apophonie et categories grammaticales dans baltique -petit

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D. 2003/0602/31 ISBN 90-429-1529-3 (Peeters Leuven) ISBN 2-87723-824-5 (Peeters France) © 2004 Éditions Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven Tous droits de reproduction, de traduction et d'apatation réservés pour tous pays. publiée par la SOCIÉTÉ DE LINGUISTIQUE DE PARIS ______ LXXXVI _ Daniel PETIT APOPHONIE ET CATÉGORIES GRAMMATICALES DANS LES LANGUES BALTIQUES PEETERS LEUVEN-PARIS 2004

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Ablaut and Grammatical Categories in Baltic

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  • D. 2003/0602/31ISBN 90-429-1529-3 (Peeters Leuven)ISBN 2-87723-824-5 (Peeters France)

    2004 ditions Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven

    Tous droits de reproduction, de traductionet d'apatation rservs pour tous pays.

    publie par laSOCIT DE LINGUISTIQUE DE PARIS______ LXXXVI _

    Daniel PETIT

    APOPHONIEET CATGORIES GRAMMATICALES

    DANS LES LANGUES BALTIQUES

    PEETERSLEUVEN -PARIS

    2004

  • TABLE DES MATIRES

    INTRODUCTION .

    1. Problmatique gnrale

    2. Apophonie radicale et catgories grammaticales .

    I. CATGORIE DE LA PERSONNE ET APOPHONIE RADICALE.......1. Introduction .

    2. Oppositions quantitatives dans le verbe lituanien ..

    3. La troisime personne du futur lituanien .

    4. Paradigme verbal et harmonie vocalique en letton .

    5. Conclusion .

    II. CATGORIE DU CAS ET APOPHONIE RADICALE .1. Introduction .

    2. Noms-racines et apophonie radicale .

    3. Noms (alpha-)thmatiques et apophonie radicale .4. Noms athmatiques suffixs et apophonie radicale .

    5. Conclusion: catgorie du cas et apophonie radicale .

    III. CATGORIE DU NOMBRE ET APOPHONIE RADICALE .1. Introduction .

    2. Systme nominal et apophonie dans la catgorie du nombre .

    3. Systme verbal et apophonie dans la catgorie du nombre .

    4. Conclusion: catgorie du nombre et apophonie radicale .

    IV. CATGORIE DU GENRE ET APOPHONIE RADICALE .1. Introduction .

    2. "Substantifs mobiles" et apophonie radicale ..

    3 Conclusi t" d th' d' 1. on : ca egone u genre e apop OllIe ra Ica e .

    7

    7

    11

    15

    15

    16

    1720

    22

    23

    23

    25

    55

    58

    118

    123123124129168

    171171173190

  • V. CATGORIE DU MODE ET APOPHONIE RADICALE 1931. Introduction........................................................................... 1932. Subjonctif, optatif et impratif..................................................... 1963. Participes '" 2204. Infinitif et supin...................................................................... 244

    5. Conclusion: catgorie du mode et apophonie radicale....................... 287

    VI. CATGORIE DU TEMPS ET APOPHONIE RADICALE................ 2891. Introduction 289

    2. Thme de prsent et thme de prtrit.. 292

    3. Rapport des thmes de prsent et des thmes de prtrit...................... 300

    4. Gense des apophonies radicales dans le systme temporel baltique 344

    CONCLUSION...................... 363

    1. L'apophonie dans les langues baltiques 3632. Apophonie et catgories grammaticales 367

    INDEX VERBORUM 375

    BIBLIOGRAPHIE...................................................................... 411

    PRFACE

    Cet ouvrage, issu d'une thse d'habilitation soutenue le 12 octobre2002 l'Universit de Paris-IV Sorbonne, est l'aboutissement derecherches entreprises depuis quelques annes dans le domaine de lalinguistique comparative indo-europenne, et plus prcisment dans ledomaine des langues baltiques (lituanien, letton, vieux prussien).

    Paralllement la linguistique grecque, j'ai t amen m'intresseraux langues baltiques pour diffrentes raisons, non seulement du fait de leurarchasme, qui est bien connu des comparatistes, mais encore pour leurdveloppement historique propre et pour la culture dont elles tmoignent.L'tude des langues baltiques est, en France, le produit d'une longuetradition, puisqu'elle remonte Ferdinand de Saussure, mais elle n'a pasreu toute l'extension qu'on pourrait lui souhaiter. Un sicle aprs LeParler de Buividze (1903) de Robert Gauthiot, qui reste encore aujourd'huile seul ouvrage de langue franaise consacr une question de linguistiquebaltique, il m'a paru important de tenter de contribuer, ma mesure, laredcouverte de ces langues dans le paysage scientifique franais.

    Je souhaiterais remercier ici tous ceux qui ont contribu l'laborationde cet ouvrage, en premier lieu mon matre et directeur de recherche,M. Charles de Lamberterie (Universit de Paris-IV Sorbonne et colePratique des Hautes tudes), ainsi que les autres membres de mon jury,MM. Georges-Jean Pinault (cole Pratique des Hautes tudes), Paul Garde(Universit d'Aix-en-Provence), Laurent Dubois (cole Pratique des Hautestudes), Jean-Louis Perpillou (Universit de Paris-IV Sorbonne), AlainLemarchal (Universit de Paris-IV Sorbonne) et Bonifacas StundZia(Universit de Vilnius). Je dois M. Georges-Jean Pinault et M. AlainLemarchal de nombreuses suggestions et corrections sur une premireversion de ce texte.

  • Mme Hlne Vairel (cole Normale Suprieure de Paris) a bien voulu secharger d'une relecture de l'ensemble du volume et m'a permis ainsi d'enamliorer la rdaction et d'viter de nombreuses erreurs.

    Je dois galement beaucoup mes auditeurs de l'cole Pratique desHautes tudes, avec qui j'ai eu de nombreuses discussions sur lesquestions ici dveloppes, notamment Emmanuel Dupraz, Pierre Ragot,Vincent MartzlofI Enfin, je tiens remercier mes collgues de l'tranger,dont l'aide m'a t souvent trs utile, notamment MM. Rick Derksen(Universit de Leiden, Pays-Bas), Bohumil Vykypel (Universit de Brno,Rpublique Tchque), Pietro U. Dini (Universit de Pise, Italie), VytautasAmbrazas (Vilnius, Lituanie).

    Je voudrais galement souligner le rle central jou par mon pouseJustyna, qui non seulement m'a apport ses lumires sur de nombreux faitslituaniens, lettons et polonais, mais aussi a constamment veill crer lesconditions les plus favorables ce travail. Un grand merci enfin mesenfants, Antoine et Gabrielle, dont les premiers balbutiements ontaccompagn la rdaction de cet ouvrage et qui lui ont ainsi donn un peu dela saveur dont il manquait.

    Janvier 2004

    INTRODUCTION

    1. PROBLMATIQUE GNRALE:L'APOPHONIE DANS LES LANGUES BALTIQUES

    Un des archasmes les plus notables des langues baltiques (lituanien,letton, vieux prussien) est, dans une large mesure, la prservation desalternances vocaliques hrites de l'indo-europen. Les phnomnesd'apophonie - c'est--dire de variation vocalique fonction morphono-logique - sont nombreux encore en lituanien et en letton modernes; leurrle n'a pas d tre moindre dans les autres langues baltiques, et sur cepoint la situation du vieux prussien, par ailleurs si altr, reflte encorefidlement un tat de faits commun tout le groupe. Dans bien des cas, lesapophonies baltiques prolongent directement un trait archaque de l'indo-europen, mais souvent aussi elles apparaissent comme une crationspcifique de ces langues. L'apophonie, en tant que procd morphono-logique, est donc non seulement vivante en baltique, mais elle y est encoreproductive.

    Ce caractre n'a pas manqu de frapper les linguistes depuis long-temps, et plusieurs tudes ont t consacres entirement ou en partie auxmanifestations de l'apophonie en baltique. Il faut citer tout d'abord,naturellement, l'ouvrage magistral de Leskien (Der Ab/au! in den

  • 1. On retiendra ici principalement les contributions suivantes: Endzelfn~(1923, p. 58-61), Skardzius (1935b, p. 59-65 = RR(S),. N, p. 371-378), Otrbskl(GJL, I, p. 184-213), Stang (1966, p. 120-125), Urbutls (1971, p. 71-78; 1978,p. 222-231), Venckut (1971, p. 79-88), et plus rcemment Akelaitien (1994;p. 5-11; 1995, p. 5-11; 1997, p. 49-55; 2000, p. 3-10). Voir aussi Kaukiene& PakalniSkien (2002, p. 19-22).

    Wurzelsilben im Litauischen, Leipzig, 1884), qui a t l'un des premiers passer en revue les types d'alternance vocalique en lituanien. Par la suite,des travaux portant sur la question de l'apophonie n'ont cess de voir lejour. l'ouvrage classique de Kurylowicz (L'apophonie en indo-europen,Wroclaw, 1956), qui est conu dans une perspective gnrale, mais oprelargement avec des donnes baltiques, s'ajoutent diverses contributions,dont certaines sont fondamentales pour la comprhension des apophoniesbaltiques} .

    Pour autant, on ne saurait affirmer que la question apophonique enbaltique soit entirement rsolue. Car de nombreux aspects demeurentencore peu tudis, voire ngligs, si bien qu'il ne parat pas inutile derevenir sur ce dbat. Dans cette tude, je me propose d'envisager leproblme de l'apophonie en baltique travers une perspective relativementpeu explore, celle du rapport de l'apophonie et des catgories gramma-ticales. Cette perspective est limite dans son principe et ne peut parconsquent aborder tous les problmes; mais elle permet mon sens derenouveler les approches traditionnelles de la question de l'apophonie enbaltique. On peut distinguer, en effet, au moins deux approches pour traiterde l'apophonie.

    Traditionnellement, l'apophonie est tudie sous son aspect formel: ils'agit le plus souvent de dterminer quels sont les phonmes mis en jeudans les alternances vocaliques et leur relation formelle. cet gard, deuxtypes d'apophonie sont rgulirement distingus: une apophonie quali-tative (par ex. < e/ a>, cf. lit. nsti "porter" ... nast "fardeau", ou < e/ 1>, cf. lit. mena "il se souvient" ... minti "se souvenir") et une apophoniequantitative (par ex. < 1/ >, cf. lit. gina "il dfend" ... gyn "il dfendit",

    ou < il / >, cf. lit. msti "frapper" ... musis "bataille"), quoi l'onajoutera une apophonie intonative ou mtatonie, qui pose des problmesspcifiques (mtatonie douce, par ex. < / e>, cf. lit. bgU "courir"... bgis "course", ou mtatonie rude, par ex. < e / i >, cf. lit. svefkas"sain" E-+ svikinti "saluer")2. Plus prcisement, la varit des mani-festations de l'apophonie est souvent distribue en diffrentes "sriesapophoniques" (aIl. Ablautreihen), dont on examine les ralisationsdiverses dans les langues concernes. Cette approche, dont le modle leplus clair est fourni par la classification des verbes forts en germanique, estillustre notamment dans l'ouvrage de Leskien (1884, notamment p. 268-269), qui se prsente pour l'essentiel comme un catalogue des sries apo-phoniques du lituanien. Elle ncessite un certain nombre d'amnagements,dus surtout des altrations secondaires du systme, mais elle demeurefondamentalement valide.

    Dans une autre perspective, l'apophonie peut aussi tre tudie sous unangle fonctionnel. Ce type d'analyse consiste dterminer les rapportsmorphologiques et smantiques entre "formes de fondation" et "fonnesfondes" apophoniques. On a le choix, dans ce cas, entre plusieurs critresde classement. Par exemple, il est possible d'oprer une distinction entreune apophonie "translative", qui accompagne un changement de classegrammaticale (par ex. < verbe / substantif >, cf. lit. nsti "porter" ... nast"fa d ") .

    r eau et une apophome "non translative", qui apparat l'intrieurd'une m 1

    me c asse grammaticale (par ex. < verbe / verbe >, cf. lit.(pa)kibti "s'accrocher" ... Jeyboti "pendre, tre suspendu"). Mais le critre leplus intressant 1'" ,..

    , mon sens, est ce U} qUI conSIste a dIstmguer, d'une part,une apophonie "1 . 1" . " .

    eXlCa e , aSSOCIee a la drIvation, c'est--dire laformation de l' . d'

    , " exemes ID ependants (par ex. < verbe / substantif >, cf. lit.nesti "porter" '" "Co

    - nasta lardeau", ou < verbe / verbe >, cf. lit. mif'ti

    9Introduction

    ---------------

    2. Sur la mt t .Derksen (1996 a O~I~, on .se reportera avant tout l'ouvrage fondamental de(1923.1924) ~' 9uI s appuie notamment sur les travaux plus anciens de Bga

    . olr ausSI Stang (1966, p. 144-169).

    Introduction8

  • "mourir" .... marinti "faire mourir, tuer"), d'autre part, une apophonie"grammaticale", qui intervient dans l'opposition de catgories constitutivesde paradigmes (par ex. < prsent / prtrit >, cf. lit. klia "il lve" kl"il leva", ou < indicatif / infinitif >, cf. lit. mena "il se souvient" minti"se souvenir"). Les deux critres peuvent du reste tre associs l'un l'autre, car on observe qu'une apophonie translative est toujours de naturelexicale, tandis qu'une apophonie non translative est tantt lexicale (par ex.< verbe non marqu / verbe intensif >, cf. lit. (pa)kibti "s'accrocher"++ kYboti "pendre, tre suspendu"), tantt grammaticale (par ex. < prsent/ prtrit >, cf. lit. ke/ia "il lve" .... kl "il leva"). La question se posecependant de dterminer les limites du domaine lexical et du domainegrammatical en baltique: sur quelle base peut-on dire par exemple quel'opposition de diathse entre un verbe transitif et un verbe intransitif (lit.lenkti "pencher" .... linkti "se pencher") est de nature lexicale, tandis quel'opposition de mode entre un verbe l'indicatif prsent et l'infinitif (lit.mena "il se souvient" .... minti "se souvenir") est ncessairement gramma-ticale? Il existe, en outre, de nombreux cas d'apophonie dans lesquelsl'alternance vocalique n'apparat qu' travers une analyse tymologique,sans laquelle la relation de deux lexmes demeure indcelable ensynchronie (par ex. < substantif / substantif>, cf. lit. diegas "germe"++ daigas "pousse, germe"). Les problmes soulevs par une tudefonctionnelle de l'apophonie en baltique sont par consquent nombreux, etl'on ne peut esprer leur apporter une solution dfmitive. Dans cette tude,je me bornerai examiner les problmes poss par l'apophonie gramma-ticale, et, pour des raisons de cohrence qui apparatront au cours del'expos, je n'aborderai que les cas d'apophonie radicale, laissant de ctl'apophonie suffixale, qui mriterait elle seule une monographie. Il nes'agit pas ici simplement d'offrir une classification plus ou moinscohrente des faits d'apophonie en baltique, mais, plus gnralement,d'examiner les conditions de sa survie dans une famille de langues connuepour son archasme.

    - (b) catgorie du CAS: l'intrieur des flexions nominales,l'alterna . .

    nce vocalIque pouvaIt toucher en indo-europen aussi bien leradical que le suffixe.

    Exemple d'alternance radicale' < 0 / e > cf .* " . l.-e. nom.-acc.

    J,lod-r "eau" > h'tt - / ' * .1 . watar gen. ued-n-es> hltt. wetenas (avecdegr 1 .P em secondaire du suffixe) ; alternance suffixale: < 0 / e >suffiXe des neutr . . . '" es slgmatlques l.-e. nom.-acc. sg. *-os- > gr. yvosrace, espce" / gn sg * > h " 1

    . . -es- gr. omenque YEVEOS.

    - (a) catgorie de la PERSONNE: dans le systme verbal,l'alternance vocalique tait inusite en indo-europen entre les personnes dumme nombre. Celles-ci prsentent toujours le mme degr vocalique:

    Exemple: cf. i.-e. "aller", indicatif prsent r e sg. *h1ei-mi, 2e sg.*h1ei-si, 3

    esg. *h1ei-ti > vd. mi, ~i, ti (degr *e constant);

    1re 1 *h . ep . ll-me-,2 pl. *h1i-te, 3e pl. *h-efonti > vd. ima!), ithJ,yanti (degr zro constant). Le seul cas d'alternance vocalique attestentre des personnes du mme nombre est l'alternance de la voyellethmatique en indo-europen, par ex. r e pl. *-o-me-, 2e pl. *-e-te,3e pl. *-o-nti.

    11Introduction

    Il. APOPHONIE RADICALE ET CATGORIES GRAMMATICALES

    L'une des approches les plus fcondes pour tudier l'apophonie enbaltique consiste, me semble-t-il, passer en revue les catgoriesgrammaticales ou lexicales dont la ralisation est lie, de manire rgulireou sporadique, l'apophonie. Quand on confronte le systme apophoniquedes langues baltiques avec celui de l'indo-europen, tel qu'il est reconstruitpar la comparaison, on ne peut manquer d'tre frapp par une certainerduction du domaine de l'apophonie. Si on laisse de ct le problme dela drivation lexicale et qu'on se concentre sur les catgories gramma-ticales, on constate que presque chacune d'entre elles ( l'exception de lapersonne) pouvait prsenter en indo-europen des faits d'alternancevocalique. On peut en dresser ici une liste approximative, qui n'a qu'unevaleur illustrative :

    Introduction10

  • - (c) catgorie du NOMBRE: dans le systme nominal, l'alternancevocalique lie au changement de nombre pouvait toucher en indo-europen

    aussi bien le radical que le suffixe. Exemple d'alternance radicale: < 0 / e>, cf. nom.-acc. sg. *J,!od-f"eau" > hitt. watar / nom.-acc. collectif *J,!ed-or > hitt. pl. widar;alternance suffixale: < 0/0 >, cf. i.-e. nom.-acc. sg. neutre *-m{l >avest. rc. haxma "socit" / nom.-acc. collectif neutre *-mon> avest. rc. pl. haxflm{lm.

    De mme, dans le systme verbal, l'alternance vocalique pouvait

    toucher aussi bien le radical que le suffixe: Exemple d'alternance radicale: < e/ 0 >, cf. .-e. 1re sg. *h1ej-mi"je vais" > gr. dlil, vs. r e pl. *hd-me- "nous allons" > gr. '(\lEV;alternance suffixale: < e/ 0 >, cf. .-e. 3e sg. *-ney-ti> vd. sPJoti"il entend" / 3e pl. *-nJ,!-%nti> vd. sPJwinti "ils entendent".

    _ (d) catgorie du GENRE: l'intrieur du systme nominal,l'alternance vocalique lie une distinction de genre grammatical pouvaittoucher en indo-europen aussi bien le radical que le suffixe:

    Exemple d'alternance radicale: < e/0>, cf. .-e. nom. sg. masc.*sem-s "un" > gr. Ets / nom. sg. fm. *sm-iih2 "une" > gr. lita;alternance suffixale: < 0 /0>, i.-e. nom. sg. masc. *-on > vd.rja "roi" / nom. sg. fm.*-n- > vd. rjn"reine"._ (e) catgorie du MODE: l'intrieur du systme verbal,

    l'alternance vocalique pouvait opposer le radical de diffrents modes: Exemple d'alternance modale : < e / 0 >, cf. .-e. indicatif*h1es-mi> vd. asmi "je suis" / optatif *h1s-jeh1-m > vd. sylJ'l._ (f) catgorie du TEMPS: l'intrieur du systme verbal,

    l'alternance vocalique pouvait opposer le radical de diffrents thmes

    aspecto-temporels: Exemple d'alternance temporelle: < e / 0 >, cf. .-e. thme deprsent *set- > gr. xw "avoir" / thme d'aoriste *st- > gr.axov .

    On observe, travers ce rapide tour d'horizon, que toutes les catgoriesgrammaticales, l'exception de la personne, taient susceptibles en indo-europen d'tre associes des phnomnes d'apophonie. Il importe alorsde confronter ce tableau de l'indo-europen reconstruit avec les donnesbaltiques. On pourra ainsi dterminer dans quelle mesure les languesbaltiques ont rduit, ou au contraire dvelopp, le domaine de l'apophonieet, par l mme, quelles fonctions celle-ci a assumes dans la prhistoireimmdiate de ces langues.

    Il est intressant d'observer, pour commencer, les catgories danslesquelles l'apophonie n'apparat pratiquement jamais: un fait linguistiquese dfinit autant par ses limites que par ses caractres propres. Onenvisagera donc tout d'abord les catgories de la personne, du cas, dunombre et du genre, en examinant leur relation ventuelle avec lephnomne de l'apophonie en baltique. En second lieu, on tudiera descatgories dans lesquelles l'apophonie joue parfois en baltique un rlecentral, c'est--dire les catgories du mode et du temps. Seule l'apophonieradicale sera ici tudie, parce qu'elle constitue un ensemble de problmesassez diffrents de ceux que pose l'apophonie suffixale, et surtout parcequ'elle appartient un tat trs archaque des langues baltiques. Laquestion de l'apophonie suffixale, ainsi que celle des rapports entre apo-phonie et drivation lexicale, mriteraient elles seules une monographie;elles ne seront voques ici qu'en passant.

    12 Introduction Introduction 13

  • CHAPITRE 1

    CATGORIEDE LA PERSONNE

    ET APOPHONIE RADICALE

    1. INTRODUCTION

    Dans le systme verbal des langues indo-europennes, la catgorie de lapersonne n'est jamais lie, isolment, des phnomnes apophoniques. Onobserve en fait une totale cohsion apophonique des formes verbalespersonnelles d'un mme nombre. Par exemple, un prsent radicalathmatique avait en indo-europen un degr *e constant toutes lespersonnes du singulier, un degr zro constant toutes les personnes dupluriel. Lorsqu'une langue comme le franais oppose une r e pl. nousvenons et une 3e pl. ils viennent, il ne s'agit nullement d'un casd'apophonie < e / ie >, mais d'une volution phontique rcente, condi-tionne 1par a place de l'accent en latin.

    Cette limitation du domaine de l'apophonie appartient dj l'indo-euroPen commun, et il n'est pas tonnant qu'elle apparaisse exactementdans les mmes d" . b 1 " . ., "Il&.

    con ltIons en a tique. De mamere genera e, es lormes

  • 16 Catgorie de la personne Catgorie de la personne 17

    verbales associes dans un paradigme et distingues seulement par le critrede la personne prsentent dans les langues baltiques le mme degrvocalique. Plusieurs exceptions apparentes peuvent tre voques; ons'apercevra vite qu'elles n'ont rien voir avec le phnomne del'apophonie.

    II. OPPOSITIONS QUANTITATIVES DANS LE VERBE LITUANIEN

    Les grammaires acadmiques du lituanien classent parfois parmi les casd'apophonie (lit. bafsi{l kait "alternance vocalique, apophonie") desoppositions de quantit comme celle du lit. drebi "je jette" (l re sg.), avecvoyelle radicale brve [E], et du lit. drebia "il jette" (3e p.), avec voyelleradicale longue [E :], ou encore du lit. mana "je pense" (Ire sg.), avecvoyelle radicale brve [a], et du lit. miino "il pense" (3e p.), avec voyelleradicale longue [a:]3. Formellement, l'alternance parat assimilable un casd'apophonie quantitative.

    Toutefois, on doit reconnatre que la variation vocalique < E / E: > quioppose en lituanien drebi "je jette, j'clabousse" et drebia "il jette, ilclabousse" n'est pas de mme nature que celle qui spare le prsent drebia"il jette, il clabousse" du prtrit drb "il jeta, il claboussa" (variation

  • 18 Catgorie de la personne Catgorie de la personne 19

    De mme encore6 :

    -: ind. futur r e sg. psiu, 1 re pl. psime, vs. 3 e p. ps (inf. pti"pourrir") ; ind. futur r e sg. isiu, 1re pl. isime, vs. 3e p. is(inf. iti "prir") ; ind. futur r e sg. grisiu, 1re pl. grisime, vs.3e p. gris (inf. griti "s'crouler").- [il] et ['i]. Il nes'agit pas, proprement parler, d'apophonie.

    Cet abrgement n'est du reste pas constant. Dans la plupart des verbes thme monosyllabique il est remplac par une mtatonie douce, parexemple:

    - : ind. futur 1re sg. vysiu, 1re pl. vysime, vs. 3e p. vys (inf. ryti"chasser").

    6. Cf. DLKG (p. 341, 938). Sur la forme du suffixe de futur en lituanien(*-s- ou *-si-), voir Schmid (1963, p. 55), Jasanoff (1978, p. 103-107, 87-90). Bibliographie plus complte chez Petit (2002, p. 245).

    7. La loi de Leskien est traditionnellement date du XIIIe sicle, mais, enfait, on peut la situer un peu plus tt entre le XIIe sicle et le dbut du XIIIesicle. Sur cette question, voir Girdenis (2000-2001, III, p. 385-386).

    -: ind. futur 1re sg. sisiu, 1re pl. sisime, vs. 3e p. sius (inf. siti"coudre").- : ind. futur Ire sg. duosiu, Ire pl. duosime, vs. 3e p. duos (inf. duoti"donner").-: ind. futur r e sg. soksiu, r e pl. soksime, vs. 3e p. soks (inf. sokti"sauter, danser").- : ind. futur 1re sg. k/s iu, 1re pl. k/s ime, vs. 3e p. kels (inf. k/ti"lever").

    Le mme contraste d'intonation se rencontre aussi de manire rguliredans les verbes thme polysyllabique, par exemple:

    - : ind. futur Ire sg. sakjsiu, r e pl. sakjsime, vs. 3e p. sakys (inf.sakjti "dire").-: ind. futur 1re sg. stovsiu, 1re pl. stovsime, vs. 3e p. stovs (inf.stovti "tre debout").

    On notera que certains dialectes lituaniens (surtout sur le domaine haut-lituanien de l'Est) prsentent un abrgement la 3e p. du futur, mme dansles thmes polysyllabiques, cf. par exemple lit. dial. futur 3e p. sakis (: lit.standard sakys, cf. inf. sakjti "dire"), 3e p. iins (: lit. standard iinos, cf.inf. linoti "savoir"), 3e p. stovs (: lit. standard stovs, cf. inf. stovti "tredebout"), ce qui, pour certains, reprsente peut-tre l'tat le plus ancien8Selon Zinkevicius (1966, p. 361), l'origine, l'abrgement tait propre auxthmes polysyllabiques, la mtatonie douce aux thmes monosyllabiques,d'o un contraste:

    8. Voir LKG (II, p. 137, 199), Zinkevicius (1966, p. 361-362, 666).

  • 20 Catgorie de la personne Catgorie de la personne 21

    - *iinti- > lit. iinoti "savoir" --+ futur 3e p. *:lins > *:lins(cf. lit. dial. iins; la forme mtatonie du lituanienstandard :linos serait analogique du modle de stoti "selever" : futur stos).

    - *skti- > lit. sokti "sauter, danser" --+ futur 3e p. *sks > *fks(cf. lit. standard soks; la forme abrgement du lituaniendialectal sks serait analogique du modle de :linoti "savoir' :futur :lins).

    Ce principe originel aurait t, selon Zinkevicius, brouill ultrieu-rement dans les diffrents dialectes, au point d'aboutir en lituanien standard une distribution apparemment inverse (abrgement dans le monosyllabegis de gyti "gurir", mtatonie douce dans le polysyllabe sakys de sakYti"dire"). D'autres analyses sont cependant possibles9 . Quelle qu'ait pu trel'origine de ce phnomne, qui est propre au haut-lituanien (le letton,comme le bas-lituanien, a conserv, ou restaur, partout la voyelle longue,cf. lett. futur 1re sg. bsu, r e pl. bsim, 3e p. bs, infinitif bt "tre"), ilrsulte d'un processus phontique secondaire et ne relve donc pas del'apophonie.

    IV. PARADIGME VERBAL ET HARMONIE VOCALIQUE EN LETTON

    Il reste voquer un dernier cas. En letton, les verbes voyelle mdicalede timbre [el prsentent au singulier de l'indicatif prsent une alternanceentre une variante ferme [el (note e) et une variante ouverte [E] (note ),par exemple:

    9. Voir par exemple aussi Ekblom (1923, p. 241-253). Kortlandt (19~5,p. 115-116) explique la mtatonie douce dans ces fo~es d~ futur p~ ?n anCIendegr long morphologique, issu d'un aoriste sIgI?at1qu~.ulterIeurementdisparu en baltique. L'hypothse me parat peu Conomlq.ue. J al propos, pourma part, une analyse diffrente dans un article rcent (PetIt, 2002, p. 245-282).

    PARADIGME TRANSCRIPTIONPHONTIQUE

    infinitif nest "porter" [nest]1re sg. nesu [nsu]

    2e sg. nes [nes]

    3e p. nes [ns]1re pl. nesam [nsm]

    2e pl. nesat [nsat]

    L'opposition de la 1re sg. nesu "je porte" [nsu] et de la 2e sg. nes "tuportes" [nes] parat ds l'abord compamble un fait d'apophonie (type < / e . Cependant, ici encore, la distribution des deux variantes vocaliquesest le rsultat d'une volution phontique particulire, puisqu'elle dpenden l'occurrence de la qualit de la voyelle qui se trouve - ou se trouvaitoriginellement- dans la syllabe suivante10 On trouve une voyelle fenne[e] devant les voyelles ou diphtongues palatales (lett. i, l, e, , ie, ei), ainsique devant les consonnes palatalisantes ou palatalises (lett. j, l, [1, fc, g, s,i, c, di, bj, pj, mj, vj); on trouve une voyelle ouverte [] dans les autrescontextes. Ce principe phontique explique la diffrence entre la 2e sg. nes"tu portes" [nes] < *nes-i (cf. lit. neSi "tu portes") et les autres personnes,1re sg. nesu ''je porte" [nsu] < *nes-u (cf. lit. nes "je porte"), 3e p. nes 'ilporte' [ns] < *nes-a (cf. lit. nsa "il porte"), r e pl. nesam "nous portons"[nsm] < *nes-ame (cf. lit. nsame "nous portons"), 2e pl. nesat "vousportez" [nsat] < *nes-ate (cf. lit. nsate "vous portez"). Rien n'autorise,par consquent, interprter comme apophonique une alternance qui reposeen ralit sur un fait d'harmonie vocalique.

    10. Cf. MLLVG (I, p. 41-47, 82-84), Laua (1997, p. 112-127), Forssman(2001, p. 74). Voir une description synchronique du phnomne chez Fennell(1970, p. 119-123).

  • 22

    V. CONCLUSION

    Catgorie de la personne

    En conclusion, on constate que le critre de la personne n'est jamais parlui-mme associ en baltique au phnomne de l'apophonie. Les languesbaltiques refltent, en l'occurrence, une limitation hrite de l'indo-europen et ne l'ont pas remise en question. Il est vraisemblable quel'opposition des personnes l'intrieur d'un paradigme verbal tait djgrammaticalise en indo-europen au point de leur imposer une structureapophonique unitaire. Sur ce point, les langues baltiques n'ont pas modifile systme indo-europen.

    CHAPITRE II

    CATGORIE DU CASET APOPHONIE RADICALE

    J. INTRODUCTION

    Dans le systme nominal des langues indo-europennes, les faitsd'apophonie entre formes casuelles sont frquents, et de nombreux indicesconduisent penser qu'ils avaient encore une plus large extension en indo-europen. C'est dans les formations athmatiques qu'ils sont le plusclairement reprsents. On en possde peu de vestiges dans les formations"alphathmatiques" (le seul notable tant i.-e. *gWen-(e)h2, gn. sg.*gWn-ehrs "femme"). Dans les formations thmatiques, ils sontinexistants, la prsence d'une voyelle thmatique excluant toute apophoniedu radical ou du suffixe. Il convient, cet gard, de distinguer deux typesd'apophonie:

    - (a) apophonie radicale entre formes casuelles d'un mme para-digme : par ex. < 0 / e >, i.-e. nom. sg. *dom-(s) "maison"(> arme town), vs. gn. sg. *dem-s (> V. avest. dfJ1}g paitis,gr. 8EalT0TT15' "matre de maison"). Cf. exemples chezKurylowicz (1968, p. 33, 29).

  • 24 Catgorie du cas Catgorie du cas 25- (b) apophonie suffixale entre fonnes casuelles d'un mme para-

    digme : par ex. < / 0 >, i.-e. nom. sg. *-tr (> gr. rrunlP"pre"), vs. gn. sg. *-tr- (> gr. rra-Tp-os).

    Dans les formations suffixes, l'apophonie touchait frquemment la foisle radical et le suffixe, par exemple:

    - (c) apophonie radicale et suffixale entre formes casuelles d'unmme paradigme : par ex. apophonie radicale < e / 0 > etsuffixale < 0/ fi} >, i.-e. nom. sg. * h2eys-os "aurore" (> gr.hom.liws, d'o secondairement gn. sg. lious), vs. gn. sg.*h2us-s-eJos (> vd. u~l1'), d'o secondairement nom. sg.

    u~ah).La combinaison de ces apophonies diverses permet de distinguer

    diffrents "schmas apophoniques", dont la reconstruction a fait l'objetdepuis plus d'une quarantaine d'annes d'analyses cohrentes (par ex.Eichner, 1972; Schindler, 1972, 1975; Rix, 1976; Beekes, 1985)11.Mme si le dtail de ces analyses n'est pas entirement assur et qu'unetendance puisse exister multiplier les entits apophoniques pour rendrecompte des variations observes dans les langues, il n'en demeure pasmoins que la thorie des "schmas apophoniques" constitue un net progrsdans la comprhension du systme nominal de l' indo-europen et que salgitimit ne saurait tre mise en doute.

    Il ne peut tre question, dans une tude portant sur les apophoniesbaltiques, de prsenter une vue d'ensemble des "schmas apophoniques" del'indo-europen. La mthode adopte ici consistera, plus simplement, confronter les donnes baltiques avec les faits des autres langues, afm dedtenniner ce qui a pu survivre en baltique des anciennes apophoniescasuelles. On prendra comme objet d'tude principal les apophoniesradicales, qui sont probablement d'un caractre plus archaque et sontdemeures moins vivantes en baltique que les apophonies suffixales.

    Il. Voir une prsentation de ces thories chez Meier-Brgger (2002, p. 203-220).

    Il apparat, ds le premier abord, que les langues baltiques ontlargement limin les apophonies touchant les radicaux l'intrieur desflexions nominales casuelles. En rgle gnrale, dans chacune des languesbaltiques, le radical d'un substantif ou d'un adjectif prsente une formeunique et invarie; seuls les suffixes et les finales dsinentielles peuventencore relever dans une certaine mesure du systme de l'apophonie.Cependant, plusieurs traces indirectes laissent supposer qu'en proto-baltique l'apophonie radicale pouvait encore exister l'intrieur d'un mmeparadigme.

    II. NOMS-RACINES ET APOPHONIE RADICALE

    D'un point de vue diachronique, l'une des classes dont l'apophonie aitt la plus claire en indo-europen tait celle des "noms-racines"(substantifs radicaux athmatiques). Son schma apophonique a treconstitu avec vraisemblance par Schindler dans un article devenuclassique (1972, p. 31-38). Il existait, selon Schindler, deux types denoms-racines en indo-europen12 :

    - (1) Type "protrodynamique" : nom. sg. *CoC-s, ace. sg.*CoC-.cp, gn. sg. *CeC-s, cf. i.-e. *pod-s "pied", acc.*pod-.cp (gr. dor. 1HDS. acc. rr8a, d'o gn. rro86s), gn.*ped-s (refait en *ped-eJos > lat. pedis, d'o nom. ps).

    - (2) Type "hystrodynamique" : nom. sg. *CC-s, acc. sg.*CeC-.cp, gn. sg. *CC-eJos, cf. i.-e. *diJ!-s "ciel lumineux,jour", acc. *dielJ-m > *dim (gr. Zn)s, acc. Z"v(a); lat.Iii-piter, acc. secondaire Iouem ; acc. diem, d'o nom. dis) ,gn. *di/J-e/os (gr. ~lS).

    12. Voir aussi Kurylowicz (1956, p. 48 sq.), Larsson (1999, p. 12).

  • 26 Catgorie du cas Catgorie du cas 27

    Dans les langues baltiques, les noms-racines ont tendu disparatre entant que classe morphologique13 . Ils se sont intgrs le plus souvent laclasse des substantifs en *-i-, sur la base d'une mtanalyse de leur fonned'accusatif *-lp (> balt. *-in, analysable comme *-i-n, d'o nominatifsecondaire *-i-s). Toutefois, il subsiste encore en baltique quelquesvestiges clairs des noms-racines. Ainsi, en lituanien, leur gnitif pluriel,qui est en gnral en -{l i.-e. *-om), les distingue des thmes en *-i-anciens, qui ont un gnitif pluriel en -il! i.-e. *-i-om). On peut ainsiopposer, par exemple, lit. iuv-is "poisson", gn. pl. iuv-y nom-racinei.-e. *J'tuH-s, cf. gr. LX6S', -vos) et lit. av-is "brebis", gn. pl. av-iy thme en *-i- .-e. *h2oy-i-, cf. vd. avi/J, lat. ouis, gr. OlS)14. Dans lestextes anciens et encore aujourd'hui dans plusieurs dialectes lituaniens, lesvestiges des noms-racines conservent une fmale consonantique au gnitifsingulier (gn. sg. -es < i.-e. *-es, en regard de lit. -ies < i.-e. *-ei-s, dansles thmes en *-i-), et au nominatif pluriel (nom. pl. -es < i.-e. *-es, enregard de lit. -ys lit. iv{, d'oun nominatif secondaire lit. iuvis. Le V. prussien *:iukas (nom. sg. suckis,

    15. Trautmann (BSW, p. 373), Mlenbachs-Endzelns (ME, IV, p. 730),Fraenkel (LEW, II, p. 1323), Vaillant (GCLS/., II/l, p. 274), Sabaliauskas (1990p. 38), Maziulis (PKEZ, IV, p. 167), Larsson (1999, p. 50-52), Smoczyfiski(2001, p. 114). Cf. LKZ (XX, p. 1008-1014). Voir aussi Winter (1982 p 167-186). ' .

    16. Le glossaire de Zinov, dont on sait l'histoire mouvemente (cf Schmid1986~), a t publi par Zinkevicius (1984 et 1985) comme un texte jatvingien:Schm.ld (1986b), pour sa part, y voit un mlange de lituanien et de yiddish. LaquestIon reste ouverte. J'adopterai ici pour convention de citer les formes de ceglossaire sous l'tiquette "Zinov", ce qui ne prjuge en rien de la nature de cetexte.

  • 28 Catgorie du cas Catgorie du cas 29

    ace. pl. suckans) suppose un thme voyelle radicale brve, ce qui estprouv par la graphie de type gmin -ck-; il parat difficile, malgrLarsson (1999, p. 51), de driver cette forme *iu-kas d'un prototypebaltique consonantique *iuH- .-e. *J'tuH-). La gutturale *-k- pourraitse retrouver en lituanien (lit. dial. fk-mistras "Fischmeister", fk-sparnis"Fischhaar", avec voyelle radicale brve, cf. LKZ, XX, p. 986), et pluslointainement en armnien (arm. jowkn), mais son origine demeureobscure17 .

    - BALTIQUE *bruH-, *bruv-(i)- "sourcil,,18: v. lituanien: bruvis "sourcil" (Sirvydas, DTL3, p. 22: Brew/ Supercilium / Bruwis), lit. dia!. bruvis "sourcil", fm. ou masc.(Lazlinai: brves, nom. pl. fm. de type consonantique)19. v. prussien: wubri / wimpro "Wimper, sourcil" (E 82), peut-tremtathse de *bruwi (sous l'influence de l'aIl. wimpro ?). Ou bienemprunt au polabe wabbra?

    Il faut partir d'un nom-racine radical immobile en indo-europen*h3bhruhr , attest en grec (gr. 6piJs "sourcil", gn. sg. 6puos), en indo-iranien (vd. bhri) "sourcil", gn. sg. bhruvli)), en celtique (v. irl. nom.duel brai, brae "sourcils"), en germanique (v. ang. br "sourcil", ang.eyebrow "sourcil"), en slave (v. sI. 6p'bBb / brbvb "sourcil, ~.apov",russe 6poBb / brov' "sourcil", avec dpalatalisation en pol. brew "sourcil",rare au sg., surtout au pl. brwi, tch. brva "sourcil(s)"), et enfin entokharien (tokh. A piirwaTfl, B piirwane "sourcils", duel < tokh. commun

    17. Selon SmoczyfIski (1987b, p.535), le v. prussien suckis (*zukis) repr-sente une forme syncope d'un diminutif *zuv-uk-/-ik- (cf. lit. zuv-k ouzv-ik, zuv-ik "Fischlein"). Cette hypothse n'est pas invraisemblable, maiselle n'explique pas la forme armnienne jowkn (sur cette forme, voir dsormaislsen, 1999, p. 130-131).

    18. Trautmann (BSW, p. 38), Fraenkel (LEW, l, p. 57), Vaillant (GCLS/., II/l,p. 272-273), Sabaliauskas (1990, p. 9), MaZiulis (PKEZ, IV, p. 266), Larsson(1999, p. 48-50), SmoczyfIski (2001, p. 116). Cf. LKZ (l,p. 1097). Donnesslaves: Vasmer (1953-1958, l, p. 124).

    19. Petrauskas & Vidugiris (1985, p. 41).

    *piirwa- < *bhruJJG-, prolongeant peut-tre .-e. *h3bhruhr , ou ventu-ellement .-e. *h3bhruhr h/, avec finale de duel)2o. Kuiper (1942, p.9)reconstruit un paradigme alternant en indo-europen, nom. sg.*{h3}bhrJJH-s, acc. sg. *{h3}bhreJ}H-I[l, gn. sg. *{h3}bhruH-os, loc. pl.*{h3}bhruH-su, en s'appuyant sur la comparaison de formes attestes engermanique (cf. vha. brawa "sourcil", all. Augenbraue "sourcil" < i.-e.*(h3}bhreJ}H-). Toutefois, les langues indo-europennes ne prsententaucune trace claire d'apophonie radicale21 . On notera que le slave a unthme en *-i- tout comme le baltique. Le passage au thme en *-i- s'estopr partir de la forme d'accusatif singulier, comme pour le motprcdent.

    - BALTIQUE *piIH-(i)- "forteresse,,22 : lituanien: pi/is "chteau", fm. (gn. pl. pili'v.). letton: pils "chteau", fm.

    v. prussien: -pil(l)e dans les toponymes Pillekaym, Sassenpile,Wosispille.

    Il faut partir d'un nom-racine radical immobile en .-e. *pjhr, attest enindo-iranien (vd. pr "palissade, fortification, enceinte fortifie", gn. sg.purli)) et en grec (gr. lTOLS "cit", gn. sg. 1T6EWS)23. Les langues

    20. Sur les formes tokhariennes, voir Hilmarsson (1989, p. 73-74). Je doiscette rfrence G.-J. Pinault.

    , .2 ~. Le baltique possde sans doute une trace d'un degr plein dans un~enj,e apparent: lit. briaun "bord, dos d'un couteau" (qui suppose un L-e.h3b renH-n-), cf. v. d. Osten-Sacken (1911, p. 139-145), Fraenkel (LEW, l,

    p. 57), SmoczyfIski,(~OOOb: p. 22, note 24), LKt (e, p. 1037). Mais l'apophonieattest~e da~s le denv n est pas ncessairement un reflet d'une apophonieparadlg?1at1que propre au nom-racine. La mme objection vaut pour les formesgermamqres (vha. brwa "sourcil"), plus forte raison si elles ne remontentP~s , *b rnH-, comme le pense Kuiper, mais appartiennent une racine~~f~~rle)~te *bhrkw_ii (cf. v. sax. brfew, brg "sourcil"), cf. Schindler (1967b,

    22. Trautmann (BSW, p. 217), Mlenbachs-Endzelns (ME, III, p. 217),~raenkel (LEW,!, p. 591), MaZiulis (PKEZ, III, p. 280-281), Larsson (1999, p. 52-3), SmoczyfIskl (2001, p. 128). Cf LKZ (IX, p. 986-987).

    23. D'un point de vue smantique, le sens premier de ce mot indo-europenest probablement "remblai, rempart, fortification". Cette valeur est encore

  • 30 Catgorie du cas Catgorie du cas 31

    baltiques ne prsentent aucune trace d'une flexion consonantique; lasuffixation en *-i- pourrait tre ancienne, en juger par le grec 1TO.LS,fonne visiblement apparente, mais dont le vocalisme radical, malgrStrunk (1969, p. 1-15), pose toujours problme.

    - BALTIQUE *fans-(i)- "oie,,24 : lituanien; isis "oie", fm. (gn. pl. isy), dial. gn. sg. iss,nom. pl. i~ses. letton; zoss "oie", fm. (gn. pl. dial. zosu ou zosu). v. prussien; sansy 1 gans "oie" (E 719), pass la flexionfminine en *-, -iii-; cf. toponymes Sanse/in, Zanseynen. emprunt baltique en finnois hanhi, estonien hani (-i refltant unefmale baltique *-).

    La flexion consonantique est ancienne. Il faut partir d'un nom-racine radical immobile en .-e. *tans- (? *th2ens-, selon Schrijver, 1991,p. 113), cf. gr. Xtlv "oie" (gn. sg. XTlvos), lat. iinser "id." (gn. sg.iinseris), russe rYCh / gus' "id.", 00. rYCh / hui "id.", pol. g~i "id.", got.*gans (cf. emprunts espagnols et portugais gansa "oie" et ganso "jars"),v. isl. gas "oie", v. ang. gos "id.", vha. gans "id." (thme en *-i-), v. irl.gis "cygne" celt. *gans). Le vdique a un substantif thmatiquesecondaire (vd. ha1'flsa- "cygne", d'o fm. ha1'flsl "oie"). Lareconstruction d'un paradigme alternant (nom. sg. *teh2ns-s, acc. sg.

    sensible en vdique (cf. Rau, 1976), et on peut la reconstruire pour le grec (cf.Casevitz, Lvy et Woronoff, 1989, p. 279-285, qui dfinissent rr6.LS' comme"ville vue de l'extrieur" par opposition dO'TV, qui est la "ville vue del'intrieur"). Il parat probable que cette ancienne dsignation relve tymo-logiquement de la racine *p/ehr "verser, dverser, remplir", atteste parexemple dans le lituanien pUti "verser" (noter en particulier lit. pylimas"digue").

    24. Trautmann (BSW, p. 365), Mlenbachs-Endzelns (ME, IV, p. 760),Fraenkel (LEW, II, p. 1292-1293), Vaillant (GCLS/., II/l, p. 168), Sabaliauskas(1990, p. 37-38), Mafiulis (PKEZ, IV, p. 62), Euler (1985, p. 90), Hinze (1985,p. 105 ; 1996-1997, p. 151), Blafek (1998, p. 16), Larsson (1999, p. 37-40),Smoczynski (2001, p. 112). Cf. LKZ (XX, p. 201-205). Sur la flexion du mot enindo-europen, cf. Griepentrog (1995, p. 211-232, sur les formes baltiquesp. 225-226). Donnes slaves: Vasmer (1953-1958, 1, p. 324).

    *th2ens-rp, gn. sg. *th2ns-efos) n'est pas impossible, mais ne disposed'aucun appui assur25 .

    - BALTIQUE *tVT-(i)- ou *fveHT-(i)- "bte sauvage"26 : lituanien; ivris "bte sauvage", fm. (ace. sg. iveri, gn. pl.ivriy, dial. ivry), cf. lit. dial. gn. sg. ivrs, nom. pl. iveres detype consonantique.

    letton: zvfrs "bte sauvage", fm. (gn. pl. zvfru), en partie flchicomme thme en *-0- (en raison de l'ambigut du nom. sg. et dugn. pl.) ; gn. sg. zvfra. v. prussien: acc. pl. swrins 1thier "btes sauvages" (III, 1072).

    Il faut partir d'un thme consonantique radical immobile en .-e. *tur-,cf. gr. ef]p "bte sauvage", masc., fm. tardif (gn. sg. 8r]pOs). Le v. slave3B'ph / zverh "id." (fm.) est pass la flexion en *-i-, cf. russe 3Beph/ zver' "bte sauvage" (gn. sg. 3BepB / zverja), pol. zwierz "id." (gn. sg.zwierza), etc.27 Pour expliquer la voyelle brve de l'adjectif thmatiquelatin firus "sauvage" et du substantif fera "animal sauvage", deuxhypothses sont possibles. On y voit traditionnellement le reflet d'un degrbref*tuer- ct duquel *tUr- (gr. 61lP, etc.) prsenterait un degr longmorphologique (le degr zro *tur- serait peut-tre attest dans le latinjUror "furie")28; cette hypothse, qui aurait le mrite de rattacher ladsignation de la "bte sauvage" une racine verbale (i.-e. *tJJer-, *tur-

    . ~5. En ce sens, voir Kortlandt (1985, p. 120) et Lubotsky (1989, p.60).Cntlque chez Griepentrog (1995, p. 231).

    26. Trautmann (BSW, p. 374), Mlenbachs-Endzelns (ME, IV, p. 773),Fraenkel (LEW, II, p. 1327), Sabaliauskas (1990, p. 38), Mafiulis (PKEZ, IV,p. 179-180), Larsson (1999, p. 62-64). Cf. LKZ (XX, p. 1090-1093).

    27. Donnes slaves: Vaillant (GCLS/., 1111, p. 148-149, 167), Vasmer (1953-1958, l, p. 448).

    28. Voir, en ce sens, Puhvel (1998, p. 607-609), qui rapproche le hittitekurur "guerre" "sauvagerie"), et plus lointainement le vdique ghora-"h 'bl horn e, cruel" *g 0 yr-o- ?). Rcemment, Young (2002, p. 109-115) apropos de rapprocher de cette famille l'adjectif lituanien ziaurs "cruel" (surla base d'un thme 1). Autre tymologie chez Schindler (1972), qui rapprochevd. hvarate "boiter, marcher de travers".

  • 2. APOPHONIE RADICALE PERDUE EN BALTIQUE

    29. Schrijver (1991, p. 337), Meiser (1998, p. 75, 57), Smoczyfiski (2001,p. 109).

    30. Trautmann (BSW, p. 193), Fraenkel (LEW, 1, p. 481), Kazlauskas (1961 b,p. 75), Larsson (1999, p. 40-43), Smoczyfiski (2001, p. 105). Cf. LKZ (VIII,p. 520-522). Donnes balto-slaves: Vaillant (GCLS/., II/l, p. 168).

    31. Reconstruction du paradigme i.-e., cf. ~chindler (1967c, p. 290-303),Mayrhofer (1986, p. 108-109). Voir aussi Gnepentrog (1995, p. 476-479),Rieken (1999, p. 128-129). Sur les formes slaves, cf. Vasmer (1953-1958, II,p. 229). Sur la forme albanaise, cf. Hamp (1961, p. 254-256).

    "tre furieux"), pose cependant un problme si l'on admet, comme le faitKortlandt, que l'intonation rude du baltique (lit. ivris, acc. sg. iver{) nepeut pas remonter un degr long morphologique. En ce cas, on estcontraint de reconstruire un prototype i.-e. *gyehJr-, qui explique bienl'intonation, mais prsente l'inconvnient de ne se rattacher aucune racineverbale connue; la voyelle brve du latin rerus serait alors due unabrgement (du type lat. uir "homme" < *Ylros, en regard de lit. vfras,vd. vfral; "homme" < *yiHros)29.

    33Catgorie du cas

    - nom. sg. *nokWt-s : lat. nox "nuit" (gn. noctis), gr. vu~ "nuit"(gn. sg. VUKTS), vd. naktalJ1 "la nuit, bei Nacht" (acc. sg.) ; cf.tokh. A nakcu, B nekciye "le soir" (adv.).- gn. sg. *nek wt_s : hitt. nekut- "soir" (gn. sg. nekuz "pendant lesoir, la nuit", cf. me-hur ne-ku-uz "temps du soir"). Noter le sensancien de "soir", conserv seulement en hittite et en tokharien.

    Comme la plupart des autres langues, le baltique a gnralis le thme fort*nokWt-. Le passage, en baltique, aux thmes en *-i- a un parallle en slave(v. sI. HOlIITb / nostb "nuit, vue", fm., russe HOl.fb / noc' "id.", pol. noc"id."), partiellement en germanique (got. nahts "nuit, ve", v. isl. nott"id.", v. ang. niht, neahte 'id.', vha. naht "Nacht, nuit", fm., cf vha.nahti-gala "Nachtigall, rossignol") ainsi qu'en latin (lat. nox "nuit", gn.pl. noctium) et probablement en albanais (alb. nat "nuit", pl. net < proto-alb. *nakt-f-). Le slave pourrait ventuellement avoir conserv une tracelexicale du thme faible *nekWt- dans le compos russe HeTonbIpb/ netopyr', tch. netopyr, pol. nietoperz "chauve-souris" "oiseau qui volela nuit", avec sI. *neto- < i.-e. *nekW-t-(o)- ?)32. Il serait excessif d'en tirerla conclusion que le radical du nom-racine avait conserv son apophonie enbalto-slave.

    perue comme telle, et le mot a t interprt comme un nom-racine. Saflexion tait certainement de type acrostatique en indo-europen:

    32. Analyse traditionnelle reprsente, entre autres, par Benveniste (1935,p. 10). Dossier tymologique chez Vasmer (1953-1958, II, p. 216). Autreanalyse (peu convaincante) chez Otr~bski (1949, p. 336): *ne- (ngation)+ *-to- (particule renforante) + *-pyru "plume" ("oiseau sans plumes", commeen fr. chauve-souris). Rcemment, Blazek (2000, p. 362) a propos une nouvelletymologie du mot, en partant de la variante dialectale *neputyrz (v. russeHen'bThlph / nepDtyn, v. ukrainien nepotyr, russe dial. [Irkutsk] HenTYPYH1nepturun), analyse comme *ne-putyri "non-bird" ; en ce cas, l'autre variante(russe HeTonhlph / netopyr', etc.) rsulterait d'une mtathse.

    Catgorie du cas

    Dans quelques cas, l'existence d'un paradigme alternant est probable enindo-europen, mais la plupart des langues en ont limin toute trace. Lebaltique prsente alors, comme la majorit des autres langues, un radicalunifi. Ainsi:

    - BALTIQUE *nakt-(i)- "nuit,,30 : lituanien: naktis "nuit", fm. (gn. pl. naktY). letton: nakts "nuit", fm. (v. lett. gn. pl. naktu). v. prussien: acc. sg. naktin / nacht "nuit" (6x Catchismes).

    l'origine, en indo-europen31 , le nom de la "nuit" n'tait pas un nom-racine, mais un nom suffixe *-t- (*nokW-t-) constitu sur une racine*nekw - (ou plutt *negW-, si l'on rapproche lat. niger "noir", avecassourdissement dans *nogW-t- > *nokW-t-). La racine verbale n'est conser-ve, l'tat libre, qu'en hittite (hitt. nekuzzi "il fait sombre" < i.-e.*negW-ti). Dans la plupart des langues, la formation en *-t- a cess d'tre

    32

  • 33. Trautmann (BSW, p. 10), Fraenkel (LEW, l, p. 11-12), Sabaliauskas (1990,p. 26-27), MaZiulis (PKEZ, 1, p. 85), Toporov (PrJ, 1, p. 95), Eckert (1972, p. 208-209), Hamp (1978a, p. 29-31), Euler (1985, p. 90), Ademollo-Gagliano (1991,p. 147), BlaZek (1998, p. 8), Larsson (1999, p. 79), Smoczyiiski (2001, p. 112).Cf. Lll (e, p. 161).

    34. Sur les formes slaves, cf. Vasmer (1953-1958, III, p. 193).35. En ce sens, Kurylowicz (1968, p. 33, 29), Beekes (1985, p. 63-64).36. En ce sens, Schrijver (1991, p. 95). Autre conception chez R!x (~991,

    p. 186-198), qui tente de rattacher la forme grecque la famIlle mdo-europenne du nom du "canard". Cf. dj Kurylowicz (1956, p. 197).

    - BALTIQUE *iint-(i)- "canard,,33 : lituanien: mtis "canard", fm. (gn. pl. anCiy). v. prussien: antis / ente "canard" (E 720). le letton a une autre dsignation: lett. pile "canard", fm. (cf. bas-lit. pYl).

    Il faut partir d'un nom-racine: i.-e. *h2enh2t- (ou ancien thme en *-t-:*h2enhr t-), dont les reprsentants se trouvent en latin anas "canard",fm. (gn. sg. anitis ou anatis), en slave *Qty "canard" (cf. russe yrKa/ utka "id.", fm., s.-cr. tva "id.")34, et, avec suffixation ultrieure, engermanique *anujJ- "canard" (v. isl. Qnd "id.", v. ang. ened "id.", vha.anut "id.", fm.). Le vdique iiti- "animal aquatique" (cf. osste iice, acc

  • 39. Tentatives d'tymologie du mot slave chez Vasmer (1953-1958), quipose un ancien compos *nos-dbrja (de la famille de dbrati "dchirer"), et chezTrubacev (1972, p. 225-226), qui reconstruit un compos tautologique*nos-sr- (cf. gr. ptS. plv6s "nez" < *sr-n- ?); voir une discussion chez Hamp(1974, p. 69-72). Prsentation rapide chez Stang (1972, p. 39-40). De manireinvraisemblable, Vaillant (GCLS/., l, p. 76) voit dans le lituanien nasra unemprunt au slave.

    40. Cf. aussi en ce sens Lubotsky (1989, p. 60).

    slave *nas-ra- i.-e. *nhr es-r-?)39. Pour Fraenkel (LEW, l, p. 509),l'apophonie < a/ > dans le lituanien nosis / nasrai reflte une alternanceradicale hrite de l'ancien nom-racine. Kortlandt (1985, p. 119) reconstruitun paradigme protrodynamique: nom. sg. *nehrs-s, ace. sg. *nehrs-rp,gn. sg. *n hrs-os (Kortlandt crit fautivement *nh1os)40. Dans unedirection toute diffrente, Fritz (1996, p. 1-20) suppose que le nom du"nez" appartient, l'origine, la racine indo-europenne *h1enh}- "respirer"(vd. miti "respirer") et reconstruit un paradigme de type holodynamique:nom. sg. *h1nhr os , ace. sg. *h1nh}-os-rp (v. perse naham), loc. sg.*h1nhrs-(i) (vd. nasi), gn. sg. *hl 1J.hr s-s (lat. naris, thme en *-i-),nom.-acc. du. *h1nh}-os-oh} (vd. nsa, germ. *nos-, sI. *nos'b), gn. pl.*h1T).hrs-om (lat. *narum, refait ensuite en narium). Cette analyse estingnieuse et peut effectivement rendre compte de la plupart des formes.Mais, prcisment, elle ne convient pas pour les formes baltiques: Fritz(1996, p. 16) admet que le proto-baltique a hrit de deux formes, uneforme de nominatif sg. *ns i.-e. *h1nh]-os, secondaire au lieu de*h1enhros d'aprs les cas obliques) et une forme d'accusatif sg. *nasim(< i. -e. *h1nh]-os-rp) et que la contamination de ces deux formes auraitproduit *nsis (d'o lit. nosis, etc.). En ralit, cette hypothse "ne tientpas, car l'intonation rude constante du lituanien nosis et du letton nGss,nase suppose ncessairement, mon sens, la prsence d'une laryngale enposition tautosyllabique: un degr long morphologique *h1nh]-os nepourrait produire en baltique qu'une forme intonation douce *nos, dont iln'est gure possible de tirer les formes attestes. La reconstructiontraditionnelle, modernise par Kortlandt, pose elle aussi des problmes.

    41. Trautmann (BSW, p. 205-206), Benveniste (1935, p. 6), Vaillant (GCLS/.,l, p. 303), Larsson (1999, p. 82-83). Analyse errone chez Maziulis (PKEZ, III,p. 281-282). Donnes slaves chez Vaillant (GCLS/., II/l, p. 146 et p. 173).

    42. Voir par exemple Rieken (1999, p. 239-240). Cf. dj Bezzenberger(1909, p. 384-385, naturellement sans analyse laryngaliste).

    37Catgorie du cas

    SANSKRIT INDO-VDIQUE AVESTIQUE EUROPEN

    NOM. SG. ptinthiil} pant *pnt-oh1-savest. rc.

    GN. SG. pathtil} pa()o *pJ}.t-h1-%savest. rc.

    INSlR. PL. pathibhil} pacrbs *pJ}.t-h1-bhi-v. avest.

    Quelle que soit la reconstruction retenue, on notera que l'apophonieradicale n'apparatrait en baltique que dans le rapport d'un driv suffix sa forme de fondation, ce qui ne permet pas ncessairement de lareconstruire avec certitude dans cette dernire.

    - BALTIQUE *pint-(i)- "chemin"41 : v. prussien: pintis / weyk "chemin" (E 799), peentis / weg"chemin" (GrG 33), pentes / weg (GrA 58), pentes / via (GrF 58).

    Le mot prussien possde des correspondants tymologiques en slave(v. slave nXTb / p!th "chemin", russe nYTb / put' "id.", s.-cr. pt "id.",tch. pout "id.", v. pol. p~ "id."), en indo-iranien (vd. panthal) "chemin",avest. re. pa1J,t "id.", osste fandag, fiindiig "id."), en latin (lat. pons,pontis "pont", gn. pl. pontium), en annnien (arm. hown "gu", gn. sg.hni) et pour finir en grec, dans deux drivs thmatiques (gr. TTOVTOS"mer" < "passage", TTUTOS "sentier"). Le germanique (all. Pfad "chemin,sentier", ang. path "sentier") est obscur. Pour reconstituer la flexionoriginelle, on peut, dans un premier temps, s'appuyer sur le paradigmeindo-iranien42 :

    Catgorie du cas36

  • 3. TRACES D'APOPHONIE RADICALE EN BALTIQUE

    En dehors de ces cas peu significatifs, il existe cependant quelquestmoignages d'une apophonie radicale dans les anciens noms-racines en

    43. En ce sens voir LIV (p. 425), Rieken (1999, p. 240, note 1121). La racineverbale sous-jace~te est probablement *pent- pister,. suiv;e la !race" (got.finjJan "trouver", LIV, p. 424-425). Je dois ces informatIOns a G.-J. Pmault.

    39Catgorie du cas

    - V. PRUSSIEN44: V. pro seyr / hercze "cur" (E 124), gn. sg.s'iras "Herzens" (Ille Catchisme, 95 10), dat. sg. s'iru "Herzen"(III, 11519), ace. sg. siran "Herzen" (III, 9514), sijran (III,6523), ace. pl. sirans "Herzen" (III, 7719); adjectif driv*sriska- dans l'adverbe srisku / hertz/ich "cordialement"(III, 55 11); prposition sirsdau (+ dat.) "unter, entre" (III,4910), "neben, ct" (III, 774) < *sird-dau "au centre" (pourla finale, cf. pirsdau / vor "devant", pansdau / ais denn,darnach "aprs, ensuite").

    - LITUANIEN45 : lit. iirdis "cur", fm. (ace. sg. sird{, gn. pl.iirdfiy ou Sirdy), cf. lit. dial. gn. sg. iirds, nom. pl.srdes de type consonantique; lit. dia!. seNlis "cur, centred'un arbre, noyau", fm. (ace. sg. irdt., gn. pl. serdZiy), ouierd "intrieur d'un arbre", fm. (ace. sg. srd~).

    - LEITN: lett. sifds "cur", fm. (Mlenbachs-Endzelns, ME, III,843-844: "das Herz"); sefde "molle, intrieur d'un arbre,intrieur d'une plante, d'un fruit; [fig.] milieu, centre", fm.(Mlenbachs-Endzelns, ME, III, p. 819: "das Mark, derKern im Holze; das Innere von Pflanzen, Frchten, Obst ;[fig.] die Mitte, das Zentrum").

    baltique. Le plus clair est le nom du "cur", un ancien nom-racine de genreneutre, qui tait dj anomal en indo-europen.

    Les langues baltiques prsentent, pour la dsignation du "cur", unediversit de fonnes, qui incitent supposer des alternances complexesencore conserves dans le paradigme proto-baltique. Les fonnes attestessont les suivantes:

    . 44. Trautmann (1910, p. 424), Maziulis (PKEZ, IV, p. 94-95; sur le prussienslrsdau, cf. p. 116). Voir aussi Endzelns (DI, IIh, p. 337) et Stang (1957,p. 237) sur la formation de la prposition sirsdau.

    .45. Skardzius (1956, p. 162 = RR(S), IV, p. 679), Ivanov (1974, p. 195-200),Stembergs (1996-1997, p. 24), Larsson (1999, p. 64-67). Cf. LKZ (XIV, p. 644,646-647 et 850-897).

    Catgorie du cas

    ct de cette fonne suffixe, il a pu exister une fonne plus ancienne,probablement un nom-racine (sans laryngale, cf. lat. pons) : nom. sg.*pont-s (gn. sg. *pent-s ou *p1J.t-%s)43. On ne voit pas clairement quellepouvait tre la diffrence qui sparait les deux fonnes ; un rapprochement apu s'oprer entre elles, dans des conditions qui nous chappent. Quoi qu'ilen soit, en dehors de l'indo-iranien, on peut se contenter d'opposer unthme fort *pont- et un thme faible *p1Jt-. Les autres langues prsentent eneffet ou bien un degr *-0- (*pont-: sI. *PQtb, lat. pons, ann. hown, gr.TIOVTOS), ou bien un degr zro (*p1J.t-: gr. TIaTOS, v. pro pintis). Laflexion en *-i-, commune au baltique et au slave, pourrait tre ancienne(elle se retrouve en latin et en annnien) ; mais elle peut aussi, en balto-slave, rsulter d'une analogie rcente partir d'une fonne d'accusatifsingulier, elle-mme secondaire (*pont-rp / *p1J.t-rp > balto-slave *pantin/ *pintin > sI. *PQtb, baltique *pinti-). On notera la diffrence de voca-lisme radical entre le slave (degr *-0-) et le baltique (degr zro): ellepourrait ventuellement amener penser que l'apophonie radicale taitencore conserve en balto-slave. Il n'est pas vraisemblable, mon sens,d'interprter avec Smoczynski (2000a, p. 15, p. 20) le prussien pintiscomme un emprunt au vieux polonais p{l "chemin", en postulant unevolution problmatique *pantis > *pentis > V. pro *pintis. Il estprfrable d'admettre que le mot est hrit en baltique et qu'il y prsente undegr zro radical ancien. Le mot n'est attest qu'en baltique occidental; enbaltique oriental, on trouve une autre dsignation (lit. ki/ias, lett. c[s"chemin").

    38

  • 46. Olsen (1999, p. 87-88).

    Chacune des langues baltiques prsente plusieurs degrs vocaliquesradicaux. Le vieux prussien a non seulement *ser (dans seyr, gn. sfras,etc.), mais aussi probablement *sird- ou *sfrd- (dans la prpositionsirsdau); le lituanien et le letton ont la fois *sfrd- (lit. sirdis, ace. sg.Sirdi ; lett. sifds) et *serd- (lit. serdis, ace. sg. lrdi ; lett. sefde).Toutefois, ces diffrents degrs vocaliques apparaissent dans des lexmesindpendants, si bien qu'on ne saurait reconstruire avec prcision uneancienne alternance paradigmatique sur la base des seules donnes dubaltique.

    La forme la plus singulire est celle du vieux prussien. Comme l'avaitdj not Ferdinand de Saussure (1892, p. 79 = 1922, p. 443), le thme duv. pro seyr, gn. sg. sfras *ser-), adverbe srisku *ser-), surprend parl'absence de consonne dentale fmale en regard du lit. sirdis et du lett. sifds"cur"; cette singularit ne peut tre qu'un archasme. Depuis Saussure, ontire les formes prussiennes d'un prototype baltique *ser (de genre neutre)< .-e. *fer, cf. gr. homrique KllP "cur", dat. sg. KfipL, loc. sg. KTJp68L *fer, sans consonne dentale fmaie, car *ferd aurait donn *ferd> gr.*Kp, par la loi d'Osthoff); hittite ki-ir "cur" *Jr). L'armnien sirt"cur" (thme en *-i-, cf. instrumental sg. srtiv) est seul supposer uneconsonne dentale finale *ferd-i-); il doit s'agir d'une formesecondaire46 .

    Toutes les autres formes baltiques prsentent un thme termin par uneconsonne dentale. On peut distinguer deux degrs vocaliques radicaux:d'une part, *Srd- dans le lituanien sirdis (ace. sg. srdD et le letton sifds(probablement aussi dans le v. prussien sirsdau, bien que l'intonation n'ensoit pas connue); d'autre part, *serd- dans le lituanien serdis (ace. sg.lrd et le letton se f de. Cette alternance prolonge certainementl'opposition ancienne d'un degr zro *frd- et d'un degr plein *fierd-,

    47. Ajouter cette liste vd. hardi, gn. sg. h[dal) "cur", qui estprobablement apparent, quoique l'initiale aspire pose problme.

    48. Sur les formes slaves, cf. Vasmer (1953-1958, II, p. 613 et 614). Uneforme non-drive est encore conserve en slave dans les composs du vieuxslave MHJIOCpo,lJ;'b / milosr'bd'b "misricordieux, OiKTLp~WV" (cf. v. pol. milosirdy"misricordieux"), TAXbKOCp'b,lJ;'b / tfizbkosr'bd'b "au cur endurci, insensible,~apvKdp8LOS". Cf. Trautmann (BSW, p. 302), Humbach (1969, p. 351-353),Gusmani (1982-1983, p. 103-109). Sur le v. slave JIaCKp'b,lJ;o / laskr'bd'b"gourmand, glouton", voir Vaillant (1932, p. 89-90).

    49. Donnes germaniques: Feist (1939, p. 234-235).

    41Catgorie du cas

    opposition dont il reste de nombreux vestiges dans les langues indo-europennes47 :

    - INDO-EUROPEN degr zro *frd- : lat. cor, cordis "cur" ; hitt.gn. sg. kardas, kardiyas "cur"; driv fminin en gr.Kap8(a "cur", gr. homrique Kpa8( Tl *frd-ii{i); drivneutre en V. irl. cride "cur" *frd-jom); driv neutre enslave (diminutif?), v. sI. Cp'hALue / sr'bdbce "cur, Kap8(a,u1T.a yxvov", russe cep.llue / serdce "cur", pol. serce"cur", nt. *frd-iko-)48.

    - INDO-EUROPEN degr plein *ferd-: hitt. loc. sg. ki-ir-ti "dans lecur" ; driv nasale en got. hairto (gn. sg. hairtins)"cur, Kap8(a", v. isl. hjarta, v. ang. heorte, ang. heart,vha. herza, aIl. moderne Herz, nt.49 ; driv fm. en slave,v. sI. cpt.lla / sreda "milieu, centre, j.l.crov", russe cepe,llHlla/ seredina, slavonisme cpe.lla / sreda "centre, milieu", s.-cr.srijda "milieu, mercredi", tch. stfeda "mercredi", pol.srodek "milieu, centre", sroda "mercredi, Mittwoch" *ferd-a). Le sens de "mercredi" s'explique, en slave,comme un calque du vha. mittawcho "Mittwoch", lui mmefond sur le latin media hebdomas (cf. v. ital. mezzedoma).

    Les formes du baltique oriental se singularisent toutefois par leurintonation rude constante, qui incite reconstruire d'anciennes diphtongueslongues. Le lituanien sirdis (ace. sg. srdD et le letton sifds ne peuvent en

    Catgorie du cas40

  • 50. Cf. Trautmann (BSW, p. 302), Watkins (1965, p. 117), Stang (1966,p. 158), Szemernyi (1970, p. 520 = 1987, p. 177), Smoczynski (2000b, p. 21,note 16; 2001, p. 121-122).

    51. Cf. Lehmann (1952, p. 31).

    effet procder que d'une fonne baltique *frd-, non de *s1rd-, qui pourraitseul reflter un prototype indo-europen */ird-, mais aurait d aboutir enlituanien un accusatif sg. *siFdi (cf. lit. pifstas "doigt" < i.-e. *PfS-,v. sI. np'bCTb / pr'bst'b "doigt") et en letton *sirde (cf. lett. pirksts"doigt" < .-e. *PfS-). Pour la mme raison, le lituanien serdis (acc. sg.srd et le letton sefde supposent *serd-, et non *serd-, qui pourrait seulprovenir d'un indo-europen */ierd-, mais aurait d aboutir en lituanien un accusatif sg. *serdi (cf. lit. versti "renverser" < i.-e. *yert-ti-, lat. uerto"tourner") et en letton *srde (cf. lett. vrst "tourner, renverser"< *yert-ti-). L'intonation rude des formes baltiques a reu jusqu' prsenttrois explications:

    - (a) contamination du degr long morphologique .-e. */ier et dudegr zro */ird- > baltique *ser- ::::: *sird-, d'o secon-dairement balt. *ser- ::::: *frd- (-- lit. sirdis , acc. sg. srdi;lett. sifds), au lieu de *slrd-. Cette explication, qui esthistoriquement la plus ancienne, est demeure traditionnelleet trouve encore aujourd'hui de nombreux dfenseurs50 .

    - (b) restitution d'une laryngale interne */ieHrd- > baltique *serd-(-.lit. serdis, acc. sg. srdi; lett. sefde), d'o secon-dairement *sfrd- (--lit. sirdis , acc. sg. sirdi ; lett. sifds).Cette explication, typique des premiers temps de la thorielaryngaliste, n'a t propose que par quelques linguistesisols51 et elle n'est plus gure dfendue aujourd'hui.

    - (c) effet de la "loi de Winter" (1978). Cette loi phontique - quipostule, en baltique et en slave, un allongement (d'intonationrude) des voyelles et diphtongues devant les anciennesconsonnes sonores simples de l' indo-europen - est

    .52. Par exemple Kortlandt (1977; 1985), Young (1990, p. 144), de Lamber-terre (1993, p. 204-205), Derksen (1996).

    53. Par exemple Gercenberg (1981, p. 129), Birnbaum (1985), Schmid(1986a), Strunk (1987), Eichner (1988, p. 87), Campanile (1994).

    43Catgorie du cas

    actuellement l'une des questions les plus controverses de lalinguistique balto-slave. Elle est accepte par de nombreuxsavants52 , mais svrement rejete par d' autres53 , et sadfmition mme reste un objet de dbat. S'agissant du nomdu "cur" en baltique, de nombreux linguistes invoquentactuellement la loi de Winter pour rendre compte del'intonation rude constante qui y apparat. Dans cette analyse,on expliquerait les prototypes baltiques *serd- et *frd-comme les produits d'un allongement rgulier partir d'i.-e.*/ierd- et */ird-.

    D'emble, la seconde explication peut tre rejete, car la prsence d'unelaryngale interne est nettement contredite par les fonnes du degr zro, quisupposent un prototype indo-europen */ird-, aussi bien en grec (gr.Kap8U:r, Kpa8b"j) qu'en latin (lat. cor, cordis) et en v. irlandais (v. irl.cride). La premire explication, qui suppose une contamination entre balt.*ser- .-e. *1ier) et balt. *sird- .-e. */ird-) -- balt. *ser-::::: *sfrd-, estplus plausible; toutefois, elle demeure invrifiable, car on ne connat pasl'intonation de *sird- en v. prussien (dans sirsdau), et, d'autre part, iln'existe aucune trace de *ser en baltique oriental. Plus gnralement, onconoit mal un nivellement analogique qui aurait touch seulement l'into-nation, non le timbre vocalique, dans une famille de langues comme lebaltique o les apophonies radicales casuelles tiennent si peu de place.

    Alternativement, on pourrait concevoir que l'apophonie radicale indo-europenne (*/ier-::::: */ierd- ::::: */ird-) ait t partiellement nivele en proto-baltique (*ferd- ::::: */ird-, d'o proto-baltique *serd- ::::: *sird-, puis,secondairement, par extension du vocalisme long, *serd- ::::: *sfrd-).Toutefois, cette analyse pose elle aussi un problme. Car on voit malcomment le substantif de sens gnral ("cur": lit. sirdis, acc. sg. Sirdi;

    Catgorie du cas42

  • lett. sirds) pourrait avoir reu son intonation rude de l'influence dusubstantif de sens spcifique ("intrieur d'un arbre": lit. serdis, acc. sg.srdi; lett. serde). Certes, on pourrait supposer que ce nivellement a eulieu une poque o *srd- et *sFrd- faisaient encore partie d'un mmeparadigme de sens gnral ("cur"); mais il resterait, dans ces conditions, expliquer comment la variante apophonique *srd- a pu en venir cettespcialisation smantique ("intrieur d'un arbre").

    Reste la troisime explication, qui voit dans l'intonation rude desformes baltiques une illustration de la "loi de Winter". Pour que cettehypothse puisse s'appliquer valablement au nom du 'cur' en baltique, ilconvient d'en prciser deux points. Tout d'abord, il importe de dfmir plusclairement les limites de cette loi phontique, car actuellement elle existe

    sous quatre formulations:

    _ (a) formulation de WINTER (1978): allongement des voyelles etdes diphtongues devant les anciennes consonnes sonoressimples de l'indo-europen dans tous les contextes. La loiainsi formule a t adopte notamment par Young (1990).Kortlandt en a propos trs tt (1978) une rinterprtation"glottaliste", ce qui n'en modifie pas la porte.

    _ (b) formulation de SHINTANI (1985) : allongement des voyelles etdes diphtongues devant les anciennes consonnes sonoressimples de l'indo-europen seulement en position pr-tonique. Cette limitation particulire de la loi de Winter a taccepte notamment par Rasmussen (1992a) ; elle a tcritique par Kortlandt (1988, p. 387-396).

    _ (c) formulation de MATASOVI (1995): allongement des voyelleset des diphtongues devant les anciennes consonnes sonoressimples de l'indo-europen seulement en syllabe ferme.Cette limitation particulire de la loi de Winter a t acceptenotamment par le LIV (1998, voir p. 53, racine *bhegW_) ; ellea t critique par Derksen (2002, p. 5-13).

    - (d) formulation de HOLST (2003) : allongement des voyelles etdes diphtongues devant les anciennes consonnes sonoressimples de l'indo-europen seulement en syllabe tonique.Cette limitation particulire de la loi de Winter, inverse decelle de Shintani, a t tablie sur des bases fragiles, avec uneconnaissance parfois errone des donnes linguistiques (ainsi,lit. vanduiJ "eau" est mentionn comme contre-exemple laloi de Winter, sans tenir compte de l'intonation rude del'accusatif vmdeni !).

    S'agissant du nom du "cur" en baltique, aucun argument dterminantne permet de prendre position sur la validit de l'une ou l'autre de cesvariantes de la "loi de Winter" ; on vitera, par consquent, ici d'entrerdans ce dbat. Et, du reste, que l'on s'en tienne la variante large de la loide Winter ou une variante plus limite dans son extension, la gense duvocalisme long attest dans les formes baltiques *srd- et *sfrd- peutdifficilement s'expliquer autrement que par un effet de cette loi. On est.alors amen poser trois radicaux pour le proto-baltique:

    - *ir- (en vieux prussien)

  • Cette analyse pourrait tre modernise de la manire suivante54 :

    54. Cf. Pinault (verbalement). Voir aussi Rieken (1999, p. 52-56), Larsson(1999, p. 65-66). Noter la forme alternante *1red- dans i:-e. *1ir~d-d'~hl- "placerdans son cur, croire" (vd. sraddadhiiti, lat. credo, V. IrI. cretlm) ; Il n'e~t pasimpossible que cette forme */red- ne soit qu'une variante de *1ierd- (locatIf) enposition antconsonantique.

    55. Sur le passage au genre masculin, cf. Barschel (1974, p. 183), Petit(2000b, p. 33).

    Mais il serait arbitraire de l'appliquer directement au baltique, qui n'enprsente aucune trace directe. La reconstruction d'un schma apophoniqueapparat difficile quand elle ne peut se fonder, comme ici, que sur desmembra disjecta, lesquels, par dfmition, n'apparaissent qu'isolment, endehors de tout systme, et sont par consquent dpourvus de valeurprobante. Tout au plus peut-on, propos du baltique, proposer deuxconjectures. Le radical *fr-, dpourvu de dentale finale, est clairementsecondaire en vieux prussien dans les formes des cas obliques, quin'apparaissent que dans les Catchismes du xvt sicle et prsentent deuxtraits visiblement rcents, la flexion thmatique (par ex. acc. sg. siran, III,95

    14, sijran, III, 6523) et le genre masculin (cf. acc. pl. masc. sirans, III,

    7719)55. Il est vraisemblable que ces formes des cas obliques sont descrations secondaires, et l'on peut en conclure sans doute qu' l'origine ceradical *fr- tait limit aux cas directs (nom.-acc. sg., cf. v. pro seyr,

    47Catgorie du cas

    - BALTIQUE *peuf-, *puf- "pin"56: lituanien: pullS "pin", fm. (gn. pl. dial. pul~), cf. gn. sg. dial.puls Tverecius.

    . 56. Trautmann (BSW, p. 232-233), Fraenkel (LEW, l, p. 679-680), Saba-hauskas (1990, p. 42-43), MaZiulis (PKEZ, III, p. 277-278), Ademollo-Gagliano(1992, p. 154). Cf. LKZ (X, p. 1108).

    E 124). Cette hypothse serait directement confirme par les donnes duhittite, o le radical *fr- n'apparat qu'au nominatif-accusatif sg. (hitt.ki-ir). Un autre trait frappant est la spcialisation smantique du thme* ferd-, qui, aussi bien en slave (*serd-ii) qu'en baltique (*serd-(i}-),n'apparat qu'avec un sens divergent "centre, milieu" (en baltique "centred'un arbre, intrieur d'un arbre"). Il n'est pas impossible que cette vo-lution smantique ait touch d'abord une forme de locatif, par exempledans une locution "au cur de..." > "au centre de..." (cf. russe cpemt/ sredi "au milieu de", prposition + gnitif). On pourrait alors supposerque le thme *ferd- tait l'origine celui du locatif, une hypothse queviendraient cette fois encore confIrmer les donnes du hittite (hitt. loc. sg.ki-ir-ti "dans le cur"). Au-del de ces observations, qui n'ont aucuncaractre de certitude, les langues baltiques ne permettent pas dereconstruire, pour le nom du "cur", quelle tait la distribution desvariantes apophoniques dans un paradigme alternant. Elles permettentcependant d'en supposer l'existence et montrent que l'apophonie radicalecasuelle tait encore possible en proto-baltique, mme si elle n'apparatplus clairement date historique.

    Outre le nom du "cur", quelques autres anciens noms-racines enbaltique peuvent encore prsenter, sous la formes de membra disjecta, desvestiges d'apophonies radicales. Mais leur interprtation est moins claire etleur reconstruction n'a rien d'assur. SkardZius (1956, p. 162 = RR(S), IV,p. 679) mentionne les cas suivants:

    Catgorie du cas

    SINGULIER COLLECTIF

    NOM.-ACC. ? *1ir

    GN. *1ird-~s

    DAT. *qd-i

    LOC. *frd-(i)

    DAT. * frd-i *1ird-bh-

    LOC. *1ird-i *1ird-su

    46

  • 57. Gerullis (1922, p. 121).58. Trautmann (BSW, p. 233), SkardZius (1943, p. 50; 1956, p. 159 et 162).

    Autre analyse: Smoczyftski (2000a, p. 120).59. Chantraine (DELG2, p. 893), Klingenschmitt (1982, p. 167), lsen

    (1999, p. 26).

    le letton a une autre dsignation: pride "pin", fm. (cf. toponymev. pro Proyden, Gerullis, 1922, p. 136).

    On part traditionnellement58 d'un nom-racine paradigme alternant: degrplein *peJJK- > balt. *peus- (v. pro peuse, pass la flexion en *-, cf. lit.dial. serd, lui aussi adaptation d'un ancien nom-racine), vs. degr zro*PUK- > balt. *pus- (lit. pulis, pass la flexion en *-i- partir de la formed'ace. sg. *PUK-1p. > balt. *pus-in > lit. ace. sg. pl{, d'o nom. sg.secondaire puss). Plus prcisment, MaZiulis (PKEZ, III, p. 278) supposeun ancien paradigme alternant en proto-baltique, avec nom. sg. *peus-s i.-e. *pJJK-S) et gn. sg. *pus-es i.-e. *puf-s). Mais les autreslangues indo-europennes n'offrent pas trace d'un nom-racine: le grecprsente un driv fminin suffixe *-ii (gr. lTEUK1l "pin parasol" < i.-e.*peYK-ii), le-germanique et le celtique un driv fminin suffixe *-tii (vha.fiuhta, all. Fichte "pin" < i.-e. *peYK-tii; cf. m. irl. ochtach "pin" < i.-e.*puK-tiiko-). l'origine, il doit s'agir d'une dsignation qualificative dupin comme "piquant" ou "amer", cf. gr. lTEUKellI..lOS "aigu, pntrant",lTEUKE8avos "qui pique, amer", XElTEutdjS "aigu, perant" ( qui supposevraisemblablement un an-cien thme sigmatique *lTEUKOS, -ouS), arm.p'owl"aiguille" i.-e. *PUK-JJO-)59.

    60,_Trautmann (BSW, p. 63), Mlenbachs-Endzelns (ME, 1, p. 520-521),Endzelms (DI: .111.1, p. 531), Fraenkel (LEW, 1, p. 112-113), Sabaliauskas (1990,p(. 56-57), MazlUhs (PKEZ, 1, p. 182-184), Toporov (PrJ, 1, p. 309-310), Larsson1999, p. 56-58), Smoczyftski (2001, p. 130-131). Cf. LKZ (II, p. 901-902).

    Donnes balto-slaves: Vaillant (GeLS/., II/l, p. 167-168), Vasmer (1953-1958~, p. 330). Donnes germaniques: Feist (1939, p. 117). Sur la flexion du mottdo-euroPen, voir l'analyse complte de Griepentrog (1995, p. 117-152, sures formes baltiques, cf. p. 143-144).

    " 61. L'occlusive non-aspire pose problme. Influence du numral dvdeux"? ou dissimilation d'aspires dans les cas dsinence en *-bh-? Cf

    Mayrhofer (KEWA, II, p. 83), Griepentrog (1995, p. 137).

    49Catgorie du cas

    Maziulis (PKEt, l, p. 183) s'appuie sur l'alternance vocalique qui opposele prussien *dvaris et le lituanien drys pour supposer un ancien nom-racine alternant en proto-baltique: nom. pl. *dvares (-+ ace. pl. secondaire*dvar-ins, d'o le passage la flexion en *-i- dans v. pro *dvars, transmissous la graphie dauris); ace. pl. *durins (> lit. duris, ace. pl., d'o nom.pl. secondaire drys au lieu de dres, conserv dialectalement). La recons-truction de ce nom-racine (i.-e. *d'yor-, *d'ur-) est appuye par le sanskritvdique (nom. pl. dvral) "porte", ace. pl. duraI), duraI), nom. du.dvrii(u))61, le germanique (vha. turi "TOr, porte", V. isl. nom. pl. dyrr"porte", gn. pl. dura < i.-e. *d'ur-es), l'italique (lat. fors "porte", pl.< *d'JJor-es, avec fmale refaite), et, de manire rsiduelle, par le grec (gr.arcadien 8upBa' w, 'ApKelES "dehors", Hsychius < *8up-8a ; gr. dial.8uaSEv "en dehors", Tge < *Svp-a8Ev; peut-tre gr. 8upa(E "dehors",s'il provient de *8upaa-E). Ailleurs, on trouve diverses formes suffixes

    - BALTIQUE *dvar-, *dur- "porte,,60: lituanien: drys "porte", fm. pl. (gn. pl. dr1/-), cf. lit. dial.nom. pl. dres. letton: drvis "porte", fm. pl. (gn. pl. drvju et duru). v. prussien: dauris / grosthor "porche" (E 211), sans doute fautepour *dvaris (nom. pl. *dvars, d'un thme en *-i-) et, pour le sens,peut-tre une interversion avec le lemme prcdent warto / thoere"porte" (E 210). Le lemme prussien doit probablement tre lucomme *dvaris / thdre "porte".

    Catgorie du cas

    v. prussien: peuse / kynbaem "Kiefer, pin" (E 597), toponymesprussiens Peusebalten (attest en 1419), Pewselauk (attest en1333)57.

    48

  • 62. Voir Griepentrog (1995, p. 145). Autre analyse des faits armniens chezOlsen (1999, p. 129-130): le nominatif singulier dowrn serait le re~~t d'u~eforme drive de sens possessif *cfur-h30n (avec "suffixe de Hoffmann) tandISque le gnitif singulier dran procderait de *tl'ur-h3n-6s . Sur la forme depluriel dowrk: cf. aussi Olsen (1999, p. 60).

    63. Sur lit. dviras, cf. Skardzius (RR(S), IV, p. 126), Maziuli~ ~1960, p. 205-209), LKZ (II, p. 936-937). Noter que Larsson (1 ~99, P', ~7) conSIdere le mot noncomme un emprunt au slave, mais comme un lexeme hent.

    qui ne se laissent pas ramener l'unit, par exemple un thme en *-i- enslave, parallle celui qui s'est dvelopp en baltique (v. sI. ,l:lBbpb / dvUb"porte, eupa, TTTJ", pl. ,QBbpn / dvbri, russe ,ll,Beph / dver' "porte", pol.drzwi "portes", pl., mtathse de *dwrzi < sI. *dvlr-l- < i.-e. degr zrosecondaire *d'y[-, avec une syllabation qui rappelle celle du gr. emp6s"gond d'une porte", masc. < gr. *eFap-yos); un thme en *-0- en indo-iranien (avest. duuar-, duuara- "porte", v. pers. duvara- < *d'yor-o-), enceltique (v. irl. dor "porte" < *d'yor-o-), en germanique (got. daur "porte,TTTJ, iTuwv, epa", nt., aIl. Tor "porche", nt. < *d'ur-o-) et en tokharien(tokh. B twere "porte"

    51Catgorie du cas

    reprsentant de cette forme thmatique *dvaras (ce qui serait graphi-quement possible64), car le mot prussien a bien le sens primaire de "porte",non le sens driv de "cour". Les donnes baltiques permettent donc,semble-t-il, de reconstruire un ancien nom-racine paradigme alternant.Mais la restitution de cette apophonie repose entirement sur les donnesdu prussien, qui demeurent en dfmitive peu assures65

    - BALTIQUE *sii/-, *sa/- 'se1'66 : vocalisme long reflt indirectement par le lituanien *sol- danssolymas "saumure" (le "sel" est en lituanien drusk < "miette", cf.lett. druska "miette, petit morceau")67 ; sur le letton sls "sel", cf.plus bas. vocalisme bref reflt par le slave *sol-l "sel", thme en *-i- :v. sI. COJIb / solb "sel, as", s.-cr. s "id." (gn. sg. sli), russeCOJIb / sol' "id.", pol. sol "id.". v. prussien: le vieux prussien a sali / saltz "sel" (GrG 39), sai(GrA 60), sai (GrF 83), salli (GrH 83), gnralement ~terprtcomme un polonisme pol. sol), mais o Maziulis (PKEZ, IV,p. 42) a propos de voir un mot baltique hrit (*siilis ou salis)68.

    64. Cf. pour la finale v. pro deywis / gol "dieu" (E 1) < i.-e. *deiJ/os, lit.divas.

    65. Autre analyse chez Smoczyfiski (2000a, p. 120), qui interprte leprussien dauris comme *duris (analogue au lituanien drys) , malgr l'absencede parallle graphique.

    66. Trautmann (BSW, p. 249), Mlenbachs-Endzelfns (ME, IV, p. 802-803),Karulis (1992, II, p. 151), Fraenkel (LEW, II, p. 749), Maziulis (PIt, IV, p. 42-43), Larsson (1999, p. 60-62).

    67. Cf. Bga (RR(B), l, p. 372), LKZ (XIII, p. 289).68. Dans le mme sens, voir Vykypel (1998, p. 166).

    Catgorie du cas50

  • 69. Selon Kortlandt (1985, p. 119), Beekes (1985, p. 57) et Lubotsky (1989,p. 60), le slave *so/- proviendrait de l'indo-europen *Sh2-e/- . .L'hy~othsen'est pas impossible, mais un degr zro gnralis *sh2/- conviendraIt toutaussi bien. La reconstruction d'un paradigme hystrodynamique (nom. sg.*sehr/-s, ace. sg. *sh2-e/-m, gn. sg. *sh2-/-os) manque d'appui rel dans leslangues indo-europennes.

    70. Cf. Benveniste (1935, p. 8). Sur la forme armnienne, cf. Olsen (1999,p. 86-87). Sur la forme tokharienne, cf. van Windekens (1976, l,. p. 417),Hilmarsson (1987, p. 46 et 48-49) : je dois ces rfrence~ G.:J. ~mault. r:vocalisme du vdique sa/-i-lQ- "sal" pose problme, malS ne Justifie pas, amon sens, de reconstruire un radical voyelle *t fondam~ntale : *sal-, vs.*sa/-. Une solution de facilit consisterait videmment partIr de *s h2el- pourexpliquer la forme vdique.

    proto-sI. *sQ/- > slave *sol-)69. On notera que le letton s ls "sel" supposeune intonation douce, pour laquelle deux explications sont a prioripossibles: mtatonie douce dans une forme monosyllabique (cf. Larsson,1999, p. 62, suivant Rasmussen); reflet d'un degr long morphologique(i.-e. *sh21- > proto-balt. *saHI- > balt. *sal-, avec coloration, mais sansmarque intonative laisse par la laryngale) selon Kortlandt (1985, p. 119;1997, p. 26, cf. dj Stang, 1966, p. 161, sans analyse laryngaliste). Lesdeux solutions posent des problmes. Malgr la difficult pose par laforme lettone, il parat vraisemblable que le balto-slave a conserv deuxvariantes apophoniques du radical, la forme forte *seh21- > proto-balt.*saHI- (lit. s6lymas, et peut-tre lett. sls) et la forme faible *sh21- > *sal-(> sI. *sol-). Le degr bref *sQ/- pourrait avoir t conserv galementdans un driv comme lit. isalas "douceur" (LKZ, IV, p. 145, cf. lett.iesls "malt", ME, Il, p. 61), mais celui-ci ne tmoigne pas ncessairementd'une apophonie radicale dans le nom-racine dont il drive. Dans les autreslangues indo-europennes, seul le vocalisme bref est attest: on a untmoignage direct de l'ancienne flexion radicale en grec (gr. is- "sel, mer",gn. sg. os-), peut-tre en armnien (arm. al "sel") et diverses formessuffixes ailleurs, *sal-i- (> lat. sai, salis "sel", v. irl. sail- "sel", cf. aussitokh. A. sale, B salyiye "sel" < thme largi *sali-n) et *sal-d- (> got.salt "sel, ius-")?O .

    71. Trautmann (BSW, p. 335), Mlenbachs':Endzelfns (ME, II, p. 122),Fraenkel (LEW, 1, p. 198), Sabaliauskas (1990, p. 48), Maziulis (pJZ, II, p. 54-56), Toporov (PrJ, III, p. 93-97), Bga (RR(B), II, p. 266-276), Smoczynski(2001, p. 103). Cf. LK2 (IV, p. 315 et 430-432). Cf. aussi Vaillant (GCLS!., II/l,p. 139), Darms (1978, p. 435).

    53Catgorie du cas

    Skardzius (1956, p. 161-162 = RR(S) , IV, p. 679) mentionne encore unautre lexme baltique, qui pourrait tmoigner d'une apophonie radicaledans la classe des noms-racines. Cependant, l'analyse qu'il en proposen'est pas entirement assure. Le mot qu'il cite n'appartient pas en effet la flexion consonantique, mais peu prs constamment la flexion en *-a.En revanche, il prsente en baltique une variation apophonique: SkardZiuss'appuie sur ce caractre pour supposer qu'il prolonge un ancien nom-racine paradigme alternant. Le raisonnement est quelque peu circulaire: si l'onveut tudier l'apophonie dans les noms-racines, on ne peut se fonder surl'apophonie pour reconstruire des noms-racines; cela revient confondre lersultat de la recherche avec sa mthode. En l'occurrence, cependant, il estpossible que SkardZius ait raison. Voici le lexme en question:

    - BALTIQUE *jliUT-, *jUT- "mer,,71 : lituanien: jra "mer", fm. (lit. dial. jrios, jrs, fm. pL). letton :jra, jra , v. lett.jre "mer", fm. v. prussien: wurs / tych "tang", E 61 *ras), irin "mer", III,1071 ; III, 11916 (acc. sg.), luriay / mer "mer", E 66 (lire *iuriay). lituanien: jaura "marcage", fm. emprunt baltique en finnois jiirvi "lac", estonien jiirv, lapponjavrre, live jra (suppose balt. *jaur, cf. lit. dial. jaur).

    Deux analyses sont possibles. On pourrait, dans un premier temps, tretent de reconstruire, sur la base des faits baltiques, un ancien substantif suffixe -r- en indo-europen, secondairement interprtable comme nom-racine: *h1eJJH-r-, vs. *h1uH-r- "tendue humide". Du degr plein*h1ellHr- proviendrait le baltique *jur- (lit. jaur-a "marcage"), du degrzro *h1uHr- le baltique *r- (v. pro wurs "tang"), qui aurait t refait en*jur- d'aprs le degr plein *jaur- (lit. jra "mer", etc.). Il existerait des

    Catgorie du cas52

  • 4. CONCLUSION: L'APOPHONIE RADICALE

    DANSLESNOM~RACThS

    Les noms-racines prsentaient donc encore en proto-baltique un petitnombre de vestiges d'apophonie radicale. On peut reconstruire avec une

    72. Donnes gennaniques: Feist (1939, p. 527).73. En faveur de cette hypothse, on rappellera que le prussien a lui-mme

    deux mots nettement distincts (iurin "mer", wurs "tang").74. Winter (1965b, p. 202) pose un driv inverse sur la ba~e de l'adjectif

    tokh. A wrirrr (obI.) "aquatique", B wriye~~e "aquatique" l.-e. *udriio-).Dossier tymologique chez van Windekens (1976, l, p. 557).

    55Catgorie du cas

    III. NOMS (ALPHA-)THMATIQUES ET APOPHONIE RADICALE

    La mme analyse vaut pour les autres formations nominales. Il existaiten indo-europen, en dehors des noms-racines, de nombreuses variationsapophoniques du radical. Notre objet n'est pas ici d'offrir une vued'ensemble des schmas apophoniques que l'on reconstruit au niveau del'indo-europen, mais, plus simplement, d'examiner ce qui a pu rester deces anciennes alternances dans les langues baltiques. D'une maniregnrale, l'uniformit de thme prvaut en baltique comme ailleurs. Ondistinguera ici deux catgories: (a) les substantifs thmatiques etalphathmatiques, dans lesquels, ds l'indo-europen, une apophonieradicale tait exceptionnelle et toujours secondaire ; (b) les substantifs ath-matiques, o les variations apophoniques sont attestes avec une certaineclart.

    Les substantifs thmatiques (thmes en *-0-) sont caractriss dsl'indo-europen par une absence de variation apophonique l'intrieur deleur paradigme: le degr vocalique dtermin par la formation restetoujours identique au cours de la flexion. On a par exemple un degr *-0-

    "cur" (balt. *ir ~ *ird- ::::; *ird-), "pin" (balt. *peuS-~ *pui-),"porte" (balt. *dvar-::::; *dur-), "tendue humide" (balt. *jiiur-::::; *jr-), peut-tre "sel" (balt. *siil- ::::; *sa/-).

    Tous ces tmoignages plus ou moins clairs d'apophonie radicale en proto-baltique prsentent un trait commun: l'apophonie n'apparat nulle part l'intrieur d'un mme paradigme; elle n'est plus atteste qu'indirectement, travers des lexmes indpendants. Cette restriction incite la prudencedans la reconstruction de paradigmes alternants en proto-baltique. D'autrepart, elle nous renseigne sur l'tat de l'apophonie paradigmatique dans cettefamille de langues: ce type d'apophonie n 'y est plus vivant et ne s'yrencontre plus que sous la forme de fossiles. En synchronie, il n'y joueplus aucun rle.

    certaine vraisemblance les cas suivants:

    Catgorie du cas

    correspondants en germanique (v. isl. ur "pluie fine", v. ang. ar''mer'')72 ; le latin prsenterait, quant lui, un driv (lat. r-na "urine").Dans cette analyse, trois sries de formes posent un problme: l'annnienJowr "eau" (thme en *-0-, cf. gn. Jroy), qui suppose un radical .-e. *jr-,incompatible avec la reconstruction ici propose; le grec opov ''urine'',nt., sans doute indpendant (driv inverse de opw "uriner" < *Fopaw,itratif, cf. vd. var~ati "pleuvoir", racine *h2uers- ?); le vdique vr, vri"eau", nom-racine de genre neutre .-e. *JJeh1r-). Une hypothse alter-native, et sans doute prfrable, consisterait supposer l'existence, en indo-europen, de deux formes tymologiquement distinctes73 : d'une part, unsubstantif*jeuH-r-, vs. *juH-r-, qui survivrait en baltique (lit.jaura,jra)et en annnien (Jowr); d'autre part, un substantif *uehl-r-, vs. *uh1-r-, quisurvivrait, sous la forme du degr plein, en indo-iranien (vd. vr, vri"eau"), en anatolien (louv. warsa-), ainsi qu'en celtique (v. irl. fir "lait"< .-e. *JJehrr-, le celtique prouvant *-h1-), et, sous la forme du degr zro,en v. prussien (v. pro wurs "tang"), en germanique (v. isl. ur "pluie fine")et indirectement en latin (lat. r-na "urine"). Le tokharien A wiir, B war"eau" est ambigu: il pourrait reflter un tokharien commun *wiiHiir issude *uhr [, comme me le suggre G.-J. Pinault ; d'autres analyses ont tproposes74 Quelle que soit l'explication retenue, le baltique parat avoirconserv la trace d'une apophonie radicale (lit.jaura, vs.jra).

    54

  • Elle a t limine partout ailleurs, au profit du degr plein :

    - en armnien: arm. kin "femme" i.-e. *gWen-(e)h2), instr. sg.kanamb (rfection, d'aprs aramb, instrumental de ayr"homme", d'un plus ancien *kanaw < i.-e. *gWn-eh2-bhi)77.

    - en celtique: v. irl. ben, gn. sg. mna "femme" nom.*gWen-(e)h2, gn. *gWn-ehrs), cf. forme archaque de genreneutre v. irl. b "femme" i.-e. *gWen ou *gWn), gn. sg.be, b i.-e. *gW en-s), dat. sg. bein, b i.-e. 1oc.*gWen-(i).

    57Catgorie du cas

    78. Trautmann (1910, p. 337 ; BSW, p. 84), Maiiulis (PKEZ, J, p. 351-352),Toporov (PrJ, II, p. 207).

    - thme *gWn_il_, d'o gr. yuvi] "femme" (gn. sg. yuvalKS-), gr.botien ~ava ; vd. gn. sg. gns (dans gns pati- "marid'une desse"), d'o paradigme secondaire gn- "desse".

    - thme *gWen-a-, d'o tokh. A siiTfl, B sana "pouse" *gWen-h2,mais obI. A siiTfl, B sana < ace. *gWen-ehrm); vd.jani"desse" (secondairement Joni), avest. jaini_ "femme" (ace.pl. jainis) ; v. sI. )lHa / zena "femme, pouse, yuvfl" ; v. progenna, cf. infra; peut-tre hitt. kuinnassan "sa femme"; avecsuffixe nasal secondaire: got. qino "femme, yuvT)", v. isl.kona "femme", vha. quena "femme", v. ang. cwene, ang.(archaque) quean "prostitue, femme lgre" ; degr longsecondaire dans le germanique *kwni- (got. qens "femme,pouse, yuvrl", thme en *-i-, v. isl. kvan "pouse", v. ang.cwn, ang. queen "reine"),

    Comme le montrent les diffrentes formes casuelles attestes dans les

    En baltique, la forme ne survit plus qu'en vieux prussien:

    - BALTIQUE *geml "femme,,78 : v. prussien genno / wip "femme" (E 188); gema / fraw"femme" (GrG 50, lire *genna); gemia / hausfrau "femme"(GrA 21, lire *genna); gemia / mater familias (GrF 12, lire*genna); ace. sg. gennan "femme" (7x Catchismes, par ex.111,373), gannan (4x Ille Catchisme, par ex. III, 35 18); gn.sg. gennas (III, 872 ; III, 10322); nom. pl. gennai ( III, 93 12),gannai (III, 10320 ; III, 10325); ace. pl. gennans (III, 935 ; III,1036), gannans (III, 103 15); dat. pl. gennilmans (III, 93 11).Drivs: genneniskan / weibischen ''personne effmine" (III,936).

    ou du degr zro :

    Catgorie du cas

    75. Sur le nom indo-europen de la "femme", voir un essai dereconstruction chez Schindler (1972, p. 33), Hamp (1979a, p. 1-7), Hardarson(1987b, p. 115-137), Jasanoff (1989, p. 135-141), Rieken (1999, p. 39-41). Voiraussi Brugmann (1907-1908), Meid (1966, p. 271-272). Sur les formesceltiques, cf. Campanile (1976-1977, p. 21-28), Ahlqvist (1980, p. 156-163), deBernardo Stempel (1987, p. 82-84). Sur les fonnes gennaniques, cf. Feist (1939,p. 386 et 388). Sur le tokharien, voir Pinault (1989, p. 5