antitrust et compliance : quelles incitations, quel dispositif ? nicolas petit, professeur,...
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Antitrust et compliance : quelles incitations, quel dispositif ?
Nicolas Petit, Professeur, Université de Liège (ULg) et EDHEC, Centre de recherche LegalEdhec
Le droit antitrust, rappel
Instruments juridiques Ententes, accords et
pratiques concertées – Articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce
Abus de position dominante – Articles 102 TFUE et L.420-2 du code de commerce
Contrôle des concentrations – Règlement 139/2004 et Article L.430 -1 à 10 du code de commerce
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Appareil institutionnel La Commission
européenne (DG COMP) Les Autorités nationales
de concurrence (ANC) Les juridictions
nationales Règles consignées dans
le Règlement 1/2003 Pouvoirs d’enquête Amendes Mesures correctives, etc.
Objectifs et planI. La problématique
apparente de “compliance”
II. La problématique sous-jacente de “guidance”
Rôle des autorités antitrust en matière de compliance: Quelles incitations? Quelle structure?
Approche positive et prospective
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I. La problématique de la “compliance”
A. Sensibilisation concurrentielle par les autorités (“top down”)
B. Programmes de conformité par les entreprises (“bottom up”)
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A. Sensibilisation concurrentielle Avis, rapports, “soft law” Films: “The Raid”, “The
Marker”, “Be the First to Tell”, “Understanding Competition Law”, OFT
Jeux: A visit to the mall, FTC
BDs: “Competition in Europe: It’s
your deal”, DG COMP Competition Commission
Singapore, “Foiled” (abus), “Fixed” (cartels), “Freed” (clémence), “Fused” (fusions)
“Top down”, par les autorités vers les agents économiques
“Prêt à porter” Adressé à toutes les
entreprises Adressé aux
entreprises, mais aussi aux consommateurs, associations, pouvoirs publics
Message à contenu vulgarisateur
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B. Programmes de conformité Autorité de la
concurrence: “programmes par lesquels des entreprises ou des organismes expriment leur attachement à certaines règles ainsi qu’aux valeurs ou aux objectifs qui les fondent, et prennent un ensemble d’initiatives concrètes destinées à développer une culture de respect des normes ainsi qu’à leur permettre de détecter de possibles manquements à ces règles, de mettre fin à ces manquements et d’en prévenir la réitération”
“Bottom-up” par les entreprises, pro-activement
“Sur mesure” Approche transversale de la
compliance v approche spécifique (corruption, environnement, données personnels, délits d’initiés)
Codes de conduite, chartes éthiques, programme de conformité, etc.
Externalisation v internalisation
Message à contenu technique
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La position des autorités antitrust
Points de consensus Points de dissensus La conformité relève
principalement des entreprises Les autorités modernes y sont
généralement favorables : “tous les efforts en matière de conformité sont appréciés” (COMP)
Pas un “modèle unique” (COMP) Le programme doit être
“effectif” (COMP) Certaines autorités sont prêtes
à fournir des indications utiles, mais pas à “avalise[r]” (COMP)
Structure du programme: COMP: par écrit, et diffusé dans
l’ensemble de la structure OFT: dans les zones à risque, et
fondé sur des principes plus que sur des règles
Adlc: sensibilisation, formation, surveillance, contrôle, sanction + engagement clair des mandataires sociaux
Incitations au programme: agir sur les amendes lorsque la contrevenante adopte/a adopté un programme de conformité?
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Circonstances atténuantes en présence d’un programme de conformité
DG COMP, Le respectdes règles, ça compte!, 2012
France, Document-cadre du 10 février 2012
RU, Guidance as to the appropriate amount of a penalty, 09/2012
US Sentencing Guidelines, §8A1.2.D
Avant découverte de l’infraction (1)
Non Non pour cartels
Oui, max 10%
Oui
Oui hors cartels, sous conditions
Suite à la découverte de l’infraction (2)
Non Oui, max 10%, sous conditions
Oui, max 10%
NC
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Exemple (circonstances atténuantes 2) Adlc, Décision 13-D-06 du 28 février 2013 relative à
des pratiques mises en œuvre dans le marché de la télétransmission de données fiscales et comptables sous format EDI à l’administration fiscale => ▼22% Prise de position générale de l’Ordre; Désignation d’un «
délégué concurrence » Mesures d’information, de formation et de sensibilisation; Mécanismes internes de prévention, de contrôle, d’audit
et d’alerte contre d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles ;
Procédure de traitement des demandes de conseil, d’examen des alertes et d’analyse des suites à donner
Rapport annuel sur la mise en oeuvre des engagements
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Une question discutable
Opportun? (Geradin) Inopportun? (Wils, Willis) “Investissement” en
conformité difficile à vendre Pas un centre de profit Concurrence des autres
activités de compliance Politique cohérente
Circonstances atténuantes pour les firmes en faillite (inefficaces)
Circonstances atténuantes pour collaboration précoce
“Rémunération” des programmes déficients et non des programmes effectifs
Politique inutile Programme réduit risques
d’infraction (et les coûts associés: amende, D&I, mauvaise presse, coûts de la procédure, frais d’avocats, etc.)
Programme augmente opportunités de commerce et de détection des infractions des partenaires économiques
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Exonération lorsqu’une attestation de compliance est délivrée par un avocat/une autorité?
L’affaire Schenker & Co. AG, C-681/11, 18 juin 2013 Des entreprises de transport de colis groupés sollicitent et
reçoivent en 1996 un avis positif de l’autorité autrichienne relatif à une entente mineure à laquelle elles participent (PM<5%)
Cet avis les exonère explicitement de toute violation du droit national, et suggère implicitement que le droit européen n’est pas enfreint
Il est corroboré par l’avis d’un cabinet d’avocats La loi change en 2006, il n’est plus permis de sonder l’autorité Les parties demandent au cabinet de confirmer l’avis, ce qu’il
fait En 2010, sous la pression de la Commission et de l’autorité,
les parties sont condamnées à une violation de l’article 101 TFUE…
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Problème de droit et réponse de la Cour Questions préjudicielles
« Une entreprise qui a enfreint l’article 101 TFUE peut-elle se voir infliger une amende lorsque l’infraction en cause a pour origine une erreur de l’entreprise sur la licéité de son comportement » et que cette erreur provient (i) « d’un conseiller juridique expérimenté en droit de la concurrence »; (ii) « d’une décision prise par une autorité nationale de concurrence »
Réponse de la CJUE, §43: « une entreprise ayant enfreint cette disposition ne peut pas
échapper à l’infliction d’une amende lorsque ladite infraction a pour origine une erreur de cette entreprise sur la licéité de son comportement en raison de la teneur d’un avis juridique d’un avocat ou de celle d’une décision d’une autorité nationale de concurrence ».
Justifié pour avis d’avocat, peut être moins pour autorité S’applique uniquement aux ententes ou aux restrictions par objet?
=> §39
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Circonstances aggravantes en cas de programme de compliance? Théorie Pratique? COMP: non Adlc: non RU: non, sauf
circonstances exceptionnelles (compliance activities “used to conceal or facilitate an infringement, or to mislead the OFT during its investigation”)
COMP, AT.39.530, Microsoft (Internet Explorer), mars 2013
In view of Microsoft’s “considerable competition law expertise” => négligence (§49) et erreur non excusable (§69)
“MSFT has also created a new function of Antitrust Compliance Officer” mais §73: “it is impossible to determine the effectiveness of the internal measures taken by Microsoft to prevent future non-compliance”.
Plus la compliance est grande, plus le seuil de négligence est bas???
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Appréciation et synthèse Idée (juste) selon laquelle plus les sujétions financières
augmentent, plus la compliance devient un paramètre sur lequel les entreprises peuvent développer des avantages compétitifs
Cette concurrence devrait d’elle-même inciter les entreprises à embrasser de bonnes pratiques en matière de conformité
Divergence sur l’opportunité d’incitations financières pour les programmes internes de conformité. Au mieux, ces prébendes sont – et resteront – limitées
Soutien clair de certaines autorités aux programmes de conformité, mais problématique absente de l’agenda d’autres autorités. Soutien plus explicite requis (Bloom and Riley)
La structure de ces bonnes pratiques est l’affaire des firmes, et cela est justifié (asymétries d’information, etc.). Néanmoins, place plus importante pour l’assistance des autorités vis-à-vis des PMEs
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II. La problématique de la “guidance” Le débat sur les incitations et la structure optimale
des programmes de conformité est très pertinent dans les domaines où le droit est clair
En revanche, tout effort de conformité est vain si le droit demeure “flou, mou, gazeux” => se conformer au droit, mais quel droit?
Dès lors, si les autorités souhaitent inciter à la conformité, elles doivent préalablement “clarifier” le fond du droit
Ce volet préalable de la conformité est délaissé par certaines autorités antitrust
Problème moins aïgu dans des domaines comme le droit anti-corruption ou la protection des données personnelles
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Etat de la question en droit européen
Diagnostic Causes possibles Ententes => droit limpide Accords de coopération
horizontale et verticale => droit opaque REC et LDs mais abstraits Carence en jurisprudence
récente Abus de position
dominante => droit obscur Approche formaliste v
économique: SJ v DG COMP; CJUE v CJUE
Exemple des rabais, soumis à deux types de tests
Approche décisionnelle: “faire des cas”
Approche répressive: “faire des cas d’infraction”
Approche formaliste: “faire des cas d’infraction vite”
Approche flexible: “faire des cas sans se lier”
Approche transactionnelle: “fermer les cas vite”
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“Guidance” dans l’article 102 TFUE
“Guidance” textuelle“Guidance” jurisprudentielle
Document d’orientations sur l’article 102 TFUE Usage obsessif des
disclaimers: “Le présent document … ne vise pas à établir le droit applicable,”; orientations sur “les priorités” pour “l’application de l’article 102”
Valeur limitée de la “soft law” depuis CJUE, Expedia c autorité de la concurrence
Décisions négatives : rares, la dernière remonte à 2011
Décisions positives: aucune, ni à l’échelon UE (article 10), ni à l’échelon national (CJUE, Tele2 Polska)
Prolifération de décisions transactionnelles Motivation pauvre Décisions non déférées au
contrôle juridictionnel
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Illustrations Un des volets de l’affaire Microsoft illustre
merveilleusement les difficultés des entreprises à se conformer au droit de la concurrence, faute d’orientations
Elle illustre aussi la réticence de l’autorité à apporter de telles orientations
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L’affaire Microsoft c Commission, T-167/08, 27 juin 2012 (1)
Rappel: Microsoft (MSFT) dégrade l’interopérabilité des OS pour serveurs de groupe de travail fabriqués par ses concurrents avec son OS Windows pour PC clients
Refus de fournir les spécifications des protocoles utilisés dans Windows
Abus de position dominante de MSFT vers le marché des OS pour serveur de groupe de travail
Décision de 2004 imposant à MSFT sous 120 jours de livrer ces informations à des conditions raisonnables et non discriminatoires, et d’informer la Commission sous 60 jours
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L’affaire Microsoft c Commission, T-167/08, 27 juin 2012 (2) Echange de multiples courriers Par décision du 10 novembre 2005, la Commission
fulmine une astreinte de 2 millions d’€/par jour Par lettre du 2 mars 2007, Microsoft finit par
demander à la Commission de lui communiquer les taux de rémunération précis qu’elle devrait solliciter afin que son action soit considérée conforme aux obligations découlant de la décision de 2004.
Par lettre du 8 mars 2007, la Commission répond qu’il ne lui incombait pas d’établir les taux de rémunération précis
Une solution intervient le 22 octobre 2007 Astreinte liquidée de 899 millions d’Euros...
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Arrêt inique Il est “intolérable” (AG Warner) de prononcer
des sanctions quasi pénales, et de refuser de définir où se trouve le seuil de la légalité
Analogie routière
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Conclusions (1) Compliance et guidance fonctionnent en tandem La mission des autorités n’est pas tant de donner des
“incitations” à la compliance (via des ristournes pour les efforts inefficaces), que de mettre les entreprises en capacité de compliance effective via la production de “guidance”
En matière de compliance, les autorités doivent d’abord jouer le rôle d’ “enablers”, plus que d’ “incentivisers” Fournir “guidance” Recenser et disséminer les bonnes (et mauvaises) pratiques
Les incitations naîtront naturellement du processus de concurrence
“Be careful what you wish for” => plus les incitations financières sont grandes, plus la liberté des entreprises en matière de compliance s’étiole
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Conclusions (2) Même si l’autorité émet “quittance de
compliance”, la firme peut être sanctionnée. Cette solution est critiquable
Idée dangereuse selon laquelle plus l’entreprise investit en expertise antitrust, plus le seuil de négligence baisse: une entreprise investissant en compliance n’est plus négligente!
La jurisprudence européenne actuelle est trop répressive et trop transactionnelle
L’action de sensibilisation des autorités doit cibler en priorité les PMEs, car les grandes entreprises sont généralement mieux éveillées et conseillées. De plus, leur structure complexe (problèmes d’agence multiple) appelle des réponses plus individualisées que les régulateurs sont mal placés pour traiter
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