduire la principale différence conceptuelle avec les systèmes statistiques axés sur la valeur marchande. En comptabilité, la juste valeur de marché, qui dans un premier temps se limitait aux actifs financiers marchands, s’étend selon les circonstances, à certains autres actifs financiers et non financiers.

Recherche sur les fondamentaux de la valeur économique

6. Les intenses travaux de recherche menés durant ces dernières années dans les domaines des finances, de la comptabilité et de l’économie ont permis d’enrichir considérablement la connaissance des fondamentaux qui régissent la valeur, ce qui ouvre des perspectives prometteuses de synergies entre ces trois domaines. 7. Dans le domaine des finances, des études ont notamment porté sur l’impact de l’information comptable sur les marchés financiers, et en particulier sur le modèle d’équilibre des actifs financiers (MEAF) et l’hypothèse du marché efficient. Le MEAF permet d’appréhender la relation entre le prix d’une action et le rendement et les

26 Tiré de Strengthening the Links Between Macroeconomic Statistical Guidelines and Accounting Standards, Lucie Laliberté, Document de travail,, Fonds monétaire international (version amendée présentée à la réunion Groupe de travail intersecrétariats sur la comptabilité nationale, ISWGNA, août 2004), décembre 2004. 27 Les travaux relatifs aux comptes nationaux, officiellement engagés après la Première guerre mondiale avec le National Bureau of Economic Research et Simon Kuznets, se sont considérablement accélérés avec la Deuxième guerre mondiale. «S’inspirant de Keynes, s’engagèrent alors les travaux de comptabilité nationale, qui commencèrent avec Stone et Meade (National Income and Expenditure, 1944) pour aboutir, au terme de quatre révisions laborieuses, au SCN 1993, l’ensemble de règles à appliquer obligatoirement pour calculer la valeur économique dans le monde entier » (Reich, 2001, p. 127).

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risques escomptés (à partir du taux de rendement de l’action, de celui du marché et du coefficient bêta qui renseigne sur le lien entre l’évolution du rendement de l’entreprise et celui du marché). Ces travaux ont été complétés par ceux liés à l’analyse financière où les variables comptables servent à calculer des ratios financiers pour comparer les risques et les rendements des entreprises. 8. Selon l’hypothèse du marché efficient, «un marché est dit efficient si le prix des actifs est le reflet de toute l’information disponible». Cette théorie avait initialement remis en question l’analyse des fondamentaux fondée sur les variables comptables, mais elle a cependant elle-même été remise en cause du fait qu’elle ne parvient pas à expliquer la volatilité caractéristique des marchés boursiers. Cela a eu pour effet de renforcer l’idée selon laquelle la disponibilité d’informations, telles que les données financières, contribue à rendre les marchés efficients. La mise en place au plan international des initiatives liées au programme d’évaluation du secteur financier et aux normes et codes s’inscrit justement dans cette tendance28. 9. En partie sous l’influence des travaux entrepris dans le domaine des finances, la recherche en comptabilité a également évolué durant ces dernières années. Nous pouvons distinguer trois démarches successives29. La première veut, conformément à l’approche comptable classique, que la réalité soit un phénomène donné que les normes comptables s’efforcent d’exprimer. Cette démarche qui, dans une grande mesure, demeure à la base des normes comptables existantes, consiste à élaborer des méthodes comptables correctes à partir d’un ensemble de concepts, principes et objectifs. La deuxième, élaborée par la suite, base la comptabilité sur le marché. Cette démarche met à profit les progrès de la théorie financière qui privilégie la réaction du marché à la diffusion d’informations comptables. Selon la troisième, celle de la théorie comptable, l’environnement de l’entreprise englobe non seulement les marchés financiers, mais aussi d’autres «environnements» tributaires des engagements contractuels de l’entreprise, tels que la rémunération des cadres et les accords d’emprunt conclus avec les créanciers. L’entreprise apparaît dès lors comme un «pôle contractuel». En vertu de cette approche, lorsque la direction d’une entreprise prend des décisions d’allocation des ressources, de rémunération des cadres ou d’autres décisions comparables ou lorsqu’elle choisit les méthodes comptables, elle tient compte des effets liés à l’information financière. 10. Parallèlement à cela, la théorie économique a évolué, en tentant notamment de relier au champ macroéconomique ou de l’y étendre, la notion de valeur, qui relève traditionnellement du domaine microéconomique30. Dans une perspective de comptabilité nationale, on citera comme exemple de travail analytique intégrant le microéconomique et le macroéconomique, la démarche suivie par John Commons, qui voit dans les transactions les unités de base de l’analyse, en se centrant principalement sur l’évolution conjointe des processus économiques et juridiques et sur leurs interactions.

« Commons voit l’activité humaine comme incarnée dans l’idée de transaction... Les transactions mettent en présence des individus mais également, dans l’économie industrielle moderne, des entreprises comme unités en exploitation. L’entreprise en exploitation a une personnalité juridique (elle est dotée d’une existence juridique et de droits) mais elle peut également être perçue comme un processus décisionnel qui organise l’activité de nombreux individus. Comme les participants à ces entreprises en exploitation, chacun animé par ses propres objectifs, évoluent dans le cadre des règles imposées par la loi et celles fixées au sein de l’entreprise, il se manifeste une volonté ou une finalité collective. Les entreprises sont des entités en exploitation, tout comme les administrations publiques .... Ces entités en exploitation continue se caractérisent en général par leurs actifs et leurs passifs, régis par des considérations juridiques, liées à la liberté et aux droits de propriété et, partant, aux notions d’immunité et de risque, qui elles-mêmes évoluent…Il rejette l’idée fallacieuse consistant à attribuer aux collectivités une existence indépendante de celles des individus qui, de par leurs activités, les composent » (p. xvii).

11. Avec le reflux du keynésianisme, durant les années 1970 on assista à un rapprochement entre les différents domaines de l’économie politique et l’économie pure qui s’appuient de plus en plus sur des fondements liés à la théorie du choix rationnel. Du fait de l’importance accordée à la méthodologie individualiste (selon laquelle les théories économiques devraient s’appuyer sur le comportement de l’individu), et selon l’idée que l’individu prend des décisions en réagissant aux prix et aux opportunités, les marchés sont apparus de plus en plus comme des mécanismes de diffusion de l’information dans un monde d’incertitude en constante évolution.

28Voir http://www.imf.org/external/np/fsap/fsap.asp 29 Tiré de The Analysis and Use of Financial Statements, Gerald I. White, Ashwinpaul C. Sondhi, et Dov Fried, deuxième édition, John Wiley and Sons, New York, 1997. 30Reich, 2001.

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« La nouvelle économie fondée sur des hypothèses rationnelles... la modélisation du comportement de l’individu sous l’angle de l’optimisation, en partant de l’hypothèse que l’entreprise souhaite maximiser les bénéfices et que l’individu cherche à maximiser l’utilité..... Cela a eu pour conséquence d’effacer la ligne de démarcation entre la microéconomie, s’intéressant au comportement des entreprises et des ménages, et la macroéconomie, s’intéressant à l’économie dans son ensemble »31.

31 Backhouse Roger, The ordinary business of life, p. 301.

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Annexe 2 : Différences et convergence entre normes statistiques et normes comptables32

1. Contours de l’entité déclarante

Contour, consolidation et comptabilisation des entités contrôlées et communication d’informations dans chaque système.

2. Structure du capital de l’entité déclarante

Présentation (y compris classification) et évaluation de la relation qui existe entre l’entité et ses propriétaires dans chaque système. Cette catégorie comprend les participations minoritaires, les contributions des propriétaires et les distributions en leur faveur.

3. Comptabilisation des actifs non financiers

Principes d’inscription en immobilisations dans chaque système, y compris celle de la R&D, des autres actifs non corporels, de la prospection et de l’évaluation dans les industries extractives, de l’arsenal de défense, et des partenariats public/privé.

4. Contrepartie /symétrie et comptabilisation

Importance dans le système statistique attaché à la contrepartie d’une transaction, et comptabilité adoptée pour enregistrer les actifs/passifs. Sont couverts le provisionnement, les coûts des mises hors service/de rétablissement, la comptabilisation des répercussions fiscales et les stock options pour employés.

5. Calcul des actifs/passifs Calcul de postes particuliers tels que participations dans d’autres unités, stocks, baux, placements immobiliers et instruments financiers. Couvre les actifs non financiers ayant subi une dépréciation, les coûts de transaction, les prêts improductifs, les prêts à faible taux d’intérêt, les stocks, les participations dans des entreprises associées, les parts non cotées, les actifs biologiques, et la prospection, l’évaluation, la mise en valeur et la production dans les industries extractives.

6 Instruments financiers Couvrent la remise et le rééchelonnement de la dette, le désendettement, la titrisation réalisée par des entités ad hoc, la circulation fiduciaire/seigneuriage.

7. Séries temporelles Couvrent les redressements sur exercices antérieurs, les éclaircissements liés aux externalités, le provisionnement, les prestations sociales, les régimes de retraite des salariés, la sécurité et l’assurance sociale et les garanties.

8. États financiers Le contenu et la forme des états financiers produits par les deux systèmes, y compris le format et la présentation de l’état de flux de trésorerie, du bilan et du compte de résultat. Couvrent les primes et décotes de pensions livrées sur titres de créance, les régimes de retraite, les gains et les pertes de détention, les placements immobiliers, les instruments financiers, les actifs cultivés, les autres actifs naturels non acquis ou donnés dont on ne connaissait pas antérieurement l’existence, et ceux dont on connaissait l’existence mais ne pouvaient pas être mesurés, l’amortissement et la perte de valeur d’actifs réévalués, les créances improductives et douteuses, l’excédent de la juste valeur nette d’actifs acquis par rapport à leur coût, les intérêts sur les prestations déterminées, les swaps d’intérêts et les crédits d’impôt.

9 Terminologie et définitions Couvrent la valeur courante, la correction des erreurs/changements d’estimation, impôt, importance, actif net/valeur nette, actifs financiers.

10. Postes dont on a établi ou dont on estime qu’ils ne sont pas ou ne devraient pas créer de différences

Impôts non recouvrables, fonds commerciaux acquis, privatisation, coûts d’emprunt, terrains pour la construction de routes, adhésion à des organisations internationales, actifs non générateurs de trésorerie, coûts de transaction, passifs liés aux baux, enregistrement initial d’actifs non financiers trouvés/découverts, amortissement par opposition à consommation de capital fixe, droits de tirage spéciaux, redressements sur exercices antérieurs, moment de l’enregistrement des recettes.

32 International Public Sector Accounting Standards (IPSAS) and Statistical Bases of Financial Reporting: An Analysis of Differences and Recommendations for Convergence voir http://www.ifac.org/Store/Details.tmpl?SID=110719768348077

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Bibliographie

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LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES ET COMPTABILITÉ NATIONALE : DEUX APPROCHES POUR

MESURER LA SITUATION FINANCIÈRE, L’ACTIVITÉ ET LA PERFORMANCE DE L’ÉTAT

Jean-Paul MILOT Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie

Direction de la réforme budgétaire

Résumé

La loi organique relative aux lois de finances réforme en profondeur la procédure budgétaire. C’est un texte consensuel qui vise plus à fournir des outils pour améliorer le pilotage et la gestion des finances publiques qu’à instituer des règles de gestion macro-économique. Ces outils sont centrés sur la transparence et la mesure de la performance. Une des composantes importantes de cette démarché est la mise en œuvre d’une comptabilité d’exercice. La LOLF ne cherche pas à articuler de manière formelle mesure de la performance et résultat comptable mais vise à les développer en parallèle. La comptabilité doit prendre en compte les spécificités de l’Etat et est conduite à adopter des solutions originales qui l’éloigne de la comptabilité d’entreprise. L’interprétation des données comptables en termes de richesse nette et en terme de résultat peut devenir alors problématique. De même la performance est appréciée par des indicateurs, essentiellement non monétaires (même si certains utilisent des données financières) dans un schéma descriptif fondé sur une répartition des dépenses en missions, programmes et actions, faiblement normalisé. L’accent est plus mis sur la description des politiques et la mesure de leur efficience que sur la production d’indicateurs de gestion agrégés. Le système ne prévoit pas de règles de gestion de la contrainte busgétaire de type règle d’or. Il est fondé sur la responsabilisation des acteurs, ce qui implique à la fois une plus grande liberté de gestion et l’obligation de rendre des comptes à tous les niveaux sur le degré de réalisation des objectifs et l’utilisation des ressouces octroyées. La comptabilité nationale applique le modèle comptable à l’Etat considéré comme une unité institutionnelle. Ce modèle permet de déterminer une valeur nette, censée mesurer la situation financière et des soldes reflétant l’activité et les résultats financiers de cette activité. L’application de règles de partage volume-prix permet en théorie d’appréhender une forme de performance en ouvrant la possibilité de mesurer des volumes de services et une certaine forme de productivité. Cependant ce projet est mené dans un cadre normalisé par des nomenclatures d’activités et des conventions comptables qui sont communes à tous les secteurs et largement inspirées de techniques empruntées aux entreprises. L’avantage de cette approche est de disposer d’un cadre de comparabilité permettant de fournir des éléments d’appréciation sur la situation financière, la gestion et la performance. C’est pourquoi les règles de gestion reconnues en matière de finances publiques sont dérivées de cette approche. Son inconvénient est une faible prise en compte des spécificités de l’Etat qui rend difficile son utilisation à des fins de gestion au niveau des services de base. Les deux approches représentent donc des visions différentes de la gestion de l’Etat tout en recourant à la technique comptable. La LOLF vise plus la gestion au niveau fin mais renonce partiellement à une vision globale synthétique c’est-à-dire à l’internalisation explicite de la contrainte budgétaire. La comptabilité nationale permet cette internalisation par la fixation de critères de déficit et de dette mais reste trop globale pour que ces contraintes puissent être déclinées en fonction des nombreuses spécificités de l’action de l’Etat pesant sur sa gestion.

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1. La comptabilité générale dérivée de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001

Le texte consacre un chapitre entier à la comptabilité et impose, à côté d’une comptabilité budgétaire, une comptabilité générale fondée sur les règles appliquées par les entreprises, sous réserve des spécificités de l’État. Il prévoit également une comptabilité permettant de mesurer les coûts des actions. La LOLF ne cherche pas à articuler de manière formelle mesure de la performance et résultat comptable mais postule que la fourniture d’informations comptables permettra d’améliorer les méthodes de mesure de la performance. La LOLF pose ainsi deux principes fondamentaux pour le développement de cette comptabilité générale. Elle doit être établie en respectant les règles comptables appliquées par les entreprises, sans préciser de quelles règles il s’agit : PCG ou normes internationales. Elle doit tenir compte de l’existence de spécificités de l’Etat sans indiquer non plus en quoi elles consistent. Le premier point soulève une question importante qui a été tranchée en principe en faveur des normes internationales en raison notamment de l’existence d’un processus de convergence du PCG vers les normes internationales. Le second point peut être éclairé par la rédaction de l’article 27 de la loi. Le texte dispose en effet que les comptes de l’État doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière. On reconnaît la formule utilisée pour les entreprises dans le code de commerce avec une très importante exception. Il n’est en effet pas fait référence au résultat. Cette restriction peut donner lieu à de multiples interprétations. Sur le plan comptable les conséquences sont potentiellement importantes en raison du rôle très structurant de l’articulation résultat/variation de la situation financière dans le modèle comptable. Pour tirer les conséquences de ces prescriptions il a été jugé nécessaire de construire un ensemble complet de normes comptables et d’expliquer au cas par cas pourquoi on retenait telles règles appliquées par les entreprises ou au contraire pourquoi on avait éprouvé le besoin de s’en écarter, voire d’en créer de spécifiques pour traiter certaines questions ignorées par les normes construites pour la comptabilité d’entreprise. On peut considérer que la plus grande partie des normes applicables aux entreprises ont été transposées directement. Une extension a été nécessaire pour définir les immobilisations corporelles et incorporelles de l’Etat. La référence au contrôle des bénéfices futurs ne permet pas en effet de comptabiliser certains actifs dont le contrôle entraîne plus de charges que de produits. La définition des actifs a donc été étendue pour intégrer la notion de potentiel de services. Un actif est ainsi une ressource contrôlée qui engendrera des bénéfices dans le futur ou qui représente un potentiel de service nécessaire à l’accomplissement des missions. Enfin des normes particulières ont été élaborées pour comptabiliser les transactions sans contrepartie (impôts, subventions, prestations sociales). Certains de ces développements ont été repris de dispositions existant dans d’autres pays ou d’autres parties du secteur non marchand comme par exemple l’extension de la définition de la notion d’actif. D’autres sont plus originaux et sont liés à l’approche des spécificités évoquées par la loi. La nature des impôts est en effet directement liée à la question de la signification du résultat et à la possibilité de mesurer la situation financière ou la richesse nette.

1.1 Mesurer le résultat et la situation financière

La mesure du résultat d’une période nécessite de définir un principe pertinent de rattachement des charges et des produits pour cette période ou encore (ce qui revient au même en théorie) un principe de rattachement à l’exercice des actifs et des passifs. Ce principe est indispensable pour conférer une signification au résultat. En pratique il consiste à définir les modalités de mise en relation de deux flux déterminés de manière indépendante : les coûts et la valeur de la production, ainsi qu’à définir une approche cohérente et homogène des notions d’actif et de passif. Ces relations entre charges, produits, actifs et passifs sont difficiles à établir dans le cas d’une entité telle que l’Etat. La question peut être abordée en partant soit du bilan soit du compte de résultat, les réponses à apporter sont les mêmes. Partons par exemple du problème de la comptabilisation des impôts. La première question est de savoir quelle est la nature de ces recettes. On a le choix entre trois réponses. La première consiste à dire que les

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impôts sont analogues à un chiffre d’affaires et qu’ils mesurent ainsi « l’activité »33 de l’Etat. La deuxième réponse fait des ces recettes un revenu d’actif incorporel. La troisième en fait une recette sui generis qui n’est reliée ni à une production ni à un actif. 1.1.1 L’application maximaliste du modèle comptable

La première réponse permet d’appliquer facilement le modèle comptable de l’entreprise, elle conduit à rechercher un principe de rattachement des charges, qui mesurent le coût de l’activité de production de l’Etat, aux produits, constitués par les impôts et qui mesurent la valeur de cette production. Cet exercice est réalisable sur le plan formel, mais on voit rapidement qu’il ne correspond pas à la réalité de ce qu’est un impôt. Ces derniers sont généralement définis comme des prestations pécuniaires requises des particuliers et des personnes morales par voie d’autorité, à titre définitif et sans contrepartie directe équivalente, en vue de la couverture des charges publiques. Dès lors deux attitudes sont possibles. Soit on récuse cette approche ce qui est implicitement le choix de la LOLF, soit on la retient au prix d’une modification qui est un affaiblissement de sa portée. Cette démarche est celle qui est implicitement retenue par les partisans d’une budgétisation en exercice, c’est à dire d’une présentation budgétaire alignée sur la présentation comptable. Il existe de nombreuses variantes de cette approche, avec ou sans budget d’investissement avec ou sans transfert de trésorerie global etc. Le point commun, outre la recherche d’une identité de présentation entre le budget et la comptabilité, est l’instauration d’une règle de gestion au niveau de l’entité. Pour un Etat cela revient à dire que l’ensemble des impôts doit financer l’ensemble des charges. Il s’agit bien d’un affaiblissement du principe de rattachement car on n’affirme plus alors que les impôts représentent la valeur attribuée à la production dont les charges mesurent le coût mais simplement qu’une contrainte externe est fixée, généralement nommée règle d’or. Cette approche ne peut être que globale pour un Etat. Dès que l’on souhaite analyser plus finement les activités, ce qui est indispensable pour la gestion des services de base, il faut instaurer des règles d’affectation de ressources. Ces ressources ne peuvent plus être les impôts eux-mêmes car il n’y a aucune raison qu’un impôt particulier corresponde dans son montant aux coûts d’une activité particulière. La solution est alors de constituer des agences (fondées ou non) dont les ressources ne sont plus les impôts mais des crédits budgétaires. La deuxième réponse est plus conforme à la nature des impôts. La capacité d’imposer des prélèvements découle de l’acceptation des contribuables qui reconnaissent ce droit à l’Etat. Ce droit est inscrit dans la constitution qui en encadre l’exercice. L’Etat dispose donc d’un actif incorporel dont il tire l’essentiel de ces recettes. Malheureusement cet actif répond à toutes les caractéristiques nécessaires pour qu’il soit comptabilisé, sauf une : il n’est pas possible d’en donner une évaluation fiable. Il est donc exclu de comptabiliser un tel actif, cette position a été adoptée par l’ensemble des pays qui ont implanté la comptabilité d’exercice au niveau de l’Etat. Mais quelles conséquences doit-on tirer du fait que le principal actif de l’Etat ne peut figurer dans son bilan ? A tout le moins on peut considérer que la mesure de la situation financière fournie par un tel bilan doit être relativisée. C’est la troisième réponse qui a été implicitement retenue par la LOLF. Les conséquences du rejet de la première réponse constituent un choix de gestion. Le législateur organique n’impose pas a priori une affectation du financement par l’impôt à certaines dépenses et du financement (éventuel) par la dette à d’autres dépenses. Ce choix a l’inconvénient de ne pas permettre une internalisation de la contrainte budgétaire globale au niveau des « agences ». Il présente l’avantage d’éviter des discussions difficiles sur le classement de certaines dépenses. L’expérience montre en effet que si l’approche de type règle d’or fonctionne assez bien en l’absence de contraintes trop fortes sur le budget il n’en va pas nécessairement de même en périodes difficiles. Elle présuppose que la distinction comptable classique entre les charges et l’investissement s’applique facilement à une entité telle qu’un Etat. Une telle hypothèse peut avoir des conséquences non souhaitées en conduisant à privilégier des investissements à l’utilité incertaine au détriment de dépenses qui sont comptablement des charges mais qui peuvent s’avérer indispensables pour assurer l’avenir de certaines missions. 33 Le terme activité ne doit pas être entendu ici dans son sens habituel, pour simplifier nous traitons sous ce terme l’ensemble des charges : la production au sens propre, c’est à dire essentiellement la production de services non marchands et les transferts de redistribution. Ces derniers posent également d’autres problèmes que nous n’abordons ici et il serait évidemment abusif d’assimiler leur montant à une activité au sens classique.

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1.1.2 Les limites de la comptabilité d’exercice appliquée à l’Etat

L’impossibilité de comptabiliser le principal actif entraîne un certain nombre de conséquences. Tout d’abord il introduit de fait une rupture de logique entre le compte de résultat et le bilan. Ce dernier ne peut plus donner de la situation financière qu’une image relative. De manière symétrique la question de la limite de ce qui doit être comptabilisé au passif se trouve posée. Doit-on appliquer les règles de la comptabilité d’entreprise au passif et comptabiliser toutes les obligations dès lors que l’actif correspondant ne peut être inscrit ? Cette question se pose de manière cruciale pour les engagements de retraite. La réponse apportée par les normes comptables à destination des entités publiques n’est pas encore complètement stabilisée, ni en France, ni au niveau international. Les normes françaises adoptent pour le moment une position relativement prudente sur ces questions. L’enjeu n’est pas de faire apparaître ou pas une situation nette négative mais bien plutôt de fournir une information interprétable c’est à dire essentiellement permettant de faire des comparaisons pertinentes avec d’autres entités. Ainsi le système ne prévoit pas de règles de gestion de la contrainte budgétaire de type règle d’or. Il est fondé sur la responsabilisation des acteurs, ce qui implique à la fois une plus grande liberté de gestion et l’obligation de rendre des comptes à tous les niveaux sur le degré de réalisation des objectifs et l’utilisation des ressources octroyées.

1.2 Mesurer les coûts et contribuer à la mesure de la performance

Les difficultés qui viennent d’être évoquées ne remettent pas en cause l’intérêt de la mise en œuvre d’une comptabilité générale pour l’Etat, même si elles doivent inciter à en lire les résultats avec prudence. Il existe cependant une autre raison de développer cette comptabilité, elle doit devenir en effet un outil puissant d’aide à la gestion au niveau des services. La relativité de la signification du résultat comptable provient de la difficulté de rattacher les charges et les produits, ce n’est nullement un obstacle à la comptabilisation des charges, dès lors que l’on peut définir un fait générateur correspondant à la notion de service fait. Certes l’incertitude qui entoure la limite entre passif et engagement hors bilan se répercute nécessairement sur les dotations aux provisions qui en découlent ou devraient en découler. A ces exceptions près, la comptabilisation des charges peut être exhaustive et ces charges peuvent donc être imputées aux gestionnaires pour mesurer des coûts. La non comptabilisation de certaines charges liées à l’existence de passifs non identifiés en tant que tels aura alors pour conséquence une absence d’imputation dans les coûts. Ces éléments devraient néanmoins être mentionnés dans l’annexe. Les événements concernés, par exemple l’apparition de risques non enregistrés en passifs, devront donc être gérés à partir d’informations figurant dans cette annexe. Dès lors que le pilotage de la gestion publique ne repose pas sur des soldes comptables pour les raisons indiquées ci avant, il faut piloter directement la dépense. C’est à dire s’intéresser à la justification de cette dépense, à son efficacité et à son efficience. Ces éléments renvoient à la performance des gestionnaires de la dépenses qui doit être appréciée en fonction de l’atteinte d’objectifs préalablement fixés. Dans la logique développée par la LOLF la performance est appréciée par des indicateurs, essentiellement non monétaires, même si certains utilisent des données financières. Les dépenses sont regroupées en missions, programmes et actions qui constituent le nouveau cadre de la présentation, du vote et de l’exécution du budget. Cette présentation dont l’objectif est de décrire les politiques publiques est peu normalisée afin de s’adapter au mieux aux caractéristiques de ces politiques. L’accent est ainsi plus mis sur les ressources consacrées à la mise en œuvre des politiques et la mesure de leur efficience que sur la production d’indicateurs de gestion agrégés. La démarche privilégie des indicateurs de finalités spécifiques aux politiques identifiées. La pertinence du dispositif dépend alors largement de la qualité de la définition des politiques et de la stabilité de cette présentation dans le temps. Le rôle de la comptabilité est de fournir les informations financières nécessaires, à côté d’autres informations, pour construire les indicateurs. Il est également de permettre la mesure des coûts de ces politiques dans un cadre comptable unique garantissant une bonne comparabilité des résultats. Ces coûts, attachés aux actions, sont ensuite répartis entre les gestionnaires pour la partie qui les concerne. Ce dispositif est à deux niveaux.

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Dans un premier temps il s’agit d’imputer des coûts à des gestionnaires dans une approche de type coût direct. Ce qui est important alors est plus la pertinence de cette imputation et son acceptation par le gestionnaire que le fait que ces coûts soient plus ou moins complets. Cette phase est un moment privilégié du dialogue de gestion qui doit s’instaurer à tous les niveaux. Ensuite on cherche à calculer des coûts complets, c’est à dire à répartir l’ensemble des charges de la comptabilité générale sur les actions de politique. Ce calcul recouvre en réalité deux étapes. Dans un premier temps il s’agit de répartir les coûts des actions ou des programmes supports ou relatifs à des services polyvalents qui n’ont pu être affectés directement à des actions de politiques « finales ». La nécessité d’imputer les coûts aux gestionnaires qui en sont les responsables oblige en effet à tenir compte du fait qu’il existe des fonctions de soutien ou que certains agents travaillent pour plusieurs actions ou programmes. La structure en programmes et actions comporte ainsi des items ne représentant pas des politiques publiques mais qui sont nécessaires pour deux raisons. D’une part on souhaite éviter une budgétisation « analytique »34 difficile à mettre en œuvre et à contrôler en exécution et d’autre part, il convient d’appliquer la logique de la performance aux gestionnaires de ces fonctions support. Ensuite il faut vérifier que toutes les charges de la comptabilité générale correspondent à des coûts. Mais comme on l’a déjà remarqué ce caractère complet est relatif. Ainsi suivant que l’on considère que les engagements de retraites sont ou non des passifs on obtient évidemment une mesure différente des coûts de personnel. Pour l’année 2006 au moins la solution retenue est de ne pas enregistrer un passif représentatif de ces engagements. Pour autant la comptabilité des coûts prendra en compte, d’une certaine façon, l’existence d’un régime d'employeur. Les dépenses de personnel inscrites au budget général sont « chargées » d’une cotisation employeur, calculée de manière à équilibrer le système de retraite dans une logique de répartition. Ces cotisations sont « versées » à un compte d’affectation spéciale qui en dépenses inscrit les pensions versées. Ce circuit est assez semblable à celui décrit dans les comptes nationaux. Cependant au niveau de la comptabilité générale de l’Etat les seules charges retenues seront les pensions, les cotisations employeurs étant des mouvements entre deux unités incluses dans l’entité Etat. Ainsi la somme des coûts dégagés par l’analyse des coûts sera supérieure à la somme des charges de la comptabilité générale, cette dernière restant néanmoins le cadre de cohérence de cette analyse. L’ensemble de ce dispositif doit se déployer dans le temps. L’année 2006 est la première année d’application complète. L’ordre chronologique a placé en première étape la construction du budget 2006 qui s’est déroulée au cours de l’année 2005. Les différents éléments décrits ci avant sont présentés dans les projets annuels de performance (PAP) qui sont établis par missions et contiennent les demandes de crédits et les justifications associées. Il s’agit donc essentiellement de prévisions, qui plus est non appuyées sur des éléments fournis par le nouveau dispositif comptable qui lui aussi n’entre en vigueur qu’en 2006. Pour avoir des coûts constatés, par exemple, il faudra attendre l’exécution 2006 qui sera disponible au premier trimestre 2007 et qui présentera les résultats dans les rapports annuels de performance (RAP) qui sont le symétrique de PAP en exécution. Mais avant de disposer des données des RAP il faudra établir le budget 2007 ! Il faudra donc un certain temps pour que le système soit en mesure de fournir toutes les informations nécessaires à son fonctionnement normal et sans doute encore plus de temps pour que les acteurs apprennent à utiliser ces données.

2. La conception de l’Etat dans la comptabilité nationale

Le modèle comptable de la comptabilité nationale est également inspiré par celui de l’entreprise. Cette démarche est donc analogue à celle que nous venons de décrire pour la LOLF. Cependant pour des raisons de cohérence générale avec les autres secteurs la comptabilité nationale ne traite pas de la même façon les spécificités comptables. Les difficultés liées à l’application du principe de rattachement des charges et des produits sont résolues ou contournées d’une autre façon. Plutôt que de renoncer à donner une signification forte à ce principe, elle en fait une application diversifiée ce qui est une autre façon d’en relativiser les conséquences.

34 Ce qui oblige à adopter certaines conventions comme celle qui indique qu’un agent ne peut être affecté à plusieurs programme en budgétisation initiale et en gestion. C’est le passage au coût complet qui permet ensuite de faire les répartitions analytiques nécessaires.

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La comptabilité nationale utilise largement le principe de rattachement en proposant une séquence des comptes très diversifiée qui oblige à vérifier les modalités d’application des principes de rattachement pour chaque compte afin de donner un sens à chaque solde. Cette contrainte conduit dans certains cas importants à estimer des flux à partir d’hypothèses simples. C’est notamment le cas de la production non marchande, évaluée par la somme des coûts engagé pour la réaliser et qui repose donc sur l’hypothèse d’un « résultat » nul. Les impôts ne sont donc pas la mesure de la production et restent pour les administrations publiques (APU) des opérations de répartition. Cependant ces opérations figurent dans deux comptes différents, renvoyant ainsi à une différence entre distribution primaire et distribution secondaire. Ce classement ne marque pas seulement une différence entre certains types d’impôts en fonction de leur origine, il conduit à calculer deux soldes et provoque donc une affectation de certaines ressources à certains emplois. Cependant les différents soldes n’ont pas le même caractère structurant que le résultat de la comptabilité générale en raison notamment de la distinction entre les opérations et les autres flux. Cela est lié aux comptes d’accumulation qui permettent d’articuler de manière plus souple les soldes des comptes courants avec la variation du patrimoine. Il n’est pas question de se livrer ici à une comparaison détaillée entre les solutions adoptées par la nouvelle comptabilité générale de l’Etat et celles de la comptabilité nationale, encore moins à une critique de ces dernières. On se borne à relever quelques similitudes ou différences qui paraissent particulièrement significatives et qui devraient permettre de mieux comprendre les objectifs et les limites de chaque approche.

2.1 Mesurer la richesse nette et définir un solde de référence

La comptabilité nationale présente un compte de l’Etat complet qui débouche sur la mesure de la valeur nette, équivalent de la situation financière produite par la comptabilité générale. Comme pour la comptabilité générale cette notion est avant tout une différence entre ce qui figure à l’actif et ce qui figure au passif, sa signification est donc directement liée aux périmètres des actifs et des passifs et au degré de cohérence entre ces deux notions. Dans le cas de la comptabilité nationale la contrainte supplémentaire liée au fait que les actifs et les passifs doivent avoir (sauf pour les actifs non produits) une origine ou une contrepartie dans les comptes des autres secteurs n’a pas a priori de conséquences déterminantes en raison de cette souplesse permise par les comptes d’accumulation. Les observations et les limites évoquées à propos de la mesure des la situation financière par la comptabilité générale paraissent donc transposables. Le recours à des règles d’évaluation différentes dans certains cas ne change pas cette observation, même si l’approche repose sur des bases un peu différentes. Les comptes de patrimoine sont évalués aux prix du marché alors que la comptabilité générale ne retient cette méthode que pour les biens dont la durée de vie n’est pas déterminable a priori et qui présentent un enjeu financier significatif, c’est à dire en pratique le parc immobilier banalisé ou banalisable. Il en résulte que la richesse nette mesurée par la comptabilité nationale est plus homogène que la situation financière issue de la comptabilité générale. En pratique l’effet de ces différences sera minime. La question discriminante reste celle du périmètre. De ce point de vue le problème qui semble le plus critique est celui de l’existence d’un passif lié au fonctionnement des systèmes de répartition. Les réflexions en cours sur l’évolution du SCN abordent cette question. Le point pour la convergence avec la comptabilité générale porte sur la compréhension des systèmes de répartition non mutualisés qui peuvent s’analyser soit comme des régimes d’employeurs soit comme des systèmes de répartition. Une solution cohérente et homogène de ce problème est une condition nécessaire de la pertinence de la mesure de la richesse nette. La comptabilité nationale sert de référence pour la mesure des déficits des APU (administrations publiques au sens de la comptabilité nationale). C’est le besoin ou la capacité de financement qui a été retenu pour apprécier cette notion. Ce solde ne correspond pas à une notion de résultat comptable au sens de la comptabilité d’entreprise. La référence à la comptabilité nationale s’explique facilement par le fait qu’il s’agissait et qu’il s’agit toujours du seul système normalisé au niveau européen et fournissant donc des résultats théoriquement comparables. On peut cependant se demander ce qui serait advenu si des normes internationales de comptabilité publique avaient existé, telles que par exemple celles qu’est en train de définir l’IPSASB. Dans ces normes c’est une notion de résultat comptable classique qui prévaut. Pour autant il n’est pas certain qu’un consensus se serait

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dégagé sur cette notion, même si ces normes avaient été acceptées (plus ou moins formellement) pour établir la comptabilité. Le besoin de financement présente en effet l’avantage d’être une notion assez facilement interprétable d’un point de vue budgétaire. Ce serait, en simplifiant beaucoup, une sorte de solde budgétaire établi suivant une logique d’encaissements et de décaissements relatifs aux opérations exécutées au cours de l’exercice. Une telle notion ne recouvre pas exactement les charges et les produits de la comptabilité générale. D’une part on comptabilise l’investissement et non l’amortissement en dépenses et d’autre part, les charges correspondant à des décaissements seulement probables et éloignés dans le temps, c’est à dire certaines dotations aux provisions ne sont pas non plus comptabilisées. Cette situation correspond plus à la pratique qu’à des normes précises. D’un point de vue comptable il ne s’inscrit ni dans une véritable comptabilité de caisse (mais un tel système n’est jamais pratiqué au sens strict) ni dans les principes d’une comptabilité d’exercice. Si le traitement de l’amortissement en comptabilité nationale constitue une spécificité bien encadrée et justifiée, il n’en va pas de même des provisions. Leur non prise en compte pour l’essentiel dans les comptes nationaux est une pratique qui ne semble pas répondre aux principes généraux au moins pour une grande partie d’entre elles. Mais ce système hybride correspond assez bien à l’approche budgétaire dans de nombreux pays. Seuls ceux qui ont adopté une budgétisation en exercice (ou qui prétendent l’avoir fait) peuvent produire un solde budgétaire cohérent avec le résultat comptable. Les autres, réputés appliquer une comptabilité de caisse, appliquent en fait un système assez proche de celui qui conduit au besoin de financement avec bien sûr les approximations et incertitudes qui résultent de l’absence de définition précise d’un tel système au plan comptable. La question qui se pose alors est de savoir si la référence choisie pour identifier les déficits excessifs (du moins le numérateur de cette référence) est une notion budgétaire par défaut de pouvoir être une notion comptable et si donc l’adoption des normes comptables pourrait entraîner une évolution dans ce domaine. Cette question pose plus généralement celle des rapports entre budget et comptabilité. Le recours à la comptabilité nationale présente l’avantage d’instaurer une certaine neutralité et de ne pas trancher un débat complexe entre tenants de la budgétisation en exercice et ceux qui préfèrent des approches combinant le contrôle des engagements et celui des paiements. Ce débat repose sous un autre angle le problème de la signification du résultat comptable (prévisionnel en l’occurrence).

2.2 La production non marchande, le partage volume prix et la performance

La mesure de l’activité est réalisée par l’évaluation de la production non marchande. La convention utilisée repose sur une conséquence de la définition d’une production non marchande : l’absence de bénéfice du producteur et donc la mesure par les coûts. La production vaut au moins la somme des ressources consommées, sinon ces dernières ne le seraient pas et le producteur n’en retire aucun bénéfice monétaire direct. La somme des coûts mesure la valeur de la production, il reste ensuite si l’on veut faire des comparaisons dans le temps et dans l’espace à identifier des productions particulières, à en mesurer le volume ou la qualité. Il faut alors construire des nomenclatures d’activité, des indicateurs de prix et/ou de volume ou de qualité. Cependant ce projet est mené dans un cadre normalisé par des nomenclatures d’activités et des conventions comptables qui sont (partiellement) communes à tous les secteurs dans la mesure où un même service peut être rendu par une activité marchande comme par une activité non marchande. La condition même qui permet l’élargissement des comparaisons est celle qui limite la spécificité de l’analyse. Le développement des analyses des services non marchands pourrait ainsi constituer un cadre de référence très intéressant pour l’amélioration de la gestion publique en fournissant des méthodes de construction d’indicateurs de volume. Cela permettrait d’éclairer un choix difficile entre la tentation de construire des indicateurs d’activité et la demande forte, exprimée notamment par le Parlement, de recourir plus systématiquement à des indicateurs d’efficacité ou d’efficience. L’approche de la performance requise par la LOLF restera nécessairement assez spécifique. Le principal enjeu est de pouvoir la décliner de manière suffisamment fine pour que chaque agent puisse comprendre comment son action s’intègre dans la poursuite des objectifs assignés aux politiques identifiées. Cela passe donc par la définition d’objectifs et donc d’indicateurs intermédiaires, qui resteront internes aux services mais qui devront

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prendre en compte des mesures de l’activité. La disposition d’un cadre méthodologique validé de manière extérieure serait une aide précieuse dans cette démarche.

3. Deux approches potentiellement complémentaires ?

Les deux approches représentent donc des visions différentes de la gestion de l’Etat tout en recourant à la technique comptable. La LOLF vise plus la gestion au niveau des unités de base mais renonce partiellement à une vision globale synthétique c’est à dire à l’internalisation explicite de la contrainte budgétaire. La comptabilité nationale permet cette internalisation par la fixation de critères de déficit et dette mais reste trop globale pour que ces contraintes puissent être déclinées en fonction des nombreuses spécificités de l’action de l’État pesant sur sa gestion. Le débat international se structure aujourd’hui entre deux courants plus ou moins bien distingués. D’une part on trouve ceux qui pensent que ces approches différentes sont réconciliables, voire fongibles, dans un modèle unique qui serait celui de l’entreprise. Cela implique non seulement l’adoption de la comptabilité d’exercice mais également la budgétisation en exercice. Dans cette perspective, et à la limite, la comptabilité nationale serait un simple modèle de consolidation de comptabilités existantes toutes tenues suivant des normes identiques (il reste quand même le problème des ménages ! ). Ce courant est actif et dispose incontestablement d’une doctrine cohérente. D’autre part, on trouve un courant beaucoup moins homogène, composés de partisans de l’intérêt du recours à la comptabilité d’exercice, mais qui en pointent les limites lorsqu’il est question d’entités telles que les Etats. Ils en concluent généralement que le passage à la budgétisation en exercice constitue un cas de franchissement de la limite de la pertinence de l’approche en exercice. Mais il faut reconnaître qu’ils ne proposent que des solutions hybrides pour la budgétisation et ne disposent pas d’une doctrine très structurée sur ce point. On peut regretter en particulier que la notion de budget en engagements ne soit pas plus mise en avant pour répondre aux critiques émanant des partisans inconditionnels de l’exercice (en France c’est une des innovations majeures de la LOLF). L’issue de ces débats aura une influence, non sur le modèle comptable de la comptabilité nationale en générale (cette dernière ne traite pas que des APU ! ) mais au moins sur son utilisation dans les débats sur l’appréciation des finances publiques. Les limites du rapprochement avec les normes de comptabilité générale deviennent ainsi un enjeu aussi pour les comptables nationaux et les démarches resteront donc longtemps complémentaires.

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Insee Méthodes 36

LE TRAITEMENT DES GARANTIES DANS DES COMPTES PUBLICS BRITANNIQUES

ET DANS LE SYSTÈME DES COMPTES NATIONAUX

Jeff GOLLAND, Trésor, Royaume Uni

Résumé

Cet article présente le traitement des garanties dans les normes internationales de comptabilité et dans les comptes publics britanniques qui suivent ces normes. Il décrit une proposition pour faire évoluer le traitement de certains types de garanties dans le SCN. Le groupe consultatif d'experts (AEG) a approuvé la proposition dans son principe et il en examine maintenant certains des aspects détaillés. Les points clés de la proposition de mise à jour du SCN sont les suivants : un passif financier est enregistré dans le bilan de l’unité qui se porte garant, égal aux coûts attendus des appels de garanties, comme dans les normes de comptabilité, et une dépense publique (subvention) est enregistrée pour les garanties accordées gratuitement ou vendues à des prix au-dessous de leur coût.

1. Contexte

Ce papier traite des garanties accordées par une unité à un prêteur, cette unité (désignée par la suite sous le nom de garant) se portant garante pour protéger le prêteur contre les risques de non remboursement d'un emprunteur. Les garants peuvent être des unités publiques ou privées. Le garant fournit des fonds au prêteur quand l'emprunteur est défaillant, et il peut obtenir une créance sur l'emprunteur, selon le type de contrat de garantie. Les garanties données par des unités privées prennent habituellement la forme de produits financiers dérivés échangés sur un marché: swaps de créances douteuses, par exemple. On ne propose pas de changer leur enregistrement dans le SCN. Les instruments restent enregistrés à leur valeur de marché dans les comptes de patrimoine des contre-parties; les changements de leur valeur sont enregistrés en tant que gains ou pertes de détention (K.11); et les règlements sont des opérations financières en produits dérivés (F.7)35. Les garanties données par les administrations publiques ont habituellement une forme différente et répondent à des motivations différentes. Les administrations publiques accordent des garanties aussi bien à des sociétés publiques, à des sociétés privées et à des ménages. Le motif habituel pour accorder une garantie à une société publique est de réduire le coût de ses emprunts et par conséquent d’augmenter les dividendes qu'elle verse aux administrations publiques ou de réduire les subventions dont elle a besoin ou encore de réduire les prix pratiqués aux clients. Le motif pour accorder une garantie à une organisation du secteur privé doit normalement être d’encourager un type particulier d'activité économique en abaissant le coût du crédit. Par exemple, de telles garanties existent pour favoriser les exportations et pour encourager les dépenses d'investissement de petites entreprises. Les garanties accordées aux emprunts des ménages sont habituellement pour l'achat de logement ou pour l'éducation. Accorder une garantie est donc une façon pour les administrations publiques d’encourager et/ou de subventionner une activité économique sans avoir besoin d’effectuer immédiatement une dépense. C’est une manière de décaler dans le futur des dépenses potentielles. Un système de comptes économiques devrait enregistrer les garanties quand elles sont accordées, et non quand les paiements effectifs sont réalisés au titre de la garantie, car c'est au moment où elles sont accordées qu’elles influencent le comportement économique et créent des charges potentielles pour l’administration.

35 NDT : F.7 selon le SCN, F34 selon le SEC

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2. Traitement des garanties dans les normes IAS de comptabilité

Les Normes internationales de comptabilité (IAS) sont développées par le Conseil international de normes de comptabilité (IASB) 36 et elles reflètent la meilleure pratique en matière de comptabilité observée dans le monde. Certaines normes IAS sont devenues obligatoires dans l'Union européenne pour les plus grandes entreprises. Les Normes internationales de comptabilité du secteur public (IPSAS) ont été développées par la Fédération internationale des comptables (IFAC) 37 pour adapter, quand c’est nécessaire, les normes IAS aux caractéristiques du secteur public. L’IAS37 (provisions, passifs et actifs contingents38) explique comment enregistrer les garanties dans les comptes. L’IPSAS19 adapte l’IAS37 aux caractéristiques du secteur public39.

2.1 Enregistrement d'un passif financier dans le bilan

L’IPSAS19 40 dit que des provisions (au passif du bilan) doivent être enregistrées pour les garanties dans les circonstances suivantes :

a) Une garantie individuelle doit être enregistrée au bilan du garant s'il y a une probabilité supérieure à 50% qu'elle soit appelée. Il peut sembler étrange d’accorder une garantie si on s'attend à ce qu'elle soit appelée. Cependant, une garantie peut avoir été donnée au départ sur l'hypothèse d'une probabilité d’appel faible, mais la situation financière de l'unité emprunteuse a pu par la suite se détériorer au point que l’appel de garantie semble plus probable que le contraire. À ce moment là, la garantie doit être enregistrée comme un passif dans le bilan du garant. Il se peut que l’administration publique intervienne pour que l'appel de la garantie ne soit finalement pas nécessaire, mais le traitement comptable ne doit faire aucune hypothèse sur les changements de politique publique ou les modifications de contrats légaux pour déterminer si un appel à la garantie est probable ou non.

b) Si un grand nombre de garanties semblables sont accordées, elles doivent être regroupées en une classe

et être enregistrées globalement comme une provision (passif financier) au bilan du garant. L’IPSAS19 dit que la valeur de la provision doit être la valeur actualisée de l’estimation statistique des montants que le garant devra payer suite aux appels en garantie, nets des éventuelles créances recouvrées. Utilisant la même logique, l’IAS37 exprime cette idée en disant:

Les provisions doivent être mesurées dans le bilan comme la meilleure évaluation de la dépense requise pour régler la valeur présente de l'engagement à la date du bilan, en d'autres termes, pour le montant qu'une entreprise payerait rationnellement pour faire face à l'engagement ou pour le transférer à un tiers, à cette date. À cette fin, une entreprise doit tenir compte des risques et des incertitudes.

2.2 Variations du bilan

La valeur de la provision peut changer pour un certain nombre de raisons : i) Actualisation : A fur et à mesure que le temps passe, la valeur actualisée des charges à une date future

augmente. ii) Changement du taux d’actualisation. iii) Réduction de la probabilité de l’appel de la garantie du fait du déroulement du temps, puisque

l’estimation de la perte attendue suppose une perte potentielle à chaque période de temps. Un exemple de cela se constate au moment où la garantie expire et où la provision est réduite à zéro.

iv) Révision du risque que la garantie soit appelée compte tenu d’un changement dans l’environnement économique ou pour d’autres raisons.

36 http://www.iasb.org / 37 http://www.ifac.org / 38 http://www.iasplus.com/standard/ias37.htm 39 Les principes de base dans IPSAS19 sont les mêmes que dans IAS 37, mais IPSAS19 donne des exemples adaptés au secteur public pour expliquer les concepts. 40 Le texte d'IAS37 est semblable. Pour la brièveté le texte emploie " IPSAS19 " pour signifier des normes internationales de comptabilité.

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Insee Méthodes 38

v) Paiement de la créance. Il y a deux effets: a) La valeur de la provision est ajustée pour tenir compte de la différence entre sa valeur courante et la

valeur après que la créance ait été payée. b) La provision est « reprise ». Cela signifie que la valeur de la provision est réduite du montant de la

créance payée. Le paiement effectif annule la dette. NDT (note du traducteur): on désignera ci-après par indemnité la créance payée par le garant lors de l’appel de la garantie.

2.3 Enregistrement dans le compte de pertes et profits (P&P)41

Selon l’IPSAS19, l’enregistrement d’une provision dans le bilan est accompagné à la même date de l’enregistrement d’une charge du même montant dans le compte de pertes et profits. Chaque variation de la valeur de la provision dans le bilan du garant est réfléchie dans le compte de pertes et profits sous forme d’une opération de même montant. Cela apparaît habituellement dans une ligne appelée “variations des provisions”, qui peut être positive (revenu) ou négative (dépense) (tableau 1). Tableau 1

Evénement Passif du bilan Provisions

Compte de P&P

Variation des provisions

Octroi d’une garantie Inscription d’une provision

Dépense

Effet de l’écoulement du temps qui réduit l’actualisation sur l’estimation des charges futures

Augmentation des provisions

Dépense42

Ecoulement du temps qui réduit le risque d'appels pendant cette période de temps.

Diminution des provisions

Revenu

Réévaluation de la provision en raison d’une perception changée des risques.

Variations des provisions Revenu ou dépense

La valeur de la provision est réestimée

La valeur de la provision devient le montant requis pour payer l'indemnité

Revenu ou dépense

La provision est reprise

La provision est réduite du montant requis pour payer l'indemnité.

2.3.1.1.1.1 Revenu

L’indemnité est versée

Le paiement est effectué

La trésorerie est réduite 2.3.1.1.1.2 Dépense

Ces postes du compte de P&P sont réduits à zéro et donc ne sont pas enregistrés.

Le résultat de l'enregistrement décrit ci-dessus est que, durant toute la vie de la garantie, la charge nette reportée au compte de P&P est égale au coût effectif des indemnités payées 43. L'enregistrement d'une provision décale la dépense dans le temps. Une estimation des charges est d’abord faite quand la garantie est accordée et est enregistrée en dépense du compte de P&P. La différence entre cette estimation et le résultat effectif affecte ultérieurement le compte de P&P si et quand l'estimation change et finalement quand la différence effective est connue et que les provisions expirent.

41 NDT : ou compte de résultats, dans la pratique française. 42 Parfois appelé “intérêt sur provisions” ou “ actualisation” ou “amortisation of one-year’s discount”. 43 Cette égalité des paiements effectifs et de l'impact de l'enregistrement des provisions sur le compte de P&P est naturellement affecté par la valeur temporelle de l'argent.

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2.4 Les comptes publics britanniques

Les organismes publics britanniques publient des comptes annuels en utilisant les principes de comptabilité patrimoniale (droits et obligations) suivant le GAAP ou « UK Generally Accepted Accounting Practice ». Le GAAP du RU suit les normes internationales de comptabilité IAS. Les services des administrations centrales appliquent le manuel comptable44 (RAM). Celui-ci dérive du GAAP et l'adapte, en cas de besoin, aux caractéristiques propres aux services gouvernementaux. Par exemple il introduit le concept des « actifs des contribuables »; il a des règles spéciales pour « des transactions sans contrepartie » comme des impôts et des avantages d'aide sociale; le compte de P&P est désigné sous le nom « Operating Cost Statement ». Les annexes 1 et 2 donnent des exemples de la façon dont les provisions sont présentées dans les comptes des services gouvernementaux britanniques. En 2007 le Trésor du RU prévoit de publier « Le compte complet de l’administration- Whole of Government Accounts » 45 pour l'exercice budgétaire 2006-07. Ce sera la consolidation de tous les comptes basés sur le GAAP de tous les organismes publics britanniques. Cela constituera un ensemble de comptes intégrés (operating cost statement, cash flow report et balance sheet) pour le secteur public entier46.

2.5 Traitement des garanties dans les comptes publics britanniques

Si un service ministériel accorde une garantie unique, dans le sens où elle ne fait pas partie d'un programme accordant des garanties mais qu’elle constitue une politique spéciale pour traiter une situation particulière, et si elle est jugée avoir moins de 50% de chance d’être appelée, elle est traitée comme une dette contingente et elle n’est pas enregistrée dans le bilan du ministère. Elle est enregistrée dans les notes du compte du ministère et elle est notifiée au Parlement. L'annexe 3 montre les dettes contingentes du ministère britannique du transport, enregistrées dans ses comptes annuels. Par exemple, une dette contingente de 3,75 milliards de £ (5,5 milliards d’euros) est enregistrée pour la garantie du gouvernement accordée pour l’emprunt effectué par London and Continental Railways Limited pour la construction d'une ligne ferroviaire à grande vitesse de Londres au tunnel sous la Manche. Si une garantie est accordée en tant qu'élément d'un programme accordant beaucoup de garanties similaires, elle est traitée comme une provision, comme dans l’IPSAS19. L'annexe 4 montre certaines des provisions enregistrées dans le bilan du ministère britannique du Commerce et de l’Industrie (DTI). Cette note associée aux comptes du ministère montre les variations des provisions décomposées en élément d’actualisation, reprise de provisions pour payer des créances, et autres variations. L’élément d’actualisation et les « autres variations » ont un impact sur le compte de P&P. Une de ces provisions se rapporte à un programme de garantie des emprunts bancaires de petites sociétés (SFLG). Une provision est enregistrée en dépense dans le « Operating Cost Statement » du ministère pour chaque garantie donnée. La provision est habituellement plus élevée que les commissions payées pour la garantie. Ceci signifie qu'une charge nette est enregistrée dans le budget du ministère fixé pour le programme, réduisant les ressources dont le ministère dispose pour d'autres politiques. Dans les budgets ministériels, c'est la création de la provision et les variations qui sont comptabilisées, pas le paiement en espèces quand la provision est reprise.

3. Le système de comptabilité nationale 1993 (SCN93)

3.1 Traitement existant dans le SCN93

Dans le SCN93, les seules garanties enregistrées dans les comptes centraux sont celles classées en produits financiers dérivés. Les autres types de garanties sont traités comme des actifs conditionnels puisque leur

44 http://www.resource-accounting.gov.uk/current/frames.htm 45 http://www.wga.gov.uk/pages/introduction.html 46 Le secteur public est défini ici comme le secteur des administrations publiques dans des comptes nationaux augmenté des sociétés anonymes par actions contrôlées par l'Etat.

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Insee Méthodes 40

paiement est exigé seulement si certaines activités ont lieu. Les actifs conditionnels ne sont pas reconnus comme des actifs ou des passifs financiers, et ils ne sont pas enregistrés dans les comptes nationaux centraux. Le paragraphe SCN 11.26 recommande que là où les situations contingentes sont importantes pour la politique et l'analyse économique, l'information les concernant devrait être rassemblée et présentée en tant que données supplémentaires. Le système européen des comptes 1995 (SEC95) décrit une garantie comme un exemple d'un arrangement contractuel entre des unités institutionnelles, qui stipule qu’une ou plusieurs conditions doivent être remplies avant qu'une transaction financière ait lieu. Il déclare en outre que les actifs contingents sont des actifs financiers seulement dans les cas où l'arrangement contractuel lui-même a une valeur de marché parce qu'il est négociable ou parce qu’il peut être compensé sur le marché.

3.2 Les raisons de changer

Il y a trois raisons principales de changer le traitement des garanties dans le SCN 1993 :

a) La notification d'information supplémentaire recommandée au SCN 11.26 n'est pas appliquée malgré l’importance reconnue des garanties accordées.

b) Des instruments financiers ayant des caractéristiques économiques similaires aux garanties sont

enregistrés à la différence de celles-ci. Cela conduit à un enregistrement incohérent quand la garantie est échangée contre un instrument financier enregistré dans le système des comptes47.

c) La mise à jour du SCN93 s’efforce de faire converger les normes statistiques internationales avec les

normes comptables internationales quand c’est possible. Actuellement le traitement des garanties dans le SCN93 dévie de celui prescrit par les normes comptables qui inscrivent pour certains types de garantie un passif au bilan lorsque la garantie est accordée.

En conséquence, il est critiquable de maintenir tel quel le traitement des garanties du SCN93. Il y a une demande croissante des utilisateurs d’actualiser le SCN93 pour qu’il fournisse une information sur les montants des garanties au moment où elles sont accordées (et pas seulement au moment où des paiements sont réalisés) et où elles créent des charges ou profits potentiels pour les unités impliquées. Une étape du processus de mise à jour sera l’examen par l’AEG d’une proposition de la Task Force on Harmonising Public Sector Accounts (TFHPSA) de changer l’enregistrement de certains types de garanties dans le SCN. La TFHPSA a produit un certain nombre de propositions pour mettre à jour le SCN93, et les normes IPSAS, et ce faisant elle a gardé pour objectif souhaitable l’harmonisation des traitements dans les deux systèmes.

3.3 Propositions pour la mise à jour du SCN

Le TFHPSA a proposé de classer les garanties en trois catégories. Cela a été approuvé par l’AEG en juillet 2005. a) Les garanties échangées sur un marché – à traiter comme produits dérivés comme dans le SCN existant b) Les garanties normalisées C'est le cas où un grand nombre de garanties semblables sont données, si bien qu'il est presque certain qu'il y aura des indemnités à payer, mais elles ne sont pas échangeables sur un marché et ainsi ne sont pas classées en tant que produits financiers dérivés. Ces garanties couvrent des types de risque de crédit analogues pour un grand nombre de cas. Les exemples classiques sont des garanties de crédit à l'exportation ou des garanties de prêt à des étudiants. Dans ces cas il n'est pas possible de prévoir individuellement pour chaque prêt s’il sera défaillant ou non, mais il est possible de faire une évaluation de combien seront défaillants parmi ce grand nombre. Il est donc possible pour un garant de déterminer le montant des prestations à faire payer pour la garantie sur le même principe qu'une société d'assurance, principe selon lequel les commissions reçues concernant de nombreux prêts couvrent les pertes correspondant à quelques-uns.

47 Par exemple il n’y a pas de contrepartie logique dans le SCN93 au versement de monnaie pour souscrire une garantie

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Cet article se concentre sur le traitement de ces garanties normalisées. c) Les garanties uniques C’est le cas où les conditions de la garantie sont si particulières qu'il n’est pas possible de calculer le risque avec un quelconque degré de précision. Ce type de programme est typique de ceux entrepris par le gouvernement quand il garantit l'emprunt des sociétés contrôlées par l'Etat ou d'autres sociétés produisant des biens publics ou fonctionnant dans l'intérêt national. Les garanties ne sont habituellement jamais appelées parce que, si la société se rapproche de l'insolvabilité, le gouvernement intervient habituellement pour la soutenir avec des subventions ou d'autres actions pour qu’elle reste solvable et honore ses dettes. En principe ces garanties uniques devraient être enregistrées comme les garanties normalisées en enregistrant un passif financier du montant de l’estimation statistique du coût de la garantie. Cependant, les considérations pratiques rendent ceci difficile. L’une d’elle vient du fait que selon l’IPSAS19 48 cette sorte de garantie serait très probablement traitée comme des passifs contingents et ainsi ne ferait pas l’objet d’une évaluation contrôlée du coût attendu dans les comptes publics, même dans les pays qui appliquent l’IPSAS19 dans le secteur public. La TFHPSA a conclu que des garanties uniques pourraient être enregistrées dans les comptes nationaux en dehors du compte central en faisant figurer une note complémentaire ou en mettant en place un système de comptes supplémentaires en dehors du noyau central. Cependant, dans certaines situations bien définies de faillite, il peut être intéressant de les enregistrer dans le compte central en appliquant la technique déjà existante dans le SCN de reconstitution d’un circuit imputé: les comptes nationaux enregistreraient pour le garant un emprunt auprès du prêteur et un prêt à l'emprunteur. Les intérêts et les transactions financières passeraient via le garant 49.

4. Les garanties normalisées dans un SCN93 révisé

4.1 Décision de juillet 2005 de l'AEG

En juillet 2005, l'AEG a approuvé les principes de base de la proposition de la TFHPSA pour le traitement des garanties normalisées. Celles-ci sont récapitulées ci-dessous. a) Des garanties normalisées seraient enregistrées dans le compte de patrimoine du garant dans une nouvelle sous-catégorie appelée « garanties normalisées » (AF.63) au sein de l’opération financière existante : (AF.6) réserves techniques d'assurance. b) Le prêteur devrait avoir l’actif contre-partie. c) Si l'unité garante octroie la garantie pour une commission qui ne couvre pas les pertes attendues et les coûts administratifs, une subvention / transfert en capital devrait être imputée au prêteur. L'AEG a demandé de poursuivre le travail sur le détail de l'enregistrement. Un papier a été soumis à l'AEG le 22 novembre 2005 pour l'e-discussion. Ceci a conduit aux recommandations suivantes, en plus des points déjà approuvés. d) La dette enregistrée dans AF.63 devrait égaler la valeur nette actuelle des coûts attendus des appels de garantie au cours de la vie restante de la garantie. Ce serait conforme à l'évaluation des provisions pour les garanties dans les normes internationales de comptabilité. C'est un concept de pondération par les probabilités. Bien que chaque garantie individuelle soit peu susceptible d’être appelée, il est probable que, pour le groupe pris globalement, des paiements devront être effectués. Ainsi pour chaque garantie individuelle un montant est

48 Cependant, l'IASB envisage d’enlever la règle de la probabilité 50% pour distinguer entre passifs contingents et provisions, pour que toutes les futures charges potentielles, dont les montants et les dates sont incertains, soient traitées comme provisions. 49 Le paragraphe 1.39 du SEC95 indique « une transaction qui apparaît pour les unités impliquées comme ayant lieu directement entre les unités A et C peut être enregistrée comme ayant lieu indirectement via une troisième unité B. Ainsi, la transaction unique entre A et C est enregistrée par deux transactions: une entre A et B, et une entre B et C ». Cette sorte de circuit fictif pourrait être appliquée à un emprunt garanti par l’administration en enregistrant l’administration en tant qu'emprunteur auprès du prêteur et re-prêtant le même montant à l'unité emprunteur. L'intérêt et le remboursement du capital seraient pareillement ré-acheminés.

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Insee Méthodes 42

enregistré qui serait un pourcentage du prêt garanti basé sur des prêts de risque semblable. Les futurs paiements sont actualisés et il est tenu compte de toutes les récupérations probables lorsque l’appel de la garantie donne des droits au garant sur les actifs en défaut ou d’autres collatéraux. Cette méthode de mesure ne serait pas la même que pour les autres composantes d'AF.6 (AF61 et AF62). Dans ces cas les montants enregistrés se rapportent à la valeur des actifs réellement détenus par l'institution financière dans le but de payer les indemnités. Dans le cas de F.63, la mesure de la dette financière serait basée sur des évaluations statistiques, comme pour les provisions dans IPSAS19. e) La perte effective pour un paiement sous une garantie normalisée serait enregistrée comme une transaction financière en F.63. C'est le remboursement d’une dette financière.

4.2 Similarité entre l’IPSAS19 et la proposition pour la mise à jour du SCN

La proposition pour la mise à jour du SCN a beaucoup en commun avec le traitement des garanties sous forme de provisions dans l’IPSAS19. L’inscription d’un passif dans le compte de patrimoine serait identique. Ceci rendrait la collecte de données plus simple pour les statisticiens dans les pays appliquant IPSAS19 ou des normes semblables.

4.3 Les problèmes posés par l’application intégrale de l’IPSAS19 dans le SCN93

Bien qu'on prévoie d’employer le nouveau F.63 pour enregistrer les provisions pour des garanties dans le compte de patrimoine, on ne propose pas actuellement de nouvelle opération non financière pour enregistrer les variations des provisions. En effet c'est un principe généralement admis dans les comptes nationaux que des variations de bilan qui ressemblent à des gains ou pertes de détention ne doivent pas être enregistrées comme des opérations. À première vue il semblerait que, dans un SCN93 mis à jour, les seules variations en valeur des provisions pour les garanties qui pourraient être enregistrées comme des opérations soient l’inscription de la valeur lors de l'événement initial qui crée la garantie, et la reprise de provision quand une indemnité est payée. Dans ces deux cas il y aurait une opération en F.63 et une contre-partie en numéraire50. Toutes les autres variations devraient être d’autres flux. L'inconvénient de ceci est que l'impact sur la capacité ou le besoin de financement du garant serait, durant la vie de la garantie, l'évaluation initiale de la perte attendue, plutôt que la charge effective, comme cela est le cas sous l’IPSAS19, selon laquelle les variations de valeur de la provision, pour refléter les remboursements réels de créance, ont un impact sur le compte de P&P.

4.4 Utiliser les transferts courants de l'assurance du SCN93

Les garanties sont semblables aux polices d'assurances. Le SCN93 existant enregistre les primes et les indemnités d'assurance en transferts courants dans les catégories D.71 et D.72, respectivement. Le papier pour l'AEG comporte une option qui combine le traitement des garanties en tant que provisions, en utilisant la même évaluation au compte de patrimoine que l'IPSAS19, avec l’utilisation de D.71 et D.72. pour enregistrer certaines des variations des provisions. D.72 (indemnités d'assurance non-vie) enregistrerait en indemnités, le paiement des créances prises en charge51 dans le cadre des garanties. D.71 (primes d'assurance non-vie) enregistrerait en primes, l’élément de commission qui couvre les indemnités attendues de l’année. On suppose qu'il y a une prime unique couvrant les risques sur un certain nombre d'années. D.71 enregistrerait la prime arrivant à échéance chaque année. Un problème pourrait provenir du fait qu'il n’est peut-être pas facile d'obtenir des données pour ce concept car il pourrait être inclus dans les « autres variations » dans les notes jointes aux comptes préparés en utilisant l’IPSAS19. Une alternative satisfaisante serait d’enregistrer dans D.71 les variations de provisions non enregistrées ailleurs: ce serait la variation totale des

50 En supposant que la rémunération du service de garantie couvre le coût intégral. 51 Ou plus précisément, l'élément de perte attendue sur une créance prise en charge quand le paiement conduit à l’acquisition de l’actif en défaut.

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provisions moins les variations dues à de nouvelles garanties, à l’actualisation et aux reprises. Ce serait une bonne approximation du concept requis et cela maintiendrait la cohérence avec l’IPSAS19.

4.5 Passage de l'IPSAS19 au SCN93 révisé

Le tableau 2 montre ce que serait, dans un SCN93 révisé, l’utilisation des transferts courants de l'assurance (D.71 et D.72) pour décrire certaines des variations dans les passifs de bilan qui seraient enregistrées sous l’IPSAS19. Tableau 2

IPSAS19 Proposition pour le SCN mis à jour

Compte de pertes et profits Opérations et autres flux

Commissions reçues Dans le calcul de la production : Production = commissions reçues moins la 52 valeur de la dette enregistrée en F.63

Variation des provisions du compte de P&P, dont : Nouveaux contrats Actualisation Réévaluation des provisions: - Réduction en raison du passage du temps réduisant les risques futurs53 - Augmentation en raison du paiement de créances dues 54 - Réévaluation due à d'autres raisons

Transaction (augmentation) en passif F.63, et transaction (augmentation) en actifs F.2 (les commissions payées) 55 Transaction (augmentation) en passif F.63, et transaction en D.44x (revenus de la propriété attribués aux assurés)

- Diminution du passif F.63, et prime d'assurance D.7156 - Augmentation du passif AF.63, et indemnité d’assurance D.72 - Autre changement de volume K.10 (ou à ajouter à D.71)

Reprise des provisions pour payer les indemnités (remises à 0 dans le compte de P&P)

Diminution du passif AF.63 Diminution de AF.2

Bilan Compte de patrimoine Augmentation (diminution) des provisions Augmentation (diminution) de AF.63

52 Si le garant est une unité marchande, les comptes enregistreraient des subventions imputées payées par l’administration au garant pour un montant suffisant pour assurer que les commissions payées (y compris la subvention imputée) sont au moins égales aux frais d'exploitation (consommation intermédiaire, rémunération des salariés, consommation de capital fixe, autres impôts sur la production) du garant. Dans le cas d'une unité non marchande, la production serait la somme des coûts d'exploitation, comme pour n'importe quelle unité non marchande, et les commissions payées seraient nettes de la consommation finale de l’administration. 53 Une partie de la provision serait pour le risque des garanties appelées pendant l'année en cours. Quand l'année est finie ce risque disparaît. En effet il accroît la prime au cours de la vie de la garantie 54 égal à la dette appelée. 55 Dans le cas où les commissions seraient insuffisantes pour financer l'actif financier F.63, un transfert en capital serait imputé de l’administration à l'unité acquérant la garantie. 56 De fait, ceci accroît la prime unique au cours de la vie de la garantie.

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Insee Méthodes 44

4.5.1 Autres transactions liées à des octrois de garanties

Cet article se concentre sur les liens entre les normes internationales de comptabilité et le traitement des garanties dans un SCN93 mis à jour. Il y a d'autres transactions liées aux garanties qui devraient être expliquées dans un SCN93 mis à jour. Celles-ci sont discutées brièvement ci-dessous. Le papier soumis à l'AEG contient plus d'information et donne des exemples de comptabilité montrant les comptes du garant, du prêteur et de l'emprunteur.

4.5.2 Enregistrement des commissions relatives aux garanties normalisées

Quand les garants reçoivent des commissions pour une garantie, elles seraient partagées entre une opération financière en F.63 (passif du garant, actif du preneur de la garantie) et le reste serait la production du service rendu par le garant, et la consommation intermédiaire du preneur de garantie. Cette mesure de la production serait semblable à celle effectuée pour des sociétés d'assurance dans le SCN93 existant.

4.5.3 Commissions qui ne couvrent pas les coûts (ou absence de commission)

Unité non marchande des administrations publiques: si la commission payée est inférieure à la valeur de l'actif financier, une subvention est imputée de l’administration au prêteur, égale à la différence entre la valeur de l'actif financier et la prime payée. Une opération financière F.63 égale à la valeur de l’actif (= la commission plus la subvention) est enregistrée de la manière habituelle. Une consommation finale de l’administration est enregistrée pour les charges de gestion non financées par la commission. Unité marchande: si les primes ne couvrent pas la perte attendue et les coûts de gestion, une subvention est imputée de l’administration au garant. Une écriture de contrepartie en F.8 (autres comptes à payer/recevoir)57 est enregistrée et débitée quand la garantie est appelée. L’administration enregistre une subvention imputée versée au payeur de la commission ainsi qu’une opération financière F.63 pour la différence entre la commission et la valeur de l’actif. Les détails précis de la comptabilisation sont expliqués à l'annexe du papier d'AEG. L'idée de base est qu’une dépense publique doit être enregistrée (subvention) pour les garanties qui sont accordées gratuitement ou à perte.

4.5.4 Règlement des indemnités

Parfois le paiement d'une indemnité par le garant lui donne la propriété de l’actif en défaut. Cet actif peut avoir une valeur de marché non nulle, à cause de la possibilité de le sortir de la détresse financière et de récupérer une partie du service de la dette. Dans le contexte des dettes souveraines, ce rééchelonnement de dette est couramment organisé par le club de Paris. Dans les normes internationales de comptabilité, le paiement d'une telle indemnité serait enregistré comme suit: a) Les liquidités sont versées pour acheter un actif financier. b) La provision pour perte sur indemnités futures est annulée. c) Des provisions sont établies pour dettes irrécouvrables en relation avec l’actif acquis. Le SCN93 n'enregistre pas actuellement des provisions pour dettes irrécouvrables et on ne s'attend pas à ce que ceci change dans le SCN93 révisé. Une façon de traiter cela serait de considérer que l’actif acquis par le garant serait une sorte de titre évalué à la valeur de marché dans SCN93, plutôt qu'un prêt. Le papier pour l'AEG décrit une autre méthode.

57 NDT F.8 dans le SCN, F.7 dans le SEC

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45

Le mot " provisions "

Le mot "provisions" cause souvent de la confusion dans les discussions sur les comptes nationaux. Normes internationales de comptabilité Dans les IAS les provisions sont des passifs au bilan. Elles enregistrent une dépense future attendue résultant d’un événement passé, quand le montant et le moment de la dépense sont incertains. C'est la signification des " provisions " dans ce papier.

Beaucoup de provisions sont sans relations avec d'autres postes du bilan. Par exemple, le ministère britannique de la santé a enregistré des provisions pour les montants qu'il s’attend à devoir payer pour indemniser des individus qui ont reçu un traitement médical inadéquat dans le passé.

D'autres provisions sont liées à un actif du bilan. Par exemple le ministère britannique de l'éducation enregistre des provisions dans son bilan pour des créances irrécouvrables. C'est un ajustement à la valeur comptable des prêts publics aux étudiants pour tenir compte des défaillances attendues. Au cours des discussions pour déterminer si les comptes nationaux doivent enregistrer des provisions, cette sorte de provision vient souvent à l'esprit car elle a trait au sujet controversé de la façon de valoriser les prêts dans des comptes nationaux. SCN93 / SEC95 Dans le SEC95, la description de l’instrument financier F6. Réserves techniques d'assurance mentionne les provisions dans plusieurs endroits mais avec différents sens. Le paragraphe 5.101 du SEC95 parle de " provisions 58 ou fonds semblables établis... ". Ceci implique que les provisions sont des stocks d’actifs. Le paragraphe 5.107 se rapporte aux provisions techniques 59 dans les comptes de l'entreprise d'assurance, qui sont des passifs. On suppose que l'intention du texte est de dire que F.6 est un instrument financier qui est un passif des institutions financières, et un actif des détenteurs de polices d’assurance, mais que sa valeur n'est pas le passif contractuel de l'institution financière; au lieu de cela il est évalué comme égal à la valeur des actifs détenus par l'institution financière pour financer ce passif. Ceci pourrait être plus ou moins élevé que le passif. Ainsi, l'évaluation de F.6 dans les comptes nationaux est différente de l'évaluation des provisions pour des passifs dans le cadre des contrats d'assurance et de pension enregistrés dans les bilans des comptes annuels des institutions financières. Une distinction analogue concerne D.44, les revenus de la propriété attribués aux assurés engendrés par F.6. Dans le SCN93 c'est le rendement réel des actifs détenus. Mais dans les comptes annuels des institutions financières le revenu de la propriété attribué aux assurés correspondant serait la valeur nette actualisée du passif.

58 dans la version française, c'est « Les réserves ou les fonds similaires » 59 dans la version française, c'est «Les provisions d'assurance vie, les provisions pour participation aux bénéfices et ristournes, ainsi que les provisions relatives à l'assurance vie »

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Insee Méthodes 46

Annex 1 : example of provisions recorded in UK public accounts

Provisions for medical negligence

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Annex 2 : example of provisions recorded in UK public accounts

The balance sheet shows the book value of the loans and the provisions for bad debts

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Insee Méthodes 48

Annex 2 : example of provisions recorded in UK public accounts

Note on the provision for loans

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Annex 3 : Example of Contingent Liabilities

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Insee Méthodes 50

Annex 4: Example of provisions recorded for guarantees

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SESSION 2 ÉVOLUTION DES NORMES COMPTABLES ET

SYSTÈMES DE RETRAITE

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Insee Méthodes 52

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SYNTHÈSE SUR L’ÉVOLUTION DES NORMES IPSAS

Philippe ADHÉMAR IPSASB

Synthèse sur l’évolution des normes IPSAS.

La normalisation comptable internationale pour le secteur public s’est très fortement renforcée dans les dernières années. Elle couvre désormais, grâce à un ensemble de 21 normes dites IPSAS ( International Public Sector Accounting Standards), une très large part de l’activité des Etats et autres entités publiques. Toutes ces normes sont fondées sur une approche de droits constatés et répondaient au souci d’adapter au secteur public les principes et cadres comptables utilisés internationalement pour les entreprises. Mais depuis deux ans le Conseil de la normalisation internationale a retenu comme première priorité de ses travaux ceux qui concernent les domaines spécifiques au secteur public, non traités par définition par les normes IAS/IFRS. Sont ainsi visés les obligations de politique sociale des Etats, la place particulière tenue pour les gouvernements par le budget et sa relation avec les états financiers, et les systèmes de retraite. Où en sommes nous ? Comment se présentent ces travaux ? Quels sont les liens avec les autres réflexions ou travaux en cours ? S’agissant plus particulièrement des engagements de retraite peut-on déjà discerner une orientation ?

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Insee Méthodes 54

International Public Sector Accounting Standards Board (IPSASB)

Janvier 2006Colloque de Comptabilité nationale

ACNPhilippe Adhémar –Président IPSAS

Board

Présentation

• Bref rappel de l’ IPSASB• L’état actuel du programme sur les normes

comptables pour le secteur public

• Les développements en cours et futurs..

IFAC

• IFAC –163 membres 119 pays• Ses divers comités :

International Audit and Assurance Standards Board (IAASB)

International Public Sector Accounting Standards Board (IPSASB)

Education and Ethics Committees Developing Nations Permanent Task Force Professional Accountants in Business (PAIB)

International Public Sector Accounting Standards Board (IPSASB)

• Public Sector Committee (PSC) établi en 1986, reconstituécomme IPSASB en Nov 2004

• IPSASB son mandat : produire des normes IPSAS• IPSASB ses membres En 2005, 15 members

En 2006, (+3) membres “publics”

IPSASB

• IPSASB Les Membres en 2005France (Présidence), UK, Australie, Argentine, Canada, Allemagne, Inde, Israel, Japon, Malaysie, Mexique, Nelle Zelande, Norvège, Afrique du Sud, USA

• IPSASB Les ObservateursBAD, UE, IASB, FMI, INTOSAI, OCDE, Banque Mondiale, Nations Unies, UNDP

L’objectif

• Un programme de normes établi fin 1996• Le financement : BAD, IFAC, FMI, UNDP, Banque

Mondiale• Objectif : renforcer la gouvernance, aider à la nécessité de

rendre compte et à la transparence, proposer un cadre de reporting complet and adapté dans le cadre des états financiers.

• Donner à l’auditeur un cadre de référence.

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L’approche de l’IPSASB• Promouvoir l’adoption d’une comptabilité de

droits constatés• Reconnaitre l’usage répandu de la base caisse

• Apporter une aide à la transition vers les droits constatés.

Le programme de travail de l’IPSASB

• 3 priorités:1 –Les sujets spécifiques au secteur public2 –Continuer la convergence avec les IFRS quand

nécessaire3 –Assurer la convergence avec les bases statistiques

quand cela est possible et notmment avec la comptabilité nationale. Le groupe de travail conjoint.

Un “Due Process” Transparent• Exposés sondage : au moins 4 mois pour les

commentaires• Les travaux sont publics et les documents

disponibles sur le Web.• Des Groupes de travail• Des Panels (PAP) Un Groupe Consultatif • Des séminaires régionaux

Les travaux déjà réalisés

• Une large norme de caisse• Des études et recherches..• 21 normes IPSASs en droits constatés

Des normes en cours d’élaboration pour lesquels des exposés sondages sont proposés..

• ED 24-Cash Basis: Disclosure Requirements for Recipients of External Assistance

• ED 25-Proposed Amendment to the Preface to IPSASs• ED 26- Improvements to International Public Sector

Accounting Standards• ED 27- Presentation of Budget Information in Financial

Statements• ED 28-Disclosure of Financial Information About the

General Government Sector

Tout est public et disponible sur le site Web

• Toutes les normes IPSAS– (y compris dans leur version française et espagnole)

• Tous les exposés sondage en cours• Les Nouvelles périodiques après chaque

réunion• Les documents de travail pour les réunions

del’IPSASB.• Accès gratuit à WWW.IPSASB.ORG

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Insee Méthodes 56

Parmi les projets ED 24 Information sur l’aide extérieure

– Projet encouragé par l’OCDE et les banques de dévelopement multilatérales pour harmoniser le reporting et réduire les coûts

– ED 24: base caisse – publié en février 2005 – Les questions :– Les exigences d’information sont elles trop lourdes?– Les donneurs d’aide vont-ils fournir l’information ?– Pour avancer : profiter d’un test sur le terrain

Première prioritéED 27 Le lien avec le budget

• Nécessaire pour assurer une vraie transparence• Reprendre le budget initial• Donner l’information sur l’exécution budgétaire.• Publié en octobre 2005 . Commentaires d’ici février

2006.

Première prioritéLes revenus autres que d’échange

(impôts, transferts)

• Un exposé sondage en cours.Adoption d’une approche actifs /passifs– Définition des conditions ou restrictions : un passif ?

Une des priorités essentielles :les obligations de politique sociale des

Etats et entités publiques et le traitement des retraites

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Sérier les sujets au moins pour l’analyse

• Les obligations de politique sociale–Developper un ED séparé hors pensions

• Considérer le sujet retraites en 2006• Considérer à part les retraites des

fonctionnaires à partir d’un projet sur l’applicabilité ou non au secteur public de la norme IAS 19 du secteur privé (Avantages au personnel).

Un stade encore très exploratoire• Pour les obligations de politique sociale

autres que les retraites : ne reconnaître un passif que si tous les critères sont remplis ?

• Pour les retraites des fonctionnaires , voir la norme entreprises et plutôt une obligation au passif ?

• Pour les responsabilités de l’Etat au titre du régime général de retraites : une difficulté d’appréhension compte tenu des grandes différences entre pays.

Exposure Drafts (ED) publiés en 2005• ED 24, “Financial Reporting Under the Cash

Basis of Accounting – Disclosure Requirements for Recipients of External Assistance”

• ED 25 “Proposed Amendment to the Preface to IPSASs

• ED 26 “Improvements to International Public Sector Accounting Standards

• ED 27 “Presentation of Budget Information in Financial Statements”

• ED 28 “Disclosure of Financial Information About the General Government Sector”

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Insee Méthodes 58

ÉVALUATION DES ENGAGEMENTS DE RETRAITE DES FONCTIONNAIRES DE L’ÉTAT EN FRANCE

Thierry PELLÉ1 Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie

Budget

Résumé

Jusqu’à l’intervention de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), votée le 1er août 2001, à l’unanimité, par les deux assemblées parlementaires, les opérations concernant les pensions civiles et militaires de retraite étaient retracées de façon éclatée et difficilement lisible au sein du budget général de l’Etat. La nouvelle loi organique a apporté la transparence en permettant de rassembler, au sein d’une même structure, le Compte d’affectation spéciale « Pensions », les différents éléments financiers et d’en appréhender l’équilibre global (1). Toutefois, avant même la mise en œuvre de la LOLF, une information traitant des engagements hors bilan et portant sur les retraites des fonctionnaires de l’Etat a été introduite dans le rapport de présentation du compte général de l’administration des finances (CGAF) (2). Les engagements de l’Etat sont ainsi évalués entre 790 et 1.000 Mds€ en fonction des hypothèses retenues. Leur traitement comptable, hors bilan, n’a pas été remis en cause avec la mise en œuvre de la LOLF, les conditions de la détermination de ces engagements font cependant désormais partie intégrante de la certification des comptes de l’Etat par la Cour des comptes.(3).

1 La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) permet désormais d’identifier clairement les dépenses et les recettes de l’Etat au titre des retraites

1.1 Un nouveau compte d’affectation spéciale.

A compter du 1er janvier 2006, conformément aux dispositions de l’article 21 de la LOLF, l’ensemble des crédits que l’Etat consacre au service de pensions et d’allocations viagères sera centralisé au sein d’un nouveau compte d’affectation spéciale. C’est un grand progrès de modernisation de l’État, reprenant es préconisations de la Cour des comptes, issu des travaux des assemblées parlementaires pour la LOLF.

Ce compte doit permettre d’identifier les flux budgétaires afférents aux engagements viagers de l’État. Sa création participe également à l’amélioration de l’efficacité de la gestion publique en permettant d’inclure la contribution employeur dans l’appréciation des dépenses de personnel. Ainsi, la nouvelle méthode de budgétisation prévoit que le programme propre aux pensions des fonctionnaires et des militaires soit notamment alimenté, en recettes, par une cotisation à la charge des employeurs inscrite sur les programmes ministériels du budget général qui supportent la rémunération principale des agents relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite et imputée au titre 2 des dépenses de personnel en tant que cotisations sociales.

Cette nouvelle méthode permet donc aux gestionnaires de personnels de mieux apprécier le coût complet de ceux ci et d’arbitrer en gestion sur des bases qui incluent la totalité du coût d’emploi des agents.

1.2 Trois programmes gérés à l’équilibre

Le CAS « pensions », dont le ministre chargé du budget est ordonnateur principal, constitue une mission au sens de la LOLF. L’article 51 de la LFI 2006 en définit la structure et décrit l’ensemble de ses recettes et dépenses. Le CAS « pensions » comporte ainsi trois sections correspondant à trois programmes, chacun de ces programmes devant être géré à l’équilibre, en recettes et en dépenses : 1 les points de vue exprimés dans cette note n’expriment pas la position officielle du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

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- un programme « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité » retraçant les pensions servies en application du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que les allocations temporaires d’invalidité (ATI), représentant 40,6 Mds€;

- un programme « Ouvriers des établissements industriels de l’Etat », qui concerne les pensions versées aux ouvriers de l’État et les rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires. Il retranscrit dans la comptabilité du « CAS Pensions » les opérations du Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE) instauré par une loi du 21 mars 1928, représentant 1,7 Mds€ ;

- un programme « Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions », qui comporte en particulier les pensions versées au titre du code des pensions militaires d’invalidité et de victimes de guerre. Il comprend également d’autres pensions et avantages à caractère viager, notamment les retraites du combattant, les allocations de reconnaissance aux anciens supplétifs ou encore les pensions aux sapeurs pompiers et anciens agents de la défense passive victimes d’accident, représentant 2,9Mds€.

1.3 Le programme « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité »

Le programme « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité », par la dimension de sa dotation, concentre l’essentiel des enjeux du compte d’affectation spéciale « Pensions », tels qu’il est possible de les dégager, à la lecture de la LOLF ainsi que de celle des travaux préparatoires du Parlement. Il doit permettre notamment d’identifier les comptes du régime des pensions civiles et militaires de retraite de l’État afin d’assurer les conditions de sa gestion financière en créant un lien entre les diverses contributions au financement des charges de pensions et les prestations allouées. De ce fait, les flux financiers du régime des pensions des fonctionnaires et des militaires pourront être appréhendés de façon directe et incontestable : les conditions de son équilibre et celles du partage de l’effort contributif entre l’État et ses agents seront véritablement établies. Dans ce cadre, la nouvelle contribution à la charge de l’employeur participe à cette transparence. Calculée à partir de taux distincts pour chacune des trois actions du programme « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité », cette cotisation permet d’identifier trois types de financement en recettes correspondant à trois types de dépenses. La détermination de 3 taux différents de cotisations des employeurs, 49,9 % pour les personnels civils, 100 % pour les personnels militaires, et 0,3 % au titre du financement des allocations temporaires d’invalidité permet d’intégrer dans la détermination des budgets des ministères employeurs les coûts réels liés aux charges de pensions découlant des conditions d’obtention et de jouissance de ces dernières.

1.4 La mise en place d’un fonds de roulement ab initio.

Par ailleurs, le décalage existant naturellement, en cours d’exercice, entre le rythme d’encaissement des recettes et le rythme d’engagement des dépenses nécessite de prévoir la mise en place d’un fonds de roulement ab initio. Ce fonds de roulement est constitué au moyen d’un versement exceptionnel d’1 Md€ provenant de l’établissement public de gestion de la contribution exceptionnelle de France Télécom (EPGCEFT). Destiné à gérer les décalages de trésorerie infra-annuels, il devra être reconstitué à l’identique en fin d’exercice. Cette opération, qui a uniquement un pur objectif de trésorerie infra-annuelle du compte d’affectation spéciale des Pensions, ne concerne ni la Société France Télécom, ni le budget général de l’État.

1.5 Des subventions d’équilibre

Enfin, il faut noter que l’Etat supporte indirectement une fraction des charges de retraites au titre de plusieurs régimes spéciaux, par le biais des subventions d’équilibre qu’il attribue à ces régimes. Ces subventions sont retracées au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite » du budget général, pour un montant global de 4,5 Md€ en 2006.

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2 Les engagements de l’Etat en matière de retraites sont évalués hors bilan en utilisant la méthode dite « des unités de crédits projetées », préconisée par la norme comptable internationale IAS 19.

2.1 Le champ de l’évaluation

Les charges et recettes du budget de l’Etat retraçant le fonctionnement du régime de retraite des fonctionnaires sont extrêmement diversifiées dans leur nature et dans leur traduction comptable. Elles sont également difficiles à prévoir à moyen terme. S’y ajoutent d’autres charges budgétaires reliées à l’assurance vieillesse, notamment les subventions d’équilibre aux différents régimes spéciaux (exploitants agricoles, cheminots, marins, mineurs, SEITA, Opéra et Comédie française, etc.).

En matière de risque vieillesse, plusieurs approches sont donc envisageables pour calculer le coût des engagements pesant sur le budget de l’Etat. Cependant, au-delà des charges de pensions des fonctionnaires stricto sensu retracées au sein du « CAS Pensions », tout élargissement nécessite une multiplication d’hypothèses ad hoc et un important travail actuariel, notamment sur les régimes spéciaux subventionnés2.

Pour le calcul des engagements de retraite de l’Etat, le champ retenu a été restreint aux seules charges de pensions des fonctionnaires titulaires, à l’exclusion des recettes et charges annexes liées aux pensions des fonctionnaires (cotisations, transferts de compensation démographique vieillesse), des subventions et charges de pension actuellement garanties par l’Etat ou susceptibles de l’être à moyen terme, ainsi que des charges de fonctionnement.

Les fonctionnaires employés par La Poste ne sont pas pris en compte dans cette évaluation : les engagements correspondants sont présentés dans le hors-bilan de l’établissement, avec des modalités de calcul similaires à celles qui sont présentées ici3.

2.2 Les méthodes d’évaluations

Plusieurs types d’évaluation des engagements pouvaient être envisagés : la méthode des unités de crédit projetées a été retenue. Cette méthode, parfois appelée méthode de répartition des prestations au prorata des années de services ou méthode des prestations par année de service, considère que les engagements à l’égard des actifs en place sont proportionnels au nombre d’années de services effectués. Elle consiste en effet à évaluer au mieux les prestations de retraite qui seront servies, puis à les prendre en compte au prorata du nombre d’années de services effectués sur le nombre d’années de services probable au moment du départ à la retraite. L’évolution de carrière probable des actifs est prise en compte, et le régime est supposé fermé à la date de l’évaluation. La méthode des unités de crédit projetées prend en compte le fait que les services rendus par un agent génèrent une obligation même si les droits à prestations sont conditionnés par un emploi futur, et ne sont par conséquent pas acquis. Ainsi, un fonctionnaire ayant moins de quinze années d’ancienneté n’a, par exemple, acquis aucun droit mais le régime a envers lui une obligation implicite, dans la mesure ou le nombre d’années de service futur qu’il devra effectuer avant d’avoir droit à une pension diminue. Cette méthode est recommandée par la norme comptable internationale IAS 19 pour la comptabilisation des engagements de retraite des régimes à prestations définies des entreprises. Les cotisations que paieront probablement les actifs présents à la date d’évaluation ne sont pas prises en compte, dans la mesure où elles feront face à une progression des engagements à leur égard. D’autres méthodes auraient pu être envisagées : La méthode du système fermé suppose que le régime est fermé à la date de l’évaluation, mais n’est liquidé qu’avec le décès du dernier cotisant actuel. En revanche, il n’accepte, à la date de l’évaluation, plus aucun nouveau cotisant. Dans cette méthode, on suppose qu’il n’y aura plus de nouveaux cotisants, ce qui revient à fermer le régime de retraite. Cependant, les actifs actuels continuent d’évoluer professionnellement et sont supposés projetés à leur fin de carrière normale et prévisible. L’engagement du système de retraite est la 1 Les engagements sont portés par les entreprises publiques concernées et figurent en général à ce stade dans leur hors-bilan, dans l’attente de l’application des normes IAS 19. 3 La loi de 1990 prévoit ainsi un remboursement par La Poste des charges de retraite.

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différence entre la somme actualisée des prestations que versera le régime de retraite aux retraités et aux cotisants actuels, que l’on ne retient que dans une certaine proportion lorsque l’on applique la méthode des unités de crédit projetées, et les cotisations qu’il percevra auprès des cotisants actuels. La méthode du système ouvert suppose que le régime reste existant pendant une durée illimitée, avec des recrutements sur toute la période couverte. La méthode du système ouvert ajoute à l’engagement d’un système fermé les droits que vont acquérir les futurs cotisants et retranche les cotisations qu’ils verseront. Cette méthode suppose cependant de faire une hypothèse sur les recrutements futurs, hypothèse par nature conventionnelle à horizon lointain. Au final, la méthode des unités de crédit projetées présente donc des avantages en termes de simplicité car elle ne préjuge pas des recrutements futurs (contrairement au système ouvert). Les hypothèses requises par ailleurs portent sur la démographie (mortalité), sur le comportement de départ en retraite et l’évolution des carrières. Cette méthode, utilisée par les entreprises pour le calcul de leurs engagements de retraite (norme IAS 19) suppose cependant des hypothèses fortes qui doivent être pleinement appréhendées.

2.3 Les hypothèses d’actualisation.

Le calcul des engagements implique d’actualiser les flux futurs. Ainsi, pour 2004, un taux d’actualisation réel (hors inflation) de 2,5 % a été utilisé, en cohérence avec celui utilisé au 31 décembre 20034. La méthode adoptée, qui vise à se rapprocher des méthodes d’évaluation des engagements préconisés par les normes comptables internationales, repose sur les postulats suivants : -le calcul des engagements ne concerne que les personnes présentes à la date de référence : les recrutements futurs n’interviennent pas dans le calcul ; -la carrière des actifs au cours du temps est prise en compte : les indices et les taux de liquidation retenus pour le calcul des pensions futures sont fondés sur les indices et taux de liquidation actuels, après prise en compte d’une progression du salaire moyen (il y a ainsi projection des salaires jusqu’à la fin d’activité des agents en place) ; -l’horizon de prévision est ici prolongé jusqu’à l’extinction totale des droits à pension contractés en 2004, sur une période très longue (au-delà de 2100) compte tenu des phénomènes de réversion. L’actualisation limite cependant les effets des flux de long terme.

2.4 L’évaluation des engagements est réalisée à partir du modèle ARIANE.

Il convient de souligner tout d’abord que de nombreuses informations sont nécessaires pour estimer les engagements, et que les données disponibles ont un degré variable de précision. Ainsi, les données portant sur les effectifs (répartition par âge, par ancienneté, etc.) ne sont connues qu’avec un certain délai et ne comportent pas toujours les détails nécessaires. Par ailleurs, il a également été nécessaire d’adapter au cas des fonctionnaires des tables de mortalité établies pour l’ensemble de la population, afin de prendre en compte une structure d’emplois spécifique et une espérance de vie plus élevée. La table de mortalité retenue est fondée sur le dernier recensement effectué en 2000 par l’INSEE.

Ce modèle de projection du régime de retraite de la Fonction Publique d’État a été développé en 2002 afin de répondre à deux objectifs principaux :

fournir une première estimation des engagements de l’État en matière de retraite5 ;

suivre l’évolution du régime et l’impact de la réforme des retraites en disposant de chiffrages sur les évolutions tendancielles, ainsi que sur l’impact des diverses mesures envisagées.

Il a été conçu par la direction du Budget, en étroite collaboration avec le Service des Pensions, ainsi qu’avec l’appui de l’INSEE, tout particulièrement sur le module comportemental. Il fonctionne sur une base générationnelle et vise notamment à prendre en compte les aspects suivants :

4 Le choix de ce taux était fondé sur l’observation du rendement de l’OAT indexée sur l’inflation d’échéance 2029, qui était de 2,525 % au 31/12/2003, et de 1,870 % au 31/12/2004. En retenant un taux d’actualisation de 2 %, les engagements fin 2004 seraient majorés d’environ 85 Mds€ (cf tableau p.6). En effet, toutes choses égales par ailleurs, une baisse du taux d’actualisation majore les engagements de retraite. 5 Une première évaluation des engagements de l’Etat a été ainsi publiée, courant 2003, dans le Compte général de l’administration des finances pour 2002.

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les changements de comportement potentiels en cas de modification de la réglementation ;

la montée en charge générationnelle de la réforme d’août 2003 ;

les durées de cotisations effectuées dans d’autres régimes (environ un tiers des ressortissants du régime sont pluripensionnés et la réforme rend indispensable la prise en compte de la durée effectuée dans l’ensemble des régimes).

2.4.1 Les données

Les données relatives aux services effectués dans la fonction publique Pour des raisons de collecte statistique, la population du régime a été scindée en trois sous-groupes « homogènes » : les fonctionnaires civils hors ex-PTT, les fonctionnaires « ex-PTT » (c’est à dire les fonctionnaires en activité à La Poste ou France Télécom) et les militaires. Chacun de ses groupes est caractérisé par une pyramide des âges constatée, une fonction de recrutement spécifique, une fonction de départ à la retraite spécifique (donnant un taux de départ par âge) et une structure spécifique des rémunérations.

Les données statistiques concernant les fonctionnaires en activité sont fournies par le département de l’emploi et des revenus d’activité de l’INSEE. Concernant les retraités actuels, le Service des pensions, disposant de données individuelles, peut fournir un grand nombre de statistiques. Ainsi, pour chacune des sous-populations étudiées, les effectifs de retraités, d’ayants cause, les montants de pensions en stock pour les retraités et les ayants cause, le taux de liquidation, l’indice moyen du flux de liquidants, les effectifs de flux de liquidants et les effectifs de flux d’ayants cause seront distribués par âge, pour l’année la plus récente.

La prise en compte des années validées dans d’autres régimes Le Service des pensions ne disposant jusqu’alors d’aucune information sur les carrières des fonctionnaires hors Fonction publique d’État, l’exploitation de l’Échantillon Inter-Régimes, mis à disposition par la sous direction de l’Observation de la Solidarité de la DREES, permet d’obtenir une approximation du taux de pluripensionnés et du nombre d’annuités validées dans les autres régimes, en vue de simuler le comportement de départ à la retraite des agents. La mise en place de l’Échantillon Inter-Cotisants devrait permettre de renforcer la connaissance des pluripensionnés, et permettre de prendre en compte les évolutions de comportement des générations plus récentes.

2.4.2 Les hypothèses utilisées en tendanciel

Les hypothèses démographiques Les profils de recrutement correspondent à la ventilation par âge des recrutements de l’année. Des variantes sur l’évolution des effectifs peuvent être testées. Parmi celles-ci figure une hypothèse de fermeture du régime (aucun recrutement) nécessaire au calcul des engagements de retraite.

Les tables de mortalité retenues ont été réactualisées afin de prendre en compte les évolutions liées au dernier recensement réalisé par l’INSEE. Elles prennent en compte la mortalité plus faible des fonctionnaires par rapport à celle de l’ensemble de la population, par l’intermédiaire d’une décomposition par catégorie socioprofessionnelle de la population des fonctionnaires. . Cet ajustement revient à considérer que la mortalité des fonctionnaires pour l’année N correspond environ à celle de l’ensemble de la population pour l’année N+10 pour les femmes et environ N+11 pour les hommes.

Les hypothèses financières Les scénarios présentés reprennent les hypothèses retenues par le Conseil d’Orientation es Retraites, à savoir une progression du Salaire Moyen Par Tête de 1,8% par an (en termes réels).

La progression de la valeur moyenne des pensions est liée à deux facteurs : d’une part, la revalorisation des pensions en stock, d’autre part, la progression des conditions dans lesquels sont liquidées la pensions, c’est à dire l’évolution des pensions liquidées (flux). Ce deuxième élément est pris en compte automatiquement dans le modèle au moment des calculs de départs en retraite.

2.4.3 La modélisation

Programmation centrale Chacune des sous-populations étudiées fait l’objet d’une projection séparée, agrégée en fin de processus pour obtenir les résultats globaux du régime de retraite. Les populations sont considérées sous forme d’agrégats par génération, et non pas par individu.

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Chaque année, le modèle simule les décès, les recrutements, et les départs en retraite. Les interruptions de carrière, ainsi que les droits acquis par des individus qui ne sont plus recensés parmi les actifs de la fonction publique à la date de la projection, sont pris en compte indirectement, via les taux de départ en retraite et les taux de liquidation appliqués à chaque âge. Le calcul des flux de retraités année après année constitue le point central de la projection. La méthode utilisée consiste à partir de départs « tendanciels », obtenus en multipliant chaque année le nombre d’actifs présents à un âge donné par le taux de départ par âge observé par le Service des pensions. Les départs tendanciels intervenant entre 55 et 65 ans sont ensuite réévalués à l’aide du module comportemental, ce qui permet d’obtenir de nouveaux flux de départ. Les taux de liquidation et les indices appliqués proviennent des taux et indices de liquidation observés par le Service des pensions, éventuellement corrigés pour tenir compte des décalages par rapport aux départs tendanciels6. Module comportemental Un module spécifique a été développé à l’occasion de la réforme des retraites, afin de prendre en compte plus finement le changement de comportement potentiel des agents face aux modifications de législation.

Les principales mesures paramétrables dans le modèle sont un allongement de durée de cotisation au régime, la mise en place de décote et d’une surcote, la modification du minimum de pension et la modification des règles de revalorisation des pensions.

Ces éléments peuvent être étudiés indépendamment ou de façon simultanée, selon une progressivité paramétrable.

Le module comportemental a été développé en collaboration avec les services de la Division Redistribution et Politiques Sociales de l’INSEE (qui ont parallèlement developpé un module de Destinie spécifique au secteur de la Fonction Publique). En particulier, la simulation utilise une fonction d’utilité, sur la base du modèle de Stock and Wise, permettant de déterminer le choix de l’âge de départ en retraite d’un individu, dont les paramètres proviennent des diverses études menées par l’INSEE.

Comme pour l’ensemble du modèle, les limites du processus sont essentiellement liées à l’étude d’agrégats d’individus et non à l’analyse de chaque agent. En particulier, cela conduit à considérer des indices salariaux et des nombres d’annuités et bonifications acquis moyens. Il est à noter par ailleurs que les agents liquidant leur pension en tendanciel avant l’âge de 55 ans sont supposés, dans le modèle actuel, ne pas changer de comportement. Pour les civils, il s’agit des invalides, des femmes ayant trois enfants et 15 ans d’ancienneté ou de certaines catégories actives (policiers, surveillants pénitentiaires…). Cette hypothèse revient également à considérer que les militaires seront peu touchés par la réforme (ils partent en effet pour les trois quarts en retraite avant 55 ans). De même, les agents liquidant leur pension après 65 ans en tendanciel ne sont pas sensés modifier leur comportement.

Un individu choisit la date de son départ en retraite en optimisant son bien-être escompté. Ce bien-être est modélisé par une fonction des salaires et des pensions perçues au fil du temps. L’utilité espérée est la somme des utilités retirées des prestations perçues chaque année, pondérées par la probabilité de survie de l’individu et affectées par différents paramètres :

un taux d’actualisation, qui permet de pondérer moins fortement les flux d’échéances éloignées ;

un coefficient de préférence pour le loisir, multiplicatif ; si ce coefficient vaut par exemple 2, cela signifie qu’un individu est indifférent entre la perspective de travailler en percevant un salaire de 2 € et celle de toucher une pension de 1 € ;

un coefficient d’aversion pour le risque (exprimant l’aversion pour la possibilité de flux de revenus ultérieurement nuls) qui est placé en exposant des sommes perçues. Il signifie par exemple qu’un individu préfère percevoir 1 € pendant 2 ans, plutôt que 2 € une année et 0 € la suivante.

6 Ainsi, si un individu décide de décaler son départ, il verra le nombre d’annuités pris en compte dans le calcul de sa pension et son taux de liquidation augmenter. Pour les indices, on a supposé une progression en fin de carrière relativement plate, de 0,5% par an.

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Les paramètres du modèle ont été choisis afin de caler au mieux les comportements prédits sur les comportements actuellement observés, sur la base des estimations réalisées par l’INSEE dans le cadre du modèle Destinie.

3 Les engagements de l’Etat sont évalués entre 790 et 1.000 Mds€, en fonction des hypothèses retenues.

Les engagements de l’Etat sont évalués entre 790 et 1.000 Mds€, en fonction des hypothèses retenues. Leur inscription en annexe des comptes de l’Etat a été retenue dans le cadre des nouvelles règles comptables mises en œuvre avec la LOLF. Pour autant, la question de leur comptabilisation n’est pas close.

3.1 L’évaluation

L’utilisation de la méthode des unités de crédit projetées conduit à un ordre de grandeur du niveau des engagements, rapporté au PIB, de l’ordre de 55 %, soit d’environ 890 Mds€. Les engagements au 1er janvier 2004 s’élevaient à environ 850 Mds€. La valeur des engagements dépend de façon sensible des changements de comportements envisagés. Deux scénarios ont été étudiés. L’un suppose que les changements de comportement seront rapides, l’autre qu’ils seront plus progressifs, conformément au rythme de montée en charge de la réforme7. Il existe une incertitude à ce stade irréductible sur l’ampleur de ces changements de comportement, qui pourra être ultérieurement en partie levée en observant les premières cohortes de retraités concernés par la réforme des retraites. Ces montants dépendent également fortement du taux d’actualisation retenu, comme le montre le tableau suivant :

Taux d'actualisation

2 % 2,5 % 3 % Engagements après réforme Scénario de changements de comportements lents

1000 Mds€ 910 Mds€ 830 Mds€

Engagements après réforme Scénario de changements de comportements rapides

950 Mds€ 870 Mds€ 790 Mds€

Le montant de 890 Mds€ correspond à la moyenne des deux scénarios, pour un taux d’actualisation à 2,5 %. Il convient de souligner que le montant des engagements ne doit être considéré que comme un ordre de grandeur, étant donné les incertitudes qui entourent son calcul, les données et hypothèses nécessaires et la méthodologie employée. L’estimation présentée a en effet été réalisée sur une base générationnelle, et non sur la base de données individuelles. Le développement de comptes individuels de retraite, envisageable dans le cadre de la mise en œuvre du droit à l’information prévu par la loi portant réforme des retraites, pourrait permettre des calculs d’engagements plus précis à moyen terme. Il convient par ailleurs de souligner que le montant des engagements évoluera en fonction de la précision apportée sur les données, des taux d’actualisation utilisés, des progressions de carrière prises en compte et des comportements de départ en retraite, revus en fonction des départs effectivement observés et plus généralement de la vérification des hypothèses sous-jacentes (dont celles qui portent sur la mortalité des agents). En l’absence de tout changement de méthode, et en supposant que les hypothèses retenues sont pleinement vérifiées, l’évolution du montant des engagements d’une année sur l’autre résulte de trois facteurs :

• L’effet de l’actualisation et de l’inflation : les engagements sont évalués en euros de l’année 2005 et tiennent compte d’une année d’actualisation en moins.

• Le paiement des pensions au cours de l’année écoulée : ces pensions figuraient dans le calcul des engagements évalués au 1er janvier 2004 mais ne sont plus à prendre en compte au 1er janvier 2005.

7 La montée en charge du coefficient d’anticipation (décote) ne s’achèvera qu’en 2019.

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• L’acquisition de nouveaux droits par les actifs présents au 1er janvier 2004 et les actifs recrutés en 2004.

3.2 Evaluation et norme comptable

Les engagements de l’Etat sont aujourd’hui évalués hors bilan. Cette façon d’opérer est conforme aux dispositions normatives définies dans la norme n° 13 reprises par l’arrêté du 21 mai 2004 portant adoption des règles relatives à la comptabilité générale de l’Etat selon lesquelles les engagements de retraite et assimilés de l’Etat font partie intégrante des engagements à mentionner dans l’annexe des comptes de l’Etat. La méthode de calcul retenue dans ARIANE est également conforme à la norme comptable internationale IAS19, dont les règles d’évaluation ont été reprises dans la norme n° 13, qui permet d’estimer les avantages du personnel, notamment les avantages de retraite à prestations définies. Ses éléments font d’ailleurs l’objet d’une évaluation par la Cour des comptes dans le cadre de la certification des comptes de l’Etat mise en œuvre par la LOLF.

Toutefois, il convient de souligner que cette norme internationale ne définit pas seulement une méthode d’évaluation mais impose également de comptabiliser au passif les engagements pris dans le cadre de régimes à prestations définies, comme le régime des fonctionnaires de l’Etat. Ainsi, si cette méthode permet de disposer d’un référentiel normé de valorisation des engagements de retraite de l’Etat, se pose néanmoins la question de son application comptable dès lors qu’il s’agit d’un régime de base fonctionnant en répartition. En effet, les normes retenues concernent généralement des régimes complémentaires, ne supportant donc pas l’intégralité des retraites des agents, pour lesquels les droits sont « gagés » par des actifs financiers.

La question est d’importance compte tenu du poids croissant des dépenses de retraites dans le budget de l’Etat. Ainsi, les dernières projections réalisées dans le cadre des travaux du Conseil d’orientation des retraites (COR) font apparaître une évolution particulièrement importante pour le régime des fonctionnaires de l’Etat dont le besoin de financement, à taux de cotisations inchangés, devrait s’aggraver de 14 Mds€ entre 2000 et 2020 (36 Mds€ à l’horizon 2050).

Elle n’a pas été tranchée à ce jour par les institutions internationales. Des réflexions sont actuellement en cours : elles concernent à la fois la pertinence d’inscrire les engagements de retraites à leur bilan et la méthode à retenir pour leur évaluation. Parmi les approches possibles, figure notamment une évaluation estimée à partir de la valeur actualisée des besoins futurs. Cette voie est notamment celle qui est préconisée dans le « rapport Pébereau » ; elle reviendrait à comptabiliser au passif la valeur actualisée des surcoûts annuels par rapport à ce que l’Etat finance aujourd’hui. Cette méthode conduirait à un montant estimé à 430 Mds€.

La question reste ouverte à ce stade. Nul doute qu’il conviendra également de la traiter dans un contexte global de comptabilisation et d’évaluation des engagements de retraite pour chacun des régimes de retraite.

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THE RATE OF RETURN OF PAY-AS-YOU-GO PENSION SYSTEMS : A MORE EXACT

CONSUMPTION-LOAN MODEL OF INTEREST8

Ole SETTERGREN, Boguslaw D. MIKULA9 The Swedish Social Insurance Agency

Abstract

The article presents a method for calculating the cross-section internal rate of return on contributions to pension systems financed according to the pay-as-you-go principle. The method entails a procedure for valuing the contribution flow of pay-as-you-go financing, and identifies the complete set of factors that determine the cross-section internal rate of return. The procedure makes it possible to apply the algorithm of double-entry bookkeeping in analyzing and presenting the financial position and development of pay-as-you-go pension systems.

1 Introduction

Paul Samuelson’s well-known article ‘An exact consumption-loan model of interest with or without the social contrivance of money’ published in 1958, has been interpreted as showing that the rate of return on pay-as-you-go pension systems, that is unfunded pension schemes, is the growth in the contribution, or tax, base of the system. In the absence of technological progress and with a constant number of hours worked per person, the growth in the contribution base is equal to the population growth, or Samuelson’s ‘biological interest rate’. Several researchers have pointed out that the two-age overlapping-generation (OLG) model used by Samuelson cannot explain the dynamics of the equilibrium interest rate in a world of more than two age-overlapping generations. As Arthur and McNicoll (1978) and Willis (1988) have demonstrated, in a more than two-age overlapping-generation model, changes in the differential between the ages at which the average income is earned and consumed is a critical factor in determining equilibrium interest rates. Likewise, Keyfitz (1985, 1988), as well as Lee in numerous works (1980, 1988a, 1998b, 1994a, 1994b, and 2000), have shown that the amount consumed at some or all ages is affected by changes in this age differential. However, it is still surprisingly common to find statements that the rate of return on pay-as-yougo financing is equal to the growth in the contribution base10. Rarely are such claims accompanied by the necessary qualification that they are valid only in a two-age overlapping-generations model, or in the equally unrealistic case where both the economy and demography are in a steady state11.

8 The paper was presented at the NDC Conference in Sandhamn, Sweden, September 28–30, 2003 and is a forthcoming chapter in Pension Reform: Issues and Prospects for Non-Financial Defined Contribution (NDC) Schemes edited by Robert Holzmann and Edward Palmer, World Bank, 2005. 9 We are grateful Sergio Nistico´ and Edward Palmer for their valuable comments. Special recognition goes to Hans Olsson. Without his early support, experience, and hard work preceding the decision by Parliament in 1998, when it settled for an asymmetric design of the indexation of the new system’s pension benefits and implicit pension liability, the ideas presented here would probably not have survived their infancy and become Swedish legislation. 10 While many examples could be cited to illustrate this point, here are just two of them: ‘As Paul Samuelson showed 40 years ago, the real rate of return in a mature pay-as-you-go system is equal to the sum of the rate of growth in the labor force and the rate of growth in productivity’ (Orszag and Stiglitz, 1999: 15); ‘The rate of return in a notional system can only be the rate of growth of the tax base that results from rising real wages and increasing numbers of employees (Samuelson 1958)’ (Feldstein, 2002: 7). 11 In our pension context, a steady state is defined as a situation where the average wage at each age, relative to the average wage for all ages, is constant over time and where the number of retirees at each age, relative to the total number of retirees, is constant over time, that is where mortality rates are constant. Thus the definition of steady state is consistent with population growth (or decline) if the change rate remains constant over time.

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The common assumption that the rate of return of pay-as-you-go pension systems is equal to the growth in the contribution base is rarely an efficient simplification. Recent experience in Sweden indicates how inappropriate this assumption can be. Because of the increase in life expectancy between 1980 and 2003, the pensionweighted average age of retirees increased from 72 to 75, while the income-weighted average age of contributors to the system remained relatively stable at 43, RFV (2002, 2004)12. As a result, the differential between the average age at which contributions were paid into the system and the average age at which pensions were paid from it grew from 29 to 32 years. This 12%increase added 0.4 percentage point to the 0.3 real annual growth in contribution base during the period. Thus the common simplification revealed less than half of the real rate of return. One possibly counterintuitive effect of increases in life expectancy is consequently that they raise the rate of return for pay-as-you-go pension systems. This suggests an even more serious drawback to the simplified view than its low efficiency: its failure to reveal a structure vital for understanding the financial dynamics of pay-as-you-go pension systems. Why then is the rate of return of pay-as-you-go financing so frequently taken to be the growth rate of the contribution base? Perhaps the answer is a belief that, without the two-age OLG or steady-state assumption, the analysis for determining the system’s cross-section internal rate of return would be prohibitively complex. The aim of this paper is to demonstrate that there is a clear-cut method of estimating the cross-section internal rate of return on contributions to pay-as-you-go pension systems even when the two-age OLG and steady state, restrictions are removed. The method entails a procedure for valuing the contribution flow of pay-asyou- go financing and identifies the complete set of factors that determine the crosssection internal rate of return. The procedure applies the algorithm of double-entry bookkeeping in analyzing and presenting the financial position and development of pay-as-you-go pension systems13. These procedures are all a result of the research undertaken to reconcile certain conflicting objectives of the new Swedish pension system.4 The method for solving, or rather managing, this problem was reached in ignorance of the above-cited research by Arthur and McNicoll, Willis, Keyfitz, and Lee14. In this text the phrase cross-section internal rate of return is used to indicate a measure distinct from the more familiar longitudinal internal rate of return, which is the rate of return that equates the value of the time-specific contributions from an individual or a particular group of individuals with the benefits to that individual or group. The cross-section internal rate of return is the return on the pension system’s liabilities that keeps the pension system’s net present value unaltered during a period of arbitrary length. However, to derive the cross-section internal rate of return, a continuous time model is used. The expression cross-section internal rate of return is shortened below to rate of return, while we sometimes use the abbreviation IRR. We also use the terms contribution base, contribution rate, and contributions where some would prefer tax base, tax rate, and taxes. Section 2 presents the method for estimating the value of the contribution flow to pay-as-you-go pension systems. In Section 3 this method is used to obtain a formula for calculating the rate of return on contributions to such systems, and the use of double-entry bookkeeping is outlined. In Section 4 we comment on the results. In Appendix A the method for determining the value of the contribution flow, the definition of the rate of return, and the double-entry bookkeeping procedure are illustrated by means of some numerical examples. Some readers will probably find it helpful to read the numerical examples before Sections 2 and 3.

12 To be more precise, the average ages refer to the expected average ages. The expected ages will only correspond to actual average ages if fertility-driven population growth, income, and mortality patterns are stable, that is in a steady state. 13 See references for The Legislative History of the Indexation and Automatic Balance Mechanism of the Swedish Pension System, and Settergren (2001, 2002). 14 This ignorance is clear from the legislative history of the Swedish pension reform as well as from Settergren (2001). It is evident that we were not alone in being unaware of the studies, or of their implications, that ‘explore the interface of richer demographic models and the overlapping-generation models of economists’ (Lee, 1994a). An example is Salvador-Valdes Prieto (2000), where changes in income and mortality pattern are observed to influence the financial balance of a so-called notional defined-contribution pay-as-you-go pension scheme. However, the results are not justified by the effects that changes in income and mortality patterns have on the money-weighted age differential between the average ages when income is earned and consumed.

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2 The value of the contribution flow

Pay-as-you-go financing implies that the flow of future contributions is used to finance an already accrued pension liability15. It is probably a matter of personal preference whether one considers that a pay-as-you-go system, by definition, has a deficit equal to this liability, or whether one accepts that its net present value is zero if contributions match pension payments. Here, the latter view is taken and financial balance is defined as

This standard definition of financial balance is unconventional for pay-as-you-go pension systems. The usual projections of cash flows to and from pay-as-yougo pension systems for evaluating their financial situation have not traditionally been presented in the form of assets and liabilities as the methods used do not allow this to be done16. As already indicated, it seems reasonable to consider that a pay-as-you-go pension system whose contributions and benefits match have a zero net present value and consequently to conclude that its liability is matched by an implicit asset, referred to below as the contribution asset. In another context, Lee (1994 and later) uses the term transfer wealth for a corresponding concept. Often pay-as-you-go systems are considered as defined by the absence of any funded assets in practice, however, there is normally a transaction account, and sometimes there are substantial funded assets. Systems without any funded assets are only a special case of the general description that follows. Hence Equation (1.a) can be reexpressed as

where CA=contribution asset F=buffer fund PL=pension liability In a steady state, contributions will equal pension benefits, thus CA(tss)=PL(tss), and F(tss)=0. For each income and mortality pattern and set of pension-system rules, there is a unique value for the pension liability. Equations (2)–(4) give an expression for this value in a steady state. In the case of a stable population, that is a population with constant mortality rates and constant population growth, the age distribution of the population can be expressed as

where N(x)=number of persons of age x x=age γ=the rate of fertility-driven17 population growth l(x)=life-table survival function In the system outlined, the indexation of benefits can have any relation to the averagewage growth; thus, the pension benefit may vary in size relative to this average wage at different ages. If, for example, pensions are indexed by the change in consumer prices, and average wages grow at a faster rate, the average pension benefit

15 Pension liability is defined in Equation (3) as the present value of future benefits to all persons to whom the system has a liability at the time of valuation, minus the present value of future contributions by the same individuals. This is the net pension liability ; however, we shorten the expression to pension liability. The practical problems of measuring the pension liability are often substantial. The pension liability is sometimes also referred to as the implicit pension liability ; see Iyer (1999). The practical problems of measuring the accrued pension liability, as well as the pension liability according to other definitions, are often substantial. Depending on the system design, the quality and the availability of data, the estimate of the pension liability may be so uncertain as to be practically useless. This paper does not deal with these important practical obstacles to employ the method suggested for estimating IRR, and the use of doubleentry bookkeeping. 16 An example of the traditional analysis of the financial status in a pay-as-you-go pension system is the Annual Report of the Board of Trustees in the Federal Old-age and Survivors Insurance and Disability Insurance Trust Funds (2003). 17 The expression could be extended to incorporatte the effects of migration on the expected contributionweighted average age of contributors. See Settergren and Mikula (2001) for such an extended interpretation of γ.

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per birth cohort will be lower for older cohorts relative to younger ones. The distribution of pensions within a cohort is ignored, since it has no relevance for the cross-section rate of return. The pension liability, V, is defined as the present value of future pension benefits to all persons to whom the system has a liability at the time of evaluation, minus the present value of future contributions by the same individuals

where m=maximum age x, u=age Discounting payments to and from the pension scheme by the growth in the contribution base the pension liability can be re-expressed as

where W(x) =wage pattern, that is the average wage for age group x, as a ratio of the average wage for all age groups W =average wage in monetary units per unit of time c =required contribution for a financially stable pay-as-you-go pension system ϕ=the rate of pension indexation relative to the rate of growth in the average wage R(x) =number of retirees in proportion to the number of individuals in age group x k=constant determining the pension level (equals the replacement rate if ϕ=0) The rate of discount is the product of the growth in the average wage times the rate of population growth. As both wages and benefits increase with the growth in the average wage, the latter cancels out of the equation, leaving the population-growth rate as the effective discount rate γ. It would be inappropriate to use a market rate of return on capital as a discount rate. The return on capital has no impact on the financial balance of a pay-as-you-go pension system, disregarding its effect on the buffer fund if there is one. For a stable population with stable income patterns, the contributions, C, are generated by the size of the population by age N(x), the wage pattern W(x), the average wage, W, and the required contribution rate for a financially stable system, c

In a steady state, the contribution rate that satisfies the financial-stability criteria of Equation (1.a) is also the contribution rate that equates pension payments in every period. Thus c is calculated as

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It is possible to obtain a measure of the pension liability in a steady state, which is independent of both the size of the contribution base and the contribution rate, by dividing the pension liability by contributions paid per time unit. Thus Equation (4) is divided by Equation (5), where Equation (6) is substituted for c. Rearranged and integrated by parts, this simplifies18 to Equation (7) expresses the fact, which may appear intuitively reasonable, that in a steady state the liability divided by contributions is equal to the differential between the average age of retirees (the first term of the RHS) and average age of contributors (the second term of the RHS). The fact that both ages are money-weighted, however, is not evident from the expression ; since the average wage is a part of contributions, C, Equation (7) is left with only the age patterns. The age differential between the average contributor and the average retiree is a measure of the duration of the pension liability, which we refer to as turnover duration, TD.

Equation (7) expresses the fact, which may appear intuitively reasonable, that in a steady state the liability divided by contributions is equal to the differential between the average age of retirees (the first term of the RHS) and average age of contributors (the second term of the RHS). The fact that both ages are money-weighted, however, is not evident from the expression; since the average wage is a part of contributions, C, Equation (7) is left with only the age patterns.. The age differential between the average contributor and the average retiree is a measure of the duration of the pension liability, which we refer to as turnover duration, TD. = Ar- Ac=TD (8) where Ar =money-weighted average age of retiree Ac =money-weighted average age of contributor Hence, for a stable population with stable income patterns, the pension liability can be separated into a volume component – contributions – and a structural component – turnover duration. Turnover duration is a useful concept: it sums up the factors that determine the scaleless, that is disregarding the amount of the contribution rate and the size of the contribution base, extent of the pension liability. The present value of the pension liability for a stable population with stable income patterns is expressed in years of contributions

18 See Appendix B for these intermediate steps.

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Figure 1. Illustration of Equations (7) and (8) The separation into volume and structural components also has a temporal aspect. Except in a steady state, there will be no definite value for turnover duration; however, the current economic and demographic patterns can be used to measure the expected turnover duration. It is expected in the same sense as the common measure of life expectancy; that is, it uses current observations to calculate a value which will turn out correct ex post only if observed patterns remain constant. The probability that any generation will live according to any published life table is virtually zero. Nevertheless, life tables are relevant and useful. Repeated estimations of (expected) turnover duration19 will reflect the changes in the financially relevant patterns and thus yield new estimates of the contribution asset, which are infinitely unlikely to produce the ex post correct figure. This procedure of repetitive revaluation of the contribution asset is not so different from the recurring re-evaluation of funded assets by the market20. For these reasons we find it appropriate to define the value of the contribution flow as the current turnover duration times the current contributions.

Figure 2. Turnover duration in Sweden, 23 annual charges, percentages 1981-2003

Source : RVF (2003, 2004)

19 Below we will not use the term ‘expected turnover duration’ to indicate that the turnover duration is measured outside of a steady state, but will consistently refer only to turnover duration. 20 An obvious difference is that funded assets are tradable, which make their prices much less ‘implicit ’ ; however, their valuation is inevitably hypothetical to some degree as long as they are not sold off.

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Alternative definitions are possible ; the reasonable ones will lead to only slightly different trajectories of the rate of return, since they have to deal with the same structural components. The turnover duration indicates the size of the pension liability that the present contribution flow can finance, given the present income and mortality patterns and the population-growth rate. As economic and demographic patterns change, the new value of the contribution flow can be estimated. The inverse of the turnover duration is a computable discount rate for the contribution flow, a measure of the current internal time preference of the pay-as-you-go pension scheme. This time preference is a function of the system design with respect to the rules that govern the indexing of pensions, the income, and mortality patterns of the insured population, and the population-growth trend. Appendix C provides rough estimates of the turnover duration for 41 countries from Settergren and Mikula (2001). The country-specific turnover duration varies from 31 to 35 years; thus, with the internal time preferences of the hypothetical pension system in the estimate the discount rates for contributions vary between approximately 2.8 and 3.2%. These rates are interestingly close to the frequently assumed real interest rate of about 3%. The usefulness of the turnover duration for valuing the contribution flow is critically dependent on the volatility of this measure. In many countries, perhaps most, the volatility of turnover duration can be anticipated to be moderate to low. The stem-and-leaf exhibit in Figure 2 presents estimates of the annual percentage change in the turnover duration in Sweden for the period 1981–2003. The average increase was 0.4%, most of it attributable to the increase in life expectancy. The average, money-weighted age of contributors varied closely around age 43, with no clear trend. The maximum one-year increase in turnover duration was 2.1%; the maximum annual decrease was 0.5%. Over half, 12, of the annual changes were between zero and 0.5%, and the standard deviation of the 23 observations was 0.6. In Section 3 the method described above for estimating the value of the contribution flow is used to derive an expression for the rate of return of pay-as-you-go pension systems, and the use of double-entry bookkeeping for such systems is outlined.

3 The rate of return in a pay-as-you-go system

Financial balance can be assured by changing either the rules of the system so that either the size of the pension liability, that is the value of present and or future benefits, or the contribution rate, that is the size of the contribution asset as defined by Equation (9.b) are adjusted, or by doing both. Irrespective of the type of tuning employed, the financial-balance requirement of Equation (1.b) – a net present value of zero – applies. To continue the derivation of the rate of return, Equation (1.b) is rephrased as

Equation (10) implies that both negative and positive funded assets are allowed and in some situations are necessary in order to comply with the requirement of financial balance as defined21. Some of the numerical examples in Appendix A illustrate this point. The rate of return of the pension liability that yields a net present value of zero is by definition the rate of return on contributions to the system. The formula for the rate of return of a pay-as-you-go pension system follows from differentiating Equation (10) with respect to time

The change in the pension liability is a function of the rate of return of the liability and of the difference between payments of contributions and disbursements of pensions.

21 To get a zero buffer fund in the steady state the steady state rate of return on the buffer fund, or the interest rate paid on a deficit, must equal the growth in the contribution base or the valuation of the fund must reflect an assumption of a return on capital different than the growth in the contribution base.

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where IRR =internal rate of return P =pension payments in monetary units per unit of time The rate of return (IRR) is both implicit and explicit. The implicit rate of return is a function of the impact of changes in mortality on the pension liability and of any divergence between new pension obligations and contributions paid. In addition, changes in the rules of the system will normally alter the value of the pension liability, producing an implicit effect on the IRR. The explicit rate of return is the result of any explicit rules for indexing the liability, that is the benefits to present and future retirees. The net difference in payments to and from the pension system is captured by the buffer fund, if there is one. Additionally, the value of the fund is changed by the return on its assets.

where r =rate of return on the buffer fund Depending on its sign and magnitude, the return on the buffer fund may increase or decrease the rate of return of a pay-as-you-go pension system. Equation (11) can then be re-expressed as

Finally the internal rate of return, separated into its components, is

Thus, the rate of return of a pay-as-you-go system is a function of :

(i) Changes in contributions : This component consists of Samuelson’s biological interest rate, changes in labour-force participation, average wage growth and changes in the contribution rate. (ii) Changes in expected turnover duration : This component consists of changes in income and mortality patterns and in the fertility-driven growth rate of the population22. (iii) Buffer and fund return (interest) : This component consists of the return (interest) on any liquidity (deficit) in the system.

The portion of the IRR resulting from mortality changes and any divergence between new pension obligations and contributions paid, or changes in system rules, can be considered as an implicit indexation of the pension liability. The IRR reduced by the rate of implicit indexation is the rate of available indexation of the pension liability ; thus

22 Note that since the turnover duration is affected, however mildly, by changes in the fertility driven growth rate, c, the IRR may differ from the contribution base growth, even in the unrealistic case of constant mortality and income patterns. This highlights the shortcomings of the two-age OLG model, it cannot represent the relevant geometry of the problem.

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In practice, the rules for indexation, or the adjustment of the contribution rate or other system rules, do not necessarily distribute all the indexation available in each period of time, thus the indexation applied in any particular period can differ from what is then available. The difference is the net income or loss of the system during the period in question. The accrued value of such net income or loss is equal to the opening surplus or deficit for the next period.

Of course, the cross-section internal rate of return of pay-as-you-go pension systems as defined in Equation (15) has implications for the longitudinal internal rate of return on contributions for an individual or group of individuals23. But these implications are complex. For an individual, the rate of return on contributions can be determined at the time of death; for a birth cohort, it can be settled when everyone in the cohort has died; for the pension system, when it has been closed down. Such delays in the provision of information are indeed impractical. Both participants and policy makers demand regular information on the financial position and development of the pension system. In order to produce such information, it is necessary to calculate the cross-section rate of return, on which there is only imperfect information. In the business world the problem is similar : the true rate of return can only be determined when all payments to and from a business entity have been made. As business stakeholders cannot accept such delays, accounting principles have been developed to estimate periodic rates of return for an on-going business. Since accounting measures of the rate of return, that is basically business net income, are arbitrary to some degree, the preferable method of determining the rate of return is a subject for debate. For pay-as-you-go pension systems, it is possible to envisage other accounting procedures than the one described here, and other measures will normally yield a different rate of return for a specific period. By our method, the contribution flow is valued according to the turnover duration with cross-section observations at the time, while the pension liability is estimated with an actuarial projection that may or may not imply changes in future turnover duration. Such differences will have an impact on the trajectory of the measured rate of return, but not on the aggregate rate of return as the system approaches a hypothetical steady state.

4 Conclusions

The rate of return on contributions to pay-as-you-go pension systems is not only a function of the growth in the contribution base of the system; it is also a function of changes in income and mortality patterns and in the trend of population growth. These three factors cause changes in the average age at which contributions are paid and pensions received, that is changes in what we call turnover duration. Further, if there is a buffer fund in the system, the return on that fund will influence the rate of return on contributions. The rate of return can be implicitly distributed through the effects of mortality changes on the pension liability and also by differences between contributions paid and new pension liabilities. The net of the rate of return and the implicitly distributed return is the rate of financially available indexation, that is the explicit indexation of the pension liability which is necessary to keep the net present value of the system unaltered. The turnover duration provides an estimate of the discount rate for the contribution flow to systems with a zero pre-funding requirement for financing their obligations, that is pay-as-you-go systems. This makes it possible to apply a form of double-entry bookkeeping in these schemes. By means of the double-entry algorithm, the financial position of these schemes can be reported in a balance sheet, as summarized in Equation (10), and changes in the financial position can be reported in an income statement, summarized in Equation (17)24. We argue that applying the double-entry bookkeeping to pay-as-you-go pensions can improve the quality and transparency, and thus the understandability, of financial information on these important transaction systems relative to the different measures of actuarial balance used today. Disentangling the components of the rate of return also adds options for the design of pay-as-you-go pension systems; in particular, the forms of indexing pensions can be made more efficient25.

23 The relationship between the two rates can also be expressed inversely, with the longitudinal IRR determining, in a complex way, the cross-section IRR. 24 In practice Equation (17) should be extended to accommodate the possibility of an opening surplus or deficit, that is a difference between assets (buffer fund assets and contribution asset) and liabilities. 25 Whether double-entry bookkeeping in fact provides better information than traditional measures of actuarial balance can, perhaps, be judged from the Annual Reports of the Swedish Pension System, which have been published annually beginning with the year 2001. To judge from the index chosen for the new Swedish public pay-as-you-go pension system, separating the components of the internal rate of return adds new options for designing the indexation of pay-as-you-go systems; see

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Appendix A : Numerical illustrations in an overlapping generation model26

A three-age overlapping-generation model is used to illustrate the impact of changes in the average ages at which income is earned and consumed. Three is the minimum number of ages needed for changing the differential between the ages at which the average income is earned and consumed. This age differential is called turnover duration, TD, formally derived in Section 2. To demonstrate the effects of changes in mortality on the rate of return, the model is extended from three to four ages. In the model, the life of an individual is divided into three (four) periods of equal length. All individuals work for exactly two periods, at ages 1 and 2, and they are all retired for the entire third (and fourth) period, age 3 (and 4). All are born on the first day of each period; all birth cohorts are of equal size ; there is no fertility-driven population growth, no migration, and no pre-retirement mortality, and everyone in retirement dies on the last day of her/his final period. There is no technological progress. Under these assumptions, the contribution base for the pension system is constant. All financial transactions are made at the end of each period. To avoid the complication that changes in contribution rate impact the internal rate of return (IRR)27, the examples are constructed so that the system in all examples can finance its pension payments with an unchanged contribution ratex25% – for every period. The effects on IRR from shifts in income and mortality patterns are described for certain alternative pension-system rules. The reason for this is to illustrate that

• the system’s cross-section IRR is independent of system design, • the distribution of the IRR over cohorts, the ‘longitudinal IRR’28, depends onsystem design, and • the timing of cash flows depends on system design, even when designs are equally financially stable, in

the sense that they all produce a zero net present value as defined in Equation (10). Although the numerical examples are straightforward, the somewhat complex feature of overlapping generations, in combination with the detailed account of the effects of the shifts in income and mortality patterns, may make it tedious to work through the examples. However, this effort can be well invested, as the examples, once grasped, clearly reveal structures that are vital for understanding important aspects of pay-as-you-go financing.

Example 1 : A shift in income pattern

Summary of what the example illustrates. In Example 1 the income pattern shifts – the income of older workers increases relative to that of younger workers – so that the income-weighted average age of contributors increases. It is shown how this change decreases the turnover duration and leads to a negative IRR. The effects of the negative IRR are first illustrated for a pension system where the rules are such that this specific chock will result in a rate of implicit indexation equal to the negative IRR. In Example 1.1, the effects of the same shift in income pattern are illustrated for a system where the rules are such that this specific chock will result in a rate of implicit indexation equal to zero. Thus, in Example 1.1, to maintain a zero net present value, the negative IRR must be distributed through explicit indexation equal to the IRR. The subsequent effects on the cash flows, buffer fund, etc. of the system are illustrated by means of an income statement and a balance sheet. The shift in income pattern. Up until and including Period 1, the wage is 48 for the older working cohort and also 48 for the younger. In the Period 2, the income pattern is changed29. From then on, the wage is 72 for the older cohort and 24 for the younger. Thus, the wage sum, that is the contribution base, is constantly 96. Also, the average wage for workers in general remains unaltered ; only the distribution of the average wage between the age groups has shifted. The rules of the pension system. The pension system is designed to pay a benefit that is 50%of the gross average wage of all wage earners – admittedly an awkward rule, but here it serves our purpose.

26 We are grateful to Jonas Berggren for his advice, which helped to make this Appendix more intelligible. 27 See Equation (15), Section 3. 28 See Section 1. Introduction for a definition of cross-section and longitudinal internal rate of return. 29 Income pattern is defined as the ratio of the average wage for each age group to the average wage for all age groups. A stable income pattern exists when this ratio is constant over time for all age groups.

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The effects of the shift in income pattern. This system will result in contributions of 24 that perfectly match pension benefits of 24 before and after the shift in income pattern. Cohort B, the only cohort whose lifetime income is altered by the change in income pattern, will receive a pension of 24, whereas it paid contributions of 30, the sum of 25% of wages 48 and 72, respectively. As the pension received is only 24, this cohort will receive 6 less than they paid, that is a periodically compounded rate of return of roughly minus 15%30. The effect of the shift in income pattern (Table 1A illustrates this system) on the system’s cross-section rate of return is the monetary effect,x6, relative to the systems

pension liability, 3631. Thus the cross-section rate of return is minus 1/6. Table 1B shows that the cross-section rate of return is equal to the relative decrease in the money-weighted average difference in time between the payment of contributions and the collection of benefits, that is the decrease in turnover duration from 1.5 to 1.25. From Table 1B it is also clear that the change in turnover duration makes the contribution asset, that is the contribution flow times the turnover duration, decrease and that this decrease is equal to the monetary loss incurred by cohort B.

30 0.25 x 48 x γ2+0.25 x 72 x r = 24 ⇒ r-1 ≈ - 15%. 31 Pension liability, PL, is defined in Section 2 Equation (3) as the present value of future pension benefits to all persons to whom the system has a liability at the time of evaluation, minus the present value of future contributions by the same individuals. As there is neither population growth nor technological progress, the contribution base will be constant; thus, the discount rate will be zero.

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As a combined effect of the shift in income pattern and the rules of this pension system, the pension liability decreases to the same extent as the value of the contribution flow is reduced by the shorter turnover duration. Before the shift, that is in Period 1, the pension liability was 36; after the shift, that is in Period 2, the pension liability is 30. Owing to this implicit negative indexation of the pension liability, the net present value of the system is consistently zero throughout the shift. The shift in income pattern in combination with the rule which says that pensions are 50% of average income of all wage earners implicitly distributes the negative IRR to Cohort B. However the negative IRR itself was not a consequence of the system’s rules, as will be illustrated in the following example.

Example 1.1: Same shift in income pattern, different pension system rules

The rules of the pension system. The same shift in income pattern is now applied in a pension system designed as a so-called notional defined-contribution (NDC) system. The rules of such a system imply that each cohort is to be repaid an amount equal to their contributions indexed at some rate, positive or negative. Initially, the indexing rules of the system are assumed to provide that notional pension capital and pensions are to be revalued at the growth rate of the contribution base, which in the example is zero for every period. The effects of the shift in income pattern. Up until and including Cohort A and Period 2, this system will yield an identical result as the first set of rules – zero crosssection and longitudinal internal rates of return. But, when Cohort B retires, it will have accumulated a notional pension capital of 30, equal to what it has paid in contributions. As the flow of contributions is constant at 24, the system can only repay Cohort B their notional pension capital by incurring a deficit of 6 – a figure familiar from Example 1. This deficit is caused by the same reduction in turnover duration as in Example 1. However, in the notional defined-contribution system the same negative IRR causes a cash deficit since the ‘rate of indexation’ is zero, while in Example 1 (the implicit) indexation was minus 1/6, matching the negative IRR. The shift in income pattern does not immediately reduce the pension liability of the notionally defined-contribution system; this liability remains at 36 in Period 232, while the shorter turnover duration – just as in Example 1 – has decreased the value of the contribution flow to 30. To be financially stable, the notional defined-contribution pension system must explicitly distribute the negative IRR by reducing the pension liability. One way to accomplish this is to index the system’s total pension liability by the ‘ rate of available indexation’, see Equation (16). Table 1C shows the development of the income statement and balance sheet of the NDC system, which applies explicit indexation at the available rate, here equal to the IRR. Indexing Cohort B’s and C’s notional pension capital of 30 and 633, respectively, by the available rate of 5/6 reduces it to 25, and 5, respectively. Thus the total pension liability of the system is reduced from 36 to 30 – equal to the new shorter turnover

32 Pension liability to Cohort B is 30, and to Cohort C it is 6. Only after Cohort B has passed through the system will the total pension liability drop to the new sustainable level of 30 – disregarding the deficit of 6 caused by the shift in income pattern. 33 The total wage of Cohort C in Period 2 is 24 with the contribution rate of 25%this will make Cohort C’s contribution and notional capital equal 6 this period.

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duration of the system (1.25) times the contribution flow (24). This implies that the system has regained its zero net present value. Nonetheless, the shift in income pattern and the negative indexation of the pension liability will affect the system’s cash flows. Period 3 pension payments to cohort B will be 25. As system income is 24 every period this will result in a deficit of 1. In Period 4 pension payments to cohort C will be 23 (5+18); thus a cash flow surplus of 1 will arise and close the deficit34. The systems total assets Period 3 are 29, (the sum of the buffer fund Period 3 isx1 and the contribution asset is 30). The total assets are equal to the system’s pension liability, and the system’s net present value is consistently zero.

34 The return on the buffer fund assets is assumed to equal the growth in contribution base which is zero.

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Example 2 : A shift in mortality pattern

Summary of what the example illustrates. In Example 2 the mortality pattern changes – life expectancy shifts upwards – so that the money-weighted average age of retirees increases. It is shown how this change increases the turnover duration and results in a positive IRR. The effects of the positive IRR are illustrated for a pension system where the rules are such that the rate of implicit indexation equals the positive IRR. In Example 2.1 the effects of the same shift in mortality pattern are illustrated for a system where the rules are such that the rate of implicit indexation is zero. Thus in Example 2.1, to maintain a zero net present value, the positive IRR must be distributed through explicit indexation equal to the IRR. The subsequent effects on the cash flows, buffer fund, etc., of the system are illustrated by means of an income statement and a balance sheet. The shift in mortality pattern. The shift in mortality occurs – simply though unrealistically – through a one-time increase in life span. After one period of retirement, no retiree in Cohort B dies ; instead, after the third period, all retirees in the cohort continue to live for exactly one more period. Subsequent cohorts also live for exactly two periods as retirees. The rules of the pension system. In the example, we keep the contribution rate fixed at 25%. Thus average pension benefit must be halved after the first cohort with a longer life expectancy received its first pension payment. Cohort B’s pension is thus 24 in their first period as retirees and 12 in their second. Cohort C, the second cohort with a longer life span, will receive a pension of 12 in each period, as will subsequent cohorts. The effects of the shift in mortality pattern. Table 2A illustrates that this system will result in contributions of 24 that perfectly match pension benefits of 24 before

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and after the shift in mortality. However, Cohort B, the first to benefit from the longer life span, will receive a total pension of 36, whereas it paid only 24 in contributions, for a periodically compounded rate of return of approximately 25%35.

The effect of the change in mortality pattern on the system’s cross-section rate of return is Cohort B’s monetary gain 12, relative to the systems pension liability 36. Thus the cross-section rate of return is 1/3. Table 2B shows that the cross-section rate of return is equal to the relative increase in the money-weighted average difference in time between the payment of contributions and the collection of benefits, that is the increase in turnover duration from 1.5 to 2. The reason for the positive return is the longer time span between the average wage-weighted age of contributors and the average benefit-weighted age of retirees resulting from the shift in mortality pattern, that is the increase in turnover duration. With the longer turnover duration, the value of the contribution flow increases from 36 to 48. The system is financially balanced throughout the shift, since the pension liability increases to the same extent as the value of the contribution flow. The positive return of 12 is implicitly distributed to the cohort whose initial pension was calculated on the basis of the previous life expectancy. This can also be illustrated by placing the numbers in the example into Equation (16)

[rate of available indexation]=[i]+[ii] +[iii]x[rate of implicit indexation]. 0 = 0 + 1/3 + 0 - 1/3

The positive return resulting from an increase in life expectancy is due neither to the design of the pension system, nor to the imperfect knowledge of life expectancy assumed in the example. If Cohort B’s life-span had been known ex ante and the benefit had been reduced to 12 already in Cohort B’s first period of retirement, there would have been a surplus of 12 in Period 2. Equation (16) would then read as follows

[rate of available indexation] = [i] + [ii] + [iii] x [rate of implicit indexation]. 1/3 = 0 + 1/3 + 0 - 0

35 0.25 x 48 x r3 + 0.25 x 48 x r2 = 24 x r + 12 ⇒ r – 1 ≈ 25%.

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If the available indexation is not used to increase the pension liability the identity requirement for financial stability – a zero net present value – is not met since an undistributed surplus then arises. Example 2.1 illustrates the effects of one rule for distributing this surplus. Example 2.1: Same shift in mortality pattern, different pension system rules

The rules of the pension system. We now again assume a NDC system. It indexes its liability by the available rate of return. In the example, this return will equal the IRR since we assume perfect information on life expectancy. In such a system and with this information, the surplus of 12, representing a rate of available indexation of 1/3, will be distributed through indexation of the pension liability in Period 2. The effects of the shift in mortality pattern. Pension payments will be 16, 30, and 26 in Periods 3, 4, and 5, respectively. Pension payments will be stable at 24 as from Period 6. In Periods 3 and 4, the buffer fund will thus stand at 8 and 2, respectively, and be back at 0 as from Period 5. (Readers are encouraged to verify these calculations.) The positive fund is necessary to balance the pension liability, which will temporarily exceed the contribution asset by the same magnitude as the value of the fund. Assuming revaluation of the pension liability at the rate of available indexation and, more realistically, imperfect information on life expectancy, the flow of payments will be different. Still, the system will maintain a zero net present value at all times and in a steady state end up with a zero buffer fund.

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Summary of what the examples show

For financially stable pay-as-you-go pension systems, the examples showed that the cross-section IRR, regardless of system design and ability to forecast life span, is affected identically by changes in income and mortality patterns. We also learned that the distribution of the IRR among cohorts depends on system design and ability to forecast ; as does the separation of the IRR into its explicit and implicit components. Furthermore, the principle of double entry bookkeeping in pay-as-you-go pension systems has been illustrated36.

Appendix B : Intermediate steps before Equation (7)

The expression above can easily be reduced by elementary algebraic manipulations. For the sake of simplification, however, the following substitutions will be useful :

36 The accounting standard used is a simplified version of the format developed and used since 2001 for the Swedish public pension system.

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Appendix C : Rough estimate of turnover duration in 41 countries

Individuals that are not in the labor force and are 55 years or older are assumed to receive benefits from the pension system that on average amount to 50% of the average wage; pensions are assumed to be indexed by the growth in the average wage, that is Q = 0.

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LA MISE EN PLACE DANS LES ENTREPRISES DE LA NORME IAS 19 SUR L’EVALUATION

DES DETTES DE RETRAITE

Norbert GAUTRON Cabinet WINTER

Résumé

La norme IAS 19 sur les engagements sociaux (« Avantages du Personnel », en retraite et prévoyance notamment) conduit les entreprises à entamer des réflexions profondes sur les couvertures de retraite supplémentaire qu’elles proposent à leurs salariés et anciens salariés. Plus précisément, les réflexions entamées conduisent à :

• Identifier de manière exhaustive les engagements pris. Dans le cadre des régimes de retraite, il s’agit notamment d’identifier les caractéristiques précises des régimes à prestations définies (régimes additifs et différentiels) et des populations auxquelles ces régimes s’adressent. La Loi Fillon de 2003 sur les retraites à travers notamment son Article 115 a modifié la donne en matière de régimes à prestations définies.

• Mesurer, suivant des méthodes actuarielles et comptables, la valeur des engagements pris. La norme

IAS 19 impose certaines méthodes de comptabilisation, à adapter au cas des régimes français. La valeur des engagements dépend également des hypothèses retenues, que ce soit au niveau démographique, économique ou financier. La baisse continue des taux d’intérêt des derniers mois alourdit le montant de la dette actuarielle de manière très importante.

• Envisager, si besoin, des modifications des régimes afin de limiter le coût comptable annuel.

• Prévoir, afin d’optimiser les montages, une externalisation des engagements auprès d’organismes

d’assurances.

1 Présentation générale de la norme IAS 19

Le référentiel comptable mis en place par l’International Accounting Standard Board (IASB) a pour objectif de fournir aux investisseurs financiers une information comptable leur permettant de se forger une opinion sur la «juste valeur» des entreprises. Pour y parvenir, de multiples normes ont été mises en place depuis plusieurs années, qui évoluent encore actuellement pour plusieurs d’entre elles37. La norme IAS 19 est la norme spécifique relative aux « Avantages du Personnel ». En d’autres termes, cette norme indique comment identifier, valoriser et comptabiliser les avantages sociaux accordés aux salariés d’une entreprise (et à ses ex-salariés le cas échéant). Elle existe sous sa forme actuelle depuis 1998 (malgré plusieurs amendements) et a été adoptée par la Commission Européenne en 200338.

37 Cf site internet : www.focusifrs.com 38 Cf Règlement (CE) N° 1725/2003 de la Commission du 29 septembre 2003 portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au Règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et de Conseil et Règlement (CE) N° 1910/2005 de la Commission du 8 novembre 2005 modifiant le Règlement (ce) n° 1725/2003 portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au Règlement (CE) N° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil pour ce qui concerne l’IFRS 6, les IAS 1, 16, 19, 24, 38, 39, l’IFRIC 4 et l’IFRIC 5.

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Dans la pratique, les avantages accordés au personnel peuvent avoir été mis en place de diverses manières : décision unilatéral de l’employeur, accord collectif, référendum ou simple usage. La norme cherchera à recenser tous les avantages, que ceux-ci reposent ou non sur des fondements juridiques, et demandera à ce que ces avantages soient comptabilisés en se basant sur les pratiques en vigueur depuis plusieurs années au sein de l’entreprise39. La norme IAS 19, au même titre que les autres normes émises par l’IASB, est applicable depuis le 1er janvier 2005 à titre obligatoire par les sociétés faisant appel public à l’épargne, préparant et publiant des comptes consolidés. Pour les autres entreprises (et notamment les PME) des réflexions sont en cours afin de définir le référentiel comptable le plus adapté à leur situation. Au niveau des engagements pris vis-à-vis du Personnel, force est de constater que de nombreuses entreprises non cotées se sont d’ores et déjà appropriées les principes de la norme IAS 19 pour valoriser leurs engagements. Parallèlement à cette norme, le Conseil National de la Comptabilité (CNC) a émis une recommandation le 1er avril 200340 pour toutes les entreprises françaises. Le CNC leur recommande de valoriser leurs engagements « retraite et avantages similaires » suivant les principes de l’IAS 19. Cette recommandation complète les textes existant en France : l’article L.123-13 du code de commerce, qui n’impose aux entreprises aucune obligation en matière de provisionnement41, l’article 335-1 du règlement N°99-03 du CRC relatif au plan comptable général (PCG) qui précise que la comptabilisation d’une provision couvrant la totalité des engagements pour les membres du personnel actifs et retraités, conduit à une meilleure information financière, et est considérée comme une méthode préférentielle. Les entreprises qui ne provisionnent pas les engagements, doivent indiquer les montants correspondants en annexe (article 531 du Plan Comptable Général).

2 Les engagements pris par les entreprises envers leurs salariés et anciens salariés42

2.1 Les « Avantages au Personnel » suivant la norme IAS 19743

La norme prévoit quatre types d’avantages accordés aux salariés au titre des services rendus : - les avantages à court terme (salaires, cotisations de sécurité sociale, congés payés, primes payables dans les 12 mois suivant la fin de l’exercice, …), - les avantages postérieurs à l’emploi (retraite, frais de santé et prévoyance pour les retraités, …), - les avantages à long terme (invalidité de longue durée, médailles du travail, congés sabbatiques, primes payables 12 mois ou plus après la fin de l’exercice, l’intéressement, …), - les indemnités de fin de contrat de travail. En février 2004 l’IASB a publié la norme IFRS 2 « Paiement fondé sur des actions »44 , qui traite les transactions effectuées par une entreprise dont le paiement est fondé sur des actions, et qui sont réglées en instruments de capitaux propres. Cette norme couvre notamment les avantages accordés aux salariés au titre des stock-options, des bons de souscriptions d’actions,… Auparavant, ces avantages étaient couverts par la norme IAS 19.

39 Les normes comptables internationales demandent, d’une manière générale, de privilégier une analyse économique des engagements (« Substance over Form »). 40 Conseil National de la Comptabilité, Recommandation n° 2003-R.01 du 1er avril 2003 relative aux règles de comptabilisation et d’évaluation des engagements de retraite et avantages similaires. 41 Article L.123-13 du code de commerce : »le montant des engagements de l’entreprise en matière de pensions, de compléments de retraite, d’indemnités et d’allocations en raison du départ à la retraite ou avantages similaires des membres ou associés de son personnel et de ses mandataires sociaux est indiqué dans l ‘annexe. Par ailleurs, les entreprises peuvent décider d’inscrire au bilan, sous forme de provision, le montant correspondant à tout ou partie de ces engagements ». 42 La norme vise aussi bien l’ensemble des salariés actuels de l’entreprise que les anciens salariés qui ont acquis des droits par le passé. 43 Le présent document présente de manière synthétique uniquement les principales disposiions de la norme. 44 La norme IFRS 2 a été validée au niveau européen par le règlement CE n° 211/2005 du 4 février 2005.

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2.2 Les grandes caractéristiques des régimes de retraite

De manière schématique, les régimes de retraite supplémentaires d’entreprises peuvent être classés dans deux catégories : les régimes à cotisations définies : les entreprises s’engagent à cotiser régulièrement au régime (géré par une entité distincte) pour le compte des salariés (une cotisation exprimée par exemple en % des salaires). Elles ne prennent aucun engagement sur le montant de la retraite supplémentaire qui sera versée in fine aux salariés et n’ont aucune obligation de paiement de cotisations supplémentaires si le régime ne dispose pas de suffisamment d’actifs pour financer les avantages accordés dans le cadre des services rendus par les salariés. les régimes à prestations définies : il s’agit des autres types de régimes. Un régime à prestations définies peut habituellement être soit de type additionnel, soit de type différentiel. Dans le premier cas, la rente versée s’ajoutera aux pensions servies par les régimes obligatoires. Dans le second cas, la rente correspondra à la différence entre un objectif global de retraite (encore appelé « chapeau » dans certains régimes) et les pensions servies par les régimes obligatoires, voire par des régimes à cotisations définies. La norme IAS 19 ne traite que des régimes à prestations définies, c’est-à-dire les régimes pour lesquels l’entreprise a pris un engagement de résultat et non un simple engagement de moyen comme dans les régimes à cotisations définies.

2.3 Les autres types d’engagements

La norme IAS 19 vise également, dans le contexte français, un ensemble d’engagements contractés par les entreprises envers leurs salariés et/ou anciens salariés : les indemnités de fin de carrière versées aux salariés au moment de leur départ à la retraite, en vertu des obligations légales ou conventionnelles, - les médailles du travail et autres gratifications, - les participations à des régimes de prévoyance ou frais de santé, pour le compte des anciens salariés, - le paiement par l’employeur d’indemnités ou de rentes incapacité/invalidité sur longue période, - le maintien d’avantages de toutes sortes aux anciens salariés (comme par exemple des réductions sur les primes d’assurance auto pour les anciens salariés de certaines entreprises d’assurance).

3 La comptabilisation des engagements selon la norme IAS 19

3.1 Principes généraux

La norme IAS 19 impose, pour les « avantages postérieurs à l’emploi »45 (cf ci-avant) en général, et pour les régimes de retraite à prestations définies en particulier : - l’enregistrement au passif du bilan de l’entreprise d’un montant égal à 46 :

• la valeur actuelle probable des prestations futures à verser aux salariés en tenant compte de l’ancienneté dans l’entreprise au moment des évaluations (ou la valeur actuelle probable des prestations en cours de service pour les bénéficiaires de rentes),

• diminuée de la « juste valeur » des actifs de couverture du régime (comme par exemple un contrat d’assurance souscrit par l’entreprise auprès d’une compagnie d’assurance ou d’une mutuelle ou d’une institution de prévoyance4711).

• le coût des services rendus au cours de l'exercice par les salariés, 45 Le présent document revient uniquement sur les principes de comptabilisation de ce type d’avantages, au premier rang desquels figurent les avantages accordés au titre des régimes de retraite. 46 Dans la pratique, le montant comptabilisé diffère de la stricte différence entre la valeur actuelle des prestations et la juste valeur des actifs de couverture. En effet, au fil des ans des écarts naissent entre les prévisions (de prestations à verser notamment) et les observations ; ces écarts, appelés écarts actuariels, font l’objet de traitements spécifiques évoqués ultérieurement. De plus, les entreprises n’enregistrent pas les engagements intégraux l’année de la première application de la norme ; ils peuvent étaler (sur la durée de vie résiduelle des salariés) le montant de l’engagement initial. 47 Pour être admis comme actif de couverture au sens de la norme, il devra notamment y avoir une indépendance totale entre l’entreprise et la compagnie d’assurance (ou la mutuelle ou l’institution de prévoyance). Dans le cas contraire, les fonds déposés auprès de l’assureur seront inscrits à l’actif du bilan et non déduits de la valeur actuelle des prestations.

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• majoré du coût financier du régime, • diminué du rendement attendu des actifs de couverture du régime, • augmenté de l’amortissement des pertes actuarielles, • diminué de l’amortissement des gains actuariels.

- la comptabilisation en charges (voire en produits dans certains cas) du coût annuel des régimes de retraite, afin de rattacher la charge (ou le produit) à l’exercice comptable concerné. Ce coût est défini par la norme de la manière suivante :

3.2 La méthode d’estimation de la valeur des engagements

La norme IAS 19 impose la méthode à retenir pour estimer chacun des termes ci-avant. Il s’agit de la méthode des « Unités de Crédit Projetées », qui présente les caractéristiques suivantes :

• méthode actuarielle, basée sur l’estimation des prestations futures probables (à partir des salaires projetés au moment du départ à la retraite), qui repose sur le principe suivant lequel chaque période de service rendu donne lieu à une unité supplémentaire de droits à prestations.

• méthode rétrospective, qui définit la valeur de l’engagement au moment de l’évaluation en se fondant

sur le rythme d’acquisition des droits prévu au régime. L’objectif est d’attribuer à chaque année passée la quote-part de droits lui revenant. Le graphe ci-dessous illustre le rythme de déclaration des droits dans un régime à prestations définies (de type additif) qui accorde une retraite annuelle égale à 0,2% du dernier salaire par année d’ancienneté (l’ancienneté prise en compte dans le calcul des droits du régime étant plafonnée à 30 ans).

3.3 Les hypothèses de projection

L’estimation de la valeur des engagements nécessite d’arrêter un ensemble d’hypothèses actuarielles « objectives et mutuellement compatibles », aussi bien pour les hypothèses démographiques que financières. Parmi les hypothèses ayant un impact très significatif sur les engagements retraite, on notera plus particulièrement :

• Le taux d’actualisation des prestations futures, qui d’après la norme doit être choisi « par référence à un taux de marché à la date de clôture fondé sur les obligations d'entreprises de première catégorie. Dans les pays où ce type de marché n'est pas actif, il faut prendre le taux (à la clôture) des obligations d'État. La monnaie et la durée des obligations d'entreprises ou des obligations d'État doivent être cohérentes avec la monnaie et la durée estimée des obligations au titre des avantages postérieurs à l'emploi ». Le graphe ci-après illustre l’évolution du rendement des emprunts d’état au cours des 35 dernières années,

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ainsi que le rendement des entreprises du secteur privé. La baisse des rendements obligataires a fortement pesé sur le niveau des engagements retraite des entreprises.

• Les hypothèses propres à l’entreprise et à ses salariés et ex-salariés : taux d’augmentation annuel des

salaires, taux de turnover, âges de départ à la retraite, les taux de décès, …

• Les hypothèses propres aux régimes de retraite obligatoires : évolution du plafond annuel de la Sécurité Sociale, évolution de la valeur du point et du salaire de référence des régimes obligatoires, …

• Les autres hypothèses financières : le rendement attendu des actifs de couverture, l’inflation

anticipée,… Le niveau de l’inflation anticipée retenue dans les évaluations actuarielles peut être choisi à partir d’une analyse des obligations d’état indexées sur l’inflation (cf graphe ci-dessous).

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3.4 Exemple

Un régime de retraite à prestations définies prévoit le versement d’une retraite annuelle égale à 0,2% du salaire par année d’ancienneté dans l’entreprise. L’entreprise cherche à estimer la valeur de l’engagement pour un salarié de 43 ans percevant un salaire de 100 000 euros, présent dans l’entreprise depuis 10 ans. Les hypothèses suivantes sont formulées pour valoriser l’engagement :

• Age de départ à la retraite : 63 ans, • Taux annuel de progression des salaires : 3%, • Taux annuel de sortie de l’entreprise (y compris décès) : 2%, • Taux de rendement des obligations : 3,5% • Taux annuel de revalorisation des rentes : 2%.

Le calcul de l’engagement sera réalisé de la manière suivante : Estimation de la rente à verser au moment du départ à la retraite (sur la base du salaire au terme) :

100 000 euros x 1,0320 x 0,2% x 30 ans = 10 836,67 euros. Estimation de la valeur actuelle des prestations futures :

10 836,67 euros x coefficient de rente48 x (1-2%)20 x 1,035-20= 80 207,65 euros.

Engagement (valeur des droits passés) : 80 207,65 euros x 10 ans / 30 ans = 26 735,88.

Droits de l’année : 80 207,65 euros / 30 = 2 673,59.

3.5 Etat comptable

L’état comptable IAS 19 permet de présenter de manière synthétique :

• le montant des engagements, la valeur des actifs de couverture et la provision à constituer dans le bilan de l’entreprise, à la date d’évaluation,

• La projection, un an plus tard, de chacun de ces éléments.

48 Le coefficient de rente correspond au capital constitutif d’une rente viagère immédiate versée à partir de 63 ans ; calcul effectué au taux équivalent (1,035/1,02 - 1 = 1,47%) et avec les tables de mortalité prospectives de rentes viagères (soit une valeur de 22,06).

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Dans la pratique, des écarts naissent entre les estimations réalisées et les valorisations effectuées un an plus tard. Ces écarts, appelés écarts actuariels, trouvent leur origine dans :

• des prestations payées différentes des prestations attendues,

• des rendements réels des actifs de couverture différents des rendements attendus,

• des réalisations différentes des hypothèses formulées pour l’augmentation des salaires dans l’année, les départs dans l’année, la revalorisation des rentes, …

• le choix d’hypothèses actuarielles différentes pour estimer les droits acquis un an plus tard. Sur ce

point, des pertes actuarielles importantes ont été enregistrées au cours des dernières années du fait de la baisse des taux d’actualisation.

Les écarts actuariels peuvent se compenser dans le temps, sauf décalage persistant entre les hypothèses de projection et la réalité. Afin de corriger les évaluations en cas de décalage significatif, la norme demande aux entreprises de comptabiliser les écarts actuariels pour la partie se situant au-delà du « corridor »49; le « corridor » correspond à 10% de la valeur la plus élevée entre la valeur des droits acquis et la valeur des fonds. Les écarts actuariels au-delà du corridor sont amortis comptablement sur la durée de vie résiduelle des actifs5014. De la même manière, la valeur des droits acquis lors de la première application de la norme ou après une modification des régimes fait l’objet d’un amortissement sur la durée de vie résiduelle des actifs. L’état comptable IAS 19 présente alors les caractéristiques suivantes :

49 Un amendement de l’IAS 19 du 16 décembre 2004 a introduit une option comptable supplémentaire pour la comptabilisation des écarts actuariels, permettant en cas de non-étalement de ces écarts suivant la méthode du corridor, de les comptabiliser directement en capitaux propres ("Etat des variations des capitaux propres" défini dans la norme IAS 1 "Présentation des états financiers"). 50 Au 1er janvier 2005, première date officielle d’application de la norme IAS 19, les entreprises appliquant déjà la norme ont annulé les écarts actuariels existant à cette date en les imputant sur les fonds propres.

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Insee Méthodes 94

Un exemple d’application, figurant en annexe de la recommandation du CNC du 1er avril 2003, est repris ci-après en annexe.

4 Les conséquences de l’entrée en vigueur de la norme IAS 19

L’entrée en vigueur de la norme IAS 19 a eu plusieurs effets indirects au sein des entreprises :

• Une « chasse » aux engagements accordés aux salariés.

• Des audits poussés ont été mis en œuvre par les entreprises afin de cartographier les engagements pris (régimes et populations visées).

• Une véritable prise de conscience du coût réel des engagements pris, plus particulièrement en retraite.

Les engagements pris au titre de régimes à prestations définies peuvent représenter des montants très significatifs, bien supérieurs à 1 année de masse salariale. Ainsi, à titre d’exemple, un régime de type « différentiel » accordant à un cadre supérieur une retraite annuelle estimée à 30% du dernier salaire d’activité engendrera, en ordre de grandeur, un engagement voisin de 6 années de salaire ! De plus, la norme oblige non seulement à mesurer la valeur des engagements pris, mais également à comptabiliser chaque année leur coût. Ce coût devient par conséquent un élément à part entière du « prix de revient » des produits ou services vendus par les entreprises.

• Dans certains cas, une renégociation des régimes mis en place au sein des entreprises et le remplacement des régimes à prestations définies par des régimes à cotisations définies (ou un mélange cotisations définies/prestations définies générateur d’engagements moindres).

Les régimes à cotisations définies ne sont en effet pas soumis à la norme IAS 19, dès lors qu’aucun engagement direct ou indirect n’est pris sur le montant de la retraite qui sera versée dans le futur.

• Une accélération de l’externalisation des engagements auprès d’organismes assureurs. Le but clairement recherché par de nombreuses entreprises est d’effectuer une externalisation complète, c’est-à-dire de faire prendre en charge intégralement par l’organisme assureur les engagements que l’entreprise a contracté vis-à-vis de ses salariés ou ex-salariés. Lorsqu’un tel objectif est atteint, les entreprises ne sont plus obligées de comptabiliser les engagements concernés. Par ailleurs, l’externalisation des engagements auprès d’organismes assureurs permet d’atteindre d’autres objectifs : optimisation de la gestion financière (par la mise en place d’une politique actif/passif adaptée aux engagements retraite) afin de réduire le coût global et gains fiscaux notamment. L’externalisation permet également de gérer au mieux le risque viager. L’allongement constant de l’espérance de vie51 15 nécessite un suivi spécifique.

• La mise en place d’une « veille sociale » interne dans certaines entreprises. L’objet de cette veille est multiple :

• identifier systématiquement les modifications de régimes et les gains/pertes associés à ces modifications,

• suivre également de manière systématique les principaux indicateurs sociaux : âge de départ à la

retraite, turnover, augmentation des salaires, … et, ainsi, contribuer au contrôle interne des risques au sein de l’entreprise.

51 De nouvelles tables de mortalité réglementaires sont attendues pour 2006 pour le provisionnement des rentes viagères. Ces nouvelles tables se traduiront probablement, dans certaines entreprises, par une augmentation des primes d’assurances et des provisions constituées.

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• Davantage de transparence dans l’information communiquée sur les régimes de retraite à prestations définies.

Les normes IAS/IFRS privilégient, par définition, une parfaite information des utilisateurs des états financiers. Pour les régimes de retraite à prestations définies, la norme IAS 19 apporte des précisions52 sur la nature des informations à communiquer par les entreprises53 et notamment les points suivants :

• description générale du type de régime,

• méthode de comptabilisation des écarts actuariels et explication des écarts actuariels (explication détaillée des écarts),

• rapprochement des soldes d’ouverture et de clôture des éléments d’engagement et d’actifs de couverture

(en donnant des éléments sur la charge annuelle),

• les principales hypothèses actuarielles (justification et impact sur la valeur des engagements),

• les caractéristiques de l’actif de couverture, sa juste valeur et son rendement. La communication de ces informations permettra, in fine, de suivre les caractéristiques des régimes à prestations définies accordés aux salariés et anciens salariés et leur impact sur la situation financière des entreprises.

52 Amendement à l’IAS 19 du 16 décembre 2004. 53 Applicable à partir de 2006, ou avant si les entreprises le souhaitent.

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Insee Méthodes 96

Annexe 1 : exemple fourni en annexe à la recommandation du CNC du 1er avril 2003

Présentation Les informations ci-après concernent un régime à prestations définies financé. Pour simplifier les calculs d'intérêts, toutes les transactions sont supposées effectuées en fin d’exercice. La valeur actualisée de l'obligation et la juste valeur des actifs du régime étaient respectivement de 1 000 au 1er janvier 20X1.

En 20X2, le régime a été modifié pour y englober des prestations complémentaires à compter du 1er janvier 20X2. La valeur actualisée au 1er janvier 20X2 des droits à prestations complémentaires acquis au titre des services rendus avant le 1er janvier 20X2 était de 50 pour les droits à prestations acquis et de 100 pour les droits à prestations non acquis. Au 1er janvier 20X2, l'entreprise estimait à 10 ans la durée moyenne avant que les droits non acquis deviennent acquis ; le coût des services passés résultant des droits à prestations complémentaires non acquis est donc amorti sur 10 ans. Le coût des services passés résultant des droits à prestations complémentaires acquis est comptabilisé immédiatement (paragraphe 6271 de la recommandation). L’entreprise choisit de comptabiliser les écarts actuariels selon les dispositions minimales du paragraphe 6262. Variations de la valeur actualisée de l’obligation et de la juste valeur des actifs du régime La première étape consiste à résumer les variations de la valeur actualisée de l’obligation et de la juste valeur des actifs du régime, et à s’en servir pour déterminer le montant des écarts actuariels de l’exercice. Ces variations sont les suivantes :

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Limites du corridor L’étape suivante consiste à déterminer les limites du corridor puis à les comparer aux écarts actuariels cumulés non comptabilisés afin de déterminer l’écart actuariel net à comptabiliser. Selon le paragraphe 6261 de la recommandation, les limites du corridor sont fixées à la plus grande des deux valeurs ci-après : a) 10 % de la valeur actualisée de l’obligation avant déduction des actifs du régime ; et b) 10 % de la juste valeur des actifs du régime. Le tableau ci-après indique ces limites, ainsi que les écarts actuariels comptabilisés et non comptabilisés :

Montants comptabilisés au bilan et au compte de résultat, et analyses connexes La dernière étape consiste à déterminer les montants à comptabiliser au bilan et au compte de résultat, et les analyses connexes à effectuer selon les paragraphes 671 (c), (e), (f) et (g) de la recommandation. Ces montants sont les suivants :

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Insee Méthodes 98

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5 Annexe 2 : exemple de projection

Le graphe ci-après illustre :

• les prestations qui seront versées au titre d’un régime obligatoire,

• les droits acquis chaque année par les salariés de l’entreprise. Une provision comptable est par ailleurs constituée par l’entreprise.

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Insee Méthodes 100

L’ENREGISTREMENT DES SYSTÈMES DE RETRAITE DANS LES COMPTES NATIONAUX :

LE POINT SUR LES RÉVISIONS DU SCN

François LEQUILLER OCDE

1 Introduction

Le SCN est en cours de révision. La prochaine version de ce manuel, appelée « SCN 1993 Révision 1 », est prévue pour 200854. Ce court papier expose dans les grandes lignes les arguments pour ou contre une réforme du SCN quant à l’enregistrement des systèmes de retraite. Ce sujet est probablement le plus débattu de ce « round » de révision du SCN. Le conflit se concentre sur l’enregistrement des systèmes de retraite d’employeurs par répartition, et en particulier pour les fonctionnaires, qui selon les uns devraient être enregistrés comme des systèmes d’épargne individuelle, et selon les autres devraient rester enregistrés comme des systèmes de transferts courants. Cette divergence pourrait peut-être, malheureusement, aboutir à une différence entre le système mondial (SCN) et le système européen (SEC). L’OCDE, particulièrement soucieuse de la comparabilité des comptes de ses pays membres, est partisan d’une solution de compromis, qui lui semble à portée de main.

2 La retraite : transfert courant ou épargne?

On oppose traditionnellement deux types d’organisation des systèmes de retraite. En France, cette opposition est qualifiée d’un côté de « systèmes par répartition » versus « systèmes par capitalisation ». Dans les pays anglo-saxons, on parle plutôt de « systèmes Pay-As-You-Go » (ou PAYG) versus « systèmes avec réserve » (« funded »). Dans le présent papier, on emploiera plutôt les termes « système par transferts courants » versus « système d’épargne individuelle », parce que ces termes décrivent mieux le traitement que la comptabilité nationale fera dans chacun des cas. Dans le premier cas (c'est-à-dire, de manière synonyme : les systèmes de retraite « par répartition », « PAYG », ou « par transferts courants »), les cotisations et prestations retraite sont enregistrées comme des transferts courants reçus et versés des/aux assurés actifs ou retraités par les organisateurs du système de retraite. Dans le second cas (système « avec réserve », par « capitalisation », ou « d’épargne individuelle »), la cotisation est une épargne des assurés actifs et la prestation retraite une désépargne des assurés retraités. Dans ce cas, on enregistre d’une part une dette de retraite dans les comptes des organisateurs du système de retraite, et d’autre part, un intérêt (imputé ou non) sur la dette, versé par les organisateurs aux assurés. Il est utile au lecteur de se reporter à l’annexe avant de continuer. Elle illustre les deux modes d’enregistrement pour un même cas et permet de comprendre la différence entre les deux enregistrements et de voir l’impact sur les principaux soldes comptables. Cet exemple permet de comprendre pourquoi les pays européens, la Commission européenne et la Banque Centrale Européenne sont très concernés puisque le choix entre les deux enregistrements a des implications déterminantes sur le déficit public (lorsque le gouvernement est l’organisateur) et la dette publique (idem), qui constituent les deux principaux critères de Maastricht.

3 Les recommandations du SCN 93 et les problèmes liés

Aujourd’hui, le SCN 93 recommande d’enregistrer comme des systèmes d’épargne individuelle tous les systèmes de retraite qui ont des « réserves » (« funded » en anglais). Dire qu’une unité a une « réserve » signifie que cette unité a un patrimoine (sous forme de d’actions, de bons du trésor ou tout autre actif financier ou non financier) destiné à couvrir explicitement et exclusivement ses engagements de retraite, lesquelles sont donc enregistrées dans les comptes nationaux financiers (et notées F6, leur contrepartie étant un actif des ménages).

54 Les détails du programme de la révision sont exposés sur le site (très bien fait) de la Division Statistique des Nations Unies : http://unstats.un.org/unsd/nationalaccount/snarev1.asp

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Par contre, les systèmes n’ayant pas de réserve (« unfunded ») sont à traiter comme des systèmes de transferts courants. D’autre part, le SCN 93 affirme que les systèmes de sécurité sociale doivent être traités systématiquement comme des systèmes de transferts courants, même s’ils ont des réserves. Ces recommandations sont apparues inadaptées dans certains pays. En effet, les organismes de supervision des standards de la comptabilité d’entreprise aux USA, Canada, Australie, ou Royaume Uni (les équivalents du conseil de la comptabilité en France) ont progressivement recommandé que les entreprises qui gèrent des systèmes d’employeurs à prestations définies (« defined benefits schemes ») enregistrent dans leur bilan la valeur de la dette de retraite vis à vis de leurs employés ou retraités même si leur système de retraite n’avait pas de réserve explicite ou avait une réserve insuffisante pour couvrir la totalité de la dette55. Cette recommandation vise bien entendu à mesurer correctement la valeur nette de l’entreprise à l’attention notamment des marchés financiers. La valeur de la dette de retraite est calculée par des méthodes actuarielles. Elle est égale à la valeur présente des promesses de retraite cumulées aux employés ou ex-employés. Nous ne rentrerons pas ici dans le détail, très technique, du mode de calcul de cette dette actuarielle. Cependant, notons que le taux d’actualisation recommandé par ces organismes est le taux du marché d’actifs de haute qualité (catégorie AAA dans le système de notation des agences de notation) adaptés au sponsor et de maturité équivalente aux engagements de retraite. Ce mouvement comptable de reconnaissance de la dette de ces régimes sans réserve par les entreprises a été suivi par une reconnaissance similaire pour les régimes de retraite des employeurs publics. En d’autres mots, les États et collectivités locales de ces pays ont progressivement reconnu dans leurs propres comptes une dette de retraite même pour ceux de leurs systèmes à prestations définies qui sont des systèmes de transferts courants, c'est-à-dire sans réserve56. Ce double mouvement est en grande partie à l’origine de la demande des comptables nationaux de ces pays pour une révision du SCN de manière à ce qu’il devienne compatible avec les recommandations des comptables micro-économiques. Il est en effet difficilement soutenable pour les comptables nationaux de ces pays de ne pas enregistrer une dette de retraite dans leurs comptes nationaux alors même que les organismes le font dans leurs propres comptes. Cette pression a été notamment très forte en particulier lorsqu’il s’est agi de la dette reconnue par les administrations publiques elles-mêmes pour les systèmes de retraite des fonctionnaires (pourtant sans réserve). Dans ce cas ces pays n’ont même pas attendu la révision du SCN pour réviser leurs comptes, ils ont reconnu la dette, c'est-à-dire qu’ils ont traité ces systèmes comme des système d’épargne individuelle, sans attendre la révision du SCN (posant ainsi de sérieux problèmes de comparabilité internationale du déficit et de la dette publique pour l’OCDE).

4 Les arguments des partisans du changement

Les comptables nationaux de ces pays préconisent donc d’abandonner le critère principal utilisé par le SCN actuel, qui est de s’appuyer sur l’existence d’une réserve, au profit d’une reconnaissance de la dette de tous les systèmes d’employeurs. Très précisément, ils préconisent de substituer au critère réserve/pas de réserve, un critère employeur/sécurité sociale. Ainsi, la dette de retraite de tous les systèmes d’employeurs serait reconnue, c'est-à-dire qu’on traiterait ces systèmes comme s’ils étaient des systèmes d’épargne individuelle, mais on ne reconnaîtrait pas la dette des systèmes de sécurité sociale, qui restent considérés comme des systèmes de transferts courants. Un des arguments est qu’il serait erroné d’enregistrer une dette pour les obligations futures de la sécurité sociale sans reconnaître alors un actif constitué par les cotisations obligatoires futures reçues par la sécurité sociale. Enregistrer l’un sans enregistrer l’autre déséquilibrerait les comptes et fausserait la présentation. Les arguments en faveur de la reconnaissance de la dette de tous les systèmes d’employeurs ne manquent pas. Nous avons déjà vu le premier, qui consiste à dire qu’il faut suivre les pratiques des comptables privés ou publics, pratique d’ailleurs récemment confirmée par les standards internationaux de comptabilité d’entreprise (notamment l’IAS 19 qui va être rendue obligatoire pour les groupes cotés en Europe) et qui va être très 55 Le présent papier ne discute pas du cas des systèmes dits à « cotisations définies » (« defined contributions »). En effet, pour ces systèmes il y a forcément une réserve (sauf pour les systèmes dits « notionnels », qui sont un cas rare) et cette réserve est par définition égale à la valeur de la dette. On se concentrera donc dans le présent papier sur les systèmes à prestations définies. A noter, que, comme les systèmes à prestations définies sont progressivement remplacés par des systèmes à cotisations définies (qui permettent aux « sponsors » de faire porter le risque aux assurés), le débat exposé dans ce papier pourrait paraître un peu obsolète. Cependant, il reste d’importants systèmes à prestations définies, qui vont fonctionner encore pour quelques longues années… 56 Le cas des États-unis est intéressant car le système de retraite des fonctionnaires fédéraux est soi-disant avec une réserve. Mais quand on y regarde de près, l’unique type d’actif de cette réserve est un bon du trésor spécial non négociable (uniquement créé pour ce cas de figure). Ceci illustre qu’on peut toujours présenter un régime comme avec réserve en «imputant » cette réserve. On joue ici un peu sur les mots.

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Insee Méthodes 102

probablement transposée dans les mêmes termes pour les administrations publiques par l’IPSASB (International Public Sector Accounting Standard Board, présidé par Philippe Adhémar, de la Cour des Comptes française). Le second argument est que, dans un contrat d’employeur, la retraite est un salaire différé, donc une dette. Implicitement, sans que cette argumentation soit aussi clairement exprimée, il apparaît que dans ces pays le contrat d’employeur, qu’il soit privé ou public, permet au salarié d’avoir une vraie garantie d’une certaine valeur de la retraite. Il est apparemment possible dans ces pays qu’un salarié puisse, en quittant tel ou tel employeur privé ou public, récupérer sa retraite et la placer dans le système de son nouvel employeur. Par conséquent, ces systèmes d’employeur, quoique financés par un système de répartition, génèrent bien des obligations ayant des caractéristiques de dette individualisable. Ceci est d’autant plus vrai que cette dette est semble-t-il reconnue par les tribunaux en cas de conflit employé/employeur. Le troisième argument est de dire qu’il n’est pas correct de s’appuyer sur un critère de financement (y a t il une réserve ou pas ?) pour reconnaître ou non une dette. La dette de retraite de ces régimes existe quel que soit son mode de financement. Autre argument similaire : pourquoi reconnaître la dette lorsqu’il s’agit de systèmes à cotisations définies et pas lorsqu’il s’agit de systèmes à prestations définies ? En d’autres mots, la dette existe dans la mesure où il y a une « obligation constructive » de la part de l’employeur et ceci quel que soit son mode de calcul. Autre argument important, la reconnaissance de la dette de tous les régimes d’employeurs, qu’ils soient avec réserve ou pas, permet de traiter de manière rationnelle les régimes qui ont des réserves insuffisantes (« underfunded »). De nombreux très gros régimes d’employeurs aux Etats-Unis (General Motors, par exemple) sont de ce type : régimes à prestations définies avec une réserve mais insuffisante (ou même très insuffisante) pour couvrir la dette. A l’heure actuelle, les recommandations du SCN ne sont pas claires quant à ce cas. En particulier on ne sait pas à partir de quel seuil on considère que le système a effectivement une réserve57. Une généralisation du traitement en tant que système d’épargne individuelle à tous ces régimes « underfunded » permettrait de traiter tous ces systèmes de manière identique et, de plus, de faire apparaître la dette que le sponsor a vis-à-vis du régime, lorsque la réserve de ce dernier est insuffisante. Enfin, argument également important, la réforme permettrait de clarifier le mode de calcul du coût du travail. En effet, reconnaître la dette consiste aussi à reconnaître que les cotisations employeurs à chaque période sont égales à la variation de la dette, c'est-à-dire à la valeur présente des obligations futures créées au cours de la période par l’employeur vis-à-vis de son salarié. Les cotisations employeurs ne sont donc plus celles effectivement versées, mais celles dues. Ceci permet d’avoir une meilleure évaluation en droits et obligations de l’excédent d’exploitation des entreprises. Aujourd’hui, le SCN permet d’enregistrer les cotisations versées. Or certaines entreprises américaines ont cessé leurs versements à leur régime de retraite pendant le boom boursier de la fin des années 90, puisque la valeur de leur réserve leur permettait légalement de ne pas le faire. Ces mêmes entreprises sont obligées aujourd’hui de verser d’importantes cotisations pour faire face à leurs obligations. Il est raisonnable de penser dans ces cas que les comptes nationaux doivent enregistrer les cotisations « imputées », qui reflètent la valeur du coût du travail en droits et obligations de ces entreprises, et non les cotisations payées. En ce qui concerne les administrations publiques, une telle systématisation du calcul des cotisations imputées a un impact sur le PIB (puisque leur production est évaluée par les coûts, dont les coûts du travail). Forts de cette argumentation, les comptables nationaux de ces pays, auxquels s’ajoutent d’autres experts (Danemark, Pays-Bas, Inde, FMI) préconisent donc que le nouveau critère de traitement d’un système de retraite comme un système d’épargne individuelle soit basé sur l’existence d’un contrat direct d’employeur (par opposition avec les systèmes de sécurité sociale).

5 Les arguments des opposants

Les oppositions à cette réforme proviennent en grande partie (mais pas seulement) des comptables nationaux des pays européens continentaux (France, Allemagne, Italie, Espagne), de la Commission européenne et de la Banque Centrale Européenne. La critique porte essentiellement sur le cas des régimes de fonctionnaires. En effet, dans ces pays, les seuls grands régimes d’employeurs à prestations définies sont les régimes de fonctionnaires.

57 De plus en plus d’ailleurs, les systèmes de sécurité sociale ont aussi des réserves, en général largement insuffisantes et destinées plus à la gestion de la trésorerie du régime qu’à assurer une contrepartie de la dette.

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La critique porte sur deux fronts. Le premier concerne le danger qu’il y a d’introduire dans l’évaluation des comptes des administrations publiques des éléments importants (quelques % du PIB pour le déficit, plusieurs dizaines de points de PIB pour la dette) qui sont évalués de manière approximative. Cet argument a une très grande portée en Europe du fait des critères de Maastricht. En effet, les méthodes actuarielles reposent sur des hypothèses et des approximations. Cette « volatilité » ou ce « flou » proviennent en particulier du caractère un peu arbitraire du paramètre fondamental que constitue le taux d’actualisation choisi pour le calcul actuariel. L’expérience montre qu’une variation de 1% du taux d’escompte a des effets de plusieurs dixièmes de points de PIB sur le déficit public et de plusieurs points de PIB sur la dette publique. Ce flou est incompatible avec les critères de Maastricht qui sont calculés de manière très précise. Un choix d’un taux d’escompte différent par certains pays pourrait rendre impossible une comparaison des soldes comptables. C’est pourquoi la majorité des comptables nationaux européens préféreraient exclure des tableaux centraux des comptes nationaux toutes les imputations liées au retraitement de ces régimes en tant que des systèmes d’épargne individuelle et réserver cette nouvelle comptabilité pour des « comptes supplémentaires ».58 Une telle présentation séparée permettrait d’effectuer des calculs de sensibilité et éviterait surtout d’affecter le calcul des critères de Maastricht.59 Le deuxième argument est plus conceptuel. Il est de dire qu’il n’y a pas vraiment de différence pour ces pays entre les régimes de fonctionnaires et les régimes de sécurité sociale. En fait, pour certains de ces pays, l’objectif même du gouvernement est de considérer ces régimes comme assimilables aux régimes de sécurité sociale. 60 Comme la sécurité sociale, les régimes de fonctionnaires reposent sur une solidarité intergénérationnelle, dont la présentation serait perdue si on assimilait ces régimes à des systèmes d’épargne individuelle. De la même manière, ces experts ne comprennent pas pourquoi l’on comptabiliserait un actif retraite pour les fonctionnaires et pas d’actif retraite pour tous les agents du secteur privé qui sont affiliés au régime général de sécurité sociale. La coupure introduite par le critère employeur/sécurité sociale leur apparaît donc comme artificielle. En outre, dans certains de ces pays, il n’y a pas reconnaissance légale de la dette de retraite de l’État et des collectivités locales vis-à-vis de leurs fonctionnaires. En Allemagne, par exemple, la Cour Suprême a récemment refusé d’entériner une action en justice de certains fonctionnaires contestant une modification de leurs droits à retraite. La Cour a jugé que, si, d’un côté, la Constitution leur garantissait un droit à la retraite, d’un autre côté, la loi ne leur garantissait pas la valeur de ce droit (ou le mode de calcul de ce droit). En France, la réforme récente de la retraite des fonctionnaires prouve aussi que la valeur de cette « dette » peut être changée par le Parlement, sans l’accord direct des intéressés. Aussi, les experts de ces deux pays, soutenus par d’autres experts européens, s’accordent donc pour refuser à cette obligation de retraite le qualificatif de dette au sens des comptes nationaux. Ils ne sont néanmoins pas opposés à enregistrer une telle dette, mais dans des comptes supplémentaires (en comptabilité d’entreprise on dirait en « hors bilan »). Enfin, certains de ces experts contestent même l’intérêt pour l’Etat de transposer dans sa comptabilité une dette de retraite évaluée de fait en « système fermé », c'est-à-dire sous l’hypothèse que l’employeur cesse son activité aujourd’hui et solde ses comptes en comptabilisant les droits à la retraite accumulés par les salariés an place ainsi que par les retraités actuels.61 Cette hypothèse, intéressante pour une entreprise qui peut être vendue ou liquidée, ne l’est pas pour l’Etat qui a un horizon en réalité infini. Plutôt que de chercher à s’intéresser à la dette implicite du système fermé, il serait plus pertinent de chercher à appréhender le besoin de financement intertemporel du régime, tenant compte non seulement des droits futurs à payer, mais aussi des cotisations qui seront versées. La comptabilisation proposée par les tenants de la réforme du SCN, conduirait en effet au paradoxe suivant pour les régimes de fonctionnaires : un régime de retraite ayant une trésorerie parfaitement équilibrée à chaque date afficherait quand même un besoin de financement, car il faudrait en comptabilité nationale lui imputer des versements d’intérêts correspondant à la « dette » contractée à l’égard des cotisants actuels. Il est intéressant de noter que cette dernière argumentation est utilisée par les tenants de la réforme (voir section III) pour exclure la sécurité sociale du champ des régimes qu’on propose de traiter comme un système d’épargne individuelle. Comme on le voit, certains experts européens l’étendent aussi aux régimes de fonctionnaires.

58 Cette appellation est préférée à « comptes satellites » car ces experts proposent en même temps qu’ils soient rendus obligatoires. 59 En fait, seul le critère de déficit est affecté directement. En effet, la dette Maastricht ne comporte pas le passif en F6. 60 En France, il y a même des versements dits « de compensation démographique » entre régimes de fonctionnaires et de sécurité sociale, ce qui augmente l’attrait de les traiter de manière similaire. 61 Ce paragraphe est copié d’une note informelle de l’INSEE, que je remercie.

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Insee Méthodes 104

Tout concourt donc, en quelque sorte, à ce que la « ligne de front » s’établisse sur le statut des régimes de fonctionnaires. D’un côté, les tenants de la réforme considèrent qu’ils sont assimilables aux régimes d’employeurs privés, de l’autre les opposants considèrent qu’ils sont assimilables à la sécurité sociale.

6 Un compromis est-il possible ?

Pour l’OCDE, les arguments des uns et des autres sont valides. Il y a certainement un degré différent entre pays quant à la nature des obligations de retraite. Les nuances vont d’une dette « pure et dure », à des obligations qui seraient plutôt des « provisions » (obligations ayant caractère incertain dans leur valeur et dans la date de leur occurrence). Mais la comptabilité nationale ne comporte malheureusement pas la notion de provision et ne permet pas cette nuance. L’OCDE tente donc de trouver un compromis dont l’objectif principal est d’essayer d’assurer le maximum de comparabilité internationale pour le prochain système de comptes nationaux. Nous constatons d’une part qu’il n’y a pas de divergence sur les obligations de retraite des entreprises. Tout le monde semble d’accord pour mettre en œuvre la réforme. En ce qui concerne la réforme pour les régimes de fonctionnaires, le désaccord n’est pas si grand que cela. D’un côté, il y a ceux qui veulent l’intégrer dans les comptes centraux, sans distinction, et d’un autre, ceux qui veulent bien évaluer cette dette mais en en réservant l’enregistrement dans un compte « supplémentaire ». En pratique, on pourrait dire que cette bataille pourrait être ramenée à une nuance de présentation. Nous proposons donc le compromis suivant. Pour suivre le raisonnement des tenants de lé réforme, nous proposons d’enregistrer ces régimes d’employeurs comme les systèmes d’employeurs privés, dans les comptes centraux. Ceci nous paraît justifié par le fait que le mouvement de reconnaissance de la dette de ces régimes de fonctionnaires par les administrations publiques elles-mêmes gagne du terrain. Même dans certains grands pays européens continentaux comme la France, des évaluations en sont faites. Nous pensons donc que c’est le bon moment pour les comptes nationaux de franchir le pas et d’intégrer ces évaluations dans leurs comptes centraux. Cependant, il faut comprendre les soucis des experts opposés à la réforme, quant à la différence de nature de l’obligation, et faible qualité des évaluations liées à un calcul actuariel de la dette. Nous proposons donc d’enregistrer les dettes (et les transactions liées à cette dette) dans les comptes centraux, mais dans une catégories séparée, en générant des soldes comptables distincts. Nous avons montré récemment qu’une telle solution était techniquement tout à fait possible. Elle permet en particulier d’éviter toutes les complications liées aux critères de Masstricht. Avant de conclure, il est important de noter que notre compromis à une implication implicite importante : quelle que soit la décision sur la réforme présentée ci-dessus, le nouveau système de comptabilité nationale doit permettre d’enregistrer les « échanges de dettes » entre système de retraite effectivement comme des échanges de dettes et non comme des dons. L’histoire récente de la comptabilité nationale a été en effet émaillée de plusieurs cas (en Europe : France-Télécom, EDF, Belgacom ; comme ailleurs : Daiko Henjo au Japon) de transactions explicites entre deux systèmes de retraite mettant en jeu d’un côté une reprise de dette et de l’autre un actif financier. La comptabilité nationale, enfermée dans un système qui ne reconnaissait pas la dette de retraite des régimes de fonctionnaires ou de la sécurité sociale, s’est sentie « obligée » d’enregistrer les contreparties de ces dettes explicites comme des dons (transferts de capital). Cet enregistrement, compréhensible car il respectait la lettre du système en vigueur, est insatisfaisant dans l’absolu dans une comptabilité qui se veut basée sur les droits et obligations (« accrual »). L’occasion de la révision du SCN doit être saisie pour inciter les comptables nationaux à reconnaître une dette dès lors qu’une telle transaction est ouvertement conclue entre deux agents. La transaction doit être considérée en soi comme une reconnaissance de dette (sinon elle n’aurait pas lieu).

7 La dernière ligne droite

La décision finale quant à la réforme devrait être prise au cours de la réunion du comité directeur du processus de révision du SCN. Ce comité (appelé « AEG », pour Advisory Expert Group) se réunit la première semaine de février 2006. Il n’y aura donc pas longtemps à attendre pour connaître la suite de l’histoire.

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Cependant, on peut s’inquiéter de ce que cela ne soit pas la fin de l’histoire. Il n’est en effet pas impossible, compte tenu de la forte opposition européenne, que la décision prise pour le SCN ne soit pas, à terme, acceptée par le système européen de comptes nationaux, le SEC. La transposition des recommandations du SCN au SEC est en principe automatique mais l’histoire a prouvé qu’il y a des exceptions (e.g, l’allocation du SIFIM dans le SCN 93). Nous espérons à l’OCDE qu’une telle exception ne se reproduira pas. Sans être catastrophique (il ne faut rien dramatiser, même si pour le département statistique de l’OCDE ce serait un échec), une telle différence compliquerait la vie des utilisateurs. Nous ne le saurons que vers 2010, lorsque le nouveau SEC sera entériné par les pays européens.

8 Post-scriptum du 22 Juin 2006

La réunion de l’AEG de février 2006 n’a finalement pas complètement tranché cette question. L’argumentation des opposants européens a été entendu et ce comité a donc reconnu qu’il fallait encore discuter des problèmes de frontière entre régimes d’employeurs et de sécurité sociale et tenir compte de la nature de l’obligation de retraite (en d’autres mots, distinguer la gamme des promesses : de la promesse garantie --les dettes de retraite—aux promesses vagues -- « provisions » de retraite ou même « d’engagements hors-bilan » de retraite –« contingent liabilities » en anglais--). La décision finale pour le SCN est reportée à la fin 2006. Il apparaît cependant probable à l’auteur du présent texte que l’argumentation européenne va maintenant l’emporter et que soient donc créés des « comptes supplémentaires » pour distinguer les différentes natures de promesse de retraite.

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Annexe : illustration par un exemple

Prenons le cas d’un régime de fonctionnaire sans réserve, c'est-à-dire un régime de transferts courants, dont les comptes sont confondus avec les comptes du gouvernement. Supposons que la cotisation employeur est de 8.5, tandis que la cotisation salariée est de 1.5. Les prestations de retraite sont de 11. Illustrons l’enregistrement dans le cas du SCN actuel, qui correspond à un « système de transferts courants ». Comme on le voit, apparaît le coût du travail lié aux cotisations employeurs (D122), versé aux salariés, mais reversé par ceux-ci au système de retraite (D6111), auquel s’ajoute la cotisation salarié (D6112). Cotisations et prestations (D623) sont comptabilisées dans les comptes courants.

Comptes du gouvernement Comptes des ménages Emplois Ressources Emplois Ressources D122 Cotisations employeurs 8.5 8.5 D6112 Cotisations employés 1.5 1.5 D6111 Cotisations employeurs 8.5 8.5 D623 Prestations retraite 11 11 B8 Epargne -9.5 +9.5 B9 Capacité/Besoin de financement -9.5 +9.5 Comptes financiers (flux) ∆actifs ∆passifs ∆actifs ∆passifs F2 Monnaie -9.5 +9.5 B9 Capacité/Besoin de financement -9.5 +9.5

Illustrons maintenant le cas où ce système est traité en système d’épargne individuelle.

Comptes du gouvernement Comptes des ménages Emplois Ressources Emplois Ressources D122 Cotisations employeurs 8.5 8.5 D44 Intérêts imputés 4 4 D6112 Cotisations employés D6111 Cotisations employeurs D623 Prestations retraite B8 Epargne -12.5 +12.5 B9 Besoin de financement -12.5 +12.5 Comptes financiers (flux) ∆actifs ∆passifs ∆actifs ∆passifs F2 Monnaie -9.5 +9.5 F6 Dette de retraite +3 (14 -11) +3 B9 Capacité/Besoin de financement -12.5 +12.5

Voici les différences : Première différence : on introduit en dépenses des administrations publiques un flux d’intérêts imputé de 4 (D44), correspondant approximativement à l’application du taux d’escompte au stock de dette de retraite en fin de période précédente. Ceci représente la valeur de l’augmentation de la dette de retraite due à l’incrément d’une période. On peut aussi dire que cela représente l’intérêt que les administrations publiques « doivent » aux assurés puisqu’elles ne leur versent pas la retraite aujourd’hui mais plus tard. Deuxième différence : il n’y a plus de flux de cotisations sociales ni de prestations sociales. Tous ces flux ne sont plus des dépenses ou des recettes courantes mais des opérations financières.

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Troisième différence : l’épargne et le besoin de financement des administrations est diminuée de 4 par rapport à la situation précédente, c'est-à-dire de la valeur des intérêts imputés versés. Le passage de l’un à l’autre des enregistrements conduit à une dégradation structurelle du déficit « Maastrichien ». Ce point heurte les autorités européennes. Quatrième différence : apparaît une dette de retraite, qui s’accroît dans ce cas de 3 aux dépends des administrations publiques. En effet, les ménages actifs ont placé 14 (cotisations employeurs 8.5 + cotisations salariés 1.5 + intérêts réinvestis 4) tandis que les ménages retraités ont tiré 11. Donc on a: 8.5 + 1.5 + 4 -11 = +3.

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SESSION 3 MIEUX APPRÉHENDER LES DIVERSES DIMENSIONS DES

INÉGALITÉS DE NIVEAU DE VIE

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IMPUTATIONS ET MESURE DES INÉGALITÉS DE PATRIMOINE À PARTIR DE L’ENQUÊTE PATRIMOINE 2004

Marie CORDIER, Catherine ROUGERIE, Cédric HOUDRÉ INSEE

Résumé

Le revenu, la catégorie sociale, la localisation géographique, l’âge ainsi que les héritages ou donations reçues sont des facteurs discriminants dans la constitution des patrimoines bruts des ménages. Cependant, ces facteurs ne rendent compte que pour moitié environ de la dispersion de ces patrimoines. Entre 1992 et 2004, la plupart des indicateurs indiquent une stabilité des inégalités sur l’ensemble de la population. Cette situation recouvre toutefois des évolutions contrastées. Les inégalités sont stables parmi les ménages propriétaires de leur résidence principale et parmi les plus de 60 ans. Elles ont progressé parmi les ménages âgés de 30 à 50 ans, ainsi que parmi les ménages à revenus modestes. En comparaison du reste de la population, le patrimoine brut des jeunes est moindre en 2004 qu’il y a 12 ans, tandis que celui des plus de 50 ans a augmenté. Ce papier a depuis fait l’objet d’une publication dans « Données sociales : la société française » édition 2006, INSEE Références, consultable sur internet (http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/DONSOC06yy.PDF).

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LA MESURE DE LA PAUVRETÉ : DIFFÉRENTES APPROCHES ET VOIES D’AMÉLIORATION

Jacques FREYSSINET1 Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale

1 La mesure de la pauvreté : problèmes techniques et débats sociaux

La mesure de la pauvreté a bénéficié, depuis une quinzaine d’années, de progrès considérables, tant dans la création et l’exploitation de sources d’information statistiques et administratives qu’en ce qui concerne les méthodologies de traitement de ces sources et la définition de concepts pertinents2. Un tel effort n’est pas né seulement d’un renouveau de l’intérêt scientifique. La demande sociale, engendrée par l’élargissement et l’aggravation des phénomènes de pauvreté, a joué un rôle moteur par l’intermédiaire de la pression qu’elle a exercée sur les pouvoirs publics et qui a été répercutée sur l’appareil statistique (CES, 1987; CNIS, 1998). Le débat qui en est résulté entre les « acteurs » et les « experts » est d’une grande richesse. Nous proposons d’en dégager quelques enseignements en mettant moins l’accent sur les résultats acquis, qui sont considérables, que sur les lacunes, les difficultés méthodologiques et conceptuelles, voire les contradictions. Là se situent en effet les voies de progression. Nous suivrons un ordre de difficulté croissante en montrant d’abord que la reconnaissance du caractère pluridimensionnel de la pauvreté donne un caractère nécessairement conventionnel à sa mesure, en indiquant ensuite les lacunes principales de la connaissance, donc les priorités pour les études à venir, en soulignant enfin le caractère inéliminable de certaines contradictions auxquelles se heurte le choix des indicateurs de mesure. Le choix de poser le problème en terme de « mesure » implique, spécialement dans le domaine de la pauvreté, un appauvrissement de la démarche (Freyssinet, 2002). Nous ne traiterons pas cette question qui a un caractère général dans l’étude des phénomènes sociaux. La seule hypothèse acceptée ici est que l’absence de mesure priverait tant le débat scientifique que le débat politique d’une condition essentielle de pertinence.

2 Le caractère multidimentionnel du phénomène : expliciter la signification des conventions

Le premier grand effort de connaissance de la pauvreté, réalisé à la fin du XIX° siècle, en particulier au Royaume-Uni, avait un objectif de démarcation et de dénombrement. Qu’il s’agît de faire face à une menace contre l’ordre social ou qu’il s’agît de dénoncer l’injustice de celui-ci, il était nécessaire d’identifier une population qui serait qualifiée de « pauvre » et qui, de ce fait, devrait relever d’une politique sociale spécifique. Même si les médias continuent aujourd’hui de titrer périodiquement sur le « nombre de pauvres », le projet d’identifier une telle population par un chiffre ou un taux unique apparaît dépourvu de toute signification objective. Ce qui importe est de mesurer l’ampleur et la profondeur de différentes manifestations de la pauvreté et les caractéristiques des populations, toujours différentes, qui en sont victimes. Le débat porte alors sur les caractéristiques de la situation personnelle ou familiale qui peuvent être considérées comme des indices d’un état de pauvreté. La réponse admise par tous les experts est que ces caractéristiques sont multiples et hétérogènes. Pour chacune d’entre elles, un seuil de pauvreté ne peut être défini que par une convention reflétant,

1 Ancien directeur de l’Ires 2 La présente contribution s’appuie principalement sur les Rapports et les Travaux de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES, 2000, 2002, 2004 et 2006), ainsi que sur deux numéros spéciaux de la revue Economie et statistique : « Mesurer la pauvreté aujourd’hui » et « Les approches de la pauvreté à l’épreuve des comparaisons internationales » (Economie et statistique, 1997 et 2005).

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au moins implicitement, un jugement de valeur sur les conditions minimales de qualité de vie qu’un système social doit rendre accessibles à ses membres3. Nous rappellerons quels sont les différents types d’approches mis en œuvre, en utilisant pour les désigner le vocabulaire usuel particulièrement insatisfaisant. Nous mettrons l’accent sur l’impact qu’exerce le choix des conventions sur le volume et les caractéristiques des populations dites pauvres.

2.1 La pauvreté « monétaire »

La notion de pauvreté monétaire dite « absolue » est aujourd’hui pratiquement abandonnée dans les pays européens. Là où elle est encore utilisée, son caractère relatif est évident. Il s’agit en effet d’évaluer le prix d’un panier de consommations minimales pour un type donné de ménage. Un tel jugement reflète une norme sociale associée à un niveau déterminé de développement économique et de « marchandisation » de la société. La pauvreté monétaire dite « relative » est la notion la plus largement utilisée. Elle correspond à un revenu du ménage par unité de consommation inférieur à une fraction déterminée du revenu médian de la population de référence. Quatre difficultés principales se rencontrent4. 2.1.1 Le seuil

Quelle fraction du revenu médian faut-il retenir comme seuil de pauvreté ? En pratique les seuils de 40, 50 et 60% sont utilisés ; le dernier a été retenu parmi les « indicateurs communautaires de cohésion sociale » adoptés par l’Union européenne5. Il n’y a aucun argument scientifique pour trancher, mais il faut être conscient de l’impact du choix. En France, par exemple, le passage d’un seuil de 40 à 50%, puis de 50 à 60% amène, chaque fois, un doublement des populations concernées (ONPES, 2006). La composition et les caractéristiques moyennes des populations considérées comme pauvres sont donc nettement différentes selon le seuil retenu. Ce constat conduit à apporter une grande importance à l’étude des dispersions, au-delà de celle des valeurs moyennes. Un indicateur grossier mais utile est fourni par le taux d’intensité de la pauvreté, c’est-à-dire l’écart entre le revenu moyen des personnes pauvres et le seuil de pauvreté. 2.1.2 L’échelle d’équivalence

Si la mesure de la pauvreté n’a de signification qu’à l’échelle du ménage, elle suppose le choix d’une échelle d’équivalence pour tenir compte de la composition de celui-ci et des économies d’échelle qui y en résultent dans les dépenses de consommation. Les travaux menés sur ce point (par exemple, Hourriez, Olier, 1997 ; Accardo, 2005) montrent, d’une part, que la nature et l’ampleur des économies d’échelle varient selon le revenu, la dimension et le mode de vie du ménage et, d’autre part, qu’il est impossible d’identifier économétriquement une échelle optimale. Il est donc inévitable d’adopter une échelle empiriquement vraisemblable et, surtout, de tester la sensibilité des résultats à l’échelle retenue. 2.1.3 La mesure du revenu

Qu’elle s’appuie sur des sources fiscales ou sur des enquêtes auprès des ménages, la mesure du revenu souffre d’importantes sources de sous-évaluation. La principale porte sur les revenus du patrimoine. Dans le cas de la France (Legendre, 2004), les déclarations de revenus couvriraient entre 20 et 30% des revenus du patrimoine (fraude fiscale, exonérations…). Il est possible d’envisager des imputations forfaitaires à l’échelle de grandes catégories sociales, mais certainement pas à l’échelle des ménages. Si le problème est essentiel pour la mesure des inégalités, son impact est moindre sur celle de la pauvreté6. En effet, on peut supposer que les revenus du patrimoine sont faibles pour les populations pauvres, à l’exception du cas des « loyers fictifs » sur lequel nous revenons ci-après. Une difficulté de même nature, mais de bien moindre ampleur, concerne les transferts monétaires privés entre ménages, difficilement repérables. En ce qui concerne les situations de pauvreté, ils risquent principalement de 3 Ainsi le Conseil européen a-t-il, en 1984, conclu que devaient être considérées comme pauvres « les personnes dont les ressources (matérielles, culturelles et sociales) sont si faibles qu’elles sont exclues des modes de vie minimaux acceptables dans l’Etat membre où elles vivent ». 4 Nous n’envisageons ici qu’une définition de la pauvreté s’appuyant sur le revenu. Si on retenait la consommation, un autre problème apparaîtrait, celui du choix d’un indice de prix pertinent compte tenu de la diversité des types et des modes de consommation. 5 Indicateurs dits de Laeken, modifiés et complétés. Voir DREES, 2004. 6 Sauf par son effet sur le niveau du revenu médian.

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Insee Méthodes 114

fausser l’appréciation de la situation des ménages étudiants qui bénéficient très inégalement de l’aide de leurs familles. Ceci conduit, en pratique, à exclure le plus souvent ces ménages des études sur la pauvreté. 2.1.4 La monétarisation de composantes du niveau de vie

Certains déterminants majeurs du niveau de vie ne donnent pas lieu à perception d’un revenu monétaire ou à une dépense monétaire. Leur non prise en compte peut fausser la signification des mesures monétaires de la pauvreté. La question se pose donc d’une évaluation de ces composantes en termes monétaires pour calculer un revenu « corrigé ». Trois problèmes principaux sont posés :

- Les propriétaires de leur résidence principale bénéficient d’un avantage en nature qui peut être mesuré comme l’économie d’un « loyer fictif ». De manière analogue, on peut considérer que les ménages habitant des « logements sociaux » à faible loyer bénéficient d’une subvention implicite. La difficulté réside dans le caractère hautement artificiel de la référence à un prix de marché qui permettrait d’évaluer le loyer fictif ou la subvention implicite (Driant, Jacquot, 2005). Les estimations réalisées en introduisant des loyers fictifs ne conduisent pas à modifier sensiblement les taux globaux de pauvreté monétaire, mais entraînent un changement de la composition de la population pauvre, qui devient plus jeune et plus urbaine. Compte tenu du caractère très conventionnel de l’exercice, il convient de l’utiliser comme un test de sensibilité sans prétendre substituer le revenu ainsi corrigé à la base plus fiable du revenu monétaire stricto sensu.

- La production domestique constitue un autre élément non monétaire du niveau de vie qui influe certainement de manière non négligeable sur ce dernier. Comment en tenir compte ? Son importance et mal connue et, plus encore que pour les loyers, il apparaît artificiel de lui attribuer un prix de marché. La seule démarche raisonnable semble être de s’appuyer sur les enquêtes Emploi du temps (Economie et statistique, 2002) pour mesurer les différences de volume et de composition des temps de travail réalisés au sein de catégories de ménages inégalement touchés par la pauvreté, sans prétendre à une traduction monétaire la plus souvent fictive.

- Les services publics individualisables rendus aux ménages (éducation, santé…) conditionnent leur niveau de vie et sont de volume et de qualité inégales selon les niveaux de revenu. Ils ne peuvent être ignorés, surtout en comparaison internationale, puisqu’en leur absence, les ménages devraient assumer des dépenses. Ici encore, la question est celle de la pertinence d’une tentative artificielle de monétarisation.

Le principal enseignement de ce premier débat semble être d’imposer la reconnaissance du caractère multidimensionnel de la pauvreté, plutôt que de chercher à en donner un équivalent monétaire généralisé.

2.2 La pauvreté « objective »

L’adjectif trompeur d’ « objectif » désigne une approche qui vise à éviter le caractère partiel ou fictif de l’évaluation de la pauvreté monétaire. La mesure porte alors directement sur les quantités et qualités de biens et services qui entrent dans la consommation des ménages. Schématiquement, il est possible d’adopter deux critères de la pauvreté que l’on pourrait qualifier de pauvreté « en conditions de vie ». 2.2.1 La pauvreté comme non-accès à des droits fondamentaux

La méthode a pour objet de définir des seuils minima d’accès à des droits fondamentaux (éducation, santé, logement…) en deçà desquels les ménages sont considérés en situation de pauvreté. L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale a réalisé un ensemble de travaux dans cette perspective (ONPES, 2004 et 2006). Il existe, dans chaque domaine, des sources spécifiques qui permettent de repérer des populations exclues de l’accès à certains biens ou à certaines prestations essentiels. Ces situations engendrent des relations d’interdépendance cumulatives avec les indicateurs usuels de la pauvreté. Par exemple, la pauvreté monétaire engendre un faible accès aux soins, donc une dégradation de la santé qui, à son tour, réduit les revenus du travail. De même, la pauvreté monétaire des parents réduit la réussite scolaire des enfants, alimentant ainsi la reproduction intergénérationnelle de la pauvreté. Les résultats de ces analyses sont riches d’enseignement, mais présentent la limite principale de juxtaposer des savoirs spécialisés disjoints. L’hétérogénéité des sources statistiques ne permet pas, à la différence de certaines

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études monographiques, de repérer les cumuls d’exclusions et de caractériser les populations qui en sont les victimes.

2.2.2 La pauvreté comme cumul de privations

Une méthode alternative donne la possibilité de répondre à cette difficulté en s’appuyant sur une source homogène, une enquête auprès des ménages (par exemple, en France, l’enquête Conditions de vie), pour identifier ceux d’entre eux qui sont simultanément privés d’un certain nombre de consommations jugées nécessaires pour assurer un niveau de vie normal. On obtient ainsi un « score » pour chaque ménage. Sont considérés comme pauvres les ménages qui dépassent un certain nombre de privations. L’aspect conventionnel de la méthode réside à la fois dans le choix des items qui sont retenus et dans la fixation du score minimum7. Ces deux approches présentent les avantages et les inconvénients d’une hétérogénéité acceptée des manifestations mesurables de la pauvreté.

2.3 La pauvreté « subjective »

Une troisième méthode de repérage de la pauvreté s’appuie sur la perception qu’en ont les intéressés. Elle peut utiliser les réponses fournies par les personnes enquêtées sur leur propre situation : arrivent-elles à « boucler leur fin de mois » ; doivent-elles renoncer à des satisfactions qu’elles jugent nécessaires… ? Il est aussi possible d’obtenir une information indirecte en demandant aux personnes si, à leurs yeux, telle ou telle privation est ou non un signe de pauvreté (voir, pour la Grande-Bretagne, Fahmy, Gordon, 20058). Les résultats de ces enquêtes peuvent fournir, pour les approches en termes de privations (voir ci-dessus) des critères qui reposent non pas sur des taux de diffusion observés ou sur des « jugements d’experts », mais sur des opinions majoritaires. Si l’on reconnaît la pauvreté comme une expérience vécue ou une situation ressentie, il est nécessaire de prendre en compte les perceptions exprimées par les personnes. En même temps, on ne peut négliger l’extrême sensibilité des résultats au mode d’obtention de l’information, principalement à la formulation des questions.

2.4 conclusion

Ce rapide inventaire des conceptions et des méthodes de mesure de la pauvreté, de leurs avantages et inconvénients respectifs, confirme la nécessité, pour rendre compte du phénomène, d’une prise en compte de son caractère multidimensionnel. Mais on ne peut se satisfaire de ce constat qui conduirait vers une accumulation indéfinie de mesures juxtaposées et hétérogènes. Deux voies de progression peuvent être envisagées : soit, une démarche typologique qui, par la mise en relation des indicateurs, privilégie le repérage de configurations contrastées de pauvreté ; soit une démarche synthétique qui, en regroupant les indicateurs, cherche à donner une représentation unifiée de la pauvreté pour un système social et une période historique déterminés.

3 L’identification des configurations de pauvreté : directions de recherche

L’examen de l’abondante documentation aujourd’hui disponible permet de dégager deux observations. En premier lieu, l’examen de chaque dimension ou de chaque indicateur de la pauvreté fait plus apparaître un continuum qu’une cassure entre populations classées comme pauvres ou non pauvres ; il n’existe pas de rupture dans les distributions qui légitimerait la définition d’une frontière, autrement que par convention. En second lieu, au sein de la population pauvre, des sous-catégories peuvent être repérées par les positions spécifiques qu’elles occupent en regard d’un faisceau d’indicateurs, par exemple, familles monoparentales, familles nombreuses avec un seul apporteur de revenu d’activité, jeunes isolés, sans-papiers…Il s’en dégage l’intuition qu’il existe diverses configurations de pauvreté qui relèvent de mécanismes générateurs distincts et qui exigeraient des interventions politiques de nature différente. Si des études monographiques sont précieuses pour caractériser ces configurations, elles ne permettent pas de quantifier leur importance respective et leurs dynamiques propres. Des progrès de la mesure statistique sont donc requis et ont été amorcés. L’accent peut être mis sur trois axes de

7 Souvent ce score est fixé de manière à obtenir un volume de population pauvre de même ordre de grandeur que celui obtenu par la mesure monétaire de la pauvreté, elle-même issue d’un seuil tout aussi arbitraire 8 En France, une enquête Standards de vie est actuellement réalisée par l’INSEE en s’inspirant de la méthode britannique présentée dans l’article cité.

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Insee Méthodes 116

développement de la connaissance, qui sont de nature distincte, mais étroitement interdépendants. Ils concernent les populations, les trajectoires et les territoires.

3.1 Les populations

L’information statistique ou administrative couvre une part largement majoritaire de la population : les ménages ordinaires, les foyers fiscaux, les bénéficiaires de prestations et minima sociaux. Mais la minorité de la population qui leur échappe est essentielle pour la construction de typologies de la pauvreté. Trois composantes, notamment, posent des problèmes spécifiques :

- Les sans abri, par nature, ne font l’objet d’aucun suivi statistique. L’INSEE a réalisé une

enquête novatrice sur ceux d’entre eux qui utilisent des services d’hébergement ou de restauration gratuits (Brousse et alii, 2002). Une recherche complémentaire a tenté de caractériser des fractions de la population qui étaient exclues de la définition retenue pour l’enquête précédente (Marpsat et alii, 2004). La richesse des informations obtenues rend prioritaire la reproduction périodique de telles enquêtes.

- Les ménages en habitat collectif (foyers de personnes âgées, de jeunes travailleurs, de travailleurs immigrés…) échappent à l’Enquête Emploi, sauf s’ils peuvent être rattachés à un ménage ordinaire.

- Les ménages en conditions de logement précaires (hébergement privé provisoire, campings et caravanes, situations irrégulières…) sont également exclus, pour leur très grande majorité, de l’Enquête emploi.

Ignorer ces populations, dont les effectifs sont souvent mal connus, mais non négligeables, a un impact non seulement quantitatif mais aussi qualitatif sur la connaissance de la pauvreté dans la mesure où une fraction importante d’entre elles présente vraisemblablement des configurations spécifiques de pauvreté.

3.2 Les trajectoires

L’information disponible sur la pauvreté est, pour l’essentiel, statique. Elle décrit des situations à un instant donné ou pour une période donnée (habituellement une année) ; elle ne dit rien sur les trajectoires. Or il est évident que le vécu concret et la perception subjective de la pauvreté, ainsi que leur impact à long terme, changent de nature selon le type de trajectoires où ils s’insèrent : phase d’insertion sociale et professionnelle initiale, accident provisoire, allers et venues fréquents autour des seuils, processus cumulatif d’exclusion sociale… La voie privilégiée, pour un horizon de moyen terme, repose sur l’utilisation de panels, par exemple, l’ancien Panel européen des ménages et son remplaçant le SILC-SRCV9. Leur exploitation, pour la construction de typologies de trajectoires de passage par la pauvreté ou d’enfermement dans la pauvreté, se heurte à de nombreuses difficultés conceptuelles et méthodologiques (Lollivier, Verger, 2005). Des progrès dans ce domaine constituent un objectif central. La méthode des panels par enquête auprès des ménages résiste mal, s’agissant des ménages pauvres, à un allongement de la période de suivi au-delà de quelques années (notamment, par effet d’attrition de l’échantillon). Il reste donc à construire les concepts et les outils d’une mesure de la pauvreté sur le cycle de vie et de la transmission intergénérationnelle de la pauvreté, par exemple en utilisant des échantillons démographiques permanents.

3.3 Les territoires

La pauvreté est ancrée dans l’espace avec des degrés d’intensité et selon des modalités différenciées. Le repérage de ces diversités pose deux types de problèmes de nature différente. En premier lieu, il est nécessaire de disposer d’un ensemble d’informations statistiques cohérentes, tant dans une logique d’agrégation-désagrégation que dans une logique de comparaisons transversales pour un niveau de découpage territorial donné10. La question se pose déjà à l’échelle de l’Union européenne (par exemple, avec les 9 Statistics on Income and Living Conditions - Statistiques sur les ressources et les conditions de vie 10 Les cartographies de la pauvreté présentent des résultats grossièrement convergents, mais clairement distincts selon les indicateurs de pauvreté utilisés. Voir, par exemple, ONPES, 2002, Travaux, 2° partie, cahier 1.

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indicateurs de Laeken11) et jusqu’à celle des « pays » et des quartiers (par exemple, les Zones urbaines sensibles). Au-delà des coûts de mise en place de l’appareil statistique, émergent des questions politiques conflictuelles, liées aussi bien aux enjeux de classement qu’à ceux de la solidarité financière. En second lieu, il serait important de disposer d’un système d’indicateurs qui permette de tester la pertinence de résultats obtenus à partir de monographies comparées d’espaces locaux (ONPES, 2006, Rapport, chapitre 3, et Travaux). Celles qui ont été réalisées mettent en évidence les contrastes observés entre différents types de configurations locales de pauvreté qui tiennent autant à l’histoire et aux cultures qu’au type de développement économique, ainsi qu’aux stratégies des institutions et des acteurs locaux.

3.4 Conclusion

L’élément commun aux programmes de recherche qui visent à une meilleure connaissance des populations, des trajectoires et des territoires est l’accent mis, au-delà de la mesure de valeurs moyennes et de distributions, sur le repérage des dimensions quantitatives de configurations de pauvreté contrastées. Ce repérage constitue, en complément des analyses monographiques, un outil nécessaire pour comprendre les processus concrets de genèse de la pauvreté et pour énoncer les conditions d’efficacité des programmes de lutte contre la pauvreté. Il reste que l’on ne peut s’en tenir à un inventaire de la diversité. Des instruments de diagnostic global doivent aussi être proposés.

4 Production et diffusion d’indicateurs de synthèse : gérer des contradictions

La reconnaissance du caractère multidimensionnel et de la diversité des configurations de pauvreté constitue, nous avons essayé de la montrer, une condition d’enrichissement de l’analyse. Elle peut aussi devenir un mode d’esquive du débat en laissant place à la coexistence pacifique de conceptions parfois contradictoires. Est-il possible de dégager une mesure synthétique de la pauvreté dans une société donnée et sur quelle base retenir un ou des indicateurs scientifiquement pertinents et socialement significatifs ?

4.1 Indicateur unique ou batterie d’indicateurs centraux ?

À première vue, deux attitudes s’opposent. Des organismes internationaux et des associations privées ont proposé des indicateurs synthétiques qui englobent le phénomène de la pauvreté dans une mesure plus large du bien-être et des inégalités (Gadrey, Jany-Catrice, 2003). Du côté des organisations internationales, l’exemple le plus connu est celui de l’Indicateur du développement humain (IDH), calculé depuis quinze ans par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD, 2005). Du mouvement associatif est issu le Baromètre des inégalités et de la pauvreté conçu par le Réseau d’alerte sur les inégalités (RAI, 2006). Deux arguments principaux militent en faveur du choix d’un indicateur unique :

- la volonté de créer une alternative à la mesure dominante du bien-être que constitue le Produit intérieur brut,

- le souci d’adresser à l’opinion un message aisément compréhensible par opposition à la difficulté de lecture d’une représentation multidimensionnelle.

Les inconvénients de ce choix sont les symétriques des avantages que lui attribuent ses auteurs. Le message n’est simple qu’au prix de son opacité. Le niveau et les variations de l’indicateur synthétique sont évidemment fonction du choix des indicateurs élémentaires retenus et à la pondération qui leur est accordée12. Ainsi, l’indicateur synthétique des inégalités et de la pauvreté du BIP 40 augmente, pour la France, entre 2001 et 2003, alors que l’indicateur de la pauvreté, qui est l’une de ses composantes, diminue brutalement au cours de la même période. Il est vrai que la méthode de calcul et de pondération, ainsi que les valeurs des indicateurs élémentaires sont fournies au lecteur. Mais, sur l’exemple cité, il apparaît que la signification de l’indicateur synthétique ne peut prendre sens que par l’examen de l’évolution de ses composantes.

11 Voir DREES, 2004 ; Economie et statistique, 2005. 12 Voir l’encadré de Jérôme Accardo et Pascal Chevalier, « Les indicateurs synthétiques » dans Economie et statistique, 2005, p.33-35.

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Ce constat explique l’adoption d’une autre option. Elle repose sur l’affirmation du caractère irréductible de la multi-dimensionnalité et sur la recherche du nombre le plus limité possible d’indicateurs permettant d’en rendre compte13. Nous avons cité plus haut un exemple de cette méthode avec les indicateurs de cohésion sociale de l’Union européenne. Une autre illustration en est donnée avec les indicateurs du travail décent de l’Organisation internationale du travail (Anker et alii, 2003). C’est aussi dans cette voie que s’est engagé l’Observatoire de la pauvreté qui propose, dans son dernier rapport, une batterie de onze indicateurs14 dont le suivi dans le temps fournit une vision d’ensemble de l’évolution des aspects mesurables de la pauvreté (ONPES, 2006, Rapport, chapitre 1).

4.2 Quels sont les critères de choix des indicateurs

D’importants travaux méthodologiques ont permis de définir les critères que doivent satisfaire les indicateurs sociaux et, en particulier ceux qui concernent la pauvreté15. La liste est impressionnante et indiscutable. Le problème naît des arbitrages rendus nécessaires par le fait que les indicateurs disponibles satisfont inégalement les différents critères. La difficulté principale résulte de la contradiction qui apparaît souvent entre un objectif de pertinence scientifique pour l’expert et un objectif de lisibilité pour le citoyen. Quelques exemples illustrent la difficulté des choix.

- Le fait que le taux de pauvreté ne diminue pas (ou très peu) au cours des périodes de croissance est souvent perçu comme paradoxal, voire comme une manifestation d’injustice. Ce fait ne surprend pas les experts puisque les seuils de pauvreté s’élèvent avec la croissance. Cependant, ils ont cherché à définir un indicateur qui réponde à une intuition légitime du citoyen : « avec la croissance, la situation des pauvres devrait s’améliorer ». Ils ont donc imaginé un « taux de pauvreté ancré dans le temps ». On calcule, pour l’année (t+x), le pourcentage de ménages qui sont au-dessus du seuil de pauvreté de l’année t, après réévaluation de ce dernier pour tenir compte de l’inflation. Ainsi, le taux de pauvreté recule avec la croissance, mais au prix de l’adoption d’un indicateur imperméable au profane.

- Le discours officiel a tellement mis l’accent sur l’accès à l’emploi comme voie privilégiée de

sortie de la pauvreté qu’il est apparu nécessaire d’attirer l’attention sur le fait que, si l’emploi demeure le plus souvent une condition nécessaire, il n’est plus une condition suffisante. Ce constat a été traduit par un indicateur de pauvreté laborieuse ou taux de « travailleurs pauvres » (working poor). La difficulté naît du fait que les bas salaires concernent un individu et la pauvreté un ménage. Dans la définition française16, un travailleur pauvre est une personne qui, ayant été présente pendant au moins six mois dans l’année dans la population active et ayant occupé un emploi pendant au moins un mois, appartient néanmoins à un ménage pauvre.

- Dans ces deux cas, un indicateur techniquement pertinent se révèle d’interprétation difficile

pour l’utilisateur non expert. Symétriquement, il serait facile de multiplier les exemples d’indicateurs intuitivement évidents pour le non expert, mais en fait d’interprétation ambiguë. Ainsi la variation du nombre des allocataires du RMI est un indicateur largement utilisé par les media. Il reflète certes, pour partie, l’évolution de la pauvreté, mais aussi celle de la réglementation (par exemple, création ou suppression de l’intéressement), celle de l’assurance

13 Il ne faut pas exagérer la différence entre les deux options. L’indicateur unique repose toujours sur un nombre limité d’indicateurs jugés essentiels. La différence est que la seconde méthode refuse, pour cause d’incommensurabilité, l’agrégation de ces indicateurs et s’en tient à leur rassemblement en un tableau unique. 14 Liste des indicateurs retenus :

- taux de pauvreté (à 60% du revenu médian) - intensité de la pauvreté - taux de travailleurs pauvres - taux de difficulté des conditions de vie - évolution du nombre d’allocataires de minima sociaux d’âge actif - taux de persistance dans le RMI (plus de trois ans) - taux de renoncement aux soins pour raisons financières - taux de sortants du système scolaire à faible niveau d’études - taux de demandeurs d’emploi non indemnisés - part des demandes de logement social non satisfaites après un an - rapport inter déciles des revenus

15 Voir, par exemple : Atkinson et alii, 2004, point 2.6. 16 Différente de celle adoptée par l’Union européenne ; voir Lelièvre et alii, 2004.

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chômage (transferts de population) et dépendra de plus en plus dans l’avenir des modes de gestion différenciés adoptés par les autorités décentralisées qui en ont reçu la responsabilité.

Le choix d’une batterie d’indicateurs centraux de la pauvreté ne peut donc être la seule expression d’exigences de rigueur méthodologique. Il résulte d’arbitrages entre objectifs contradictoires, aux premiers rangs desquels figurent la pertinence et la lisibilité.

4.3 Qui choisit et alimente les indicateurs ?

Nous n’abordons ici la question que sous l’angle de la mesure, mais elle concerne l’ensemble des savoirs sur la pauvreté. La force qu’exercent des variables de comportement et les modes de production des représentations dans la conscience d’être pauvre, la puissance des phénomènes d’isolement ou de solidarité dans le vécu de la pauvreté invalident une mesure qui ne reposerait que sur l’expertise statistique. Un enrichissement a été recherché par deux voies qui peuvent être complémentaires, mais qui doivent être distinguées. En premier lieu, il est fructueux de confronter au savoir expert le savoir associatif. Par la densité et la qualité des contacts qu’ils ont avec les populations pauvres, les militants et les professionnels des associations de solidarité accumulent des connaissances qui ne se limitent pas au qualitatif. Des tentatives ont été faites pour faire dialoguer les deux approches17. Il ne faut pas sous-estimer les difficultés. Les acteurs de terrain sont souvent sceptiques, voire réticents, à l’égard du recueil d’informations qui, pour être agrégées, doivent être standardisées ; leur remontée est inégale selon la culture des associations. On connaît mal les mécanismes qui commandent la fréquentation des associations : effets d’offre, effets de sélection, effets de notoriété… ? Le risque est de juxtaposer des informations fragmentaires sur des populations qui se chevauchent partiellement et dont on connaît mal les trajectoires. Dans tous les cas, le débat avec les acteurs du secteur associatif est essentiel pour la définition et la sélection des indicateurs les plus pertinents et pour l’interprétation de leurs évolutions. En second lieu, une question plus difficile encore se pose quant à la prise en compte de la parole des pauvres dans le choix des phénomènes, des catégories, des vocabulaires pertinents pour mesurer la pauvreté. Un courant de recherche novateur s’est engagé dans cette direction (Hacourt, 2003). À l’occasion d’une enquête nationale par questionnaire portant sur un champ particulier18, un collectif inter associatif réuni autour des Petits frères des pauvres s’est exprimé en des termes que l’on pourrait aisément transposer à l’étude de la pauvreté : « Tout en conservant une volonté de rigueur méthodologique, l’apport spécifique de notre travail inter associatif reposera sur la diversité des personnes rencontrées par chacun de nos réseaux ; la qualité de la rencontre associative reposant sur la confiance et le respect, on racontera à l’un de nos militants peut-être davantage et autrement qu’à un enquêteur professionnel. Partir de la représentation des personnes qui se seront exprimées sera pour nous une richesse (…) Les études existant sur la question sont souvent centrées sur l’absence de biens (matériels), nous souhaitons insister sur l’absence de liens (relationnels) » (Petits frères des pauvres, 2005, III-Démarche proposée). La question méthodologique soulevée est majeure. Un mouvement continu de progrès de la statistique a visé à éliminer toute influence de la relation intersubjective entre l’enquêteur et l’enquêté sur la réponse enregistrée. En matière de pauvreté, d’isolement, d’exclusion sociale, la qualité de la relation intersubjective ne conditionne-t-elle pas la valeur de l’information recueillie ?

4.4 Conclusion

La mesure de la pauvreté est donc confrontée à un double problème d’hétérogénéité : d’autre part, le caractère multidimensionnel des manifestations de la pauvreté, d’autre part, la profonde différenciation des expériences de la pauvreté, donc des représentations et des paroles qui servent à les désigner. Le progrès de la mesure semble passer par l’accroissement de sa complexité aux dépens de sa lisibilité. Dès l’origine, l’effort des statisticiens a répondu à l’incitation et résisté à la pression des acteurs politiques et sociaux. Sous cet aspect, la situation n’a pas changé. Il est indispensable que les statisticiens soient partie prenante dans un débat social sur la définition d’indicateurs pertinents. Il est tout aussi essentiel que les acteurs puissent maîtriser la signification des indicateurs produits.

17 Dans le cadre de l’Observatoire de la pauvreté, voir les deux contributions de Pascal Noblet : « Les statistiques des associations de solidarité » (ONPES, 2000, Travaux, p.133-175) et « Les publics accueillis par les associations » (ONPES, 2002, Travaux, p.457-467), ainsi que la contribution à paraître de Michel Legros sur le même thème (ONPES, 2006, Travaux). 18 L’isolement et la vie relationnelle des personnes âgées.

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Bibliographie

Note : On trouvera dans les Rapports et Travaux de l’ONPES, ainsi que dans deux numéros spéciaux de la revue Économie et statistique (1997 et 2005) des bibliographies très complètes sur la mesure de la pauvreté. Ne figurent ci-après que les textes cités dans le cours de la contribution. ACCARDO J., 2005, « L’estimation des échelles d’équivalence dans les enquêtes « Budgets de famille » : les limites de l’exercice », INSEE, Séminaire DSDS. ANKER R., I. CHERNYSHEV, PH. EGGER, F. MEHRAN ET J. A. RITTER, 2003, « La mesure du travail décent : un système d’indicateurs statistiques de l’OIT », Revue internationale du travail, n°2, p.159-190. ATKINSON A.B., CANTILLON B., MARLIER E., ET NOLAN B., 2004, “Taking Forward the EU Social Inclusion Processs”. An Independant Scientific Report Commissioned by the Luxembourg Presidency of the EU, Bruxelles.

BROUSSE C., DE LA ROCHÈRE B. ET MASSÉ E., 2002, « Les sans domicile usagers des services d’hébergement et de distributions de repas chauds », in ONPES, 2002, Travaux, p.395-431.

CERC (Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale), 2005, « Estimer la pauvreté des enfants », Dossier n°2, Paris. CES (Conseil économique et social), 1987, « Grande pauvreté et précarité économique et sociale », Rapport de Joseph Wresinski et Avis, Paris, Journaux officiels, n°3074. CNIS (Conseil national de l’information statistique), 1998, « Pauvreté, précarité, exclusion. Pour une meilleure connaissance des situations et des processus », Rapport d’un groupe de travail, n°42. DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), 2004, « Les indicateurs sociaux dans l’Union européenne : avancement et perspectives », Dossiers solidarité et santé, n°2. DRIANT J.-Cl. ET A. JACQUOT, 2005, « Loyers imputés et inégalités de niveau de vie », Economie et statistique, n°381-382, p.177-206. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE, 1997, « Mesurer la pauvreté aujourd’hui », n° spécial 308-309-310. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE, 2002, « Temps sociaux et temps professionnels au travers des enquêtes Emploi du temps », n° spécial 352-353. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE, 2005, « Les approches de la pauvreté à l’épreuve des comparaisons internationales », n° spécial 383-384-385. FAHMY E. et GORDON D., 2005, « La pauvreté et l’exclusion sociale en Grande-Bretagne », in Economie et statistique, 2005, p.109-130. FREYSSINET J., 2002, « Observer la pauvreté », Projet, n°271, p.18-25. GADREY J. ET JANY-CATRICE F., 2003, « Les indicateurs de richesse et de développement. Un bilan international en vue d’une initiative française », Rapport de recherche pour la DARES, Laboratoire CLERSE, Lille. HACOURT G., 2003, » Projet européen d’indicateurs de pauvreté à partir de l’expérience des personnes vivant en situation de pauvreté », Rapport final. HOURRIEZ J.-M. et OLIER L., « Niveau de vie et taille d’un ménage : estimations d’une échelle d’équivalence », 1997, in Economie et statistique, 1997, p.65-94. LEGENDRE N., 2004, « Les revenus du patrimoine dans les enquêtes « revenus fiscaux » », Document de travail F0405, INSEE, DSDS.

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LELIÈVRE M., MARLIER E. ET PÉTOUR P., 2004, « Un nouvel indicateur européen : les travailleurs pauvres », in DREES, 2004, p.155-170. LOLLIVIER S. ET VERGER D., 2005, « Trois apports des données longitudinales à l’analyse de la pauvreté », in Economie et statistique, 2005, p.245-282. MARPSAT M., QUAGLIA M. ET RAZAFINDRATSIMA N., 2004, « Les sans domicile et les services itinérants », in ONPES, 2004, Travaux, p.255-290. ONPES (Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale), 2000, « Le rapport 2000 et Les travaux 2000 », Paris, La documentation française. ONPES, 2002, « Le rapport 2001-2002 et Les travaux 2001-2002 », Paris, La documentation française. ONPES, 2004, « Le rapport 2003-2004 et Les travaux 2003-2004 », Paris, La documentation française. ONPES, 2006, « Le rapport 2005-2006 et Les travaux 2005-2006 », Paris, La documentation française (à paraître). PETITS FRÈRES DES PAUVRES, 2005, « Enquête isolement et vie relationnelle des personnes âgées en France », Collectif inter associatif, Paris. PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement), 2005, « Rapport mondial sur le développement humain », New York. RAI (Réseau d’alerte sur les inégalités et la pauvreté), 2006, « Baromètre des inégalités et de la pauvreté », www.bip40.org.fr.

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L’INDICE DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN : UNE APPROCHE INDIVIDUELLE

Jérôme ACCARDO, Fabrice MURAT, Gaël DE PERETTI INSEE

1 Introduction

Parmi les indicateurs dits « alternatifs » au PIB (produit intérieur brut), le plus connu est certainement l’IDH (indicateur de développement humain). Ce succès s’explique en partie par le soutien d’Amartya Sen, prix Nobel d’économie en 1998, qui longtemps sceptique a fini par reconnaître son utilité : « Nous avons besoin d'une mesure, disait Mahbub19, aussi simple que le PNB - un seul chiffre - mais qui ne soit pas aussi aveugle que lui face aux aspects sociaux de la vie humaine. Mahbub espérait non seulement que l'IDH améliorerait, ou du moins compléterait utilement le PNB, mais aussi qu'il susciterait un intérêt pour les autres variables qui sont amplement analysées dans le Rapport mondial sur le développement humain. Mahbub avait tout à fait raison en cela, je dois l'admettre, et je me réjouis que nous n'ayons pas essayé de l'empêcher de chercher une mesure sommaire » (contribution spéciale au Rapport mondial sur le développement humain 1999). La création de cet indicateur s’inscrit dans un retour dans les années 1990 des critiques de l’usage du PIB comme indicateur de bien-être ou du progrès social réduisant ces notions reconnues comme multidimensionnelles à la seule dimension économique, critiques qui s’étaient fortement développées à la fin des années 1960, début des années 197020. L’intérêt de l’IDH, selon son propre auteur, est sa capacité à remettre en cause les classements établis par une simple comparaison des PIB par tête en PPA (parité de pouvoir d’achat), en intégrant d’autres dimensions du développement humain comme la santé et l’éducation21. Cette étude n’a pas pour but de prolonger le débat sur l’intérêt des indicateurs alternatifs au PIB22 mais propose un nouvel usage de l’IDH. Il s’agit de transposer cet indicateur macroéconomique qui permet de comparer les performances en terme de développement humain des pays en un indicateur microéconomique afin de comparer les individus et d’enrichir le cas échéant l’étude des inégalités en ne se limitant pas au seul niveau de vie.

2 Rappel sur l’IDH macro

2.1 Le concept de développement humain du PNUD

L’IDH est l’indicateur phare mis au point par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) qui permet de classer l’ensemble des pays à partir d’un indice agrégé reflétant trois dimensions : bien-être matériel (via le PIB par habitant en PPA), la santé (via l’espérance de vie à la naissance, l’éducation (via le taux de scolarisation et le taux d’alphabétisation des adultes). Cet indicateur s’appuie sur les travaux de Sen sur la

19 Mahbub ul Haq est le père du Rapport mondial sur le développement humain réalisé par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) chaque année depuis 1990. 20 Si dès le début du XXème siècle se pose la question de la mesure de la civilisation ou du progrès social (Nicifero, 1921 ; Ogburn, 1933), les premières recherches sur les indicateurs sociaux à grande échelle débutent à la fin des années soixante (rapports de la Nasa, de l’OCDE, de l’ONU, Olson, Delors, etc.). Ces développements s’appuient sur une critique de la légitimité du PIB comme seule mesure du bien-être et de la recherche permanente de la croissance économique On trouvera un récit détaillé de l’histoire des indicateurs sociaux en France dans la thèse de Vincent Spenlehauer : « L'évaluation des politiques publiques, avatar de la planification », Université de Grenoble II Pierre Mendès-France, 1998. 21 A titre d’exemple en 2003 (dernières données disponibles), Cuba passe du 92ème rang en terme de PIB/tête PPA au 52ème rang en terme d’IDH, la Guinée Equatoriale du 28ème rang au 121ème rang (respectivement plus forte progression et plus forte régression). 22 Cette question est toujours d’actualité. Ainsi dans son rapport « Where is the Wealth of Nations » présenté le 6 décembre 2005 à la conférence de Montréal sur les changements climatiques, la Banque Mondiale considère que les indicateurs utilisés actuellement pour mesurer le niveau de développement sont gravement défaillants. Ainsi, les indices nationaux de comptabilité, tels que le PIB – ne reflèteraient pas nécessairement les effets bénéfiques des dépenses d’éducation ou de santé ni les coûts liés à la dégradation de l’environnement. La Banque mondiale propose une nouvelle méthode d’évaluation de la richesse nationale totale des pays, prenant en compte le capital produit, les ressources naturelles mais aussi le capital social et humain.

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notion de bien-être : « […] le bien-être d’une personne peut être considéré en termes de qualité […] de son existence. Vivre peut être considéré comme un ensemble de « fonctionnements23 » reliés entre eux et consistant d’êtres et d’avoirs » (Sen, 1992). La palette des fonctionnements est large puisqu’elle englobe aussi bien se nourrir correctement, être en bonne santé, se sentir heureux, avoir du respect pour soi-même, participer à la vie collective, etc. A la notion de « fonctionnement » s’ajoute celle de la capacité24 de fonctionner. La capacité d’un individu représente l’ensemble des combinaisons de fonctionnements auxquelles il a accès, c’est-à-dire la liberté d’un individu à mener tel ou tel style de vie ou « la liberté d’une personne de choisir parmi des existences diverses » (op. cit.). Ainsi le concept de développement humain a deux aspects : mise en place du champ des possibles, utilisation des potentialités acquises : « le développement a pour objet d’élargir pour les êtres humains, le champ des possibles dans son ensemble, et pas seulement les revenus » (Pnud, 1995, p. 14). Cette approche conduit à ne plus limiter la pauvreté à l’absence de ce qui est nécessaire au bien-être matériel et à l’étendre à « la négation des opportunités et des possibilités de choix les plus essentielles au développement humain » (Pnud, 1997, p. 4). Dans ce cadre, l’accent n’est plus seulement mis sur le progrès matériel mais sur le bien-être humain. Ce changement de perspective où la science économique est au service de l’être humain n’est finalement qu’un retour à la problématique humaine développée entre autres par les philosophes grecs (en particulier Aristote). 2.1.1 Définition

L'IDH est une moyenne d'indicateurs élémentaires censés refléter différentes dimensions du bien-être d'un pays : le niveau de production, les conditions sanitaires, le niveau de diffusion des instruments fondamentaux de la connaissance et de l'information. En pratique on considère les trois composantes suivantes : - hY = le log du PIB/tête en PPA - hS = l'espérance de vie à la naissance - hE = la moyenne pondérée (2/3, 1/3) du taux d'alphabétisation et du taux de scolarisation. L'IDH est un indicateur relatif : il se calcule par rapport à une référence, temporelle ou géographique. Les composantes élémentaires sont en effet normalisées par rapport cette référence. Ainsi, dans son rapport sur le développement humain, le PNUD considère l'ensemble des économies du monde, qui constitue le groupe de référence ; il calcule alors les indicateurs élémentaires, celui du niveau de la production par exemple, iY, à partir de hY par (Max et min étant pris ici sur le groupe) :

iY = (hY - min de hY)/(Max de hY - min de hY) Finalement l'IDH est la moyenne simple des trois indicateurs élémentaires hY, hS, hE. La référence employée dans la normalisation n'est pas nécessairement dérivée d'observations effectives. Les valeurs max et min utilisées ci-dessus peuvent aussi bien être choisies arbitrairement (indépendamment donc des valeurs observées sur les différents pays, ou bien selon les années). Le seul objectif ici est de gommer les écarts d'ordre de grandeur entre un log de PIB et un taux de scolarisation qui, faute de normalisation, conduirait à ce que le premier écrase le second dans la moyenne. L'IDH se révèle bien adapté à son propos qui est de mettre en évidence les différences entre pays développés et pays moins avancés, et aussi les différentes façons d'être développés ou d'être moins avancés. 2.1.2 Les critiques de cet indicateur

L’IDH, comme l’ensemble des indicateurs synthétiques, n’est évidemment pas exempt de critiques. En particulier, le choix relativement arbitraire de ses composantes élémentaires et des pondérations qui permettent leur agrégation en un indice synthétique. Ces arguments peuvent être renversés comme l’indiquent Gadrey et Jany-Catrice : « Le choix des pondérations des diverses variables qui composent un indicateur (synthétique ou non), tout comme le choix des variables qui comptent, sont des enjeux de débats publics et de confrontations de points de vue sur ce qu’il faut compter et sur ce qui compte le plus. […] La légitimité d’un indicateur se construit donc en même temps que les conventions d’évaluation du progrès (Gadrey, Jany-Catrice, 2003) ». C’est tout le problème de la quantification au sens développé par Desrosières : « Celle-ci contribue à exprimer et faire exister sous une forme numérique, par mise en œuvre de procédures conventionnelles, quelque chose qui était auparavant exprimé seulement par des mots et non par des nombres (Desrosières, 2004) ». De fait, le PIB n’échappe pas à ce constat. En effet, jusqu’en 1976, l’activité des administrations (nommées aujourd’hui services

23 C’est une traduction littérale du terme « functionings ». 24 C’est une traduction littérale du terme « capabilities ».

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Insee Méthodes 124

non marchands) n’était pas comptabilisée dans la production nationale du fait d’une volonté politique d’une reconstruction de la France axée sur les activités marchandes concurrentielles25. Une autre critique, d'ordre plus statistique, est faite à l’IDH : sa forte corrélation avec le PIB (0,89 selon MacGillivray, 1991). Cette forte corrélation pose la question de son utilité puisqu’il apporterait peu d’information supplémentaire alors qu’il existe des controverses sur sa construction (choix des dimensions élémentaires et des pondérations). Enfin, et c’est celle qui nous intéresse, c’est un indicateur macroéconomique, qui ne rend pas compte des inégalités de distribution du bien-être qu’il est censé mesurer. Or, les fondements du développement humain sont les travaux de Sen qui soutiennent le fait que les caractéristiques individuelles définissent des besoins différents mais aussi les capacités à transformer un bien en un certain niveau de bien-être26.

3 La construction d’un IDH micro

Cette partie se propose de montrer qu'une version microéconomique de l'IDH satisfaisante doit aller au-delà de la simple transposition des indicateurs de l'IDH macroéconomique. La mesure des trois types de ressources au niveau individuel requiert d'autres instruments.

3.1 Les insuffisances d’un IDH microéconomique « naïf »

On pourrait penser a priori qu'un bon équivalent microéconomique de l'IDH usuel s'obtient simplement en transposant mécaniquement l'IDH au niveau individuel. Un tel indicateur, qu'on appellera ici « naïf » conduit cependant rapidement à des difficultés sérieuses, essentiellement dans les dimensions santé et éducation. 3.1.1 L'indicateur de ressources monétaires

Au niveau individuel les ressources monétaires correspondent à la richesse monétaire, c'est à dire à la fois le revenu disponible après transferts, le patrimoine et les dépenses publiques. L'information disponible au niveau individuel est rarement aussi large ; on dispose généralement d'une évaluation du revenu disponible après impôts et transferts sociaux, dans certains cas du patrimoine (saisi au niveau du ménage, d'ailleurs, ce qui soulève la question de son individualisation), mais jamais de l'ensemble des transferts dont l'individu peut bénéficier, c'est à dire la prise en charge par la collectivité d'une partie plus ou moins complète du coût des différents services publics : santé, éducation, transports, équipement, sécurité, justice, défense, etc., au total les masses en jeu (environ 850 milliards d'euros) sont comparables au revenu disponible brut des ménages (de l'ordre de 1000 milliards d'euros). Il paraît difficile de les négliger. Malheureusement, comme l'ont montré les évaluations d'un tel revenu microéconomique généralisé qui ont pu être tentées, l'exercice implique toujours de faire de nombreuses hypothèses, généralement assez arbitraires et qui déterminent fortement le résultat (Masson 2002). On est donc contraint, faute de disposer de la bonne contrepartie individuelle du PIB, de recourir au revenu tel que le collectent les sources individuelles (données d'enquête ou sources administratives, par exemple fiscales) et qui n'en est qu'une fraction. Ces objections ne sont cependant pas décisives. L'IDH est, en effet, dans son principe, une mesure des ressources des individus pour satisfaire l'ensemble de leurs besoins : sa composante monétaire permet de financer les besoins matériels. En particulier elle inclut les dépenses qui visent à maintenir ou recouvrer un bon état santé. Or cet état de santé est précisément celui qui est évalué par l'indicateur de santé de l'IDH. On a là une sorte de double compte puisque à une ressource particulière (les dépenses de santé) on ajoute ce qu'elle permet de se procurer (une bonne santé)27. On est donc conduit ici à exclure les transferts liés aux dépenses de santé. Un raisonnement identique suggère de ne pas tenir compte des transferts liés aux dépenses (publiques) d'éducation.

25 C’est du moins l’interprétation faite par Fourquet dans Les comptes de la puissance (1980). 26 Sur ce dernier point, il faut noter la proposition de Hicks (1997), initialement suggérée par Anand et Sen : escompter chaque composante de l'IDH par le Gini de sa distribution. Formellement au lieu de considérer la composante x, on considère x'=[1-G(x)]*x. Alternativement, dans le cas ou on veut rendre compte d'écarts entre quelques sous-groupes (typiquement entre hommes et femmes), on prend comme IDH global, une CES des deux IDH : ig=[0,5(ih

1-a+if1-a)]1/(1-a)

27 Fondamentalement, cette objection tient à ce que, dans l'approche individuelle, les dépenses publiques de santé sont des dépenses dédiées à un emploi donné, hors du contrôle de l'individu. Dans l'approche macroéconomique, le PIB est une mesure des ressources monétaires, disponibles pour tous les usages potentiels, sans affectation a priori de leur usage. Il ne serait donc pas licite d'en exclure les montants affectés ex post aux dépenses de santé.

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La santé et l'éducation constituent l'essentiel (80%) des 280 milliards d'euros environ que représentent les dépenses de consommation des APU (pour les biens et services individualisables) ; une fois ces dépenses exclues, les individus ne bénéficient plus que des dépenses publiques non individualisables. On supposera qu'elles affectent les individus de façon uniforme : si on considère séparément les différents postes de dépenses concernés (transports, équipement, sécurité publique, etc.) l'hypothèse n'est sans doute pas très réaliste. Elle l'est sans doute davantage quand on considère l'ensemble de ces postes. Sous cette condition, on peut négliger cette dépense au profit des individus, puisque la normalisation des variables employée dans l'IDH neutralise l'addition d'un montant uniforme. En revanche, négliger le patrimoine est certainement moins justifiable. C'est néanmoins ce que fait l'IDH usuel. Dans le cadre de cette étude qui cherche simplement à transposer cet IDH au niveau microéconomique, on ignorera donc la contribution de la richesse accumulée et on retiendra donc, dans ce qui suit, le revenu disponible après transferts, tel qu'il est mesuré dans les enquêtes auprès des ménages. Ce revenu est déflaté par le nombre d'unité de consommation du ménage de façon à obtenir le niveau de vie de chacun des individus qui le composent. 3.1.2 L'indicateur d'éducation

L'IDH définit, on l'a vu, un indicateur d'éducation composé pour 2/3 du taux d'alphabétisation des adultes, pour 1/3 de la durée moyenne de scolarisation. Au niveau individuel, la transposition directe de ce type d'indicateurs constitue une information binaire assez pauvre, qui ne fournit que peu de renseignements sur la dispersion des situations. Rappelons en effet que le taux d'alphabétisation est défini comme « le pourcentage de personnes de 15 ans et plus qui peuvent, en le comprenant, lire et écrire un texte simple et court sur la vie quotidienne » (PNUD, 2002, p. 262). Appliquée à un pays développé, cette définition n'est pas très exigeante : seule une très faible fraction de la population en France ne passe pas ce test (2,5% de l'ensemble de la population, 0,8% des individus nés en France) peuvent être considérés comme analphabètes en ce sens28 (score nul à l'enquête IVQ29, voir plus bas). Peut-on pour autant en conclure que la question de l'éducation est réglée ? Et que tous les autres individus, alphabétisés (en ce sens), sont uniformément détenteurs de tous les moyens requis pour exercer tous leurs droits et remplir tous leurs devoirs ? Et qu'ils ne sont pas susceptibles de se heurter à des difficultés d'intégration économique, sociale ou politique génératrices de mal-être ? Par ailleurs, on peut douter qu'un simple indicateur binaire (alphabétisé ou non) soit à même de rendre compte des disparités, plus graduelles, du degré de maîtrise des compétences fondamentales. Il n'est donc pas possible d'utiliser, pour l'éducation, la transposition directe de l'indicateur employé par l'IDH macroéconomique. Le nombre d'années passé dans le système scolaire peut paraître un meilleur indicateur. En réalité il ne mesure probablement pas ce qui est réellement en jeu. Ce qui est importe, du moins dans le cadre théorique qui fonde l'IDH (cf. I - 1) c'est la maîtrise des savoirs qui constituent les capacités fondamentales, c'est-à-dire les conditions premières du choix de vie. De ce point de vue, entre un individu sorti du système scolaire à 16 ans incapable de lire un texte simple et un bachelier la différence est incomparablement plus grande qu'entre le titulaire d'une maîtrise et un doctorant. Le nombre d'année d'études ne traduit pas cet écart. Se référer au diplôme le plus élevé obtenu par l'individu est sans doute plus satisfaisant ; il convient alors de projeter la variété des diplômes sur une même échelle quantitative, ce qui pose un problème que le recours à une équation de salaire résout mal (il revient en effet à mesurer la ressource intellectuelle par l'indicateur de ressources monétaires). Par ailleurs, en classant tous les sans-diplômes dans une même catégorie, cette méthode

28 En France, la terminologie employée pour désigner les personnes en difficulté face à l’écrit distingue différents cas, selon la cause de ces difficultés. Ainsi, le terme d’ « analphabète » est normalement réservé aux personnes qui n’ont jamais été scolarisées. Les personnes ne maîtrisant pas le français et par conséquent la lecture en français, sont regroupées sous l’appellation de FLE (Français langue étrangère). Enfin, les « illettrés » sont les personnes scolarisées en français qui se trouvent en difficulté importante face à l’écrit. 29 Il est rare que l’on se contente, comme ici, d’un résultat non nul aux exercices. Généralement, on exige un nombre minimal de bonnes réponses. Ainsi, dans le cas de l’enquête IVQ, les personnes illettrées sont celles, scolarisées en France, qui ont obtenu moins de 60 % de réussite à l’un des trois exercices simples qui étaient proposés. Elles représentent 9 % des personnes de 18-65 ans scolarisées en France. La définition de ce seuil est évidemment délicate : elle fait intervenir des décisions psychométriques (adaptation du seuil à la difficulté de l’épreuve) et politiques (dans notre société, quel est le minimum nécessaire ?).

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Insee Méthodes 126

mélange des individus de niveaux réels très différents (la signification du diplôme ou de son absence dépendant de la génération à laquelle l'individu appartient). 3.1.3 L'indicateur de santé

L'espérance de vie à la naissance a certainement un sens au niveau macro : il résume les différentes probabilités de décès à l'instant t. Au niveau microéconomique (i.e. pour un individu donné) sa signification est en revanche beaucoup moins claire. En effet,

- soit on transpose cet indicateur directement en considérant l'espérance de vie à la naissance de l'individu. On se réfère alors à un état antérieur de la société, éventuellement lointain si l'individu est vieux (ou même à l'état d'une autre société si l'individu est immigré)

- soit on retient l'espérance de la durée de vie restante. Dans ce cas, cet indicateur est d'abord déterminé par l'âge et le sexe de l'individu, de sorte que sa distribution reflète avant tout la pyramide des âges par sexe. L'information obtenue ici est donc d'un intérêt limité.

On peut certes envisager de raisonner par strate d'âge, en normalisant cet indicateur à l'intérieur de chaque strate :

Jαi = (Ei - mα)/( Mα - mα )

où Ei désigne l'espérance de vie de l'individu i et Mα (resp. mα) désigne le maximum (resp. le minimum) de {Ei : i ∈ strate d'âge α}. On dira alors qu'on normalise conditionnellement à l'âge. Néanmoins l'hétérogénéité entre individus reste mal appréhendée : compte tenu de l'information disponible seuls les écarts de mortalité entre sexe et entre CS (à un chiffre seulement) peuvent être pris en compte. Les effets, sur la mortalité, de caractéristiques plus fines ou bien les différences dans la qualité de l'existence (ce qu'essaie de saisir la notion « d'espérance de vie sans incapacité ») sont ignorés. 3.1.4 Résultats empiriques

L'IDH « naïf » ainsi défini et obtenu par transposition mécanique des indicateurs élémentaires au niveau individuel se compose donc : - du niveau de vie (en log), qui remplace le (log du) PIB, - du nombre d'années d'études, qui remplace la moyenne des taux d'alphabétisation et de scolarisation, - de l'espérance de vie à l'âge de l'individu, qui remplace l'espérance de vie à la naissance. A titre purement illustratif, on calcule cet IDH « naïf » dans les enquêtes Budget de famille 1979, 1984, 1989 et 1995 de façon à suivre son évolution (tableau 1). L'espérance de vie est imputée à chaque individu (de plus de 30 ans) à partir des travaux de [Robert-Bobée, Monteil, 2005]. Elle tient compte non seulement de l'âge, mais aussi du sexe et de la catégorie socioprofessionnelle (CS à 1 chiffre). En raison de la disponibilité des données des enquêtes les plus anciennes, ces calculs ne sont menés que pour la personne de référence du ménage et son conjoint éventuel. Les indicateurs sont normalisés selon la procédure standard de l'IDH ; l'indicateur de santé (c'est à dire l'espérance de ce qui reste à vivre) est normalisé conditionnellement à l'âge (cf. II - 1 - c). Comme le montre les tableaux rassemblés en annexe 1, la prise en compte ou non de la mortalité différentielle par CS n'a qu'une incidence réduite sur les résultats. On pourrait considérer, par ailleurs qu'il convient de normaliser l'indicateur d'espérance de vie conditionnellement au sexe, compte tenu de l'écart important de longévité entre hommes et femmes. On peut discuter de la légitimité de cette option, mais de toutes façons, là encore l'effet sur le niveau global de l'IDH global est négligeable (en revanche, et comme on peut s'y attendre, il annule la disparité homme-femme).

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Tableau 1 : L'IDH « naïf », avec mortalité différentielle par CS INDICATEURS 1979 1984 1989 1995

années d'étude 0,22 0,20 0,21 0,29(*) (log) niveau de vie 0,46 0,49 0,51 0,47

espérance vie 0,61 0,61 0,66 0,68

IDH

Moyenne

0,43 0,43 0,46 0,48

années d'étude 0,32 0,28 0,27 0,30 (*)

(log) niveau de vie 0,24 0,23 0,25 0,23

espérance vie 0,29 0,27 0,30 0,30

IDH

Ecart-type

0,19 0,18 0,19 0,20

années d'étude 0,70 0,67 0,65 0,56 (*)

(log) niveau de vie 0,30 0,27 0,28 0,28

espérance vie 0,27 0,25 0,25 0,24

IDH

Gini

0,25 0,23 0,23 0,23 Source : Enquêtes Budget de famille 1979-1984-1989-1995, Insee Champ : personne de référence du ménage et son conjoint éventuel Note : (*) sur l'indicateur d'éducation en 1995, voir le texte L'IDH s'accroît entre 1979 et 1995 et sa distribution devient plus égalitaire. Il convient cependant d'être très prudent compte tenu d'une part des restrictions sur le champ, d'autre part de modifications des modalités de collecte (qui pourraient expliquer le saut important constaté dans les années d'études en 1995). A la différence de l'IDH macro dont la forte corrélation avec le PIB (supérieure à 0,8) conduit certains critiques à récuser l'intérêt de la notion, l'IDH micro présente une corrélation importante mais sensiblement moins élevée avec le niveau de vie (tableau 2) : c'est la conséquence des corrélations relativement faibles des autres dimensions (études et vie) avec le revenu. L'IDH micro paraît donc, davantage que dans le cadre macroéconomique, résumer une information qui excède celle portée par le seul revenu. Tableau 2 : IDH « naïf » - Corrélations entre les indicateurs élémentaires et avec l'IDH Indicateurs années

d'étude Niveau de

de vie (log) espérance

de vie IDH

années d'étude 1 0,38 0,15 0,75 (log) niveau de vie 1 0,12 0,68 espérance vie 1 0,64 IDH 1

Source et champ : cf. tableau 1 Pour les mêmes raisons, l'IDH micro « naïf » fournit un éclairage intéressant (non réduit au simple niveau de vie) sur les positions relatives des groupes socio-démographiques. Ainsi il met en évidence, dans le cas des catégories sociales, le cumul des avantages ou des handicaps sur les trois dimensions (tableau 3). Mais ces résultats illustrent aussi les réserves formulées à propos des indicateurs composant l'IDH « naïf » : retenir les années d'étude pour la dimension éducation aboutit non seulement à un écart élevé entre les agriculteurs ou les ouvriers d'une part, les cadres-professions libérales et les professions intermédiaires d'autre part. Est-ce bien ce pur effet diplôme qui est pertinent dans le cas présent ? Ce qui reviendrait en pratique à poser que, en deçà de bac+3 au minimum, on est dépourvu des « capacités » fondamentales. De même faut-il déduire de l'écart de 14 points entre hommes et femmes, dû exclusivement à la différence de longévité, que la félicité féminine est significativement supérieure ? Au niveau microéconomique, ces indicateurs ne s'imposent plus avec la même évidence comme mesure de bien être.

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Insee Méthodes 128

Tableau 3 : IDH « naïf » - moyenne par critères socio-démographiques

années d'étude (log) niveau de vie

espérance de vie IDH

Homme 0,25 0,49 0,39 0,38

Femme 0,21 0,48 0,87 0,52

Agriculteurs 0,07 0,32 0,61 0,33

Artisans, commerçants 0,19 0,46 0,65 0,43

Cadres sup., profs libérales 0,71 0,71 0,75 0,72

Profs intermédiaires 0,44 0,63 0,67 0,58

Employés 0,20 0,51 0,75 0,49

Ouvriers 0,10 0,42 0,38 0,30

Inactifs 0,14 0,40 0,80 0,45 30-39 ans 0,35 0,49 0,65 0,50 40-49 ans 0,28 0,50 0,69 0,49

50-59 ans 0,18 0,52 0,66 0,45

60-69 ans 0,13 0,48 0,61 0,41

70-79 ans 0,11 0,43 0,57 0,37

80-89 ans 0,10 0,40 0,57 0,36 Source et champ : cf. tableau 1 Remarque : on observera que malgré la normalisation conditionnelle à l'âge, l'IDH décroît avec l'âge. C'est, en fait, une conséquence de la méthode de normalisation des indicateurs. Dans les tranches d'âge élevé, en effet, la distribution des composantes (durée des études notamment) est plus asymétrique : le maximum est relativement plus loin de la masse de la distribution que chez les plus jeunes, ce qui abaisse mécaniquement l'indicateur normalisé.

3.2 La construction d'un IDH adapté au cadre microéconomique

Le passage au niveau microéconomique suggère donc, pour chacune des dimensions composant l'IDH, un changement d'indicateur. Comme indiqué au II - 1 - a., on retient le revenu (disponible après transferts) par unité de consommation. La volonté de travailler à partir de stock de santé et de connaissances conduit à privilégier d’autres mesures que le nombre d’années d’études et l’espérance de vie. 3.2.1 L'éducation

Comme le suggèrent les remarques formulées au II - 1- b., un bon indicateur dans la dimension éducation devrait constituer une échelle numérique des diplômes, obtenue de façon indépendante du revenu et qui pondère davantage les différences dans les compétences de base que les écarts de formation supérieure ; il faut ainsi évaluer directement les compétences de base (littérisme, numératie) dont, dans l'esprit de l'IDH, la maîtrise est indispensable pour donner une réelle signification à l'idée de choix de vie. Les enquêtes Information et vie quotidienne (IVQ), réalisées en 2002 et en 2004, ont été élaborées pour mesurer ce niveau de compétence30. Elles produisent, pour chaque individu de l'échantillon enquêté un score, entre 0 et 39, qui reflète les résultats obtenus à une batterie d'exercices de difficulté variable en lecture et calcul.

30 Plus précisément, l’enquête IVQ comporte en lecture trois types de scores. Dans un premier temps, on propose une épreuve d’orientation, à l’ensemble de la population : c’est une épreuve assez simple qui permet de faire un premier partage entre les personnes en difficulté face à l’écrit et les autres. Dans un deuxième temps, une épreuve spécifique est proposée aux personnes en difficulté dans les domaines fondamentaux de l’écrit (deuxième type de scores) ; une autre aux personnes n’ayant pas de difficulté dans ces domaines (troisième type de scores). Ce sont les résultats à l’exercice de compréhension de texte dans l’épreuve d’orientation qui ont été utilisés : disponibles sur l’ensemble de la population, mesurant des compétences assez élémentaires, ils répondent bien à l’objectif visé. En calcul, la situation est plus simple car l’épreuve, plus courte, ne fournit qu’un seul score. C’est la somme de ces deux scores qui constitue l’indicateur global. Les

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Graphique 1 : Distribution (lissée) du score IVQ

0%

1%

2%

3%

4%

5%

6%

0 5 10 15 20 25 30 35 40

score IVQ

Source : Enquête Information et vie quotidienne 2004, Insee Champ : individus de 30 à 60 ans (France métropolitaine). 3.2.2 La santé

Les indicateurs de santé sont de trois formes : dichotomique (mortalité ou indicatrice de bonne ou mauvaise santé), ordinal (état de santé perçue, niveau d’invalidité) ou cardinal (Health Utility Index ou HUI, SF36, Euroquol 5D). L’avantage des derniers est de permettre de comparer l’état de santé de deux personnes et de quantifier l’écart entre les deux. Ainsi, le SF-36 s’appuie sur un auto-questionnaire de 36 questions de type généraliste qui correspond à la définition de la santé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité31 ». Cette définition fait souvent écho à la notion de qualité de vie. Le SF-36 est in fine un instrument bidimensionnel : il permet de calculer un « score résumé physique » et un « score résumé mental » à partir des huit axes explorés initialement (activité physique ; limitations dues à l'état physique ; douleurs physiques ; santé perçue ; vitalité ; vie et relation avec les autres ; limitations dues à l'état psychique ; santé psychique). L’enquête santé 2002-2003 mesure ce SF-36 et permet de calculer les scores « physique » et « mental »32. On peut alors normaliser ces deux scores suivant la même procédure que précédemment, et en faire la moyenne pour obtenir un unique indicateur de santé pour chaque individu.

résultats peuvent être sensibles à l’épreuve utilisée. En effet, la dispersion des résultats dépend de la qualité de l’épreuve (une « bonne » évaluation est une évaluation qui distingue bien les meilleurs des moins bons) et de sa difficulté (une épreuve facile permettra de distinguer parmi les personnes en difficulté celles qui ont de très mauvais résultats de celles qui n’ont que des difficultés partielles ; en revanche, elle regroupera en haut de la distribution des scores un nombre important de personnes aux niveaux de compétence très différents). 31 Cet extrait est tiré du préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé (Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946). 32 Ces deux scores sont très peu corrélés : 0,08.

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Insee Méthodes 130

Graphique 2 : Distribution (lissée) du SF-36 (physique et mental)

0%

1%

2%

3%

4%

5%

6%

10 20 30 40 50 60 70

ESF 36

Etat physique

Etat mental

Source : Enquête Santé 2003, Insee Champ : individus de 30 à 90 ans (France métropolitaine). 3.2.3 Quelle source choisir ?

L'indicateur adopté sera donc composé : - pour la dimension monétaire, sur le niveau de vie (mesuré comme indiqué plus haut) - pour la dimension Education, sur le score IVQ, - pour la dimension Santé, sur l’indicateur déduit des scores « physique » et « mental » obtenu à partir du questionnaire SF-36. Ces trois composantes déterminent (après normalisation) un IDH microéconomique qu'on dira « adapté ». Le revenu est généralement disponible dans les enquêtes ménages, au moins sous forme de tranches qu'il est possible de « lisser » par les résidus simulés. En revanche, il n'existe pas d'enquêtes mesurant simultanément l'état de santé et le niveau de littérisme et de numératie. Poursuivre l'approche micro impose donc de recourir à des « proxys » de ces variables. Une analyse plus précise du score IVQ d'une part, du score de santé de l'autre, montre qu'il est beaucoup plus satisfaisant d'imputer le 1er à partir d'informations usuelles comme le diplôme que de calculer le second (voir annexe 2). On est donc conduit à sélectionner l'enquête Santé (2003) et à imputer aux individus de l'échantillon un score IVQ. L'imputation du score IVQ peut s'effectuer par régression ou par hot deck avec des résultats analogues ; on a retenu ici une méthode de hot deck à partir du croisement des variables sexe, age (décennal), plus haut diplôme (9 positions). Il a été imputé à tous les plus de 30 ans33 (les 60 ans et plus sont rassemblés dans une unique classe d'âge).

33 Se restreindre aux moins de 65 ans (les seuls pour lesquels le score IVQ est mesuré dans l'enquête IVQ 2004) ne change les résultats qu'à la deuxième décimale.

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4 Résultats

Comparé à l'IDH « naïf », l'IDH « adapté » est plus élevé en niveau et moins inégalement réparti : les scores de santé et IVQ sont en effet moins concentrés que la durée d'études et l'espérance de vie (tableau 4). Tableau 4 : L'IDH microéconomique dans ses deux versions (« naïf » et « adapté »)*

Variable Moyenne 5% 10% 25% 50% 75% 90% 95% D9/D1 Q3/Q1 Gini

Niveau de vie (log) 0,48 0,30 0,34 0,40 0,48 0,55 0,62 0,68 1,84 1,37 0,13Nombre d'années d'études 0,32 0 0 0,06 0,29 0,57 0,73 1 nd 9,40 0,53Espérance de vie restante 0,57 0 0 0,32 0,68 0,85 0,91 0,95 nd 2,64 0,32

Score IVQ (simulé) 0,63 0,30 0,38 0,54 0,65 0,77 0,85 0,90 2,20 1,43 0,16

Score santé 0,63 0,34 0,41 0,55 0,67 0,74 0,79 0,82 1,92 1,36 0,13

dont santé physique 0,64 0,24 0,34 0,53 0,69 0,78 0,85 0,88 2,52 1,49 0,17

dont santé mentale 0,63 0,25 0,35 0,53 0,67 0,76 0,84 0,88 2,40 1,45 0,17

IDH « naïf » 0,46 0,16 0,21 0,33 0,44 0,57 0,72 0,77 3,37 1,72 0,23

IDH « adapté » 0,58 0,40 0,44 0,52 0,59 0,65 0,71 0,74 1,59 1,26 0,10Source : Enquête Santé 2003, Insee. Champ : ensemble des individus de 30 à 90 ans. Note : (*) = les indicateurs sont normalisés. La normalisation est conditionnelle à l'âge pour les indicateurs de santé/espérance de vie (l'espérance de vie tient compte de la mortalité différentielle par CS). Mais c'est la comparaison des deux IDH suivant quelques critères socio-démographiques qui fournit les résultats les plus frappants (tableau 5). Contrairement à l'IDH « naïf » qui concluait à une situation très nettement favorable pour les femmes (cf. tableau 3), l'IDH adapté leur attribue un niveau légèrement plus faible : à la différence de l'espérance de vie, le score de santé des hommes est en effet supérieur à celui des femmes. L'usage du score IVQ à la place de la durée d'études gomme l'avantage considérable des catégories ayant fait des études longues sur les agriculteurs ou les ouvriers. Mesuré par la maîtrise des compétences fondamentales, l'écart se resserre. Il en va de même pour le score de santé qui, à la différence de l'espérance de vie, ne fait pas apparaître d'écart notable entre les ouvriers et les autres catégories. Il faut noter que la comparaison est menée sur le champ des 30-60 ans, pour lequel l'imputation du score IVQ est la plus légitime (rappelons que le score IVQ n'est mesuré, dans l'enquête IVQ que sur les moins de 65 ans et que l'espérance de vie, différenciée par CS n'est disponible que pour les plus de 30 ans). Mais comme le montre les résultats des tableaux 3 et 4 (cf. aussi annexe 3), l'impact de ces variations de champ est négligeable.

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Insee Méthodes 132

Tableau 5 : IDH « naïf » et « adapté » ; une comparaison sur les 30-60 ans

Niveau de vie (log)

Nbre annéeétudes

Score IVQ(simulé)

Espé- rance de vie

Score SF

IDH naïf

IDH adapté

Homme 0,49 0,36 0,66 0,28 0,67 0,38 0,61

Femme 0,48 0,35 0,63 0,86 0,63 0,56 0,58

Agriculteurs 0,40 0,20 0,60 0,55 0,63 0,39 0,55

Artisans, commerçants 0,49 0,31 0,65 0,53 0,66 0,44 0,60 Cadres sup., profs libérales 0,60 0,79 0,77 0,72 0,69 0,70 0,69

Profs intermédiaires 0,52 0,49 0,70 0,64 0,66 0,55 0,63

Employés 0,46 0,27 0,61 0,73 0,64 0,48 0,57

Ouvriers 0,44 0,18 0,59 0,28 0,63 0,30 0,55

Inactifs 0,40 0,17 0,54 0,72 0,58 0,43 0,50

30-39 ans 0,47 0,46 0,68 0,59 0,67 0,51 0,61

40-49 ans 0,47 0,37 0,65 0,58 0,65 0,47 0,59

50-59 ans 0,51 0,32 0,63 0,59 0,63 0,47 0,59

Ensemble 0,48 0,36 0,65 0,58 0,65 0,47 0,59 Source : Enquête Santé 2003, Insee. Champ : ensemble des individus de 30 à 60 ans. Note : voir tableau précédent Une autre façon de souligner les écarts entre les IDH « naïf » et « adapté » est de calculer l'impact marginal de chaque dimension (tableau 6). L'IDH « naïf » conclut à un impact élevé des avantages en matière de durée d'études et de revenu. Il pénalise fortement les hommes et, à sexe donné, il suggère (de façon assez contre-intuitive) un effet négatif de la durée de vie. On pourra trouver plus plausibles les résultats obtenus sur l'IDH « adapté ». Tableau 6 : L'impact sur l'IDH des variations selon chaque dimension et le sexe.

Combien de points d'IDH rapporte : cas IDH naïf

cas IDH adapté

une année d'études en plus 5 1,5

être plus jeune d'un an -0,1 0,06

1000 euros de niveau de vie en plus 11 3

le fait d'être un homme -14 2 Source : Enquête Santé 2003, Insee. Champ : ensemble des individus de 30 à 60 ans.

5 Conclusion

Comme le remarque Amartya Sen, l’aspect sommaire de l’IDH n’avait pas échappé à son auteur. « Mais après quelques hésitations initiales, Mahbub s'est persuadé que la prédominance du PNB (un indicateur trop utilisé et trop mis en avant, qu'il voulait remplacer) ne serait pas remise en cause par une série de tableaux. Selon lui, les lecteurs les considéreraient avec respect, mais quand ils voudraient utiliser une mesure synthétique du développement, ils retourneraient au PNB en raison de sa simplicité et de sa commodité » » (contribution spéciale au Rapport mondial sur le développement humain 1999). On a créé l'IDH pour qu'il soit attractif et il doit à sa simplicité une large part de son succès.

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133

L’objectif de cette étude n’est pas de trancher le débat de l’utilité des indicateurs synthétiques mais de mettre en évidence les adaptations à apporter à l'IDH pour définir un indicateur synthétique au niveau microéconomique ; on montre en effet qu'une transposition mécanique (ou « naïve ») de l’IDH usuel au niveau microéconomique n'est pas recevable, les indices élémentaires composant l'IDH usuel perdant au niveau individuel leur pertinence. On revient aux concepts de « capacité » de Sen et, plus généralement, à l'inspiration initiale qui a suscité l'IDH pour proposer un IDH microéconomique construit à partir d'indicateurs élémentaires adaptés à une approche individuelle. L'approche retenue n'est sans doute pas la seule ; elle a le mérite de la faisabilité, la construction d'un IDH individuel étant, d'un point de vue informationnel, plus exigeante que son homologue macroéconomique.

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Insee Méthodes 134

Bibliographie

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135

ANNEXE 1 : trois variantes pour le calcul de l'IDH « naïf »

Tableau 1a : L'IDH « naïf », sans mortalité différentielle par CS INDICATEURS 1979 1984 1989 1995

années d'étude 0,22 0,20 0,21 0,29(*) (log) niveau de vie 0,46 0,49 0,51 0,47 espérance vie 0,52 0,53 0,53 0,53 IDH

Moyenne

0,40 0,41 0,42 0,43 années d'étude 0,32 0,28 0,27 0,30 (log) niveau de vie 0,24 0,23 0,25 0,23 espérance vie 0,50 0,50 0,50 0,50 IDH

Ecart-type

0,22 0,21 0,21 0,22 années d'étude 0,70 0,67 0,65 0,56 (log) niveau de vie 0,30 0,27 0,28 0,28 espérance vie 0,48 0,47 0,47 0,47 IDH

Gini

0,31 0,30 0,29 0,29 Source : Enquêtes Budget de famille 1979-1984-1989-1995, Insee (idem pour tableau 1b et 1c) Champ : personne de référence du ménage et son conjoint éventuel (idem pour tableau 1b et 1c) Note : (*) sur l'indicateur d'éducation en 1995, voir le texte Tableau 1b : L'IDH « naïf », avec mortalité différentielle par CS

INDICATEURS 1979 1984 1989 1995 années d'étude 0,22 0,20 0,21 0,29(*) (log) niveau de vie 0,46 0,49 0,51 0,47

espérance vie 0,61 0,61 0,66 0,68

IDH

Moyenne

0,43 0,43 0,46 0,48

années d'étude 0,32 0,28 0,27 0,30 (*)

(log) niveau de vie 0,24 0,23 0,25 0,23

espérance vie 0,29 0,27 0,30 0,30

IDH

Ecart-type

0,19 0,18 0,19 0,20

années d'étude 0,70 0,67 0,65 0,56 (*)

(log) niveau de vie 0,30 0,27 0,28 0,28

espérance vie 0,27 0,25 0,25 0,24

IDH

Gini

0,25 0,23 0,23 0,23 Tableau 1c : cf. tableau 1b + normalisation de l'espérance de vie par sexe

INDICATEURS 1979 1984 1989 1995 années d'étude 0,22 0,20 0,21 0,29 (log) niveau de vie 0,46 0,49 0,51 0,47 espérance vie 0,43 0,45 0,51 0,55 IDH

Moyenne

0,37 0,38 0,41 0,44 années d'étude 0,32 0,28 0,27 0,30 (log) niveau de vie 0,24 0,23 0,25 0,23 espérance vie 0,34 0,32 0,31 0,31 IDH

Ecart-type

0,22 0,21 0,21 0,22 années d'étude 0,70 0,67 0,65 0,56 (log) niveau de vie 0,30 0,27 0,28 0,28 espérance vie 0,44 0,40 0,34 0,31 IDH

Gini

0,34 0,31 0,29 0,28

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Insee Méthodes 136

ANNEXE 2 : détermination de « proxys » pour l'état de santé, le littérisme et la numératie

Le SF-36 et le score IVQ ne sont disponibles que dans l'enquête Santé d'une part, l'enquête IVQ de l'autre. On ne dispose pas de source qui les collecte simultanément. Il convient donc de déterminer un moyen de les reconstituer à partir des informations disponibles dans les enquêtes auprès des ménages ou individus. Approximation du SF-36

La détermination d'un score SF-36 implique un questionnement assez lourd. De nombreux travaux ont exploré la possibilité d'élaborer un « proxy » de ce score à partir d'un questionnement beaucoup plus léger. Ils concluent généralement à la faible qualité d'approximation fondée sur les seules variables socio-démographiques. En revanche, les résultats sont bien plus satisfaisants avec les mesures ordinales de l’état de santé, la plus classique étant l’état de santé perçue. Il s'agit certes d'une mesure subjective, mais elle est fortement corrélée avec des mesures objectives (mortalité ou morbidité diagnostiquée) [Idler et Benyamini, 1997] et elle constitue un indicateur synthétique pertinent de l’état de santé (De Salvo et al., 2005 ; Miilunpalo et al., 1997). Aussi de nombreuses recherches portent sur la transformation de cette mesure ordinale en mesure cardinale. Elles s’appuient sur le postulat suivant : la variable dont on observe la distribution par classe reflète une variable latente continue qui décrit l’état de santé de la population (Wagstaff et Van Doorslaer, 1994). Sous cette hypothèse, en s’appuyant sur une distribution de santé connue par ailleurs ou arbitraire, il est possible à partir de différentes méthodes de régression - probit ordonné ou régression par intervalles - d’obtenir une mesure continue de la santé. Cette méthode semble donner des résultats satisfaisants (Van Doorslaer et Jones, 2003). La question de santé perçue n'est cependant pas systématiquement posée dans les enquêtes-ménages et, en particulier, pas dans l'enquête IVQ. Approximation du score IVQ

Avec le score IVQ la situation apparaît plus favorable : - d'une part le score d'un individu apparaît relativement bien expliqué (R2= 0,39) par l'âge, et le diplôme obtenu le plus élevé. - une méthode d'imputation de type hot deck à partir de l'âge et du diplôme permet de reproduire de façon assez satisfaisante les caractéristiques de la distribution du vrai score, avec néanmoins des différences plus sensibles aux extrémités, et une corrélation avec le niveau de vie (voir ci-après) plus faible pour le score simulé (voir graphique 2a et tableau 2a).

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Tableau 2a : comparaison des distributions du score et du score simulé (normalisés) score score simulé

moyenne 0,62 0,64 moments écart-type 0,21 0,23 1% 0 0 5% 0,24 0,20 10% 0,34 0,35 25% 0,51 0,51 50% 0,66 0,65 75% 0,81 0,80 90% 0,90 0,95 95% 0,90 0,95

Centiles de la distribution

99% 0,95 1 avec le niveau de vie 0,34 0,21 Corrélations entre score et score simulé 0,39

Concentration Gini 0,19 0,20 Source : enquête IVQ 2004, INSEE. Note : (*) après normalisation Graphique 2a : distribution du score (*) et du score simulé (*)

0,00

0,20

0,40

0,60

0,80

1,00

1,20

1,40

1,60

1,80

2,00

0,00 0,10 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70 0,80 0,90 1,00

score

score simulé

Source : enquête IVQ 2004, INSEE. Note : (*) après normalisation

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Insee Méthodes 138

ANNEXE 3 : L'IDH « adapté », résultats complémentaires

Tableau 3a : L'IDH micro « adapté »' selon divers critères (indicateurs normalisés*)

Niveau de vie (log)

Score IVQ (simulé)

Score de santé IDH

Homme 0,49 0,66 0,65 0,60 Femme 0,47 0,61 0,62 0,57 Agriculteurs 0,40 0,58 0,60 0,52 Artisans, commerçants 0,48 0,63 0,64 0,58 Cadres sup., profs libérales 0,60 0,76 0,69 0,68 Profs intermédiaires 0,52 0,69 0,65 0,62 Employés 0,46 0,60 0,62 0,56 Ouvriers 0,44 0,58 0,62 0,55 Inactifs 0,42 0,53 0,58 0,51 30-39 ans 0,47 0,68 0,67 0,61 40-49 ans 0,47 0,65 0,65 0,59 50-59 ans 0,51 0,63 0,63 0,59 60-69 ans 0,48 0,59 0,62 0,56 70-79 ans 0,46 0,58 0,57 0,54 80-89 ans 0,46 0,57 0,55 0,53 Ensemble 0,48 0,63 0,63 0,58

Source : Enquête Santé 2003, Insee. Champ : individu de 30 à 90 ans Notes : 1 - les retraités ont été reclassés dans leur ancienne profession.

2 - normalisation conditionnelle à l'âge pour l'indicateur de santé Tableau 3b : Effets de diverses caractéristiques sur le score IDH « adapté » (x100)

Coefficients Ecart-type Constante 65 0,5 Femme -1,8 0,1 Age -0,17 0,006 Artisans, commerçants, patrons 4,6 0,4 Cadres supérieurs, professions libérales 12,8 0,4 Professions intermédiaires 7,4 0,4 Employés 2,6 0,4 Ouvriers -0,4 0,4 Inactifs -0,8 0,6 couples sans enfant 1,3 0,2 couples un enfant 0,3 0,2 couples deux enfants -0,4 0,2 couples trois enfants et plus -2 0,2 familles monoparentales -3 0,3 autres -1,7 0,4

R2 0,29 σ 8

Source : Enquête Santé 2003, Insee. Champ : individu de 30 à 90 ans

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LES TRAVAUX CONDUITS AU NIVEAU EUROPÉENS SUR LES INDICATEURS SOCIAUX DE PAUVRETÉ

Laurent CAUSSAT, Michèle LELIÈVRE, Emmanuelle NAUZE-FICHET DREES, Ministère de l’Emploi, de la Cohésion Sociale et du Logement

Résumé

Le sommet européen de Lisbonne en mars 2000 a donné le départ d’une méthode originale de coopération entre États membres de l’Union européenne dans le domaine de la cohésion sociale. Cette méthode, dite « méthode ouverte de coordination », ne remet pas en cause la compétence exclusive des États dans les domaines de l’inclusion et de la protection sociales, mais entend réaliser une certaine convergence des politiques sociales nationales par la mise en œuvre d’un processus permanent d’échange mutuel d’expériences entre États membres, et d’identification des meilleures pratiques. Dans le domaine de la cohésion sociale, ce processus s’est traduit par la détermination d’objectifs communs que les États membres s’accordent à suivre dans leurs stratégies nationales de lutte contre la pauvreté. A ces objectifs sont associés des indicateurs sensés refléter les progrès accomplis par chaque pays et par l’Union européenne dans son ensemble dans l’atteinte des objectifs communs. Chaque État membre rédige tous les deux ans un « plan national d’action pour l’inclusion sociale », qui couvre l’ensemble des objectifs communs d’inclusion sociale et présente les indicateurs associés, et qui fait l’objet d’un « examen par les pairs ». Enfin, la Commission et le Conseil européens présentent conjointement un rapport de synthèse qui résume les résultats obtenus dans la réalisation des objectifs sociaux de l’Union, dégage les enseignements des politiques mises en œuvre par les États membres, et identifie les enjeux majeurs des politiques d’inclusion sociale pour l’avenir. La présente communication porte exclusivement sur les travaux réalisés en matière d’inclusion sociale dans le cadre de la mise en œuvre de la méthode ouverte de coordination. Elle présente après un rappel du contexte que des travaux européens et nationaux, les travaux accomplis par le sous-groupe « Indicateurs » du Comité de la protection sociale jusqu’à la sélection des 21 indicateurs aujourd’hui adoptés (2). Elle évoque ensuite certains sujets encore en discussion entre États membres (3). Enfin, elle tente une analyse de l’impact de ces travaux sur la réalisation des plans nationaux d’action pour l’inclusion sociale réalisés tous les deux ans par la France (4).

1 Contexte des travaux européens et nationaux sur les indicateurs

Sans refaire l’histoire de l’Europe sociale34, il est permis d’affirmer que le Conseil européen de Lisbonne en mars 2000 en est une étape essentielle. C’est en effet à cette occasion que l’agenda social européen a connu un nouvel essor, et qu’en particulier ont été définis les fondements d’une coopération dans le domaine social au sein de l’Union européenne, dans le respect de la compétence exclusive des Etats dans ce domaine. Plusieurs facteurs ont concouru à cette initiative : une conjonction politique favorable, qui s’est traduite par l’adoption d’un objectif stratégique communautaire de long terme précis et ambitieux pour l’Europe (« devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale »), la détermination d’un calendrier pour sa mise en œuvre, et enfin l’élaboration d’une méthode de travail spécifiquement conçue pour atteindre cet objectif. La « méthode ouverte de coordination » (MOC) constitue cette procédure originale de coopération européenne adaptée au domaine de la cohésion sociale

34 Cf. par exemple : Odile Quintin et Brigitte Favarel-Dapas, L’Europe Sociale, éd. La Documentation française, Paris, 1999.

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Insee Méthodes 140

et qui s’inspire directement du processus de Luxembourg associé à la stratégie européenne pour l’emploi (Caillot, Lelièvre et Pétour, 200235). Un travail important a été entrepris dans ce cadre au cours des cinq dernières années pour déterminer les indicateurs destinés à illustrer les progrès dans la réalisation des objectifs. Un premier groupe de 18 indicateurs a été adopté par les chefs d’État et de gouvernement lors du sommet de Laeken en décembre 2001, auquel se sont ajoutés deux indicateurs supplémentaires adoptés depuis lors. Les premiers indicateurs – taux de pauvreté, taux de chômage, jeunes sortis prématurément du système scolaire… - ont été sélectionnés dans le cadre d’un large accord compte tenu du caractère fortement consensuel du thème de l’inclusion sociale. Cependant, l’adoption des derniers indicateurs a donné lieu à des débats plus serrés : c’est le cas en particulier de l’indicateur sur la proportion de travailleurs pauvres, qui a rencontré les réticences des pays qui souhaitent mettre davantage l’accent sur l’insuffisance du volume de travail offert par les ménages pauvres que sur la situation particulière des individus qui travaillent régulièrement sans disposer de ressources supérieures au seuil de pauvreté. D’autres indicateurs, tels que la distribution de l’état de santé auto-perçu selon le statut social ou le taux de pauvreté persistante, bien qu’adoptés sans difficultés, se sont en réalité révélés inopérants en raison des difficultés des systèmes statistiques à en proposer des mesures adéquates. Les travaux en cours dans le domaine des indicateurs sociaux européens portent sur des indicateurs de privation matérielle, et sur la situation particulière des enfants au regard de la pauvreté. Peut-on apprécier l’impact de ce processus européen de coopération dans le domaine de la cohésion sociale sur la politique française de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ? Il faut reconnaître, d’une part, que la France avait d’elle-même, dès avant le sommet de Lisbonne, une dynamique de réformes continues des dispositifs permettant le soutien du revenu des ménages en difficulté, et l’accès à l’emploi, au logement et à la santé de ces populations : la loi de lutte contre les exclusions, adoptée en 1998, a ainsi été évaluée et complétée à plusieurs reprises. Par ailleurs, la politique d’inclusion sociale de la France se traduit plutôt par une diversité de politiques sectorielles – emploi, formation, logement, santé, culture… - qui n’est pas propice à une mise en forme stratégique autour d’un petit nombre d’objectifs. Telles sont les raisons pour lesquelles il est difficile d’affirmer que les plans nationaux d’action pour l’inclusion sociale successifs ont été à l’origine d’une impulsion spécifique pour les politiques sociales nationales : en particulier, les indicateurs sociaux européens y figurent à côté d’un ensemble bien plus vaste d’indicateurs nationaux, dont beaucoup d’entre eux sont des indicateurs illustrant la mise en œuvre de moyens financiers et humains. Cependant, l’adoption de la nouvelle loi organique sur les lois de finances et la nécessité de présenter l’action publique non seulement comme la mise en œuvre de moyens, mais aussi comme l’atteinte de résultats devant être appréciés à l’aune de grands objectifs sociaux a tendu au cours des dernières années à redonner du crédit à l’ensemble restreint des indicateurs européens. De plus, la délégation aux autorités locales de plusieurs politiques sociales au cours des dernières années – revenu minimum d’insertion, prise en charge des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées – engendre un besoin accru d’évaluation et de coordination au niveau national qui ne pourra que bénéficier de l’expérience européenne dans ce domaine.

2 Les indicateurs d’inclusion sociale adoptés au sein du sous-groupe « Indicateurs » du Comité de la protection sociale

2.1 Les objectifs communs d’inclusion sociale

Sitôt la méthode ouverte de coordination adoptée lors du sommet de Lisbonne au printemps 2000, le Comité de la protection sociale s’est employé à la mettre en œuvre dans le champ de l’inclusion sociale. Six mois plus tard, quinze objectifs communs furent adoptés par le Conseil européen de Nice en décembre 2000, articulés autour de quatre grands thèmes (dont on trouvera une présentation détaillée par sous-objectif en annexe de ce document) :

(1) Faciliter la participation à l’emploi et l’accès de tous aux ressources, aux droits, aux biens et services ; (2) Prévenir les risques d’exclusion ; (3) Aider les personnes les plus vulnérables ; (4) Mobiliser tous les acteurs.

35 Caillot L., Lelièvre M. et Pétour P., 2002, « Les indicateurs de suivi et d’évaluation du plan national d’action contre la pauvreté et l’exclusion sociale » Dossiers Solidarité et Santé, n°2, avril-juin.

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141

A ces quatre objectifs généraux s’ajoute une recommandation générale tendant à examiner de façon spécifique les différences entre les situations faites aux hommes et aux femmes dans tous les domaines touchant à l’inclusion sociale (« gender mainstreaming »).

Encadré 2 : La méthode ouverte de coordination, fondement d’une coopération européenne dans le domaine social

Cette méthode se caractérise par une procédure empruntant assez systématiquement la séquence suivante : - détermination par les États membres d’un ensemble d’objectifs communs dans les grands domaines des

politiques sociales (inclusion sociale, retraites, santé…) ; - sélection d’indicateurs destinés à mesurer les progrès réalisés par chaque État membre et l’Union

européenne dans son ensemble sur la voie de ces objectifs communs ; - élaboration régulière par les États membres de rapports présentant leurs stratégies nationales dans les grands

domaines de la politique sociale, en référence aux objectifs sociaux communs ; - « revue par les pairs » des rapports nationaux (c’est-à-dire examen croisé des rapports de stratégie nationale

par les États membres eux-mêmes) ; - rédaction conjointe par la Commission et le Conseil européens d’un rapport de synthèse, sur la base des

plans nationaux, identifiant les progrès réalisés et les enjeux futurs. Cette méthode cherche donc à exercer une action structurante sur les politiques sociales nationales, en organisant un processus d’acquisition des connaissances et d’échanges des meilleures pratiques entre les Etats membres. La diffusion des expériences nationales, regardées comme les plus novatrices dans un domaine ou un autre, doit permettre de tendre vers une plus grande convergence européenne au regard des principaux objectifs sociaux définis au plan communautaire, et ce dans le respect de la diversité des situations nationales. A cet égard, les indicateurs illustratifs des progrès accomplis en matière de cohésion sociale, que les États membres sont invités à utiliser et à commenter dans leurs rapports nationaux, sont naturellement appelés à jouer un rôle déterminant dans l’analyse des résultats, et par conséquent dans l’identification des pratiques qui méritent d’être adaptées et partagées au plan européen. La méthode ouverte de coordination a été mise en oeuvre selon des modalités propres à chaque domaine suivi dans trois secteurs de la protection sociale : en 2000 pour l'inclusion sociale, en 2001 pour les pensions, en 2004 pour les soins de santé et de longue durée. Le Comité de la protection sociale, instance consultative créée en 2000 et placée auprès du Conseil européen réunissant les États membres de l’Union européenne, a été chargé de mettre en œuvre la méthode ouverte de coordination dans chacun des trois domaines sociaux retenus. Un sous-groupe « Indicateurs » a été constitué au sein du Comité de la protection sociale, composé d’experts des administrations sociales des différents États membres, avec pour mandat la détermination des indicateurs destinés à illustrer les progrès accomplis sur la voie des objectifs sociaux communs..

2.2 La sélection des indicateurs de « Laeken » dans sa version révisée

Le sous-groupe « Indicateurs » du Comité de la protection sociale s’est donc attelé dès le début de l’année 2001 à la sélection des indicateurs illustrant au mieux les progrès réalisés par les États membres et l’Union européenne dans l’atteinte de ces objectifs communs d’inclusion sociale. Pour cela, il a pu bénéficier également d’un rapport rédigé par un groupe d’économistes européens coordonné par le professeur Tony Atkinson36, qui comporte un ensemble de recommandations méthodologiques préalables à la sélection des indicateurs sociaux (cf. Encadré 2).

36 Rapport scientifique intitulé les « Indicateurs d’inclusion sociale dans l’Union européenne », coordonné par Tony Atkinson (recteur du Nuffield Collège d’Oxford), Bea Cantillon et Brian Nollan, 2002.

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Insee Méthodes 142

Encadré 2 - « La charte de la qualité statistique » selon Atkinson et al (2002)37

- un indicateur doit être bien ciblé pour « saisir le cœur du problème » et son interprétation doit être aisée et

acceptée sans réserve ; - un indicateur doit être robuste et fiable et donc satisfaire avec succès une validation statistique ; - un indicateur doit s'adapter aux interventions stratégiques sans être sujet à manipulations ; - un indicateur doit permettre la comparaison entre les États membres et, autant que faire se peut, satisfaire les

normes appliquées au niveau international ; - un indicateur doit pouvoir être actualisé sur la période récente et se prêter à la révision ; - l’élaboration d'un indicateur ne doit pas constituer un fardeau trop lourd pour les États membres, les entreprises

et les citoyens de l'Union européenne ; - le « portefeuille » d'indicateurs retenu doit rester équilibré, c’est à dire traduire le phénomène observé dans

toutes ses dimensions ; - les indicateurs choisis doivent être cohérents entre eux et le poids de chacun d’entre eux dans le « portefeuille »

doit être proportionné ; - le groupe d'indicateurs retenu doit également être transparent et accessible autant que possible aux citoyens de

l'Union européenne. Source : repris de (Caillot, Lelièvre et Pétour, 2002) à partir de (Atkinson and al., 2002). En application de ces recommandations, le sous-groupe « Indicateurs » a retenu les principes généraux suivants pour la sélection des indicateurs :

- identification des indicateurs de résultats plutôt que des indicateurs de moyens ; - rejet d’indicateurs de pauvreté absolue et validation d’un « noyau dur » d'indicateurs construits

autour d'une approche relative de la pauvreté monétaire ; - prise en compte du caractère multidimensionnel de la pauvreté, conduisant à un ensemble large

d’indicateurs capable de rendre compte de toutes les dimensions de la cohésion sociale en Europe, ce qui constitue un enjeux particulièrement important dans le contexte de l’élargissement de l’Union européenne aux dix nouveaux États membres intervenu en 2004 ;

- refus d’un indicateur composite de la pauvreté. Sur la base de ces orientations méthodologiques générales , le sous-groupe « Indicateurs » du Comité de protection sociale a proposé 18 premiers indicateurs d’inclusion sociale qui ont été adoptés au sommet européen de Laeken en décembre 2001. Aujourd’hui, au total 20 indicateurs communs illustratif de l’inclusion sociale ont ainsi été définis dans le cadre de ce groupe technique et ont été validés par le Conseil européen (tableau 1). Afin d’en faciliter la lecture et leur utilisation, ils ont été hiérarchisés dans une structure à trois niveaux :

• Le premier niveau, dit primaire, regroupe les onze indicateurs jugés les plus déterminants et représentatifs de plusieurs dimensions essentielles de la pauvreté (revenus, emploi, éducation, santé). Y figurent le taux de pauvreté monétaire relative38 et ses variantes (seuil en niveau, taux de persistance de la pauvreté, intensité de la pauvreté, taux de pauvreté ancré dans le temps), les indicateurs classiques d’inégalité de distribution des revenus (Indice de concentration de Gini, rapport interquintile), plusieurs indicateurs relatifs à l’emploi (taux de cohésion régionale, taux de chômage de long terme, taux de ménage sans emploi), un indicateur de mesure des sorties précoces du système scolaire et deux

37 Atkinson T., Cantillon B., Marlier E. et Nolan B., 2002, « Social Indicators : The UE and Social Inclusion », Oxford University Press. 38 Au seuil fixé à 60% de la médiane des niveaux de vie nationaux.

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143

indicateurs de santé. Le taux de pauvreté est ventilé selon le genre, l’âge, le statut d’activité, le type de ménages et le statut d’occupation du logement afin de mieux identifier les populations les plus exposées à ce risque et mesurer les inégalités au regard des différences de politiques sociales mises en oeuvre. A cette désagrégation s’ajoute une ventilation du taux de pauvreté selon le degré d’intensité de travail des ménages, qui indique dans quelle proportion les membres d’un ménage en âge de travailler occupent un emploi.

• Le deuxième niveau vient compléter cette liste avec neuf autres indicateurs secondaires sur

les thèmes déjà couverts par la première catégorie d’indicateurs. Ils n’en restent pas moins indispensables pour approfondir l’analyse des situations sociales et du rôle des transferts sociaux, ainsi que corriger en partie certaines lacunes bien connues du taux de pauvreté monétaire (adoption de quatre seuils de pauvreté, taux de pauvreté ancré dans le temps, persistance de la pauvreté au seuil défini à 50%). Cette liste contient, en outre, depuis peu un indicateur de pauvreté laborieuse.

• Le troisième niveau est, quant à lui, réservé aux indicateurs nationaux choisis par les Etats

membres qui n’ont pas fait l’objet d’un consensus ou qui sont considérés utiles pour éclairer certaines spécificités locales majeures. Ils sont donc moins comparables au plan européen.

Tableau 1. Les indicateurs européens d’inclusion sociale

Indicateur Définition Age Genre Source

Indicateurs primaires

1

Taux de pauvreté monétaire relative (at risk of poverty rate)

Proportion d'individus vivant dans des ménages dont le niveau de vie reste inférieur au seuil de pauvreté défini à 60% du revenu médian national équivalent

Oui : 0-15 ; 16 et + 16-24 ; 25-49 ; 50-64 ;

65+

Oui (>16 ans )

Eurostat PCM39/SIL

C

1a Taux de pauvreté monétaire par types de ménages

Ménages sans enfant : personne isolée (<65 ans) personne isolée (65 ans +) isolée femme isolée homme deux adultes, dont l’un des membres a 65 ans + deux adultes(<65 ans) Ménages avec enfants : isolé, 1 ou plusieurs enfants dépendants 2 adultes, 1 enfant à charge 2adultes, 2 enfants à charge 2 adultes, 3 enfants ou plus à charge 3 adultes ou plus, avec enfants à charge Enfants à charge : 0-15 ans et 16-24 ans s’ils sont inactifs ou vivant chez leurs parents

_

_

Eurostat PCM/SILC

39 Panel communautaire des ménages coordonné par Eurostat.

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Insee Méthodes 144

1b

Taux de pauvreté monétaire des ménages regroupés selon leur intensité de travail

« l’intensité de travail des ménages (WI)», se mesure en divisant le nombre des mois travaillés durant l’année de référence (par les membres du ménage d’âge actif) par le nombre de mois « travaillables » par les membres du ménage en âge de travailler).

WI=0 ; 0<WI<1 ; WI=1

non non Eurostat PCM/SILC

1c

Taux de pauvreté monétaire selon le statut d’activité le plus fréquent

Statuts d’activité le plus fréquent : en emploi ; au chômage, retraité, inactif Le statut d’activité le plus fréquent correspond au statut déclaré par les individus plus de la moitié de l’année de référence.

oui oui Eurostat PCM/SILC

1d Taux de pauvreté monétaire selon le statut d’occupation

- Propriétaire occupant ou logé à titre gratuit

- locataire

oui Oui (>16 ans )

Eurostat PCM/SILC

2 Seuil de pauvreté

Valeur du seuil fixé à 60% du revenu médian national équivalent. SPA. Ménage d’une personne Ménage de 2 adultes, 2 enfants

non non Eurostat PCM/SILC

3

Indicateur d'inégalité dans la répartition des revenus (ratio des quintiles de revenus)

S80/S20 : rapport inter-quintiles de revenus

non non Eurostat PCM/SILC

4 Taux de persistance de la pauvreté

Part des ménages dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté à 60% dans l’année courante et au moins 2 années sur les trois années précédentes

oui Oui (>16 ans )

Eurostat PCM/SILC

5 Intensité de la pauvreté

Ecart entre le revenu moyen des pauvres et le seuil de pauvreté fixé à 60% du niveau de vie médian

oui Oui (>16 ans )

Eurostat PCM/SILC

6 Cohésion régionale Coefficients de variation des taux d’emploi au niveau NUTS40 2

non oui EU - LFS

7 Taux de chômage de longue durée

Part des chômeurs de plus d'un an au sens du BIT au sein de la population active

oui oui EU - LFS41

8a Personnes vivant dans des ménages sans emploi

Proportion d'enfants (0-17 ans) vivant dans des ménages sans emploi dans la population totale des enfants

non non EU - LFS

8b Personnes vivant dans des ménages sans emploi

Proportion d'individus (18-59 ans non étudiants (18-24ans)) vivant dans des ménages sans emploi dans la population totale du même âge

non non EU - LFS

40 « Nomenclature of Territorial Units for Statistics ». 41 Enquête sur la force de travail (« Labour force survey »).

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145

9

Jeunes quittant prématurément l'école et ne poursuivant pas leurs études ou une formation quelconque

Proportion de jeunes (18–24ans) quittant le système éducatif avec un bas niveau d’éducation (0, 1 ou 2 de ISCED42 97) au sein de la population scolaire

non oui EU - LFS

10 Espérance de vie à la naissance Espérance de vie à 0, 1 et 60 ans non oui Eurostat

11 Auto-évaluation de l'état de santé par niveau de revenus

Ratio des groupes de quintiles inférieurs et supérieurs (par revenu équivalent) de la population âgée de >16 ans qui se considère en mauvaise santé selon la définition de l’OMS

oui oui Eurostat PCM/SILC

Indicateurs secondaires

12

Dispersion autour du seuil de pauvreté fixé à 60 % du niveau de vie

Nombre de personnes vivant sans des ménages dont le revenu équivalent par ménage est inférieur à 40%, 50% et 70% du revenu médian national équivalent

oui Oui (>16 ans )

Statistiques démographiques d’Eurostat

13 Taux de pauvreté fixé à un moment « t »

A l’année t, proportion de personnes qui ont un niveau de vie inférieur au seuil de 60% observé en t-3, multiplié par le facteur d’inflation sur les 3 années

oui Oui (>16 ans )

Eurostat PCM/SILC

14 Taux de pauvreté avant transferts sociaux

Taux de pauvreté au seuil de 60%: Sans l’ensemble des transferts Sans les autres transferts, excepté les pensions Avec l’ensemble des transferts

oui Oui (>16 ans )

Eurostat PCM/SILC

15 Coefficient de Gini Indice de concentration de Gini non non Eurostat PCM/SILC

16 Taux de persistance de la pauvreté

Indicateur de persistance de la pauvreté sur la base d’un seuil de 50% du revenu médian national équivalent

oui Oui (>16 ans )

Eurostat PCM/SILC

17 Taux de travailleurs pauvres

Part des individus considérés en emploi selon le statut d’activité le plus fréquent vivant dans des ménages pauvres (au seuil de 60%) Plusieurs facteurs explicatifs individuels et familiaux

oui Oui (>16 ans )

Eurostat PCM/SILC

18 Part du chômage de longue durée

Part de la population au chômage de longue durée au sein de la population (>15 ans) au chômage au sens du BIT

oui oui EU - LFS

19 Taux de chômage de très longue durée

Part de la population au chômage de très longue durée (>24 mois) au sein de la population active totale (>15 ans) au sens du BIT

oui oui EU - LFS

42 « International Standard Classification of Education ».

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Insee Méthodes 146

20 Personnes ayant un faible niveau d'études

Proportion de la population adulte (>25 ans) dont le niveau d'éducation atteint le niveau ISCED 0,1 ou 2.

Oui Groupes d’âge :

25-34 ; 35-44 ; 45-54 ; 55-64 ; 25-64 ; >65 ans

oui EU - LFS

Source : Annexe statistique du rapport conjoint sur l’inclusion sociale, COM (2003)773 final.

2.3 Les indicateurs relatifs aux travailleurs pauvres, à la pauvreté en conditions de vie et à l’attractivité financière de l’emploi : un difficile consensus

Si dans l’ensemble la « liste de Laeken révisée » a fait l’objet d’un consensus relativement rapide au sein du sous-groupe indicateurs, il a été, en revanche, plus difficile de s’entendre sur les définitions de certains indicateurs comme celles relatives à l’indicateur de travailleur pauvre, aux indicateurs représentatifs des politiques visant à rendre le travail plus payant ou aux indicateurs de privation matérielle. 2.3.1 L’indicateur de pauvreté laborieuse

S’agissant de la pauvreté laborieuse, la définition arrêtée au plan européen s’est largement inspirée de celles retenues par les États-Unis et la France : le travailleur pauvre est, en effet, une personne qui travaille (selon certains critères définis43) et qui vit au sein d’un ménage dont le revenu est inférieur au seuil de « risque de pauvreté », celui-ci étant calculé selon la définition retenue à Laeken, c’est à dire au seuil fixé à 60% du revenu médian par unité de consommation. La pauvreté d’un travailleur dépend donc à la fois de son revenu d’activité personnel (qui traduit sur le plan monétaire son lien au travail selon une norme salariale, elle-même déterminée en fonction des caractéristiques individuelles du salarié) et de sa situation familiale de par la définition retenue du risque de pauvreté. Cette définition met donc au premier plan une dimension individuelle, qui décrit la situation du travailleur proprement dite, même si une dimension ménage intervient au niveau des facteurs explicatifs de cette situation. Trois catégories de variables explicatives ont été retenues : les caractéristiques sociodémographiques du travailleur, les traits distinctifs de l’emploi que celui-ci occupe et les particularités du ménage dans lequel il vit. Elle reflète plusieurs accords de principe entre les Etats membres quant à la nécessité de :

- valider au plan européen un concept ayant déjà une dimension internationale reconnue, en l’adaptant toutefois aux exigences du contexte communautaire spécifique dans le cadre duquel il sera utilisé et aux contraintes imposées par les statistiques disponibles ;

- d’inclure à la fois une dimension individuelle (en ce qui concerne le concept de travail) et une dimension ménage (pour ce qui est des revenus à prendre en compte dans la définition du risque de pauvreté) ;

- distinguer par conséquent la notion de « travailleurs pauvres » de celle des « travailleurs à bas salaires » contrairement à la position allemande qui les assimile44 ;

- Retenir un filtre de l’activité plus restrictif au regard des définitions américaine ou française, qui n’excluent pas (dans des proportions variables) les chômeurs ;

- Mobiliser des facteurs explicatifs individuels et familiaux utiles à la compréhension de l’indicateur, c’est à dire certes appréhender l'emploi sous l'angle individuel , mais également replacer le travailleur pauvre dans son contexte familial (présence d'enfants dépendants, statut d'activité du conjoint).

Les points de désaccord ont principalement porté sur l’opportunité d’introduire une variable explicative supplémentaire de la pauvreté laborieuse (voire même la résumer), appelée « l’intensité de travail des ménages » (« Households work intensity » ; WI) susceptible de prendre en compte les phénomènes de polarisation de l’emploi des ménages, particulièrement visible outre-Manche, et que l’indicateur de travailleur pauvre ne peut

43 Voir pour une présentation détaillée de la définition Lelièvre M., Marlier E. et Pétour P., 2004, «Un nouvel indicateur européen : les travailleurs pauvres » , Solidarité et Santé, n°2, avril-juin. 44 Un travailleur pauvre est celui qui travaille à plein temps et dont les salaires sont inférieurs à 50% de la moyenne nationale.

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pas par construction appréhender dans toute sa diversité45. Le degré d’attachement des ménages au marché du travail se mesure en divisant le total des mois durant lesquels les membres du ménage en âge de travailler ont réellement travaillé par la somme des mois pouvant être travaillés dans le ménage. Ces mois « travaillables » correspondent au nombre de mois pour lesquels on dispose des informations sur le statut d’activité (emploi, chômage, ou inactivité). L’intensité est maximale (WI = 1) lorsque tous les membres en âge de travailler occupent un emploi durant la totalité des mois contenus dans le calendrier d’activité. Cette « Work intensity » est nulle quand personne ne travaille au sein du ménage. Si ce facteur explicatif offre l’attrait d’une variable synthétique, qui peut être résumée en trois configurations de WI (WI=1 ; WI=0 ; 0<WI<1), par exemple, il n’est pas exempt de critiques. On en dénombre, à cet égard, trois principales : Des difficultés d’ordre conceptuel : adopter une approche par le ménage soulève la question de la définition de l’emploi et de l’employeur du ménage à laquelle il n’est a priori pas possible de répondre. A de rares exceptions près, en effet, le contrat de travail est individuel. Par ailleurs, s’il est vrai que la recherche récente des décisions d’offre de travail prend en compte les arbitrages qui se jouent au sein de la famille (les comportements étant interdépendants), ces modèles économiques de décision au sein du ménage ne contredisent pas l’approche de la pauvreté laborieuse par une entrée individuelle. Des difficultés liées au manque de transparence : cette variable est loin d’être transparente et transgresse une des règles majeures de la Charte de la qualité statistique identifiée par Atkinson. En effet, cette variable composite agrège des situations individuelles sur le marché du travail et des combinaisons familiales extrêmement diverses. WI=1, par exemple, renvoie à des couples en emploi à temps plein toute l’année, des couples en emploi à temps partiel toute l’année (puisqu’en raison de l’absence de données statistiques46 requises il n’est pas possible de tenir compte du nombre d’heures travaillées), mais aussi à des familles monoparentales en emploi à temps plein ou encore à des familles monoparentales à temps partiel. De surcroît, l’agrégation du travail des individus au sein du ménage revient à les considérer comme interchangeables, même s’ils exercent des emplois très différents. Des difficultés d’utilisation dans le processus politique que constitue la méthode ouverte de coordination : compte tenu du manque de transparence et d’intelligibilité de cette variable, comment, en effet, échanger les meilleures pratiques pour combattre la pauvreté laborieuse au sein de l’Union européenne, s’il est difficile d’établir un diagnostic partagé à partir de cet indicateur sur les causes de la pauvreté laborieuse ? Derrière ces arguments techniques légitimes se dissimulent, par ailleurs, d’autres facteurs plus politiques. Les pays les plus opposés à la « Work intensity » ne souhaitaient pas centrer la problématique de la pauvreté laborieuse sur le seuil de pauvreté, et sur l’ensemble des ressources du ménage. Ils entendaient bien faire jouer à la norme de travail individuel (qualité et quantité de l’emploi occupé par l’individu) un rôle majeur dans les causes de la pauvreté laborieuse conformément à la conception de leur droit du travail. En privilégiant une approche « individuelle » de cette notion, on adhère à l’idée sous-jacente selon laquelle c’est bien l’insuffisante quantité et/ou qualité de travail qui ne permet pas d’élever le ménage au-dessus de ce seuil. 2.3.2 La prise en compte de la dimension non monétaire de la pauvreté

Les travaux récents sur la pauvreté47 suggèrent que l’approche purement monétaire de la pauvreté, basée sur des mesures absolues ou relatives des revenus, ne permettent pas de rendre compte de la totalité des situations défavorisées. Si la perception de bas revenus est dans bien certains cas un désavantage social, celui-ci peut être atténué par d’autres facteurs affectant le bien-être, comme le fait que ce revenu modeste soit cependant garanti ou que la personne dispose de temps libre… . A l’inverse, des personnes dont les ressources les placent au-dessus du seuil de pauvreté monétaire peuvent néanmoins connaître une situation défavorisée si elles cumulent des handicaps tels qu’un logement inconfortable, un mauvais état de santé ou un isolement familial ou relationnel… .

45 Même si les variables explicatives retenues au plan européen comprennent une typologie générale mais utile de ménages. 46 Le panel communautaire de ménages d’Eurostat n’offrait pas cette possibilité. 47 Cf. par exemple pour la France Stefan LOLLIVIER et Daniel VERGER, « Pauvreté d’existence, monétaire et subjective sont distinctes », Économie et Statistique, n° 308-309-310, Insee, octobre 1997.

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Insee Méthodes 148

Prenant acte de l’importance de ces aspects non monétaires de la pauvreté, et ce dans le droit fil de la définition européenne de la pauvreté48 et des objectifs communs d’inclusion sociale, le sous-groupe « Indicateurs » du Comité de la protection sociale a souhaité constituer un sous-ensemble d’indicateurs permettant d’approcher cette dimension de conditions de vie. Une proposition élaborée par Eurostat a consisté à identifier cinq grands domaines des conditions de vie – difficultés à assumer des échéances financières, conditions de logement, difficultés liés à l’environnement et au voisinage, confort du logement, possession de biens durables, au sein desquels une variété de situations défavorisées pouvait être identifiée à l’aide des enquêtes européennes auprès des ménages, telles que les difficultés à payer le loyer, le degré de perméabilité du toit du logement, la non disposition d’un téléphone. Il était proposé d’agréger les occurrences de ces situations défavorisées en un indicateur composite pour chacun des cinq grands domaines envisagés, puis pour l’ensemble des cinq domaines. Cette proposition n’a pour l’heure pas rencontré un consensus suffisant au sein des États membres. La France, en particulier, a exprimé des réserves sur cette proposition, considérant que l’agrégation d’indicateurs individuels ne pourrait le cas échéant se justifier que dans le cas où ceux-ci seraient très nombreux, et qu’une telle agrégation pose des problèmes majeurs d’interprétation des résultats du point de vue de la signification des comparaisons obtenues d’un État membre à l’autre. Elle débouche de plus sur des indicateurs difficilement « lisibles » pour les décideurs de la politique sociale, ce qui conduit à préconiser de s’en tenir aux indicateurs relatifs aux situations défavorisées élémentaires, sans chercher à les agréger. Une solution alternative que cherche à promouvoir la France dans l’enceinte du sous-groupe indicateurs est de laisser chaque État membre déterminer dans son plan national d’action pour l’inclusion sociale celles des situations défavorisées élémentaires qui lui paraissent les plus pertinentes dans son contexte national. 2.3.3 Les indicateurs illustratifs des politiques visant à rendre le travail plus

rémunérateur dans une perspective d’inclusion sociale

Autre indicateur sujet à controverse : la sélection exclusive d’indicateurs de taux marginaux implicites d’imposition sur cas types (communément appelés « trappes à chômage, trappes à inactivité, trappes à bas salaires ») – repris de la méthodologie de l’OCDE49- pour analyser les politiques nationales d’inclusion sociale sous l’aspect de leur capacité à rendre l’emploi financièrement attractif. La méthodologie promue par l’OCDE reste encore débattue au sein du sous-groupe indicateurs en raison d’une part du spectre limité à certaines catégories de problèmes et de populations, et d’autre part de la fragilité des indicateurs proposés en dépit des améliorations apportées par l’OCDE pour prendre en compte certaines demandes des délégations. En effet, sur le premier point, les enjeux non monétaires ou liés aux perspectives de carrière sur le cycle de vie de l’encouragement à l’emploi au détriment du non – emploi en sont en effet absents. Sur le fond, il est à craindre, en effet, que l’usage exclusif de ces indicateurs limités aux seules incitations financières à la reprise d’emploi ne soit pas en mesure d’illustrer dans toutes ses dimensions, à la fois financières et non monétaires, l’approche équilibrée européenne50 visant à rendre le travail plus rémunérateur et qui reconnaît le double objectif des politiques sociales, à savoir les nécessaires incitations à l’emploi à redistribution verticale et horizontale des revenus. Par exemple, un pays confronté à de grandes inégalités de la distribution des revenus primaires sera conduit à mettre en place un système fiscalo-social produisant une redistribution importante au prix de taux marginaux d’imposition élevés en certains points de la distribution des revenus, tandis qu’un autre pays caractérisé par une distribution des revenus primaires plus égalitaire pourra opter pour des barèmes sociaux et fiscaux comportant moins de distorsions parce que nécessitant une moindre redistribution des revenus. Mais le fait que le premier pays présente des taux marginaux d’imposition supérieurs au second ne peut

48 « personnes, familles ou groupes dont les ressources (matérielles, culturelles et sociales qu’elles sont exclues du niveau de vie minimal reconnu comme acceptable dans l’État membre où elles vivent » (Conseil européen, 1984). 49 Voir pour une présentation détaillée de la méthodologie : Carone G., Salomäki A., Immervoll H. et Paturot D., 2004 , « Marginal Effective Tax Rates on Employment Income », European Economic Papers n°197, European commission, DG for Economic and Financial Affairs. OECD, 2004, « Benefits and Wages » - OECD Indicators », Paris. Voir aussi pour une présentation simplifiée des différentes configurations types percevant l’assistance sociale l’annexe n°1 de Horusisky P., Lelièvre M. et Julienne K., 2005, « Panorama des minima sociaux en Europe », Solidarité et Santé, n°3, à paraître. 50 Dans le cadre de la communication ( COM (2003) 842 final) de la Commission européenne intitulée «Moderniser la protection sociale pour des emplois plus nombreux et de meilleure qualité : une approche globale pour rendre le travail rémunérateur ».

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en aucun cas signifier qu’il a mieux réussi que le second, en tenant compte du contexte de la distribution des revenus primaires dans les deux pays, à concilier incitations à l’emploi et ambition redistributrice. Par conséquent, l’analyse ne peut être seulement appréhendée à travers le prisme des incitations financières destinées à stimuler l’offre de travail. Différentes études (Guillemot, Pétour et Zajdela, 2002)51 relatives aux trajectoires des individus à partir de données d’enquêtes, par exemple sur le devenir des allocataires du RMI, ou encore fondées sur une approche plus théorique de la problématique (Cahuc et Lehmann, 2002)52, mettent en évidence la pertinence de variables explicatives de nature plus sociologique, comme le mieux-être, le statut que procure le travail ou encore le coût de réinsertion à long terme sur le marché du travail, dans la reprise d’activité. Les anticipations des agents ne reposent pas tant sur les éléments mis en balance à partir d’une comparaison instantanée entre la reprise d’emploi et le non-emploi que sur des arbitrages qui s’inscrivent dans un horizon plus lointain et qui intègrent également, par exemple, les avantages procurés par la formation continue. La méthodologie proposée, qui a toutefois intégré le coût des gardes d’enfants dans ces calculs, et dont les résultats restent encore fragiles, « ignore » les autres dimensions de l’attractivité du travail (conditions d’éligibilité, conditions de travail, frais induits par les démarches de recherche d’emploi et l’absence de moyens de transports (Belleville, 2004) 53, effort de formation professionnel …) qui pourtant jouent également un rôle non négligeable dans la reprise d’une activité (OCDE, 2003)54. A contrario, certains dispositifs, qui constituent des incitations financières de la demande de travail, ne sont pas pris en compte alors qu’ils contribuent à soutenir (du moins en France en tout cas) la demande de travail non qualifiée (typiquement les allègements des cotisations sociales patronales en faveur des bas salaires, la mise en place du RMA …). Pire, ces exonérations de charges pourraient aggraver la « trappe à chômage » telle qu’elle est calculée dans le rapport puisqu’elles pourraient conduire à une baisse du salaire moyen qui sert de base au calcul des taux marginaux implicites d’imposition (Dares, note de position EMCO du 5/10/03). Par ailleurs, la sélection de ces cas types concentre excessivement l’approche des incitations à l’emploi sur certaines catégories d’individus et de ménages (chômeurs, bénéficiaires des prestations d’assistance, familles monoparentales), rompant l’équilibre de la Communication européenne de 2003 qui appréhendait les problèmes adressés à l’ensemble de la population, y compris les couples avec enfants et les travailleurs âgés. La spécificité des transitions entre l'emploi et le non-emploi de certaines catégories de travailleurs, comme les travailleurs âgés, ne peut, en effet, être analysée à l’aune de cette même approche, mais doit surtout tenir compte des conditions d’accès à certains dispositifs institutionnels (préretraites, pensions, invalidité), des anticipations des futurs pensionnés sur leur niveau de vie ainsi que de leur état de santé, par exemple, ou encore de la situation du conjoint. Il s’ajoute que, compte tenu de la complexité et de la sensibilité du sujet, l’évaluation de ce phénomène doit reposer, sur divers instruments de mesure à côté du recours aux cas types, comme la pratique d’études sur « grandeur réelle », de micro simulations, et l’analyse des trajectoires des individus à l’aide de données d’enquêtes. L’ensemble de ces techniques d’évaluation et de mesure permet de mieux approcher la probabilité des transitions en dépassant la limite habituelle, à savoir la faible représentativité associée à l’analyse sur configurations types. Une analyse récente (Courtioux, Lapinte, Le Minez et Pucci, 2004)55, portant sur la modulation des gains de niveaux de vie des individus en emploi et percevant des bas salaires associée aux réformes introduites en France entre 2000 et 2003, révèle que les résultats obtenus sur cas types ne recoupent pas forcément ceux issus d’une analyse en « grandeur réelle ». De plus, ces cas types restent très imparfaits, au-delà de leur faible représentativité. Ils supposent l’attribution systématique de l’aide aux bénéficiaires et l’absence de non-recours aux droits. Or, l’étude de (Avenel et Damon,

51 Guillemot, Pétour et Zajdela, 2002, « Trappes à chômage ou trappe à pauvreté – Quel est le sort des allocataires du RMI ? », Revue économique, novembre, n°6. 52 Cahuc et Lehmann, 2002, « Faut-il inciter l’offre ou la demande de travail peu qualifié ? », Revue économique, novembre, n°6. 53 Belleville A., 2004, « Les trajectoires professionnelles des bénéficiaires de minima sociaux », Etudes et Résultats, juin, n°320. 54 OCDE, 2003, « Perspectives de l’emploi », chapitre « Making Work Pay », Paris. 55 « Les réformes récentes des barèmes fiscaux et sociaux : quels gains de niveaux de vie pour les actifs occupés entre 2000 et 2003 ? » - Une analyse ex ante centrée sur les niveaux de salaire et l’environnement familial des individus », communication présentée au Colloque « Matisse » les 16-17 septembre 2004 pourtant sur « l’inégal accès à la protection sociale ».

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Insee Méthodes 150

2003)56 montre que le taux de non-recours aux dispositifs comme le revenu minimum d’insertion (RMI) est loin d’être négligeable en France. Si ce phénomène est encore mal évalué en Europe, son étendue paraît inégalement répartie au sein de l’Union européenne selon (OCDE, 2004) qui révèle qu’il peut atteindre des proportions importantes dans certains pays. Enfin, cette technique appréhende difficilement les allers-retours souvent observés entre l’emploi et le non-emploi des bénéficiaires d’une indemnisation chômage ou de l’assistance sociale. Par ailleurs, la comparaison européenne de la générosité relative de la prestation type d’assistance sociale57 rapportée au seuil de pauvreté fixé à 60% de la médiane des revenus équivalents pour une configuration familiale type doit être éclairée à l’aide d’indicateurs de contexte. « Elle ne peut, être appréhendée indépendamment du rôle de l’assistance sociale et surtout de son articulation avec l’assistance et le régime d’indemnisation chômage contributif, et encore plus généralement, du contexte institutionnel de la protection sociale dans lequel elle a pris place et qui constitue une source de différenciations majeures entre les pays. Certains pays, à l’image du Royaume-Uni, peuvent paraître en première analyse accorder une assistance sociale généreuse, mais qu’il convient de relativiser à la lumière des prestations souvent plus élevées que perçoivent les bénéficiaires des régimes continentaux d’indemnisation du chômage, placés dans une situation de non-emploi pourtant analogue » (Horusitzky P., Lelièvre M. et Julienne K., 2005, déjà cité).

3 La poursuite des travaux communautaires au sein du groupe technique du comité de la protection sociale

3.1 La rationalisation de la méthode ouverte de coordination et la révision de la stratégie de Lisbonne

Cependant, au-delà des progrès importants accomplis depuis le début de la présente décennie en matière de mise en commun des expériences nationales dans le domaine de la cohésion sociale, il y a lieu d’apprécier les perspectives d’avancées futures de la coopération européenne dans le domaine social à l’aune des changements apportés, d’une part par le processus en cours de rationalisation de la mise en œuvre de la méthode ouverte de coordination, et d’autre part par la révision de la stratégie de Lisbonne intervenue en 2005. Les trois domaines de mise en œuvre de la “MOC” (inclusion sociale, pensions, santé) ont été progressivement unifiés en un seul processus intitulé “protection sociale et inclusion sociale” afin de le synchroniser et le rendre plus cohérent avec les processus des sphères économiques (« Grandes orientations de politique économique, (GOPE)) et emploi (« stratégie européenne pour l’emploi », (SEE)) et plus lisible par les différents acteurs. Cette opération de “rationalisation” (« streamlining ») s’achèvera en 2006, et risque de se traduire par une diminution du nombre des objectifs et des indicateurs sociaux communs. Par ailleurs, la stratégie de Lisbonne a fait l’objet d’une révision en 2005. Constatant la modestie des performances réalisées et la faiblesse des progrès enregistrés par l’Union européenne pour satisfaire les engagements pris en 2000, le Conseil européen a décidé de recentrer la stratégie de Lisbonne sur la croissance et l'emploi autour de lignes directrices dites « intégrées » (LDI) portant sur ces deux grands enjeux. Il a toutefois maintenu le processus de « protection sociale/inclusion sociale », en voie de rationalisation depuis 2004, afin qu’il poursuive son activité en parallèle et en interaction (« feed in process ») avec cette stratégie de Lisbonne révisée. Le recentrage sur la croissance et l’emploi a eu pour effet immédiat de créer deux nouveaux enjeux pour la MOC « protection sociale et inclusion sociale » : - la réduction de l’écart pouvant exister entre les objectifs établis en commun au niveau de l’Union

européenne en 2000 et leur mise en oeuvre politique ; - le développement des politiques en faveur de la croissance et l'emploi en Europe. 56 « Les contacts avec les intervenants sociaux des sans-domicile usagers des services d’hébergement et de distribution de repas chauds – Quel recours aux institutions, aux prestations et aux professionnels des secteurs sanitaires et social » ?, Etudes et Résultats, n°277, décembre. 57 Dans le cas d’un couple marié avec deux enfants en bas âges à charge. Voir pour des informations plus détaillées sur ce cas type Horusisky P., Lelièvre M. et Julienne K., 2005, « Panorama des minima sociaux en Europe », Solidarité et Santé, n°3, à paraître.

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Transformée dans ses méthodes – la Commission proposant de mettre de mettre davantage l’accent sur la modernisation des politiques et leur mise en œuvre, sur des modalités simplifiées d’examen des stratégies nationales ainsi que sur la promotion des échanges et de l’apprentissage mutuel des politiques sociales – et dans ces objectifs désormais centrés sur la croissance et l’emploi, la mise en œuvre future de la méthode ouverte de coordination révisée devrait conduire à un réexamen approfondi des 21 indicateurs d’inclusion sociale aujourd’hui adoptés.

3.2 Quelles évolutions des indicateurs sociaux européens ?

Il est vrai que ce réexamen est à certains égards bienvenu tant les divers processus mis en œuvre depuis l’adoption de la stratégie de Lisbonne ont entraîné une inflation de listes d’indicateurs sociaux qui mérite certainement d’être jugulée. Ainsi, en premier lieu, la stratégie de Lisbonne a débouché sur trois processus articulés mais néanmoins distincts de suivi des progrès de l’Union européenne dans le domaine de la cohésion sociale, qui conduisent à des jeux d’indicateurs associés dont la concordance n’est pas parfaite. Outre les annexes statistiques des plans nationaux d’action pour l’inclusion sociale et du rapport conjoint de la Commission et du Conseil européens, qui contiennent les indicateurs européens retenus au sein du sous-groupe « Indicateurs » ainsi que des indicateurs nationaux représentatifs des spécificités locales des politiques sociales, le rapport de synthèse publié chaque printemps par la Commission européenne fournit un jeu d’indicateurs dits « structurels » sur cinq grands secteurs (réformes économiques, emploi, innovation, cohésion sociale, environnement). Dans le domaine de la cohésion sociale on dénombre ainsi sept indicateurs pris parmi les indicateurs définis en commun par le sous-groupe « Indicateurs du Comité de la protection sociale ». Rationaliser l’information statistique fournie par ces différents documents serait à tous égards souhaitable. En second lieu, la rationalisation des différentes méthodes ouvertes de coordination dans le registre de la protection sociale et l’inclusion sociale va très certainement exercer un impact sur la sélection et l’approfondissement de la connaissance des indicateurs sociaux retenus au plan européen puisqu’il est prévu de limiter le format du rapport conjoint unique de protection sociale ainsi que le nombre d’indicateurs. Il n’est pas à écarter, dans ce contexte, le recours à des indicateurs plus synthétiques pour économiser des données. Il est programmé par ailleurs en 2006 une évaluation du jeu d’indicateurs de Laeken et le lancement d’une réflexion sur la sélection d’un nombre plus restreint d’indicateurs au sein du sous-groupe d’ici l’été prochain qui devrait déboucher sur une nouvelle hiérarchie des indicateurs jugés les plus représentatifs et prenant mieux en compte les nouveaux enjeux liés à l’élargissement de l’Union européenne, pour lesquels, par exemple, les questions de pauvreté en conditions de vie sont essentielles, et au recentrage de la stratégie de Lisbonne sur la croissance et l’emploi. En effet, en troisième lieu, la problématique des politiques sociales visant à rendre le travail plus rémunérateur, au coeur de l’articulation entre l’emploi et la protection sociale, est sans doute destinée à occuper une place centrale dans la méthode ouverte de coordination dans le domaine de la cohésion sociale. Il n’est par conséquent pas à exclure la poursuite des travaux méthodologiques déjà entamés sur ce sujet et le renforcement de la collaboration avec l’OCDE qui a promu sa technologie et ses bases de données sur ce thème au sein du sous-groupe indicateurs. La France pour sa part met l’accent sur les risques d’interprétation tronquée des problèmes de désincitation au travail à recourir exclusivement à des calculs sur cas-types présentant les seuls aspects monétaires de la décision d’entrer sur le marché du travail, et préconise de compléter une telle approche par le développement de méthodes de micro-simulation et l’analyse ex post des transitions individuelles effectives entre le non emploi et l’emploi. Quatrièmement, un consensus semble acquis au sein du sous-groupe « Indicateurs » pour orienter les travaux vers une démarche plus analytique et par conséquent plus en phase avec les enjeux de la révision de la stratégie de Lisbonne qui mettent l’accent sur la modernisation des politiques et leur mise en œuvre. Il est à cet égard probable que l’action du sous-groupe s’oriente davantage vers la recherche commune d’indicateurs relatifs à la mise en oeuvre des politiques alors qu’il avait exclu de le faire jusqu’à présent. Enfin, les risques d’un appauvrissement de la réflexion commune en matière de cohésion sociale liés à cette rationalisation et à ce recentrage sur la croissance et l’emploi pourront toutefois être compensés par les progrès en termes de qualité des données avec l’arrivée des premiers résultats issus du nouveau système d’enquête européen SILC (« Enquête sur les revenus et les conditions de vie ») coordonné par Eurostat, qui succède à partir de 2004 au panel communautaire des ménages qui n’est plus maintenu depuis 2002. On peut en effet escompter

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Insee Méthodes 152

de ces nouvelles données une meilleure appréhension des revenus, notamment grâce à l’imputation des loyers fictifs et à l’introduction d’un nouveau module fiscal, qui permettra certainement d’améliorer la mesure de la pauvreté monétaire et la réflexion sur la question de l’attractivité financière de l’emploi.

4 Les indicateurs du plan national d’action pour l’inclusion sociale (PNAI) de la France : quel lien avec les indicateurs sociaux européens ?

L’un des objectifs majeurs de la mise en oeuvre de la méthode ouverte de coordination dans le domaine de la cohésion sociale est non seulement de faire émerger des questionnements partagés par les États membres dans le cadre de l’échange d’expériences qu’elle réalise, mais aussi de favoriser en retour la diffusion de ces questionnements dans les processus d’élaboration des politiques sociales nationales. Quelle est l’incidence effective des objectifs et des indicateurs communs d’inclusion sociale sur le contenu des plans nationaux d’action pour l’inclusion sociale (PNAI) que la France réalise tous les deux ans ? Tel est l’objet de cette dernière partie de la communication.

4.1 Les plans nationaux pour l’inclusion sociale (PNAI) : contenu et modes d’élaboration

La production des PNAI réalisée par les États membres s’inscrit dans un processus continu. Les premiers plans ont été élaborés en 2001 pour la période 2001-2003. La seconde vague a, quant à elle, été produite en 2003 pour la période 2003-2005 et prolongée à l’horizon 200658. En fin de période, les plans nationaux sont remis à la Commission européenne, qui élabore un rapport conjoint qui vise notamment à la diffusion des pratiques et des approches les plus innovantes pouvant présenter un intérêt commun. Le dernier PNAI est structuré en quatre grandes parties : la présentation des défis majeurs pour les années à venir ; l’approche stratégique envisagée et les principaux objectifs visés pour progresser à l’horizon de la fin de la période couverte par le plan ; le détail des mesures de politique envisagées ; un zoom sur des « bonnes pratiques » innovées par le pays. Par ailleurs, les PNAI contiennent également une annexe statistique destinée à illustrer les progrès réalisés en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, au regard des objectifs que les Etats membres se sont fixés en commun. Chaque pays définit ainsi une liste d’indicateurs statistiques annexée à son plan, en vue de l’élaboration de bilans réguliers (au moins un bilan à mi-étape et un bilan en fin de période). Il s’agit donc d’une liste d’indicateurs nationaux « intégrés dans une démarche européenne ».

4.2 L’annexe statistique du PNAI français 2003-2006

L’annexe statistique du PNAI français 2003-2006 est structurée, comme le plan proprement dit, autour des grands objectifs inspirés de la loi de lutte contre l’exclusion de 1998 et que la France a cherché à promouvoir au niveau européen (cf. ci-dessus les quatre grands objectifs communs retenus au Conseil européen de Nice). L’annexe comprend environ 160 indicateurs commentés, dont les 19 indicateurs de résultats d’inclusion sociale retenus au plan européen. Compte tenu du caractère très large du champ de la pauvreté et de l’exclusion sociale, à la fois multidimensionnel et interministériel, les indicateurs sont issus de sources et produits par des organismes très variés. La France se distingue par l’importance de son annexe statistique (près d’une centaine de pages pour définir, chiffrer et commenter ces quelques 160 indicateurs, ventilés le plus souvent par sexe, statut d’activité, configuration familiale…), une importance qui reflète à la fois des choix et des contraintes.

58 Le site Internet du Ministère de l’Emploi, de la Cohésion Sociale et du Logement comporte à l’adresse suivante (http://www.social.gouv.fr/htm/dossiers/pnai/index.htm) une page de présentation du PNAI français pour la période 2003 – 2005.

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▪ la France a fait le choix de sélectionner une liste large d’indicateurs visant à la fois : - à bien appréhender la dimension multidimensionnelle du phénomène de la pauvreté qui doit être éclairé

sous différentes facettes (revenus, emploi, logement, éducation, santé…) pour mieux en saisir les ressorts ;

- à décrire à la fois les progrès de mise en œuvre des actions présentées dans le cadre du PNAI (indicateurs de mise en œuvre, de moyens ou d’activité), l’évolution des situations sociales à l’aide d’indicateurs de résultats, pouvant être complétés, le cas échéant, par des informations de contexte susceptibles de mieux expliquer les résultats ou à en nuancer l’interprétation (indicateurs de contexte).

Ce choix peut être également justifié si l’on considère que les indicateurs européens d’inclusion sociale sont des indicateurs de résultats très globaux, centrés sur la performance d’ensemble des systèmes, et qui ne sont pas aisément associables à des dispositifs ou à des politiques sociales déterminées. Ils portent avant tout sur la pauvreté monétaire et le chômage. Il était donc indispensable dans cette idée de compléter cette liste d’indicateurs communs pour refléter au mieux la montée en charge et l’effectivité de l’application des politiques et l’effort de la collectivité publique en matière de protection sociale. Graphique 1 : Répartition des indicateurs du PNAI français 2003-2006 par domaine

La liste nationale, comme cela a été encouragé par le sous-groupe « Indicateurs » du Comité de la protection sociale, aborde plus largement la pauvreté sous l’angle des conditions de vie, avec des indicateurs issus des enquêtes de l’INSEE sur les conditions de vie des ménages, sachant que dans ce domaine, la méthodologie commune n’a pas encore été complètement définie. Elle accorde une place importante aux indicateurs relatifs à l’emploi (39 indicateurs sur 162, dont certains indicateurs repris du Plan National d’Action en faveur de l’Emploi) et à la pauvreté tant monétaire qu’en conditions de vie (37 indicateurs), ainsi qu’aux indicateurs relatifs au logement (25 indicateurs). Elle laisse un espace significatif également aux indicateurs relatifs aux domaines de la santé, de la famille, de l’enfance et de l’éducation (graphique 1). La liste des indicateurs d’inclusion sociale nationaux accorde, par ailleurs globalement, une place de premier plan aux indicateurs de résultats (82 indicateurs sur 162). Ce sont à la fois des résultats de performance globale, comme les indicateurs européens, et le plus souvent, des indicateurs de résultats plus ciblés, et donc plus facilement associables à des mesures politiques spécifiques. Cette priorité donnée aux indicateurs de résultats est conforme aux recommandations du rapport Atkinson, ainsi qu’aux orientations méthodologiques arrêtées au « sous-groupe indicateurs ». Le graphique 2 montre, toutefois, qu’elle est plus ou moins respectée selon les domaines suivis, d’une part, parce que l’annexe statistique du PNAI constitue aussi l’outil de « suivi de la mise en œuvre » du plan et d’autre part, compte tenu de l’existence de contraintes provenant du système d’information… ▪ Le nombre important d’indicateurs reflète aussi en partie le manque d’indicateurs disponibles jugés les plus appropriés pour illustrer les objectifs communs, en particulier :

- le manque d’indicateurs ciblés sur les populations en difficultés (faiblesse des échantillons couverts par les enquêtes en population générale, complexité et coût des enquêtes spécifiques),

- les difficultés de mesures « pures » de résultats (problème des mesures administratives et des indicateurs « mixtes », entre mise en œuvre et résultats, comme par exemple le nombre d’allocataires de minima sociaux) ou de l’efficacité des actions politiques (difficultés à distinguer dans l’évaluation les

11

39

14

25

37

18

18 Education-formation

Emploi

Famille-enfance

Logement

Pauvreté-inégalités

Santé-dépendance

Services

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Insee Méthodes 154

effets de contexte des effets de la mesure elle-même, ; difficultés de traduction par des indicateurs synthétiques : une étude spécifique est généralement nécessaire),

- le caractère inter-administratif de certaines problématiques qui complique l’adaptation du système statistique.

L’optique retenue est alors d’appréhender les problématiques mal couvertes « directement » par des « faisceaux » d’éléments sur la base des informations disponibles. Graphique 2 : Répartition des indicateurs du PNAI français 2003-2006 par objectif et catégorie

4.3 Les perspectives d’évolution dans le cadre du prochain plan

L’annexe statistique sera révisée à l’occasion de la réalisation du prochain rapport national de protection sociale et d’inclusion sociale, qui constitue désormais le rapport « rationalisé et révisé, au sens de la stratégie de Lisbonne » dans ces domaines. Cet exercice devrait bénéficier à la fois : ▪ des enseignements tirés de l’expérience menée depuis 2001 : le processus récent d’élaboration du PNAI a nécessité un travail important, en particulier pour mettre à jour l’annexe statistique. Sa production constitue, à cet égard, un véritable tout de force dans la mesure où il a fallu rassembler de nombreuses données souvent éparses et développer, pour ce faire, des collaborations auprès des organismes collecteurs d’informations. De ce point de vue, la réalisation de l’annexe statistique du PNAI apporte un témoignage et des enseignements instructifs sur les forces et faiblesses de notre système statistique pour appréhender le champ de la pauvreté et de l’exclusion sociale en France, ▪ du contexte des réflexions menées parallèlement par l’ONPES (Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale) qui cherche à retenir une liste ciblée d’indicateurs afin d’appréhender de manière synthétique l’évolution des situations de pauvreté et d’exclusion sociale, et par le comité de pilotage du CILE (Comité Interministériel de Lutte contre l’Exclusion) sur une liste d’indicateurs ciblée pour l’élaboration du document de politique transversale – DPT – du programme « inclusion sociale » prévu dans le nouveau cadre budgétaire de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF ▪ de la mise en place du projet SILC (Statistics on Income and Living Conditions : statistiques sur les ressources et conditions de vie) : nouveau panel européen mis en place par Eurostat pour suivre les progrès réalisés par les Etats membres dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. A cette occasion, le dispositif des enquêtes permanentes sur les conditions de vie des ménages de l’INSEE va être revu dans une logique de panel, articulé autour du tronc commun de questions défini par Eurostat et complété d’indicateurs définis par la France, lesquels sont en cours de sélection. La possibilité d’agir « sans coût supplémentaire » sur le dispositif statistique (puisque l’opération est programmée), à la lumière des manques révélés par le travail de collecte du PNAI et par les réflexions menées actuellement par l’ONPES et dans le cadre de la LOLF, est une véritable opportunité. Le projet SILC est par ailleurs le moyen de contribuer à résoudre un manque important de notre système statistique : celui de la disponibilité d’indicateurs longitudinaux, sachant que d’autres outils longitudinaux se développent

0

5

10

15

20

25

1.1.

1.2.

a)i)

1.2.

a)ii)

1.2.

b)

1.2.

c)

1.2.

d) 2.

3.A

.

3.B

.

3.C

.

3.D

. 4.

Administratifs Résultat Mixtes Environnement

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également actuellement (notamment des panels d’allocataires de minima sociaux développés par la DREES et par la CNAF). L’ensemble de ces éléments est donc susceptible de concourir à un renforcement de l’articulation entre les indicateurs annexés au PNAI français et la liste des indicateurs communs d’inclusion sociale adoptés au sein du sous-groupe « Indicateurs » du Comité de la protection sociale. D’une certaine façon, les deux processus de rationalisation en cours, celui des indicateurs nationaux sous l’effet des facteurs qui viennent d’être mentionnés, et celui des indicateurs européens dans le contexte de l’adaptation de la méthode ouverte de coordination et de la révision de la stratégie de Lisbonne, devraient conduire à une correspondance plus étroite entre indicateurs nationaux et européens relatifs à la pauvreté et à l’exclusion sociale. La réflexion sur l’articulation entre les plans nationaux français pour l’inclusion sociale et la démarche de coopération européenne dans le domaine de la cohésion sociale peut enfin être enrichie d’une considération supplémentaire, prenant en compte le mouvement de décentralisation des politiques sociales, notamment en matière d’allocation du revenu minimum d’insertion, amorcé depuis 2002. Dans un contexte nouveau où ce sont les autorités locales qui jouent un rôle croissant dans la mise en œuvre des politiques d’inclusion sociale, et où de ce fait les pouvoirs publics nationaux voient leur rôle recentré sur l’évaluation et la régulation des pratiques locales, il serait logique que cette mission d’analyse des expériences locales s’appuie sur les acquis européens en matière d’échange des expériences nationales et d’identification des meilleures pratiques dans le domaine social. A coup sûr, une telle imprégnation indirecte et descendante des politiques sociales nationales par la méthode ouverte de coordination mise en œuvre à l’échelon européen est de nature à favoriser la convergence des jeux d’indicateurs sociaux utilisés aux plans national et communautaire.

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Insee Méthodes 156

ANNEXE59 n°1 : Les objectifs de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale adoptés par le Conseil européen de Nice Lors du sommet de Nice en décembre 2000, le Conseil européen a invité les États membres à présenter d'ici juin 2001 un plan national d'action dans le cadre d'objectifs communs, couvrant une période de 2 ans, et à définir des indicateurs et des modalités de suivi permettant d'apprécier les progrès accomplis. Dans cet esprit, l'ensemble des indicateurs du plan d’action national, dits nationaux, satisfont à l'exigence européenne d'une comparabilité accrue entre Etats membres tout en étant adaptés à la situation particulière de l’exclusion en France et au suivi des dispositifs administratifs propres à notre pays. Ils se situent en effet à l'articulation de la stratégie communautaire et de la démarche française, centrée autour de la loi d'orientation du 29 juillet 1998 de lutte contre les exclusions et de sa relance en juillet 2001 par un programme de prévention et de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. A proprement parler, les politiques communautaire et française interagissent, puisque les objectifs de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale arrêtés sous présidence française de l'Union au sommet de Nice – après l'impulsion de la démarche par la présidence portugaise au sommet de Lisbonne – reprennent très largement les volets de la loi d'orientation de 1998. Le plan de relance de 2001, axé sur le retour à l'emploi des personnes qui en sont les plus éloignées et l'accès aux droits fondamentaux, et le plan national d'action présenté par la France à l'Union européenne, ont été préparés de concert sous l'égide du ministère de l'emploi et de la solidarité (DGAS pour les mesures politiques, DREES pour les indicateurs). Les indicateurs de suivi et d'évaluation, demandés par le Conseil européen, répondent également au souhait exprimé par le rapport de l'Inspection générale des Affaires sociales sur le premier bilan de la mise en œuvre de la loi relative à la lutte contre les exclusions, en ce qui concerne la nécessité d'instruments permanents de suivi et d'évaluation. Les objectifs du plan d’action national sont construits autour de quatre piliers dont le premier, centré sur l'accès aux droits, se subdivise entre la thématique de l'emploi et les thématiques des ressources, biens et services. Le second pilier est de nature préventive (intervention avant l'apparition des situations d'exclusion), le troisième porte sur le traitement social d'urgence et la quatrième sur l'efficacité de la coordination entre acteurs. 1. Promouvoir la participation à l’emploi et l’accès de tous aux ressources, aux droits, aux biens et services 1.1. Promouvoir la participation à l’emploi Dans le contexte de la stratégie européenne pour l’emploi, et en particulier de la mise en œuvre des lignes directrices : a) Favoriser l’accès à un emploi durable et de qualité pour toutes les femmes et tous les hommes en situation de

travailler, notamment : i) en mettant en place pour les personnes appartenant aux groupes de population les plus vulnérables des

parcours d’accompagnement vers l’emploi et en mobilisant à cet effet les politiques de formation ; ii) en développant des politiques favorisant l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale, y

compris en matière de garde des enfants et des personnes dépendantes; iii) en utilisant les opportunités d’insertion et d’emploi de l’économie sociale. b) Prévenir les ruptures professionnelles en développant la capacité d’insertion professionnelle, grâce à la

gestion des ressources humaines, l’organisation du travail et la formation tout au long de la vie. 1.2. Promouvoir l’accès de tous aux ressources, aux droits, aux biens et services a) Organiser les systèmes de protection sociale de façon à ce que, en particulier : i) ils contribuent à garantir à toute personne les ressources nécessaires pour vivre conformément à la dignité

humaine ; ii) ils aident à surmonter les obstacles à la prise d’emploi en assurant que l’accès à l’emploi se traduise par

un revenu accru et en favorisant la capacité d’insertion professionnelle. a) Mettre en œuvre des politiques ayant pour objectif l’accès de chacun à un logement décent et salubre, ainsi

qu'aux services essentiels nécessaires, compte tenu du contexte local, à une existence normale dans ce logement (électricité, eau, chauffage...).

b) Mettre en œuvre des politiques ayant pour objectif l’accès de chacun aux soins nécessaires à son état de santé, y compris en cas de dépendance.

59 Annexe reprise de Caillot L., Lelièvre M. et Pétour P., 2002, « Les indicateurs de suivi et d’évaluation du plan national d’action contre la pauvreté et l’exclusion sociale » Dossiers Solidarité et Santé, n°2, avril-juin.

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c) Développer, à l’attention des personnes concernées, des prestations, des services ou des actions d’accompagnement permettant un accès effectif à l’éducation, à la justice et aux autres services publics et privés tels que la culture, le sport, les loisirs.

2. Prévenir les risques d’exclusion a) Exploiter pleinement le potentiel de la société de la connaissance et des nouvelles technologies de

l’information et de la communication et veiller à ce que personne n’en soit tenu à l’écart, en prêtant entre autres une attention particulière aux besoins des personnes handicapées.

b) Mettre en œuvre des politiques visant à éviter les ruptures dans les conditions d'existence pouvant conduire à des situations d'exclusion, notamment pour ce qui concerne les cas de surendettement, l’exclusion scolaire ou la perte du logement.

c) Mettre en œuvre des actions visant à préserver les solidarités familiales sous toutes leurs formes. 3. Agir pour les plus vulnérables a) Favoriser l'intégration sociale des femmes et des hommes risquant, notamment en raison de leur handicap ou

de leur appartenance à un groupe social éprouvant des difficultés particulières d'insertion, de se trouver confrontés à des situations de pauvreté persistante.

b) Aller vers l’élimination des situations d’exclusion sociale frappant les enfants et leur donner toutes les chances d’une bonne insertion sociale.

c) Développer des actions globales en direction des territoires confrontés à l’exclusion. Ces objectifs pourront être mis en œuvre par leur intégration dans l’ensemble des autres objectifs et/ou par des politiques et actions spécifiques.

4. Mobiliser l'ensemble des acteurs a) Promouvoir, selon les pratiques nationales, la participation et l’expression des personnes en situation

d’exclusion, notamment sur leur situation, sur les politiques et sur les actions développées à leur endroit. b) Assurer l’intégration de la lutte contre les exclusions dans l’ensemble des politiques, notamment : i) en mobilisant conjointement les autorités aux niveaux national, régional et local, dans le respect de leurs

compétences respectives ; ii) en développant des procédures et des structures de coordination appropriées ; iii) en adaptant les services administratifs et sociaux aux besoins des personnes en situation d’exclusion et en

sensibilisant à ces besoins les acteurs de terrain. c) Promouvoir le dialogue et le partenariat entre tous les acteurs publics et privés concernés, notamment : i) en impliquant les partenaires sociaux, les organisations non gouvernementales et les organisations de

services sociaux, dans le respect de leurs compétences respectives en matière de lutte contre les exclusions ;

ii) en encourageant la responsabilité et l’action de tous les citoyens dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ;

iii) en favorisant la responsabilité sociale des entreprises.

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SESSION 4 ÉVOLUTION ET RÉPARTITION DE LA VALEUR AJOUTÉE

ET DES REVENUS PRIMAIRES

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VERS UNE THÉORIE DU PARTAGE DE LA VALEURAJOUTÉE

PhilippeASKÉNAZY1 Paris Sciences Économiques, CEPREMAP, IZA

Résumé

Cette note propose une synthèse des connaissances théoriques et empiriques sur le partage primaire des revenus. Les économistes sont loins de disposer d’une théorie robuste compatible avec des faits stylisés remarquables. Des pistes de recherche sont proposées. Le partage de la valeur ajoutée entre le capital et le travail est au coeur de polémiques récurrentes depuis maintenant 20 ans en France. La baisse de la part du travail au milieu des années 1980 donne lieu à 2 interprétations bien différentes. D’un côté, ce ne serait qu’un retour à la « normale » historique et internationale n’appelant pas d’intervention particulière. D’un autre côté, elle traduirait une déformation durable qui soulignerait soit un déséquilibre pouvant appeler un rééquilibrage en faveur du travail et de la demande (Timbeau, 2002) soit un dysfonctionnement des institutions, notamment de la régulation du marché du travail (Blanchard, 2005). La question du partage n’est pas cantonnée à la France, l’effritement de la part du travail aux États-Unis soulève également la question d’une relance de la dynamique salariale au sein même de l’administration Bush. Le partage est également surveillé par les macroéconomistes ou les banques centrales. Ses évolutions sont des déterminants au moins de court terme non seulement du niveau de la demande mais aussi, à travers le taux de marge, de la rentabilité des entreprises, donc potentiellement du niveau d’endettement et d’investissement des entreprises et donc de la croissance. L’ensemble de ces débats ou analyses s’appuie implicitement ou explicitement sur l’idée qu’il existerait une «norme », ou « bon » partage, un partage « naturel », reflétant un équilibre du conflit capital/travail. Ce dernier peut être celui prévalant à une certaine période donnée ou encore celui d’un pays référence ou de la moyenne de l’OCDE. De fait, les approches non purement descriptives reposent sur des a priori, ce qui les expose de fait à des biais idéologiques. Pour objectiver l’analyse du partage, il faudrait non seulement s’entendre sur une définition du concept, cerner ses propriétés empiriques mais aussi disposer d’une théorie robuste. L’objectif de cette note est de synthétiser les principales connaissances empiriques comme théoriques autour du partage de la valeur ajoutée. Le corpus théorique demeure maigre mais plusieurs voies de recherche pourraient se révéler prometteuses. Une première section discute rapidement la définition du partage et tente de cerner les propriétés des séries temporelles de la part du travail ou du taux de marge. Une deuxième présente les principales théories. Une dernière s’interroge sur quelques pistes de recherche.

1 Définition et propriétés

Au premier abord, le partage de la valeur ajoutée ou le partage primaire du revenu semble une notion simple. Pour un euro de richesse créé, les travailleurs reçoivent α de rémunération et le restant 1 − α revient aux «capitalistes» :

1 Je tiens àr emercier les participants au 11ème colloque de l’ACN pour leurs remarques. [email protected]

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Néanmoins, ni le numérateur - rémunération - ni le dénominateur - valeur ajoutée - ne sont universellement définis.

1.1 La valeur ajoutée Même si on retient la valeur ajoutée aux prix des facteurs, cette dernière est particulièrement difficile à mesurer dans des pans entiers des services. Les sociétés financières posent un problème bien connu des comptables nationaux. Elles tirent une partie importante des services financiers non directement facturés au client, notamment à travers le différentiel entre leurs taux de crédit et les taux directeurs. En base française 80 ou 95, le choix des comptables nationaux avaient été d’exclure du dénominateur les Services Financiers Indirectement Mesurés. En nouvelle base les SIFIM finaux sont désormais intégrés dans la valeur ajoutée2. Un tel changement de convention peut avoir des conséquences importantes. Par exemple sur les États-Unis, une convention base 95 française donne un niveau de la part du travail restant dans une bande restreinte alors qu’une convention nouvelle base rend compte d’un effritement depuis 20 ans.

Graphique 1 : part du travail dans la valeur ajoutée aux États-Unis pour différentes approches des SIFIM (Source : Askenazy, 2003). Carrés : hors SIFIM (équivalent de la base 95 française). Triangles : avec SIFIM finals (équivalent de la nouvelle base française). Losanges : avec SIFIM finals et intermédiaires. Pour s’affranchir de ces difficultés, une solution souvent retenue est de ne considérer que les sociétés non financières. L’écueil est que la frontière financière versus non financière est de plus en plus insaisissable. Prenons une chaîne d’hypermarchés qui dispose d’une filiale bancaire. La plus grande part du placement des produits (crédits, cartes etc. ..) est réalisée en magasin par des salariés des hypermarchés et non de la filiale. Exclure du champ la filiale implique alors une sous-estimation de la valeur ajoutée produite en magasin. Plus globalement, de nombreuses questions de champ ne sont pas résolues : doit-on inclure les associations à but non lucratif, les sociétés nationalisées, les hôpitaux privés participant au service public de la santé et inversement les hôpitaux publics avec activité commerciale, etc. ?

2 La convention de la nouvelle base apparaît comme la plus cohérente économiquement (voir Askenazy(2003) pour une discussion)

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1.2 La rémunération du facteur du travail Côté numérateur, 2 questions majeures se posent. D’une part comment définir le partage pour les entrepreneurs individuels ? Ici aussi, leur exclusion n’est pas tenable, le fait d’être indépendant ou salarié étant une décision souvent exogène à la question du partage, par exemple liée à la fiscalité ou aux complexités administratives relatives. Ainsi la proportion des effectifs non salariés a été divisée par 2 en France ou en Allemagne depuis 1970, notamment avec le recul de l’agriculture, mais a pratiquement doublé en Grande- Bretagne. Aucune approche — par exemple, supposer un partage a priori fixe 2/3, 1/3 (Krueger, 1999) ou avec une clef complexe peu robuste (Canry, 2006), donner un salaire fictif estimé à partir de celui des salariés intervenant dans le même secteur (Askenazy, 2003) — n’est satisfaisante. Seule une enquête spécifique et longitudinale auprès de ces entrepreneurs permettrait d’obtenir une approximation plus convaincante. D’autre part, les cotisations sociales doivent-elles être intégrées à la rémunération du travail ? La plupart des auteurs les considèrent comme une rémunération indirecte ou différée, la prise en charge d’une assurance que les salariés auraient sinon à payer ou de frais potentiels à engager en cas de sinistres. Mais comment considérer les allègements de charges sociales ou la mise en place d’une TVA sociale, qui substituerait massivement un impôt aux cotisations ?

1.3 Des propriétés remarquables L’incertitude sur le calcul même du partage jette des doutes sur l’analyse des données notamment des séries temporelles. La stationnarité ou non des séries de partage est un élément empirique essentiel. Si elles sont stationnaires, on ne peut rechercher des déterminants non-stationnaires de court terme comme l’évolution des taux d’intérêt ou les prix du pétrole. Sur la France, l’Italie ou l’Allemagne les séries sont clairement non stationnaires. Pour le Royaume-Uni ou les États-Unis, on trouve, avec malheureusement peu d’observations, une stationnarité (Baghli et al., 2003). Mais, une modification acceptable des conventions peut donner une série non stationnaire pour les États-Unis sur les 30 dernières années (Ashkenazi, 2003). Rappelons qu’avec des données portant sur la période 1929 à 1954, Solow (1958) aboutissait à une conclusion similaire. Le partage de la valeur ajoutée possède cependant des propriétés de moyen et long terme remarquables. La première est, depuis que l’on dispose de séries de comptabilité nationale, une constance remarquable dans les pays industrialisés (si on exclut le Japon qui avait en 1970 encore 55 % des travailleurs non salariés). Le taux de marge en France comme aux États-Unis est globalement en 2000 égal à sa valeur du début du siècle dernier. Pour le Royaume-Uni, la constance a été observée dès 1900 pour une période débutant en 1860 par Sir Arthur Bowley dans son ouvrage Wages and Income in the United Kingdom since 1860, donnant ainsi naissance à cette “loi fondamentale” de la macroéconomie. Ce résultat est surprenant alors que nos économies ont connu des bouleversements avec la réduction drastique du poids de l’agriculture, le passage d’une économie industrielle à une économie de service, la décolonisation ou une révolution industrielle avec les technologies de l’information. En outre le partage 1/3, 2/3 semble quasi-universel d’un pays à un autre à une date donnée, alors que les structures économiques sont fort différentes et que l’on constate d’un secteur à un autre des taux de marges allant de 10 à 70 %. De fait, en travaillant sur données sectorielles assez détaillées (à partir du niveau 15 ou 30), on obtient que l’évolution des poids relatifs des secteurs dans l’économie n’influence pas le partage. Formellement, si βi,t est le poids du secteur i dans la valeur ajoutée à la date t, et mi,t est le taux de marge de ce secteur à la même date, alors pour u > t :

Le phénomène a, là aussi, été constaté en 1958 par Solow, ou dès 1938 sur données américaines et britanniques (Kalecki, 1938). Lorsque la part du travail monte, elle monte dans la plupart des secteurs ; ce ne sont pas les secteurs à forte part du travail qui croissent. Lorsqu’elle est plate alors que le poids d’un secteur à forte part pour le travail s’accentue, le poids d’un autre secteur à forte part travail diminue ou un secteur à forte part capital se développe. Cette mystérieuse propriété d’agrégation - composition que confirme les données récentes (par ex. sur les U.S., Young, 2005) et que l’on retrouve sur les séries françaises (calculs personnels non publiés) n’a donné lieu à

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pratiquement aucune analyse théorique. En revanche, la constance sur longue période est considérée comme une des “constantes fondamentales” de la macroéconomie et est interprétée théoriquement.

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2 Des théories insuffisantes

On peut distinguer 2 types d’approches : la première rendant compte d’un partage de long terme et la seconde cherchant les déterminations des fluctuations de court terme.

2.1 Modèle de long terme simple

2.1.1 La Cobb-Douglas En l’absence de rigidités sur les marchés des biens et du travail, une fonction de production avec une élasticité de substitution unitaire donne une part constante à chacun des facteurs. Une Cobb-Douglas homogène de degré 1

où Kt est le stock de capital, Lt le travail et Yt la valeur ajoutée, induit ainsi, chaque facteur étant rémunéré à sa productivité marginale w et r, des parts pour le travail et le capital :

La “théorie ” Cobb-Douglas est appuyée par les centaines d’estimations de fonctions agrégées de production en série temporelle ou bien en panel qui trouvent une valeur de α proche de 0,6, cohérente avec un partage “universel” 2/3, 1/3. Une des principales critiques de ce modèle est le fait que la plupart des estimations de l’élasticité de substitution capital/travail donnent des valeurs significativement en-dessous de l’unité entre 0,3 et 0,8 (Hamermesh, 1993 ; Krussell et al., 2000).

2.1.2 Progrès technique neutre au sens de Harrod Cette critique peut être levée en prenant une fonction de production F quelconque

où Mt est le progrès augmentant l’efficacité du capital et Nt le progrès technologique ou d’accumulation du capital humain améliorant l’efficacité du travail. Si le progrès technologique est purement “labor-augmenting”3 c’est-à-dire n’affecte pas Mt et que le ratio capital sur valeur ajoutée est constant alors le partage demeurera constant. Seuls des chocs sur le ratio capital/valeur ajoutée ou un progrès technologique biaisé dû par exemple aux dysfonctionnements du marché du travail (Blanchard, 2005), peuvent modifier le partage capital/travail. Des estimations empiriques confirment ce lien (Bentolila et Saint-Paul, 2003). Mais dans le cadre des modèles de croissance exogène ou endogène classique, une trajectoire équilibrée4 de croissance commande des croissances au même taux de la valeur ajoutée et du stock de capital, ce qui assure une constance du partage.

3 Si le travail est hétérogène - qualifiés/non qualifiés par exemple, la propriété demeure même si le progrès technologique affecte différemment les 2 types de travail (Bentolila et Saint-Paul, 2003). 4 On peut obtenir un partage constant également lorsque le taux de croissance est asymptotiquement nul (Drandakis et al., 1966).

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La critique est là évidente : pourquoi le progrès technologique n’améliorerait que les performances du travail ? Par exemple, pourquoi les progrès rapides des TIC ne seraient-ils pas incorporés ?

2.2 Progrès technologique induit La nature du progrès technologique a donné lieu à une dynamique littéraire théorique dans les années 1960 (par exemple, Drandakis et Phelps (1966) ou Samuelson (1965)). L’idée de ces modèles est de considérer que les choix technologiques des entreprises sont dirigés par les déformations de leur structure de coûts. Or à niveau technologique fixe, le capital s’accumule et le coût du travail tend à augmenter (revendications sociales, etc. ..). Avec une élasticité de substitution inférieure à 1, cette mécanique induit une augmentation du poids du travail dans les coûts. Cela pousse les entreprises à adopter des technologies économes en travail, donc labor-augmenting. Cette approche est relativement tautologique. Pour assurer un partage constant des coûts, donc de la valeur ajoutée, les entreprises choisissent des technologies qui induisent un partage constant. Presque 40 ans plus tard, Acemoglu (2003) relance cette idée en l’introduisant dans un modèle de croissance endogène générique où les entreprises de R&D orientent la recherche vers le capital ou vers le travail. L’unique asymétrie entre le travail et le capital est le fait que le capital, contrairement au travail, s’accumule. Des calculs lourds mais élémentaires permettent de montrer qu’une trajectoire de croissance stable, du fait de cette asymétrie, ne peut exister que si le progrès incorporé au capital n’est que transitoire. Acemoglu (2003) contient un autre résultat intéressant que nous verrons dans la section 2.3. Mais ce modèle souffre d’un handicap important. Une trajectoire stable n’existe que s’il n’existe pas d’externalité positive entre la recherche “labor-augmenting” et la recherche “capital-augmenting”. Si une externalité positive existait, de gros progrès côté travail rendraient rentable une R&D côté équipement. Cette limite importante au modèle ne signifie pas que cette voie de recherche est à abandonner. Il faudrait construire une théorie s’affranchissant de cette hypothèque. Il demeure que l’ensemble de ces modèles de technologie induit un partage constant avec une élasticité de substitution capital-travail inférieure à l’unité... mais constante. Il convient alors de justifier cette propriété.

2.3 Les déterminants de court terme du partage Une littérature fournie et convergente, théorique comme empirique, a analysé les déterminants des fluctuations de court terme voire de moyen terme du partage primaire. Le modèle canonique pose une fonction de production CES avec élasticité de substitution inférieure à l’unité auquel se rajoute de nombreux ingrédients. Prigent (1999) ou Bentolila-Saint-Paul (2003) en recensent les plus classiques : - le taux de marge est croissant avec le coût du capital, l’élasticité de substitution entre capital et travail étant inférieure à 1. Ce coût lui-même est décroissant en l’inflation anticipée et croissant en les taux d’intérêt. - Lorsque la combinaison productive incorpore les consommations intermédiaires ou, plus particulièrement, l’énergie comme facteur de production, alors la frontière de prix des facteurs relie le coût du capital, le coût du travail et le prix de ce troisième facteur supposé exogène (par exemple parce que le prix de ce troisième facteur est largement influencé par un prix étranger). Le niveau d’équilibre du taux de marge dépend alors de l’hypothèse de substituabilité retenue entre ce troisième facteur et les deux autres. Dans le cas d’une élasticité de substitution non-unitaire avec au moins un des deux autres facteurs, le prix relatif de ce troisième facteur influence le taux de marge d’équilibre. - Dans un cadre de concurrence monopolistique, où les entreprises disposent d’un pouvoir de marché leur permettant de rémunérer les facteurs de production en-dessous de leur productivité marginale à l’équilibre, le taux de mark-up (indicateur du pouvoir de marché des entreprises) devient un déterminant du partage. Si le mark-up est par exemple contracyclique, alors la part des salaires tend à être pro-cyclique.

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- Le coin social, i.e. les prélèvements sociaux expliquant l’écart entre le coût du travail et le salaire net, peut également intervenir si la taxation du facteur travail est considérée par les travailleurs comme un prélèvement au lieu d’un revenu différé, une prime d’assurance. - Si la technologie est putty-clay et la durée de vie des équipements de longue durée, le délai d’ajustement du capital à un choc induit des déformations transitoires du partage. - La flexibilité des salaires peut être également très progressive, en particulier si les salaires sont indexés sur les prix à la consommation. Cet argument est l’une des principales raisons évoquées pour expliquer la hausse puis la baisse de la part du travail consécutives aux deux chocs pétroliers constatés en France (Artus et Cohen, 1997). - Dernier facteur, le pouvoir de négociation des salariés ou des syndicats. Plus le pouvoir est important, plus les rentes sont accaparées par les travailleurs, notamment les insiders (Layard et al., 1991). Cette idée n’est guère différente de celle du conflit capital/travail. Une phase de désyndicalisation peut ainsi induire une chute de la part du travail dans la valeur ajoutée. L’ensemble de ces liens ont été testés sur séries temporelles, du moins pour des pays comme la France ou l’Allemagne où le partage est clairement non stationnaire. Au total, on a les résultats suivants. Globalement les prédictions théoriques se vérifient (voir par exemple Baghli et al., 2003). Au total, on a les résultats suivants :

Lecture : + (resp. -) signifie un lien théorique positif (resp. négatif) ou une corrélation empirique positive (pas nécessairement significative) L’approche dynamique d’Acemoglu (2003) permet de compléter cette littérature. En particulier, il montre que des politiques influençant exogènement le coût relatif du capital ou du travail ne peuvent avoir d’effet de long terme sur le partage. Par exemple si le coût du capital augmente, alors l’effort de recherche se déplace vers des technologies économes en capital. Globalement plus une économie est technologiquement réactive, moins les principaux déterminants de court terme ont d’influence. Cette prédiction n’a, à ma connaissance, jamais été testée. Elle permettrait pourtant d’expliquer la plus grande stabilité du partage chez un champion de la R&D et de la réactivité comme le Royaume Uni.

3 Des pistes de recherche

La faiblesse du corpus théorique suggère de s’attaquer à des pistes de recherche alternatives. En particulier, cette section propose quelques approches qui pourraient mériter d’être explorées.

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3.1 Une croyance auto-réalisatrice Si le modèle de court-terme du partage capture des mécaniques réelles, de fait, les acteurs économiques, et en particulier les banquiers centraux, ont capacité à influer le partage de la valeur ajoutée. De même, les individus peuvent se mobiliser. Or il existe une croyance forte, même hors du milieu des économistes, dans l’existence qu’un bon équilibre du partage de la valeur ajoutée est l’équilibre historique. En gros, la constante macroéconomique se doit d’être respectée sous peine de défavoriser l’investissement ou bien de plomber la demande. Dans ce cadre, les décisions des banquiers centraux ou des gouvernements seraient de rétablir le partage en cas de déviation du 1/3, 2/3 et cela sans véritable connection avec les fondamentaux économiques. Une telle a-théorie pourrait être testée sur séries temporelles. Par exemple, les modifications des taux d’intérêt sont-elles liées à des déformations ex-ante du partage, induisant un retour ex-post à la constante de Bowley ?

3.2 Conflit capital/travail endogène Le rapport de force entre les employeurs et les salariés est un des déterminants du partage primaire du revenu. Une hausse du pouvoir de négociation des salariés est porteur d’une baisse du taux de marge. Or le pouvoir de négociation est endogène au choix d’engagement des salariés, notamment leur adhésion syndicale ou leur participation à des conflits. Si on considère que ce degré d’engagement dépend positivement du degré d’ « équité » ressenti dans le partage de la valeur ajoutée, alors l’endogénéisation du pouvoir de négociation offre un modèle de retour à l’«équilibre » du partage. Ainsi, une déformation en faveur du capital entraînerait une forte mobilisation des salariés pour retrouver une rente à sa valeur initiale. Et inversement. Un tel modèle pourrait ainsi rendre compte à la fois de l’effondrement de la syndicalisation en France dans les années 1980 et la baisse de la part du travail et son retour à des valeurs proches de celles des années 1960 : les déséquilibres notamment macro des années 1970 auraient impliqué une hausse de la part du travail qui elle-même aurait entraîné un désengagement de salariés conscients de récupérer une part importante des rentes. Le conflit capital/travail serait ainsi endogènement constant, au sens impliquant une constance du partage. Là aussi, un travail sur séries temporelles de partage et de syndicalisation ou de conflits du travail pourrait valider ou infirmer cette hypothèse.

3.3 Des modèles “physiques”5 La constante 1/3 ne se rencontre pas qu’en économie. Les physiciens et les mathématiciens l’ont mise en évidence pour les surfaces solides en croissance. Considérons une surface sur laquelle se déposent des atomes ou des molécules semblables. Les dépôts suivent un processus stochastique. Ils sont asymptotiquement indépendants. Progressivement se créent à la surface des sommets et des vallées (voir illustration 4). La morphologie de ces surfaces présente des propriétés d’échelle remarquables. En particulier si k est le nombre de particules déposées, les expériences comme les travaux théoriques montrent, et cela pour tous les matériaux et pour tous les processus de dépôt aléatoire, que la hauteur moyenne des sommets par rapport au fond de vallée h est proportionnelle à

et la distance entre 2 sommets d est proportionnelle à

En particulier, si les pentes des montagnes demeurent constante i.e. h/d constant alors β = α = 1/3 ...Si on imagine que le processus d’accumulation du capital est fondamentalement stochastique, asymptotiquement indépendant et qu’une “montagne de capital” constitue une entreprise ou une activité économique, on obtiendrait une fonction de production agrégée Cobb-Douglas avec coefficient 1/3 pour le capital. La propriété d’agrégation/composition serait également vérifiée. Evidemment cette analogie demande un important travail d’approfondissement pour être étayée, mais ouvre une perspective aussi étonnante que les propriétés du partage.

5 Cette section est issue de réflexions menées avec Thierry Bodineau (CNRS, Universités Paris 6-7).

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Au total, tant sur le plan théorique qu’empirique, le partage de la valeur ajoutée est loin d’avoir révélé ses mystères, ce qui commande une poursuite des recherches dans le domaine.

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Bibliographie

Acemoglu, D., 2003,“Labor and Capital Augmenting Technical Change”, Journal of the European Economic Association, vol. 1 (1), pp 1-37. Artus P., D. Cohen, 1997, Partage de la valeur ajoutée, Rapport du CAE N◦2,. Paris : la documentation Française. Askenazy, P., 2003, “Partage de la valeur ajoutée et rentabilité du capital : une réévaluation”, Economie et Statistique, n◦ 363-364-365, pp 167-189. Baghli, M., G. Cette, A. Sylvain, 2003, “Les déterminants du taux de marge en France et quelques autres grands pays”, Economie et Prévision, n◦ 158, pp 1-25. Canry N., “La part salariale dans le PIB en France : comment corriger au mieux le phénomène de la salarisation croissante de l’emploi”, Communication dans ce colloque. Bentolila, S., G. Saint-Paul, 2003, “Explaining Movement in the Labor Share”, Contributions to Macroeconomics, vol. 3 (1). Blanchard, O., 2005, “European Unemployment: the Evolution of Facts and Ideas”, NBER WP n◦ 11750, nov. Drandakis, E., E. Phelps, 1966, “A Model of Induced Invention, Growth and Distribution”, The Economic Journal, vol. 76 (304), pp 823-840. Hamermesh, D., 1993, Labor Demand, Princeton UP : Princeton Kalecki, M., 1938, “The Determinants of Distribution of the National Income”, Econometrica,vol. 6 (2), pp 97-112. Krueger A., 1999. "Measuring Labor’s Share", NBER Working Papers 7006 Krussell, P., L. Ohanian, V. Rios-Rull, G. Violante, 2000, “Capital Skill Complementary and Inequality, Econometrica, vol. 68, pp 223-274. Layard R., S. Nickell R. Jackman, 1991, Unemployment. Macroeconomic Performance and the Labour Market, Oxford University Press : Oxford. Prigent C., 1999, “La part des salaires dans la valeur ajoutée en France : une approche macroéconomique”, Economie et Statistiques, n◦ 323, pp 73-94. Samuelson, P., 1965, “A theory of Induced Innovation along Kennedy-Weisacker Lines”, The Review of Economics and Statistics, vol. 47 (4), pp 343-356. Solow, R., 1958, “A skeptical Note on the Constancy of Relative Shares”, American Economic Review, vol. 48 (4), pp 618-631. Timbeau X., 2002, “Le partage de la valeur ajoutée en France”, Revue de l’OFCE, n◦ 80, pp 63-86. Young, A., 2005, “One of the Things We know that Ain’t So : Why US Labor’s Share in not Relatively Stable”, miméo University of Mississipi.

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PARTAGE DE LA VALEUR AJOUTÉE : ÉLÉMENTS DESCRIPTIFS ET COMPARAISONS INTERNATIONALES

Arnaud SYLVAIN Ceders, Université de la Méditerrannée

Résumé

L’adoption de nouvelles conventions pour calculer des indicateurs de partage de la valeur ajoutée conduit à relativiser deux faits stylisés communément admis. - En France, la part des profits dans la valeur ajoutée ne présente pas de tendance à la hausse depuis le début

des années quatre-vingts. La part des profits dans la valeur ajoutée est relativement stable depuis le début des années quatre-vingt-dix et s’établit à un niveau proche de celui du début des années soixante-dix.

- La différence entre les pays continentaux européens et certains pays anglo-saxons est largement atténuée. Le profil moins heurté du partage de la valeur ajoutée dans certains pays « anglo-saxons » peut s’expliquer par des évolutions du partage de la valeur ajoutée dans le secteur « pétrolier ». Hors secteur pétrolier, les fluctuations du partage de la valeur ajoutée dans ces pays se rapprochent de celles constatées dans les pays continentaux européens.

Le partage de la valeur ajoutée s’inscrit généralement dans le cadre de réflexions sur les inégalités sociales ou la croissance économique et le chômage. - La question de l’inégalité sociale reste souvent posée en termes d’opposition entre capital et travail, profits

et salaires. Dans ce cadre, le partage de la valeur ajoutée est considéré comme reflétant l’état du rapport de forces entre capitalistes et travailleurs et résultant d’un « pur conflit redistributif. »

- Le salaire représente la majeure partie du revenu des salariés et influence directement la consommation ; la rémunération du capital est à la base de la formation du profit qui constitue pour les entreprises l’un des modes de financement des investissements. Le partage de la valeur ajoutée peut donc se révéler préjudiciable à la croissance s’il conduit à un déficit d’investissement.

- Les évolutions du partage de la valeur ajoutée sont souvent rapprochées de celles du chômage : différents travaux se sont ainsi attachés à les expliquer simultanément (Blanchard, 1997 ; Caballero et Hammour, 1998) et ont montré que le profil du partage de la valeur ajoutée reflétait les rigidités du marché du travail à l’origine des évolutions du taux de chômage.

Les travaux visant à déterminer le partage de la valeur ajoutée le plus favorable à la croissance reposent sur l’hypothèse de l’existence d’un partage optimal. S’il est couramment admis que ce partage est stable à très long terme, il n’existe pas de théorie normative consensuelle permettant de définir le partage de la valeur ajoutée souhaitable à un horizon plus rapproché de court ou moyen terme. Afin de disposer d’éléments d’appréciation, il semble alors utile de recourir à des analyses descriptives et comparatives. De telles analyses ne se substituent pas à des analyses théoriques mais permettent, par le jeu des comparaisons, de mettre en perspective les évolutions du partage de la valeur ajoutée et d’isoler certains faits stylisés. Elles sont un préalable nécessaire aux analyses théoriques. De nombreuses analyses descriptives et comparatives des évolutions du partage de la valeur ajoutée en France et dans d’autres grands pays industrialisés ont déjà été réalisées (Cette et Mahfouz, 1996 ; Blanchard, 1997 ; Sylvain, 1998 ; De Serres, Scarpetta et de La Maisonneuve, 2002 ; Askénazy, 2003). La plupart des travaux convergent pour mettre en lumière une distinction entre les pays d’« Europe continentale » et les pays « Anglo-saxons », qui s’expliquerait notamment par des fonctionnements différenciés des économies. - Les pays du premier groupe connaîtraient une dérive temporelle du partage de la valeur ajoutée en faveur

des profits alors que les pays « anglo-saxons » se caractériseraient par une relative stabilité du partage de la valeur ajoutée ;

- Les pays d’« Europe continentale » auraient été affectés de manière prolongée par les mouvements des prix du pétrole et le ralentissement des gains de productivité du travail au cours des années soixante-dix et

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quatre-vingts en raison de rigidités salariales, alors que les pays « anglo-saxons » auraient absorbé ces chocs de coût plus rapidement.

Certaines études soulignent cependant la fragilité des indicateurs mobilisés et des diagnostics qui en découlent (Cette et Mahfouz, 1996 ; Askénazy, 2003). La divergence d’appréciation à laquelle conduit le calcul d’un taux de marge sur les seules «sociétés non financières » dans le cas de la France ainsi que la pertinence de la séparation entre pays « européens » et pays « anglo-saxons » sont ainsi parmi les interrogations n’ayant pas abouti à des réponses claires. De plus l’apparente flexibilité des économies « anglo-saxonnes » pourrait masquer des transferts de richesses entre le secteur « pétrolier » et le reste de l’économie. A partir d’indicateurs reposant sur diverses hypothèses de construction, l’objet de cette étude est d’essayer d’apporter des éléments de réponse aux interrogations suivantes : quelle est l’origine des divergences entre les taux de marge calculés sur le champ des sociétés non financières et le secteur marchand pour la France ? La distinction entre pays « européens » et « anglo-saxons » est-elle pertinente ? Quel est le rôle des transferts de richesses entre le secteur « pétrolier » et le reste de l’économie dans l’apparente flexibilité6 du partage de la valeur ajoutée des pays anglo-saxons ? La première partie présentera les conclusions des analyses descriptives du partage de la valeur ajoutée et les principaux points de divergence. Ensuite, les indicateurs de partage de la valeur ajoutée mobilisés pour la suite de l’analyse et les hypothèses sur lesquelles ils reposent seront détaillés. La troisième partie évaluera l’impact des hypothèses retenues sur les indicateurs. La quatrième partie s’interrogera sur les divergences de diagnostic concernant les évolutions du partage de la valeur ajoutée en France. La cinquième partie comparera les évolutions des indicateurs dans les neuf pays retenus (États-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Canada, Italie, Norvège, Danemark) et la sixième s’interrogera sur l’impact du secteur de l’énergie sur le profil du partage de la valeur ajoutée. La septième partie approfondira l’analyse descriptive en proposant une décomposition comptable des évolutions du partage de la valeur ajoutée.

1 Depuis 1970, la part des profits dans la valeur ajoutée s’accroît tendanciellement dans les pays d’Europe continentale et reste stable dans les pays Anglo-Saxons

La plupart des travaux s’accordent pour reconnaître qu’en France, la part des profits dans la valeur ajoutée (le taux de marge) a fortement diminué au cours de la décennie soixante-dix avant de se redresser continûment jusqu’au début des années 2000, dépassant nettement son niveau du début des années soixante-dix à la fin des années quatre-vingt-dix (Artus et Cohen, 1998 ; Cotis et Rignols, 1998 ; Blanchard, 1997, 1998 ; Caballero et Hammour, 1998). L’affaissement de la part des profits dans la valeur ajoutée au cours de la décennie soixante-dix est généralement expliquée par un retard d’ajustement des salaires aux effets cumulés des chocs pétroliers et des ralentissements de gains de productivité. La hausse qui a suivi est allée au-delà d’une simple correction. Elle serait liée à une diminution du pouvoir de négociation des syndicats (Blanchard 1997 ; Blanchard et Giavazzi, 1999), à une baisse des prix de l’énergie (Cotis et Rignols, 1998), à une substitution du capital au travail (Caballero et Hammour, 1998), ou encore à l’apparition d’un progrès technique économe en main d’œuvre. Les comparaisons internationales d’indicateurs de partage de la valeur ajoutée (Blanchard, 1997 ; Sylvain 1998) conduisent à isoler deux groupes de pays : d’un côté les pays d’« Europe continentale » où le partage de la valeur joutée présente un profil heurté et pour certains une tendance à la hausse ; de l’autre, les pays « Anglo-saxons » 7, où le partage de la valeur ajoutée fluctue autour d’un niveau relativement stable. Comme le souligne Timbeau (2003), cette opposition est généralement expliquée par « des fonctionnements économiques opposés : d’un côté, des économies flexibles, concurrentielles, où le partage de la valeur ajoutée et le chômage fluctuent autour de valeurs de référence stables et acceptables. De l’autre côté, les pays européens englués dans des structures inadaptées à l’économie mondiale, qui connaissent d’importantes déviations du partage de la valeur ajoutée, traduisant un dysfonctionnement que l’on retrouve trait pour trait dans les évolutions du chômage. » 6 On considère le partage de la valeur ajoutée comme flexible lorsque celui-ci connaît des fluctuations rapprochées et d’ampleur limitée autour d’un niveau de référence stable. 7 Cette terminologie a notamment été utilisée par Blanchard (1997). Dans ses travaux, les pays d’« Europe Continentale » comprenaient l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la France, l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas et la Suède ; les pays « Anglo-Saxons » étaient composés du Canada, des Etats-Unis, et du Royaume-Uni.

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Plusieurs travaux relativisent néanmoins ces conclusions. - Cette et Mahfouz (1996) et Baghli, Cette, Sylvain (2003) montrent que sur le champ des seules sociétés non

financières, la part des profits progresse au cours des années quatre-vingts avant de se stabiliser depuis le début des années quatre-vingt-dix.

- Askénazy (2003) met en évidence l’impact du champ et des conventions retenues. Il montre que la hausse de la part des profits en France ainsi que la stabilité du partage de la valeur ajoutée aux Etats-Unis sont fortement dépendantes des conventions méthodologiques retenues et qu’on ne peut exclure des évolutions proches du partage de la valeur ajoutée dans ces deux pays au cours des vingt dernières années. A l’opposé du consensus établi, il conclut ainsi que « Plus qu’une divergence, une approche qui s’emploie à s’affranchir d’une partie de ces écueils [les difficultés techniques dans la comparaison des économies françaises et américaines] suggère une nette convergence du partage de la valeur ajoutée au niveau macroéconomique mais aussi au niveau sectoriel depuis la fin des années 1970. »

- De Serres, Scarpetta et de la Maisonneuve (2002) ne remettent pas en cause la déformation du partage de la valeur ajoutée en faveur de la rémunération du capital dans les pays d’Europe continentale, mais ils montrent qu’elle s’explique essentiellement par des modifications de composition sectorielle (un « biais d’agrégation »).

Ces remises en causes invitent à une réflexion sur la méthode de construction des indicateurs de partage de la valeur ajoutée afin d’essayer d’apporter des éléments de réponse concernant l’évolution tendancielle du partage de la valeur ajoutée en France ainsi que la pertinence de la séparation entre pays « européens » et « anglo-saxons ».

4 Construire des indicateurs de partage de la valeur ajoutée

Des indicateurs de partage de la valeur ajoutée8 ont été construits pour neuf pays (Etats-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Canada, Italie, Norvège, Danemark) sur la période 1970-20029. Le choix de la période est justifié par la nécessité de disposer d’une vision de moyen-long terme. Le choix des pays a été guidé par la disponibilité des données. Les données mobilisées proviennent essentiellement de la base ANA (Annual National Accounts) de l’OCDE, qui fournit des données de branches selon un découpage homogène depuis 1970. Lorsque les données n’étaient pas disponibles dans cette base où étaient incomplètes, les comptes nationaux des pays ont été directement mobilisés. Une description détaillée des données et de la construction des indicateurs de partage de la valeur ajoutée est présentée en annexe (Annexe 2). L’indicateur de partage de la valeur ajoutée retenu est la part des profits dans la valeur ajoutée, ou taux de marge, correspondant au rapport de la rémunération du capital à la valeur ajoutée. Il est calculé en retenant une approche au coût des facteurs (encadré 1). Les principales différences entre les indicateurs construits dans cette étude et ceux qui se retrouvent fréquemment dans la littérature sont les suivantes : le champ retenu est celui du secteur marchand non agricole alors que le champ habituellement considéré est le secteur privé (l’ensemble de l’économie hors administrations publiques) ; à la suite de de Serres et alii. (2002) et d’Askénazy (2003), la correction de la non salarisation est réalisée par branche ; les loyers fictifs sont retirés de la valeur ajoutée. L’hypothèse que les Services d’Intermédiation Financière Indirectement Mesurés10 (SIFIM) représentaient entièrement une consommation intermédiaire a été retenue. Ils sont intégralement retirés de la valeur ajoutée au coût des facteurs. La nécessité de retraiter les SIFIM est justifiée par la nécessité d’avoir des séries longues homogènes11. Ce n’est en effet que tout récemment que les pays concernés ont publié des comptes avec des SIFIM proprement répartis selon leurs emplois respectifs (consommation intermédiaire, consommation finale, exportation). 8 L'étude porte sur le partage de la valeur ajoutée brute, et non de la valeur ajoutée nette (i.e. des amortissements, appelés “consommation de capital fixe”). La consommation de capital fixe fait partie de la rémunération du capital. 9 2001 pour le Canada. Pour l’Allemagne, l’analyse est réalisée pour l’Allemagne de l’Ouest sur la période 1970-1991, et pour l’Allemagne sur la période 1991-2002. 10 Les intermédiaires financiers facturent une partie des services rendus à leur clientèle et se rémunèrent également en prenant une marge de taux d’intérêt sur les dépôts de leur clientèle et sur les prêts qu’ils leur accordent. Les SIFIM visent à évaluer cette rémunération. 11 Ce point a déjà été souligné dans des travaux antérieurs (Sylvain, 1998 ; Askénazy, 2003).

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Insee Méthodes 174

Valeur ajoutée au prix du marché et au coût des facteurs

Les indicateurs de partage de la valeur ajoutée dépendent de la notion de valeur ajoutée retenue12. Si on ignore les transferts avec l’État et suppose que la valeur ajoutée (VA) est obtenue à partir de deux facteurs de production, travail et capital fixe, celle-ci est répartie entre les deux facteurs de production :

VA = Rémunération du travail + Rémunération du capital

En réalité, les administrations publiques (APU) interviennent en versant des subventions et en prélevant des taxes assises sur la production. Deux approches se distinguent alors dans la définition de la valeur ajoutée : 1) Soit on considère la valeur ajoutée y compris les prélèvements indirects nets des APU, c'est-à-dire au prix effectivement payé par l’acquéreur. On parle alors de valeur ajoutée au prix de marché (VAPM) qui se partage en trois composantes : la rémunération du travail (RTRAV), celle du capital (RCAP), et les prélèvements indirects nets des APU (PIN_APU) :

VAPM = RTRAV + RCAP + PIN_APU

En France et dans les pays européens ayant adopté le SEC 95 (la nouvelle base 95), la valeur ajoutée n’est plus évaluée au prix de marché mais au prix de base (VAPB). Seul le PIB reste évalué au prix de marché. La valeur ajoutée au prix de base correspond à la valeur ajoutée au prix de marché diminuée des impôts sur les produits et augmenté des subventions sur les produits (Eurostat, 1996 ; Lequiller, 1998). Si on considère la valeur ajoutée au prix de base, on alors la relation suivante, en notant PIN_APU_B les prélèvements indirects nets des APU non compris les impôts sur les produits et les subventions sur les produits :

VAPB = RTRAV + RCAP + PIN_APU_B

2) Soit on s’intéresse à la valeur ajoutée hors prélèvements indirects nets des APU. La valeur ajoutée au coût des facteurs (VACF) est alors exactement la somme des rémunérations des facteurs :

VACF = VAPM – PIN_APU = RTRAV + RCAP

La valeur ajoutée au coût des facteurs peut varier selon la logique prévalant à l’évaluation empirique du partage de la valeur ajoutée. - Dans une logique de répartition, visant à décrire comment la valeur ajoutée se partage entre rémunération

du travail et rémunération du capital, les taxes et impôts indirects dont l’assiette est la masse salariale ne sont pas une composante de la rémunération du travail et ne sont donc pas intégrés dans la valeur ajoutée. Cette logique est plus adaptée que la suivante aux analyses portant sur l’offre de facteurs ou la croissance ;

- Dans une logique de coûts visant à décrire comment se modifie la structure des coûts du travail et du capital dans la production de la valeur ajoutée, les prélèvements des administrations publiques ne doivent inclure que les prélèvements neutres du point de vue du coût des facteurs. Ainsi, les taxes et impôts indirects dont l’assiette est la masse salariale sont une composante du coût du travail et sont donc à ce titre intégrés dans la valeur ajoutée. Cette seconde logique s’articule mieux que la précédente avec les analyses en lien avec les demandes de facteurs, par exemple celles concernant les phénomènes de substitution entre facteurs de production ou la productivité de ces mêmes facteurs. En pratique, du fait des limites inhérentes à l’information statistique, les indicateurs construits sont intermédiaires entre ces deux approches.

L’appréciation du niveau et des évolutions du partage de la valeur ajoutée dépend donc de la définition de la valeur ajoutée retenue. Afin de s’articuler pleinement avec les analyses étudiant la substitution entre facteurs et leur productivité, la rémunération du travail devrait correspondre au coût du travail et la valeur ajoutée devrait être une valeur ajoutée marchande. Le choix de se limiter à un champ marchand est lié au mode de détermination de la valeur ajoutée non marchande : celle-ci n’est pas évaluée en terme de prix mais au coût supporté. La rémunération du travail a été limitée à la seule rémunération des salariés (plus une estimation du coût du travail des non salariés). Elle ne correspond pas exactement au coût du travail puisqu’elle omet d’éventuels modes de rémunération innovants (Askénazy, 2003). Cela peut fragiliser l’analyse mais est rendu inévitable par la difficulté d’isoler le coût du travail dans le cadre d’une analyse comparative reposant sur des systèmes de comptabilité nationale hétérogènes. 12 On reprend ici la présentation de Cette et Mahfouz, 1996.

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Le champ économique retenu est défini à partir de données de branches. Il correspond à un secteur marchand non agricole calculé comme l’ensemble de l’économie hors les branches de l’agriculture, de l’administration générale et de la défense, de l’éducation, de la santé et l’action sociale. Ce secteur représente aux alentours de 80% de la valeur ajoutée dans la plupart des pays, cette part étant plus faible en Norvège et au Danemark (de l’ordre de 70%) et proche de 90% au Japon (tableau 1). Le choix de retirer l’éducation, la santé et l’action sociale est motivé par la volonté de retenir un champ marchand homogène en terme de branches. Comme ces secteurs sont à des degrés divers le lieu de productions non marchandes, ils ont été retirés du champ d’analyse. La branche « agriculture » a été retirée en raison du nombre important de non salariés qu’elle contient. Lorsque le champ étudié inclut des non salariés, il est nécessaire d’évaluer leur rémunération : en comptabilité nationale, leur revenu global, appelé « revenu mixte », inclut des éléments de rémunération du travail qui ne sont pas distingués du profit de l’entrepreneur. Cette évaluation est d’autant plus nécessaire que la part des non salariés dans l’emploi total diffère sensiblement selon les pays. Sur la période 1970-2002, ceux-ci représentent en moyenne 8,5% de l’emploi total aux États-Unis contre 27,1% en Italie. De plus, comme la part des non salariés dans l’emploi total s’est modifiée depuis trente ans (tableau 2), la correction de la non salarisation a un effet sur la dynamique du taux de marge. Plusieurs hypothèses ont été proposées pour évaluer la rémunération des non salariés (Krueger, 2000). La plus courante consiste à affecter à chaque non salarié une rémunération correspondant à la rémunération moyenne des salariés. Mais cette correction globale ne permet pas de tenir compte de l’évolution de la composition sectorielle des non salariés. Une méthode qui semble plus adéquate (de Serres et alii., 2002 ; Askénazy, 2003) consiste à affecter à chaque non salarié la rémunération moyenne des salariés de la branche à laquelle il appartient.

Tableau 1 Poids du « secteur marchand non agricole »

En % de la valeur ajoutée au coût des facteurs 1970-2002*Etats-Unis 76,0Japon 88,4Allemagne de l’Ouest 81,9Allemagne 81,5Royaume-Uni 81,3France 77,1Italie 80,8Canada 77,6Norvège 67,6Danemark 73,5Note de lecture : dans ce tableau, les SIFIM sont distribuées selon les branches proportionnellement à la valeur ajoutée *1970-2001 pour le Canada ; 1970-1991 pour l’Allemagne de l’Ouest ; 1991-2002 pour l’Allemagne

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Insee Méthodes 176

Tableau 2 Le poids des non salariés dans l’emploi total

En % 1970-1979 1980-1989 1990-2002* 1970-2002**Etats-Unis 8,7 8,9 8,1 8,5Japon 29,5 23,2 17,3 22,8Allemagne de l’Ouest 14,1 11,3 10,4 12,5Allemagne 10,2 10,2Royaume-Uni 8,7 11,2 12,9 11,1France 18,1 15,1 10,6 14,2Italie 27,0 27,9 26,6 27,1Canada 10,4 10,0 10,9 10,4Norvège 15,1 11,9 8,7 11,6Danemark 14,6 11,1 8,1 11,0

*jusqu’en 2001 pour le Canada ; à partir de 1991 pour l’Allemagne ; 1990-1991 pour l’Allemagne de l’Ouest ; **1970-2001 pour le Canada ; 1970-1991 pour l’Allemagne de l’Ouest ; 1991-2002 pour l’Allemagne

Le retrait de la branche agriculture est lié au nombre important de non salariés qu’elle incorpore et aux conséquences auxquelles la correction de la non salarisation peut conduire (tableau 3). - Excepté au Royaume-Uni, cette branche inclut en moyenne entre 17% (aux États-Unis) et 46% (en

Norvège) des non salariés. Plus du tiers des non salariés appartiennent à cette branche au Japon, en France, au Danemark, en Norvège, voire en Allemagne. Retirer cette branche permet d’atténuer l’impact de la correction de la non salarisation.

- Les non salariés représentent en moyenne une part importante de l’emploi total de cette branche (entre 45,8% aux États-Unis et 84,6% au Japon). Cela conduit, compte tenu de la méthode de correction de la non salarisation retenue, à une grande diversité des taux de marge dans cette branche : il atteint en moyenne 63,1% au Royaume-Uni et 53,9% aux États-Unis alors qu’il est négatif au Japon (-53,4%) et en Allemagne de l’Ouest (-17,6%)13. Cette diversité liée en partie au traitement de la non salarisation se répercute sur le taux de marge global si l’agriculture est conservée dans le champ d’analyse.

13 Ces derniers résultats peuvent s’expliquer par la présence de travailleurs familiaux non rémunérés, auxquels est affectée par convention une rémunération que l’on peut penser supérieure à leur rémunération effective.

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Tableau 3 La branche « agriculture »

Valeurs moyennes sur la période 1970-2002* Poids des non

salariés dans les non salariés

totaux

Poids des non salariés dans

l’emploi de la branche

agriculture

Taux de marge Poids de la VA agricole dans la

VA totale

Etats-Unis 17,0 45,8 53,9 2,3Japon 39,8 84,6 -53,4 3,2Allemagne de l’Ouest 35,0 79,3 -17,6 2,6Allemagne 15,2 52,7 12,2 1,5Royaume-Uni 1,5 11,3 63,1 2,0France 37,4 73,4 33,4 5,0Italie 23,0 57,0 33,0 5,2Canada 28,1 59,3 26,3 3,7Norvège 46,0 76,1 20,7 4,9Danemark 37,5 63,2 42,9 5,0

* 1970-1991 pour l’Allemagne de l’Ouest ; 1991-2002 pour l’Allemagne ; 1970-2001 pour le Canada

Tableau 4 Poids des loyers fictifs

En % de la valeur ajoutée au coût des facteurs du « secteur marchand non agricole »

1970-1979 1980-1989 1990-2002* 1970-2002**États-Unis 7,5 8,2 8,8 8,3Japon 7,5 8,8 10,4 9,0Allemagne de l’Ouest 5,1 5,7 5,7 5,4Allemagne 6,6 6,6Royaume-Uni 4,2 5,1 7,3 5,7France 6,7 8,6 10,6 8,8Italie 4,7 5,1 8,5 6,3Canada 8,8 10,2 12,5 10,6Norvège 8,8 10,8 10,4 10,0Danemark 7,9 9,5 9,2 8,9

Note de lecture : la valeur ajoutée du « secteur marchand non agricole est corrigée des SIFIM a prorata de son poids dans la valeur ajoutée de l’ensemble de l’économie. *jusqu’en 2001 pour le Canada ; à partir de 1991 pour l’Allemagne ; 1990-1991 pour l’Allemagne de l’Ouest ; **1970-2001 pour le Canada ; 1970-1991 pour l’Allemagne de l’Ouest ; 1991-2002 pour l’Allemagne

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Insee Méthodes 178

Les services de logement produits par les propriétaires occupants14, qui sont une production non marchande, ont été retirés de la valeur ajoutée du secteur marchand non agricole. Cette correction vise à éliminer une production sans coût salarial et ne conserver qu’une véritable valeur ajoutée marchande15. Selon les pays, cela conduit à retirer en moyenne entre 5,4% et 10,6% de la valeur ajoutée au coût des facteurs du secteur marchand non agricole. Cette correction n’est pas neutre sur le profil du partage de la valeur ajoutée puisque le poids des loyers fictifs tend à s’accroître sur les trente dernières années (tableau 4). Il est possible qu’une meilleure façon de traiter le problème aurait été une exclusion complète du secteur locatif. Les données disponibles empêchent néanmoins une telle correction. L’ensemble de ces retraitements vise à obtenir des indicateurs de taux de marge reposant sur un champ marchand le plus large possible et un coût du travail homogène entre les différents pays. Les indicateurs obtenus présentent cependant certaines insuffisances qui amènent à les considérer avec prudence : - La méthode de correction de la non salarisation reste imparfaite. - Le coût du travail retenu est incomplet. - Les SIFIM sont considérés comme une consommation intermédiaire. - Une certaine hétérogénéité peut subsister puisqu’il a été parfois nécessaire de recourir aux données de

comptabilité nationale qui ne sont pas directement comparables à celles de la base de référence. En outre, certaines données ont du être reconstruites à partir d’hypothèses ad hoc (Annexe 2).

- Ces indicateurs articulent sur trois décennies des bases comptables différentes.

5 L’impact des hypothèses retenues

Le tableau 5 compare, pour chaque pays, les grandes évolutions de quatre indicateurs de taux de marge reposant sur des hypothèses de construction différentes qui permettent d’isoler l’impact des principaux choix méthodologiques. TM0 est calculé sur un champ hors administration, éducation, santé et action sociale ; à partir des conventions habituelles (correction de la non salarisation globale, pas de retraitement des loyers fictifs, agriculture maintenue dans le champ d’analyse). L’ensemble des indicateurs TM0 présente une tendance positive sur la période 1970-2002. Cette tendance varie entre +0,1 point par an (États-Unis, Royaume-Uni, Canada) et +0,5 point par an (Italie et Norvège) selon les pays. Dans les pays européens et au Japon, le taux de marge est d’un niveau sensiblement supérieur en fin de période qu’en début de période. TM1 est calculé sur le même champ que TM0 ; mais la correction de la non salarisation est effectuée par branche. La comparaison entre TM0 et TM1 montre qu’une telle modification conduit à augmenter le niveau moyen du taux de marge. Cela traduit une présence des non salariés plutôt dans des branches où la rémunération est inférieure à la rémunération moyenne du secteur marchand. Les pays dont le taux de marge est le plus affecté par cette modification sont le Japon, l’Italie et la France, pays où le poids des non salariés est le plus important. En moyenne, le taux de marge est augmenté de près de 3 points. Cette modification a peu d’impact sur les évolutions cumulées du taux de marge, excepté pour la France et l’Italie où celles-ci passent de +7,1 points et +11,8 points sur la période 1970-200 à +2,3 points et + 6,1 points. Cela conduit à diminuer l’évolution tendancielle du taux de marge dans ces deux pays (de +0,4 à +0,3, et de +0,5 à +0,4). La décennie la plus affectée par cette modification est la décennie 1970-1980, où les non salariés sont les plus nombreux (graphiques I.1 à I.9). TM2 est calculé sur le même champ et avec la même correction de la non salarisation que TM1 ; les loyers fictifs sont retirés de la valeur ajoutée au coût des facteurs. La comparaison entre TM2 et TM1 montre que le retrait des loyers fictifs de la valeur ajoutée conduit à une forte diminution du niveau moyen du taux de marge. Cette diminution est comprise entre –3,9 points pour le Royaume-Uni et –7,3 points pour le Canada. Cette baisse généralisée du taux de marge moyen s’accompagne, excepté pour la Norvège, d’une diminution des évolutions cumulées du taux de marge comprise entre –0,8 point au Royaume-Uni et –5,2 points au Japon. Il en découle une évolution tendancielle positive moins nette pour l’ensemble de ces indicateurs. Cette tendance devient nulle pour le Japon, le Canada, et le Royaume-Uni.

14 « En comptabilité nationale, on considère que les propriétaires occupants produisent également un service de logement, mais pour leur propre compte. Il s’agit alors d’une production non marchande, dont la valeur correspond aux loyers de logements locatifs comparables à ceux des propriétaires. » (Insee, 2004) 15 Mais un tel retraitement est par exemple réalisé pour le calcul de la valeur ajoutée du Business Sector aux États-Unis et au Canada, ainsi que pour le calcul de la valeur ajoutée du Market Sector au Royaume-Uni (Herbert et Pike, 2005)

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TMREF correspond au taux de marge de référence (les taux de marge qui seront commentés et comparés). Il est calculé comme TM2, mais sur un champ hors administration, éducation, santé, action sociale, et agriculture ; la comparaison entre TM2 et TMREF permet une évaluation de l’exclusion de l’agriculture. Le taux de marge moyen augmente (diminue) dans les pays où le taux de marge de la branche agriculture est inférieur (supérieur) à TM2. L’augmentation est forte en Norvège (+3,8 points), au Japon (+3,2 points) et en Allemagne (+1,6 point pour l’Allemagne de l’Ouest puis +0,4 point pour l’Allemagne) du fait d’un taux de marge de la branche agriculture faible ou négatif ; elle est faible en Italie et au Canada. En revanche, le taux de marge moyen diminue en Norvège, au Danemark, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France. Cette diminution du taux de marge s’accompagne d’une légère augmentation des évolutions cumulées du taux de marge sur la période. L’exclusion de l’agriculture modifie l’évolution tendancielle du taux de marge en Allemagne de l’Ouest (de +0,3 point à +0,2 point par an), au Japon (de 0,0 à -0,2 point), et au Danemark (de +0,2 à +0,3 point).

Tableau 5

Impact des hypothèses retenues Valeur

1970 Evolutions

cumulées 1970-1980

Evolutions cumulées

1980-1990

Evolutions cumulées

1990-2002

Evolutions cumulées

1970-2002

Moyenne 1970-2002

Tendancea

1970-2002

Etats-Unis TM0 32,0 2,8 3,0 -0,6 5,1 36,4 0,1 TM1 33,6 2,4 2,4 -0,9 3,8 37,3 0,1 TM2 28,3 2,6 1,7 -1,3 3,0 31,9 0,1 (NS1)TMREF 27,0 3,2 1,8 -0,9 4,1 31,1 0,1 Japon TM0 33,3 -8,7 6,4 0,0 -2,2 28,1 0,2 TM1 35,4 -6,9 5,4 -1,1 -2,6 31,1 0,1 (NS1)TM2 31,2 -8,5 5,1 -4,4 -7,8 24,8 0,0 (NS5)TMREF 40,2 -13,5 2,8 -4,5 -15,2 28,0 -0,2 Allemagne de l’Ouest* TM0 32,3 -2,4 7,1 -0,1 4,6 32,6 0,3 TM1 33,8 -2,4 7,0 -0,1 4,4 34,1 0,3 TM2 30,5 -2,7 6,9 -0,1 4,1 30,4 0,3 TMREF 33,5 -4,1 5,8 0,0 1,8 32,0 0,2 Allemagne** TM0 35,3 2,2 2,2 36,2 0,3 TM1 36,5 2,1 2,1 37,4 0,3 TM2 33,0 0,8 0,8 33,0 0,2 (NS1)TMREF 33,7 0,4 0,4 33,4 0,2 (NS1) Royaume-Uni TM0 33,3 -0,3 -0,3 1,5 1,0 34,2 0,1 TM1 33,5 -0,2 -0,1 1,6 1,3 34,5 0,1 TM2 31,2 -1,1 -1,0 -0,2 -2,3 30,6 0,0 (NS5)TMREF 29,8 -0,7 -0,8 0,3 -1,3 29,8 0,0 (NS5) France TM0 31,4 -7,3 10,0 4,4 7,1 31,6 0,4 TM1 37,4 -9,6 8,2 3,7 2,3 34,6 0,3 TM2 34,2 -11,4 7,2 2,6 -1,6 28,9 0,1 (NS5)TMREF 32,1 -8,9 6,7 2,0 -0,2 28,4 0,1 (NS1) Italie TM0 30,3 0,4 4,9 6,5 11,8 34,1 0,5 TM1 36,9 -2,4 3,0 5,6 6,1 37,1 0,4 TM2 34,3 -2,4 1,6 3,6 2,8 33,1 0,2 TMREF 32,9 0,0 0,9 2,6 3,5 33,2 0,2

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Insee Méthodes 180

Canada*** TM0 31,6 5,7 -3,3 4,8 7,1 35,3 0,1 TM1 33,0 5,2 -3,1 3,9 6,0 36,3 0,1 (NS1)TM2 26,5 5,8 -5,6 4,7 5,0 29,0 0,0 (NS5)TMREF 27,2 4,9 -5,3 4,8 4,3 29,1 0,0 (NS5)

Norvège TM0 36,3 6,8 1,5 5,7 14,0 42,2 0,5 TM1 37,9 6,2 1,8 5,2 13,1 43,3 0,5 TM2 32,6 6,6 0,7 7,3 14,7 38,2 0,5 TMREF 36,4 4,6 -0,5 7,5 11,5 39,5 0,5 Danemark TM0 29,8 -1,6 6,8 3,4 8,5 33,9 0,3 TM1 33,0 -2,4 5,5 3,1 6,3 35,8 0,3 TM2 29,2 -6,0 6,5 3,6 4,2 29,9 0,2 TMREF 27,8 -5,6 6,9 4,2 5,5 28,9 0,3

* Pour l’Allemagne de l’Ouest, les données concernent la période 1970-1989 ; ** Pour l’Allemagne, les données concernent la période 1991-2002 ; *** Pour le Canada, les données concernent la période 1970-2001 ; a La tendance est obtenue par régression linéaire du taux de marge sur une constante et l’année. Elle correspond au coefficient estimé pour cette dernière variable. NS1 signifie que la tendance n’est pas significative au seuil de 1% ; NS5 signifie que la tendance n’est pas significative au seuil de 5% ; significativité d’après la statistique t de Student. Note de lecture : TM0 est calculé sur un champ hors administration, éducation, santé et action sociale ; la correction de la non salarisation consiste à affecter à chaque non salarié la rémunération moyenne des salariés de l’ensemble du champ ; TM1 est calculé sur le même champ que TM0 ; la correction de la non salarisation consiste à affecter à chaque non salarié la rémunération moyenne des salariés de la branche à laquelle il appartient ; TM2 est calculé sur le même champ et avec la même correction de la non salarisation que TM1 ; les loyers fictifs sont retirés de la valeur ajoutée au coût des facteurs ; TMREF est calculé sur un champ hors administration, éducation, santé, action sociale, et agriculture ; la correction de la non salarisation consiste à affecter à chaque non salarié la rémunération moyenne des salariés de la branche à laquelle il appartient ; les loyers fictifs sont retirés de la valeur ajoutée au coût des facteurs.

L’ensemble des corrections permettant de passer de TM0 à TMREF conduit à modifier sensiblement les indicateurs de taux de marge. Les indicateurs TMREF sont généralement d’un niveau plus faible et présentent des évolutions tendancielles plus atténuées. Les évolutions cumulées du taux de marge sur la période 1970-2002 sont sensiblement modifiées dans les pays où les non salariés ont un poids important dans l’emploi total : de –2,2 points pour TM0 à –15,2 points pour TMREF au Japon ; de +11,8 points à +3,5 points en Italie ; de +7,1 points pour TM0 à -0,2 point pour TMREF en France. La pertinence des conventions alternatives retenues pour calculer les indicateurs de référence peut être appréciée en comparant ces indicateurs à ceux calculés sur un champ concernant les seules sociétés (Corporations). De tels indicateurs, disponibles dans les bases de données de l’OCDE (ANA, Simplified Institutional Accounts), sont calculés à partir d’un champ où les non salariés sont absents et la valeur ajoutée est entièrement marchande (Annexe 3). Ils semblent donc plus adaptés pour décrire les évolutions du partage de la valeur ajoutée. Malheureusement, ils ne couvrent que des périodes limitées et ne sont pas homogènes entre pays. Néanmoins, les indicateurs qui ont pu être construits présentent une forte proximité de profil avec les indicateurs de référence. Bien que fragile, ce résultat tendrait à valider les conventions retenues.

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181

Graphiques I.1 à I.9 Taux de marge de référence (SMNA) et taux de marge

reposant sur la méthodologie « habituelle » (Secteur marchand, TM0)

I.1 France

source : comptes nationaux, Ocde ; calculs des auteurs

I.2 États-Unis I.3 Japon

source : comptes nationaux ; calculs des auteurs

source : comptes nationaux, Ocde ; calculs des auteurs

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Insee Méthodes 182

I.4 Allemagne I.5 Royaume-Uni

source : Ocde ; calculs des auteurs source : Ocde ; calculs des auteurs

I.6 Italie I.7 Canada

source : Ocde ; calculs des auteurs source : comptes nationaux, Ocde ; calculs des auteurs

I.8 Norvège I.9 Danemark

source : Ocde ; calculs des auteurs source : Ocde ; calculs des auteurs

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183

6 Une relative convergence du diagnostic sur l’évolution du partage de la valeur ajoutée en France sur les trente dernières années.

Dans le cas de la France, la part des profits calculée pour l’ensemble de l’économie hors administrations publiques à partir des conventions « habituelles » présente une dérive tendancielle au cours des années quatre-vingt-dix. Cette dérive a été mise en évidence dans plusieurs études (Artus et Cohen, 1998 ; Blanchard, 1997 ; Caballero et Hammour 1998 ; Cotis et Rignols, 1998) et a fait l’objet de différentes analyses théoriques. Mais cette tendance à la hausse du taux de marge n’existe plus lorsqu’on considère le taux de marge des sociétés non financières (graphique II.1). Or, celui-ci semble plus robuste, compte tenu de l’absence de non salariés dans le champ et d’une valeur ajoutée entièrement marchande. Ce résultat fragilise donc les indicateurs reposant sur les conventions habituelles ainsi que les interprétations et conclusions auxquelles leur analyse conduit. Il semble en effet peu probable que la seule différence de champ explique une telle différence de profil. L’adoption de nouvelles conventions conduit à rapprocher le profil de la part des profits de celui de la part des profits des sociétés non financières (graphique II.2) : Ces deux indicateurs se caractérisent ainsi par une forte diminution au cours des années soixante-dix, suivie d’un redressement au cours des années quatre-vingts, puis d’une relative stabilité depuis le début des années quatre-vingt-dix. La dérive tendancielle du taux de marge au cours des années quatre-vingt-dix apparaît ainsi largement liée aux hypothèses de construction. L’adoption de nouvelles conventions ne permet cependant pas une unification complète du diagnostic. Des différences subsistent quant au niveau atteint en fin de période comparativement au début de période et à l’ampleur du redressement intervenu au cours des années quatre-vingts. Ces divergences s’expliquent par des différences de champ mais traduisent surtout la fragilité des indicateurs et leur forte dépendance aux champs et conventions présidant à leur construction.

Graphique II.1 Taux de marge au coût des facteurs

Sociétés non financières et ensemble de l’économie hors administrations publiques

Graphique II.2 Taux de marge au coût des facteurs (%)

Secteur marchand non agricole et Sociétés non financières

20%

25%

30%

35%

40%

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

SN

Ensemble hors

20%

25%

30%

35%

40%

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

SN

SMNA

source : OCDE, INSEE, calculs des auteurs. source : OCDE, INSEE, calculs des auteurs.

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Insee Méthodes 184

7 De nouvelles conventions qui atténuent fortement la séparation entre pays européens et anglo-saxons

A partir des hypothèses de construction retenues, le niveau moyen du taux de marge du secteur marchand non agricole sur la période 1970-2002 s’établit entre 28% (au Japon) et 33,4% (en Italie), excepté pour la Norvège. Ce dernier pays se distingue nettement des autres puisque le taux de marge y atteint en moyenne 39,5%. Entre 1970 et 2002, le taux de marge a progressé dans six des neufs pays étudiés (graphiques III.1 à III.9). La hausse atteint +11,5 points en Norvège ; elle est comprise entre +2,2 et +5,5 points pour les cinq autres pays. Le partage de la valeur ajoutée est d’un niveau proche en début et en fin de période en France (-0,2 point) et au Royaume-Uni (-1,3 point), tandis qu’il s’est effondré au Japon (-15,2 points). Le diagnostic sur l’évolution tendancielle du partage de la valeur ajoutée peut être précisé en estimant une tendance linéaire pour chaque indicateur. Il apparaît alors que le taux de marge connaît une tendance positive relativement forte en Norvège (+0,5 point par an) et au Danemark (+0,3 point), plus limitée en Allemagne et en Italie (+0,2 point par an), faible aux Etats-Unis et en France (+0,1 point par an), nulle au Royaume-Uni et au Canada, et négative (-0,2 point au Japon). Dans le cas de la France, la tendance est peu significative. Le partage de la valeur ajoutée a connu des mouvements importants qui soulignent l’ampleur des fluctuations que peut connaître la redistribution primaire des revenus sur une période relativement courte. L’amplitude de variation de la part des profits (l’écart entre le point le plus haut et le point le plus bas sur l’ensemble de la période) est de l’ordre de 10 points pour la plupart des pays. Elle dépasse 20 points en Norvège. Aux Etats-Unis, cet écart est limité à 7,5 points. Le profil heurté et la tendance positive du taux de marge dans les pays européens sont généralement opposés à la stabilité du partage de la valeur ajoutée dans les pays anglo-saxons. L’examen des profils d’évolution des différents taux de marge amène à relativiser cette séparation : - La dérive tendancielle du partage de la valeur ajoutée semble légèrement plus prononcée dans les pays

européens, mais l’écart est sensiblement réduit comparativement aux études antérieures. Ainsi, la dérive tendancielle apparaît plus prononcée aux États-Unis qu’en France.

- Comparativement au début de période, le partage de la valeur ajoutée n’est pas plus défavorable aux salaires en fin de période dans les pays européens que dans les pays anglo-saxons : le taux de marge a progressé de près de 4 points aux États-Unis et au Canada alors qu’il est demeuré stable en France et a progressé d’à peu près deux points en Allemagne.

Sur les trente dernières années, il ne semble pas y avoir d’opposition claire entre le partage de la valeur ajoutée dans les pays européens et les pays anglo-saxons en termes de niveau moyen, d’évolution tendancielle, de niveau relatif en fin de période, voire d’amplitude de variation. Plus qu’une séparation entre pays européens et anglo-saxons, la comparaison des différents indicateurs révèle une relative proximité entre cinq pays (Japon, Allemagne, France, Italie, Danemark). Dans ces pays du premier groupe, le partage de la valeur ajoutée connaît une diminution au cours des années soixante-dix puis un redressement au cours des années quatre-vingts et une poursuite de la progression ou une stabilisation du taux de marge au cours des années quatre-vingt-dix. Le Japon connaît un profil d’évolution légèrement différent puisque le partage de la valeur ajoutée diminue au cours de la décennie quatre-vingt-dix. - Le taux de marge diminue fortement au cours des années soixante-dix. Entre 1970 et 1980, la baisse est

comprise entre -4 points en Allemagne et -13,5 points au Japon, excepté en Italie où il est d’un niveau équivalent en 1980 et en 1970.

- Le taux de marge se redresse au cours de la décennie quatre-vingts. La hausse est sensible en Allemagne, en France, et au Danemark (autour de +6 points), plus limitée au Japon (+2,8 points) et en Italie (+0,9 point). En 1990, le taux de marge dépasse son niveau de début de période en Allemagne, au Danemark et en Italie. Il reste nettement inférieur au Japon, plus légèrement en France.

- Entre 1990 et 2002, les évolutions sont différenciées : le taux de marge diminue en début de période en Italie et en Allemagne avant de se redresser, tandis qu’une baisse intervient au Danemark à la fin des années quatre-vingt-dix. En France, le taux de marge demeure relativement stable depuis le début des années quatre-vingt-dix.

- Sur l’ensemble de la période, le taux de marge a progressé de +5,5 points au Danemark et de +3,5 points en Italie. Il est resté stable en France (-0,2 point) et a fortement diminué au Japon (-15,2 points). Pour

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185

l’Allemagne, les variations cumulées atteignent +2,2 points (+1,8 point pour l’Allemagne de l’Ouest puis +0,4 point pour l’Allemagne).

Les autres pays connaissent des évolutions différenciées : - Aux États-Unis, le partage de la valeur ajoutée connaît des fluctuations régulières autour d’une tendance

positive jusqu’en 1997 (+7,5 points entre 1970 et 1997) avant de chuter fortement (-5,1 points entre 1997 et 2000) et de se redresser légèrement en fin de période. Entre 1970 et 2002, la part des profits a progressé de +4,1 points.

- Au Royaume-Uni, le partage de la valeur ajoutée fluctue autour d’un niveau stable. Les périodes de hausse et de baisse se succèdent rapidement et sont de forte ampleur. Sur l’ensemble de la période, la part des profits a diminué de -1,3 point. Comme aux États-Unis, on constate une forte correction à la fin des années quatre-vingt-dix.

- Au Canada, le partage de la valeur ajoutée fluctue autour d’une tendance légèrement positive jusqu’au milieu des années quatre-vingts puis à partir du milieu des années quatre-vingt-dix. Entre ces deux sous-périodes, il s’affaisse brutalement à partir de 1987 et atteint un point bas en 1992 (-8 points entre 1987 et 1992) avant de se redresser sans toutefois compenser cette diminution brutale (+6 points entre 1992 et 1995). Sur la période 1970-2001, la part des profits progresse de +4,1 points.

- En Norvège, le niveau moyen de la part des profits est particulièrement élevé et les évolutions de la part des profits révèlent une forte tendance positive. La part des profits baisse au début des années soixante-dix (-6 points entre 1970 et 1977) avant de connaître ensuite une forte tendance haussière jusqu’en fin de période (+17,5 points entre 1977 et 2002) accompagnée d’amples fluctuations caractérisées par des périodes de hausses relativement longues et soutenues suivies par des chutes brèves et violentes.

L’opposition entre pays « européens » et « anglo-saxons » doit donc être fortement relativisée. Si certains pays européens peuvent être rapprochés lorsqu’on considère les grandes périodes d’évolutions du partage de la valeur ajoutée, les pays anglo-saxons ne présentent pas d’évolutions communes. Concernant la France, cette comparaison révèle le profil particulièrement marqué du partage de la valeur ajoutée

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Insee Méthodes 186

Graphiques III.1 à III.9 Taux de marge au coût des facteurs (%)

« Secteur marchand non agricole »

III.1 France

source : comptes nationaux, Ocde ; calculs des auteurs

III.2 États-Unis III.3 Japon

20%

25%

30%

35%

40%

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

France

Etats-Unis

20%

25%

30%

35%

40%

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

France

Japon

source : comptes nationaux ; calculs des auteurs source : comptes nationaux, Ocde ; calculs des auteurs

III.4 Allemagne III.5 Royaume-Uni

20%

25%

30%

35%

40%

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

Allemagne de l'Ouest

Allemagne

France

20%

25%

30%

35%

40%

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

Royaume-Uni

France

source : Ocde ; calculs des auteurs source : Ocde ; calculs des auteurs

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187

III.6 Italie III.7 Canada

20%

25%

30%

35%

40%

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

Italie

France

20%

25%

30%

35%

40%

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

France

Canada

source : Ocde ; calculs des auteurs source : comptes nationaux, Ocde ; calculs des auteurs

III.8 Norvège III.9 Danemark

20%

25%

30%

35%

40%

45%

50%

55%

60%

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

France

Norvège

20%

25%

30%

35%

40%

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

Danemark

France

source : Ocde ; calculs des auteurs source : Ocde ; calculs des auteurs

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Insee Méthodes 188

8 L’opposition entre pays européens/Japon et anglo-saxons : le rôle du secteur pétrolier

Plusieurs travaux ont mis en évidence l’impact des prix de l’énergie, et plus particulièrement du prix du pétrole, sur l’évolution du partage de la valeur ajoutée (Cotis et Rignols, 1998 ; Prigent, 1999 ; Baghli et alii., 2003). L’examen des profils des taux de marge montre que les mouvements du prix du pétrole ont eu un effet sur la déformation du partage de la valeur ajoutée (chocs pétroliers des années soixante-dix et contre-choc pétrolier du milieu des années quatre-vingts). Cet effet apparaît plus prolongé dans les pays européens/Japon que dans les pays anglo-saxons. Alors que les mouvements du prix du pétrole paraissent avoir largement façonné le profil du taux de marge dans les pays européens durant les décennies soixante-dix et quatre-vingts, leur impact semble plus ponctuel dans les pays anglo-saxons. Mais les trois pays anglo-saxons retenus (ainsi que la Norvège) sont des producteurs de pétrole, et le secteur « pétrolier »16 représente une part non négligeable de la valeur ajoutée du secteur marchand non agricole (tableau 6). Le profil du partage de la valeur ajoutée au niveau agrégé pourrait dès lors masquer des « transferts » entre le « secteur pétrolier » et le reste du secteur marchand non agricole17. Le calcul d’un taux de marge sur un champ « secteur marchand non agricole » hors secteur pétrolier pour les quatre pays précités aboutit à des résultats contrastés (graphiques IV.1 à IV.4). - Aux États-Unis, le profil du taux de marge n’est que peu modifié par l’exclusion du secteur « pétrolier ».

Les chocs sur le prix du pétrole ne semblent pas s’accompagner de transferts massifs entre le secteur « pétrolier » et le reste de l’économie.

- Au Royaume-Uni et au Canada, le taux de marge hors secteur pétrolier fluctue toujours autour d’un niveau stable, mais son profil est fortement modifié entre le milieu des années soixante-dix et la fin des années quatre-vingts : le taux de marge reste déprimé jusqu’au début des années quatre-vingts avant de se redresser. L’exclusion du secteur « pétrolier » conduit à un taux de marge dont le profil se rapproche de celui des pays européens.

- L’exclusion du secteur « pétrolier » a un effet massif pour la Norvège. Le niveau moyen du taux de marge sur la période passe de 39,5% à 30,8% et la forte tendance positive disparaît. Le taux de marge hors secteur « pétrolier » se rapproche nettement de celui des pays « européens » : il perd -7,7 points entre 1970 et 1980, gagne +1,9 point entre 1980 et 1990 et +3 points entre 1990 et 2002. Entre 1970 et 2002, le taux de marge hors secteur « pétrolier » a perdu -2,7 points.

Tableau 6

Poids du secteur « pétrolier »* en % de la valeur ajoutée du « Secteur Marchand non Agricole »**

1970-1979 1980-1989 1990-2002 1970-2002

États-Unis 2,8 4,1 1,8 2,8Royaume-Uni 3,8 7,9 3,5 4,9Canada 4,8 7,6 5,2 4,8Norvège 3,5 17,6 20,4 14,5

* Le secteur « pétrolier » correspond aux deux branches « Extraction de matériaux produisant de l'énergie » et « Fabrication de produits pétroliers; cokéfaction; combustibles nucléaires » ; ** Valeur ajoutée au coût des facteurs corrigée des loyers fictifs.

16 Le secteur « pétrolier » est ici entendu au sens large puisqu’il comprend les deux branches « Extraction de matériaux produisant de l'énergie » et « Fabrication de produits pétroliers; cokéfaction; combustibles nucléaires » 17 Par transferts, on entend des évolutions opposées du taux de marge du secteur « pétrolier » et du reste de l’économie qui se compensent.

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189

Graphiques IV.1 à IV.4

Taux de marge au coût des facteurs (%) « Secteur marchand non agricole » avec et hors secteur « pétrolier »

IV.1 Etats-Unis IV.2 Royaume-Uni

source : Ocde ; calculs des auteurs

source : Ocde ; calculs des auteurs

IV.3 Canada IV.4 Norvège

source : Ocde ; calculs des auteurs source : Ocde ; calculs des auteurs En Norvège, le profil atypique du partage de la valeur ajoutée s’explique par l’importance du secteur « pétrolier ». L’exclusion de celui-ci conduit à un taux de marge dont le profil est plus nettement « européen ». Au Royaume-Uni et au Canada, l’apparente flexibilité du partage de la valeur ajoutée semble pouvoir s’expliquer en partie par des transferts entre le secteur « pétrolier » et le reste de l’économie. Le taux de marge du secteur marchand non agricole hors secteur « pétrolier » présente un profil qui se rapproche de celui des pays « européens. Il semblerait donc que l’opposition entre pays européens et anglo-saxons soit aussi une opposition entre pays producteurs de pétrole et pays non producteurs et qu’elle ne soit pas forcément liée à des fonctionnements différents des économies. Aux Etats-Unis, le profil du partage de la valeur ajoutée n’est pas modifié par l’exclusion du secteur « pétrolier ». Il s’agit du seul pays où le taux de marge ne présente pas de tendance à la baisse au cours des années soixante-dix suivie d’une hausse sur la décennie suivante.

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Insee Méthodes 190

Les parts des profits du « secteur marchand non agricole » et du « secteur marchand non agricole » hors secteur « pétrolier » pour les pays producteurs de pétrole présentent des profils d’évolution proches de ceux des indicateurs corrigés du « biais d’agrégation » calculés par de Serres et alii (2002). Ces auteurs expliquaient la tendance positive de la part des profits dans les pays européens par des modifications de composition sectorielle. Les éléments présentés dans cette étude permettent de préciser le diagnostic : la dérive tendancielle de la part des profits serait un artefact, essentiellement liée au secteur de l’agriculture et/ou au secteur « pétrolier ». Cette analyse comparative et descriptive permet d’éclairer les évolutions du partage de la valeur ajoutée en France : - Sur la période 1970-2002, le partage de la valeur ajoutée est en moyenne d’un niveau comparable à ce qui

est constaté dans les autres pays. - Le partage de la valeur ajoutée se singularise par des évolutions très tranchées d’où les fluctuations de court

terme semblent exclues. La chute du taux de marge est quasi-continue au cours des années soixante-dix, le redressement est ininterrompu au cours des années quatre-vingts, et le partage de la valeur ajoutée connaît une quasi-stabilité depuis le début des années quatre-vingt-dix. Parmi les pays étudiés, seul le Japon pourrait se prévaloir d’évolutions aussi heurtées.

9 La dynamique du coût salarial unitaire détermine celle du partage de la valeur ajoutée

Afin d’apporter des éléments descriptifs complémentaires, une décomposition comptable des évolutions du taux de marge a été réalisée (encadré 2). Une telle décomposition ne permet pas de définir des relations de causalité et ne fournit qu’une interprétation « mécanique » des évolutions du partage de la valeur ajoutée. Son apport est essentiellement descriptif. Encadré 2

Une décomposition comptable du taux de marge Le taux de marge au coût des facteur (TMCF) peut être décomposé de manière à faire apparaître le coût réel du travail, la productivité apparente du travail, et les termes de l’échange intérieurs :

1 11 1

RSALVA RSAL PCPCTMCF CRT TE

VAVA N PVAPVAN

⎛ ⎞⎜ ⎟− ⎝ ⎠= = − × × = − × ×

Π⎛ ⎞⎜ ⎟⎝ ⎠

avec VA, valeur ajoutée au coût des facteurs, RSAL rémunération des salariés (incluant éventuellement les non salariés), PVA prix de la valeur ajoutée, PC prix de la consommation, N, les effectifs totaux, CRT, coût réel du travail, TE, termes de l’échange intérieurs, Π, productivité apparente du travail. A partir de cette décomposition comptable, les variations du taux de marge peuvent s’écrire, en différenciant la relation précédente :

( )1

1 1CRT TETMCF TMCFCRT TE

⎡ ⎤∆⎢ ⎥∆ ∆ Π∆ − × + +⎢ ⎥⎢ ⎥⎣ Π ⎦

Cette approximation sera valable pour de faibles variations du taux de marge. Elle peut se réécrire :

_ _ _TMCF C CRT C TE C∆ + + Π , avec

( )CRTCRTTMCFCRTC ∆

×−= 1_ , la contribution du coût réel du travail aux variations du taux de marge,

( )TETETMCFTEC ∆

×−= 1_ , la contribution des termes de l’échange intérieurs,

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191

( )

Π

Π∆

×−=Π1

1

1_ TMCFC , la contribution de la productivité.

Les contributions cumulées du coût réel du travail et de la productivité apparente du travail correspondent à la

contribution du coût salarial unitaire réel ( CRTCSU =Π

). L’élévation du coût réel du travail, des termes de

l’échange intérieurs, ou du coût salarial réel unitaire conduit à une baisse du taux de marge ; une hausse de la productivité apparente du travail contribue positivement à l’évolution du taux de marge.

Il ressort de la décomposition comptable des évolutions du taux de marge que le profil du taux de marge est largement déterminé par la dynamique du coût salarial unitaire réel (graphiques V.1 à V.9). La contribution des termes de l’échange intérieurs a un impact différencié selon les pays : alors qu’elle conduit à des ruptures ponctuelles dans le partage de la valeur ajoutée dans certains pays, elles conduit à une dérive tendancielle de ce partage dans d’autres pays. Les contributions cumulées du coût salarial unitaire réel sont toujours négatives ou très faiblement positives en Allemagne, en France, au Royaume-Uni et au Japon. Dans ces pays, le coût salarial unitaire réel est demeuré supérieur à son niveau de 1970 sur l’essentiel de la période. Il a retrouvé ce niveau en Allemagne au milieu des années quatre-vingts et en fin de période, et en France en fin de période ; il s’en est écarté durablement au Japon et au Royaume-Uni où il a. augmenté de près de 10% entre 1970 et 2002 (tableau 7). En 2002, les contributions cumulées du coût salarial unitaire réel atteignaient -5,7 points au Japon et -6,8 points au Royaume-Uni, contre +0,4 point en Allemagne et +0,6 point en France. Même si les contributions cumulées du coût salarial unitaire réel sont positives en Italie depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, elles présentent des caractéristiques proches de celles des quatre pays précédents. Elles sont restées continûment négatives jusqu’en 1994, avant de progresser fortement en 1995 et de se stabiliser par la suite. En 2002, les contributions cumulées du coût salarial unitaire réel à l’évolution du taux de marge atteignaient +1,3 point. Au Canada, au Danemark et en Norvège, le coût salarial unitaire réel a également augmenté au début des années soixante-dix. Dans ces pays, il a néanmoins retrouvé son niveau de début de période au début des années quatre-vingts. Il a ensuite fluctué autour de ce niveau au Danemark et au Canada, tandis qu’il a diminué tendanciellement en Norvège. En 2002, les contributions cumulées du coût salarial réel unitaire étaient de +16,6 points en Norvège, +7,0 points au Canada, et de +6,3 points au Danemark. Aux Etats-Unis, les contributions cumulées du coût salarial unitaire réel ont toujours été positives et ont augmenté tendanciellement. La baisse du coût salarial unitaire réel (-8,8% entre 1970 et 2002) explique la tendance à la hausse du taux de marge. En 2002, les contributions cumulées du coût salarial unitaire réel atteignaient +6,4 points.

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Insee Méthodes 192

Graphiques V.1 à V.9 Evolutions cumulées du taux de marge et contributions cumulées du coût salarial unitaire réel et des termes de l’échange intérieurs

points de taux de marge - La courbe en noir représente les évolutions cumulées du taux de marge ; - La courbe en pointillés noirs représente les contributions cumulées des évolutions des termes de l’échange

intérieurs aux évolutions du taux de marge ; - La courbe en gris représente les contributions cumulées des évolutions du coût salarial unitaire aux

évolutions du taux de marge.

V.1 France

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0

5

10

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1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

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source : comptes nationaux, Ocde ; calculs des auteurs

V.2 États-Unis V.3 Japon

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-10

-5

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1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

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1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

poi

nts

source : comptes nationaux ; calculs des auteurs

source : comptes nationaux, Ocde ; calculs des auteurs

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193

V.4 Allemagne V.5 Royaume-Uni

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-10

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1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

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source : Ocde ; calculs des auteurs

source : Ocde ; calculs des auteurs

V.6 Italie V.7 Canada

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1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

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source : Ocde ; calculs des auteurs source : comptes nationaux, Ocde ; calculs des auteurs

V.8 Norvège V.9 Danemark

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1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

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source : Ocde ; calculs des auteurs source : Ocde ; calculs des auteurs

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Insee Méthodes 194

Graphiques VI.1 à VI.9 Contributions cumulées du coût salarial unitaire,

de la productivité apparente du travail et du coût réel du travail en points de taux de marge

- La courbe en noir représente les contributions cumulées des évolutions du coût salarial réel unitaire aux évolutions du taux de marge ;

- La courbe en pointillés noirs représente les contributions cumulées des évolutions de la productivité apparente du travail aux évolutions du taux de marge ;

- La courbe gris représente les contributions cumulées des évolutions du coût réel du travail aux évolutions du taux de marge ; l’opposé de ces contributions est représenté pour pouvoir être plus directement comparées à celles de la productivité apparente du travail.

VI.1 France

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source : comptes nationaux, Ocde ; calculs des auteurs

VI.2 États-Unis VI.3 Japon

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source : comptes nationaux ; calculs des auteurs

source : comptes nationaux, Ocde ; calculs des auteurs

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VI.4 Allemagne VI.5 Royaume-Uni

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source : Ocde ; calculs des auteurs

source : Ocde ; calculs des auteurs

VI.6 Italie VI.7 Canada

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source : Ocde ; calculs des auteurs source : comptes nationaux, Ocde ; calculs des auteurs

VI.8 Norvège VI.9 Danemark

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1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

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source : Ocde ; calculs des auteurs source : Ocde ; calculs des auteurs

La contribution du coût salarial unitaire réel peut être décomposée en une contribution du coût réel du travail et une contribution de la productivité apparente du travail (graphiques VI.1 à VI.9). Sur l’ensemble de la période 1970-2002,

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Insee Méthodes 196

- la croissance de la productivité apparente du travail est supérieure à celle du coût réel du travail aux États-Unis, au Canada, en Norvège et au Danemark (tableau 7). Au Canada, en Norvège, et au Danemark, la croissance du coût réel du travail a été supérieure à celle de la productivité apparente du travail au début des années soixante-dix, provoquant une élévation du coût salarial unitaire réel et une dégradation du taux de marge.

- En France, en Allemagne, en Italie, la productivité apparente du travail a progressé à un rythme identique à celui du coût réel du travail. Dans ces trois pays, la hausse du coût réel du travail a été plus forte que celle de la productivité apparente du travail au cours de la décennie soixante-dix, la convergence s’opérant à partir du début des années quatre-vingts (légèrement plus tôt en Italie). Il en a résulté une hausse du coût salarial unitaire réel et une diminution du taux de marge dans un premier temps, puis un rétablissement progressif du coût salarial unitaire réel provoquant mécaniquement un redressement du taux de marge.

- Au Royaume-Uni et au Japon, la croissance du coût réel du travail est supérieure à celle de la productivité apparente du travail. Le coût salarial unitaire réel s’est accrû sur la période et à contribué à abaisser le niveau du taux de marge.

Les rythmes de progression du coût réel du travail et de la productivité apparente du travail permettent une séparation des pays en deux groupes : - Aux États-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Norvège et au Danemark, la productivité apparente du

travail progresse à un rythme régulier, sans ralentissement prononcé. - Au Japon, en France, en Italie et au Canada, la productivité apparente du travail semble connaître des

ruptures de tendance. Un ralentissement durable du rythme de croissance de la productivité apparente du travail apparaît dès la fin des années soixante-dix en Italie et au début de la décennie quatre-vingt-dix au Japon et en France. Le Canada connaît un ralentissement de la fin des années soixante-dix au début des années quatre-vingt-dix, puis une accélération du rythme de progression de la productivité apparente du travail.

Tableau 7

Coût salarial unitaire réel, coût réel du travail, productivité apparente du travail et taux de marge

Évolutions sur la période 1970-2002 Coût réel du

travailProductivité

apparente du travail

Coût salarial

unitaire réel

Coût salarial

unitaire réel

Taux de marge

% points de taux de margeEtats-Unis 42,7 56,5 -8,8 +6,4 +4,1Japon 81,4 64,7 +9,7 -5,7 -15,2Allemagne** +0,4 +2,2Royaume-Uni 91,8 73,9 +10,3 -6,8 -1,3France 64,3 65,5 -0,8 +0,6 -0,2Italie 37,7 40,6 -2,1 +1,3 +3,5Canada* 31,8 45,4 -9,4 +7,0 +4,3Norvège 86,9 145,4 -23,9 +16,6 +11,5Danemark 58,3 76,3 -8,6 +6,3 +5,5* 1970-2001 ; ** La croissance du coût salarial réel unitaire ne peut être calculée pour l’Allemagne. Les contributions cumulées ainsi que l’évolution du taux de marge sont calculées pour l’Allemagne de l’Ouest de 1971 à 1991, et pour l’Allemagne de 1992 à 2002.

Les termes de l’échange intérieurs contribuent de manières différentes aux évolutions du partage de la valeur ajoutée. Si leur impact sur le profil du taux de marge est moindre que celui du coût salarial unitaire réel, ils expliquent la tendance positive du taux de marge constatée en Allemagne et en Italie sur la période 1970-2002. Les termes de l’échange intérieurs présentent une ou plusieurs fortes dérives temporelles aux Etats-Unis, au Japon, en Italie, au Canada et en Norvège ; ils sont plutôt caractérisés par des ruptures ponctuelles en Allemagne et au Royaume-Uni. Ils restent relativement stables en France et au Danemark. Dans ces deux derniers pays, leur contribution à l’évolution du taux de marge est particulièrement limitée. Aux Etats-Unis, au Japon, au Canada et en Norvège, les termes de l’échange intérieurs présentent une tendance à la hausse sur l’essentiel de la période. Cette tendance conduit à atténuer celle du coût salarial unitaire réel aux Etats-Unis, en Norvège et au Canada, tandis qu’elle accentue nettement la baisse du taux de marge au Japon. Entre 1970 et 2002, les contributions cumulées des termes de l’échange intérieurs aux évolutions du taux de

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197

marge sont négatives dans ces quatre pays : -2,3 points au Etats-Unis ; -2,6 points au Canada ; -5 points en Norvège ; -9,4 points au Japon. En Italie, les termes de l’échange intérieur restent relativement stables jusqu’au milieu des années soixante-dix avant de diminuer tendanciellement jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, puis d’augmenter sensiblement et de compenser l’impact sur le taux de marge de la diminution du coût salarial unitaire réel. L’Italie est le seul pays où les termes de l’échange intérieurs ont connu une diminution tendancielle prolongée. Au Royaume-Uni et en Allemagne, les termes de l’échange intérieur semblent plutôt évoluer par chocs ponctuels provoquant de brusques mouvements du partage de la valeur ajouté. En-dehors de ces chocs, les termes de l’échange intérieur demeurent relativement stables. En Allemagne, entre 1970 et 2002, les contributions cumulées des termes de l’échange intérieurs atteint +1,8 point ; au Royaume-Uni, elles atteignent +5,6 points. Au Danemark et en France, les termes de l’échange sont caractérisés par des fluctuations de faible ampleur contribuant peu à l’évolution du taux de marge. Dans ces deux pays, les évolutions du partage de la valeur ajoutée sont très largement déterminée par celles du coût salarial unitaire réel. En 2002, les contributions cumulées des termes de l’échange à l’évolution du taux de marge étaient de –0,8 point pour la France et le Danemark.

* * *

Le recours à une autre méthode permet d’apporter un éclairage nouveau sur le profil du partage de la valeur ajoutée en France et sur la distinction habituellement admise entre pays européens et anglo-saxon. En France, la tendance à la hausse de la part des profits au cours des années quatre-vingt-dix dans le secteur privé (ensemble de l’économie hors administrations publiques) s’explique par les conventions retenues. Lorsqu’on affecte à chaque non salarié une rémunération équivalente à celle des salariés de sa branche, qu’on retire les loyers fictifs de la valeur ajoutée, que l’agriculture est exclue du champ d’analyse, la part des profits apparaît relativement stable depuis le début des années quatre-vingt-dix.

La distinction entre pays européens et anglo-saxons doit être relativisée. L’examen des différents indicateurs révèle qu’il n’y a pas d’opposition entre ces deux groupes. L’exclusion du secteur « pétrolier » conduit à rapprocher le profil de la part des profits en Norvège, au Royaume-Uni et au Canada de celui des pays européens. La décomposition comptable du taux de marge permet d’apporter les précisions suivantes : - L’Allemagne, la France et l’Italie présentent des évolutions du partage de la valeur ajoutée proches et se

caractérisent par un coût salarial unitaire réel dont le niveau est proche en début et en fin de période après avoir contribué négativement à l’évolution du taux de marge sur l’essentiel de la période.

- Le partage de la valeur ajoutée présente un profil proche des trois pays précédents au Danemark et en Norvège (lorsque le secteur « pétrolier » est retiré) mais la progression de la productivité apparente du travail a été supérieure à celle du coût réel du travail.

- Le taux de marge connaît une tendance positive aux Etats-Unis liée à une progression de la productivité apparente du travail sensiblement plus élevée que celle du coût réel du travail.

- Au Royaume-Uni, le coût salarial unitaire réel a nettement diminué entre 1970 et 2002. - Au Canada, le partage de la valeur joutée a connu des évolutions atypiques à la fin des années quatre-

vingts. - Au Japon, le partage de la valeur ajoutée paraît finalement devoir être considéré avec précaution en raison

du fort impact des différentes hypothèses et du nombre particulièrement important de non salariés. Il revient maintenant aux analyses théoriques et formalisées d’expliquer ces faits stylisés, et notamment d’examiner la pertinence de l’hypothèse de stabilité de long terme du partage de la valeur ajoutée largement démentie sur les trente dernières années. Concernant la France, c’est la stabilité du partage de la valeur ajoutée depuis une quinzaine d’année ainsi qu’un profil particulièrement heurté qu’il conviendrait désormais d’expliquer, plutôt qu’une dérive temporelle depuis le début des années quatre-vingts. Il convient cependant de rappeler que la mesure du partage salaires-profits reste un exercice compliqué et que les différents indicateurs analysés restent imparfaits, ce qui amène à considérer avec précaution ces résultats. Deux grandes interrogations demeurent : comment obtenir une correction de la non salarisation véritablement pertinente ? Comment améliorer de manière homogène la définition du coût du travail ?

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Insee Méthodes 198

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199

Annexe 1 - Principaux indicateurs

Taux de marge au coût des facteurs « Secteur marchand non agricole »

Valeur ajoutée corrigée des loyers fictifs

Etats-Unis Japon Allemagne de l’Ouest

Allemagne Royaume-Uni

1970 27,0 40,2 33,5 29,8 1971 28,7 35,7 32,3 31,0 1972 29,0 35,3 31,8 30,5 1973 28,4 33,4 30,8 29,3 1974 27,7 30,0 29,8 25,8 1975 30,4 26,1 29,6 23,1 1976 31,2 26,0 30,2 26,2 1977 31,5 24,8 30,4 29,3 1978 31,5 25,9 31,3 30,3 1979 31,1 26,1 31,3 29,9 1980 30,2 26,6 29,5 29,1 1981 30,9 25,9 29,2 30,0 1982 29,6 25,9 29,8 31,0 1983 31,8 25,6 32,0 32,4 1984 32,4 26,4 32,6 31,8 1985 32,2 28,4 33,3 31,6 1986 31,8 28,9 34,0 31,0 1987 30,9 28,8 33,5 31,6 1988 30,8 29,7 34,0 30,9 1989 32,2 29,8 34,7 29,9 1990 32,0 29,4 35,3 28,3 1991 31,7 29,3 35,3 33,7 27,0 1992 32,0 28,4 31,9 27,5 1993 32,6 27,6 31,4 29,6 1994 33,3 26,3 32,6 31,1 1995 33,6 25,6 32,9 31,1 1996 34,3 26,3 33,3 33,4 1997 34,5 26,0 34,3 33,1 1998 31,6 24,9 35,0 31,7 1999 31,1 25,1 34,6 30,2 2000 29,4 25,2 33,4 28,8 2001 29,7 24,1 33,4 27,8 2002 31,1 25,0 34,1 28,6

Source : base ANA de l’OCDE, comptes nationaux ; calculs des auteurs.

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Insee Méthodes 200

Taux de marge au coût des facteurs « Secteur marchand non agricole »

Valeur ajoutée corrigée des loyers fictifs

France Italie Canada Norvège Danemark 1970 32,1 32,9 27,2 36,4 27,8 1971 31,8 30,6 27,0 32,8 26,2 1972 31,3 30,5 27,1 32,5 29,3 1973 31,2 29,9 28,9 33,7 29,3 1974 29,1 31,5 29,7 35,3 26,2 1975 25,6 27,8 29,0 32,9 25,9 1976 25,4 29,4 28,7 30,7 26,5 1977 26,0 28,8 28,3 30,4 25,2 1978 26,2 30,2 29,6 31,7 24,5 1979 25,7 31,5 31,8 36,6 24,3 1980 23,2 32,9 32,1 41,0 22,3 1981 22,2 31,8 30,2 41,4 23,3 1982 21,1 31,3 28,6 41,1 26,3 1983 21,8 31,1 32,0 42,6 28,2 1984 23,2 32,7 33,4 44,6 28,7 1985 24,2 33,2 32,9 43,7 29,0 1986 28,3 34,8 30,8 35,1 28,4 1987 28,7 34,8 31,0 33,3 25,4 1988 29,8 35,3 30,3 33,0 24,9 1989 30,7 34,9 28,7 38,4 27,2 1990 29,9 33,8 26,8 40,5 29,2 1991 29,9 32,6 24,0 41,7 30,1 1992 30,1 32,3 22,9 40,9 31,4 1993 30,1 32,4 24,0 42,7 31,6 1994 30,8 34,5 27,3 42,6 34,3 1995 30,8 36,3 28,8 43,2 34,3 1996 30,4 36,8 28,7 45,6 34,1 1997 30,7 36,3 29,0 45,5 34,3 1998 31,6 36,9 27,4 39,4 32,4 1999 31,4 36,7 29,8 41,8 32,8 2000 32,0 37,0 32,4 51,7 34,6 2001 31,7 37,1 31,6 51,1 33,2 2002 31,9 36,4 47,9 33,3

Source : base ANA de l’OCDE, comptes nationaux ; calculs des auteurs.

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201

Taux de marge au coût des facteurs « Secteur marchand non agricole » hors secteur « pétrolier »

Valeur ajoutée corrigée des loyers fictifs

Etats-Unis Royaume-Uni Canada Norvège 1970 26,3 29,6 26,5 36,4 1971 28,0 30,7 26,1 32,9 1972 28,4 30,2 26,1 32,5 1973 27,6 29,0 27,5 33,6 1974 26,5 25,4 27,5 34,7 1975 29,2 22,7 26,1 30,7 1976 29,9 24,9 25,9 27,7 1977 30,2 27,2 24,8 26,9 1978 30,2 27,3 26,3 26,4 1979 29,4 26,0 28,1 29,2 1980 27,8 24,2 27,8 28,8 1981 28,3 24,8 25,6 28,3 1982 27,1 25,7 23,0 27,7 1983 29,8 26,9 26,1 28,4 1984 30,6 26,1 27,4 29,4 1985 30,4 25,7 27,1 29,0 1986 30,9 26,2 28,0 27,5 1987 29,8 28,0 28,4 26,5 1988 29,6 28,3 28,4 28,2 1989 31,1 28,4 27,1 30,6 1990 30,8 26,6 24,4 30,7 1991 30,8 25,5 21,8 32,6 1992 31,4 26,2 20,8 32,0 1993 31,9 28,3 21,6 34,1 1994 32,8 29,7 25,0 33,8 1995 33,1 29,5 26,8 34,1 1996 33,5 31,6 26,0 32,9 1997 33,7 31,6 26,6 32,6 1998 31,3 30,5 25,9 31,0 1999 30,8 28,9 27,6 30,3 2000 28,7 26,7 27,9 31,3 2001 29,1 25,8 27,3 33,7 2002 26,3 29,6 26,5 36,4

Source : base ANA de l’OCDE, comptes nationaux ; calculs des auteurs.

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Insee Méthodes 202

Annexe 2 - Données utilisées

A2.1 Source des données Les taux de marge sont calculés à partir de la seule base ANA de l’OCDE pour l’Allemagne, l’Italie, le Canada, la Norvège, le Danemark (Tableau A2.1). Pour le Royaume-Uni, la base ANA ainsi que des données provenant de l’enquête sur les forces de travail (Labour Force Survey) sont utilisées. Les comptes nationaux et la base ANA sont mobilisés pour construire les taux de marge au Japon et en France. Les taux de marge construits pour les Etats-Unis reposent intégralement sur les comptes nationaux.

Tableau A2.1 Sources des données

Compte Nationaux Autre OCDE OCDE

Base ANAEtats-Unis 1970-2002Japon 1970-1990 1990-2002Allemagne de l’Ouest 1970-1991Allemagne 1991-2002Royaume-Uni 1970-1978 1978-2002France 1970-1990 1990-2002 Italie 1970-2002Canada 1970-2001Norvège 1970-2002Danemark 1970-2002

9.1 A2.2Définition du « Secteur marchand non agricole »

a) à partir de la base ANA A partir des données de branches de la base ANA (Tableau A2.2), le « secteur marchand non agricole » est défini comme l’ensemble des branches dont sont retirées les branches suivantes : - « Administration publique et défense; sécurité sociale obligatoire » - « Education » - « Santé et action sociale » - « Agriculture, chasse et sylviculture » - « Pêche »

Le retrait des trois premières branches conduit au « secteur marchand ». La branche « agriculture » est composée des deux branches « Agriculture, chasse et sylviculture » et « Pêche ».

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203

Tableau A2.2 Les branches dans la base ANA de l’OCDE

Agriculture, chasse et sylviculture Pêche Activités extractives dont Extraction de matériaux produisant de l'énergie Activités extractives, sauf extraction de matériaux produisant de l'énergie Activités de fabrication dont Fabrication de produits alimentaires, boissons, et produits à base de tabac Fabrication des textiles et produits textiles Fabrication du cuir et des produits en cuir Production de bois et d'articles en bois Fabrication de papier, d'articles en papier et carton; édition et imprimerie Fabrication de produits pétroliers; cokéfaction; combustibles nucléaires Fabrication de produits chimiques Fabrication d'articles en caoutchouc et en matières plastiques Fabrication d'autres produits minéraux non métalliques Fabrication de produits métallurgiques de base et d'ouvrages en métaux Fabrication de machines et de matériel n.c.a. Fabrication d'appareils électriques et d'optique Fabrication de matériels de transport Activités de fabrication n.c.a. Production et distribution d’électricité, de gaz et d’eau Construction Commerce de gros et de détail; réparation de véhicules et de biens dom. Hôtels et restaurants Transports, entreposage et communications Intermédiation financière Immobilier, location et activités de services aux entreprises Administration publique et défense; sécurité sociale obligatoire Education Santé et action sociale Autres activités de services collectifs, sociaux et personnels Ménages privés employant du personnel domestique Organisations et organismes extraterritoriaux Total

Note de lecture : les calculs nécessitant des données sectorielles utilisent le niveau de détail le plus fin. Ainsi par exemple, les branches Extraction de matériaux produisant de l'énergie et Activités extractives, sauf extraction de matériaux produisant de l'énergie sont distinguées.

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Insee Méthodes 204

b) à partir des données de comptabilité nationale Pour les Etats-Unis, le Japon et la France, des données de comptabilité nationale sont directement mobilisées. Les découpages par branches disponibles ne correspondant pas au découpage de la base ANA, un champ aussi proche que possible de celui de la base ANA a été considéré (Tableau A2.2). - Pour les Etats-Unis, il n’a pas été possible de disposer d’un découpage par branches homogène sur toute la

période 1970-2002. Trois nomenclatures différentes ont été utilisées pour les périodes 1970-1987 (1972 Standard Industrial Classification), 1987-1997 (1987 Standard Industrial Classification) et 1998-2002 (1997 North American Industrial Classification System)

- Pour la France, les données sur la période 1970-1990 reprennent le découpage sectoriel en vigueur dans la base 80 (Nomenclature d’Activités et de Produits, NAP40)

Tableau A2.2

Le « secteur marchand non agricole » à partir des données de comptabilités nationales

Secteur marchand Agriculture Etats-Unis 1970-1987 et 1987-1997 Total Activity

- Government - Educational services - Health services - Social Services - Membership organizations

Agriculture, forestry and fishing

Etats-Unis 1998-2002 Total activity

- Government - Educational services, health care, and social assistance

Agriculture, forestry, fishing, and hunting

Japon 1970-1990 Total

- Producers of government services - Producers of private non-profit services to households

Agriculture, forestry and fishery

France 1970-1990 Ensemble des activités

- Services non marchands Agriculture, sylviculture et pêche

A2.3 Retraitements spécifiques : Différentes hypothèses ont été nécessaires pour estimer certaines données manquantes. L’emploi au Royaume-Uni sur la période 1970-1978 En l’absence de données, l’enquête sur les forces de travail (Labour Force Survey) a été mobilisée pour obtenir l’emploi et les non salariés pour l’ensemble de l’économie sur la période 1970-1978. Les variations de ces séries ont été utilisées pour rétropoler l’emploi et les non salariés jusqu’en 1978. Les données sectorielles sont obtenues à partir des parts constatées en 1978. La rémunération des non salariés aux Etats-Unis sur la période 1970-1997 Le nombre de non salariés n’étant pas disponible pour les secteurs « Educational services », « Health services », « Social services » et « Membership organizations » celui-ci a été estimé en supposant que la part des non salariés de ces secteurs dans le secteur « Services » auquel ils appartiennent était équivalente à la part des salariés de ces secteurs dans le secteur « Services »

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205

Les loyers fictifs en Allemagne et en Norvège sur la période 1970-1980. Les loyers fictifs n’étant pas disponibles sur la période 1970-1980 pour la Norvège et l’Allemagne, ils ont été estimés en supposant qu’ils représentaient une fraction constante de la valeur ajoutée de l’ensemble de l’économie. Cette fraction correspond à la celle constatée en 1980. La rétropolation des taux de marge pour le Japon et la France Pour la France et le Japon, le raccordement des deux taux de marge calculés à partir de bases comptables et/ou de découpages par branches différents s’effectue en rétropolant les taux de marge calculés à partir des données de l’OCDE au moyen des taux de croissance des taux de marge calculés directement à partir des données de comptabilité nationale.

Les taux de marge au coût des facteurs du « secteur marchand non agricole » (TMCF_SMNA) sont calculés à partir de la formule suivante :

_ _ ___

VACF SMNA RSAL SMNA RNSAL SMNATMCF SMNAVACF SMNA

− −=

avec VACF_SMNA, la valeur ajoutée au coût des facteurs du secteur marchand non agricole définie telle que :

_ _ _ _ _VACF SMNA VA SMNA II SMNA SUB SMNA SIFIM SMNA LF= − + − −

avec VA_SMNA, la valeur ajoutée brute ; II_SMNA, les impôts indirects ; SUB, les subventions, SIFIM, la part des SIFIM affectée au secteur marchand non agricole en proportion de son poids dans la valeur joutée brute, LF, les loyers fictifs. RSAL_SMNA, la rémunération des salariés du secteur marchand non agricole défini à partir des données de branches. RNSAL_SMNA, la rémunération des non salariés du secteur marchand non agricole. Elle est obtenue en sommant les rémunérations des non salariés calculées pour chaque branche. Pour chaque branche, la rémunération des non salariés correspond au produit du nombre de non salariés de la branche par la rémunération moyenne des salariés de la branche. La part des profits du secteur marchand non agricole hors secteur « pétrolier » est obtenu en retranchant du secteur marchand non agricole les deux branches Extraction de matériaux produisant de l'énergie et Fabrication de produits pétroliers; cokéfaction; combustibles nucléaires.

A2.4 La décomposition comptable Les indices de prix nécessaires à la décomposition comptable proviennent de la base ANA de l’OCDE pour tous les pays considérés et sont des prix concernant l’ensemble de l’économie et non le seul secteur marchand non agricole. Le prix de la valeur ajoutée retenu est ainsi un prix du PIB.

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Insee Méthodes 206

Annexe 3 - Taux de marge du secteur marchand non agricole et du secteur des entreprises

Les indicateurs alternatifs calculés sur un secteur marchand non agricole » avec retrait des loyers fictifs et correction de la non salarisation par branche peuvent être comparés avec les taux de marge pouvant être calculés à partir des données de l’OCDE relatives au seul secteur des sociétés18 (secteur Corporations disponible dans la base Simplified Institutional Accounts, données annuelles). Les données sur ce secteur sont disponibles sur des périodes sensiblement plus courtes (tableau A3.1) et leur homogénéité n’est pas assuré.

tableau A3.1 secteur des sociétés et secteur marchand non agricole

étendue des données disponibles Secteur marchand non

agricoleSecteur des entreprises

États-Unis 1970-2002 1970-2004 Japon 1970-2002 ND Allemagne 1970-2002* ND** Royaume-Uni 1970-2002 1989-2002 France 1970-2002 1970-2000 Italie 1970-2002 1980-2003 Canada 1970-2001 ND Norvège 1970-2002 1978-2003 Danemark 1970-2002 1990-2003

* 1970-1991 pour l’Allemagne de l’Ouest ; 1991-2002 pour l’Allemagne. ** Les données ne sont disponible qu’à partir de 1995. La comparaison n’a été effectuée que lorsque les données pour le secteur des entreprises permettent de calculer un indicateur sur une période d’au moins dix ans.

Il ressort de cette comparaison que, malgré des différences de niveau sensibles (graphiques A3.1 à A3.6), les deux types d’indicateurs présentent des profils d’évolutions proches. Ce diagnostic doit être relativisé dans le cas des États-Unis où, si l’évolution tendancielle est identique, quelques évolutions de court terme diffèrent. Ces dernières semblent pouvoir être en partie expliquée par le traitement des SIFIM dans la comptabilité nationale des États-Unis. Bien que fragile, ce résultat tend à valider les corrections alternatives adoptées.

18 Pour la France, la comparaison est effectuée à partir du taux de marge des seules SNF.

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207

Graphiques A3.1 à A3.6 secteur des sociétés et secteur marchand non agricole

Taux de marge au coût des facteurs (%)

A3.1 États-Unis A3.2 Royaume-Uni

20%

25%

30%

35%

40%

45%

50%

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

SMNA

Sociétés

20%

25%

30%

35%

40%

45%

50%

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

SMNA

Sociétés

source : comptes nationaux, OCDE ; calculs des auteurs

source : OCDE ; calculs des auteurs

A3.3 France A3.4 Italie

20%

25%

30%

35%

40%

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

SN

SMNA

20%

25%

30%

35%

40%

45%

50%

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

SMNA

Sociétés

source : comptes nationaux; calculs des auteurs source : OCDE ; calculs des auteurs

A3.5 Norvège A3.6 Danemark

30%

35%

40%

45%

50%

55%

60%

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

SMNA

Sociétés

20%

25%

30%

35%

40%

45%

50%

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002

SMNA

Sociétés

source : OCDE ; calculs des auteurs source : OCDE ; calculs des auteurs

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Insee Méthodes 208

LA PART SALARIALE DANS LE PIB EN FRANCE : COMMENT CORRIGER AU MIEUX LE PHÉNOMÈNE DE LA

SALARISATION CROISSANTE DE L’EMPLOI ?

Nicolas CANRY CES Matisse, Université Paris 1

Une version révisée de ce texte est parue dans la « Revue de l’OFCE », n° 100, janvier 2007, sous le titre

« Part salariale dans le PIB en France, les effets de la salarisation croissante »

Résumé

La répartition primaire des revenus mesure la part de la rémunération de chacun des facteurs de production dans la richesse créée au cours du processus productif. Avec une technique de production à élasticité de substitution (entre les facteurs) unitaire19, la part de chacun des facteurs dans la valeur ajoutée est constante. C'est pour cette raison que l’on considère généralement que cette répartition est stable « à long terme ». Cependant, ce résultat théorique contraste fortement avec les évolutions de la part salariale française observées depuis 1970. La part salariale a, d’une part, connu d’importantes fluctuations : après une forte hausse dans les années 1970, la tendance se retourne brusquement au cours des années 1980, si bien que la part salariale retrouve son niveau d’avant 1973 dès 1987-88. D’autre part et peut-être plus fondamentalement, plusieurs travaux ont souligné l’existence d’un « surajustement » dans les années qui ont suivi : la part salariale, loin de se stabiliser dans les années 1990, aurait continué de décroître tout au long de cette période (Blanchard (1997), Artus et Cohen (1998)). Pour lever ce paradoxe entre théorie et faits empiriques, plusieurs explications d’ordre théorique ont été apportées. La première série d’explications s’appuie sur la remise en cause de l'hypothèse d'élasticité de substitution unitaire. Si cette élasticité est inférieure à un par exemple, toute hausse du prix relatif de l'un des deux facteurs entraînera une augmentation de la part de ce facteur dans le revenu : la hausse de la part salariale dans les années 1970 peut alors être expliquée par la forte progression des salaires à un moment où la productivité du travail ralentit (Bruno et Sachs (1985)). De même, sa baisse dans les années 1980 résulterait en partie de la hausse des taux d'intérêts réels. Selon Baghli, Cette et Sylvain (2003), une hausse de 1 point du taux d'intérêt réel augmente à moyen terme le taux de marge des entreprises françaises de 0,4 à 0,8 point. Selon Prigent (1999) ou Mihoubi (1999), l’élasticité de substitution entre les facteurs serait légèrement inférieure à 1. Selon Caballero et Hammour (1997) au contraire, l'élasticité de substitution, faible à court terme, devient nettement supérieure à un à plus long terme. Selon eux, en effet, il existe des irréversibilités à court terme qui limitent la substitution instantanée entre les facteurs, en réponse à une variation des prix relatifs. A moyen terme cependant, les entreprises adoptent des techniques économisant au maximum le facteur devenu plus coûteux. Ainsi la hausse du prix relatif d'un facteur entraîne une hausse (l'effet prix domine) puis une baisse (l'effet volume domine) de la part rémunérant ce facteur dans la valeur ajoutée. Ce modèle permet donc de rendre compte à la fois de la hausse de la part salariale dans les années 1970, puis de sa baisse les années suivantes, suite au recours à des techniques beaucoup plus intensives en capital. Enfin, Baghli, Cette et Sylvain (2003), soulignent le rôle important des fluctuations du prix de l’énergie sur les évolutions de la part salariale des SNF en France. Dans une perspective empirique cette fois, Askénazy (2003) a récemment mis en évidence que la méthode de calcul habituellement employée pour estimer la part salariale (Blanchard (1997), Poterba (1997), Prigent (1999), etc.) –que l’on qualifiera par la suite de méthode « usuelle »– génère des biais importants dans l'estimation de cette variable, en raison notamment de la technique employée pour estimer la rémunération salariale des 19 C’est le cas notamment avec une fonction de production Cobb-Douglas.

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209

travailleurs indépendants : en attribuant à ceux-ci la rémunération moyenne des salariés de l’économie, cette méthode ne tient pas compte de l’évolution, pourtant importante, du type d’emploi occupé par les indépendants. Pour corriger ce biais, Askénazy propose de recourir aux données de salaire désagrégées au niveau sectoriel. Une telle méthode permet ainsi de redresser sensiblement l’indicateur de part salariale dans les années 1990. Dans cet article, nous nous concentrons sur ce dernier point et analysons les modifications apportées par Askénazy, afin d'en souligner la pertinence, tout en nuançant les effets sur la mesure effective de la part salariale. Pour ce faire, nous nous appuyons sur le travail de Krueger (2000) qui propose quant à lui d’attribuer une part constante du revenu mixte des EI à la rémunération de leur travail. Cette méthode estime ainsi la « rémunération salariale » des EI sans se référer au revenu des salariés. Toutefois, cette seconde méthode soulève elle-même des difficultés liées au fait que, d’une part, il n’est pas facile de déterminer la bonne « clé de partage » du revenu des EI (entre rémunération du capital et rémunération du travail), d’autre part, rien ne prouve que ce partage n’est pas lui-même variable au cours du temps. Il semble néanmoins possible d’estimer cette clé de répartition et de vérifier que, pour le cas français, l’hypothèse d’un partage constant du revenu mixte des EI entre capital et travail constitue une hypothèse de travail raisonnable. Pour la plupart des graphiques présentés dans cet article, on a eu recours aux données des comptes nationaux annuels (fournies par l’INSEE). L’article couvre la période 1970-2004, si bien que plusieurs bases ont été mobilisées. La base 2000, parue au cours de l’année 2005, couvre actuellement la période 1993-2004 pour les données traitant des secteurs institutionnels, ce qui permet de construire l’indicateur proposé par Krueger en base 2000 sur cette période. En revanche, certaines données par branche, indispensables pour estimer l’indicateur proposé par Askénazy, ne sont, à l’heure actuelle, disponibles qu’à partir de 199920. Par souci d’homogénéité dans données employées pour calculer les indicateurs que nous comparons, nous avons donc décidé de conserver, dans cet article, les données en base 95. Toutefois, les indicateurs proposés ont été recalculés en base 2000, chaque fois que cela a été possible. Nous faisons figurer dans le corps du texte les différences observées alors entre les bases ; enfin, la part salariale estimée suivant la « méthode Krueger » est présentée en fin d’article en base 95 et en base 2000 (sur la période 1993-2004). De fait, les modifications conceptuelles apportées à la base 95 puis à la base 2000 modifient sensiblement certaines données de la comptabilité nationale, notamment la VAB de la nation : depuis la base 95, elle est estimée au prix de base (et non plus au prix de marché, comme dans la base 80) et, dans la base 2000, seule une partie des SIFIM est déduite de cette VAB (et non la totalité, comme dans les bases précédentes). Le recours à plusieurs bases rend donc difficile la construction d’un indicateur continu sur toute la période couverte. Toutefois, en analysant les périodes pour laquelle on dispose des données dans les deux bases (1978-1997 pour les base 80-95 et 1993-2002 pour les base 95-2000), il ressort que ces modifications ont certes un effet sensible sur le niveau des indicateurs présentés, mais un effet souvent marginal sur leur évolution : c’est particulièrement vrai pour la transition entre les base 80 et 95, tout au moins sur la période allant de 1978 au milieu des années 1980. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de rétropoler les données de la base 95 avec celles de la base 1980, en faisant coïncider les valeurs des deux bases pour l’année 197821. On a procédé ainsi pour tous les indicateurs présentés et couvrant la période 1970-2000. La présentation de tous les indicateurs en base 80 figure néanmoins en annexes (cf. annexe 1).

1 La méthode « usuelle » de calcul de la part salariale fait apparaître des fluctuations importantes depuis 30 ans

Si l'on se contente, pour étudier l'évolution annuelle de la part salariale, de rapporter la masse salariale nationale au PIB, on crée un biais temporel lié à la hausse tendancielle de la salarisation de l'emploi total (qui comprend également les travailleurs indépendants, ou entrepreneurs individuels). En comptabilité nationale, le revenu de ces entrepreneurs est enregistré sous l'appellation « revenu mixte », et n'est donc pas considéré, en tant que tel, comme du salaire puisque les indépendants ne se sont pas des salariés. Dans l'optique « revenu », le PIB national se décompose ainsi entre excédent brut d'exploitation (EBE), rémunérations salariales (salaires nets et cotisations, tant salariales que patronales) et revenu mixte des entrepreneurs individuels (EI). Un accroissement tendanciel du taux de salarisation dans l'économie gonfle donc artificiellement la masse salariale dans le revenu (à PIB inchangé, le volume de salaire augmente tandis que le revenu mixte diminue).

20 C’est le cas notamment des rémunérations salariales par branche. 21 Ne disposant pas des données permettant de passer de la VAB au prix du marché à la VAB au prix de base, celle-ci est donc estimée au prix du marché sur la période 1970-78. Notons toutefois que les évolutions entre VAB au prix de base et VAB au prix de marché restent, en base 95, relativement similaires jusqu’au milieu des années 1980. Surtout, le recours à la VAB au coût des facteurs dans la suite de l’article atténue considérablement les différences entre base 80 et base 95.

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Insee Méthodes 210

Pourtant, le revenu mixte rémunère à la fois le travail et le capital investi par l'entrepreneur individuel ; si donc, du strict point de vue du droit, l'entrepreneur n'est pas un salarié, il n'en demeure pas moins que, d'un point de vue économique, une partie de son revenu rémunère son travail. Ajouter cette part à la masse salariale semble donc une façon économiquement pertinente de corriger le biais lié à la salarisation croissante du travail. Reste à estimer la part du revenu mixte qui correspond à du salaire et celle qui équivaut à de l'EBE, rémunérant le capital investi par l'entrepreneur. Procéder à cette décomposition n’a, de fait, rien d’évident. De fait, la méthode communément retenue consiste à supposer que la rémunération salariale moyenne des entrepreneurs individuels est égale à la rémunération salariale moyenne des salariés de l'économie considérée (c'est-à-dire la masse salariale rapportée à l'emploi salarié total dans l'économie). Dans le graphique I, on reproduit la part salariale dans la VAB nationale au coût des facteurs22 calculée à partir de la méthode usuelle ainsi que la part salariale dans les seules sociétés non financières (SNF). Pour les SNF, le dénominateur retenu est la VAB au prix de marché (base 80) puis la VAB au prix de base (base 95 et 2000). Pour faciliter les comparaisons entre les courbes, on a ajusté la courbe des SNF à la courbe de l’économie nationale en 1970 et la courbe des SNF en base 2000 à la courbe des SNF en base 95 en 1993. Graphique I - Part salariale (corrigée) dans la VAB au coût des facteurs pour l'ensemble de l'économie (INSEE et Commission Européenne) et pour les seules sociétés non financières, France, 1960-2004

So urces : C ommissio n EuropéenneIN SEE, C ompt es nat ionaux

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1988

1990

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1996

1998

2000

2002

2004

Part salarialeEnsemble Economie

Part salariale dans lesENF - bases 80 et 95

Part salariale dans lesENF - base 2000

L’indicateur portant sur les seules SNF a l’avantage d’être très simple à calculer, puisqu’il ne mobilise les données que d’un seul secteur institutionnel. Néanmoins, la VAB des entreprises non financières représente environ 56 % de la VAB nationale e23n 2004. La part salariale nationale couvre donc un champ nettement plus vaste (elle intègre à ce titre les secteurs des administrations publiques, des institutions financières, etc.) au prix, il est vrai, d’une dépendance plus forte de l’indicateur à un certain nombre de conventions de la comptabilité nationale. Concernant les administrations publiques par exemple, la VAB non marchande est définie par la somme des coûts de production. La VAB nationale intègre par ailleurs la production de service au titre de la location de logement (notamment des ménages)24. Se pose également, pour les années non disponibles en base2000 (avant 1993), la question du traitement des services d'intermédiation financière indirectement mesurés, exclus de la VAB dans la comptabilité nationale. Cet indicateur nécessite surtout, comme on vient de le voir, de corriger les artefacts induits par la hausse de la salarisation. Il s’agit donc d’un indicateur dont la portée est plus

22 La VAB au coût des facteurs est la somme des rémunérations salariales, de l’excédent brut d’exploitation et du revenu mixte. Pour la période allant de 1960 à 1970, on a eu recours à l'indicateur de part salariale fourni par la Commission Européenne, qui s’appuie sur la méthode usuelle. A ce titre, notons que les évolutions de la part salariale construite à partir des données fournies par l'INSEE sont parfaitement similaires à celles de la part salariale fournie par la Commission entre 1970 et 1991. 23 Cette part est en moyenne de 55,7 % entre 1993 et 2004 en base 2000 (résultat quasiment équivalent en base 95), soit un chiffre assez similaire à celui obtenu dans les années 1970 (à partir de la base 80) 24 Ainsi, une hausse du prix des loyers augmente la VAB de l’économie sans modifier de façon directe la masse salariale, ce qui provoque une baisse de la part salariale nationale. Cette baisse traduit ainsi l’érosion du « pouvoir d’achat des salaires » consécutive à l’inflation des loyers.

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générale, au prix cependant d’une qualité sans doute inférieure à celle de la part salariale des seules sociétés non financières. Les courbes du graphique I indiquent qu'après avoir fortement augmenté entre 1974 et 1982, les parts salariales de l’économie nationale et des SNF ont fortement chuté entre 1982 et 1989. Dans les années 1990, la part salariale des SNF se stabilise à un niveau sensiblement inférieur à son niveau des années 1960, tandis que la part salariale nationale continue de décroître, à un rythme toutefois moindre que dans les années 1980.

10 Une méthode alternative, sur une base désagrégée, permet de relativiser la baisse de la part salariale depuis 1980

La méthode usuelle de calcul de la part salariale fait aujourd'hui l'objet d'un certain nombre de critiques : en particulier, rien ne permet de justifier a priori l'hypothèse selon laquelle le salaire fictif moyen des entrepreneurs individuels est égal au salaire moyen de l'économie, notamment parce que les entrepreneurs exercent des professions dont ni la productivité ni la rémunération n'ont de raison d'être apparentées avec celles du « salarié moyen » de l'économie. L'étude méticuleuse conduite par Askénazy (2003) affine la méthode de calcul de la part salariale. Une des principales conclusions de son analyse est qu'il faut nuancer les divergences de trajectoire des parts salariales américaine et française depuis 1970 : la part américaine, souvent considérée comme stable, a en fait sensiblement baissé depuis 30 ans, tandis que la part française a moins baissé (depuis 1982) qu'on ne le prétend habituellement. L'étude d'Askénazy se focalise sur trois aspects pour lesquels la méthode usuelle d'estimation de la part salariale doit, selon lui, être améliorée : - D'une part les impôts sur les salaires et la main d’œuvre : dans la méthode usuelle, ils ne sont pas considérés comme faisant partie des salaires, contrairement aux cotisations employeurs. Selon Askénazy, ils font pourtant partie du coût salarial et doivent, à ce titre, être intégrés dans la part salariale. - D'autre part le traitement de la production de services d'intermédiation financière indirectement mesurés (SIFIM) dans les bases 80 et 95 : les SIFIM correspondent à la rémunération sur marges d’intérêts obtenue par les banques auprès de leur clientèle (services bancaires non facturés). Un des principaux apports de la base 2000 (disponible depuis 2005) est de ventiler ces SIFIM entre leurs différents emplois effectifs (consommation finale, consommation intermédiaire, FBCF, etc.). Ainsi, dans cette nouvelle base, seuls les SIFIM employés sous forme de consommation intermédiaire réduisent la VAB nationale. Dans les bases précédentes (bases 80 et 95) en revanche, on supposait que la contrepartie de cette production était intégralement utilisée par une branche fictive sous forme de consommation intermédiaire : la totalité des SIFIM était donc déduite de la VAB nationale. Askénazy note que cette simplification a une incidence sensible sur les évolutions de la part salariale (via les effets sur le dénominateur), d'une part parce que le montant global des SIFIM (en pourcentage du PIB) est variable au cours du temps, d'autre part parce que son « partage » (entre consommations intermédiaire et finale) est lui-même variable. - Enfin et surtout, la correction de la non-salarisation (présentée plus haut) : Askénazy constate en effet que cette méthode de calcul engendre un biais temporel dans les évolutions de la part salariale (sur longue période), en raison, notamment, des changements structurels importants dans la composition sectorielle des entrepreneurs individuels : pour schématiser, les entrepreneurs individuels des années 1970 étaient essentiellement de petits agriculteurs, commerçants ou artisans, dont le niveau de vie était souvent inférieur à celui d'un salarié moyen. Aujourd'hui, ce sont de plus en plus des professions libérales (médecins, avocats, etc.), dont le revenu moyen excède largement le niveau de vie d'un salarié moyen. C'est pourquoi Askénazy estime que le salaire moyen fictif, qu'on doit imputer à la part salariale comme contribution des entrepreneurs individuels, a, en réalité, crû tendanciellement au cours des dernières décennies. Commentons successivement ces trois corrections. - Concernant la prise en compte des impôts sur les salaires dans la part salariale, celle-ci est parfaitement justifiée si l'on cherche à estimer le coût salarial. Il existe deux logiques distinctes dans la mesure de la part salariale : une logique de coût, celle retenue par Askénazy, et une logique de répartition des revenus, analysant le partage de la VAB entre rémunération du capital et rémunération du travail. Dans cette seconde optique, il est usuel de déduire de la VAB la part des impôts sur la production (nets de subventions d’exploitation) prélevée par

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les administrations publiques : on définit ainsi la VAB au coût des facteurs comme la somme des rémunérations salariales, de l’excédent brut d’exploitation et du revenu mixte (Cette et Mahfouz (1996)). Suivant cette seconde optique, on peut fort bien considérer que les impôts sur les salaires et la main d’œuvre doivent être déduits de la VAB (au prix de base), au même titre que tous les autres impôts sur la production, dans la mesure où ils n’alimentent pas le revenu du travail (quand bien même leur assiette est assise sur les salaires). En ce sens, les impôts sur les salaires se distinguent bien des cotisations employeurs, qui sont intégrées à la part salariale, non parce qu'elles sont assises sur les salaires, mais parce qu'elles alimentent les caisses des organismes de protection sociale (ce qui est la garantie d'un reversement sous forme financière aux ménages, hors frais de fonctionnement des caisses) 25. Ce n'est donc pas tant l'assiette du prélèvement que sa destination qui entre en ligne de compte dans ce cas. Dans la suite de l’article, nous n’intégrons pas les impôts sur les salaires dans la masse salariale26. Par ailleurs (et dans une optique d’analyse de la répartition des revenus), la VAB sera estimée au coût des facteurs (somme des rémunérations salariales, du revenu mixte des entrepreneurs individuels et de l’excédent brut d’exploitation). - Concernant le « maintien » des SIFIM dans le PIB dans les bases 80 et 95, celui-ci ne modifie presque pas l'écart obtenu avec la méthode usuelle entre 1972 et 1999 (seulement 0,2 point)27. Cette correction réduit en fait l'envolée de la part salariale à la fin des années 1970 plus qu'elle ne limite, à proprement parler, sa baisse dans les années 198028. A partir des courbes fournies par Askénazy, on constate par ailleurs que, dans l'approche alternative, la part salariale est sensiblement inférieure à son niveau de 1970 en 1989, tandis que ce phénomène ne se produit qu'en 1994 dans l'approche usuelle. Dans la suite de l’article, compte tenu du fait que l’intégration des SIFIM dans la VAB n’a qu’un faible impact sur la part salariale française, ceux-ci n’ont pas été incorporés (comme dans la méthode usuelle). - C’est sur le traitement du salaire fictif des EI que va se concentrer la suite de notre article. Pour corriger le biais lié à la composition sectorielle des emplois des entrepreneurs individuels, Askénazy recourt à un calcul sectoriel du salaire fictif moyen des indépendants. Disposant à la fois des données d'emplois salariés et non salariés ainsi que des rémunérations sectorielles, celui-ci refait l'estimation à un niveau désagrégé et corrige ainsi le biais qu'il a identifié. Ainsi, chaque juriste indépendant se voit attribuer, comme salaire fictif, le salaire moyen de ses confrères salariés. Par la suite, cette méthode alternative sera dite « méthode désagrégée ». C’est plus particulièrement sur cette correction que nous allons maintenant revenir. Notons avant toute chose que, dans le présent article et compte tenu des données à notre disposition, la rémunération salariale des EI a été estimé à partir de la nomenclature de produit de niveau E (décomposition en16 branches). Notons toutefois que ces branches ne se recoupent pas exactement en base 80 et en base 95. Une décomposition plus fine (nomenclature de produit de niveau F) n’a pu être effectuée, les données de répartition du revenu étant indisponibles, en base 95, avant 1992. Toutefois, il est possible de comparer les résultats obtenus avec les nomenclatures E et F sur la période 1992-2002, pour laquelle toutes les données sont disponibles : il ressort de cette comparaison que le fait de retenir une nomenclature de niveau F ne modifie l’indicateur de part salariale que de façon très marginale (écart inférieur à un dixième de point de pourcentage). De même, pour les années 1970-78 (en base 80), le calcul de la part salariale a été refait avec 36 secteurs : ici encore, les évolutions sont très similaires. Par souci d’homogénéité avec les données en base 95, la décomposition en 16 secteurs a finalement été retenue. Notons par ailleurs que les données d’emploi utilisées sont estimées en personnes et non en « équivalent temps plein » (ETP), ces données n’étant pas disponibles pour la période 1970-78. Si le recours aux données en ETP a un effet sur le niveau de la part salariale, l’impact sur les évolutions reste, ici encore, négligeable : pour la méthode désagrégée par exemple, et après harmonisation du niveau des courbes en 1978, l’écart entre ces courbes n’excède jamais le dixième de point.

25 Les impôts, au contraire, alimentent le budget de l'Etat –ils ne peuvent être affectés à un poste spécifique du budget– et ce, quelle que soit leur assiette (y compris les salaires). Il est vrai cependant que le transfert de cotisations vers la CSG, enregistrée, en comptabilité nationale, dans les impôts sur le revenu, atténue cette distinction pourtant essentielle. 26 Les impôts sur les salaires ou sur la production ainsi que les subventions d’exploitation n’entrent ainsi en aucune manière dans le calcul de la part salariale effectué dans la suite de l’article. 27 Tous ces chiffres sont calculés à partir des tableaux de synthèse fournis par Askénazy (2003), p.178. Rappelons que ces commentaires sont tenus toutes choses égales par ailleurs et ne traitent pas, à ce stade, de la correction de la non-salarisation proposée par Askénazy. 28 De fait, dans le travail d'Askénazy, cette correction a des conséquences plus spectaculaires sur les données américaines, puisqu'elle accentue, cette fois, la baisse de la part salariale de 1,1 points entre 1970 et la fin des années 1990. Cette correction permet donc plus de tempérer l'hypothèse de constance de la part salariale américaine, que de nuancer véritablement la chute française des années 1980.

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11 Les revenus des entrepreneurs individuels ont une dynamique distincte de celle des salaires

La méthode désagrégée permet d’accroître de façon tendancielle le salaire fictif estimé des EI, en réponse à l’évolution structurelle dans la composition sectorielle de ceux-ci. Le graphique II montre ainsi clairement que cette méthode redresse l’indicateur de part salariale par comparaison avec la méthode « usuelle » : en harmonisant le niveau des deux courbes en 1970, la part « désagrégée » se situe 4 points au dessus de la courbe « usuelle » en 2002, soit seulement 1,5 points sous son niveau de 1970. En revanche, cette méthode ne tient pas compte des éventuelles évolutions relatives de revenus entre salariés et EI. Or on a vu précédemment (cf. tableaux I et II) que ces évolutions ne répondent pas forcément aux mêmes dynamiques. Plus précisément, il semble que les périodes de forte progression salariale (comme les années 1970) s’accompagnent d’une détérioration relative du revenu des EI par comparaison avec celui des salariés, parce qu’il n’y pas de hausse du revenu mixte équivalente à celle des salaires durant ces périodes. Pour se rendre compte de l’importance de ce phénomène, il suffit de comparer l’évolution relative des revenus primaires liés à l’activité des salariés (leur rémunération) et des EI (rémunération conjointe du travail et du capital investi). Pour cela, il est nécessaire d’évaluer la rémunération (globale) de l’entrepreneur, c’est-à-dire ce qui reste de son chiffre d'affaire après déduction des consommations intermédiaires, de la rémunération d'éventuels salariés, de ses amortissements (consommation de capital fixe) et de ses frais financiers ; en comptabilité nationale, cela correspond au revenu disponible net29 avant impôts (et cotisations sociales) de l'entrepreneur individuel. Ce revenu disponible net est très proche de ce que déclare l'entrepreneur au fisc (en dehors des exercices exceptionnels). En ce sens, il peut être apparenté au salaire net d'un salarié, « en gardant néanmoins à l'esprit que ce revenu rémunère à la fois le travail de l'exploitant et le capital qu'il a investi » (Rouault (2000)). Graphique II - Part salariale dans la VAB au coût des facteurs (en %) suivant la méthode usuelle et la méthode désagrégée, France, 1970-2002, bases 80 et 95

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Méthode usuelle

Méthode désagrégée

Dans le graphique III, nous comparons le revenu disponible net moyen des entrepreneurs individuels et la rémunération moyenne des salariés (salaires et ensemble des cotisations). On voit que l'évolution relative des rémunérations salariales et des revenus des entrepreneurs conduit à nuancer l'hypothèse d'Askénazy. En 1970, le revenu net (d’amortissement mais pas de cotisations) moyen des EI est légèrement supérieur à la rémunération salariale moyenne (la rémunération salariale représente alors 95 % du revenu des EI). Entre 1973 et 1985 cependant, une détérioration relative du revenu des EI par rapport à celui des salariés se produit : en 1985, la rémunération moyenne des salariés est ainsi près de 15 % supérieure à celle des entrepreneurs individuels. Ce 29 Notons que le revenu disponible net (RDN) des EI est estimé avant déduction des impôts mais aussi des cotisations sociales versés par ceux-ci (données non disponibles). Le RDN est ainsi défini comme la différence entre revenu disponible brut (avant impôts sur le revenu et cotisations sociales versés) et consommation de capital fixe. Le terme « net » doit donc être entendu au sens de la comptabilité nationale (déduction faite de la consommation de capital fixe) et non au sens du revenu fiscal (cotisations sociales déduites). Le RDN ici fourni correspond ainsi approximativement au « revenu fiscal » mais brut de cotisations sociales…

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n’est qu’à partir de cette date que le rattrapage des EI s'enclenche et c’est seulement en 1994 que le revenu des EI redevient supérieur à celui des salariés30. Notons que des résultats quasiment analogues sont obtenus en estimant le revenu des EI par leur revenu mixte net (et non leur RDN)31. Il apparaît donc clairement que la forte progression salariale entre 1973 et 1982 n'a pas connu d'équivalent en terme de rémunération des EI, d'où la détérioration relative du revenu de ces derniers par rapport aux salariés. Néanmoins la corrélation, très nette dans les années 1970, entre part salariale et rémunération relative des deux types d'agent ne se prolonge pas par la suite : la chute de la part salariale dans les années 1980 aurait dû, symétriquement, faire baisser plus fortement le ratio de rémunération relative32. Ce paradoxe s’explique par le fait que, d'une façon générale, l'activité et, par conséquent, la rémunération des entrepreneurs individuels est extrêmement sensible à la conjoncture économique (Rouault (2000) et, plus spécifiquement sur la décennie 1990, Baudequin (2004)). Graphique III - Ratio de la rémunération moyenne d’un salarié au revenu disponible net moyen (cotisations sociales comprises) d’un entrepreneur individuel et part salariale dans la VAB des SNF (%), France, 1970-2002, bases 80 et 95

0,6

0,7

0,8

0,9

1,0

1,1

1,2

1970

1972

1974

1976

1978

1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

Source : INSEE, comptes nationaux

57

60

63

66

69

72

75

Rémunérationmoyenne d'unsalarié /Rémunération moyenne d'un EI

part salariale dansVAB des SNF

La plupart des brusques évolutions observées sur la courbe de rémunération relative salariés / indépendants peut d’ailleurs s'expliquer par cette raison : ralentissement économique en 1974, puis récession en 1975. Entre 1980-85, le taux de croissance moyen du PIB (en volume) est très faible, ce qui empêche les indépendants de rattraper leur retard sur les salariés (la courbe se stabilise), en revanche le rattrapage est très fort en 1988-89 (le ratio perd près de 10 points en un an). Les ratios repartent de nouveau à la hausse avec la récession de 1991-93. L'effet mis en évidence par Askénazy peut enfin jouer pleinement au-delà de cette date, mais in fine, l'évolution relative de la rémunération moyenne des EI, par comparaison au salaire moyen33, n'est pas aussi spectaculaire qu'on pouvait s'y attendre : comme le revenu des EI a progressé moins vite que le salaire jusqu'au début des années 1980, le rattrapage qui a suivi n'a permis qu'une faible amélioration par rapport au début des années 1970, qui s'est ressentie surtout après 1995. De fait, la méthode usuelle comme la méthode désagrégée ne tiennent pas compte de ces facteurs (qui semblent pourtant avoir un impact majeur) puisqu'elles déterminent le revenu salarial des indépendants uniquement par référence aux salaires, sans regarder l'évolution conjointe de leur revenu disponible (ou mixte). Cet aspect est mis en évidence dans le graphique IV, qui représente la part salariale fictive (estimée) des EI dans la totalité de leur revenu mixte suivant les méthodes usuelle et désagrégée.

30 Le calcul de cet indicateur en base 2000 sur la période 1993-2004 modifie sensiblement la valeur du ratio mais faiblement ses évolutions. 31 L’écart entre 1970 et 2002 est alors de 0,14, contre 0,15 avec l’indicateur figurant sur le graphique III. 32 Reconnaissons cependant que le parallélisme des deux courbes à été accentué grâce aux échelles retenues : sur une même échelle, la progression de la part salariale est plus tassée. 33 Rappelons que la rémunération salariale moyenne est utilisée par l'OCDE pour estimer le salaire fictif des indépendants. Ceci signifie que, dans la méthode usuelle, le ratio de rémunération relative vaut 1 à chaque période.

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L'écart-type des courbes est de 7,1 (méthode usuelle) et de 7,5 (méthode désagrégée). Dans la méthode désagrégée, cette part représente 52 % du revenu mixte en 1970, 64 % en 1978 et près de 75 % en 1985, soit une hausse de 22 points en quinze ans (environ 12 points suivant la méthode usuelle sur la même période). Comment justifier théoriquement de telles variations ? A ce stade, la principale conclusion qu’on peut tirer est que ces méthodes répercutent, de façon implicite, les probables tensions liées au conflit de répartition (observées au sein des entreprises) dans une sphère où, selon toute vraisemblance, elles n’existent pas, ou du moins assez peu. L'entrepreneur individuel est certes à la fois personne physique (ménage-consommateur) et personne morale (entrepreneur), mais il est difficile d'imaginer qu'il « négocie » son salaire de la même manière que ne le font les salariés avec leur employeur. Graphique IV - Part des rémunérations salariales fictives dans le revenu mixte des entrepreneurs individuels (en %) suivant les méthodes usuelle et désagrégée, France, 1970-2000, bases 80 et 95

Source : INSEE, comptes nationaux

50556065707580859095

1970

1972

1974

1976

1978

1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

Méthode désagrégée

Méthode usuelle

12 Le conflit de répartition au sein des entreprises n'a pas d'équivalent chez les entrepreneurs individuels

Blanchard (1997) de même que Giavazzi et Blanchard attribuent un rôle central au conflit de répartition capital-travail dans les évolutions de la part salariale française depuis trois décennies. Ces auteurs se placent dans un cadre de concurrence imparfaite sur le marché des biens : apparaît ainsi une rente monopolistique que les agents ayant participé aux processus productif cherchent alors à se partager (modèle de partage de rente ou rent-sharing en anglais). Les auteurs montrent alors que, si les négociations salariales portent sur les salaires et l’emploi, la part ω des salaires dans le revenu s’écrit γµµω +−= )1( , où µ (compris entre 0 et 1) mesure le degré d’imperfection du marché des biens (plus µ est élevé, moins le marché des biens est concurrentiel) et γ (compris entre 0 et 1), le pouvoir de négociation salarial dans la négociation. Si la rente est intégralement perçue par les « capitalistes », la part salariale vaut 1-µ et la part des profits µ (γ = 0). Plus le pouvoir de négociation syndical est fort et plus la part de la rente γµ captée par les salariés est importante. Selon ces auteurs, la baisse importante de la part salariale française depuis plus de vingt ans s’explique ainsi par l’érosion du pouvoir salarial ou syndical dans les négociations (baisse de γ). Si, dans le même cadre, on considère maintenant que les entrepreneurs individuels dégagent eux-aussi des rentes monopolistiques, on peut considérer que ceux-ci décident seuls la part de cette rente (faisant partie du revenu mixte) qu'ils souhaitent affecter à leur consommation privée et la part qu'ils souhaitent réallouer à leur activité d'entrepreneur. Ainsi, le paramètre γ ne mesure plus, dans ce cas, le rapport de force existant entre deux parties. C’est la raison pour laquelle il est probable que ce paramètre fluctue moins dans le cas des entrepreneurs individuels que dans celui des SNF. Or les méthodes usuelle et désagrégée répercutent de fait les variations de γ sur l’estimation du « revenu salarial » des EI, sans que cela soit, on vient de le voir, forcément justifié. Dans le cas du choc pétrolier de 1973 par exemple, on sait que l'augmentation du prix des consommations intermédiaires s'est répercuté sur l'EBE des SNF, qui a baissé (dans le cas des SNF, l'EBE a été la variable

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d'ajustement, pas les salaires). Pour les entrepreneurs individuels, c'est leur revenu mixte qui a baissé ; mais face à une crise de rentabilité du capital, on imagine mal qu'un entrepreneur individuel maintienne son niveau antérieur de salaire (fictif) au risque de couler son entreprise34 : il est plus vraisemblable que celui-ci ne va pas modifier la répartition capital-travail de son revenu mixte, si bien que la baisse du revenu mixte va s’accompagner d'une baisse proportionnelle du « salaire » ; il n’y a alors pas de hausse de la part salariale semblable à celle que l’on observerait dans une société. On ne peut donc, en tout état de cause, retranscrire sur les EI les tensions de revenu observées dans la sphère des sociétés et il est donc vraisemblable que la répartition capital-travail est moins fluctuante chez les entrepreneurs individuels. C'est pourquoi la poussée salariale des années 1970, de même que la décrue des années 1980, ont peu de raison d'être reproduites de façon équivalente au niveau de la division du revenu mixte. La méthode consistant à allouer une part (constante) du revenu disponible net des EI à la rémunération de leur travail (salaire fictif) semble en ce sens parfaitement appropriée ; elle revient grosso modo à utiliser la méthode proposée par Krueger (2000). Notons néanmoins que Krueger (2000) justifie le recours à une telle méthode de correction par la relative stabilité de la répartition capital-travail sur longue période aux Etats-Unis (pays sur lequel il se concentre). Nous espérons avoir démontré ici qu’une telle méthode de correction reste appropriée, quelles que soient les évolutions macroéconomiques de part salariale (et notamment celles observées du côté des SNF). Cependant, le recours à l’expression « méthode Krueger », utilisée par la suite pour qualifier cette méthode, n’engage que l’auteur du présent article.

13 La méthode d’estimation proposée par Krueger confirme le biais de la méthode usuelle mais tempère les conclusions de la méthode désagrégée

Postuler que la répartition capital-travail pour chaque EI considéré isolément est constante n’implique pas nécessairement que celle-ci va rester constante (au cours du temps) à un niveau plus agrégé, à savoir celui des EI pris dans leur ensemble : peut en effet apparaître un effet de composition, lié d’une part aux évolutions de structure sectorielle des emplois non salariés, d’autre part au fait que l’intensité en capital des techniques productives est variable selon les secteurs. Le fait que la composition sectorielle des EI se soit fortement modifiée depuis 30 ans accroît le risque d’apparition d’un tel biais : si, par exemple, les EI qui ont « disparu » appartenaient à des secteurs intensifs en capital, tandis que les EI « restants » appartiennent à des secteurs plus intensifs en travail, la part rémunérant le travail devrait avoir augmenté ceteris paribus (le coefficient qu’attribue Krueger à la rémunération du travail devient alors variable). De fait, les évolutions de la composition sectorielle au sein des EI se sont essentiellement traduites par une chute de la population des agriculteurs (les agriculteurs représentent 25 % du total des emplois non salariés en 2002, contre 44 % en 1978) au profit de celle des « professions libérales »35. Ce premier phénomène traduit un « déplacement » de la structure d’emploi des non salariés vers des secteurs relativement plus intensifs en travail (dès 1978, le secteur de l’agriculture est un secteur intensif en capital). Parallèlement cependant, le secteur de l’agriculture a connu entre 1978 et 2002 une très forte accentuation de son intensité capitalistique : le ratio rapportant la valeur du capital fixe à la valeur ajoutée a été multiplié par 1,6 entre 1978 et 2000 dans ce secteur (ratio inchangé pour l’ensemble de l’économie, hors activité immobilière), ce qui a accrû, ceteris paribus, l’intensité capitalistique de la « technique de production » des EI pris dans leur ensemble (rappelons qu’un quart des EI sont « encore » des agriculteurs en 2001). Ces deux phénomènes ont donc des effets opposés. On peut de fait essayer d’évaluer l’ampleur de ce biais de composition : il est en effet possible de construire un « indice d’intensité capitalistique » de la technique productive de l’ensemble des non salariés. Pour cela, on calcule le ratio capital fixe / VAB (en valeur) pour chacun des secteurs de l’économie36. Pour obtenir un indicateur agrégé, on pondère alors ce ratio sectoriel par la taille de chaque secteur en termes d’emplois non salariés. L’indicateur ainsi construit tient compte à la fois des évolutions techniques au sein de chaque secteur, mais aussi des évolutions de composition sectorielle au sein des non salariés (par modification des pondérations). Entre 1978 et 2002, cet indicateur (hors le secteur « activité immobilière ») augmente de 14 % (0,5 % par an), ce qui traduit une légère intensification en capital de la technique productive. Cependant, si l’on prend 1980 comme

34 Par exemple, en n’étant plus en mesure d’honorer ses frais financiers ou de renouveler le capital usagé. 35 Les secteurs "services aux particuliers", "Education, santé, action sociale" et "Services aux entreprises" représentent, à eux trois, 18,4 % de la population des non salariés en 1978 et 34,8 % en 2002. On note également que la part des commerçants est, quant à elle, restée stable entre 1978 et 2000, représentant 15,4 % des non salariés en 1978 et 15,3 % en 2002. 36 L’idéal aurait bien sûr été de calculer ce ratio pour les seuls non salariés au sein de chaque secteur mais, malheureusement, on ne dispose pas de ces données.

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année de référence, l’indicateur ne progresse que de 4 % sur l’ensemble de la période37. Si biais de composition il y a, celui-ci semble donc bien rester dans des proportions relativement faibles et va par ailleurs plutôt dans le sens d’une rémunération légèrement croissante du capital dans le revenu mixte. En tout état de cause et en première approximation, l’hypothèse d’un partage capital-travail constant dans le temps semble raisonnable. Reste à ce stade à définir quelle part du revenu net fiscal (des EI) revient à chacun des facteurs. Une hypothèse simple consiste à supposer que la part rémunérant le travail dans la VAB des EI est égale à la part « de longue période » observée dans le compte des SNF. Deux problèmes se posent alors. Tout d’abord la répartition des revenus au sein des sociétés a connu d’importantes fluctuations depuis 1970. C’est pourquoi, on se réfère ici uniquement à la période 1990-2002, durant laquelle les fluctuations de la répartition au sein des entreprises sont restées dans des marges assez étroites. Ensuite, il est possible que les techniques de production des SNF et des EI soient différentes. Comme nous ne disposons pas des données de stock de capital des seuls entrepreneurs individuels, il est difficile d'évaluer ce risque. Les seules données dont nous disposons concernent la formation brute de capital fixe (FBCF) ainsi que la consommation de capital fixe (CCF) des EI. Les indicateurs d’intensité capitalistique construits à partir de ces seules données semblent indiquer que les sociétés sélectionnent des techniques sensiblement plus intensives en capital. Cela semble d’ailleurs assez conforme à l'image que l'on peut communément se faire des EI : les plus grandes difficultés que rencontrent souvent les EI pour financer leurs investissements en capital (accès au crédit moins aisé) permettent d’expliquer, au moins en partie, le différentiel d’intensité en capital avec les SNF. De fait, le taux d’investissement (FBCF / VAB) des SNF représente en moyenne le double de celui des EI entre 1978 et 2002 : 20,2 % pour les SNF contre 10 % pour les EI. En pourcentage de la VAB, la CCF des EI est sensiblement inférieure à celle des SNF en 1978 (6,7 % contre 12,3 % en 1978 et 9 % contre 15,3 % en 2002). Par conséquent, et même si les indicateurs d'intensité capitalistique dont nous disposons sont assez frustres, il est probable que la rémunération du capital dans la VAB est inférieure pour les EI. On retient alors deux hypothèses concernant la valeur de la part du RDN avant impôt (et cotisations sociales) des EI qu’on alloue au travail. Dans la première hypothèse, on choisit cette part de telle sorte que la part salariale (au coût des facteurs) des EI (qui en résulte) soit exactement égale (en moyenne sur la période 1990-2002) à la part salariale dans le secteur des SNF. Dans la seconde hypothèse, on intègre le fait que la part rémunérant le travail doit être légèrement supérieure pour les EI que pour les SNF, du fait de la moindre intensité capitalistique de leur technique de production. On détermine donc la part allouée au travail dans le RDN des EI de telle sorte que la part salariale de ceux-ci soit supérieure de 5 points à celle des SNF (moyenne sur la période 1990-2002). La première hypothèse revient à allouer 72 % du RDN (avant impôts et cotisations sociales) des EI à la rémunération de leur travail ; la seconde, 80 %. Avec un taux de 72 % (première hypothèse), la part rémunérant le travail dans le revenu mixte (brut) des EI vaut, en moyenne, 59 % entre 1970 et 2002, avec un écart-type de seulement 2,1 points (à comparer aux 7,1 points de la méthode usuelle). Avec un taux de 79 % (seconde hypothèse), la moyenne passe à 65 % (et l’écart-type à 2,3 points). Rappelons que Krueger (2000) préconise quant à lui d'attribuer deux tiers du revenu mixte des indépendants à leur rémunération salariale, ce qui correspond donc à la seconde hypothèses proposées ici38. A partir de nos propres estimations, on peut recalculer la part salariale corrigée de la non-salarisation dans la VAB. Dans le graphique V, on reproduit ainsi les parts salariales corrigées à l’aide de la méthode usuelle (sur rémunérations globales), de la méthode désagrégée et de la « méthode Krueger ». Ces estimations ont été harmonisées (même niveau en 1970) afin de faciliter l'interprétation39. Il se confirme que la méthode désagrégée et, dans une moindre mesure, la méthode usuelle ont tendance à surestimer l'envolée salariale de la seconde moitié des années 1970.

37 De fait, cet indicateur augmente beaucoup entre 1978 et 1980 puis reste relativement stable par la suite. La représenation graphique de cet indicateur figure en annexe 2. 38 Krueger applique en fait au revenu mixte des EI une répartition primaire assez communément acceptée, soit 2/3 au travail et 1/3 au capital. 39 Il est évident que la seconde hypothèse, en allouant une part plus importante au travail, rehausse le niveau moyen de la part salariale par comparaison avec la première hypothèse. Cet effet n’apparaît pas sur le graphique, en raison de l’ajustement des courbes au même niveau en 1970. Seules comptent alors les évolutions relatives des différentes courbes.

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Insee Méthodes 218

Il ressort également que la part salariale mesurée par la « méthode Krueger » est très légèrement supérieure à la méthode usuelle en 1990 (0,6 point au-dessus de la méthode usuelle avec la première hypothèse, confondue avec elle avec la seconde hypothèse), 1,1 points en 1995 (1,5 ou 0,8 points selon l’hypothèse retenue) et 1,8 points en 2000 (2,2 points et 1,4). Comparée à la « méthode Krueger » (première hypothèse), la méthode désagrégée surestimerait la part salariale d’environ 3,0 points en 1990, 2,4 points en 1995 et 1,8 points en 200040.

40 Avec la seconde hypothèse, ces écarts s’élèvent respectivement à 3,6 points, 3,0 points et 2,5 points.

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Concernant la part salariale dans la VAB des EI, celle-ci vaut (toujours en moyenne sur la période 1990-2002) 66 % avec la première hypothèse (« méthode Krueger »41) et 72 % avec la seconde (contre 80 % avec la méthode usuelle). Sur la même période, cette part vaut 66 % du côté des SNF. Compte tenu du probable différentiel d'intensité capitalistique des techniques productives des EI et des SNF, ces résultats semblent parfaitement raisonnables et satisfaisants42. Graphique V - Part salariale dans la VAB au coût des facteurs (en %) suivant différentes méthodes (usuelle et alternatives), France, 1970-2002, bases 80 et 95

65

67

69

71

73

75

77

79

81

1970

1972

1974

1976

1978

1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

Méthode usuelle

Méthode désagrégée

Méthode Krueger - Partdu RDN des EI allouéeau travail = 72%

Méthode Krueger - Partdu RDN des EI allouéeau travail = 80%

On peut raisonnablement affirmer que la « méthode Krueger » aboutit à des résultats similaires à la méthode usuelle standard jusqu'au début des années 1990 (cette méthode atténue cependant l’envolée salariale des années 1970). Par la suite en revanche, elle se rapproche de plus en plus des résultats de la méthode désagrégée, vers laquelle elle semble converger. Toutefois, la vitesse avec laquelle s’effectue cette convergence dépend de la part du RDN des EI que l’on alloue à la rémunération du travail. En tout état de cause, un constat important qui se dégage de nos estimations est que la part salariale française s'établit en 1990 entre 2,0 et 2,5 points au-dessous de son niveau de 1970-73. Cet écart se creuse tendanciellement au cours des années 1990 : en 1995, ce écart se situe entre 3,0 et 3,6 points de la VAB nationale (estimée au coût des facteurs)43, fourchette que l’on retrouve également en 2002. Il s'agit donc d'un écart important, qu’aucun biais statistique ne semble pouvoir expliquer. Enfin, on présente sur le graphique VI l’indicateur de part salariale suivant la « méthode Krueger » en base 95 et en base 2000 sur la période 1993-2004.

41 Pour la part salariale dans la VAB des EI, le numérateur contient la rémunération fictive estimée du travail des EI ainsi que la rémunération des salariés employés par les EI. 42 Rappelons à ce titre qu’en 2000, la part salariale varie, suivant les branches sectorielles, entre 40 % et 82 %, ce qui représente un écart bien plus considérable. 43 Aux vues de ces résultats, la méthode consistant à postuler que la répartition du revenu des entrepreneurs individuels est constante peut paraître paradoxale a posteriori, puisque la part salariale nationale obtenue par cette méthode n’est, elle-même, pas constante. Ce paradoxe n’est toutefois qu’apparent dès lors que l’on garde à l’esprit que l’un des principaux facteurs explicatifs des fluctuations de la part salariale dans les sociétés depuis trente ans (à savoir le conflit de répartition capital-travail, qui dépend notamment du pouvoir de négociation des syndicats et de ses évolutions) n’a pas de réel équivalent dans la sphère des EI (les EI apportant à la fois le capital et le travail dans leur entreprise, leur revenu global ne fait pas l’objet d’un conflit de répartition, contrairement à celui des sociétés, où le partage du revenu est un réel enjeu).

Sources : INSEE, Comptes nationaux

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Insee Méthodes 220

Graphique VI - Part salariale dans la VAB au coût des facteurs (en %), « méthode Krueger », France, 1993-2004, bases 95 et 2000.

66,5

67,0

67,5

68,0

68,5

69,0

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Part salariale méthodeusuelle - base 95

Part salariale méthodeusuelle - base 2000harmonisée

14 Conclusion

Dans cet article, nous avons confronté diverses méthodes d’estimation de la part salariale dans la valeur ajoutée : s’il se confirme que la méthode usuelle génère un biais à la baisse important de cet part, la méthode désagrégée, en calant la rémunération du travail des entrepreneurs individuels sur les salaires, ne prend pas suffisamment en compte le fait que les dynamiques de revenus de ces deux catégories d’agent (EI et salariés) sont très différentes. Il en résulte que ces méthodes surestiment la hausse de cette part au cours des années 1970 (période durant laquelle les rémunérations salariales ne suivent plus les évolutions de la productivité tandis que, dans le même temps, les entrepreneurs individuels semblent particulièrement touchés par la « crise » économique). La méthode d’estimation proposée par Krueger (2000), consistant à allouer une part constante du revenu mixte des EI à la rémunération de leur travail, permet de contourner cette difficulté et aboutit finalement à un résultat intermédiaire entre les méthodes usuelle et désagrégée. Cela permet de conclure que la part des salaires est passée sous son niveau du début des années 1970 depuis le début des années 1990. Pour conclure sur ce point, il peut être intéressant de rappeler les propos tenus par E. Malinvaud dès 1986 : « Quant aux stratégies possibles pour la politique salariale, on pourrait en envisager deux, qualifiées respectivement de "retour à la normale" et de "encore un effort" ; la première supposerait que le taux réel de la rémunération du travail recommence à croître à partir de 1986 au rythme moyen de croissance de la productivité du travail dans le pays, l'autre qu'il reste stable durant deux ans de plus » (Malinvaud (1986))44. L'évolution qui s'est effectivement produite depuis près de vingt ans a donc largement dépassé, par son ampleur, le scénario « encore un effort » envisagé à l’époque par l’auteur.

44 Notons en passant que, cet article étant paru en mars, on peut raisonnablement supposer que l'auteur base son analyse sur les chiffres de 1985.

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Insee Méthodes 222

Annexe 1 – Les indicateurs de base

Dans les graphiques ci-dessous, on présente les indicateurs (présentés dans l’article) en base 80 sur la période allant de 1970 à 1984. On reproduit également les mêmes indicateurs en base 95 entre 1978 et 1984. Les indicateurs en base 95 sont ensuite « translatés » (si nécessaire) pour faire coïncider leur valeur en 1978 avec celle des indicateurs en base 80.

0,5

0,6

0,7

0,8

0,9

1,0

1,1

1,2Rémunérat ion moyenne d'unsalarié / Rémunérat ion moyenne d'un EI Base 80Rémunérat ion moyenne d'unsalarié / Rémunérat ion moyenne d'un EI Base 95Salaire Net moyen d'unsalarié / Rémunérat ion Nettemoyenne d'un EI Base 80Salaire Net moyen d'unsalarié / Rémunérat ion Nettemoyenne d'un EI Base 95

60

65

70

75

80

Part salariale M éthodeusuelle Base 80Part salariale M éthodeusuelle Base 95Part salariale M éthodedésagrégée Base 80Part salariale M éthodedésagrégée Base 95

67

69

71

73

75

77

Part salariale M éthodeKrueger Taux = 0,80 Base 80Part salariale M éthodeKrueger Taux = 0,85 Base 95Part salariale M éthodeKrueger Taux = 0,72 Base 80Part salariale M éthodeKrueger Taux = 0,78 Base 95

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Annexe 2 - Indicateur d’intensité capitalistique de la technique productive des EI

On représente ci-dessous l’indicateur sur lequel s’appuient nos conclusions en page 15 de l’article.

220 000

230 000

240 000

250 000

260 000

270 000

280 000

290 000

1978

1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

Annexe 3 - Différentiel d’intensité capitalistique des techniques productives des SNF et des EI

Dans le graphique ci-dessous, on représente, pour chacun des deux agents (SNF et EI), le taux d’investissement (FBCF / VAB) et le ratio de la consommation de capital fixe dans le VAB entre 1978 et 2000 (les valeurs en ordonnées sont des pourcentages). Ces deux indicateurs semblent attester de la plus grande intensité en capital des techniques productives des SNF.

5

10

15

20

25

1978

1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

ENF : FBCF / VABEI : FBCF / VABENF : CCF / VABEI : CCF / VAB

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Insee Méthodes 224

FINANCIARISATION DE L’ÉCONOMIE : PARTAGE DE LA VALEUR AJOUTÉE OU PARTAGE DU RISQUE ?

David THESMAR, Professeur associé à HEC et à l’Ecole Polytechnique, Paris

Mathias THOENIG Professeur à l’Universté de Genève, professeur associé à l’Ecole Polytechnique, Paris

Depuis quelques années, les profits spectaculaires engendrés par les entreprises du CAC40, leur expansion rapide à l’étranger et leur propension à restructurer en France, ont ressuscité le débat public sur la financiarisation excessive de l’économie. Pour certains commentateurs et économistes, le développement, la sophistication et l’internationalisation de la sphère financière se fait au détriment de la partie « réelle » de notre économie, et en particulier les salariés. Il y a deux façons de formuler ce débat sur le nouveau conflit du capital et du travail.

1 Deux approches du conflit capital-travail

Première formulation, la plus répandue : la financiarisation de l’économie déforme le partage de la valeur ajoutée entre le capital et travail, en faveur du capital. Le nouveau capitalisme financier donne davantage aux investisseurs la possibilité de « sortir » du capital des entreprises dans lesquelles ils investissent. A chaque instant, les investisseurs peuvent arbitrer, à peu de frais, entre continuer d’investir dans la même entreprise ou redéployer leurs capitaux dans une firme, qui peut se trouver dans un autre pays. Dotés d’une meilleure « option de sortie », les investisseurs peuvent exiger une plus grosse part du gâteau : les salaires stagnent et les dividendes montent. En passant, il faut remarquer qu’il s’agit ici d’un raisonnement qui, du point de vue purement théorique, peut être invalidé par les mécanismes d‘équilibre et de concurrence. Premier mécanisme stabilisateur : l’investissement. S’il est si rentable d’investir, l’offre de capital va augmenter. De nouvelles entreprises vont se créer, et embaucher. L’accroissement de investissement va venir faire pression sur la demande de travail et accroître les salaires et le levier de négociation des travailleurs. La part des salaires dans la valeur ajoutée doit s’accroître. Deuxième mécanisme stabilisateur : l’adaptation du processus productif aux prix des facteurs (Blanchard (1997), Caballero et Hammour (1998)). Si le capital est cher (rentable), les entreprises vont modifier la structure de leur production pour en employer moins, et employer davantage de travailleurs. Cette pression à la baisse va venir réduire la part du capital dans la valeur ajoutée, et compenser la hausse précédente. L’hypothèse de mécanismes stabilisant le partage de la valeur de la valeur ajoutée ne résulte pas du pur acte de foi : quel que soit le pays choisi, et quelle que soit la période choisie, les salaires représentent, sur le long terme, environ 2/3 de la valeur ajoutée. C’est même là l’un des rares invariants en économie. Deuxième aspect du nouveau conflit capital travail : la financiarisation de l’économie a conduit les entreprises à s’exposer davantage au risque. Alors que les investisseurs – en particulier dans les sociétés cotées en bourse - peuvent facilement se couvrir contre le risque spécifique à chaque firme, les travailleurs ne le peuvent pas, et souffrent d’une surexposition de leur capital humain aux aléas subis par leur employeur. Théoriquement, ils devraient même vendre à découvert les titres de leur propres entreprises, c'est-à-dire parier sur leur baisse, ce qui leur assurerait un revenu de substitution si l’entreprise allait mal. Cet argument se rattache à la littérature sur l’effet des institutions financières sur le développement économique (Jovanovic et Greenwood (1989), Saint Paul (1993) Acemoglu et Zilibotti (1997)) : lorsque les investisseurs d’une entreprise sont mieux diversifiés, ils peuvent compenser sur une entreprise les pertes réalisées sur l’autre. Les entreprises prenant des risques pourront alors vendre leurs titres plus facilement, car les investisseurs peuvent se diversifier. Des projets ambitieux mais risqués pourront être entrepris. Pour cette littérature, les institutions financières, en favorisant la diversification et la prise de risque, sont bonnes pour le développement. Un argument similaire est donné dans la littérature sur l’intégration financière et commerciale (Helpman et Razin (1978), Obstfeld (1994), Kalemli-Ozcam, Sorensen et Yosha (2001)). Une partie des gains du commerce international proviennent du fait que chaque vend ce qu’il sait faire le mieux, et donc se spécialise. Or la spécialisation est coûteuse pour un pays car elle expose ses ménages à

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des fluctuations plus fortes de l’activité. Ainsi, même si le pays est plus riche, le surcroît de risque peut être trop lourd à porter. Ainsi, pour que les pays puissent pleinement bénéficier des gains de l’échange, il faut que les ménages puissent s’assurer contre des chocs négatifs sur leur activité, par exemple en détenant des créance sur l’activité mondiale, et en vendant au reste du monde des créances sur leur propre activité. Ainsi, globalisation commerciale et globalisation financière vont main dans la main. Il faut rappeler que l’effet de ce second mécanisme sur le bien être est n’est pas nécessairement négatif, même pour les salariés. Sous l’impulsion de marchés financiers plus sophistiqués, les entreprises accroissent leur productivité et leur prise de risque. Plus productives, elles embauchent davantage. Si le degré de concurrence sur le marché des produits est suffisamment important, elles baissent leur prix. Les salaires réels augmentent, et l’emploi aussi. La contrepartie de l’enrichissement des salariés-consommateurs, c’est l’accroissement du risque sur le marché du travail. Et l’effet net sur le bien être est ambigu.

2 Tester les deux approches à partir de données françaises.

Thesmar et Thoenig (2004) se proposent de tester ces deux vues à partir de données françaises d’entreprises, en utilisant la déréglementation financière du milieu des années 1980 comme choc révélateur. Plus particulièrement, nous nous intéressons à la déréglementation du marché financier. La méthodologie empirique repose sur la comparaison, avant et après l’évènement, du comportement des entreprises cotées en bourse, et des entreprises qui ne le sont pas.

a. La dérèglementation des marchés financiers des années 1980 La France du début des années 1980 se trouve en mauvaise santé économique : la croissance et lente, l’inflation forte et les dévaluations fréquentes. L’endettement des sociétés françaises atteint un point critique, après les différentes politiques destinées à revitaliser l’investissement à travers des prêts subventionnés. Simultanément, l’appareil productif français apparaît peu performant, mal armé pour lutter contre la concurrence internationale ; le besoin de restructurations, d’adoption de nouvelle technologies est criant. Au Trésor, l’idée fait progressivement son chemin que l’allocation du capital ne peut plus se faire d’en haut (Naouri, 1985). Le rationnement du crédit, ses multiples exemptions, plus de 250 types de prêts bonifiés deviennent intenables et sont supprimées en 1985, donnant lieu à de très grandes transformations de l’industrie bancaire française (Bertrand, Schoar et Thesmar (2005)). Le besoin de financer la dette publique de manière non inflationniste, le souci de redonner confiance aux investisseurs étrangers après les dévaluations des années 1970 et les nationalisations de 1982, la conscience nouvelle que les marchés financiers sont des instruments utiles de financement de l’investissement encouragent également le Trésor à entreprendre des réformes importantes du marché financier. Les premiers changements datent en réalité de la fin des années 1970 (Plan Monory) et de 1982 (Plan Delors). Ils visent à encourager l’épargne en titres (obligations, actions) via des exemptions fiscales. En 1983, la création du second marché vise à favoriser la réintroduction en Bourse d’entreprises de taille moyenne, après le dépeuplement de la cote officielle qui avait suivi les nationalisations de 1982. La seconde grande vague de réformes date de 1984-1985 : les autorités simplifient l’accession au marché obligataire et permettent l’émission de papier commercial. Le premier marché à terme d’Europe continentale (le MATIF) est créé. Le monopole des agents de change est brisé ; en particulier, les banques ont pu entrer sur ce marché à partir de 1986. La séparation entre banque d’investissement et banque de détail est supprimée. Egalement, la transparence de l’information financière, en particulier en faveur des petits épargnants est accrue en renforçant les pouvoirs de la commission des opérations de bourse. Finalement, l’indice CAC40 est créé en 1987. Finalement, l’investissement étranger est encouragé par une levée progressive du contrôle des changes entre 1984 et 1990. En 1984, une loi est votée supprimant l’impôt sur les intérêts payés par les investisseurs non résident. Le marché des eurofrancs, fermé en 1981, est réouvert en 1984, permettant aux entreprises d’émettre des obligations libellées en francs hors de France. En 1986, le gouvernement Chirac permet aux épargnant français d’acheter des actifs, notamment des titres cotés, à l’étranger. Les entreprises se voient octroyer l’autorisation d’acheter des produits dérivés pour se couvrir.

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Insee Méthodes 226

b. les conséquences des réformes boursières Ces réformes boursières ont eu pour double conséquence de renforcer le pouvoir des investisseurs et d’accroître leurs possibilités de diversification. L’investisseur marginal – celui qui fait le prix des titres – des entreprises cotées en bourse est devenu à la fois plus exigeant, et plus sophistiqué (donc mieux diversifié).

Figure 1 : Fraction de l’actionnariat des entreprises Françaises (cotées et non cotées) détenue par des investisseurs non résidents (Source : Thesmar et Thoenig, 2004)

Tout d’abord, la levée du contrôle des changes a permis à la fois aux investisseurs français d’acheter des titres étrangers et aux investisseurs d’acheter davantage de titres français. Ce double mouvement s’est traduit par une très forte hausse, à partir de la deuxième partie des années 1980, de l’actionnariat étranger, en particulier dans les entreprises cotées en Bourse. Le premier aspect de cette évolution est que les firmes françaises ont fait face à des actionnaires plus à même d’arbitrer en permanence entre rendement en France et dans le reste du monde. Simultanément, l’entrée d’investisseurs étrangers a pour l’essentiel été le fait d’institutionnels gérant l’épargne et les retraites. Il s’agit donc d’investisseurs sophistiqués et diversifiés internationalement.

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Figure 2 : Répartition de l’actionnariat des entreprises cotées en Bourse en évolution (Source : Thesmar et Thoenig, 2004)

Ensuite, ces réformes et les privatisations de masse des années 1986-1988 ont suscité la diffusion d’une « culture de l’actionnariat » parmi les français. L’investissement dans les fonds commun de placements français s’est accrû. Au total, la part des actions directement détenue par les ménages s’est réduite considérablement à partir de la deuxième moitié des années 1980. De manière générale, les fonds d’investissements ont une stratégie d’allocation de portefeuille plus dynamique que les individus. Ils exploitent plus rapidement que les individus les opportunités d’arbitrage, donc ils sont (1) plus exigeants sur les rendements et (2) mieux diversifiés.

3 Les effets des réformes financières sur le comportement des entreprises.

a. Méthodologie et données Les données utilisées par Thesmar et Thoenig (2004) sont les BRN, une source au départ produite par la direction générale des impôts où les entreprises renseignent les éléments principaux de leur compte d’exploitation et de leur bilan, ainsi que l’emploi et leur secteur activité. Ces données sont ensuite retraitées par l’INSEE, puis exploitées dans la construction des comptes nationaux. Les entreprises sont repérées par un numero de SIREN, et nous nous concentrons sur les entreprises les plus grosses (celle qui atteignent, à un moment de leur vie entre 1984 et 1999, plus de 200 employés ou 500 millions de francs de CA). Ces entreprises sont pour l’essentiel (90%) des filiales de grands groupes. Nous obtenons le nom de la tête du groupe à partir de LIFI, une source construite à l’INSEE. Ensuite, nous retrouvons à la main si cette tête de groupe est cotée en Bourse, ou non, à partir de listings papier donnés par Euronext. Si la tête de groupe de l’entreprise est cotée en Bourse, nous dirons qu’elle est cotée également. Comme les données contiennent des valeurs extrêmes, probablement dues en partie à des erreurs de saisie, nous éliminons les observations correspondant au premier ou 99° centile de la distribution de chaque variable. Cela explique les différences de nombre d’observation entre les tableaux. La méthodologie empirique consiste à comparer l’évolution des sociétés cotées et non cotées entre les années 1980 et les années 1990. En contrôlant pour la taille, le secteur, l’exposition au commerce international et l’adoption de nouvelles technologies, nous attribuons les différences d’évolution entre sociétés cotées et non cotées aux changements du marché financier. Il s’agit d’une méthode simple de différences en différences, où nous estimons, sur les données d’entreprises décrites ci-dessus, le modèle suivant, pour chaque entreprise i à la date t:

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Insee Méthodes 228

Yit est la variable d’intérêt (part des salaires dans la valeur ajoutée, rentabilité, volatilité). ai est un une indicatrice de firme, pour modéliser son comportement moyen. dt est une indicatrice d’année, destinée à modéliser les effets de conjoncture. POSTt est une indicatrice égale à 1 si l’année t est après 1989. Xit est un ensemble d’observables de l’entreprise (sa taille, son secteur etc). LISTit est une indicatrice égale à 1 lorsque l’entreprise est cotée en bourse. Ainsi, le coefficient c traduit les différences de tendance entre les entreprises de taille, secteur etc (Xit) différents. Le coefficient d traduit les différences d’évolution entre entreprises cotées et non cotées, en prenant les observables comme données. Nous interpréterons d comme l’effet des réformes financières. Cette équation est estimée par la méthode des moindres carrés modifiée (White, 1982). Comme la variable LIST est définie au niveau du groupe (toutes les filiales d’un même groupe ont la même valeur), les termes d’erreur sont supposés corrélés entre observation d’un même groupe, pour toutes les années précédent, ou postérieures à 1990 (Bertrand, Duflo et Mullainathan, 2002).

b. Résultats Dans un premier temps, nous regardons la profitabilité et la part des salaires dans la valeur ajoutée (Yit). Les résultats de l’analyse, en contrôlant pour différentes tendances selon la taille de l’entreprise (Xit =log(actifs de l’entreprise)), sont donnés dans le tableau 1.

wL / VA (VA – wL) / K (Y-wL) / CA POSTx LIST -0,1 -0,4** -0,3 (x 100) (0,8) (0,2) (0,2) Indicatrices d’années Oui Oui Oui Effets fixes Oui Oui Oui Observation 92648 97146 96850

Tableau 1 : Libéralisation financière, profits et partage de la valeur ajoutée

(Source : Thesmar et Thoenig, 2004)

Les résultats rassemblés dans le tableau 1 infirment la vue selon laquelle les entreprises cotées en bourse auraient versé davantage à leurs investisseurs, aux dépens de leurs travailleurs. La part des salaires dans la valeur ajoutée évolue exactement de la même façon dans les entreprises cotées et non cotées : la différence d’évolution entre les années 1980 et les années 1990 est légèrement plus faible, mais négligeable et non significative. La profitabilité des actifs nets augmente légèrement moins, de 0.4 point de pourcentage. Cette différence, bien que petite est significative du point de vue statistique à 5%. Finalement, le taux de marge des entreprises cotées en bourse augmente lui aussi légèrement moins vite que celui des leurs concurrentes non cotées. La différence est petite, et non significative. Il est à noter que cette analyse au niveau de l’entreprise confirme ce qu’une considération directe des données macroéconomiques suggère : la part des salaires dans la valeur ajoutée est constante entre le milieu des années 1980 et le début des années 2000. Nous nous tournons ensuite vers l’effet de la libéralisation sur le couple prise de risque/augmentation de productivité. La table 2 reporte le résultat de la régression en employant comme variable à expliquer (Yit) : la variance du taux de croissance des ventes, le log de la productivité du travail et le log de la productivité globale des facteurs45. Comme il faut plusieurs années pour calculer une variance, la première régression n’utilise que 2 points par firme : l’un pour les années 1980 et l’un pour les années 1990.

Variance de _log(ventes) Log (CA / L) Log (PGF)

POSTx LIST 0,9*** 3,7*** 10,2***

45 Celle-ci est mesurée au niveau de l’entreprise comme le résidu de la régression du log de la valeur ajoutée sur le log des effectifs et le log des actif productifs, en autorisant les coefficients à dépendre du secteur où opère la firme.

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(x 100) (0,2) (1,4) (3,3) Indicatrices d’années Oui Oui Oui Effets fixes Oui Oui Oui Observation 11232 97163 88412

Tableau 2 : Libéralisation financière, volatilité et productivité

(Source : Thesmar et Thoenig, 2004)

Le tableau 2 confirme la vue selon laquelle les entreprises cotées en bourse ont connu une hausse bien plus forte (une augmentation de 1 point de pourcentage de la variance) et statistiquement plus élevée de la variance de leurs ventes. On montre un résultat similaire pour l’emploi. La contrepartie de cette prise de risque, une hausse de productivité, est également présente dans les données, puisque la productivité du travaille augmente de 4% de plus entre les deux période chez les entreprises cotées. Le différentiel atteint 10 points de pourcentage pour la productivité globale des facteurs. A nouveau, ces gains de productivité sont très significatifs statistiquement (1%). L’effet sur la volatilité est très probablement sous estimé par cette approche, qui n’utilise que 10 points (décennie 80 ou 90) pour calculer la variance. Dans Thesmar et Thoenig (2004), nous évitons ce problème en regardant la réactivité des ventes de la firme à des chocs de ventes sectoriels. Cette analyse confirme celle qui est présentée en table 2, avec des effets plus forts, aussi bien pour les ventes, que pour l’emploi.

4 Conclusion : des gains d’efficacité redistribués aux consommateurs

L’investigation empirique suggère que la déréglementation financière en France n’a pas eu pour effet de modifier la répartition du surplus entre employés et investisseurs. Les entreprises cotées ne sont pas devenues plus rentables. Toutefois, l’analyse de la volatilité suggère que le sentiment d’un nouveau conflit entre capital et travail n’est pas totalement un phantasme : les entreprises cotées sont bien devenues plus volatiles. L’analyse rappelle que cette augmentation ne s’est pas faite sans gains de productivité, qui pourtant n’ont pas été retranscrits sous forme de hausse de profitabilité. Cette apparente contradiction suggère que la concurrence sur le marché des produits a contraint les entreprises à reverser ces gains d’efficacités aux consommateurs, à travers des baisses de prix des produits. Au total, le travail et le capital ont tous les deux été les gagnants, en touchant les dividendes de la libéralisation financière sous forme de hausse de pouvoir d’achat. Thesmar et Thoenig (2004) confirment cette interprétation en montrant que les effets sur la productivité sont plus prononcés dans les secteurs les plus concurrentiels, et que les baisses de prix y sont plus substantielles. Au net, l’effet sur le bien être, toutefois, est ambigu car les employés ont dû supporter un risque accru qu’il ne peuvent diversifier.

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Insee Méthodes 230

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SESSION 5 COMPTES NATIONAUX ET ÉVOLUTION

DES NORMES COMPTABLES (IFRS)

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Insee Méthodes 232

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SYNTHÈSE SUR L’ÉLABORATION DES NORMES IFRS

Gilbert GÉLARD Membre de l’IASB

Les Cadres conceptuels deLes Cadres conceptuels dell’’information financiinformation financièère. re.

Gilbert Gilbert GGéélardlard,,Membre de lMembre de l’’IASBIASB

Le contenu de cette prLe contenu de cette préésentation est la position sentation est la position personnelle de Gilbert personnelle de Gilbert GGéélardlard, non pas celle de l, non pas celle de l’’IASB. IASB.

Advisory Groups

Standards Advisory Council

IASC Foundation

StructureStructure

International Accounting

Standards Board

Staff

IFRIC (Interpretations)

The standard setting operation

Principle 2: Principle 2: Principle based standardsPrinciple based standards

PrinciplesPrinciples RulesRules

Thorough due processThorough due process

Research

NationalStandard

Setter

DiscussionPaper

Exposure Draft

Standard

Others

Comment analysis

9-15 months 9-15 months

Comment analysis

EffectiveDate

6-18 months

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Insee Méthodes 234

Conceptual FrameworkConceptual Framework

The conceptual base for all standardsApproved 1989 - Needs an overhaul– Refine, update, complete, convergeIASB / FASB joint projectMust not stop “normal” developmentInteraction between standards and framework.

The conceptual base for all standardsThe conceptual base for all standardsApproved 1989 Approved 1989 -- Needs an overhaulNeeds an overhaul–– Refine, update, complete, convergeRefine, update, complete, convergeIASB / FASB joint projectIASB / FASB joint projectMust not stop Must not stop ““normalnormal”” developmentdevelopmentInteraction between standards and Interaction between standards and framework.framework.

Contenu des cadres Contenu des cadres conceptuelsconceptuelsObjectifs de lObjectifs de l’’information financiinformation financièère pour re pour des utilisateurs externes.des utilisateurs externes.CaractCaractééristiques qualitativesristiques qualitativesElElééments des ments des éétats financiers:tats financiers:

DDééfinitionsfinitionsConditions de comptabilisation au Conditions de comptabilisation au bilan (recognition)bilan (recognition)Mesure des Mesure des éélléémentsmentsInformations supplInformations suppléémentaires mentaires

((disclosuredisclosure).).

Champs dChamps d’’application application

IASB: Entreprises (IASB: Entreprises (àà but lucratif)but lucratif)FASB (USA): Entreprises+FASB (USA): Entreprises+EntitEntitééssprivprivéées sans but lucratifes sans but lucratifGASB(USA): Secteur publicGASB(USA): Secteur publicIAPC: Secteur public. Pas de cadre IAPC: Secteur public. Pas de cadre explicite, mais application implicite du explicite, mais application implicite du cadre de lcadre de l’’IASB, les normes de lIASB, les normes de l’’IAPC IAPC éétant fortement inspirtant fortement inspiréées des IFRS.es des IFRS.

A qui sert un cadre A qui sert un cadre conceptuelconceptuel

Premier et principal utilisateur: le Premier et principal utilisateur: le normalisateur: IASB,FASB, autres.normalisateur: IASB,FASB, autres.Autre utilisateur (pour IFRS): le prAutre utilisateur (pour IFRS): le prééparateur parateur de comptes, pour le choix de ses mde comptes, pour le choix de ses mééthodes thodes comptables dans le silence des normes, en comptables dans le silence des normes, en application de la hiapplication de la hiéérarchie drarchie d’’IAS 8, sous le IAS 8, sous le contrcontrôôle des le des «« enforcersenforcers »» (auditeurs et (auditeurs et rréégulateurs)gulateurs)Le positionnement et le rLe positionnement et le rôôle du cadre ne le du cadre ne sont pas les msont pas les mêêmes mes àà ll’’IASB et au FASB.IASB et au FASB.

Cadres conceptuelsCadres conceptuels

Un cadre est essentiel:Un cadre est essentiel:1. pour r1. pour réésoudre les questions comptables dsoudre les questions comptables d’’une une fafaççon cohon cohéérenterente2.pour d2.pour déémontrer que le processus de montrer que le processus de normalisation est neutrenormalisation est neutre3.pour r3.pour rééussir ussir àà maintenir des normes fidmaintenir des normes fidèèles aux les aux principesprincipes4.Les autres m4.Les autres mééthodes suggthodes suggéérréées ne fonctionnent es ne fonctionnent pas:pas:

ConsensusConsensusCompromisCompromisConsConsééquences.quences.

Interactions entre cadre et Interactions entre cadre et normesnormes

Le cadre guide le travail du Le cadre guide le travail du normalisateur, le poussant normalisateur, le poussant àà la la cohcohéérencerenceLes normes nouvelles remettent en Les normes nouvelles remettent en question le cadre existant, question le cadre existant, ll’’enrichissent et suscitent sa renrichissent et suscitent sa réévision vision ppéériodique. (tous les 20 ans?)riodique. (tous les 20 ans?)Un guide, pas un carcanUn guide, pas un carcanUn processus itUn processus itéératif. ratif.

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CadresCadres conceptuelsconceptuelsActifActif

«« Un actif est une ressource contrUn actif est une ressource contrôôlléée e par lpar l’’entitentitéé en consen consééquence quence dd’’ éévvéénements passnements passéés, et dont ls, et dont l’’entitentitééattend des avantages attend des avantages ééconomiques.conomiques. »»(IAS(IAS, , paragrapheparagraphe 49 49 a).a).

CCadresadres conceptuelsconceptuelsPassifPassif

Un passif est une obligation actuelle Un passif est une obligation actuelle de lde l’’entitentitéé nnéée de d’é’évvéénements passnements passéés s et que let que l’’on son s’’attend devoir attend devoir êêtre rtre rééglgléée e par une sortie de ressources par une sortie de ressources reprrepréésentatives dsentatives d’’avantages avantages ééconomiques. ( IAS, paragraphe 49b).conomiques. ( IAS, paragraphe 49b).

Cadres conceptuelsCadres conceptuelsProduitsProduits

Les produits sont les augmentations Les produits sont les augmentations dd’’avantages avantages ééconomiques au cours de conomiques au cours de la pla péériode comptable, sous forme riode comptable, sous forme dd’’entrentréées ou des ou d’’amamééliorations dliorations d’’actifs actifs ou de diminutions de passifs, qui ont ou de diminutions de passifs, qui ont pour conspour consééquence des quence des accroissements de capitaux propres accroissements de capitaux propres autres que ceux provenant dautres que ceux provenant d’’apports apports des participants aux capitaux propres. des participants aux capitaux propres. ( IAS, paragraphe 70 a).( IAS, paragraphe 70 a).

Cadres conceptuelsCadres conceptuelsChargesChargesLes charges sont les diminutions Les charges sont les diminutions

dd’’avantages avantages ééconomiques au cours de conomiques au cours de la pla péériode comptable sous forme de riode comptable sous forme de sorties ou de dsorties ou de dééprprééciation dciation d’’ actifs ou actifs ou de survenance de passifs, qui ont pour de survenance de passifs, qui ont pour consconsééquences des diminutions des quences des diminutions des capitaux propres autres que celles capitaux propres autres que celles provenant de distributions aux provenant de distributions aux participants aux capitaux propres.participants aux capitaux propres.

Cadres conceptuelsCadres conceptuelsIASBIASB

LL’’application du concept de application du concept de rattachement selon le prrattachement selon le préésent cadre sent cadre nn’’autorise pas la comptabilisation au autorise pas la comptabilisation au bilan dbilan d’é’éllééments qui ne satisfont pas ments qui ne satisfont pas ààla dla dééfinition dfinition d’’actifs ou de passifs, actifs ou de passifs, (IAS, paragraphe 95).(IAS, paragraphe 95).

Cadres conceptuelsCadres conceptuelsIASB et FASBIASB et FASB

La conclusion fondamentale est la La conclusion fondamentale est la primautprimautéé conceptuelle des actifs et en conceptuelle des actifs et en second lieu des passifssecond lieu des passifsCertains appellent cela une Certains appellent cela une «« approche bilanapproche bilan »»..PeutPeut--il y avoir une approche il y avoir une approche «« compte compte de rde réésultatsultat »»??

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Insee Méthodes 236

Cadres conceptuelsCadres conceptuels

On ne peut pas dOn ne peut pas dééfinir les produits et les finir les produits et les charges sans rcharges sans rééfféérence aux actifs et aux rence aux actifs et aux passifs.passifs.PuisquPuisqu’’on ne peut pas don ne peut pas dééfinir les produits et finir les produits et les charges indles charges indéépendamment des actifs et pendamment des actifs et des passifs, une approche des passifs, une approche «« compte de compte de rréésultatsultat »» est vide de sens.est vide de sens.Mesurer le rMesurer le réésultat par le changement des sultat par le changement des actifs nets donne une base solide actifs nets donne une base solide àà la la rréésolution de questions comptables solution de questions comptables difficiles.difficiles.

Les problLes problèèmes des cadres mes des cadres existantsexistantsIASB et FASBIASB et FASB

Textes anciens antTextes anciens antéérieurs rieurs àà des innovations majeures.des innovations majeures.Actifs et passifs: oActifs et passifs: oùù situer le concept de probabilitsituer le concept de probabilitéé (d(dééfinition finition ou ou «« recognitionrecognition »»)?)?ContrContrôôle (direct et indirect) :mieux dle (direct et indirect) :mieux dééfinirfinirContrContrôôle vs Risques et Avantagesle vs Risques et AvantagesReportingReporting entityentityUnitUnitéé de comptede compteDistinction dettesDistinction dettes-- capitaux proprescapitaux propresMesure des actifs et des passifs: cadres trop ouverts, vieillis.Mesure des actifs et des passifs: cadres trop ouverts, vieillis.Coexistence de tous les attributs de mesure possibles, du Coexistence de tous les attributs de mesure possibles, du cocoûût historique t historique àà la juste valeur. Inconvla juste valeur. Inconvéénients des systnients des systèèmes mes mixtes.mixtes.PortPortééee du concept de du concept de prprééminenceminence du fond sur la forme.du fond sur la forme.

Cadres conceptuelsCadres conceptuelsRRéévision en coursvision en cours

Objectifs des Objectifs des éétats financierstats financiersCaractCaractééristiques qualitativesristiques qualitativesDDééfinition des finition des éélléémentsments-- «« RecognitionRecognition »» et et «« derecognitionderecognition »»..Ce quCe qu’’on peut en attendre:on peut en attendre:

-- pas de remise en cause fondamentalepas de remise en cause fondamentale--renforcement des drenforcement des dééfinitions, traitements finitions, traitements

des insuffisances constatdes insuffisances constatééeses--Accent particulier mis sur la mesure des Accent particulier mis sur la mesure des

actifs et passifs.actifs et passifs.Processus par Processus par éétape jusqutape jusqu’’en 2010.en 2010.

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PRÉSENTATION DE LA PERFORMANCE EN IFRS

Gilles ZANCANARO, Société Bouygues

1 Objet du présent texte Après le report par l’IASB du projet « Financial Performance Reporting », les sociétés qui établiront leurs comptes consolidés en IAS/IFRS ne disposent dans le cadre de ces normes, d’aucun modèle développé de présentation de leur performance. L’échéance des travaux actuels de l’IASB dans ce domaine -menés désormais conjointement avec le FASB- apparaît incertaine. Alors que l’application des normes IAS/IFRS est déjà susceptible d’entraîner des changements significatifs dans la présentation des résultats des entreprises, cette situation pourrait conduire à la multiplication de modèles de comptes de résultat, rendant encore plus difficile la lecture d’ensemble de la performance et la comparabilité entre les entreprises d’un même secteur d’activité. L'assemblée plénière du Conseil National de Comptabilité (CNC), a adopté le 27 octobre 2004, la recommandation n° 2004-R.02 proposant des formats de compte de résultat, de tableau de flux de trésorerie et de tableau de variation des capitaux propres établis sur la base des normes IAS/IFRS émises par l’IASB au 31 mars 2004. Ces formats sont destinés à constituer une base de discussion et de proposition dans le cadre des travaux internationaux et pourront également servir de référence aux entreprises qui adopteront les IAS/IFRS, si celles-ci y ont convenance. Il est souligné à cet égard que d’autres formats de présentation peuvent être utilisés par les entreprises, en totale compatibilité et adéquation avec les nomes IAS/IFRS. En particulier, chaque entreprise est libre d’adopter une autre forme de présentation déterminée par elle, par exemple dans le cadre des pratiques sectorielles qui pourraient apparaître au sein de l’UE, et dans le respect des normes générales de l’IASB. Ce texte résulte des travaux entrepris par les organisations professionnelles, avec la participation de l’AMF, de la Banque de France, de la SFAF, de la CNCC, du CSOEC, ainsi que de représentants d’entreprises, de cabinets d’audit et de sociétés de notation.

2 Champ d’application Cette recommandation s'applique au compte de résultat consolidé des entreprises industrielles et commerciales, y compris les entreprises publiques, qui adoptent les normes IAS/IFRS, à l’exclusion des établissements de crédit relevant du CCLRF (ex CRBF) et des organismes d’assurance. Les autres sociétés exclues du champ d’application du règlement européen n° 1606/2002 du 19 juillet 2002 continuent d’appliquer les règlements n° 99-02 et n°°99-03 du CRC pour la présentation de leur compte de résultat. (1) (1) en l’attente de décision relative aux options ouvertes aux Etats membres par l’article 5 du règlement susvisé. Ce texte n’a pas pour objet de redéfinir le contenu détaillé de chacune des rubriques du compte de résultat, contenu généralement couvert par les normes et pratiques existantes. Il propose un modèle de présentation synthétique et la définition des principaux soldes intermédiaires utilisés. Compte tenu de l’importance croissante du tableau des flux de trésorerie et du tableau de variation des capitaux propres dans l’analyse de la performance, et de la nécessité d’assurer leur cohérence avec la présentation du compte de résultat, il est également proposé un modèle pour chacun de ces deux états financiers. Les normes IAS/IFRS ont largement développé les annexes explicatives des états financiers. Le présent texte propose des informations supplémentaires qui sont de nature à apporter des précisions utiles à la compréhension des états financiers de synthèse. Enfin, la recommandation ne traite pas de la première application des normes (IFRS 1).

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Insee Méthodes 238

3 Principes généraux

3.1 États de synthèse consolidés et communication financière Les normes IAS/IFRS rendent obligatoire, en plus du bilan, du compte de résultat et des notes annexes, la présentation du tableau des flux de trésorerie et d’un tableau de variation des capitaux propres. Les méthodes comptables et notes explicatives sont largement développées dans l’annexe. Les documents de synthèse ainsi complétés et enrichis constituent la base de la communication financière des entreprises. Les indicateurs de performance financière publiés par les entreprises dans leur rapport de gestion et leurs communiqués financiers devraient par conséquent : (2) • soit résulter d’une lecture directe des états de synthèse, • soit pouvoir être facilement recalculés à partir de ces états et des notes méthodologiques de l’annexe

présentant le contenu des indicateurs. (2) cf. Bulletin COB janvier 2002 / Iosco Technical Committee Release may 2002

3.2 Continuité de l’information sectorielle et de l’information globale des états de synthèse

Les entreprises ont fait depuis plusieurs années des efforts importants de mise en cohérence de leur information interne de gestion avec leur information comptable publiée. L’adoption des normes IAS/IFRS ne doit pas être de nature à remettre en cause cette évolution. A cet égard la qualité de l’information sectorielle est un élément important de la lisibilité de la performance. La performance globale de l’entreprise est la somme des performances de ses différents secteurs d’activité ou géographiques. La norme IAS 14 définit les conditions dans lesquelles l’information sectorielle est préparée et présentée. Cette information sectorielle doit être cohérente avec l’information de synthèse au plan des méthodes, du contenu et de la présentation. Elle permet d’expliquer et de reconstituer la performance globale présentée au compte de résultat, en identifiant clairement les éliminations des transactions intragroupe.

3.3 Cohérence de l’information présentée La présente recommandation vise à renforcer la cohérence des informations présentées : • cohérence entre les termes et rubriques utilisés dans les différents documents : par exemple les notions de

trésorerie nette et d’endettement financier net -définies ci-après- sont identiques entre le compte de résultat et le tableau des flux de trésorerie, et les actifs et passifs correspondants sont clairement identifiés au bilan ;

• cohérence dans le classement des informations présentées : par exemple le résultat des opérations de

couverture est à rattacher chaque fois que cela est possible à la rubrique de résultat de l’opération commerciale ou financière sous-jacente.

3.4 Permanence des concepts, comparabilité et caractère significatif de l’information

Les formats proposés du compte de résultat donnent un cadre a minima et laissent certains choix de définition ou de présentation aux entreprises. Ces choix peuvent résulter de la spécificité de certains métiers (par exemple décision de faire apparaître un solde de gestion intermédiaire supplémentaire car jugé significatif par l’entreprise), et sont effectués dans le cadre des possibilités de présentation autorisées par les normes. Les entreprises peuvent aussi opter pour une présentation plus détaillée des états de synthèse.

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Compte tenu de ces différentes possibilités, les choix de concepts, définitions, et de présentations spécifiques qui pourraient être effectués par l’entreprise devront être clairement explicités et revêtir un caractère pérenne, pour assurer la comparabilité dans le temps. Conformément au § 28 du Cadre pour la préparation et la présentation des états financiers (« IASB Framework ») et au § 86 d’IAS 1, les éléments inhabituels, anormaux et peu fréquents dans les produits et charges de l'entreprise sont présentés de manière distincte lorsqu’ils sont significatifs, ceci afin de fournir une information pertinente pour l’évaluation prévisionnelle de la performance. Il convient également de rappeler que lorsque la rubrique « Autres » est utilisée, les principes d’importance relative et de regroupement définis aux paragraphes 29 et 30 d’IAS 1 doivent être considérés. Conformément aux principes généraux repris dans IAS 1, les changements de présentation éventuellement nécessaires s’accompagneront du retraitement des informations précédemment publiées.

4 Définitions

4.1 Définition du résultat opérationnel (ou résultat d’exploitation) La notion de résultat opérationnel (ou résultat d’exploitation) n’est pas définie par les normes IAS/IFRS. Or cette définition apparaît d’autant plus nécessaire qu’il s’agit d’un indicateur très largement utilisé dans la communication financière des entreprises. La proposition de définition du FASB - reprise en annexe 1- peut servir de base de réflexion utile dans ce domaine. La norme IAS 1 prévoit de faire figurer le nombre minimum de rubriques suivant : • revenus ; • charges financières ; • quote-part de résultat dans les sociétés mises en équivalence ; • résultat des activités arrêtées ou en cours de cession ; • charge d’impôt ; • profit ou perte (ventilé entre part du groupe et minoritaires). Par conséquent, afin de concilier les dispositions de la norme IAS 1 et la pratique actuelle des entreprises, le résultat opérationnel peut-être défini par différence comme l’ensemble des charges et produits ne résultant pas des activités financières, des sociétés mises en équivalence, des activités arrêtées ou en cours de cession et de l’impôt.

4.2 Définition du résultat opérationnel courant (ou résultat d’exploitation courant)

Le CNC partage la décision de l’IASB de supprimer la notion de résultat exceptionnel ou extraordinaire, notion qui peut conduire à présenter une vision erronée ou incomplète de la performance opérationnelle, en rendant arbitraire la classification entre la performance opérationnelle et les éléments dits exceptionnels. Il a aussi pris acte du souhait des entreprises et des analystes de définir un niveau de performance opérationnelle pouvant servir à une approche prévisionnelle de la performance récurrente («long term sustainable performance»). Pour répondre à cette attente, les entreprises auront l’option de présenter un résultat opérationnel courant (ou résultat d’exploitation courant), défini par différence entre le résultat opérationnel total et les «Autres produits et charges opérationnels». Le résultat opérationnel courant est un solde de gestion qui doit permettre de faciliter la compréhension de la performance de l’entreprise. Les éléments qui n’en font pas partie -c’est-à-dire les «Autres produits et charges opérationnels»- ne peuvent être qualifiés d’exceptionnels ou d’extraordinaires, mais correspondent aux évènements inhabituels, anormaux et peu fréquents visés au § 28 du « IASB Framework ». Les « Autres produits et charges opérationnels » sont définis de manière très limitative (cf. 5.5.5).

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Insee Méthodes 240

4.3 Définition de l’endettement financier brut L’endettement financier brut est constitué : • des passifs financiers à long terme : opérations d’emprunt de capitaux réalisées auprès du public -par

exemple sous forme d’emprunt obligataire- ou auprès de banques ou d’établissements financiers (crédits à moyen ou long terme, crédits-bails,…) ;

• des passifs financiers à court terme de même nature que ci-dessus y compris des émissions de titres de créances négociables à court terme auprès des investisseurs ;

• à titre exceptionnel des passifs d’exploitation -dettes fournisseurs- avances clients- dès lors que les conditions de règlement sortent très largement des pratiques habituelles des entreprises du même secteur d’activité sur un même marché. Dans ce cas, l’opération commerciale s’accompagne d’une opération de financement : il s’agit par exemple d’opérations pour lesquelles les délais de règlement conduisent à constater des incidences très significatives au titre de l’actualisation ou dont le contrat commercial prévoit explicitement la facturation d’intérêts. Ces dettes devraient être dans ce cas reclassées au bilan en dettes financières. (« Financial Liabilities ») ;

• des instruments financiers de couverture de juste valeur inscrits au bilan relatifs aux passifs constitutifs de l’endettement financier brut décrits ci-dessus, diminués des dépôts de garantie monétaires y afférents ;

• des intérêts courus sur les postes du bilan constitutifs de l’endettement financier brut. Conformément à IAS 1 § 68, les passifs de l’exploitation (provisions, engagements de retraites et assimilés, éléments du besoin en fonds de roulement,…) -sauf cas exceptionnels évoqués ci-dessus- sont exclus de la dette financière (« Financial Liabilities »). Cas particulier des opérations de désendettement de fait (« in substance defeasance ») répondant aux conditions de l’article 371-2 du PCG : les opérations existant à la date du passage aux IFRS entrent dans le calcul de l’endettement net pour leurs composantes active et passive.

4.4 Définition de la trésorerie brute et de la trésorerie nette La trésorerie brute est constituée des disponibilités et dépôts à vue et des équivalents de trésorerie au sens de la norme IAS 7 : il s’agit des placements à court terme, généralement moins de trois mois, aisément convertibles en un montant connu de liquidités et non soumis à des risques significatifs de variation de valeur. Sont notamment exclus de cette définition les actions, les obligations à taux fixe, sauf à maturité résiduelle courte au moment de l’acquisition -par exemple inférieure à trois mois- les titres de placements non cotés, à l’exception des OPCVM de trésorerie, ainsi que les actions propres conformément à SIC 16. La trésorerie nette -dont la variation est présentée dans le tableau des flux- est constituée par la trésorerie brute diminuée des découverts bancaires suivant les conditions définies dans IAS 7 § 8. Les intérêts courus non échus se rapportant aux éléments constitutifs de la trésorerie nette sont intégrés à la trésorerie nette.

4.5 Définition de l’endettement financier net et du coût de l’endettement financier net

L’endettement financier net est constitué de l’endettement financier brut diminué de la trésorerie nette, tels que définis ci-dessus. Le coût de l’endettement financier net est constitué de l’ensemble des résultats produits par les éléments constitutifs de l’endettement financier net pendant la période, y compris les résultats de couverture de taux et de change y afférents. Cette notion est très largement utilisée par les entreprises et les analystes : elle représente le coût de financement global de l’entreprise pendant la période comptable considérée, hors coût des fonds propres. Avec le coût des fonds propres, c’est l’un des deux éléments du calcul du coût moyen pondéré du capital des entreprises, utilisé par exemple dans la norme IAS 36.

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5 Compte de résultat Deux modèles de compte de résultat -par nature et par fonction- sont présentés ci-après : 5.1 Modèle de compte de résultat par fonction

COMPTE DE RESULTAT N N-1 N-2 Chiffre d’affaires Autres produits de l’activité Coût des ventes Frais de recherche & développement Frais commerciaux Frais généraux Autres produits et charges d’exploitation Résultat opérationnel courant (optionnel) Autres produits et charges opérationnels (note 1) Résultat opérationnel Produits de trésorerie et d’équivalents de trésorerie Coût de l’endettement financier brut Coût de l’endettement financier net (note 2) Autres produits et charges financiers (note 3) Charge d’impôt Quote-part du résultat net des sociétés mises en équivalence Résultat net avant résultat des activités arrêtées ou en cours de cession Résultat net d’impôt des activités arrêtées ou en cours de cession Résultat net

. part du groupe

. intérêts minoritaires Résultat par action Résultat dilué par action

5.2 Modèle de compte de résultat par nature

COMPTE DE RESULTAT N N-1 N-2 Chiffre d’affaires Autres produits de l’activité Achats consommés Charges de personnel Charges externes Impôts et taxes Dotation aux amortissements Dotation aux provisions Variation des stocks de produits en cours et de produits finis Autres produits et charges d’exploitation Résultat opérationnel courant (optionnel) Autres produits et charges opérationnels (note 1) Résultat opérationnel Produits de trésorerie et d’équivalents de trésorerie Coût de l’endettement financier brut Coût de l’endettement financier net (note 2) Autres produits et charges financiers (note 3) Charge d’impôt Quote-part du résultat net des sociétés mises en équivalence Résultat net avant résultat des activités arrêtées ou en cours de cession Résultat net d’impôt des activités arrêtées ou en cours de cession Résultat net

. part du groupe

. intérêts minoritaires Résultat par action Résultat dilué par action

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Insee Méthodes 242

5.3 Notes annexes Note 1

Les « Autres produits et charges opérationnels » comprennent un nombre limité de produits ou de charges tels que : Certaines plus et moins-values de cession d’actifs non courants corporels ou incorporels Certaines dépréciations d’actifs non courants corporels ou incorporels Certaines charges de restructuration Une provision relative à un litige majeur pour l’entreprise Ces produits ou ces charges ne figurent dans cette rubrique que s’ils correspondent aux caractéristiques restrictives énumérées en 5.5.5. Les résultats relatifs à l’application de la norme IFRS 5 ou à des sociétés mises en équivalence sont présentés dans les rubriques prévues à cet effet (cf. 5.5.7 et 5.5.8) Pour tout élément présenté dans cette rubrique : préciser nature et montant

Note 2

Le « Coût de l’endettement financier net » défini en 4.5 comprend : . Produits de trésorerie et d’équivalents de trésorerie

Produits d’intérêt générés par la trésorerie et les équivalents de trésorerie Résultat de cession d’équivalents de trésorerie Résultat des couvertures de taux et de change sur trésorerie et équivalents de trésorerie

. Coût de l’endettement financier brut Charges d’intérêt sur opérations de financement Résultat des couvertures de taux et de change sur endettement financier brut Gains et pertes liés à l’extinction des dettes

Note 3

Les « Autres produits et charges financiers » définis en 5.5.6.3 comprennent : . Produits financiers

Dividendes Profit sur cession de titres non consolidés Produits d’intérêts et produits de cession des autres actifs financiers (hors trésorerie et équivalents de trésorerie) Profit sur dérivés de trading (change, taux) Produits financiers d’actualisation Variation positive de juste valeur des actifs et passifs financiers évalués en juste valeur Résultats des couvertures de taux et de change sur opérations ci-dessus Autres produits financiers

. Charges financières Dépréciation de titres non consolidés Perte sur cession de titres non consolidés Dépréciation et pertes sur cession des autres actifs financiers (hors trésorerie et équivalents de trésorerie) Perte sur dérivés de trading (change, taux) Charges financières d’actualisation Variation négative de juste valeur des actifs et passifs financiers évalués en juste valeur Résultat des couvertures de taux et de change sur opérations ci-dessus Autres charges financières

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243

5.4 Compte de résultat par nature ou compte de résultat par fonction Les entreprises choisissent la présentation qui leur paraît la mieux adaptée à leur activité. Les analystes -français ou anglo-saxons- expriment généralement une forte préférence pour la présentation par nature. Les entreprises qui présenteront leur résultat par fonction indiqueront en annexe les principales charges opérationnelles par nature, et les montants correspondants, en détaillant notamment les charges de personnel, les dotations aux amortissements et les dotations aux provisions.

5.5 Commentaires

5.5.1 Autres produits de l’activité Ils comprennent par exemple les droits de licences, les redevances, les revenus financiers de nature opérationnelle, (cf. 5.5.6).

5.5.2 Opérations de couverture de change et couverture de taux Les produits et charges résultant des activités de couverture sont à présenter dans la même rubrique que l’opération sous-jacente objet de la couverture. Par exemple, les résultats sur opérations de change relatives à des opérations commerciales sont inscrits : • quand la relation de couverture est démontrée, en résultat opérationnel courant, (part efficace et part non

efficace) soit sur chaque ligne concernée (chiffre d’affaires, achats consommés,…) ; soit globalement en « Autres produits et charges d’exploitation » ;

• quand la relation de couverture n’est pas démontrée, en « Autres produits et charges financiers ».

5.5.3 Production immobilisée, transferts de charges, reprises sur provisions, stocks • Production immobilisée Certaines dépenses de production sont incorporées dans la valeur d’actifs de l’entreprise : production d’immobilisations pour soi-même, d’actifs incorporels de recherche et développement, de stocks, etc… Les normes IAS/IFRS définissent les conditions permettant d’enregistrer ces actifs : par exemple IAS 38 § 57 pour les frais de développement. Ces opérations ne générant pas un accroissement net de l’actif de l’entreprise, elles ne répondent donc pas à la définition d’un produit (« income ») au sens du § 70 (a) du cadre conceptuel IAS/IFRS pour la préparation et la présentation des états financiers. Ces dépenses activées ne devraient par conséquent pas être initialement comptabilisées en charges. Mais en pratique les entreprises devraient, si ces dépenses ont été comptabilisées dans un compte de charges, procéder systématiquement sur la même période comptable à l’extourne de ces charges par le compte d’actif concerné : aucune dépense initialement comptabilisée en charge ne doit être comptabilisée dans le coût d’une immobilisation à une date ultérieure (cf. IAS 38 § 71). • Transferts de charges Des comptes de « transferts de charges » peuvent être utilisés pour effectuer des transferts d’une catégorie de charge à une autre catégorie de charge. En IAS/IFRS, ces transferts de charges n’ont pas pour contrepartie des produits et ces opérations doivent être comptabilisées en réduction/augmentation dans les comptes de charges concernés. • Reprises sur provisions Lors de la réalisation du risque ou de la survenance de la charge, la provision antérieurement constituée est reprise par un compte de produits selon le règlement n° 99-03 du CRC relatif au plan comptable général. Corrélativement, la charge intervenue est comptabilisée au compte de charges concerné. En IAS/IFRS, ce produit ne correspondant pas à un accroissement net de l’actif, ne peut être considéré comme tel et doit être constaté en réduction de la charge constatée. Cependant, lorsque la charge effective est inférieure à la provision et que le solde de la provision est devenu sans objet, l’excédent de provision constitue alors un produit, à classer dans la même rubrique que la dotation d’origine.

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Insee Méthodes 244

• Stocks Les variations positives de stocks ne constituent pas des produits. Elles sont prises en compte en tant que correction des charges opérationnelles. • Informations complémentaires Conformément aux paragraphes 29 et 30 du Cadre IAS/IFRS pour la préparation et la présentation des états financiers, il conviendra de fournir en annexe aux comptes toutes les informations permettant d’analyser dans le temps les effets des pratiques de l’entreprise ou des décisions de ses dirigeants (c’est-à-dire de distinguer le montant total des charges engagées et la diminution de charges) si celles-ci sont d’un montant significatif.

5.5.4 Autres produits et charges d’exploitation Cette rubrique peut comprendre des résultats de change non affectés (cf. 5.5.2), ainsi que les quotes-parts de résultats sur opérations faites en commun dans les SNC, GIE ou JV à l’international.

5.5.5 Autres produits et charges opérationnels Cette rubrique n’est alimentée que dans le cas où un évènement majeur intervenu pendant la période comptable est de nature à fausser la lecture de la performance de l’entreprise. Il s’agit donc de produits ou charges en nombre très limité, inhabituels, anormaux et peu fréquents -de montant particulièrement significatif- que l’entreprise présente de manière distincte dans son compte de résultat pour faciliter la compréhension de la performance opérationnelle courante et permettre au lecteur des comptes de disposer d’éléments utiles dans une approche prévisionnelle des résultats, ceci conformément au principe de pertinence de l’information du § 28 du « IASB Framework ». Les autres produits et charges opérationnels sont des éléments peu nombreux, bien identifiés, non récurrents, significatifs au niveau de la performance consolidée et généralement repris dans la communication financière de l’entreprise. Ces éléments sont précisément décrits dans une note annexe en montant et en nature (cf. note 1). Les entreprises sont encouragées à indiquer l’affectation de ces éléments aux différents secteurs d’activité de l’information sectorielle (cf. IAS 14 § 59 et 60). Ils peuvent comprendre par exemple : • une plus ou moins-value de cession -ou une dépréciation- importante et inhabituelle d’actifs non courants,

corporels ou incorporels. Une société dont l’activité comprend la cession régulière d’actifs non courants ne doit pas présenter le résultat des cessions sur cette ligne, mais le classer en résultat opérationnel courant (exemple : revente de véhicules par les sociétés de location) ;

• certaines charges de restructuration : il s’agit uniquement des coûts de restructuration qui seraient de nature à perturber la lisibilité du résultat opérationnel courant, par leur caractère inhabituel et leur importance. La norme IAS 37 donne des exemples d’opérations de restructuration et précise également les coûts à indiquer dans cette rubrique ;

• d’autres charges et produits opérationnels tels qu’une provision relative à un litige d’une matérialité très significative.

Les éléments de nature identique à ceux cités ci-dessus et qui ne répondraient pas aux caractéristiques énoncées au § 28 du « IASB Framework » sont classés dans le résultat opérationnel courant. Les produits et charges constatés soit dans le cadre d’IFRS 5, soit au titre d’une société mise en équivalence, sont classés dans les rubriques prévues à cet effet (cf. 5.5.7 et 5.5.8).

5.5.6 Analyse du résultat financier et définition des Autres produits et charges financiers

La norme IAS 1 requiert la présentation d’une ligne « Finance costs » dont le contenu ne fait l’objet d’aucune définition. L’imprécision de la norme pourrait amener les entreprises à classer en revenu (opérationnel) l’ensemble des produits financiers et en coût financier la totalité des charges financières, faussant par là-même la présentation de la réalité économique de leurs opérations. L’analyse des produits et charges financiers conduit à classer ces derniers en trois catégories :

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5.5.6.1 Les résultats financiers de nature opérationnelle, partie intégrante du résultat opérationnel (ou résultat d’exploitation). Ils comprennent :

les produits financiers provenant de l’activité principale de l’entreprise elle-même, d’une filiale consolidée (banque de groupe) ou d’une branche d’activité de l’entreprise constituant un secteur opérationnel distinct, de même que les charges financières correspondantes. Les produits financiers de nature opérationnelle sont classés en « Autres produits de l’activité » (cf. 5.5.1.) ;

les produits financiers connexes à une activité commerciale -par exemple la part de revenu financier incluse dans des revenus de locations.

5.5.6.2 Le coût de l’endettement financier net de l’entreprise défini en 4.5 La présentation au compte de résultat est faite en dissociant les produits financiers et les charges financières, avec un total sur une rubrique de regroupement intitulée « Coût de l’endettement financier net ». Lorsque les produits financiers sont peu importants par rapport aux charges financières, l’entreprise présente directement la rubrique de regroupement « Coût de l’endettement financier net ». Dans tous les cas, le détail est donné en note 2. 5.5.6.3 Les autres produits et charges financiers. Il s’agit des produits et charges de nature financière qui ne sont pas de nature opérationnelle et ne font pas partie du coût de l’endettement financier net. • Par exemple :

les dividendes sur les titres de participation positionnés au bilan de l’entreprise en actifs financiers à long terme : cette présentation permet d’assurer la cohérence entre bilan, compte de résultat, et information sectorielle. Elle permet également de ne pas inclure au niveau d’un résultat opérationnel des produits ayant déjà supporté l’impôt. Elle correspond enfin au cas général d’une participation dans une entité sur laquelle l’entreprise n’exerce ni contrôle exclusif ni influence notable, mais occupe uniquement la position d’un actionnaire minoritaire ;

les résultats de cession ou les dépréciations sur les actifs financiers non courants ;

les résultats sur dérivés de trading de change et de taux ;

les résultats de l’actualisation des créances, des dettes ou des provisions ;

les résultats financiers sur des actifs ou passifs financiers à court terme qui ne seraient pas inclus dans la

trésorerie nette, et ne constitueraient pas des revenus opérationnels ;

les intérêts sur des éléments du besoin en fonds de roulement non reconnus en résultat opérationnel, par exemple les intérêts sur escompte commercial ou sur opération de crédit gratuit quand ces opérations constituent effectivement des opérations de financement (cf. IAS 18 § 11). Ce classement est cohérent au plan économique car il assure la symétrie avec le résultat de sens opposé qui figure dans le coût de l’endettement financier net ;

il est à noter que l’actualisation des provisions de retraite peut, conformément à IAS 19, être présentée

au choix de l’entreprise en résultat financier ou en résultat opérationnel. Pour plus de lisibilité les résultats financiers non opérationnels sont donc présentés dans deux rubriques distinctes : « Coût de l’endettement financier net » ; « Autres produits et charges financiers ».

5.5.7 Quote-part du résultat net des sociétés mises en équivalence Le résultat des sociétés mises en équivalence relève dans la plupart des cas de l’activité opérationnelle de l’entreprise et à ce titre il paraît possible de le présenter au niveau du résultat opérationnel. Dans ce cas il apparaîtrait cohérent de retraiter ce résultat du coût de l’endettement financier net et de l’impôt. Le modèle proposé n’a toutefois pas repris cette classification, d’une part pour rester conforme à IAS 1, et au classement au bilan en « actifs financiers », d’autre part parce que le résultat des sociétés mises en équivalence est dans la pratique toujours présenté après coût du financement et impôt, et pour cette raison non directement comparable aux autres soldes de gestion.

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Insee Méthodes 246

Dans l’information sectorielle, il est cohérent d’affecter cette nature de résultat à un segment de l’activité opérationnelle si cette présentation est conforme à l’organisation interne de l’entreprise et si les actifs correspondants font partie du segment. Les résultats des tests de dépréciation concernant les actifs incorporels (« goodwill ») sur titres mis en équivalence font partie du résultat présenté sur cette ligne. (cf. IAS 28 § 11 et 33).

5.5.8 Résultat net d’impôt des activités arrêtées ou en cours de cession Ce résultat est présenté conformément aux paragraphes 30 à 36 de la norme IFRS 5. Il doit être relatif à une partie importante de l’activité opérationnelle ou géographique de l’entreprise, correspondant a minima à une unité génératrice de trésorerie ou un groupe d’unités génératrices de trésorerie. Il peut s’agir également d’une filiale acquise exclusivement dans le but d’être revendue. L’entreprise présente sur une seule ligne :

le résultat net d’impôt des activités arrêtées ou qu’il est prévu de céder ; le résultat net d’impôt provenant de la réévaluation à la juste valeur ou de la cession des actifs

correspondants à ces activités. L’analyse du résultat ainsi que des cash-flows de ces activités fait l’objet de notes détaillées.

6 Tableau des flux de trésorerie nette Le modèle propose des améliorations au tableau des flux tel que présenté par la norme IAS 7, en tenant compte des évolutions des normes intervenues depuis sa publication. Ces évolutions concernent notamment les normes suivantes :

IAS 16 (immobilisations corporelles), IAS 38 (immobilisations incorporelles), IAS 39 (instruments financiers) et IAS 40 (immeubles de placement) : gains et pertes liés aux variations de juste valeur ;

la norme IFRS 2 (paiements effectués en actions) : charges et produits calculés liés aux stock-options et instruments assimilés ;

la norme IAS 19 : charges et produits calculés liés aux avantages au personnel.

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6.1 Modèle de tableau des flux de trésorerie nette

TABLEAU DES FLUX DE TRESORERIE NETTE N-2 N-1 N

Résultat net consolidé (y compris intérêts minoritaires) +/- Dotations nettes aux amortissements et provisions (à l’exclusion de celles liées à

l’actif circulant)

-/+ Gains et pertes latents liés aux variations de juste valeur +/ - Charges et produits calculés liés aux stock-options et assimilés -/+ Autres produits et charges calculés -/+ Plus et moins-values de cession -/+ Profits et pertes de dilution +/- Quote-part de résultat liée aux sociétés mises en équivalence - Dividendes (titres non consolidés) Capacité d’autofinancement après coût de l’endettement financier net et impôt

+ Coût de l’endettement financier net +/- Charge d’impôt (y compris impôts différés) Capacité d’autofinancement avant coût de l’endettement financier net et impôt

(A)

- Impôts versé (B) +/- Variation du B.F.R. lié à l'activité (y compris dette liée aux avantages au

personnel) (C)

= FLUX NET DE TRESORERIE GENERE PAR L'ACTIVITE (D) = (A + B + C)

- Décaissements liés aux acquisitions d'immobilisations corporelles et incorporelles + Encaissements liés aux cessions d'immobilisations corporelles et incorporelles - Décaissements liés aux acquisitions d'immobilisations financières (titres non

consolidés)

+ Encaissements liés aux cessions d'immobilisations financières (titres non consolidés)

+/- Incidence des variations de périmètre + Dividendes reçus (sociétés mises en équivalence, titres non consolidés) *

cf. traitement alternatif 6.2

+/- Variation des prêts et avances consentis + Subventions d’investissement reçues +/- Autres flux liés aux opérations d'investissement = FLUX NET DE TRESORERIE LIE AUX OPERATIONS D’INVESTISSEMENT (E)

+ Sommes reçues des actionnaires lors d’augmentations de capital • . Versées par les actionnaires de la société mère

• .Versées par les minoritaires des sociétés intégrées

+ Sommes reçues lors de l’exercice des stock-options -/+ Rachats et reventes d’actions propres - Dividendes mis en paiement au cours de l'exercice

• . Dividendes versés aux actionnaires de la société mère

• . Dividendes versés aux minoritaires de sociétés intégrées

+ Encaissements liés aux nouveaux emprunts - Remboursements d'emprunts (y compris contrats de location financement) - Intérêts financiers nets versés (y compris contrats de location financement) +/- Autres flux liés aux opérations de financement = FLUX NET DE TRESORERIE LIE AUX OPERATIONS DE

FINANCEMENT (F)

+/- Incidence des variations des cours des devises (G) = VARIATION DE LA TRESORERIE NETTE ( D + E + F + G )

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Insee Méthodes 248

6.2 Choix de la méthode indirecte et de certaines modalités de présentation Le tableau proposé part du résultat net consolidé et utilise la méthode indirecte. Cette méthode est la plus appropriée pour la détermination de la capacité d’autofinancement. Cet indicateur -absent de la norme IAS 7- donne la mesure exacte du flux de trésorerie que l’entreprise a la capacité de générer par son activité au cours de l’exercice, indépendamment des variations des éléments du besoin en fonds de roulement qui peuvent parfois comporter un caractère saisonnier ou erratique. Cet indicateur très largement utilisé est présenté avant impôt, dividendes et coût de l’endettement financier net. Conformément à IAS 7, la charge d’impôt est isolée dans la présentation mais n’est pas systématiquement ventilée entre les fonctions activité, investissement et financement, cette ventilation n’étant fournie que si les montants concernant la fonction financement ou investissement sont significatifs. Si la charge d'impôt ne peut être ventilée selon les différents types de flux, elle est présentée globalement dans les flux opérationnels. La norme IAS 7 laisse la possibilité de classer les intérêts et les dividendes soit en flux de trésorerie opérationnel, soit en flux financier (intérêts payés) et flux d’investissement (intérêts et dividendes reçus). Dans le modèle proposé, les dividendes reçus sont rattachés à la fonction investissement alors que les intérêts financiers nets versés sont rattachés à la fonction financement. Les dividendes reçus des sociétés mises en équivalence sont classés en flux d’investissement, mais pourraient également être présentés en flux opérationnels si le résultat et les actifs correspondants étaient affectés à un secteur d’activité dans l’information sectorielle. Les dividendes versés sont présentés sur deux lignes distinctes : dividendes versés aux actionnaires de la société mère et dividendes versés aux minoritaires des sociétés intégrées.

6.3 Création de sous-totaux pour les utilisateurs des états financiers Comme indiqué ci-dessus, la création d’un sous-total « capacité d’autofinancement » est apparue nécessaire pour les utilisateurs du tableau des flux. Les variations du besoin de fonds de roulement font également l’objet d’un sous-total, sous-total incluant les variations des comptes du bilan correspondants aux avantages au personnel, ces charges ne transitant pas par un compte de provisions. La présentation d’autres soldes intermédiaires utilisés par les entreprises dans leur communication (Ebita, Ebitda, Free cash-flow,…) n’est pas apparue souhaitable en l’absence de définition comptable normée, mais le tableau des flux doit comporter les éléments nécessaires au calcul de ces indicateurs en complétant le modèle présenté le cas échéant.

6.4 Annexes La norme IAS 7 prévoit de développer les informations annexes au tableau de variation des flux, avec notamment :

les composantes de la trésorerie nette analysée par nature et le rapprochement avec le bilan ; l’incidence des variations de périmètre ; le détail des opérations d’investissement et de financement ne donnant pas lieu à un flux de trésorerie ; la trésorerie non disponible du groupe.

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En complément, les informations suivantes devraient être présentées dans l’annexe : le tableau de variation de l’endettement financier net, selon le modèle simplifié suivant :

Ouverture Variation Clôture

Trésorerie brute (a) Soldes débiteurs et concours bancaires courants b) Trésorerie (c) = (a) - (b) Endettement financier brut (d) Endettement financier net (d) - (c) La variation de trésorerie nette ci-dessus est conforme au tableau des flux. Les variations de périmètre et de cours des devises significatifs sont détaillées.

le montant des lignes de crédits confirmées et non utilisées du groupe et leur échéancier, avec les clauses de restriction éventuelles ;

la variation des principaux éléments du besoin en fonds de roulement ; l’impact des cessations d’activités sur les flux de trésorerie et la capacité d’autofinancement du groupe,

si ces montants ont un caractère significatif. Les informations suivantes sont encouragées, suivant les recommandations d’IAS 7 :

répartition géographique des flux de trésorerie, ou ventilation par secteur d’activité ; ventilation des investissements entre exploitation et développement de la capacité de production.

7 Tableau de variation des capitaux propres Un tableau de variation des capitaux propres est présenté conformément à la norme IAS 1. 7.1 Modèle de tableau de variation des capitaux propres

TABLEAU DE VARIATION DES CAPITAUX PROPRES

C

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l

Rés

er-v

es li

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pita

l

Titre

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s

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l

(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8)

Capitaux propres clôture n-2

Changement de méthodes comptables

Capitaux propres clôture n-2 corrigée

Opérations sur capital Paiements fondés sur des actions *

Opérations sur titres auto-détenus

Dividendes Résultat net de l’exercice

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Insee Méthodes 250

Immobilisations corporelles et incorporelles : Réévaluations et cessions (1)

Instruments financiers : variations de juste valeur et transferts en résultat (2)

Ecarts de conversion : variations et transferts en Résultat (3)

Résultat enregistré directement en capitaux propres (1) + (2) + (3)

Variation de périmètre Capitaux propres clôture n-1

Changement de méthodes comptables

Capitaux propres clôture n-1 corrigée

Opérations sur capital Paiements fondés sur des actions *

Opérations sur titres auto-détenus

Dividendes Résultat net de l’exercice Immobilisations corporelles et incorporelles : Réévaluations et cessions (1)

Instruments financiers : variations de juste valeur et transferts en résultat (2)

Ecarts de conversion : variations et transferts en résultat (3)

Résultat enregistré directement en capitaux propres (1) + (2) + (3)

Variation de périmètre Capitaux propres clôture n

* si significatif

7.2 Commentaires Réserves liées au capital (colonne 2) : primes d’émission, primes d’apport, primes de fusion, réserves légales, Réserves et résultats consolidés (colonne 4) : incluent le résultat net de l’exercice conformément à la présentation du bilan. Celui-ci n’est donc pas présenté en colonne, mais en ligne. Résultats enregistrés directement en capitaux propres (colonne 5) : incluent les résultats de réévaluation sur les immobilisations corporelles et incorporelles (IAS 16 - IAS 38), les instruments financiers (IAS 39) et les variations d’écart de conversion. Cette colonne fait l’objet d’une note détaillée en annexe. Opérations de cession sur transactions ayant donné lieu à des résultats enregistrés directement en capitaux propres sur les exercices précédents :

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251

pour les immobilisations corporelles et incorporelles, une variation de (5) a une contrepartie directe en (4) ;

pour les instruments financiers et résultats de couverture, une variation de (5) a une contrepartie indirecte en (4) au niveau de la ligne résultat net.

Traitement des paiements fondés sur des actions : cette ligne ne figure que si le montant est significatif. A défaut, ces opérations sont présentées dans la ligne « Opérations sur capital ». Le résultat net comporte la charge. La contrepartie figure dans les colonnes « Capital » et « Réserves liées au capital ». Opérations sur titres auto-détenus : lorsque ces opérations sont significatives, l’entreprise en donne le détail dans une note explicative, en distinguant notamment les rachats directs ou indirects d’actions, les annulations, les réémissions et reventes, ainsi que les résultats y afférents.

Annexe - Résultat opérationnel - Définition groupe de travail technique - FASB (Memorandum FASB 16.10.2003) Business activities are :

a) activities undertaken by a business enterprise as part of its objective to provide goods or services in a attempt to make a profit, or

b) activities not directly related to providing goods and services but are essential to the enterprises ‘s

ability to achieve the objectives in (a), or

c) activities in which the enterprise engages to pursue its strategic objective, that result in either or both the impairment and disposal of assets used in either (a) or (b) above.

Les activités opérationnelles sont :

a) les activités réalisées par une entreprise ayant pour finalité de fournir des biens ou des services en vue de réaliser un profit, ou

b) les activités non directement destinées à la fourniture de biens et de services mais qui sont essentiels

pour maintenir la capacité de l’entreprise à atteindre les objectifs décrits en (a) ou

c) les activités dans laquelle s’engage l’entreprise pour poursuivre son objectif stratégique et qui ont pour conséquence la dépréciation et/ou la cession des actifs utilisés dans les activités (a) ou (b) ci-dessus.

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Insee Méthodes 252

MIEUX SAISIR L’IMMATÉRIEL : QUE PEUT-ON ATTENDRE DES INVESTIGATIONS STATISTIQUES ?

Benjamin CAMUS Insee, Département des Activités Tertiaires

L’investissement immatériel pose un lancinant problème d’observation au statisticien. Les débats récurrents sur la définition d’un investissement immatériel sont anciens. Ce point a du être abordé de nombreuses fois dans les colloques de l’ACN. En particulier, lors du colloque de janvier 2004, Magali Demotes-Mainard, qui m’a précédé comme chef du département des activités tertiaires, était intervenue sur ce thème ; elle avait alors souligné la grande diversité des approches tant au niveau microéconomique que macroéconomique ; elle concluait qu’en matière d’observation statistique, nous en étions encore à un stade expérimental avec des démarches multiples mal intégrées. Mon intervention de ce jour confirmera cette conclusion en donnant un rapide aperçu de l’approche statistique actuelle de l’immatériel en France.

1 La nécessaire diversité des approches

1.1 L’impasse de l’approche comptable unifiée La statistique d’entreprises française a toujours cherché à profiter d’un ancrage comptable pour asseoir son observation. On a pu penser que l’évolution comptable conduirait à définir un concept élargi d’investissement avec un contenu immatériel et qu’il suffirait d’observer cette notion microéconomique pour en déduire un concept élargi d’investissement. Les statisticiens d’entreprises ont fait leur deuil de cette approche, ils se sont rabattus sur une approche plus parcellaire par domaines : on ne vise plus à mesurer une notion agrégée d’investissement immatériel mais à cerner différentes composantes immatérielles d’un effort d’investissement de l’entreprise. L’exercice consiste alors à définir un jeu d’indicateurs significatifs de ces domaines. Ce faisant, on s’éloigne des attentes des comptables nationaux, mais ce détour de production semble actuellement inévitable. On ne sait si l’évolution des normes comptables conduira à réviser ce point de vue.

1.2 Les domaines de l’investissement immatériel S’agissant de l’investissement immatériel, on peut distinguer deux grands domaines : un premier où il existe un référentiel méthodologique international explicité par des manuels (manuel de Frascati sur la R&D et manuel d’Oslo sur l’innovation) et un deuxième où la réflexion internationale n’a pas encore abouti à des normes. Sur ces nouveaux domaines, la pratique européenne est de susciter des enquêtes pilotes de quelques pays afin de calibrer un éventuel règlement appliqué ensuite à l’ensemble des pays.

1.2.1 Le noyau dur : R&D et innovation Des définitions précises de la R&D et de l’innovation permettent de cerner des dépenses susceptibles de contribuer à une augmentation d’un capital immatériel de l’entreprise et par agrégation d’un capital immatériel national. Le suivi de la R&D est très ancien, la permanence de sa définition garantit de pouvoir réaliser des comparaisons internationales sur longue période. En ce qui concerne l’innovation, plutôt que d’améliorer la précision de la mesure on a cherché à élargir progressivement le concept d’innovation de façon à «ratisser plus large » en intégrant notamment des aspects organisationnels et commerciaux au-delà de l’approche purement technologique initiale (cf. la révision récente du manuel d’Oslo).

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253

Ces domaines donnent lieu à des enquêtes statistiques régulières homogènes au sein des pays développés : - Enquêtes annuelles R&D : elles portent principalement sur les moyens financiers et humains consacrés à la R&D, elles n’abordent que de façon indirecte l’organisation de la R&D au sein des groupes et ignorent les options stratégiques ; - Enquêtes sur l’innovation qui en sont à leur quatrième génération au niveau européen (enquête dite CIS4 actuellement en phase de collecte en France).

1.2.2 Le halo des autres composantes immatérielles Les approches précédentes ne couvrent pas l’ensemble des efforts des entreprises pour accroître un capital immatériel. De façon à décrire ces composantes, on peut distinguer plusieurs types de capital accumulé dans l’entreprise. : - le capital technologique (investissement en technologie de l’information qui ne serait pas déjà compté au titre de l’investissement matériel) ; - Le capital humain (investissement en formation, en gestion des connaissances,…) ; - Le capital organisationnel ou de structure interne à l’entreprise : savoir-faire inscrit dans des formes organisationnelles, modèles et marques ; - Le capital de clientèle ou de réseau : capital commercial (constitué par les investissements en marketing ou publicité) ; capital relationnel constitué notamment par les réseaux de relations interentreprises stratégiques avec des fournisseurs ou des clients (gestion de réseaux d’enseigne par exemple). Ces trois dernières catégories peuvent être qualifiées de capital intellectuel.

2 Des exemples récents d’investigation statistique De récentes enquêtes de la statistique publique ont abordé ces différentes dimensions : enquête sur les relations interentreprises (2004/2003), enquête sur les moyens et modes de gestion de l’immatériel (2005/2004), enquête sur les changements organisationnels et les technologies de l’information et de la communication (2006/2005). Ces deux dernières enquêtes sont emblématiques de cette approche morcelée. On y cherche moins à mesurer un montant de dépenses immatérielles qu’à cerner le type de moyens mis en oeuvre et le dispositif de gestion associé avec quelques indicateurs le plus souvent qualitatifs.

2.1 L’enquête « moyens et modes de gestion de l’immatériel » 2005/2004

2.1.1 Une approche par domaine Du point de vue du contenu, l’enquête s’intéresse aux composantes d’un investissement immatériel qui n’étaient pas ou mal couvertes par les enquêtes existantes : marketing et communication publicitaire d’une part, gestion de la propriété intellectuelle d’autre part (la volonté de limiter la charge statistique de réponse a conduit à supprimer au dernier moment un module sur la gestion des connaissances). Elle contient aussi un petit module sur l’innovation et la R&D de façon à caractériser de façon plus globale l’effort d’investissement immatériel de la firme. L’avantage de cette approche coordonnée est de pouvoir relier les différentes composantes de l’immatériel (par exemple en examinant le lien entre le type d’innovation, produit ou procédé, et les dépenses publicitaires). Le questionnaire de six pages comporte ainsi une cinquantaine de questions essentiellement de nature qualitative. Sur chacun des domaines, on cherche à connaître les actions engagées et à les quantifier par un budget en mêlant questions qualitatives et quantitatives ; on vise aussi à cerner les objectifs et les effets escomptés de ces actions sur un registre qualitatif. Par exemple, s’agissant du domaine marketing et communication publicitaire, l’enquête détaille les points suivants : - Les actions menées : communication media, hors media, mécénat,… ; - Les objectifs visés (par exemple, accompagner le lancement d’un nouveau produit) ; - La stratégie (par exemple, différentiation des marques par segment de marché) ; - L’efficacité des actions (par exemple, sur l’évolution des parts de marchés) ;

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Insee Méthodes 254

- La mesure de la ressource consacrée : budget annuel exprimé en % du chiffre d’affaires et effectif interne affecté à cette fonction. Cet exemple montre qu’au-delà du montant engagé, on vise surtout à préciser la nature de l’investissement et sa visée stratégique. La partie la plus développée et la plus originale concerne la gestion de la propriété intellectuelle : marques, droits d’auteur, brevets, dessins, modèles déposés, redevances associées, … Sur les vingt questions détaillées, sept sont quantitatives : - % du chiffre d’affaires(CA) sous marque de produit (propriété ou non de l’entreprise) ; - % du CA sur des produits couverts par des droits d’auteur ; - % du CA sur des produits ayant fait l’objet de contrefaçon ; - redevances perçues et payées (avec référence au plan comptable), - autres frais liés à la propriété intellectuelle ; - effectifs internes affectés à la gestion de la propriété intellectuelle.

2.1.2 Une interrogation au niveau supérieur du groupe La méthodologie de l’enquête est innovante puisque c’est la première enquête thématique d’ampleur gérée au niveau du groupe d’entreprises. La longue expérience de l’enquête R&D, celle d’enquêtes plus récentes sur la gestion des brevets ou sur l’innovation avaient montré que l’entreprise, assimilée en France à l’unité légale, n’était pas toujours l’unité à même de répondre sur ces domaines. Ceci convergeait avec des réflexions engagées sur le rôle des groupes d’entreprises dans l’observation statistique. D’une part, la stratégie de gestion de l’investissement immatériel est plutôt définie au niveau le plus élevé, soit pour simplifier dans la tête du groupe d’entreprises. D’autre part, seul le périmètre du groupe est significatif pour appréhender l’investissement immatériel et ses retombées, les fortes externalités des investissements immatériels jouent essentiellement au sein du groupe : par exemple, dans certains schémas d’organisation de groupe, les dépenses de R&D sont réalisées par une unité spécialisée, celles de marketing par une autre et toutes les entreprises du groupe profitent de ces efforts ; raisonner entreprise par entreprise pourrait être parcellaire et trompeur. Au total, l’enquête postale menée fin 2004 début 2005 a concerné un échantillon de 4 000 groupes et de 18 000 entreprises indépendantes, échantillon représentatif de l’ensemble de l’économie marchande (sauf les organismes financiers). Cette démarche s’est révélée appropriée. Certes, elle a pu soulever quelques difficultés : définition du périmètre de référence pour les groupes fortement implantés à l’étranger, découpage nécessaire en sous-groupes pour quelques groupes très diversifiés (pour une cinquantaine de groupes), taux de réponse plus faible que pour des enquêtes thématiques de même nature (ceci s’expliquant largement par le caractère non obligatoire de l’enquête). Mais la pertinence de la démarche a été vérifiée : les responsables du niveau groupe qui répondaient de fait au questionnaire (directeur de la communication, du marketing, ou de la recherche) pouvaient fournir les réponses attendues. Les premiers résultats de cette enquête seront diffusés très prochainement par le SESSI, qui assure la première exploitation des résultats de la collecte (menée par le SESSI auprès des grands groupes et par l’Insee sur le reste du champ de façon à couvrir tous les secteurs d’activité, en accord avec l’ensemble des services statistiques ministériels concernés).

2.2 L’enquête sur les changements organisationnels et les technologies de l’information et de la communication 2006/2005

2.2.1 Un contenu très riche mais qualitatif Il s’agit en fait de la fusion de deux investigations, l’une sur les TIC conséquence d’un règlement européen, l’autre sur les changements organisationnels. L’approche du changement organisationnel s’inscrit dans une lignée ancienne d’enquêtes menées d’abord sur l’industrie pour mieux cerner les sources de la productivité et de la compétitivité des entreprises ; elle reprend

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ainsi en l’actualisant largement et en l’étendant à l’ensemble des secteurs une enquête sur le changement organisationnel de 1997 (dite COI 1997). De fait, ce dispositif est particulièrement original puisqu’il est prévu par ailleurs un volet d’interrogation auprès des salariés de ces mêmes entreprises puis un couplage des résultats (pour plus d’information sur ce dispositif, se reporter au site www.enquetecoi.net, géré par le Centre d’Etudes de l’Emploi qui joue un rôle moteur sur cette filière d’enquêtes). D’un autre côté, la partie TIC de l’enquête correspond à l’application d’un règlement européen de 2004 ; ce dernier conclut un exercice d’enquêtes pilotes sur le thème de la diffusion et de l’impact des TIC parmi les entreprises, il prévoit un jeu d’enquêtes annuelles harmonisées de 2006 à 2011. Le questionnaire de six pages comporte quarante quatre questions réparties selon les rubriques suivantes : - Stratégie, marchés et environnement de votre entreprise : 10 questions qualitatives sur la stratégie ainsi que l’évolution interne et externe de l’entreprise de 2003 à 2006 ; - L’informatique et les systèmes d’information : 5 questions sur la nature de de l’équipement informatique, les outils et les domaines couverts par les applications ; - Relations avec les clients : 4 questions sur la nature des clients, des relations associées et des dispositifs informatiques liés ; - Relations avec les fournisseurs : 3 questions de même type ; - Production, conception et marketing : 4 questions sur les dispositifs logistiques et organisationnels ; - Ressources humaines et gestions de compétences : 3 questions sur la formation et le recrutement ; - Bilan sur les changements d’organisation interne : 5 questions qualitatives ; - Précisions sur les TIC : 10 questions plus techniques sur les TIC et sur les ventes et achats par voie électronique (en % du CA ou des achats), soit le commerce électronique. Ce rapide survol du contenu montre que l’enquête se situe à l’articulation de l’investissement dans les nouvelles technologies et de son appropriation par l’entreprise. Elle porte ainsi sur les différentes composantes immatérielles évoquées précédemment : capital technologique, capital humain, capital organisationnel et même capital de clientèle ou de réseau. L’enquête lancée fin 2005 est actuellement en phase de collecte, les premiers résultats provisoires seront disponibles fin 2006. Les résultats plus complets avec le couplage avec l’enquête « salariés » ne le seront qu’en 2007. A la différence de la précédente, cette enquête porte sur l’entreprise, unité légale ; cette option s’explique par le souhait de pouvoir ensuite mobiliser le maximum de sources notamment comptables et le caractère relativement technique de certaines questions plus adaptées à un établissement ou à une entreprise (détail des équipements TIC).

2.2.2 Des investigations expérimentales et peu intégrées En conclusion, ces exemples récents d’enquêtes montrent que les enquêtes actuelles se caractérisent par : - des enquêtes largement transectorielles (avec des contenus quasiment identiques d’un secteur d’activité à l’autre) ; - des approches par domaine de l’investissement immatériel privilégiant des indicateurs qualitatifs sur la nature des investissements et sur leurs interrelations ; - des approches alternatives sur l’unité statistique de collecte. Cette démarche n’est pas spécifique à la France, elle se retrouve dans la plupart des pays développés intéressés par un suivi statistique de l’investissement immatériel. Elle semble féconde pour mieux cerner les trajectoires d’entreprises et l’évolution de leur productivité ; elle ne débouche pas encore sur une approche plus intégrée et plus quantitative. Une telle approche sera sans doute nécessaire à terme pour la statistique d’entreprise, elle pourrait répondre enfin aux attentes macroéconomiques des comptables nationaux.

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Insee Méthodes 256

LES NORMES IFRS ET L’ÉVOLUTION DES STATISTIQUES MONÉTAIRES ET FINANCIÈRES 1

Dominique DURANT, Emmanuel GERVAIS Banque de France, Direction des Etudes et Statistiques Monétaires

Le règlement CE 1606/2002 du Parlement et du Conseil du 19 juillet 2002 prévoit l’application des normes comptables internationales aux comptes consolidés des sociétés cotées à partir du 1er janvier 2005. En revanche, les comptes sociaux, à partir desquels sont élaborées les statistiques monétaires et financières restent soumis aux normes françaises, pour les établissements de crédit comme pour les compagnies d’assurance et les sociétés non financières.

L’impact sur l’élaboration des statistiques est donc encore à venir, mais il doit être anticipé, le contenu et le détail de l’information comptable disponible étant à la base des statistiques agrégées. En particulier, il est important de s’assurer que les nouvelles normes comptables sont cohérentes avec les principes de la comptabilité nationale (SCN93 et SEC95 en Europe), qui constituent le cadre des statistiques financières et, nonobstant quelques spécificités justifiées par leur objet, des statistiques monétaires.

1 Les normes IAS et les statistiques financières Les normes de comptabilité nationale financières et les normes internationales de comptabilité privée convergent sur quelques principes communs2:

- la comptabilité d’entreprise abandonne l’optique patrimoniale et évolue vers une description économique, de plus en plus tournée vers les risques à venir ;

- à l’origine d’inspiration keynésienne, la comptabilité nationale emprunte de plus en plus à la théorie financière sous la pression de la financiarisation de l’économie et de l’évolution des comportements ;

- la comptabilité nationale est fortement dépendante de l’information disponible dans les systèmes comptables des entreprises, laquelle est communiquée aux organismes de supervision ou à l’administration fiscale et utilisée ensuite sous forme agrégée pour l’élaboration des statistiques.

On essayera donc de montrer comment les statistiques financières peuvent tirer parti des informations nouvelles qui seront rendues disponibles dans les comptes des entreprises par les normes IAS et quelles évolutions pourraient au contraire les priver des données indispensables à l’élaboration des comptes financiers.

1 Emmanuel Gervais – Banque de France (DESM-SASM), Dominique Durant – Banque de France (DESM-SESOF). Ce papier reflète les idées personnelles de ses auteurs et n’exprime pas nécessairement la position de la Banque de France. Les auteurs remercient les participants au Colloque de comptabilité nationale pour leurs interventions et leurs remarques fructueuses. 2 Voir André Vanoli Comptabilité nationale et évolution des normes comptables internationales 10ème Colloque de comptabilité nationale Janvier 2004

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1.1 En principe, l’application des normes IAS devraient permettre d’améliorer la qualité des comptes financiers

Les principes communs qui sont essentiels pour les comptes nationaux financiers sont :

- l’enregistrement au bilan de tous les actifs et passifs financiers, y compris les produits dérivés, à l’exclusion des actifs « contingents » ;

- l’évaluation des actifs et passifs à leur « prix de transaction » dans la terminologie des comptes nationaux ou à leur « juste valeur » dans celle de la comptabilité d’entreprise, c'est-à-dire en pratique un prix observé sur un marché actif ou à défaut établi par référence à un actif comparable ou à un modèle d’évaluation.

S’agissant de ce dernier point, il est important de noter que au regard des normes de la comptabilité nationale, le « prix de transaction » des dépôts et des crédits est égal à la valeur nominale.

C’est donc essentiellement pour les opérations sur titres et sur produits dérivés que l’application des normes IAS permettra d’améliorer la qualité des comptes financiers, et notamment l’enregistrement des encours en valeur de marché. On prendra trois exemples dans ce domaine ainsi qu’un exemple relatif au traitement des intérêts.

1.1.1 Application aux portefeuilles titres

Les opérations relatives aux titres longs s’appuient sur un mode de construction qu’il convient de bien comprendre avant de percevoir l’avantage qu’apporte la comptabilisation de tous les actifs sous forme de titres des institutions financières en « juste valeur ».

Prenons l’exemple des obligations.

Les obligations émises par les différents secteurs institutionnels sont recensées auprès d’Euronext. On dispose ainsi du stock en valeur de marché et du flux d’émission nette sur la période par secteur émetteur résident. Les stocks de titres émis par les non résidents et acquis par des secteurs résidents sont également connus avec un degré convenable de qualité, les flux pouvant être estimés grâce à des éléments de valorisation.

Si le passif est de la sorte bien connu, la détermination de l’actif des différents secteurs institutionnels est plus problématique :

- pour les sociétés non financières (S11), les ménages (S14) et les institutions sans but lucratif au service des ménages (S15) une enquête non exhaustive effectuée auprès des conservateurs de titres résidents fournit des stocks en valeur de marché et des flux.

- Pour les sociétés financières (S12) et les administrations publiques (S13), on utilise les données issues des situations comptables, lesquelles sont soit en valeur de marché, soit en valeur de remboursement, soit au coût d’acquisition diminué des provisions.

Il faut procéder à des estimations pour rapporter tous les stocks à des valeurs de marché et pour calculer les flux. Ces estimations sont toutes fondées sur la formule suivante, qui relie les stocks en valeur de marché (SMV), les flux (F) et la valorisation (V) dans les comptes nationaux :

SMVt = SMVt-1+ Ft + Vt

1) On calcule sur le passif total résident un indice it de valorisation. Cet indice servira à estimer la valorisation de l’actif (ce qui revient à appliquer le même indice pour les titres émis et détenus par les non résidents)

tt

ttt FSVM

FSVMi

2121

11 +−

=+−

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Insee Méthodes 258

2) Pour les titres comptabilisés en valeur de marché, on dispose de stocks comptables (smv) adaptés aux normes de la comptabilité nationale (SMV) mais il faut calculer la valorisation (V) à l’aide de l’indice calculé sur le passif, puis le flux (F):

SVMt = svmt

V = (svmt + svm t-1) * it /(2+it)

F = svmt - svm t-1 - V

Il est également possible d’obtenir la valorisation à partir du compte de résultat et de corriger la variation d’encours en valeur de marché pour obtenir le flux. Ce n’est pas fait actuellement dans les comptes financiers en raison de l’insuffisance de détail du compte de résultat, qui n’isole pas les gains (hg) et les pertes (hl) sur portefeuille par type de titre.

F = svmt – svmt-1 - hg + hl

3) Pour les titres comptabilisés au coût d’acquisition brut, on obtient le flux (F) grâce à la variation d’encours comptable (sav) corrigée des gains (rhg) et pertes (rhl) réalisés et des primes (pa) et décotes (da) amorties au compte de résultat :

F = savt – savt-1 - rhg + rhl – da + pa

Grâce à l’indice calculé sur le passif, on valorise l’encours des comptes financiers (SMV) de la période précédente et le demi-flux pour obtenir la valorisation (V) sur la période :

V= (SMV t-1 +1/2F)* it

On obtient l’encours en fin de période par addition du flux et de la valorisation à l’encours de la période précédente :

SMV t = SVM t-1 +V+F= (SMV t-1 +1/2F)*(1+i t)+1/2F

Selon la norme IAS 39, les obligations sont comptabilisées soit en « juste valeur » si elles sont classées dès l’origine parmi les actifs en « juste valeur » avec passage des gains et perte au compte de résultat ou en portefeuille de titres disponibles à la vente, soit en « coût amorti » c'est-à-dire, en première approximation, au coût d’acquisition réduit des provisions si elles sont classées parmi les titres détenus à long terme ou si ce sont des obligations émises par l’établissement.

Il faudra donc continuer à utiliser les estimations qui précèdent dans le cadre des normes IAS. Il est simplement à prévoir que la proportion des titres en valeur de marché s’accroîtra. L’extension de l’utilisation de la valeur de marché dans les comptabilités des sociétés financières devrait permettre de disposer d’une information plus homogène sur les stocks et donc de réduire l’impact des estimations.

Sociétés non financières

Etablissements de crédit OPCVM Assurances Administrations

publiquesMénages et

ISBLSM Reste du monde

Euronext Euronext Euronext Euronext Etats 26exhaustif exhaustif exhaustif exhaustif non exhaustif

valeur de marché valeur de marché valeur de marché valeur de marché valeur de marchéstock et flux stock et flux stock et flux stock et flux stock

enquête titre BAFI Base OPCVM ACAM Comptabilité publique enquête titre Etats 26

non exhaustif exhaustif exhaustif exhaustif exhaustif non exhaustif non exhaustif

valeur de marché prix d'acquisition valeur de marché prix d'acquisition /valeur de marché prix d'acquisition valeur de marché valeur de marché

stock flux stock stock flux stock stock

enquête titre BAFI Base OPCVM ACAM Comptabilité publique enquête titre Etats 26

non exhaustif exhaustif exhaustif exhaustif exhaustif non exhaustif non exhaustifvaleur de marché valeur de marché valeur de marché valeur de marché prix d'acquisition valeur de marché valeur de marché

stock stock stock stock flux stock stock

Passif

Actif actuel

Actif en normes IAS

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259

1.1.2 Application aux produits dérivés

En application du SEC95, les produits dérivés sont inscrits au compte de patrimoine (en stock) pour leur valeur marchande courante. Ceux qui ne sont pas cotés sont évalués sur la base de leur valeur de rachat ou du montant de la prime payée (7.50).

Les opérations sur produits dérivés sont enregistrées dans le compte financier, sur une ligne spécifique (F34/AF34) : à cet égard le traitement des swaps d’intérêt a été aligné en 2001 sur celui des autres produits dérivés. Auparavant, les intérêts versés dans le cadre de swaps étaient enregistrés en flux d’intérêt au compte non financier (D41). L’ancienne règle (5.139 c et d) est maintenue dans le cadre de la procédure de déficit excessif (règlements EC 2558/2001 et 351/2002).

Le cumul des transactions sur un produit dérivé devra correspondre au gain total ou à la perte totale réalisée sur la durée du contrat (règlement EC 2558/2001). Les versements effectués accroissent la valeur nette positive et réduisent la valeur nette négative. Les paiements reçus réduisent la valeur nette positive et accroissent la valeur nette négative.

Les opérations sur produits dérivés dans les comptes financiers français sont calculées à partir des comptes des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, des éléments d’information complémentaires sur les flux entre résidents et Reste du Monde étant également fournies par la balance des paiements.

L’information dont on dispose aujourd’hui est très pauvre :

- Les stocks (sa : stock actif, sl : stock passif) sont sous-estimés car ils ne sont disponibles au bilan que pour les options. Les swaps et les contrats à terme ne font pas l’objet d’une inscription au bilan, sauf de manière très partielle et temporaire dans le cadre d’opérations de couverture ;

- La valorisation (hg : gains, hl : pertes) est surestimée. Elle est calculée à partir du compte de résultat : intérêts sur swaps, gains et pertes sur instruments à terme, gains et pertes de détention sur les swaps du portefeuille, appels de marge et restitution d’appels de marge. La surestimation résulte du fait que tous les gains (resp. les pertes) sont portés à l’actif (resp. au passif) alors qu’ils pourraient compenser des transactions de passif (resp. de l’actif) ;

- Les transactions sont supposées intervenir au même moment que les changements de valeur ; or, ce n’est pas exact lorsque le changement de valeur ne donne pas lieu à un paiement, notamment pour les dérivés de gré à gré et les produits de couverture ;

- La répartition par contrepartie, calculée à partir du hors bilan, permet de calculer, par réflexion, les produits dérivés au bilan des autres agents économiques.

Compte de patrimoine d'ouverture

Transaction Rééva-luation

Autres changements de volume

Compte de patrimoine de clôture

Produits dérivés - Actif sa (-1) sa-sa(-1)-hg +hg saProduits dérivés - Passif sl (-1) sl-sl(-1)-hl +hl sl

L’IAS39 apportera une amélioration notable dans l’information disponible puisqu’elle prévoit :

- d’enregistrer les dérivés, y compris les instruments de couverture, au bilan en valeur de marché,

- les variations de valeur seront enregistrées au compte de résultat. Dans le cas d’opérations de couverture, ces écarts peuvent être stockés en fonds propres et passés en compte de résultat en même temps que l’instrument couvert.

La connaissance des transactions et des réévaluations devrait rester approximative, en raison des modalités de comptabilisation des instruments de couverture et de l‘impossibilité quasi certaine de répartir les flux sur les encours en distinguant ceux qui relèvent d’instruments à l’actif et ceux qui relèvent d’instruments au passif. Néanmoins, les estimations seront d’autant meilleures que le bilan et le compte de résultat fourniront un détail adapté.

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Insee Méthodes 260

1.1.3 Application aux stock-options

Une réflexion sur la prise en compte dans les statistiques économiques, et notamment les comptes nationaux, des plans de stock-options à destination des salariés a été conduite dans différentes enceintes internationales (OCDE, Eurostat, BCE) dans le cadre de la révision du SNA93.

L’Advisory Expert Group (AEG) de février 2004 a approuvé l’approche défendue par Eurostat, qui visait clairement à se conformer aux évolution des normes IFRS en cours d’élaboration, afin de disposer dans les comptes des sociétés des informations comptables nécessaires à l’élaboration des statistiques agrégées. C’est ainsi que :

- L’obtention de stock-options constituerait pour le salarié un élément de rémunération. Elle devrait donc symétriquement constituer une charge pour l’entreprise, à déduire de la valeur ajoutée pour le calcul de l’excédent brut d’exploitation.

- Cette rémunération n’étant pas payée en numéraire, mais par transfert d’un instrument financier, elle devrait en conséquence être enregistrée en comptabilité nationale à l’actif du compte financier des ménages, dans la rubrique des produits dérivés détenus ; symétriquement, l’entreprise enregistrerait un passif sur la même ligne.

- L’acquisition de l’option serait constatée progressivement entre la date de mise en place du plan (« date d’attribution ») et la date où le salarié en devient définitivement propriétaire parce qu’il satisfait toutes les conditions requises pour bénéficier du plan3 (« date d’acquisition »).

- L’option devrait figurer dans le compte financier pour sa valeur de marché. Lorsque cette valeur n’est pas directement observable, des modèles d’évaluation des options (modèle de Black et Scholes ou modèle binomial), éventuellement corrigés pour tenir compte des caractères spécifiques des plans de stock-options, pourraient être utilisés. En application de la règle de réévaluation des actifs et des passifs en valeur de marché, les options comptabilisées devraient être réévaluées à chaque publication des comptes de patrimoine jusqu’à leur exercice ou leur échéance, date à laquelle elles disparaîtraient des comptes nationaux.

De son côté, la nouvelle norme comptable internationale IFRS2 (février 2004) prévoit de comptabiliser les instruments financiers consentis au salarié en charge pour l’entreprise et à leur « juste valeur », laquelle est le prix de marché calculé grâce à un modèle de valorisation classique, éventuellement corrigé pour tenir compte des particularités des stock-options. Ainsi, l’application de l’IFRS sur les stock-options par les entreprises devrait améliorer sensiblement l’information comptable à la disposition des statisticiens. En effet, jusqu’à présent, les entreprises françaises ne comptabilisent rien au titre de l’octroi de plan d’options à leurs salariés jusqu’à la levée des options.

On notera qu’au cours des discussions, les comptables nationaux se sont clairement alignés sur les solutions adoptées par les comptables d’entreprise. En effet, c’est parce que l’IFRS prévoyait la comptabilisation des stock-options par l’entreprise pour leur valeur à la date de lancement du plan (« date d’attribution ») et de manière progressive jusqu’à la date d’acquisition par les salariés que les comptables nationaux ont adopté cette solution. Au départ, ils préconisaient une comptabilisation, plus tardive, à la date où le salarié acquiert définitivement l’option.

Les deux approches répondent à des optiques distinctes –point de vue exclusif de la société pour les comptables d’entreprise et point de vue simultané des sociétés et des ménages pour les comptables nationaux- et à une conception différente des actifs conditionnels. Les normes IFRS sont motivées par un souci de transparence des comptes des entreprises, qui conduit à inscrire au bilan dès leur naissance des instruments qui peuvent, quelle qu’en soit la probabilité, engendrer une charge pour l’entreprise. De ce point de vue, la comptabilisation des stock-options à la date d’attribution apparaît pleinement justifiée.

L’objectif des comptables nationaux est quant à lui d’estimer le montant des flux de revenu et des effets de valorisation dont bénéficient les agents économiques et qui vont influencer leurs calculs et leur comportement. Dans ce cadre, on peut faire l’hypothèse qu’un actif dont l’existence est encore trop incertaine n’est pas pris en compte dans les calculs des agents, lorsqu’ils déterminent notamment leurs plans de consommation et 3 Par exemple, des conditions de présence dans l’entreprise.

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d’investissement, et ne doit donc pas être introduit dans les comptes nationaux. C’est pourquoi le Système européen de compte SEC 95 refuse de comptabiliser les actifs conditionnels avant qu’ils n’acquièrent une valeur marchande. Dans le cas des stock-options cela intervient à la date « d’acquisition » ou à la date à laquelle l’option peut être cédée sur le marché. Toutefois le pragmatisme a prévalu. En effet, à quoi bon édicter des normes statistiques qui ne pourront être mises en œuvre du fait de l’inadaptation de l’information comptable disponible ?

Par ailleurs, l’IFRS2 ne permet de réévaluer les stocks options inscrites dans les fonds propres que d’une partie des changements de valeur possible : ceux qui résultent des modifications des conditions de plan (ex : modification du prix d’exercice) ou d’une modification des conditions d’acquisition (ex : le départ d’un salarié bénéficiaire). En revanche, la variation du cours de l’option due aux variations de la valeur de l’action sous-jacente n’est pas prise en compte et le prix unitaire de l’option reste celui qui a été défini à la date d’attribution. En comptabilité nationale les options doivent être réévaluées à chaque publication des comptes, les effets de valorisation étant publiés séparément. L’IFRS2 a pour préoccupation de ne pas introduire une trop grande volatilité dans les fonds propres et les résultats des entreprises. Les comptables nationaux ne disposeront donc que d’une information partielle sur l’évolution de la valeur des stock options.

À ce détail près, les normes IFRS amélioreront significativement l’information disponible pour la prise en compte des stock-options dans les comptes nationaux – puisque aujourd’hui cette information est inexistante- et permettront ainsi de corriger la sous-estimation correspondante des revenus.

1.1.4 Application au calcul des intérêts

En application de l’IAS39, la comptabilisation au « coût amorti » s’effectue selon la méthode du taux d’intérêt effectif. Le taux d’intérêt effectif est le taux qui égalise le montant inscrit au bilan et la valeur actualisée des flux futurs attendus jusqu’à l’échéance (actifs et passifs à taux fixe) ou jusqu’à la prochaine révision des taux (actifs et passifs à taux révisable). Les flux de trésorerie attendus sont les flux de trésorerie contractuels sauf lorsqu’un remboursement anticipé est prévisible.

Cette méthode aboutit à l’intégration dans les produits d’intérêt des coûts de transaction et des primes et décotes qui seront de ce fait comptabilisés en résultat de manière actuarielle.

Exemple (Lefèvre – IFRS 2005):

Achat pour un montant de 111 le 1/1/N+1 d’une obligation d’un nominal de 100 au taux contractuel de 6% remboursable en N+6. La prime/décote est de 10 et les coûts de transaction de 1.

Date Flux1/1/N+1 -11131/12//N+1 631/12//N+2 631/12//N+3 631/12//N+4 631/12//N+5 631/12//N+6 106Total 25

TRI 3,908%

méthode taux contractuel

méthode taux effectif

31/12//N+1 3,333 4,33831/12//N+2 4,333 4,27331/12//N+3 4,333 4,20531/12//N+4 4,333 4,13531/12//N+5 4,333 4,06231/12//N+6 4,333 3,987Total 25 25

Le taux d’intérêt effectif (ou taux de rendement interne) s’établit donc à 3,908%

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Insee Méthodes 262

Calcul des intérêts

3,2

3,4

3,6

3,8

4,0

4,2

4,4

31/12//N+1 31/12//N+2 31/12//N+3 31/12//N+4 31/12//N+5 31/12//N+6

méthode taux contractuel méthode taux effectif

L’enregistrement des intérêts en droits constatés implique la comptabilisation dans les comptes financiers des intérêts courus non encore échus, lesquels doivent de préférence être réinvestis sous l’instrument.

Ce résultat est proche de ce que les comptables nationaux cherchent à obtenir souvent par le biais d’estimations. Il est en effet stipulé que pour les obligations à coupon zéro, les titres émis avec un escompte ou une prime d’émission, la différence entre la valeur de remboursement et la valeur d’émission doit être considérée comme des intérêts courus pendant la durée de vie du titre (5.138.b).

La différence entre le traitement de l’IAS39 et celui préconisé en comptabilité nationale porte sur les coûts de transaction, qui, dans ce dernier cas, doivent être comptabilisés en service et non en intérêt.

1.2 Ce qui n’exclut pas de possibles perturbations dans la collecte statistique

Si l’on observe une convergence des principes généraux, il n’est pas exclu que leur mise en œuvre révèle des difficultés, non seulement parce que tous les principes comptables ne sont pas similaires mais surtout parce que le changement de référentiel comptable peut, par lui-même, affecter l’uniformité et le degré de détail des documents comptables et par conséquent en perturber l’exploitation.

1.2.1 Sur le plan des principes, les normes IAS remettent en question la comptabilisation selon le point de vue du débiteur

La référence au point de vue du débiteur concerne dans le SEC95 les dépôts et crédits ainsi que les intérêts. Pour les comptes financiers, la « valeur de marché » des dépôts et crédits est égale au montant du principal que le débiteur est tenu contractuellement de rembourser à son créancier. Autrement dit, l’encours devant être enregistré est un encours en valeur nominale. Par ailleurs, c’est un encours brut, dont les provisions éventuellement imputées à titre de prudence par le créancier, ne doivent pas être déduites. Ce montant peut inclure des intérêts courus (7.46, 7.51).

Pour l’IAS39, les créances peuvent être désignées comme actifs disponibles à la vente et donc valorisées à la « juste valeur ». Leur changement de valeur peut résulter soit d’une variation des taux, soit de la dégradation du risque de crédit du débiteur. Dans ces conditions, retrouver le montant dû contractuellement dans les comptes du créancier peut s’avérer difficile. Pour les actifs comptabilisés au coût amorti, le montant porté au bilan est un

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montant net des provisions éventuelles constituées par le créancier. La reconstitution du montant brut implique donc la déclaration de ces provisions au bilan.

De manière équivalente, selon le SEC95, les intérêts sont déterminés en appliquant le taux d’intérêt ad hoc au principal que le débiteur est tenu contractuellement de rembourser à son créancier (4.44). Les intérêts sont enregistrés sur la base des droits constatés, c'est-à-dire qu’ils reviennent de façon continue au créancier. Lorsqu’ils ne sont pas effectivement payés –ce qui peut être le cas lorsque le débiteur fait défaut- l’accroissement du principal doit également être comptabilisé dans le compte financier sous forme d’une acquisition de l’actif concerné par le créancier (4.50). Cette disposition est interprétée comme se référant aux intérêts contractuels.

Selon l’IAS39, les dispositions relatives à la comptabilisation des intérêts ne sont pas toujours conformes à ces principes. Certes, sur les actifs en juste valeur, les intérêts sont calculés par application d’un taux au nominal ou à la juste valeur d’origine, si celle-ci est différente. Mais, sur les actifs comptabilisés en coût amorti, lorsqu’un actif est déprécié, les intérêts sont calculés par application du taux effectif d’origine au montant déprécié. Il y a donc bien ajustement du montant des intérêts au montant qu’il est estimé possible de recevoir, lequel sera éventuellement inférieur aux intérêts contractuels.

Si aucune information complémentaire n’est fournie par les établissements de crédit sur le montant contractuel des créances, on risque :

- soit de devoir renoncer au principe du débiteur, ce qui ne va pas de soi dès lors que les comptes financiers valideraient des abandons de créance dont le débiteur n’est pas lui-même informé. En effet, à la différence de ce qui se passe pour un titre qui se déprécie sur un marché en raison de la dégradation de la cote du débiteur, l’information sur cette dégradation est interne au créancier et résulte d’une décision unilatérale de sa part. Dans le cas ou les débiteurs sont rares et de grande taille (états étrangers par exemple) on peut se heurter en outre à des problèmes de confidentialité inextricables ;

- soit de renoncer à la symétrie des comptes financiers, laquelle prévoit qu’un actif financier est enregistré pour le même montant au passif du débiteur et à l’actif du créancier. Or cette symétrie est particulièrement utile: dans un contexte d’information non exhaustive, elle permet d’estimer nombre de séries des comptes financiers. C’est ainsi que certaines séries sont établies par réflexion (exemple : les dépôts à l’actif des ménages établies à partir de ceux déclarés au passif des établissements de crédit) et d’autres par solde (exemple : les actions non cotées résidentes détenues par les ménages et les sociétés sont égales au total des actions non cotées émises par les sociétés résidentes moins celles détenues par les secteurs disposant d’une comptabilité, ce solde étant lui-même réparti à partir de données d’enquête non exhaustives).

1.2.2 La collecte pourrait se dégrader si l’option était ouverte pour les comptes sociaux

Concrètement, les normes IFRS s’imposeront dans les comptes consolidés des entreprises cotées à partir de 2005 ; elles seront probablement d’application facultative pour les comptes consolidés des entreprises non cotées. Pour les comptes sociaux, qui sont actuellement la source utilisée par les comptes financiers, elles ne s’imposeraient qu’après introduction dans les normes comptables françaises par le Conseil National de la Comptabilité.

Les circuits d’information statistique, qui reposent essentiellement aujourd’hui sur les comptes sociaux, ne bénéficieront donc des apports des IFRS qu’après cette introduction. Toutefois, cette situation est de loin préférable à celle où les statistiques reposeraient sur des données au choix des entreprises. En effet, si l’option était ouverte pour les compte sociaux, les données pourraient être selon les cas conformes ou non conformes aux normes internationales,. Dès lors, la qualité des agrégats statistiques serait compromise par l’utilisation de documents comptables hétérogènes et par les changements individuels de référentiel comptable.

1.2.3 Le détail des comptes sera crucial

Les méthodes d’estimation exposée précédemment requièrent des états comptables détaillés. Plusieurs exemples peuvent illustrer cette exigence.

Pour calculer les flux sur titres et produits dérivés il faut, conformément à ce qui a été indiqué précédemment que les entrées au bilan soient détaillées par nature de produit financier et par type de portefeuille et que les entrées en compte de résultat correspondent aux entrées du bilan.

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Insee Méthodes 264

Il faut en outre que dans les documents de reporting comptable, la distinction entre les différents types de portefeuille corresponde à des modes d’évaluation. On évoquera ici le cas particulier des actions non cotées. Pour les comptes financiers, les actions non cotées sont évaluées par référence aux actions cotées, en tenant compte des différences entre les types d’actions, notamment en matière de liquidité, des réserves accumulées par la société et de la branche d’activité dont celle-ci relève. Pour l’IAS39, les actions et autres participations dont la « juste valeur » ne peut être déterminée de façon fiable sont par exception comptabilisées au « coût » c’est à dire à la « juste valeur » retenue lors de leur entrée dans les comptes ; selon l’IAS28, si elles constituent des participations dans des entreprises associées, l’entité ayant une influence significative sur leur gestion, elles font en outre l’objet d’une comptabilisation à la valeur nette mais dans un état séparé.

S’agissant des dépôts et crédits, il faut pouvoir à partir des éléments fournis reconstituer la valeur nominale, le cas échéant grâce à une information détaillée sur les écarts entre la juste valeur et la valeur nominale.

Par ailleurs, il importe de pouvoir également isoler, dans les bilans comptables certains types d’actifs qui sont reconnus par les normes IAS mais pas en comptabilité nationale. En particulier :

- les actifs « contingents » sont en application des normes IAS comme en comptabilité nationale des actifs qui nécessitent la réalisation d’une condition pour que l’opération financière ait lieu. Pour la norme IAS37 l’opération est enregistrée dans les comptes, si le flux financier futur est probable et peut être estimé de manière fiable. Pour le SEC95, elle est enregistrée si l’actif est négociable ou peut être compensé sur un marché.

- en application de la norme IAS39, les dérivés incorporés dans les produits financiers sont comptabilisés séparément lorsqu’ils peuvent être clairement distingués. Il peut s’agir par exemple d’une option de conversion d’une obligation en action, indexation du principal ou de l’intérêt d’un instrument de dette sur le cours d’une action, option de prolongation de l’échéance d’un instrument de dette….Ces dérivés ne sont pas considérés comme des actifs financiers distincts pour la comptabilité nationale.

Or, la norme IFRS1, qui définit un cadre de reporting comptable, est très insuffisamment détaillée pour les usages statistiques. Nombre d’informations sont renvoyées dans des notes en annexe et ne peuvent être traitées informatiquement.

C’est au Conseil national de la Comptabilité de définir pour la France les obligations de reporting des sociétés. Il s’est déjà prononcé sur les comptes consolidés des sociétés (hors banque et assurance)4. S’agissant des banques, la procédure implique en outre le Gouverneur de la Banque de France. Les décisions à venir en la matière auront un impact essentiel sur la qualité des comptes financiers.

2 Les normes IAS et les statistiques monétaires

2.1 Le processus d’harmonisation des statistiques monétaires du SEBC a conduit à la création d’un cadre méthodologique permettant d’obtenir des résultats comparables malgré la diversité des normes comptables nationales.

Le suivi de la création monétaire et de ses contreparties reste l’un des éléments clefs utilisés par les Banques Centrales dans la conduite de la politique monétaire même si l’usage des agrégats monétaires comme objectif intermédiaire a été largement assoupli voire abandonné au profit soit d’une cible d’inflation soit d’un diagnostic conjoncturel fondé sur une batterie élargie d’indicateurs réels et financiers dans laquelle les agrégats monétaires et de crédit jouent un rôle important mais non exclusif (cf. sur ce point l’article paru dans le bulletin de la BCE de 2003 : « les résultats de l’évaluation par la BCE de sa stratégie de politique monétaire »). C’est pourquoi, il a été décidé dans le cadre des travaux de préparation de la monnaie unique que la Banque centrale européenne (BCE) devait disposer mensuellement d’un bilan complet des Institutions Financières Monétaires selon une fréquence mensuelle et dans des délais très courts afin que la BCE soit en mesure de publier les agrégats au plus tard le 20ième jour ouvré suivant la date d’arrêté (en fait la publication intervient aujourd’hui le 19ième jour ouvré) tout en préservant un niveau de détail suffisant pour identifier les passifs monétaires et leurs contreparties. Un autre choix important a été de laisser au Système européen de banques centrales (SEBC) la responsabilité de la collecte au lieu de passer par Eurostat : cela présentait l’avantage 4 Voir par exemple recommandation du 27 octobre 2004

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d’assurer la continuité avec les pratiques de la plupart des États membres où les BCN assumaient traditionnellement ces tâches, de raccourcir les circuits de transmission des données nationales et de simplifier dans une certaine mesure les obligations déclaratives des banques puisque l’assiette des réserves obligatoires devait être déterminée à partir d’extraits du bilan monétaire. Une autre particularité des statistiques monétaires tient au fait qu’elles sont définies par voie règlementaire par la BCE. En effet, les statuts du SEBC (article 5) lui donnent le pouvoir d’imposer directement des obligations déclaratives aux Institutions Financières Monétaires et aux autres intermédiaires financiers au moyen de règlements ad hoc et d’infliger des sanctions en cas de non-respect de ces obligations (cf. articles 6 et 7 du règlement du Conseil (CE) n°2533/98 concernant la collecte d’informations statistiques par la BCE). Les BCN membres de l’Eurosystème assurent l’application de ces dispositions « dans la mesure du possible » (article 5.2 des statuts du SEBC). En outre, la BCE peut imposer des obligations d’ordre statistique aux BCN par des orientations (« guideline »), qui ne sont opposables aux agents déclarants que si les BCN les reprennent dans leur propre dispositif réglementaire.. NB : Ces règlements et orientations ne sont pas donc applicables dans les pays qui ne font pas partie de la zone euro (par exemple le Royaume-Uni). Dans la définition des obligations statistiques, le règlement précité du Conseil prévoit que la BCE doit tenir compte des normes statistiques communautaires et internationales (article 3.b du règlement du Conseil précité), c'est-à-dire principalement le Système Européen de Comptes de 1995 (SEC-95), mais n’est pas liée par elles si leur méthodologie ne paraît pas appropriée pour la préparation de la politique monétaire unique. En particulier, la BCE doit veiller à assurer une harmonisation maximale des statistiques au sein de la zone euro et l’égalité de traitement entre les déclarants des différents États membres tout en minimisant leur charge de remise. Cette minimisation suppose de s’appuyer dans la mesure du possible sur les référentiels appliqués par les IFM pour produire leurs comptes individuels, ce qui garantit la disponibilité de l’information. Toutefois, l’harmonisation de ces référentiels est imparfaite au plan européen du fait des multiples options ouvertes par la Directive 86/635/CEE du Conseil du 8 décembre 1986 concernant les comptes annuels et les comptes consolidés des banques et autres instruments financiers. Il revient alors en principe aux BCN de collecter les informations additionnelles permettant de faire le lien avec la méthodologie BCE, pour autant que cela soit matériellement possible (cf. exemple ci-après). Exemple d’incompatibilités entre les principes d’évaluation du BCE/2001/13 et les normes comptables nationales : le cas du crédit-bail en France. Dans les comptes sociaux, le crédit-bail est enregistré à la valeur nette comptable du bien loué, le bailleur restant propriétaire du bien jusqu’à la levée éventuelle de l’option d’achat par le preneur. Ces biens apparaissent dans le bilan des banques dans la catégorie des valeurs immobilisées et sont amortis soit linéairement soit de manière dégressive sur une durée correspondant à l’usage économique du bien, qui peut être différente de celle du contrat. Pour les statistiques monétaires, le crédit-bail est bien une opération de crédit et l’encours financé doit être amorti comme tel, c’est-à-dire de manière dégressive et pour la durée effective du contrat. La Banque de France collecte donc via une ligne spécifique l’encours financier des contrats de crédit-bail, qu’elle substitue aux valeurs nettes comptables du bilan, l’écart entre les deux valeurs étant imputés sur les capitaux propres comptables ainsi que sur le total de bilan. On remarque qu’un tel schéma fonctionne car les valeurs financières sont en fait celles utilisées pour l’élaboration des comptes consolidés des établissements de crédit-bail intégrés à un groupe d’établissements financiers ou contrôlant eux-mêmes un groupe d’établissements financiers. Elles sont donc disponibles dans leur système d’information et leur qualité contrôlée au moins annuellement dans le cadre du processus de révision comptable standard. Elle est beaucoup plus problématique dans le cas d’exigences statistiques portant sur des données extra-comptables (par exemple notion de contrats nouveaux). Le contenu des deux règlements statistiques de la BCE qui constituent le cadre de référence des statistiques monétaires, à savoir le BCE/2001/13 concernant le bilan consolidé des Institutions Financières monétaires et le BCE/2001/18 concernant les statistiques de taux d’intérêt des établissements de crédit, traduit la recherche d’un équilibre entre les objectifs décrits plus hauts s’agissant de l’évaluation des instruments financiers :

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Insee Méthodes 266

• Contrairement à ce que prévoit le SEC 95, les intérêts courus non encore échus sont exclus des encours de dépôts et crédits afin de conserver le lien avec l’évolution effective des financements et de la liquidité, et confondus dans les postes résiduels du bilan avec les produits dérivés ;

• De même, les titres ne sont pas systématiquement valorisés en prix de marché, les BCN suivant en pratique les normes comptables nationales, lesquelles prévoient généralement soit une réévaluation partielle portant uniquement sur les portefeuilles de transaction pour tous les arrêtés intermédiaires (cas de la France) ou bien une réévaluation au moment de l’arrêté annuel (Allemagne) ;

• Les dépôts et crédits ont fait l’objet d’une attention particulière car ils sont au cœur des statistiques

monétaires. Il est apparu que les normes comptables nationales actuellement en vigueur, sauf quelques cas particuliers (cf. supra pour les problèmes posés par le crédit-bail), conduisent à des résultats globalement homogènes et conformes aux prescriptions du SEC 95 (inclusion des provisions pour dépréciation d’actifs dans les encours). Les différences résiduelles tiennent principalement à ce que, dans certains États membres, les crédits sont enregistrés au coût d’acquisition (France) alors qu’ils sont déclarés ailleurs nets de provisions (Allemagne)5. Ces divergences sont considérées comme étant de peu de conséquences du fait de la quasi-inexistence d’un marché secondaire des crédits mais aussi parce qu’il est fait largement recours aux statistiques de flux (cf. infra) ;

• En effet, à l’instar des comptes nationaux, un jeu complet de données de flux est requis par la BCE pour

l’ensemble des postes monétairement significatifs du bilan (crédits, dépôts et portefeuille titre), l’ensemble s’ajustant en partie sur le poste résiduel du passif (qui reprend les dettes sur titres de transaction) et pour le solde sur les comptes de capitaux propres. Concrètement, les BCN doivent déterminer les ajustements à appliquer aux variations d’encours pour obtenir les transactions effectives survenues au cours de la période. Ces ajustements varient donc en fonction des méthodes d’évaluation des instruments financiers (cf. ci-après).

La formule appliquée pour calculer les flux est la suivante : FM = EM − EM −1 − RM −VM − CM Avec FM = flux du mois M, EM = encours en fin de mois M, RM = l’impact des reclassifications, liées par exemple aux entrées sorties dans la population déclarante, aux ruptures dans la continuité des déclarations etc., CM = impact des variations du change pour les actifs et les passifs libellés en devises (le flottement dans la terminologie Balance des Paiements), VM = les réévaluations, c’est-à-dire, pour les crédits, les abandons de créances (accrus des variations des dotations aux provisions pour les pays déclarant des encours de crédit nets de provisions) et, pour les titres, l’impact des changements de valorisation des positions entre deux dates d’arrêté successives.

Les statistiques de flux permettent ainsi de pallier les imperfections de l’harmonisation de la mesure des encours. Elles sont utilisées par la BCE pour calculer des taux de croissance et des encours CVS, sur lesquels elle fonde sa communication à propos des agrégats de monnaie et de crédit.

2.2 Ce cadre méthodologique a été encore renforcé pour éviter que l’adaptation des référentiels comptables nationaux aux normes IFRS ne remette en cause les acquis en matière d’harmonisation des statistiques monétaires

L’impact des normes IFRS sur les statistiques monétaires a fait l’objet, en 2003 et 2004, d’une évaluation par le Comité statistique du SEBC et son groupe de travail chargé de ces statistiques. Les discussions ont fait ressortir l’intérêt mais aussi les dangers du nouveau référentiel comptable pour la comparabilité des informations utilisées pour la confection des statistiques monétaires :

• Les normes IFRS apparaissent comme un référentiel très intéressant pour les travaux statistiques du SEBC en raison à la fois de l’approche largement économique adoptée pour résoudre les problèmes posés par l’évaluation des instruments financiers et de la vocation internationale desdites normes ;

5 En France, les crédits et les provisions sont collectés séparément et ajoutés pour obtenir les séries diffusées dans les statistiques monétaires.

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• La généralisation de la mesure à la juste valeur à la plus grande part des portefeuilles- titres est bienvenue car elle rendra les encours des statistiques monétaires encore plus homogènes tandis que l’enregistrement en bilan des produits dérivés est conforme aux prescriptions du SEC 95 mais n’aura qu’un impact limité sur les statistiques monétaires : compte tenu des besoins exprimés par les utilisateurs et des difficultés à obtenir un détail utilisable et à calculer des flux dans le contexte des statistiques monétaires, ces produits ne sont pas identifiés au sein des rubriques résiduelles du bilan ;

• Le processus de transposition des normes IFRS dans le droit positif des États membres est apparu

complexe voire parfois chaotique. En effet, les règlements de la Commission qui les rendent exécutoires sur le territoire de l’Union ne portent que sur les comptes consolidés des sociétés cotées et laissent les pays libres d’en étendre l’application aux comptes sociaux. Or, certains pays, sous la pression des entreprises désireuses d’éviter les coûts associés à la gestion d’un double référentiel comptable, envisageaient son extension aux déclarations individuelles, le cas échéant sur une base facultative ;

• La multiplication des options offertes par les normes IFRS et plus généralement la part importante

laissée au jugement des entreprises et des commissaires aux comptes dans leur mise en œuvre sont plus problématiques. On pourrait objecter que les normes comptables nationales actuelles laissent également une marge d’interprétation et que les choix des utilisateurs du référentiel IFRS devront être validés par le marché, ce qui devrait conduire in fine à une certaine uniformisation. Il n’en demeure pas moins qu’une statistique, pour produire des résultats interprétables, doit nécessairement être construite à partir d’une méthodologie opposable ex ante aux fournisseurs de données. La question s’est notamment posée pour les dépôts et crédits, à propos desquels la norme IAS 39 ouvre la possibilité d’un enregistrement facultatif à la juste valeur. Celui-ci a paru également inapproprié sur le fond car il aboutit à intégrer dans les encours une partie des frais engagés pour octroyer le crédit et les produits dérivés associés aux contrats de dépôts et de crédits. Dans ces conditions, le SEBC a jugé préférable de prendre position préventivement sur ce point, de telle sorte que les autorités comptables nationales comme les agents déclarants soient informés par avance des exigences de la BCE.

C’est pourquoi le règlement (CE) n°2181/2004 de la Banque centrale européenne du 16 décembre 2004 a modifié le règlement BCE/2001/13 sur les points suivants :

• Les dépôts et les crédits doivent être déclarés, pour les besoins des statistiques monétaires, pour le montant du nominal brut à la fin du mois. Par montant nominal, on entend le principal qu’un débiteur est contractuellement tenu de rembourser à son créancier.

• Les BCN peuvent cependant autoriser que les crédits provisionnés soient déclarés nets de provisions et que les crédits soient déclarés au prix convenu au moment de leur acquisition, pour autant que cela soit nécessaire pour préserver la continuité des séries.

• En ce qui concerne les émissions de titres de créance, les BCN sont autorisées à collecter toute information permettant de calculer des ajustements si les méthodes d’évaluation se traduisent par des modifications de la valeur des encours de fin de période.

En France, la profession bancaire a été informée en 2005 des obligations découlant des règlements statistiques de la BCE en termes d’évaluation des instruments financiers6.

6 Disponible sur le site Internet de la Banque de France, par le chemin http://inbdf/fr/stat_conjoncture/telechar/regle_stat/M05-112zIAS.pdf.

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3 Annexe : les normes IAS32 et IAS39

3.1 L’adoption des normes IAS32 et IAS39

L’adoption des normes IFRS par la Commission européenne :

- règlement CE 1606/2002 du Parlement et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l’application des normes comptables internationales aux comptes consolidés des sociétés cotées à partir du 1er janvier 2005

- règlement CE 1725/2003 de la Commission sur l’adoption de certaines normes comptables internationales existant au 14 septembre 2003, excepté les IAS32 et IAS39 en cours d’amendement

- règlement CE 2086/2004 du 19 novembre 2004 adoptant la norme IAS39 telle que publiée par l’IASB le 17 décembre 2003, à l’exception de certaines dispositions relatives à l’option de comptabilisation à la juste valeur (full fair value option) et à des opérations de couverture (hedge accounting). Dispositions applicables à compter du 1er janvier 2005.

- règlement CE 2237/2004 du 29 décembre 2004 adoptant la norme IAS32, pour application au 1er janvier 2005

- règlement CE 1864/2005 du 15 novembre 2005 adoptant l’amendement à l’IAS39 sur la comptabilisation à la juste valeur (limited fair value) publié par l’IASB le 16 juin 2005. Applicable rétroactivement au 1er janvier 2005.

- règlement CE 2106/2005 du 21 décembre 2005 adoptant l’amendement à l’IAS39 sur la comptabilisation des transaction intragroupe en devise comme un actif couvert dans les comptes consolidés publié par l’IASB le 14 avril 2005. Applicable aux comptes 2006.

3.2 La norme IAS39 et la norme IAS32 : définition des actifs et passifs

Tous les actifs, y compris les produits dérivés, sont enregistrés au bilan. Les dérivés cachés dans les produits financiers sont comptabilisés séparément lorsqu’ils peuvent être clairement distingués. Il peut s’agir par exemple d’une option de conversion d’une obligation en action.

Tous les actifs sont enregistrés à leur juste valeur (incluant les coûts de transaction, notemment les commissions, pour les actifs autres que ceux enregistrés à la juste valeur par le compte de résultat) à la date de leur entrée dans les comptes.

La norme IAS 39 définit 4 catégories d’actifs financiers.

1) les actifs financiers en juste valeur pour lesquels les gains et pertes de détention sont comptabilisés en résultat

2) les actifs financiers disponibles à la vente

3) les prêts et créances

4) actifs financiers détenus jusqu’à l’échéance

3.2.1 les actifs financiers en juste valeur pour lesquels les gains et pertes de détention sont comptabilisés en résultat

Cette catégorie comprend plus précisément :

- les actifs détenus à des fins de transaction, c'est-à-dire les produits dérivés autres que ceux détenus à des fins de couverture ainsi que les actifs financiers détenus pour être revendus à court terme

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- les actifs financiers désignés au moment de leur acquisition comme devant être comptabilisés en juste valeur.

C’est cette dernière disposition (full fair value option) qui a fait l’objet des alarmes des superviseurs bancaires et les assurances et qui a donné lieu à amendement par l’IASB. L’amendement du 16 juin 2005 pose des conditions à la mise en œuvre de l’option, outre celle qui prévoyait que l’estimation de la juste valeur doit être fiable :

- elle doit également réduire significativement les incohérences comptables (accounting mismatch)

- elle concerne un groupe d’actif et/ou de passif dont les performances sont évaluées en juste valeur conformément à une stratégie de gestion du risque

- l’instrument contient un dérivé incorporé.

Les changements de valeur étant comptabilisés en résultat, ils peuvent également faire l’objet de distribution sous forme de dividendes.

3.2.2 Les actifs disponibles à la vente

Ce sont des actifs hors produits dérivés qui sont désignés par l’entité comme actifs disponibles à la vente lors de leur entrée dans les comptes. En particulier, des prêts et créances peuvent être classés dans cette catégorie.

Ils sont mesurés en « juste valeur » au bilan. Les changements de valeur sont directement imputés sur les capitaux propres, sauf pour les intérêts sur actifs disponibles à la vente, les provisions pour dépréciation constatée, les pertes et gains de change. Lorsqu’un actif disponible à la vente est reclassé, les gains et pertes cumulés qui avaient été imputés sur les fonds propres passent en compte de résultat.

Ils modifient la valeur de la firme mais ne peuvent être distribués sous forme de dividende.

3.2.3 les prêts et créances

Ce sont des actifs hors produits dérivés qui donnent lieu à des paiements fixes ou du moins prédéfinis, ne sont pas cotés sur un marché actif, ne sont désignés ni comme actifs devant être évalués en juste valeur par le compte de résultat, ni comme actifs disponibles à la vente.

3.2.4 actifs financiers détenus jusqu’à l’échéance

Ce sont des actifs hors produits dérivés qui donnent lieu à des paiements fixes ou du moins prédéfinis, et que l’entité entend détenir jusqu’à l’échéance. Si l’entité en vend une quantité significative avant l’échéance, tout le portefeuille doit être reclassé en actifs disponibles à la vente.

La norme IAS32 distingue les dettes des capitaux propres. Les premières sont définies comme impliquant des paiements ultérieurs de la part de l’émetteur, soit en espèce, soit sous forme d’un instrument financier. Dans le cas contraire, il s’agit de capitaux propres, exclus de l’IAS39. Le classement est défini lors de l’émission.

La norme IAS39 définit à son tour deux classes de passifs :

- les passifs financiers en juste valeur par le compte de résultat

- les autres passifs financiers mesurés au coût amorti par la méthode du taux d’intérêt effectif.

Les passifs financiers en juste valeur par le compte de résultat comprennent les passifs désignés comme tels et les passifs financiers détenus à titre de transaction, tels que les titres vendus à découvert et les titres empruntés et les produits dérivés.

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3.3 L’évaluation des actifs financiers (hors couverture) en application de l’IAS 39

Tous les actifs et passifs financiers sont réévalués à chaque arrêté à la juste valeur, à l’exception :

- des prêts et créances, des actifs financiers détenus jusqu’à l’échéance, des passifs financiers hors produits dérivés qui sont réévalués au « coût amorti » par la méthode du taux d’intérêt effectif

- des actions et autres participations dont la juste valeur ne peut être déterminée de façon fiable : elles sont comptabilisées au « coût » c’est à dire à la juste valeur retenue lors de leur entrée dans les comptes.

- Des actifs et passifs financiers faisant l’objet ou servant de couverture.

La « juste valeur » est le prix auquel un actif peut être cédé au cours d’une transaction. Elle peut être déterminée, dans l’ordre de préférence, par les méthodes suivantes :

- prix coté sur un marché actif

- technique d’évaluation qui utilise au maximum les informations sur des transactions récentes, qui fait référence à des transactions sur des actifs comparables, actualisation des flux futurs ou modèle d’évaluation des options.

- S’il n’y a pas de marché actif pour un titre, si l’éventail des estimations est étendu et qu’aucune estimation ne peut être estimée fiable, alors le titre doit être estimé au coût diminué des provisions

La comptabilisation au « coût amorti » s’effectue selon la méthode du taux d’intérêt effectif. Le taux d’intérêt effectif est le taux qui égalise d’une part la valeur actualisée des flux futurs attendus jusqu’à l’échéance (actifs et passifs à taux fixe) ou jusqu’à la prochaine fixation des taux (actifs et passifs à taux révisable) et d’autre part le montant inscrit au bilan. Les flux de trésorerie attendus sont les flux de trésorerie contractuels sauf lorsqu’un remboursement anticipé est prévisible.

Cette méthode aboutit à l’intégration dans les produits d’intérêt des coûts de transaction et des primes et décotes qui seront de ce fait comptabilisés en résultat de manière actuarielle.

La comptabilisation au « coût amorti » selon la méthode du taux d’intérêt effectif prévoit à chaque arrêté :

- l’identification de facteurs objectifs de dépréciation (difficultés financières de l’émetteur, dépréciation constatée au précédent arrêté…)

- si un indicateur objectif de dépréciation existe, l’entreprise calcule la valeur actualisée des flux futurs estimés recouvrable, le taux d’actualisation étant le taux d’intérêt effectif d’origine de l’actif.

- Il enregistre une provision pour dépréciation du montant de l’écart avec la valeur inscrite au bilan.

Les tests de dépréciation et la comptabilisation d’une provision en compte de résultat au cas ou une dépréciation est constatée concerne toutes les catégories d’actifs, sauf les actifs financiers en juste valeur pour lesquels les gains et pertes de détention sont comptabilisées en résultat. En particulier, pour les actifs disponibles à la vente dont les gains et pertes sont normalement imputés sur les fonds propres, la constatation d’une dépréciation conduit à passer toutes les pertes accumulées en compte de résultat.

3.4 La comptabilité de couverture (hedging accounting)

Les instruments de couverture sont exclusivement des produits dérivés contractés à l’égard de tiers. Les instruments couverts peuvent être tout type d’actif ou de passif, des transaction ou des cash flows.

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Dans le cadre d’une couverture contre la variation de prix d’actifs en juste valeur, quand ces actifs sont identifiés, les gains et pertes sur l’instrument de couverture et sur l’actif couvert passent en compte de résultat. La valeur de l’actif couvert est ajustée en conséquence.

Dans le cadre d’une couverture contre la variation des flux de trésorerie ou d’une opération en devise, les gains et pertes sur l’instrument de couverture et sur l’actif couvert sont imputés sur les fonds propres. Ils passent en compte de résultat en même temps que la transaction couverte.

Dans le cadre de la couverture d’un portefeuille identifié contre le risque de taux l’entité définit des échéances de réévaluation et couvre un pourcentage prédéfini des variations de la juste valeur du portefeuille avec des produits dérivés affectés à chaque échéance. L’entité passe en compte de résultat les gains et pertes sur la partie couverte du portefeuille et l’enregistre au bilan sur une ligne séparée pour les actifs d’une part, les passifs de l’autre. Il passe en compte de résultat les gains et pertes sur l’instrument de couverture et comptabilise au bilan la valeur du dérivé. L’ineffectivité de la couverture, mesurée par la différence entre les montants passés en compte de résultat, peut conduire à requalifier l’opération et donc contre-passer en résultat ce qui a été stocké au bilan. Une couverture est effective quand les résultats sur le portefeuille couvert et le produit dérivé en couverture sont dans une marge de 80% à 125%. Par ailleurs, les dépôts à vue ne peuvent faire l’objet d’une couverture de ce type pour le risque de remboursement.

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