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  • Henrik Prebensen:

    APERU DE L'ANCIEN FRANAIS

    (2e dition) Institut d'tudes Romanes Universit de Copenhague 2000

    Table des matires

    Aperu (1) de l'ancien franais (Premire apparition du franais VeXe sicles: les premiers textes)Aperu (2) de l'ancien franais (Posie pique XIe sicle: Chanson de Roland)Aperu (3) de l'ancien franais (Posie pique (suite) XIIe sicle: Cycle de Guillaume au court nez, Plerinage deCharlemagne)Aperu (4) de l'ancien franais (Littrature courtoise XIIe sicle. Broul, Thomas: Tristan, Marie de France, Chrtien deTroyes)Aperu (5) de l'ancien franais (La prose XIIIe sicle. Guillaume de Tyr, Villehardouin)Aperu (6) de l'ancien franais (La prose (suite) XIIIe sicle. Un procs sous Louis IX)Aperu (7) de l'ancien franais (La posie lyrique en langue d'Ol - XIIe sicle: Gace Brl, Chtelain de Coucy)

    Aperu (8) de l'ancien franais (La posie franaise (suite) - XIIe et XIIIe sicles: Colin Muset, Conon de Bthune, anonymes,Thibaut de Champagne, Adam de la Halle, Rutebeuf) Aperu (9) de l'ancien franais (La posie franaise (suite) - XIVe et XVe sicles: Guillaume de Machaut, Eustache Deschamps,Christine de Pisan, Charles d'Orlans, Franois Villon)

    1. Introduction

    1.1. Les langues romanes

    Toutes les langues romanes viennent du latin, langue indo-europenne, issue de la famille des languesitaliques, qui s'est impose dans la partie occidentale de l'Empire Romain et au nord du Danube, en Dacie(la Roumanie actuelle), au dpens notamment du celtique (par exemple le gallois). Dans la majeure partiede l'Empire d'Orient (Byzance), o domine la culture hellnistique, le grec a mieux rsist au latin.

    Avec les invasions barbares, les diffrentes parties de l'Empire Romain furent peu peu isoles l'une del'autre et du centre. D'abord la Dacie fut abandonnee aux Goths (+271), ensuite les diffrentes provincesdevinrent de plus en plus autarciques avant de tomber entre les mains de peuples germaniques: Goths,Vandales, Lombards, Burgondes et Francs. Le parler populaire, le latin vulgaire ou bas latin, djdistinct du latin littraire ou latin classique, se diffrencia dans les provinces isoles. Seule l'glise,devenue institution d'tat par l'interdiction du paganisme par Thodose en 391 (v.http://www.fordham.edu/halsall/source/theodcodeXVI.html ), put maintenir une certaine unit de lalangue latine et une certaine culture classique. Le proto-roman (nom donn par les philologues lalangue parle du haut Moyen ge) se scinda d'abord en sarde et en roman continental. Le sarde est lalangue romane la plus conservatrice, c.--d. celle qui a le mieux conserv la forme linguistique du latin.Les autres langues romanes se diffrencirent leur tour. Une distinction trs importante est celle quirsulte entre les langues romanes occidentales, o l'-s final du latin se maintient, et les langues romanesorientales, par exemple l'italien, o l-s final est perdu. Ainsi les dclinaisons nominales deviennent trsdiffrentes. Voici d'abord un schma montrant la dclinaison de l'adjectif latin purus, fr. pur, ensuite unecarte montrant la diversit linguistique de la Romania, et enfin un stemma montrant la diversification deslangues romanes

    Latin:

    Masculin Fminin

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  • Singulier Pluriel Singulier Pluriel

    Nominatif purus puri pura puraeAccusatif purum puros puram puras

    Italien:

    Masculin Fminin

    Singulier Pluriel Singulier Pluriel

    puro puri pura pure

    Ancien franais:

    Masculin Fminin

    Singulier Pluriel Singulier Pluriel

    Cas sujet purs pur pure puresCas oblique pur purs pure pures

    Franais moderne:

    Masculin Fminin

    Singulier Pluriel Singulier Pluriel

    pur purs pure pures

    Les autres langues romanes occidentales, c.--d.l'espagnol, le portugais, le provenal, le catalan parexemple ont galement des pluriels en -s.

    Figure 1: La Romania. Encyclopdia Britannica 1999

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  • Figure 2: Typologie historique des langues romanes. Encyclopdia Britannica 1999

    1.2. Linguistique historique et typologie des langues

    Le latin non-classique dans sa version gallo-romaine a fourni la base principale du franais, qui a hritde lui la plus grande partie de son vocabulaire et de sa structure grammaticale. Le latin littraire, quicontinuait tre utilis dans l'enseignement, dans l'administration et dans la jurisprudence, n'a jamaiscess d'influencer le franais, qui a trouv dans le latin classique une source de renouveau et un idal deperfection et de clart formelles. Au Moyen ge, on considra le latin comme reprsentant l'essence de lalangue, donc comme ternel, immuable, rgulier, alors que les parlers vulgaires taient contingents,altrables, remplis d'impurets et d'imprcisions. Le latin tait le seul idiome imaginable dans les genresnobles, l'glise, l'universit, au prtoire, dans les chancelleries, alors que li romanz, le roman, n'taitaccept que dans la vie quotidienne et dans la littrature de divertissement, c.--d. la posie d'amour, leschansons de geste, les romans (qui ont reu leur nom de l'idiome dans laquelle on les a crits), lesnouvelles, les pices de thtre. Ce ne fut qu' la Renaissance qu'on commena considrer les languespopulaires comme comparables au latin, Dante pour l'italien, les auteurs de la Pliade pour le franais, eten 1539, avec l'dit de Villers-Cotterts, Franois Ier (1515-47) ordonna le remplacement du latin par lefranais comme langue de juridiction partout dans le royaume de France.

    On distingue dans l'volution du franais quatre stades.

    1. l'ancien franais (842-v. 1350),

    2. le moyen franais (v. 1350-v. 1600),

    3. le franais classique (v. 1600- v.1800) et

    4. le franais moderne.

    Du point de vue de la lingustique historique, les langues romanes constituent un cas particulier,puisqu'on peut suivre assez exactement leur volution depuis un point de dpart, le latin, jusqu'aux pointsd'arrive (franais, espagnol, italien, etc.) Normalement, l'tude de l'histoire d'une langue implique laconstruction purement hypothtique des tymologies par la comparaison des formes actuelles, sanspossibilit de vrification. En linguistique romane, les tymologies sont souvent l, dans le latin. Cecin'exclut pas, videmment, l'existence de trous noirs. Notamment, on ne sait pratiquement rien de prcissur ce qui s 'est pass sur le plan linguistique entre 450 et l'apparition des premiers textes en franais aux9e, 10e et 11e sicles.

    1.3. La priode obscure 450-850. De la basse latinit aux premiers textes franais

    400 ans sparent le latin vulgaire ou bas latin du premier texte en ancien franais. La Gaule futprobablement compltement romanise vers 400. La pntration du latin est due la classe possdante,qui imita l'aristocratie romaine et participa la vie administrative, aux vtrans de l'arme, qui furentinstalls comme colons, et aux gens d'glise. La langue gauloise, appartenant la famille des langues

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  • celtes, disparut sans pratiquement laisser de traces, sauf quelques mots isols appartenant surtout lavie quotidienne, par exemple

    *camisa 'chemise', *camino 'chemin', *blato 'bl', *bracas 'braies',*carro 'char', cf 'charpente', 'charrue', *multone 'mouton', *sudia 'suie,

    mais dont l'tymologie est presque toujours discutable. En tant que substrat, l'influence du gaulois sur lelatin parl en Gaule est en gnral incertaine. Il est cependant possible que la prononciation de la voyellelongue u [] en latin, [y] en franais soit due l'influence du gaulois.

    Il y a de bonnes raisons de croire que jusque vers 450, la population ait t capable de comprendre le latinvulgaire, par exemple de suivre la messe. Sur la sermo vulgaris (le parler vulgaire, c.--d. le latin vulgaire),on sait assez peu de choses. Nous n'avons que quelques inscriptions avec des fautes d'orthographe etde grammaire rvlatrices, quelques mises en garde contre les fautes de langage, la traduction de la Bible,dite La Vulgate par Saint Jrme, termine en 405, et la Peregrinatio Aetheria ad locam sanctam, o une

    religieuse espagnole thria o Egria fait un rcit vivant de son voyage Jrusalem la fin du 4e sicle.Voici un exemple o thria dcrit les difficults linguistiques rencontres lors d'une messe pascale Jrusalem sur le tombeau prsum du Christ.

    XLVII. 3. () quoniam episcopus, licet siriste nouerit, tamen semper grece loquitur etnunquam siriste: itaque ergo stat semper presbyter, qui episcopo grece dicente siristeinterpretatur, ut omnes audiant [ut omnes audiant] quae exponuntur.

    4. Lectiones etiam, quecumque in ecclesia leguntur, quia necesse est grece legi,semper stat, qui siriste interpretatur propter populum, ut semper discant. Sanequicumque hic latini sunt, id est qui nec siriste nec grece nouerunt, ne contristentur,et ipsis exponitur eis, quia sunt alii fratres et sorores grecolatini, qui latine exponunteis. (Source: http://users.ox.ac.uk/%7Emikef/durham/egelat.html)

    Traduction:

    XLVII. 3. () parce que l'vque, bien qu'il sache le syrien, parle nanmoins toujours engrec et jamais en syrien, un prtre est toujours l qui, l'vque parlant grec, traduit ensyrien, pour que tous entendent ce qui est expos.

    4. De mme en ce qui concerne les lectures quelles qu'elles soient, qui sont lues l'glise, parce qu'il faut les lire en grec, il y a toujours quelqu'un qui les traduit ensyrien pour le peuple pour son dification. Et mme, s'il y a des Latins, qui ne saventdonc ni le syrien ni le grec, pour qu'ils ne soient pas tristes, tout leur est galementtraduit, parce qu'il y a des frres et des surs greco-latins qui leur donnent desexplications en latin.

    Deux glossaires, le Glossaire de Reichenau et le Glossaire de Kassel, donnent des renseignements

    prcieux sur la situation linguistique en Gaule au 8e sicle. Le premier, tabli en Gaule du Nord entre 700 et750, traduit du latin en langue vulgaire:

    Latin classique Gallo-roman

    uvas racemos (raisins)

    vorax manducator (mangeur)

    femur coxa (cuisse)

    dem donem (donne subj. donare rempl. dare)

    iecore ficato (foie)

    is ille (il pronom personnel)

    caseum formaticum (fromage)

    Le second est une sorte de parleur qui donne l'quivalent des expressions romanes en germanique. Il estsystmatique: l'homme, les btes, l'habitat, les vtements, etc. Il est crit par un Bavarois,commelemontrentles exemples suivants

    stulti sunt romani les Romains sont stupides

    sapienti sunt paioari les Bavarois sont intelligents

    modica est sapientia in romana plus l'intelligence est modique chez la

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  • modica est sapientia in romana plushabent stultitia quam sapientia

    l'intelligence est modique chez laRomaine; elles ont plus de stupiditque d'intelligence

    Dans le Glossaire de Kassel, on rencontre les premiers vocables authentiquement romans:

    mantun fr. menton

    auicun fr. oison

    martel fr. marteau

    pulcins fr. poussins

    Aprs 450, un peuple germanique, les Francs, s'emparent de la Gaule septentrionale. En 486 leur roi,Clovis, bat Soissons le dernier reprsentant en Gaule du pouvoir romain, Syagrius. Clovis s'empare del'Aquitaine en 507, aprs s'tre fait accepter par la population gallo-romaine parce qu'il a reu le baptmede l'vque Rmi Reims en 497 ou 498.

    Sous Charlemagne, le concile de Tours (812-813) ordonne aux prtres de traduire leurs sermons et leshomlies in rusticam romanam linguam aut theotiscam, quo facilius cuncti possint intellegere quaedicuntur 'en langue rustique romane ou tudesque pour que les assembles puissent comprendre plusfacilement ce qui est dit.

    1.4 Les serments de Strasbourg 842

    Le premier texte franais est un texte juridico-politique. Il date de 842. En 840 Louis le Dbonnaire, fils deCharlemagne, mourut. Depuis 817 dj, il avait opr plusieurs partages du territoire entre ses fils.Lothaire hritait du titre imprial, Louis, dit le Germanique, de la Bavire, et Charles, dit le Chauve, filsd'un deuxime lit, de l'Aquitaine.

    Figure 3: L'empire de Charlemagne

    Mais ds la mort du pre, les fils se font la guerre. Louis et Charles s'unissent contre Lothaire, qu'ilsbattent Fontenoy en Puisaye, pres d'Auxerre en Bourgogne. L'anne suivante, ils sont nouveau runiscontre Lothaire. Pour sceller leur unit, ils se prtent des serments mutuels, Charles le Chauve enallemand, Louis le Germanique en 'franais'. Puis les deux armes prtent serment, chacune dans salangue galement. L'vnement est relat par Nithard, cclsiastique, petit-fils de Charlemagne et donccousin des protagonistes, dans sa chronique, forcment rdige tout de suite aprs l'vnement, puisqueNithard mourut en 844. La chronique est en latin, mais reproduit le texte des quatre serments en languesvulgaires. En 843, par le trait de Verdun, les trois frres font la paix. Charles devient roi dans l'ancienneGaule, Louis en Germanie, Lothaire reoit la Lombardie et une bande entre les deux royaumes de ses

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  • frres, de la Mer du Nord aux Alpes Maritimes, comprenant la rive gauche du Rhin, la Meuse, et les deuxrives du Rhne, c.--d. les Pays-Bas, la Lotharingie, qui deviendra la Lorraine, la Bourgogne et laProvence. Mais Lothaire garda son titre d'empereur. Aprs sa mort, son territoire se disloqua. L'empirepassa la Germanie. Ne survivra que le duch de Lorraine, autour de Nancy-la-Ducale. La Lorraine seraintgre la France en 1766.

    Figure 4 La Lorraine de l'an 1000, divise en deux duchs, la Haute et la Basse Lorraine. Seule la Haute

    Lorraine survivra au haut Moyen ge. 1996 Centennia

    1.4.1 Le texte de NithardErgo xvi kal. marcii Lodhuvicus et Karolus in civitate que olim Argentaria vocabatur, nunc autemStrazburg vulgo dicitur, convenerunt et sacramenta que subter notatat sunt, Lodhuvicus romana,Karolus vero teudisca lingva, juraverunt. Ac sic, ante sacramentum circumfusam plebem, alter teudisca,alter romana lingua, alloquuti sunt. Lodhuvicus autem, quia major natu, prior exorsus sic coepit:

    Quotiens Lodharius me et hunc fratrum meum, post obitum patris nostri, insectando usque adinternecionem delere conatus sit nostis. Cum autem nec fraternitas nec christianitas nec quodlibetingenium, salva justicia, ut pax inter nos esset, adjuvare posset, tandem coacti rem ad juditiumomnipotentis Dei detulimus, ut suo nutu quid cuique deberetur contenti essemus. ...

    Cumque Karolus haec eadem verba romana lingua perorasset, Lodhuvicus, quoniam major natu erat,prior haec deinde se servaturum testatus est:

    Pro Deo amur et pro christian poblo et nostro commun salvament, d'ist di in avant, in quant Deussavir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre Karlo et in ajudha et in cadhuna cosa, si cumom per dreit son fradra salvar dift, in o quid il me altresi fazet, et ab Ludher nul plaid numquamprindrai, qui, meon vol, cist meon fradre Karle in damno sit.

    Quod cum Lodhuvicus explesset, Karolus teudisca lingua sic hec eadem verba testatus est:

    In Godes minna ind in thes christianes folches ind unser bedhero gehalnissi, fon thesemo dageframmordes, so fram so mir Got gewizci indi mahd furgibit, so hald ih thesan minan bruodher, sosoman mit rehtu sinan bru(d)her scal, in thiu thaz er mig so sama duo, indi mit Ludheren in nohheiniuthing ne gegango, the, minan willon, imo ce scaden werdhen.

    Sacramentum autem quod utrorumque populus, quique propria lingua, testatus est, romana lingua sic sehabet:

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  • Si Lodhwigs sagrament que son fradre Karlo jurat conservat et Karlus, meos sendra, de suo part nlostanit, si io returnar non l'int pois, ne io ne neuls cui eo returnar int pois, in nulla ajudha contraLodhuwig nun li iu er.

    Figure 5: Le manuscrit. Source: http://www.restena.lu/cul/BABEL/T_SERMENTS.html

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  • Oba Karl then eid then er sinemo bruodher Luduwige gesuor geleistit, indi Ludhuwig min herro thener imo gesuor, forbrihchit, ob ih inan es irwenden ne mag, noh ih noh thero nohhain, then ih esirwenden mag, widhar Karle imo ce follusti ne wirdhit.

    Quibus peractis Ludhovicus Renotenus per Spiram et Karolus juxta Wasagum per WizzunburgWarmatiam iter direxit.

    (Nithard, Histoire des fils de Louis le Pieux, dit et traduit par Ph.Lauer, Classiques de l'histoire de France auMoyen ge, Paris, 1926)

    1.4.2 Traduction en franais

    Louis et Charles se rencontrrent donc le 16 fvrier dans la ville qui autrefois s 'appellait Argentaria, maisque maintenant, gneralement, on appelle Strasbourg, et prtrent les serments ci-dessous, Louis enlangue romane, Charles en langue tudesque. Mais avant de prter serment, ils ont parl ainsi au peuplerassembl, l'un en tudesque, l'autre en langue romane. Louis, parce qu'il est l'an, commena le premiersa harangue que voici:

    Combien de fois Lothaire aprs la mort de notre pre s'est prpar dtruire et aller jusqu'aumassacre contre moi et mon frre que voici, est connu. Mais comme ni la fraternit ni la religionchrtienne, ni aucune inclination naturelle, sauf avis contraire, ne pouvaient aider ce que la paixrgne entre nous, nous avons enfin t contraints remettre l'affaire la justice de Dieu tout-puissantpour que par sa volont, l'un et l'autre, nous pouvons tre contents par ce qui est d....

    Lorsque Charles a fait une proraison avec les mmes paroles en langue romane, Louis , parce qu'il estl'an, jure le premier qu'il se sent oblig par ceci:

    Pour l'amour de Dieu et pour le salut commun du peuple chrtien et du ntre, de ce jour en avant,autant que Dieu me donne savoir et pouvoir, je sauverai mon frre Charles que voici, et en aide et enchaque chose, comme de droit on doit sauver son frre, afin qu'il me fasse autant, et je ne prendraijamais de la part de Lothaire aucun plaid (=convention) qui, de mon gr, puisse tre au dam de monfrre Charles que voici.

    Louis ayant termin, Charles s'engage en langue tudesque avec les mmes mots:

    Pour l'amour de Dieu (cf Minnesang) et pour le salut du peuple chrtien et de nous deux, de ces jours

    l'avenir, pour autant que Dieu me donne savoi et puissance, alors je (me) tiendrai avec mon frreque voici comme de droit un homme doit avec son frre, afin qu'il fasse de mme avec moi, et je n'iraisjamais avec Lothaire en quoi que ce soit qui, par ma volont, puisse lui faire du tort.

    Le serment que les deux peuples (c.--d. les deux armes) ont jur aprs, chacun dans sa propre langue,est ainsi conu en langue romane:

    Si Louis respecte le serment qu'il prta son frre Charles, et Charles, mon seigneur, de son ct, nele respecte, si je ne l'en puis dtourner, ni moi, ni quiconque que j'en puisse dtourner, je ne lui seraid'aucune aide contre Louis.

    Et en langue tudesque:

    Si Charles respecte le serment qu'il prta son frre Louis, et Louis, mon seigneur, enfreint celui qu'illui prta, si je ne peux pas l'en dtourner, ni moi ni quiconque que je puisse en dtourner, je ne lesuivrai pas contre Charles.

    Ceci accompli, Louis partit Worms le long du Rhin par Spire, et Charles le long des Vosges parWissembourg.

    (Voir aussi:http://www.lodace.com/histoire/objet/serment.htm )

    1.4.3 Traduction en bas latin du serment de Louis

    Voici pour la comparaison une traduction en latin vulgaire du premier serment de Louis:

    Pro Dei amore et pro christiani populi et nostro communi salvationis, de iste die in ab-ante, in quantoDeus sapientem et potestatem mihi dat, sic salvabo ecc-istum meum fratrem Carolum, et in adjuvamenteet in *cata-una causa, sic quomodo homo per directum suum fratrem salvare debet, in hoc quo illoe mihialterum-sic faciat, et ab Lotharo nullum placitum nunquam inibo quod meam voluntatem ecc-isto meo

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  • fratri Carolo in damnum sit.

    1.4.4 Charactristiques linguistiques des serments

    Un texte du pass, antiquit ou Moyen ge nous est rarement transmis dans sa forme originale. Lapropagation des textes se faisait par des copies produites dans les salles d'criture des monastres. Ainsi,les manuscrits qui nous sont parvenus du moyen ge, ne sont pas presque jamais authentiques mais descopies postrieures parfois de centaines d'annes aux textes originaux. Le rcit de Nithard nous estconnu par le manuscrit Ms BN. lat. 9768, (le Fonds des manuscrits latins de la Bibliothque Nationale,numro 9768), dont le folio 13 comporte les serments (voir page suivante). Ce manuscrit date de l'an 1000.Il est le travail d'un moine de l'abbaye de Saint-Mdard Soissons. Voici la transcription du sermentfranais

    Pro d amur et p xr ianpoblo & nr cmun s

    saluament, dist di e/i n auant, inquantdeus

    savir & podir me dunat: si salvaraieo

    cist meonfradre karlo, & inaiudha

    & in cad huna cosa, sic om p dreit son

    fradra saluar dift. Ino quid il mi altre

    si fazet. Et ab ludher nul plaid nu qua

    prindrai qui meon uol cist meon fradre

    karle in damnosit | Quod cum Lodhuvicus

    romana lingua sic se habet Si lodhu

    uigs sagrament que son fradre karlo

    jurat conservat Et karlus meossendra

    desuopart n lostanit, si ioreturnar non

    lint pois, neio neneuls cui eo returnar

    int pois - in nulla aiudha contra lodhu

    uvig nun li iuer. Teudesca autem lingua:

    Figure 6: Les serments de Louis et de son arme en langue romane

    Le texte franais comporte quelques ajouts nigmatiques. L o le texte germanique a une formule logiqueet grammaticalement correcte so hald ih thesan minan bruodher, soso man mit rehtu sinan bru(d)herscal, le texte franais comporte un ajout illogique smantiquement et syntaxiquement douteux: si salvaraieo cist meon fradre karlo, & in aiudha & in cadhuna cosa, sicum om par dreit son fradra saluar dift. Unverbe, tre (er = serai) par exemple, semble ncessaire. Autre diffrence: noh ih noh thero nohhain, thenih es irwenden mag, widhar Karle imo ce follusti ne wirdhit versus ne io ne neuls cui eo returnar intpois, in nulla ajudha contra Lodhuwig nun li iv er. L'expression n lostanit est un peu nigmatique. Ils'agit peut-tre du vieux franais (vf) obstenir = dfendre.

    Il y a quelques corrections de la main du copiste: dist di en avant a te corrig en in avant, adiudha enaiudha et aiuha en aiudha.

    La phonologie du texte comporte certains traits archaques. Le a tonique est conserv dans fradre,salvar, returnar. Il n'y a pas de diphtongaisons, Deo pour Dieu, poblo pour peuple, meon pour mien, mepour moi. Savir (lat. sapere, avec e long, pour saveir, mf. savoir, cf podir, dift) et amur (lat. amorem,

    avec o long, fr. amour, cf dunat) peuvent signaler un dbut de diphtongaison e [ei], o [ou]. Lesdiphtongues du texte ont leur origine dans la combinaison de deux voyelles latines ou d'une voyelle etune consonne palatalise: dreit directum, plaid placitum,ai (futur) habeo. Le a atone estconserv: aiudha, jurat, conserva, mais il semble correspondre a une voyelle assez indiffrencie, commele e dit muet en franais moderne, cf. fradra fratrem, sendra senior. Les consonnes se maintiennent la finale et l'intrieur des mots: jurat, conservat, parfois sous forme sonorise: savir, podir, cadhuna,fradre, ou mme re-dsonorise: dift debet. Des consonnes de transition apparaissent: sendra

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  • senior. La palatisation des occlusives, k ts a commenc fazet faciat. Karlo/Karle au lieu deCharle(s) donne peut-tre une indication sur la langue maternelle des rois (germanophones et nonfrancophones?), cf. cosa causa, mf. chose. Le scribe emploie parfois (par inadvertance et dansl'absence de norme?) une ortographe carrment latine: in o quid (= en ce que).

    Sur le plan morphologique, on peut noter les pronoms personnels, eo/io ego, mi mihi (un datif qui asurvcu dans quelques rgions), me. Le nominatif il ille/*ill i , l'accusatif l' et le datif li. Lat. iste estconserv dans ist, mais apparat aussi dans cist *ecce-iste. La forme oblique du relatif, cui, devenu mf.qui apparat aussi. Le quisque (quaeque) latin a t remplac par la particule grecque kata+unus:cadhuna *kata-una. L'adverbe int inde a dj une fonction pronominale. Le pronom dmonstratiflatin hoc se retrouve dans in o quid. Les formes du verbe sont: le prsent de l'indicatif et du subjonctif(fazet, sit, ostanit (?), pois), le pass simple (jurat) et le futur, qui apparat sous sa forme romaneanalytique: salvarai salvare habeo (= j'ai sauver), prindrai, mais aussi sous l'ancienne formesynthtique: er ero. Sur le plan syntaxique, on remarque l'emploi de si initialement dans la phraseintroduite par un verbe fini, sans pronom personnel.

    1.5. La cantilne de sainte Eulalie

    Le premier monument proprement littraire en franais est la Cantilne de sainte Eulalie. C'est unehagiographie, issue d'une tradition latine trs populaire, les Squences. Le concile de Tours (812-813), quidcida de transposer les homlies en langue romane rustique ou tudesque, est responsable d'unmouvement de francisation qui affecta la musique et la littrature. La squence a t rcite ou chante l'glise le jour de la fte de la sainte. Le texte a probalement t crit entre la dcouverte des reliquesd'Eulalie Barcelone en 878 et la mort de Louis 3 en 882, puisque le manuscrit contient le rcit d'unebataille livre par le roi en 881 o il est dit tre encore en vie.

    1.5.1 Le texte

    1. Buona pulcella fut Eulalia.

    2. Bel avret corps, bellezour anima.

    3. Voldrent la veintre li Deo inimi,

    4. Voldrent la faire diaule servir.

    5. Elle no'nt eskoltet les mals conselliers

    6. Qu'elle De o raneiet, chi maent sus en ciel,

    7. Ne por or ned argent ne paramenz

    8. Por manatce regiel ne preiement.

    9. Niule cose non la pouret omque pleier

    10. La polle sempre non amast lo Deo menestier.

    11. E por o fut presentede Maximiien,

    12. Chi rex eret a cels dis soure pagiens.

    13. Il li enortet, dont lei nonque chielt,

    14. Qued elle fuiet lo nom chrest iien.

    15. Ell'ent adunet lo suon element :

    16. Melz sostendreiet les empedementz

    17. Qu'elle perdesse sa virginitt ;

    18. Por os furet morte a grand honestt.

    19. Enz enl fou lo getterent com arde tost.

    20. Elle colpes non avret, por o nos coist.

    21. A czo nos voldret concreidre li rex pagiens.

    22. Ad une spede li roveret tolir lo chieef.

    23. La domnizelle celle kose non contredist:

    24. Volt lo seule lazsier, si ruovet Krist.

    25. In figure de colomb volat a ciel.

    26. Tuit oram que por nos degnet preier

    27. Qued auuisset de nos Christus mercit

    28. Post la mort et a lui nos laist venir

    29. Par souue clementia.

    Anonyme, Abbaye de Saint-Amand. Vers 880

    1.5.2 Traduction

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  • 1. Eulalie fut une bonne pucelle (= jeune fille)

    2. Elle avait un beau corps et une me encore plus belle

    3. Les ennemis de Dieu voulurent la vaincre,

    4. Voulurent lui faire servir le Diable.

    5. Elle n'coute pas les mauvais conseillers

    6. (qui lui disent) Qu'elle renie Dieu qui demeure l-haut au ciel,

    7. Ni pour de l'or ni pour de l'argent ni pour des bijoux

    8. Ni par menace du roi ni par prire.

    9. Nulle chose ne put jamais la plier

    10. (et faire que) La pucelle n'aimt pas toujours le service de Dieu.

    11. Et pour ceci, elle fut prsente Maximiien,

    12. Qui tait en ces jours-l roi sur les paens.

    13. Il lui ordonne, ce dont peu lui chaut,

    14. Qu'elle abandonne le nom de chrtienne.

    15. Elle s'adonne son lment (= elle rsiste).

    16. Mieux supporterait-elle les entraves (= perte de libert)

    17. Qu'elle ne perdt sa virginit.

    18. Pour cela elle fut mise mort avec grand honneur.

    19. Car ils la jetrent dans le feu pour qu'elle brle aussitt.

    20. Elle n'avait pas commis de pchs; pour cela elle ne brlait pas.

    21. A cela le roi paen ne voulut consentir.

    22. Avec une pe, il ordonna de lui trancher la tte.

    23. La demoiselle ne dit rien contre cette chose:

    24. Elle veut quitter le sicle; et elle prie le Christ.

    25. Sous la forme d'une colombe, elle vola au ciel.

    26. Prions tous qu'elle daigne prier pour nous

    27. (afin) Que le Christ ait piti de nous

    28. Aprs la mort et nous laisse venir lui

    29. Par sa clmence.

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  • Figur 7. Le manuscrit. Bibliothque municipale de Valenciennes 150 (olim 143) fol.141v . Source:http://www.restena.lu/cul/BABEL/T_CANTILENE.html

    1.5.3 Quelques charactristiques lingustiques

    L' Abbaye de Saint-Amand-les Eaux prs de Valenciennes se trouve en Picardie, et le texte comportequelques traits picards, diaule diabolum (4), seule sculum (24), kose causa (23).

    Le texte est beaucoup plus prs du franais ordinaire du Moyen ge que les Serments. Il y a encorequelques latinismes tels que rex (21). La diphtongaison de o tonique bref en uo est un trait archaque.Elle est commune presque toutes les langues romanes, mais ne se maintient pas en franais, o uodevient ue au 12e sicle: buon/buona (1): bo num buon buen (1) (buen sera remplac par la forme

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  • devient ue au 12e sicle: buon/buona (1): bo num buon buen (1) (buen sera remplac par la formeprotonique bon/bonne), cf no vum nuef neuf. avret (2,10) est une des rares reliques du plus-que-parfait synthtique du latin: avret habuerat cf pouret (9), furet (18), roveret (22). bellezour (2) est uncomparatif synthtique : bellezour *bellatio rem.

    1.6 La vie de saint Lger

    La vie de saint Lger reprsente un autre genre littraire trs populaire hrit du latin, la Vita ou Vie (desaint). Ce texte du 10e sicle, nous est parvenu dans un manuscrit du 11e, originaire de Clermont-Ferrand(Bibl. Mun. No. 189). C'st un pome de 240 vers octosyllabiques .

    Saint Lger (616 env.-679/80), neveu de lvque de Poitiers Dido et lev la cour, fut dabordarchidiacre de Poitiers, puis abb de Saint-Maixent. Vers 663, la reine Bathilde le nomma vque dAutun.Il se montra bon vque, mais en mme temps partisan convaincu de lautonomie du royaume de

    Bourgogne. Le maire du palais de Neustrie, bron, tenta dimposer la Bourgogne le roi Thierry III ; ils

    furent lun et lautre vaincus par le roi dAustrasie, Childric II. bron fut enferm labbaye de Luxeuil,Thierry dans celle de Saint-Denis. Bien que du ct des vainqueurs, Lger tomba en disgrce et fut

    expdi, lui aussi, Luxeuil. Lassassinat de Childric II en 675 rendit la libert bron et Lger. Lepremier reprit sa politique dexpansion et vint mettre le sige devant Autun, o Lger tait rentr. Pourviter des souffrances son peuple, Lger se rendit. On lui creva les yeux, on lui coupa les lvres et lalangue, et on linterna chez les moniales de Fcamp. Puis, aprs un simulacre de jugement, on le dcapitadans une fort dArtois. Bien que les motifs de sa mort aient t surtout politiques, Lger fut considrcomme un martyr lors de la raction qui suivit lassassinat dbron en 683. Le culte de saint Lger fut trs

    populaire. ( 1995 Encyclopdia Universalis)

    1.6.1 Le texte (extraits)

    1. Domine deu devemps lauder

    2. et a sos sancz honor porter;

    3. in su' amor cantomps dels sanz

    4. qui por lui augrent granz aanz;

    5. et or es temps et si est biens

    6. que nos cantumps de sant Lethgier.

    7. Primos didrai vos dels honors

    8. que il auuret ab duos seniors;

    9. apres ditrai vos dels aanz

    10. que li suos corps susting si granz,

    11. et Evvruins, cil deumentiz,

    12. que lui a grant torment occist.

    13. Quant infans fud, donc a ciels temps

    14. al rei lo duistrent soi parent,

    15. qui donc regnevet a ciel di:

    16. cio fud Lothiers fils Baldequi.

    17. il l'enamat; deu lo covit;

    18. rovat que litteras apresist.

    19. Didun l'ebisque de Peitieus

    20. luil comandat ciel reis Lothiers.

    21. il lo reciut, tam ben en fist,

    22. ab u magistre semprel mist

    23. qu'il lo doist bien de ciel savier

    24. don deu serviet por bona fied.

    ()

    211. Tuit li omne de ciel pais

    212. trestuit apresdrent a venir;

    213. et sancz Lethgiers lis prediat,

    214. domine deu il les lucrat;

    215. rendet ciel fruit spirituel

    216. que deus li avret perdonat.

    217. Et Evvruins, cum il l'audit,

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  • 218. creder nel pot antro quel vid.

    219. cil biens qu'el fist cil li pesat,

    220. occidere lo commandat.

    221. quatr' omnes i tramist armez

    222. que lui alessunt decoller.

    223. Li tres vindrent a sanct Lethgier,

    224. jus se giterent a sos pez.

    225. de lor pechietz que avrent faiz

    226. il los absols et personet.

    227. lo quarz, uns fel, nom aut Vadart,

    228. ab un ispieth lo decollat.

    229. Et cum il l'aud tollut lo queu,

    230. lo corps estera sobrels piez;

    231. cio fud lonx dis que non cadit.

    232. lai s'aprosmat que lui firid;

    233. entrol talia los pez de jus:

    234. lo corps estera sempre sus.

    235. Del corps asaz l'avez audit

    236. et dels flaiels que grand sustint.

    237. l'anima reciut dominedeus,

    238. als altres sanz en vai en cel.

    239. il nos aiud ob ciel senior

    240. por cui sustinc tels passions.

    FINIT.FINIT LUCENDO DICIT;

    Source: http://www.geocities.com/Athens/Acropolis/8716/saintleger.html

    Late Tenth Century Text transcribed by Joseph E. Price, M.A. Candidate, Linguistics Program, Universityof South Carolina

    1.6.2 Traduction

    1. Nous devons louer Dieu, le Seigneur

    2. et porter honneur ses saints;

    3. pour l'amour de lui, chantons les saints

    4. qui pour lui eurent de grandes peines;

    5. Dsormais il est temps et il est bien

    6. que nous chantions de saint Lger.

    7. D'abord je vous parlerai des honneurs

    8. qu' il eut auprs de deux seigneurs;

    9. aprs je vous parlerai des peines

    10. si grandes que supporta son corps,

    11. et d'bron , ce rengat,

    12. qui le tua aprs de grands tourments.

    13. l'epoque quand il fut enfant,

    14. ses parents le conduirent chez le roi,

    15. qui donc regnait en ces jours:

    16. Ce fut Clotaire, fils de Baldechild.

    17. Il se prit d'affection pour lui, le voua Dieu;

    18. et le pria d'apprendre les lettres.

    19. Dido l'evque de Poitiers

    20. qui le roi Clotaire le confia,

    21. le recut et lui fit beaucoup de bien.

    22. Il le mit toujours chez un matre

    23. afin qu'il sache bien les choses du ciel

    24. et serve Dieu pour la vraie foi.

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  • ()

    211. Tout le monde dans le pays

    212. Tous commencrent venir

    213. et Saint Lger les vanglisa.

    214. Pour Dieu, le Seigneur, il les gagna;

    215. rendit au ciel le fruit spirituel

    216. que Dieu lui avait accord.

    217. Et bron , quand il entendit cela,

    218. ne put le croire avant qu'il le vt.

    219. Le bien qu'il fit, cela le tourmenta.

    220. Il ordonna de le tuer.

    221. Il envoya quatre hommes arms

    222. pour qu'ils aillent lui trancher la tte.

    223. Les trois vinrent auprs de saint Lger,

    224. Ils se jetrent ses pieds:

    225. Pour que de leurs pchs qu'ils avaient commis

    226. il leur donne l'absolution et le pardon.

    227. Le quatrime, un traitre, qui se nomma Wadard,

    228. Lui trancha la tte avec une pe.

    229. Et comme il lui avait enlev la tte,

    230. le corps resta debout sur les pieds.

    231. Cela dura longtemps sans qu'il ne tombt.

    232. L, celui qui l'avait frapp s'approcha;

    233. puis il lui coupa les pieds dessus.

    234. Le corps resta toujours debout.

    235. Du corps, vous avez assez entendu,

    236. et des tortures qu'il avait supportes avec grandeur.

    237. Dieu; le Seigneur, reut l'me.

    238. Il s 'en va au ciel chez les autres saints.

    239. Qu'il nous aide auprs du Seigneur du ciel

    240. pour qui il supporta de telles passons

    1.6.3 La langue

    Les philologues se sont disputs quant l'origine de ce texte. Il comporte des traits nordiques mlangs des traits provenaux. Certains ont avanc l'hypothse d'une origine franco-provenale, alors qued'autres optent pour une solution mixte: le texte serait d'origine picarde, mais copi et remani par unscribe provenal.

    Le manuscrit de Clermont-Ferrand comprend galement une Passion ayant les mmes caractres queSaint Lger.

    1.7. La vie de saint Alexis

    La vie de saint Alexis date de 1040 environ. Alexis renonce sa femme, sa famille et la vie dans lemonde pour vivre pauvre et chaste.

    C'est le premier texte en franais qui nous soit parvenu dans plusieurs versions : L (Lamspringe, 12e s.), A(Ashburnham (12. s.), P (Paris, 13e s.), S (Paris, 13e s.), M a (Paris 13e ou 14e s.), M b (Carlisle, 13e s.). Lemanuscrit L est considr comme le meilleur. Le texte est peut-tre d'origine normande ou francienne. Lepome comprend 125 strophes de cinq vers dcasyllabiques. Ce mtre sera celui qu'on prfre dsormaispour la posie pique.

    1.7.1 Le texte (extraits)

    1. bons fut li secles al tens ancenur,

    2. quer feit iert e justise et amur,

    3. si ert creance, dunt ore n'i at nul prut;

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  • 4. tut est mez, perdut ad sa colur:

    5. ja mais n'iert tel cum fut as anceisurs.

    6. al tens N et al tens Abraham

    7. et al David, qui Deus par amat tant,

    8. bons fut li secles, ja mais n'ert si vailant;

    9. velz est e frailes, tut s 'en vat remanant:

    10. si'st ampairet, tut bien vait remanant

    11. puis icel tens que Deus nus vint salver

    12. nostra anceisur ourent cristentet,

    13. si fut un sire de Rome la citet:

    14. rices hom fud, de grant nobilitet;

    15. pur hoc vus di, d'un son filz voil parler.

    16. Eufemen-si out annum li pedre--

    17. cons fut de Rome, des melz ki dunc ieret;

    18. sur tuz ses pers l'amat li emperere.

    19. dunc prist muiler vailante et honurede,

    20. des melz gentils de tuta la cuntretha

    21. puis converserent ansemble longament,

    22. n'ourent amfant peiset lur en forment

    23. e deu apelent andui parfitement:

    24. e Reis celeste, par ton cumandement

    25. amfant nus done ki seit a tun talent.

    Manuscrit L Source Foerster & Koschwitz, Altfranzsisches bungsbuch (Die ltesten Sprachdenkmler miteinem Anhang) zum Gebrauch bei Vorlesungen und Seminarbungen, Sechste Auflage, 1921, 1022-103

    1.7.2 Traduction

    1. Le monde fut bon au temps pass,

    2. Car il y avait foi et justice et amour,

    3. Et il y avait crdit ce dont maintenant il n'y a plus beaucoup;.

    4. Tout a chang, a perdu sa couleur:

    5. Jamais ce ne sera tel que c'tait pour les anctres.

    6. Au temps de No et au temps d'Abraham

    7. Et celui de David, lesquels Dieu aima tant.

    8. Le monde fut bon, jamais il ne sera aussi vaillant;

    9. Il est vieux et fragile, tout va en dclinant:

    10. tout est devenu pire, bien va en dclinant (?)

    11. Depuis le temps o Dieu vint nous sauver

    12. Nos anctres eurent le christianisme.

    13. Il y avait un seigneur de Rome la cit:

    14. Ce fut un homme puissant, de grande noblesse;

    15. Pour ceci je vous en parle, je veux parler d'un de ses fils.

    16. Eufemen--tel fut le nom du pre --

    17. Il fut comte de Rome, des meilleurs qui alors y taient

    18. L'empereur le prfra tous ses pairs.

    19. Il prit donc une femme de valeur et d'honneur,

    20. Des meilleurs paiens de toute la contre.

    21. Puis ils parlrent ensemble longuement.

    22. Qu'ils neurent pas d'enfant; cela leur causa beucoup de peine.

    23. Tous les deux ils en appellent Dieu parfaitement

    24. "O! Roi celeste, par ton commandement,

    25. Donne-nous un enfant qui soit selon tes dsirs."

    (Suite)

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