année universitaire semestre i droit administratif compare

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Année universitaire 2016/2017 Licence II – semestre I DROIT ADMINISTRATIF COMPARE Cours de M. Olivier Le Bot, Professeur à l’Université d’Aix-Marseille Travaux dirigés Mme Ruxandra Bancu, chargée d’enseignement, avocat Séance n° 2 : Les sources du droit administratif. La hiérarchie des normes I. Les sources du droit administratif dans le droit français Document 1 : Rappel des articles de la Constitution Française du 4 octobre 1958. II. La place du droit de l’Union Européenne dans la hiérarchie des normes TFUE : Document 2 : Articles du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne Jurisprudence de la CJCE : Document 3 : CJCE, 5 février 1963, Van Gend & Loos, affaire 26-62 (sommaire et extraits) Document 4 : CJCE, 15 juillet 1964, Costa/ENEL, affaire 6-64 (sommaire et extraits) Document 5 : CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, affaire 41-74 (sommaire et extraits) Jurisprudence du Conseil d’Etat : Document 6 : CE, 22 décembre 1978, Cohn-Bendit Document 7 : CE, 20 octobre 1989, Nicolo Document 8 : CE, 3 juillet 1996, Koné Document 9 : CE, 30 octobre 1998, Sarran, Levacher et autres (extraits) Document 10 : CE, 8 fév. 2007, Arcelor (extraits) Document 11 : CE, 30/10/2009, Mme Perreux Jurisprudence du Conseil Constitutionnel : Document 12 : Décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l'économie numérique (extraits) Document 13 : Décision n° 2013-314P QPC du 04 avril 2013 du Conseil constitutionnel (extraits) Approche comparative : Document 14 : R. Guastini, « La primauté du droit communautaire : une révision tacite de la Constitution italienne », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 9, 2001 (extrait) Exercices à rendre par écrit : Dissertation : Le juge administratif et les normes du droit de l’Union Européenne ou Commentaire d’arrêt : CE, 30 octobre 2009, Mme Perreux (doc. 11 de la fiche)

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Année universitaire 2016/2017 Licence II –

semestre I

DROIT ADMINISTRATIF COMPARE

Cours de M. Olivier Le Bot, Professeur à l’Université d’Aix-Marseille Travaux dirigés Mme Ruxandra Bancu, chargée d’enseignement, avocat

Séance n° 2 : Les sources du droit administratif. La hiérarchie des normes I. Les sources du droit administratif dans le droit français Document 1 : Rappel des articles de la Constitution Française du 4 octobre 1958. II. La place du droit de l’Union Européenne dans la hiérarchie des normes

TFUE : Document 2 : Articles du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne

Jurisprudence de la CJCE : Document 3 : CJCE, 5 février 1963, Van Gend & Loos, affaire 26-62 (sommaire et extraits) Document 4 : CJCE, 15 juillet 1964, Costa/ENEL, affaire 6-64 (sommaire et extraits) Document 5 : CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, affaire 41-74 (sommaire et extraits)

Jurisprudence du Conseil d’Etat : Document 6 : CE, 22 décembre 1978, Cohn-Bendit Document 7 : CE, 20 octobre 1989, Nicolo Document 8 : CE, 3 juillet 1996, Koné Document 9 : CE, 30 octobre 1998, Sarran, Levacher et autres (extraits) Document 10 : CE, 8 fév. 2007, Arcelor (extraits) Document 11 : CE, 30/10/2009, Mme Perreux

Jurisprudence du Conseil Constitutionnel : Document 12 : Décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l'économie numérique (extraits) Document 13 : Décision n° 2013-314P QPC du 04 avril 2013 du Conseil constitutionnel (extraits)

Approche comparative : Document 14 : R. Guastini, « La primauté du droit communautaire : une révision tacite de la Constitution italienne », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 9, 2001 (extrait)

Exercices à rendre par écrit : Dissertation : Le juge administratif et les normes du droit de l’Union Européenne ou Commentaire d’arrêt : CE, 30 octobre 2009, Mme Perreux (doc. 11 de la fiche)

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Document 1 : Rappel des articles de la Constitution du 4 octobre 1958 Article 34 : La loi fixe les règles concernant : Ø les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; la liberté,

le pluralisme et l'indépendance des médias ; les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;

Ø la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ; Ø la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la

création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ; Ø l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d'émission de la monnaie. La loi fixe également les règles concernant : Ø le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales et des instances représentatives des Français

établis hors de France ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ;

Ø la création de catégories d'établissements publics ; Ø les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État ; Ø les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé. La loi détermine les principes fondamentaux : Ø de l'organisation générale de la Défense Nationale ; Ø de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ; Ø de l'enseignement ; Ø de la préservation de l'environnement ; Ø du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ; Ø du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.

Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État. Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques. Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique.

Article 37 : Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire. Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés par décrets pris après avis du Conseil d'État. Ceux de ces textes qui interviendraient après l'entrée en vigueur de la présente Constitution ne pourront être modifiés par décret que si le Conseil constitutionnel a déclaré qu'ils ont un caractère réglementaire en vertu de l'alinéa précédent.

Article 38 : Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse. A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif.

Article 53 : Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi. Ils ne prennent effet qu'après avoir été ratifiés ou approuvés. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressées. Article 54 : Si le Conseil Constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier Ministre, par le Président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut

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intervenir qu'après révision de la Constitution.

Article 55 : Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. Article 61 : Les lois organiques, avant leur promulgation, les propositions de loi mentionnées à l'article 11 avant qu'elles ne soient soumises au référendum, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution. Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs. Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, le conseil constitutionnel doit statuer dans le délai d'un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours. Dans ces mêmes cas, la saisine du conseil constitutionnel suspend le délai de promulgation. Article 61-1 : Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. Article 62 : Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61 ne peut être promulguée ni mise en application. Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause. Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Article 72 : Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa. Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. […] Titre XV - De l'Union européenne.

Article 88-1 : La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007. Article 88-2 : La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l'Union européenne. Article 88-3 : Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l'Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d'application du présent article. Article 88-4 : Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets d'actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne. Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions européennes peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions mentionnés au premier alinéa, ainsi que sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne. Au sein de chaque assemblée parlementaire est instituée une commission chargée des affaires européennes. Article 88-5 : Tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne est soumis au référendum par le Président de la République. Toutefois, par le vote d'une motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes, le Parlement peut autoriser l'adoption du projet de loi selon la procédure prévue au troisième alinéa de l'article 89. Article 88-5 : Tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne est soumis au référendum par le Président de la République. Toutefois, par le vote d'une motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes, le

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Parlement peut autoriser l'adoption du projet de loi selon la procédure prévue au troisième alinéa de l'article 89. [Cet article n'est pas applicable aux adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004.] Article 88-6 : L'Assemblée nationale ou le Sénat peuvent émettre un avis motivé sur la conformité d'un projet d'acte législatif européen au principe de subsidiarité. L'avis est adressé par le président de l'assemblée concernée aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne. Le Gouvernement en est informé. Chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l'Union européenne par le Gouvernement. À cette fin, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée. À la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, le recours est de droit. Article 88-7 : Par le vote d'une motion adoptée en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat, le Parlement peut s'opposer à une modification des règles d'adoption d'actes de l'Union européenne dans les cas prévus, au titre de la révision simplifiée des traités ou de la coopération judiciaire civile, par le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007. Document 2 : Articles du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne Article 288 TFUE (ex-article 249 TCE, ex-article 189 Traité CEE original) : Pour exercer les compétences de l'Union, les institutions adoptent des règlements, des directives, des décisions, des recommandations et des avis. Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre. La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. La décision est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est obligatoire que pour ceux-ci. Les recommandations et les avis ne lient pas. Article 267 TFUE (ex-article 234 TCE, ex-article 177 Traité CEE original) La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel : a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union. Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais. Document 3 : CJCE, 5 février 1963, Van Gend & Loos, affaire 26-62 (sommaire et extraits) Sommaire 1. Pour conférer à la Cour compétence pour statuer à titre préjudiciel, il faut et il suffit qu'il ressorte à suffisance de droit de

la question posée qu'elle comporte une interprétation du traité. 2. Les considérations qui ont pu guider une juridiction nationale dans le choix de ses questions ainsi que la pertinence qu'elle

entend leur attribuer dans le cadre d'un litige soumis à son jugement restent soustraites à l'appréciation de la Cour statuant à titre préjudiciel.

3. La Communauté économique européenne constitue un nouvel ordre juridique de droit international, au profit duquel les États ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains et dont les sujets sont non seulement les États membres mais également leurs ressortissants. Le droit communautaire, indépendant de la législation des États membres, de même qu'il crée des charges dans le chef des particuliers, est destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique. Ces droits naissent non seulement lorsqu'une attribution explicite en est faite par le traité, mais aussi en raison d'obligations que le traité impose d'une manière bien définie tant aux particuliers qu'aux États membres et aux institutions communautaires.

4. La circonstance que le traité C.E.E., dans les articles 169 et 170, permet à la Commission et aux États membres d'attraire devant la Cour un État qui n'a pas exécuté ses obligations ne prive pas les particuliers du droit d'invoquer, le cas échéant, ces mêmes obligations devant le juge national.

5. Selon l'esprit, l'économie et le texte du traité C.E.E., l'article 12 doit être interprété en ce sens qu'il produit des effets

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immédiats et engendre des droits individuels que les juridictions internes doivent sauvegarder. 6. Il résulte du texte et de l'économie de l'article 12 du traité qu'il faut, pour constater si des droits de douane et taxes d'effet

équivalent ont été augmentés en méconnaissance de la défense y contenue, prendre en considération les droits et taxes effectivement appliqués à la date d'entrée en vigueur du traité.

7. Constitue une augmentation illicite au sens de l'article 12 du traité C.E.E., l'imposition, depuis l'entrée en vigueur du traité, du même produit à un taux plus élevé, sans égard au fait que cette augmentation provienne d'une majoration proprement dite du taux douanier ou d'un nouvel agencement du tarif qui aurait pour conséquence le classement du produit dans une position plus fortement taxée.

Extraits : [...] B - quant au fond Attendu que la Tariefcommissie pose en premier lieu la question de savoir si l'article 12 du Traité a un effet immédiat en droit interne, dans le sens que les ressortissants des Etats membres pourraient faire valoir sur la base de cet article des droits que le juge national doit sauvegarder ; Attendu que pour savoir si les dispositions d'un traité international ont une telle portée il faut en envisager l'esprit, l 'économie et les termes ; 23. Attendu que l'objectif du Traité C.E.E. Qui est d'instituer un marché commun dont le fonctionnement concerne directement les justiciables de la Communauté implique que ce Traité constitue plus qu'un accord qui ne créerait que des obligations mutuelles entre les Etats contractants ; Que cette conception se trouve confirmée par le préambule du Traité qui, au-delà des gouvernements, vise les peuples, et de façon plus concrète par la création d'organes qui institutionnalisent des droits souverains dont l'exercice affecte aussi bien les Etats membres que leurs citoyens ; Qu'il faut d'ailleurs remarquer que les ressortissants des Etats réunis dans la Communauté sont appelés à collaborer, par le truchement du Parlement Européen et du Comité économique et social, au fonctionnement de cette Communauté ; Qu'en outre le rôle de la Cour de Justice dans le cadre de l'article 177, dont le but est d’assurer l'unité d'interprétation du Traité par les juridictions nationales, confirme que les Etats ont reconnu au droit communautaire une autorité susceptible d'être invoquée par leurs ressortissants devant ces juridictions ; Qu'il faut conclure de cet état de choses que la Communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit international, au profit duquel les Etats ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains, et dont les sujets sont non seulement les Etats membres mais également leurs ressortissants ; Que, partant, le droit communautaire, indépendant de la législation des Etats membres, de même qu'il crée des charges dans le chef des particuliers, est aussi destine à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique ; Que ceux-ci naissent non seulement lorsqu'une attribution explicite en est faite par le Traité, mais aussi en raison d'obligations que le Traité impose d'une manière bien définie tant aux particuliers qu'aux Etats membres et aux institutions communautaires ; 24. Attendu qu'eu égard à l'économie du Traité en matière de droits de douane et taxes d'effet équivalent, il convient de souligner que l'article 9, qui fonde la Communauté sur une union douanière, comporte comme règle essentielle

l'interdiction de ces droits et taxes ; Que cette disposition figure en tête de la partie du Traité qui définit les « fondements de la Communauté » ; qu'elle se trouve appliquée et explicitée par l'article 12 ; Attendu que le texte de l'article 12 énonce une interdiction claire et inconditionnelle qui est une obligation non pas de faire, mais de ne pas faire ; Que cette obligation n'est d'ailleurs assortie d'aucune réserve des Etats de subordonner sa mise en œuvre a un acte positif de droit interne ; Que cette prohibition se prête parfaitement, par sa nature même, à produire des effets directs dans les relations juridiques entre les Etats membres et leurs justiciables ; Attendu que l'exécution de l'article 12 ne nécessite pas une intervention législative des Etats ; Que le fait, par cet article, de designer les Etats membres comme sujets de l'obligation de s'abstenir n'implique pas que leurs ressortissants ne puissent en être les bénéficiaires ; Attendu que, par ailleurs, l'argument tire des articles 169 et 170 du Traité qu'ont invoqué les trois gouvernements qui ont présenté à la Cour des observations dans leurs mémoires tombe à faux ; Qu'en effet la circonstance que le Traité, dans les articles susvisés, permet à la Commission et aux Etats membres d'attraire devant la Cour un Etat qui n'a pas exécuté ses obligations n'implique pas pour les particuliers l'impossibilité d'invoquer, le cas échéant, devant le juge national ces obligations, tout comme le fait que le Traité met à la disposition de la Commission des moyens pour assurer le respect des obligations imposées aux assujettis n'exclut pas la possibilité, dans les litiges entre particuliers devant le juge national, d’invoquer la violation de ces obligations ; 25. Qu'une limitation aux seules procédures des articles 169 et 170 des garanties contre une violation de l'article 12 par les Etats membres supprimerait toute protection juridictionnelle directe des droits individuels de leurs ressortissants ; Que le recours à ces articles risquerait d'être frappe d'inefficacité s'il devait intervenir après l'exécution d'une décision nationale prise en méconnaissance des prescriptions du Traité ; Que la vigilance des particuliers intéressés à la sauvegarde de leurs droits entraine un contrôle efficace qui s'ajoute à celui que les articles 169 et 170 confient la diligence de la Commission et des Etats membres ; Attendu qu'il résulte des considérations qui précèdent que selon l'esprit, l'économie et le texte du Traité l'article 12 doit être interprété en ce sens qu'il produit des effets immédiats et engendre des droits individuels que les juridictions internes doivent sauvegarder.

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Document 4 : CJCE, 15 juillet 1964, Costa/ENEL, affaire 6-64 (sommaire et extraits) 1. Dans le cadre de la procédure préjudicielle, la Cour ne peut ni appliquer le traité à une espèce déterminée, ni statuer sur

la validité des mesures de droit interne au regard de celui-ci, comme il lui serait possible de le faire dans le cadre de l'article 169. La Cour peut toutefois dégager du libellé imparfaitement formulé par la juridiction nationale les seules questions relevant de l'interprétation du traité.

2. L'article 177 est basé sur une nette séparation de fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, et ne permet à celle-ci ni de connaître les faits de l'espèce, ni de censurer les motifs et objectifs de la demande d'interprétation.

3. A la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la C.E.E. a institué un ordre juridique propre intégré au système juridique des États membres lors de l'entrée en vigueur du traité et qui s'impose à leur juridiction. En instituant une communauté de durée illimitée, dotée d'institutions propres, de la personnalité, de la capacité juridique, d'une capacité de représentation internationale et plus particulièrement de pouvoirs réels issus d'une limitation de compétence ou d'un transfert d'attributions des États à la Communauté, ceux-ci ont limité leurs droits souverains et créé ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes. Cette intégration, au droit de chaque pays membre, de dispositions qui proviennent de sources communautaires et plus généralement les termes et l'esprit du traité, ont pour corollaire l'impossibilité pour les États de faire prévaloir, contre un ordre juridique accepté par eux sur une base de réciprocité, une mesure unilatérale ultérieure qui ne saurait ainsi lui être opposable, le droit né du traité issu d'une source autonome ne pouvant, en raison de sa nature spécifique originale se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu'il soit sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même. Le transfert opéré par les États, de leur ordre juridique interne au profit de l'ordre juridique communautaire, des droits et obligations correspondant aux dispositions du traité entraîne donc une limitation définitive de leurs droits souverains.

4. La Commission a le devoir de veiller à ce que les États membres respectent les engagements qui leur sont imposés par le traité et qui les lient en tant qu'États sans engendrer des droits dans le chef des justiciables, mais cette obligation de la Commission ne confère pas aux particuliers la possibilité d'exciper, dans le droit communautaire et par l'article 177, ni du manquement de l'État concerné, ni de la défaillance de la Commission.

5. L'article 102 du traité C.E.E. ne comporte pas de dispositions susceptibles d'engendrer dans le chef des justiciables des droits que les juridictions internes doivent sauvegarder.

6. Les prescriptions de l'article 93 du traité C.E.E. ne comportent pas de dispositions susceptibles d'engendrer dans le chef des justiciables des droits que les juridictions internes doivent sauvegarder.

7. Une obligation des États membres en vertu du traité C.E.E., non assortie d'aucune condition, ni subordonnée, dans son exécution ou ses effets, à l'intervention d'aucun acte, ni des États, ni de la Commission, est juridiquement parfaite et, en conséquence, susceptible de produire des effets directs dans les relations entre les États membres et les justiciables. Une telle obligation est intégrée au système juridique des États membres, constitue la loi même de ceux-ci et concerne directement leurs ressortissants au profit desquels elle a engendré des droits individuels que les juridictions internes doivent sauvegarder.

8. L'article 53 du traité C.E.E. constitue une règle communautaire susceptible d'engendrer dans le chef des justiciables des droits que les juridictions internes doivent sauvegarder.

9. Il suffit pour respecter l'article 53 du traité C.E.E., qu'aucune mesure nouvelle ne soumette l'établissement des ressortissants des autres États membres à une réglementation plus sévère que celle réservée aux nationaux et ce, quel que soit le régime juridique des entreprises.

10. L'article 37, alinéa 2, du traité C.E.E. constitue en toutes ses dispositions une règle communautaire susceptible d'engendrer, dans le chef des justiciables, des droits que les juridictions internes doivent sauvegarder.

11. Les dispositions de l'article 37, alinéa 2, du traité C.E.E. ont pour objet d'interdire toute mesure nouvelle contraire aux principes de l'article 37, alinéa 1, c'est-à-dire toute mesure ayant pour objet, ou pour conséquence, une discrimination nouvelle entre les ressortissants des États membres dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés, par le moyen de monopoles, ou organismes, devant, d'une part, avoir pour objet des transactions sur un produit commercial susceptible de concurrence et d'échanges entre les États membres, d'autre part, jouer un rôle effectif dans ces échanges. Il appartient au juge du fond d'apprécier en chaque espèce si l'activité économique concernée porte sur un tel produit pouvant, par sa nature et les impératifs techniques ou internationaux auxquels il est assujetti, être l'objet d'un tel rôle dans les importations ou exportations entre ressortissants des États membres.

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Extraits : [...] Sur l’application de l’article 177 Moyen tire du libelle de la question Attendu qu'il est fait grief à la question dont s'agit de tendre à faire juger, par le moyen de l'article 177, la conformité d'une loi avec le Traité ; Attendu cependant qu'aux termes de cet article les juridictions nationales dont les décisions sont, comme en l’espèce, sans recours, doivent saisir la Cour pour statuer à titre préjudiciel sur « l’interprétation du Traité » lorsqu’une telle question est soulevée devant elles ; Que, par la voie de cette disposition, la Cour ne peut, ni appliquer le Traité a une espèce déterminée, ni statuer sur la validité d’une mesure de droit interne au regard de celui-ci, comme il lui serait possible de le faire dans le cadre de l’article 169 ; Qu’elle peut toutefois dégager du libelle imparfaitement formulé par la juridiction nationale les seules questions relevant de l’interprétation du Traité ; Qu’il y a donc lieu, pour elle, non de statuer sur la validité d’une loi italienne par rapport au Traité, mais seulement d’interpréter les articles susvisés eu égard aux données juridiques exposées par le giudice conciliatore. Moyen tire de l’absence de nécessité d’une interprétation Attendu qu’il est fait grief à la juridiction de Milan d’avoir demandé une interprétation du Traité qui ne serait pas nécessaire à la solution du litige porte devant elle ; Attendu cependant que l’article 177, base sur une nette séparation de fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, ne permet à celle-ci ni de connaitre des faits de l’espèce, ni de censurer les motifs et objectifs de la demande d’interprétation. Moyen tire de l’obligation pour le juge d’appliquer la loi interne Attendu que le gouvernement italien soulevé « l’irrecevabilité absolue » de la demande du giudice conciliatore, au motif que la juridiction nationale, tenue d’appliquer une loi interne ne peut faire usage de l’article 177 ; Attendu qu’à la différence des traités internationaux ordinaires, le Traité de la C.E.E. a institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des Etats membres lors de l’entrée en vigueur du Traité et qui s’impose à leurs juridictions ; Qu’en effet, en instituant une communauté de durée illimitée, dotée d’institutions propres, de la personnalité, de la capacité juridique, d’une capacité de représentation internationale et plus particulièrement de pouvoir réels issus d’une limitation de compétence ou d’un transfert d’attributions des Etats a la Communauté, ceux-ci ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains et créé ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes ; Attendu que cette intégration au droit de chaque pays membre de dispositions qui proviennent de source communautaire, et plus généralement les termes et l’esprit du Traité, ont pour corollaire l’impossibilité pour les Etats de faire prévaloir, contre un ordre juridique accepté par eux sur

une base de réciprocité, une mesure unilatérale ultérieure qui ne saurait ainsi lui être opposable ; Que la force exécutive du droit communautaire ne saurait, en effet, varier d’un Etat à l’autre à la faveur des législations internes ultérieures, sans mettre en péril la réalisation des buts du Traité visée a l’article 5(2), ni provoquer une discrimination interdite par l’article 7 ; Que les obligations contractées dans le Traité instituant la Communauté ne seraient pas inconditionnelles mais seulement éventuelles, si elles pouvaient être mises en cause par les actes législatifs futurs des signataires ; […] Attendu que la prééminence du droit communautaire est confirmée par l’article 189 aux termes duquel les règlements ont valeur « obligatoire » et sont « directement applicables dans tout Etat membre » ; Que cette disposition, qui n’est assortie d’aucune réserve, serait sans portée si un Etat pouvait unilatéralement en annihiler les effets par un acte législatif opposable aux textes communautaires ; Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments, qu’issu d’une source autonome, le droit ne du Traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même ; Que le transfert opéré par les Etats, de leur ordre juridique interne au profit de l’ordre juridique communautaire, des droits et obligations correspondant aux dispositions du Traité, entraine donc une limitation définitive de leurs droits souverains contre laquelle ne saurait prévaloir un acte unilatéral ultérieur incompatible avec la notion de communauté ; Qu’en conséquence il y a lieu de faire application de l’article 177, nonobstant toute loi nationale, au cas où se pose une question d’interprétation du Traité ; […] Sur l’interprétation de l’article 53 Attendu qu’aux termes de l’article 53 les Etats membres s’engagent, sous réserve des dispositions prévues au traite, a ne pas introduire de nouvelles restrictions a l’établissement sur leur territoire des ressortissants des autres Etats membres; Que l’obligation ainsi souscrite par les Etats se résout juridiquement en celle d’une simple abstention ; Qu’elle n’est assortie d’aucune condition, ni subordonnée, dans son exécution, ou ses effets, a l’intervention d’aucun acte, ni des Etats, ni de la Commission ; Qu’elle est donc complète, juridiquement parfaite et, en conséquence, susceptible de produire des effets directs dans les relations entre les Etats membres et leurs justiciables ; Attendu qu’une prohibition aussi formellement exprimée, entrée en vigueur avec le Traité dans l’ensemble de la Communauté et, de ce fait, intégrée au système juridique des Etats membres, constitue la loi même de ceux-ci et concerne directement leurs ressortissants, au profit desquels elle a engendré des droits individuels que les juridictions internes doivent sauvegarder ; […]

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Document 5 : CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, affaire 41-74 (sommaire et extraits) 1. Comme les limitations au principe de libre circulation des travailleurs dont l’Etat membre peut se prévaloir pour des raisons d’ordre public, de sécurité et de santé publique, sont susceptibles d’un contrôle juridictionnel, la réserve du paragraphe 3 n’empêche pas que les dispositions de l’article 48 confèrent aux particuliers des droits qu’ils peuvent faire valoir en justice et que les juridictions nationales doivent sauvegarder. 2. Il serait incompatible avec l’effet contraignant que l’article 189 reconnait à la directive d’exclure en principe que l’obligation qu’elle impose puisse être invoquée par des personnes concernées. Particulièrement dans le cas ou les autorités communautaires auraient, par directive, oblige les Etats membres à adopter un comportement détermine, l’effet utile d’un tel acte se trouverait affaibli si les justiciables étaient empêchés de s’en prévaloir en justice et les juridictions nationales empêchées de la prendre en considération en tant qu’élément du droit communautaire. L’article 177 qui permet aux juridictions nationales de saisir la Cour de la validité et de l’interprétation de tous les actes des institutions, sans distinction, implique que ces actes sont susceptibles d’être invoquées par les justiciables devant lesdites juridictions. Il convient d’examiner, dans chaque cas, si la nature, l’économie et les termes de la disposition en cause sont susceptibles de produire des effets directs dans les relations entre les Etats membres et les particuliers. 3. L’article 3, paragraphe 1, de la directive 64/221 du conseil du 25 février 1964 pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique, engendre en faveur des particuliers des droits qu’ils peuvent faire valoir en justice dans un Etat membre et que les juridictions nationales doivent sauvegarder. 4. La notion d’ordre public dans le contexte communautaire et, notamment, en tant que justification d’une dérogation à un principe fondamental du droit communautaire doit être entendue strictement, de sorte que sa portée ne saurait être déterminée unilatéralement par chacun des Etats membres sans contrôle des institutions de la Communauté. Il n’en reste pas moins que les circonstances spécifiques qui pourraient justifier d’avoir recours à la notion d’ordre public peuvent varier d’un pays à l’autre et d’une époque à l’autre, et qu’il faut ainsi, à cet égard, reconnaitre aux autorités nationales compétentes une marge d’appréciation dans les limites imposées par le Traité. 5. L’article 48 du Traité CEE et l’article 3, paragraphe 1er, de la directive 64/221 doivent être interprétées en ce sens qu’un Etat membre, se prévalant des restrictions justifiées par l’ordre public, peut prendre en considération, comme relevant du comportement personnel de l’intéressé, le fait que celui-ci est affilie à un groupe ou à une organisation dont les activités sont considérées par l’Etat membre comme constituant un danger social sans pourtant être interdites, et cela même si aucune restriction n’est imposée aux ressortissants de cet Etat qui souhaitent exercer une activité analogue à celle que le ressortissant d’un autre Etat membre envisage d’exercer dans le cadre de ces mêmes groupes ou organisations. Extraits : [...]Sur la deuxième question 9. Attendu que, par la deuxième question, la Cour est invitée à dire si la directive du conseil du 25 février 1964 (64/221) pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique, est directement applicable en ce sens qu’elle confère aux particuliers des droits qu’ils peuvent faire valoir en justice dans un Etat membre ; 10. Qu’il ressort de la décision de renvoi [...] article 3, paragraphe 1er qui prévoit que « les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet » ; 11. Attendu que le Royaume-Uni a fait valoir que l’article 189 du Traité distingue entre les effets des règlements, des directives et des décisions et qu’il faut présumer, par conséquent, que le conseil, en n’adoptant pas un règlement mais une directive, a voulu que cet acte ait un effet diffèrent de celui d’un règlement et qu’en conséquence il ne soit pas directement applicable ; 12. Attendu, cependant, que si, en vertu des dispositions de l’article 189, les règlements sont directement applicables et, par conséquent, par leur nature, susceptibles de produire des effets directs, il n’en résulte pas que d’autres catégories d’actes visés par cet article ne peuvent jamais produire

d’effets analogues ; Qu’il serait incompatible avec l’effet contraignant que l’article 189 reconnait à la directive d’exclure en principe que l’obligation qu’elle impose, puisse être invoquée par des personnes concernées ; Que, particulièrement dans les cas ou les autorités communautaires auraient, par directive, oblige les Etats membres à adopter un comportement détermine, l’effet utile d’un tel acte se trouverait affaibli si les justiciables étaient empêchés de s’en prévaloir en justice et les juridictions nationales empêchées de la prendre en considération en tant qu’élément du droit communautaire ; Que l’article 177 qui permet aux juridictions nationales de saisir la Cour de la validité et de l’interprétation de tous les actes des institutions, sans distinction, implique d’ailleurs que ces actes sont susceptibles d’être invoques par les justiciables devant lesdites juridictions ; Qu’il convient d’examiner, dans chaque cas, si la nature, l’économie et les termes de la disposition en cause sont susceptibles de produire des effets directs dans les relations entre les Etats membres et les particuliers ; 13. Attendu que l’article 3, paragraphe 1er, de la directive 64/221, en prévoyant que les mesures d’ordre public doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’intéressé en cause, tend à limiter le pouvoir discrétionnaire que les législations nationales attribuent en

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général aux autorités compétentes en matière d’entrée et d’expulsion des étrangers ; Que, d’une part, la disposition énonce une obligation qui n’est assortie d’aucune réserve ou condition et qui, par sa nature, ne nécessite l’intervention d’aucun acte, soit des institutions de la Communauté, soit des Etats membres ; Que, d’autre part, parce qu’il s’agit d’une obligation pour les Etats membres, dans l’application d’une clause de dérogation à l’un des principes fondamentaux du Traité en faveur des particuliers, de ne pas tenir compte de facteurs étrangers au comportement personnel, la sécurité juridique des intéressés exige que cette obligation puisse être invoquée par eux, bien qu’elle ait été énoncée dans un acte normatif n’ayant pas de

plein droit un effet direct dans son ensemble ; 14. Que si le sens et la portée exacte de la disposition peuvent soulever des questions d’interprétation, ces questions sont susceptibles d’être résolues par la voie judiciaire, compte tenu aussi de la procédure prévue à l’article 177 du Traité ; 15. Qu’il faut donc répondre à la question posée en ce sens que l’article 3, paragraphe 1er, de la directive 64/221 du conseil du 25 février 1964 engendre en faveur des particuliers des droits qu’ils peuvent faire valoir en justice dans un Etat membre et que les juridictions nationales doivent sauvegarder ; […]

Document 6 : CE, 22 décembre 1978, Cohn-Bendit Vu le recours du ministre de l'Intérieur, ledit recours enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 15 mars 1978 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un jugement en date du 21 décembre 1977, par lequel le Tribunal administratif de Paris, statuant sur la requête du sieur X... Daniel tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision, en date du 2 février 1976, par laquelle le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit mis fin à l'arrêté d'expulsion pris à l'encontre de l'intéressé le 24 mai 1968, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de Justice des communautés européennes se soit prononcée sur deux questions préjudicielles renvoyées à ladite Cour par ledit tribunal, ensemble rejeter cette requête du sieur X.... Vu le Traité instituant la Communauté économique européenne ; la directive du Conseil des communautés européennes n. 221 du 25 février 1964 ; Vu le décret n. 70-29 du 5 janvier 1970 ; Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 30 décembre 1977 ; Considérant que l'arrêté du 20 décembre 1978, abrogeant la mesure d'expulsion dont le sieur X... était l'objet depuis le 24 mai 1968, n'a pas eu pour effet de rapporter la décision, en date du 2 février 1976, par laquelle le ministre de l'Intérieur avait refusé de mettre fin à cette mesure et que le sieur X... a déférée au Tribunal administratif de Paris ; qu'ainsi, ni la demande présentée par le sieur X... devant le tribunal administratif, ni, par suite, l'appel interjeté par le ministre de l'Intérieur du jugement rendu sur cette demande le 21 décembre 1977, ne sont devenus sans objet ; qu'il y a lieu, dès lors, pour le Conseil d'Etat, de statuer sur le recours du ministre de l'Intérieur ; Considérant que, d'après l'article 56 du traité instituant la Communauté économique européenne en date du 25 mars 1957, dont aucune stipulation n'habilite un organe des communautés européennes à prendre, en matière d'ordre public, des règlements directement applicables dans les Etats membres, la coordination des dispositions législatives et réglementaires « prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers et justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique » fait l'objet de directives du Conseil, arrêtées sur proposition de la Commission et après consultation de l'Assemblée ; qu'il ressort clairement de l'article 189 du traité du 25 mars 1957 que si ces directives lient les Etats membres "quant au résultat à atteindre" et si, pour atteindre le résultat qu'elles définissent, les autorités nationales sont tenues d'adapter la législation et la réglementation des Etats membres aux directives qui leur sont destinées, ces autorités restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à l'exécution des directives et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire effet en droit interne. Qu'ainsi, quelles que soient d'ailleurs les précisions qu'elles contiennent à l'intention des Etats membres, les directives ne sauraient être invoquées par les ressortissants de ces Etats à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif individuel. Qu'il suit de là que le sieur X... ne pouvait utilement soutenir, pour demander au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du ministre de l'Intérieur en date du 2 février 1976, que cette décision méconnaitrait les dispositions de la directive arrêtée le 25 février 1964 par le Conseil des communautés européennes en vue de coordonner, dans les conditions prévues par l'article 56 du traité de Rome, les mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique ; que, dès lors, à défaut de toute contestation sur la légalité des mesures réglementaires prises par le gouvernement français pour se conformer aux directives arrêtées par le Conseil des communautés européennes, la solution que doit recevoir la requête du sieur X... ne peut en aucun cas être subordonnée à l'interprétation de la directive du 25 février 1964. Que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du recours, le ministre de l'Intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 21 décembre 1977, le Tribunal administratif de Paris a renvoyé à la Cour de Justice des communautés européennes des questions relatives à l'interprétation de cette directive et sursis à statuer

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jusqu'à la décision de la Cour ; Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Paris pour être statué ce qu'il appartiendra sur la demande du sieur X... ; DECIDE : Article 1er - Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 21 décembre 1977 est annulé. Article 2 - L'affaire est renvoyée devant le Tribunal administratif de Paris pour être statué ce qu'il appartiendra sur la demande du sieur X.... Document 7 : CE, 20 octobre 1989, Nicolo Vu la requête, enregistrée le 27 juin 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Raoul Georges Z.…, demeurant ..., et tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 18 juin 1989 en vue de l'élection des représentants au Parlement européen, Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution, notamment son article 55 ; Vu le Traité en date du 25 mars 1957, instituant la communauté économique européenne ; Vu la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 ; Vu le code électoral ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu : - le rapport de M. de Montgolfier, Auditeur, - les observations de la S.C.P. de Chaisemartin, avocat de M. Y..., - les conclusions de M. Frydman, Commissaire du gouvernement ; Sur les conclusions de la requête de M. Z.… : Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants à l'Assemblée des communautés européennes « le territoire de la République forme une circonscription unique » pour l'élection des représentants français au Parlement européen ; qu'en vertu de cette disposition législative, combinée avec celles des articles 2 et 72 de la Constitution du 4 octobre 1958, desquelles il résulte que les départements et territoires d'outre-mer font partie intégrante de la République française, lesdits départements et territoires sont nécessairement inclus dans la circonscription unique à l'intérieur de laquelle il est procédé à l'élection des représentants au Parlement européen ; Considérant qu'aux termes de l'article 227-1 du traité en date du 25 mars 1957 instituant la Communauté Economique Européenne : « Le présent traité s'applique... à la République française » ; que les règles ci- dessus rappelées, définies par la loi du 7 juillet 1977, ne sont pas incompatibles avec les stipulations claires de l'article 227-1 précité du traité de Rome ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les personnes ayant, en vertu des dispositions du chapitre 1er du titre 1er du livre 1er du code électoral, la qualité d'électeur dans les départements et territoires d'outre-mer ont aussi cette qualité pour l'élection des représentants au Parlement européen ; qu'elles sont également éligibles, en vertu des dispositions de l'article L.O. 127 du code électoral, rendu applicable à l'élection au Parlement européen par l'article 5 de la loi susvisée du 7 juillet 1977 ; que, par suite, M. Z... n'est fondé à soutenir ni que la participation des citoyens français des départements et territoires d'outre-mer à l'élection des représentants au Parlement européen, ni que la présence de certains d'entre-deux sur des listes de candidats auraient vicié ladite élection ; que, dès lors, sa requête doit être rejetée ; Sur les conclusions du ministre des départements et territoires d'outre-mer tendant à ce que le Conseil d'État inflige une amende pour recours abusif à M. Z… Considérant que des conclusions ayant un tel objet ne sont pas recevables ; Article 1er : La requête de M. Z... et les conclusions du ministre des départements et des territoires d'outre-mer tendant à ce qu'une amende pour recours abusif lui soit infligée sont rejetées. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Z..., à M. de X..., mandataire de la liste l'Union U.D.F.-R.P.R., aux mandataires de la liste de rassemblement présentée par le Parti Communiste Français, de la liste du Centre pour l'Europe, de la liste Majorité de Progrès pour l'Europe, de la liste Les Verts Europe-Ecologie et de la liste Europe et Patrie et au ministre de l'intérieur.

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Document 8 : CE, 3 juillet 1996, Koné Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 mai 1995 et 2 janvier 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Moussa Y... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 17 mars 1995 accordant son extradition aux autorités maliennes ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution ; Vu l'accord de coopération en matière de justice entre la France et le Mali du 9 mars 1962 ; Vu la loi du 10 mars 1927, relative à l'extradition des étrangers ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. de L'Hermite, Auditeur, - les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Moussa Y.…, - les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ; Considérant que le décret attaqué accorde l'extradition de M. Y..., demandée à la France par les autorités maliennes pour l'exécution d'un mandat d'arrêt délivré par le président de la chambre d'instruction de la cour suprême du Mali le 22 mars 1994 dans le cadre de poursuites engagées à son encontre pour les faits de « complicité d'atteinte aux biens publics et enrichissement illicite » relatifs aux fonds transférés hors du Mali provenant de trafics d'hydrocarbures susceptibles d'avoir été réalisés à l'aide de faux documents douaniers par Mme Mariam X... et son frère M. X... ; Considérant que l'erreur matérielle figurant dans le décret attaqué sur le nom matrimonial de Mme X.., qui n' est pas de nature à faire naître un doute sur la véritable identité de l'intéressée, mentionnée dans la demande d'extradition comme dans l'avis d e la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, est sans incidence sur la légalité dudit décret ; Considérant qu'aux termes de l'article 48 de l'accord de coopération en matière de justice entre la France et le Mali du 9 mars 1962 susvisé : « La demande d'extradition sera adressée par la voie diplomatique... Les circonstances des faits pour lesquels l'extradition est demandée, ... la qualification légale et les références aux dispositions légales qui leur sont applicables seront indiquées le plus exactement possible. Il sera joint également une copie des dispositions légales applicables... » ; Considérant que la demande d'extradition adressée à la France par le Mali le 27 mars 1994 répond à ces prescriptions ; qu'elle précise notamment que les faits reprochés à M. Y... constituent les infractions de « complicité d'atteinte aux biens publics et enrichissement illicite » prévus et réprimés par la loi malienne n° 82-39/AN-RM du 26 mars 1982 et l'ordonnance n° 6/CMLN du 13 février 1974, dont la copie figure au dossier, d'une peine d'emprisonnement de trois à cinq années ; que l'erreur matériel le sur la date de ladite ordonnance dans l'une de ces copies n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le décret attaqué ; Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant puisse encourir la peine capitale à raison des faits qui lui sont reprochés ; Considérant qu'aux termes de l'article 44 de l'accord de coopération franco-malien susvisé : "L'extradition ne sera pas exécutée si l'infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la partie requise comme une infraction politique ou comme une infraction connexe à une telle infraction" ; que ces stipulations doivent être interprétées conformément au principe fondamental reconnu par les lois de la République, selon lequel l'Etat doit refuser l'extradition d'un étranger lorsqu'elle est demandée dans un but politique ; qu'elles ne sauraient dès lors limiter le pouvoir de l'Etat français de refuser l'extradition au seul cas des infractions de nature politique et des infractions qui leur sont connexes ; que, par suite, M. Y... est, contrairement à ce que soutient le garde des sceaux, fondé à se prévaloir de ce principe ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que l'extradition du requérant ait été demandée dans un but politique ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y.… n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ; Article 1er : La requête de M. Y.… est rejetée. Document 9 : CE, 30 octobre 1998, Sarran, Levacher et autres (extraits) […] Considérant que si l'article 55 de la Constitution dispose que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie », la suprématie ainsi conférée aux engagements internationaux ne s'applique pas, dans l'ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le décret attaqué, en ce qu'il méconnaîtrait les

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stipulations d'engagements internationaux régulièrement introduits dans l'ordre interne, serait par là même contraire à l'article 55 de la Constitution, ne peut lui aussi qu'être écarté. […] Document 10 : CE, 8 février 2007, Arcelor (extraits) […] Sur les conclusions présentées pour la SOCIETE UGITECH : Considérant que le désistement de la SOCIETE UGITECH est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ; Sur le cadre juridique du litige : Considérant qu'afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 a établi un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté européenne ; que l'annexe I de la directive fixe la liste des activités auxquelles elle s'applique ; qu'aux termes de son article 4 : " Les Etats membres veillent à ce que, à partir du 1er janvier 2005, aucune installation ne se livre à une activité visée à l'annexe I entraînant des émissions spécifiées en relation avec cette activité, à moins que son exploitant ne détienne une autorisation (...) " ; qu'aux termes de son article 6, l'autorisation d'émettre des gaz à effet de serre emporte notamment : " e) l'obligation de restituer, dans les quatre mois qui suivent la fin de chaque année civile, des quotas correspondant aux émissions totales de l'installation au cours de l'année civile écoulée (...) " ; que l'article 9 de la directive prévoit que, pour la période de trois ans qui débute le 1er janvier 2005, puis pour les périodes de cinq ans suivantes, chaque Etat membre doit élaborer un plan national d'allocation de quotas précisant la quantité totale de quotas qu'il a l'intention d'allouer pour la période considérée ; qu'aux termes de son article 10 : " Pour la période de trois ans qui débute le 1er janvier 2005, les Etats membres allocationnent au moins 95 % des quotas à titre gratuit. Pour la période de cinq ans qui débute le 1er janvier 2008, les Etats membres allocationnent au moins 90 % des quotas à titre gratuit " ; qu'en vertu de son article 11, il appartient à chaque Etat membre, sur la base de son plan national d'allocation des quotas, de décider, pour chaque période, de la quantité totale de quotas qu'il allouera et de l'attribution de ces quotas à l'exploitant de chaque installation, une partie de la quantité totale de quotas étant délivrée chaque année; que son article 12 pose le principe selon lequel les quotas peuvent être transférés d'une personne à l'autre dans la Communauté; Considérant que l'ordonnance du 15 avril 2004 portant création d'un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre a procédé à la transposition en droit interne de celles des dispositions de la directive du 13 octobre 2003 qui relèvent du domaine de la loi ; qu'elle a, à cette fin, introduit au chapitre IX du titre II du livre II du code de l'environnement une section 2, intitulée " Quotas d'émission de gaz à effet de serre ", comprenant les articles L. 229-5 à L. 229-19, dont les modalités d'application sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat ; qu'a été pris, sur ce fondement, le décret n° 2004-832 du 19 août 2004, modifié par le décret n° 2005-189 du 25 février 2005 ; que, par ailleurs, le plan national d'affectation des quotas d'émission de gaz à effet de serre pour la période 2005-2007 a été approuvé par le décret n° 2005-190 du 25 février 2005 ; Considérant que la SOCIETE ARCELOR ATLANTIQUE ET LORRAINE et les autres requérants ont demandé le 12 juillet 2005 au Président de la République, au Premier ministre, au ministre de l'écologie et du développement durable et au ministre délégué à l'industrie, à titre principal, l'abrogation de l'article 1er du décret n° 2004-832 du 19 août 2004 en tant qu'il rend applicable ce décret aux installations du secteur sidérurgique et, à titre subsidiaire, celle des I et II de l'article 4 et de l'article 5 de ce décret ; que la présente requête tend à l'annulation des décisions implicites de rejet qui leur ont été opposées et à ce qu'il soit enjoint aux autorités compétentes de procéder aux abrogations en cause ; Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ; Sur les conclusions dirigées contre le refus d'abroger l'article 1er du décret : Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 19 août 2004 : " Le présent décret s'applique aux installations classées pour la protection de l'environnement produisant ou transformant des métaux ferreux, produisant de l'énergie, des produits minéraux, du papier ou de la pâte à papier et répondant aux critères fixés dans l'annexe au présent décret, au titre de leurs rejets de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, à l'exception des installations ou parties d'installations utilisées pour la recherche, le développement et l'expérimentation de nouveaux produits et procédés " ; qu'aux termes du point II-A de l'annexe au décret, sont visées au titre des activités de production et de transformation des métaux ferreux, les " installations de grillage ou de frittage de minerai métallique, y compris de minerai sulfuré " et les " installations pour la production de fonte ou d'acier

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(fusion primaire ou secondaire), y compris les équipements pour coulée continue d'une capacité de plus de 2,5 tonnes par heure " ; Considérant que la soumission des activités de production et de transformation des métaux ferreux au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre est prévue par l'annexe I de la directive du 13 octobre 2003, dont l'annexe au décret du 19 août 2004 se borne à reprendre, à l'identique, le contenu ; qu'ainsi qu'il a été dit, la directive exclut la possibilité, pour un Etat membre, de soustraire des activités visées à l'annexe I au champ d'application du système ; Considérant, en premier lieu, que le pouvoir réglementaire ne pouvait donc, en l'espèce, se livrer à aucune appréciation quant au champ d'application du décret ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que celui-ci serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté ; Considérant, en deuxième lieu, qu'est invoqué le moyen tiré de ce que l'article 1er du décret méconnaîtrait le principe de sécurité juridique en tant que principe général du droit communautaire ; que, toutefois, la circonstance que les entreprises du secteur sidérurgique ne pourraient prévoir à quel prix elles devront, le cas échéant, acheter des quotas ne saurait caractériser une méconnaissance de ce principe ; Considérant, en troisième lieu, que les sociétés requérantes soutiennent que l'article 1er du décret méconnaîtrait plusieurs principes à valeur constitutionnelle ; Considérant que si, aux termes de l'article 55 de la Constitution, " les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ", la suprématie ainsi conférée aux engagements internationaux ne saurait s'imposer, dans l'ordre interne, aux principes et dispositions à valeur constitutionnelle ; qu'eu égard aux dispositions de l'article 88-1 de la Constitution, selon lesquelles " la République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences ", dont découle une obligation constitutionnelle de transposition des directives, le contrôle de constitutionnalité des actes réglementaires assurant directement cette transposition est appelé à s'exercer selon des modalités particulières dans le cas où sont transposées des dispositions précises et inconditionnelles ; qu'alors, si le contrôle des règles de compétence et de procédure ne se trouve pas affecté, il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen tiré de la méconnaissance d'une disposition ou d'un principe de valeur constitutionnelle, de rechercher s'il existe une règle ou un principe général du droit communautaire qui, eu égard à sa nature et à sa portée, tel qu'il est interprété en l'état actuel de la jurisprudence du juge communautaire, garantit par son application l'effectivité du respect de la disposition ou du principe constitutionnel invoqué ; que, dans l'affirmative, il y a lieu pour le juge administratif, afin de s'assurer de la constitutionnalité du décret, de rechercher si la directive que ce décret transpose est conforme à cette règle ou à ce principe général du droit communautaire ; qu'il lui revient, en l'absence de difficulté sérieuse, d'écarter le moyen invoqué, ou, dans le cas contraire, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle, dans les conditions prévues par l'article 234 du Traité instituant la Communauté européenne ; qu'en revanche, s'il n'existe pas de règle ou de principe général du droit communautaire garantissant l'effectivité du respect de la disposition ou du principe constitutionnel invoqué, il revient au juge administratif d'examiner directement la constitutionnalité des dispositions réglementaires contestées ; Considérant que les sociétés requérantes soutiennent que seraient méconnus le droit de propriété et la liberté d'entreprendre, dès lors que l'inclusion des entreprises du secteur sidérurgique dans le système les placerait dans une situation où elles seraient contraintes d'acquérir des quotas d'émission de gaz à effet de serre ; qu'en effet, le taux de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui leur est imposé serait supérieur aux possibilités de réduction effective des émissions de gaz à effet de serre dont elles disposent en l'état des contraintes techniques et économiques ; Considérant que le droit de propriété et la liberté d'entreprendre constituent des principes généraux du droit communautaire; qu'ils ont, au regard du moyen invoqué, une portée garantissant l'effectivité du respect des principes et dispositions de valeur constitutionnelle dont la méconnaissance est alléguée ; qu'il y a lieu, dès lors, pour le Conseil d'Etat, de rechercher si la directive du 13 octobre 2003, en tant qu'elle inclut dans son champ d'application les entreprises du secteur sidérurgique, ne contrevient pas elle-même à ces principes généraux du droit communautaire ; Considérant que la seule circonstance que les entreprises du secteur sidérurgique soient incluses dans le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre ne saurait être regardée comme portant atteinte aux principes généraux du droit communautaire qui garantissent le droit de propriété et la liberté d'entreprendre, dès lors qu'une telle atteinte ne pourrait résulter, le cas échéant, que du niveau de réduction des émissions de gaz à effet de serre assigné à ce secteur dans le cadre du plan national d'allocation des quotas prévu par l'article 8 de la directive et approuvé par un décret distinct du décret contesté;

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Considérant que les sociétés requérantes mettent en cause également la méconnaissance du principe à valeur constitutionnelle d'égalité ; Considérant qu'elles font valoir, tout d'abord, que les entreprises du secteur sidérurgique se trouveraient placées dans une situation différente de celles des autres entreprises soumises au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre et ne pourraient, dès lors, faire l'objet du même traitement ; que, cependant, le principe constitutionnel d'égalité n'implique pas que des personnes se trouvant dans des situations différentes doivent être soumises à des régimes différents ; qu'il suit de là que le moyen ne saurait être utilement invoqué ; Considérant, toutefois, que les sociétés requérantes soutiennent en outre que l'article 1er du décret attaqué méconnaît le principe d'égalité au motif que les entreprises relevant de secteurs concurrents, notamment du plastique et de l'aluminium, et émettant des quantités équivalentes de gaz à effet de serre, ne sont pas assujetties au système d'échange de quotas ; Considérant que le principe d'égalité, dont l'application revêt à cet égard valeur constitutionnelle, constitue un principe général du droit communautaire ; qu'il ressort de l'état actuel de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes que la méconnaissance de ce principe peut notamment résulter de ce que des situations comparables sont traitées de manière différente, à moins qu'une telle différence de traitement soit objectivement justifiée ; que la portée du principe général du droit communautaire garantit, au regard du moyen invoqué, l'effectivité du respect du principe constitutionnel en cause ; qu'il y a lieu, dès lors, pour le Conseil d'Etat, de rechercher si la directive du 13 octobre 2003, en tant qu'elle inclut dans son champ d'application les entreprises du secteur sidérurgique, ne contrevient pas à cet égard au principe général du droit communautaire qui s'impose à elle ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les industries du plastique et de l'aluminium émettent des gaz à effet de serre identiques à ceux dont la directive du 13 octobre 2003 a entendu limiter l'émission ; que ces industries produisent des matériaux qui sont partiellement substituables à ceux produits par l'industrie sidérurgique et se trouvent donc placées en situation de concurrence avec celle-ci ; qu'elles ne sont cependant pas couvertes, en tant que telles, par le système d'échange de quotas de gaz à effet de serre, et ne lui sont indirectement soumises qu'en tant qu'elles comportent des installations de combustion d'une puissance calorifique supérieure à 20 mégawatts ; que si la décision de ne pas inclure immédiatement, en tant que telles, les industries du plastique et de l'aluminium dans le système a été prise en considération de leur part relative dans les émissions totales de gaz à effet de serre et de la nécessité d'assurer la mise en place progressive d'un dispositif d'ensemble, la question de savoir si la différence de traitement instituée par la directive est objectivement justifiée soulève une difficulté sérieuse ; que, par suite, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de surseoir à statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre le refus d'abroger l'article 1er du décret contesté jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur la question préjudicielle de la validité de la directive du 13 octobre 2003 au regard du principe d'égalité en tant qu'elle rend applicable le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre aux installations du secteur sidérurgique, sans y inclure les industries de l'aluminium et du plastique ; Sur les conclusions dirigées contre le refus d'abroger les I et II de l'article 4 et l'article 5 du décret : Considérant qu'il résulte du sursis à statuer sur les conclusions principales des sociétés requérantes prononcé par la présente décision qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans l'attente de la réponse de la Cour de justice des Communautés européennes à la question préjudicielle qui lui est posée, de différer son examen des conclusions de la requête dirigées contre le refus d'abroger les I et II de l'article 4 et l'article 5 du décret du 19 août 2004 ; D E C I D E : -------------- Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de la SOCIETE UGITECH. Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la SOCIETE ARCELOR ATLANTIQUE ET LORRAINE, de la SOCIETE SOLLAC MEDITERRANNEE, de la SOCIETE ARCELOR PACKAGING INTERNATIONAL, de la SOCIETE UGINE et ALZ FRANCE, de la SOCIETE INDUSTEEL LOIRE, de la SOCIETE CREUSOT METAL, de la SOCIETE IMPHY ALLOYS et de la SOCIETE ARCELOR jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur la question de la validité de la directive du 13 octobre 2003 au regard du principe d'égalité en tant qu'elle rend applicable le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre aux installations du secteur sidérurgique sans y inclure les industries de l'aluminium et du plastique. Cette question est renvoyée à la Cour de justice des Communautés européennes siégeant à Luxembourg.

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Document 11 : CE, 30 octobre 2009, Mme Perreux Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Emmanuelle A, épouse C, demeurant ... ; Mme A, épouse C demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, le décret du 24 août 2006 portant nomination dans la magistrature en tant qu'il la nomme vice-présidente chargée de l'application des peines au tribunal de grande instance de Périgueux et qu'il nomme Mme Eva B, épouse D, à l'administration centrale à compter du 1er septembre 2006, d'autre part, l'arrêté du 29 août 2006 portant nomination de Mme B, épouse D, juge de l'application des peines au tribunal de grande instance de Périgueux, en qualité de chargée de formation à l'Ecole nationale de la magistrature à compter du 1er septembre 2006 ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution, notamment son Préambule et les articles 1er, 55 et 88-1 ; Vu le traité instituant la Communauté européenne ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Vu la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ; Vu la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, et notamment son article 13 ; Vu le décret n° 99-1073 du 21 décembre 1999 régissant les emplois de l'Ecole nationale de la magistrature ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Pierre Chaubon, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme A, épouse C et du Syndicat de la magistrature, - les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public, - les nouvelles observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme A, épouse C et du Syndicat de la magistrature ; Considérant que Mme A a demandé, dans sa requête introductive d'instance, l'annulation, d'une part, du décret du 24 août 2006 portant nomination dans la magistrature en tant qu'il la nomme vice-présidente, chargée de l'application des peines, au tribunal de grande instance de Périgueux, et en tant que, selon elle, il nommerait Mme B au sein de l'administration centrale, d'autre part de l'arrêté du 29 août 2006 du garde des sceaux, ministre de la justice, portant nomination de Mme B, juge de l'application des peines au tribunal de grande instance de Périgueux, en qualité de chargée de formation à l'Ecole nationale de la magistrature à compter du 1er septembre 2006 ; Sur les conclusions de la requête dirigées contre le décret du 24 août 2006 en tant qu'il nomme Mme A vice- présidente, chargée de l'application des peines, au tribunal de grande instance de Périgueux : Considérant que, par un mémoire enregistré le 17 janvier 2007, la requérante s'est désistée de ces conclusions ; qu'il convient de lui en donner acte ; Sur la recevabilité des autres conclusions de Mme A : Considérant qu'à la suite de ce désistement, Mme A a limité ses autres conclusions à l'encontre du décret du 24 août 2006 à la contestation de la nomination à l'administration centrale de Mme B ; qu'en l'absence d'une telle mesure dans le décret attaqué, que fait valoir à juste titre le garde des sceaux, ministre de la justice, ces conclusions ne sont pas recevables ; qu'en revanche Mme A a intérêt à agir contre l'arrêté du 29 août 2006, dès lors qu'elle est susceptible d'occuper la fonction à laquelle Mme B a été nommée par cet arrêté ; qu'ainsi ses conclusions à fin d'annulation de cet arrêté sont recevables ; Sur l'intervention du Syndicat de la magistrature : Considérant que le litige relatif à la nomination de Mme A comme vice-présidente chargée de l'application des peines au tribunal de grande instance de Périgueux prend fin par suite du désistement dont il est donné acte par la présente décision ; que dès lors l'intervention du Syndicat de la magistrature au soutien des conclusions dont Mme A s'est désistée est devenue sans objet ;

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Considérant que, dès lors que les conclusions de Mme A dirigées contre le décret du 24 août 2006 sont irrecevables, l'intervention du Syndicat de la magistrature au soutien de ces conclusions est également irrecevable ; Considérant, en revanche, que le Syndicat de la magistrature a un intérêt de nature à justifier son intervention au soutien des conclusions de la requête de Mme A en tant qu'elles sont dirigées contre l'arrêté du 29 août 2006 ; que, par suite, son intervention est recevable dans cette mesure ; Sur la légalité des décisions attaquées : Considérant que Mme A soutient, à l'appui de sa requête, que le garde des sceaux, ministre de la justice, aurait commis une erreur de droit en écartant sa candidature au poste de chargé de formation à l'Ecole nationale de la magistrature en raison de son engagement syndical et aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en préférant celle de Mme B ; Considérant que la requérante invoque le bénéfice des règles relatives à la charge de la preuve fixées par l'article 10 de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, dont le délai de transposition expirait le 2 décembre 2003, antérieurement à la date des décisions attaquées, alors que cette disposition n'a été transposée de manière générale que par l'article 4 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ; Considérant que la transposition en droit interne des directives communautaires, qui est une obligation résultant du Traité instituant la Communauté européenne, revêt, en outre, en vertu de l'article 88-1 de la Constitution, le caractère d'une obligation constitutionnelle ; que, pour chacun de ces deux motifs, il appartient au juge national, juge de droit commun de l'application du droit communautaire, de garantir l'effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l'égard des autorités publiques ; que tout justiciable peut en conséquence demander l'annulation des dispositions règlementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives et, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d'action ou par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives ; qu'en outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ; Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la directive du 27 novembre 2000 : " 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire, afin que, dès lors qu'une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement. / 2. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle à l'adoption par les Etats membres de règles de la preuve plus favorables aux plaignants. / 3. Le paragraphe 1 ne s'applique pas aux procédures pénales. / 4. Les paragraphes 1, 2 et 3 s'appliquent également à toute procédure engagée conformément à l'article 9, paragraphe 2. / 5. Les Etats membres peuvent ne pas appliquer le paragraphe 1 aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction ou à l'instance compétente. " ; qu'en vertu du cinquième paragraphe de cet article, les dispositions précitées relatives à l'aménagement de la charge de la preuve n'affectent pas la compétence laissée aux Etats membres pour décider du régime applicable aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction ; que tel est l'office du juge administratif en droit public français ; qu'ainsi, eu égard à la réserve que comporte le paragraphe 5 de l'article 10, les dispositions de ce dernier sont dépourvues d'effet direct devant la juridiction administrative ; Considérant toutefois que, de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de ses allégations, Mme A se fonde sur des éléments de fait, tenant tant à la qualité de sa candidature qu'à des procédures antérieures de recrutement à la fonction de chargé de formation pour l'application des peines à l'Ecole nationale de la magistrature, pour soutenir que cette candidature aurait été écartée en raison

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de ses responsabilités syndicales connues de l'administration ; que ces éléments de fait sont corroborés par une délibération en date du 15 septembre 2008 de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, que cette dernière a entendu verser au dossier de la procédure en application de l'article 13 de la loi du 30 décembre 2004 ; que, si ces éléments peuvent ainsi faire présumer l'existence d'une telle discrimination, il ressort des pièces du dossier et, notamment, des éléments de comparaison produits en défense par le garde des sceaux, ministre de la justice que la décision de nommer Mme B plutôt que Mme A au poste de chargé de formation à l'Ecole nationale de la magistrature repose sur des motifs tenant aux capacités, aptitudes et mérites respectifs des candidates ; que la préférence accordée à la candidature de Mme B procédait en effet d'une analyse comparée des évaluations professionnelles des deux magistrates et des appréciations que comportait l'avis motivé en date du 10 avril 2006 établi, conformément à l'article 12 du décret du 21 décembre 1999 régissant les emplois de l'Ecole nationale de la magistrature, en vigueur à la date de la décision attaquée, par la commission de recrutement mise en place par l'école ; qu'elle était également en correspondance avec les critères fixés préalablement dans la description du poste publiée par l'école, tenant au fonctionnement et aux caractéristiques de l'équipe pédagogique, ainsi qu'aux capacités linguistiques requises par ses missions internationales ; que, dans ces conditions, ce choix, même s'il n'était pas celui du directeur de l'école, dont l'avis était prescrit par l'article 10 du même décret, doit être regardé comme ne reposant pas sur des motifs entachés de discrimination ; que, dès lors, il n'est pas entaché d'erreur de droit ; Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que le choix de Mme B est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de Mme A ne peut qu'être rejetée, ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; D E C I D E : -------------- Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de la requête de Mme A dirigées contre le décret du 24 août 2006 en tant que ce décret la nomme vice-présidente, chargée de l'application des peines, au tribunal de grande instance de Périgueux. Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur l'intervention du Syndicat de la magistrature au soutien des conclusions dont Mme A s'est désistée. Article 3 : L'intervention du Syndicat de la magistrature au soutien des autres conclusions de Mme A dirigées contre le décret du 24 août 2006 n'est pas admise. Article 4 : L'intervention du Syndicat de la magistrature au soutien des conclusions de Mme A dirigées contre l'arrêté du 29 août 2006 est admise. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté. Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Emmanuelle A, épouse C, à Mme Eva B, épouse D, au Syndicat de la magistrature et à la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Une copie en sera adressée, pour information, à la Haute Autorité pour la lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Document 12 : Décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l'économie numérique (extraits) […] 1. Considérant que les auteurs des deux saisines défèrent au Conseil constitutionnel la loi pour la confiance dans l'économie numérique ; qu'ils contestent notamment la conformité à la Constitution de ses articles 1er et 6 en ce qu'ils concernent la définition du courrier électronique, la responsabilité des « hébergeurs », ainsi que le régime du droit de réponse et de la prescription applicable à la communication au public en ligne ; […] SUR LA RESPONSABILITÉ DES HÉBERGEURS : 5. Considérant que le 2 du I de l'article 6 de la loi déférée dispose : « Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible... » ; qu'aux termes du 3 du I du même article : « Les personnes visées au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible... » ;

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6. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative et porteraient atteinte à la liberté de communication proclamée par l'article 11 de la Déclaration de 1789, à l'article 66 de la Constitution, aux droits de la défense, ainsi qu'au droit à un procès équitable garanti par l'article 16 de la Déclaration ; 7. Considérant qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ; qu'ainsi la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une disposition expresse contraire de la Constitution ; qu'en l'absence d'une telle disposition, il n'appartient qu'au juge communautaire, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par une directive communautaire tant des compétences définies par les traités que des droits fondamentaux garantis par l'article 6 du Traité sur l'Union européenne ; 8. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 14 de la directive du 8 juin 2000 susvisée pour la transposition de laquelle est prise la loi déférée : « Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d'un destinataire du service à condition que : - a) le prestataire n'ait pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l'activité ou l'information illicite est apparente - ou b) le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible » ; 9. Considérant que les 2 et 3 du I de l'article 6 de la loi déférée ont pour seule portée d'écarter la responsabilité civile et pénale des hébergeurs dans les deux hypothèses qu'ils envisagent ; que ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d'engager la responsabilité d'un hébergeur qui n'a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère ou si son retrait n'a pas été ordonné par un juge ; que, sous cette réserve, les 2 et 3 du I de l'article 6 se bornent à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises du 1 de l'article 14 de la directive susvisée sur lesquelles il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de se prononcer ; que, par suite, les griefs invoqués par les requérants ne peuvent être utilement présentés devant lui. […] Document 13 : Décision n° 2013-314P QPC du 04 avril 2013 du Conseil constitutionnel (extraits) Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 février 2013 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1087 du 19 février 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jeremy F., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du quatrième alinéa de l'article 695-46 du code de procédure pénale.

[…] 4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction ; qu'aux termes de son article 6, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ; 5. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 88-2 de la Constitution : « La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l'Union européenne » ; que, par ces dispositions particulières, le constituant a entendu lever les obstacles constitutionnels s'opposant à l'adoption des dispositions législatives découlant nécessairement des actes pris par les institutions de l'Union européenne relatives au mandat d'arrêt européen ; que, par suite, il appartient au Conseil constitutionnel saisi de dispositions législatives relatives au mandat d'arrêt européen de contrôler la conformité à la Constitution de celles de ces dispositions législatives qui procèdent de l'exercice, par le législateur, de la marge d'appréciation que prévoit l'article 34 du Traité sur l'Union européenne, dans sa rédaction alors applicable ; 6. Considérant que, selon le paragraphe 3 de son article 1er, la décision cadre « ne saurait avoir pour effet de modifier l'obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu'ils sont consacrés par l'article 6 du traité sur l'Union européenne » ; que son article 27 prévoit les conditions dans lesquelles l'autorité judiciaire qui a ordonné la remise d'une personne en application d'un mandat d'arrêt européen statue sur une demande des autorités à qui la personne a été remise, tendant à ce que cette personne puisse être poursuivie, condamnée ou privée de liberté pour une infraction commise avant sa remise autre que celle qui a motivé celle-ci ; que son article 28 fixe les conditions dans lesquelles cette même autorité judiciaire consent à ce que la personne soit ultérieurement remise à un autre État membre ; que la dernière phrase du

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paragraphe 4 de l'article 27 ainsi que le c) du paragraphe 3 de l'article 28 indiquent que « la décision est prise au plus tard trente jours après réception de la demande » ; 7. Considérant que, pour juger de la conformité du quatrième alinéa de l'article 695-46 du code de procédure pénale aux droits et libertés que garantit la Constitution, il appartient au Conseil constitutionnel de déterminer si la disposition de ce texte qui prévoit que la chambre de l'instruction « statue sans recours dans le délai de trente jours... À compter de la réception de la demande » découle nécessairement de l'obligation faite à l'autorité judiciaire de l'État membre par le paragraphe 4 de l'article 27 et le c) du paragraphe 3 de l'article 28 de la décision-cadre de prendre sa décision au plus tard trente jours après la réception de la demande ; qu'au regard des termes précités de la décision-cadre, une appréciation sur la possibilité de prévoir un recours contre la décision de la juridiction initialement saisie au-delà du délai de trente jours et suspendant l'exécution de cette décision exige qu'il soit préalablement statué sur l'interprétation de l'acte en cause ; que, conformément à l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la Cour de justice de l'Union européenne est seule compétente pour se prononcer à titre préjudiciel sur une telle question ; que, par suite, il y a lieu de la lui renvoyer et de surseoir à statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. F. ; 8. Considérant que, compte tenu du délai de trois mois dans lequel le Conseil constitutionnel est tenu, en application de l'article 23-10 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée, d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité, de l'objet de la question préjudicielle posée relative à l'espace de liberté, de sécurité et de justice, et de la privation de liberté dont le requérant fait l'objet dans la procédure à l'origine de la présente question prioritaire de constitutionnalité, il y a lieu de demander la mise en œuvre de la procédure d'urgence prévue par l'article 23 bis du protocole n° 3 au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne sur le statut de la Cour de justice de l'Union européenne, D É C I D E : Article 1er - Il y a lieu de demander à la Cour de justice de l'Union européenne de statuer à titre préjudiciel sur la question suivante : Les articles 27 et 28 de la décision-cadre n° 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce que les États membres prévoient un recours suspendant l'exécution de la décision de l'autorité judiciaire qui statue, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la demande, soit afin de donner son consentement pour qu'une personne soit poursuivie, condamnée ou détenue en vue de l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté, pour une infraction commise avant sa remise en exécution d'un mandat d'arrêt européen, autre que celle qui a motivé sa remise, soit pour la remise d'une personne à un État membre autre que l'État membre d'exécution, en vertu d'un mandat d'arrêt européen émis pour une infraction commise avant sa remise ? Article 2 - Il est demandé à la Cour de justice de l'Union européenne de statuer selon la procédure d'urgence. Article 3.- Il est sursis à statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jeremy F. […]

Document 14 : R. Guastini, « La primauté du droit communautaire : une révision tacite de la Constitution italienne », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 9, 20011 (extrait) La Constitution italienne est essentiellement (et tacitement) « dualiste ». Elle prévoit, en son article 10, alinéa 1er, que l'ordonnancement juridique italien s'adapte automatiquement au droit international général, c'est-à-dire coutumier. En revanche, elle ne prévoit aucun automatisme pour l'adaptation au droit international conventionnel. Par voie de conséquence, les traités internationaux ne peuvent être introduits dans l'ordonnancement juridique interne que par le biais d'actes internes (lois ou règlements) qui en ordonnent l'exécution. Naturellement, une loi est nécessaire chaque fois que l'exécution d'un traité exige la dérogation ou l'abrogation de lois antérieures. Et naturellement tout traité acquiert, dans l'ordonnancement juridique interne, la « force » - c'est-à-dire la place dans la hiérarchie des sources - de l'acte qui en a ordonné l'exécution. Dans l'ordonnancement juridique italien, les traités n'ont pas « une autorité supérieure à celle des lois » (comme dans l'ordre juridique français : article 55, Constitution de 1958). Les traités communautaires ont été introduits dans l'ordonnancement juridique italien par le biais d'autant de lois d'exécution : des lois ordinaires, il faut le préciser. À la lumière de l'article 11 de la Constitution, aux termes duquel la République consent aux « limitations de souveraineté nécessaires à un ordonnancement qui assure la paix et la justice entre les nations », on n'a pas estimé nécessaire de procéder à une révision constitutionnelle ; on n'a pas non plus pensé donner exécution aux traités communautaires par le biais de lois formellement constitutionnelles (au sens de l'article 138 de la Constitution, qui régit la procédure de formation des lois de révision constitutionnelle et des « autres lois constitutionnelles »). Néanmoins, il est indéniable que l'article 189, alinéa 2, du traité CE2 (comme les dispositions analogues des autres traités communautaires) - en conférant « force obligatoire » et « applicabilité directe » aux règlements communautaires dans chaque 1 Traduit de l'italien par M. Baudrez, maître de conférences à l'université de Toulon et du Var, et Th. Di Manno, professeur à l'université Jean Monnet de Saint-Étienne, directeurs du CDPC Jean-Claude Escarras (CNRS-UMR 6055). 2 Article 249, alinéa 2, du traité, dans sa rédaction issue des modifications introduites par le traité d'Amsterdam.

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État membre3 a une incidence profonde sur le cadre constitutionnel (interne) des pouvoirs normatifs et des sources du droit (comme l'a reconnu la Cour constitutionnelle italienne, dès son arrêt n° 98 de 1965). En d'autres termes, même si la loi d'exécution du traité CE met en œuvre l'article 11 de la Constitution, elle déroge, néanmoins, également à de nombreuses autres normes constitutionnelles. La question est alors de savoir si l'article 11 de la Constitution suffit, à lui seul, à justifier de telles dérogations. Dans cette étude, il sera défendu la thèse selon laquelle la loi ordinaire d'exécution du traité CE est - malgré l'article 11 de la Constitution - inconstitutionnelle, et, partant, l'exécution de ce traité aurait dû nécessiter une loi de révision constitutionnelle. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle italienne en matière communautaire, qui justifie (à la lumière de l'article 11 de la Constitution) la primauté du droit communautaire même en l'absence de révision constitutionnelle, est privée de fondement et constitue une sorte de révision tacite de la Constitution en vigueur. I - La jurisprudence de la Cour constitutionnelle en matière communautaire Les orientations de la Cour constitutionnelle italienne en matière communautaire peuvent être synthétisées de la manière suivante. 1 - Limitations de souveraineté Dès la première décision qu'elle a rendue en matière communautaire (Cour const., n°14 de 1964), la Cour constitutionnelle a reconnu sans difficultés que les traités communautaires comportent une limitation de souveraineté et, plus précisément, un transfert partiel aux organes communautaires de la fonction législative du Parlement (Cour const., n°183 de 1973), ainsi qu'une limitation de l'autonomie constitutionnellement garantie aux organes législatifs régionaux (Cour const., n°120 de 1969 et 182 de 1976). Toutefois, selon l'interprétation de la Cour, non seulement l'article 11 de la Constitution autorise l'État à consentir à des limitations de souveraineté, mais permet également que de telles limitations soient opérées par la loi ordinaire (Cour const., n°14 de 1964, n°183 de 1973, n°170 de 1984, etc.). Selon le raisonnement développé par la Cour, si une loi constitutionnelle était nécessaire pour consentir à des limitations de souveraineté, l'article 11 de la Constitution serait inutile ou redondant (Cour const., n°183 de 1973). Par conséquent, sous cet angle, les lois d'exécution des traités ne soulèvent pas de problèmes de constitutionnalité. Sur ce point, la jurisprudence de la Cour est constante : on ne relève aucun revirement. 2 - Limites et « contre-limites » L'article 11 de la Constitution autorise des « limitations de souveraineté » sans autres précisions, mais cela ne signifie pas qu'il autorise n'importe quelle limitation de la souveraineté. Le transfert à la Communauté européenne de pouvoirs souverains n'implique pas une privation radicale d'efficacité de la « volonté souveraine des organes législatifs des États membres » (Cour const., n°232 de 1975). Se pose, donc, le problème de savoir quelles limitations sont permises et quelles limitations sont interdites, ou, en d'autres termes, dans quelles limites les limitations de souveraineté sont acceptables. Dans le langage de la doctrine italienne, ces limites sont appelées des « contre-limites ». Dans les années soixante (Cour const., n°98 de 1965), la Cour estimait que les lois d'exécution des traités étaient, comme toute autre loi ordinaire, susceptibles d'être soumises au contrôle de constitutionnalité et pouvaient, donc, être déclarées inconstitutionnelles en cas de contrariété avec toute norme constitutionnelle. Par conséquent, selon cette jurisprudence, les limitations de souveraineté rencontraient, à leur tour, une limite dans la Constitution (la Constitution dans toutes ses dispositions) : les limitations de souveraineté ne pouvaient pas aller jusqu'à porter atteinte aux normes constitutionnelles. En revanche, la jurisprudence plus récente exclut que les lois d'exécution puissent être déclarées inconstitutionnelles, comme toute autre loi ordinaire, en raison de l'atteinte portée à n'importe quelle norme constitutionnelle. L'opinion, désormais consolidée, de la Cour est que, au contraire, ces lois peuvent déroger aux normes constitutionnelles (Cour const., n°182 de 1976) et peuvent être déclarées inconstitutionnelles seulement si elles portent atteinte aux principes constitutionnels suprêmes et aux droits inviolables de la personne (Cour const., n°183 de 1973, n°170 de 1984, n°168 de 1991 et n°93 de 1997). En d'autres termes, les limitations de souveraineté ne rencontrent d'autre limite que celle des principes suprêmes et des droits inviolables. Dès lors les lois d'exécution des traités peuvent déroger à toutes les autres normes constitutionnelles (c'est-à-dire les normes qui n'établissent pas de principes suprêmes et qui ne confèrent pas de droits inviolables). Cela revient à dire que les lois d'exécution des traités sont équivalentes (sinon supérieures) à la Constitution ou, au moins, à une partie de la Constitution. En somme, les lois d'exécution des traités, tout en étant des lois ordinaires, ont la même « force » que les lois de révision constitutionnelle (ces dernières, en effet, ne peuvent pas non plus aller jusqu'à modifier les principes 3 Pour simplifier, le propos est limité ici au traité CE et aux règlements qu'il prévoit. Mais, naturellement, ce qui est dit pour les règlements est valable aussi pour les autres actes communautaires à caractère normatif, et en particulier pour ces directives qui, selon la jurisprudence de la Cour de justice de la Communauté européenne, sont susceptibles d'application directe, même si cela ne peut se produire que dans les rapports « verticaux » entre État et citoyens (CJCE, 4 déc. 1974, C-41/74, van Duyn c. Home Office; CJCE, 5 avr. 1979, C-148/78, Ratti; CJCE, 15 déc. 1983, C-5/83, Rienks; CJCE, 26 févr. 1986, C-152/84, Marshall; CJCE, 19 nov. 1991, C-6-9/1991, Francovich).

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suprêmes et/ou les normes qui confèrent des droits inviolables : Cour const., n°1146 de 1988). Nous sommes, donc, en présence d'un phénomène surprenant, celui d'une révision constitutionnelle réalisée par la loi ordinaire, et ce malgré l'article 138 de la Constitution, qui exige, pour la révision constitutionnelle, une procédure « aggravée ». 3 - Les lois d'exécution dans la hiérarchie des sources Dans les années soixante (Cour const., n°14 de 1964), la Cour constitutionnelle considérait que des lois ordinaires postérieures pouvaient légitimement abroger des lois d'exécution des traités ou y déroger, et ce conformément au principe lex posterior priori derogat (article 15 des dispositions préliminaires du Code civil). Cette manière de voir supposait que les lois en question ne jouissaient d'aucun statut privilégié dans la hiérarchie des sources. Plus récemment (Cour const., n°232 de 1975 et n°170 de 1984), la Cour a changé d'avis. Désormais, selon la Haute instance, les limitations de souveraineté posées par les lois ordinaires d'exécution des traités ne peuvent être remises en cause par des lois ordinaires postérieures : une loi ordinaire qui prétendrait abroger (ou déroger à) des lois d'exécution des traités serait jugée inconstitutionnelle pour violation de l'article 11 de la Constitution. Cette manière de voir suppose que l'article 11 de la Constitution confère aux lois d'exécution des traités une « force » - semi-constitutionnelle - supérieure à celle de toute autre loi ordinaire, en sorte que la violation de ces lois constitue une violation indirecte de l'article 11 de la Constitution. Dans le langage de la doctrine italienne, les lois d'exécution des traités se présentent, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité, comme des « normes interposées ». 4 - Droit communautaire dérivé et lois internes Dans les années soixante (Cour const., n°14 de 1964), comme nous l'avons vu, la Cour constitutionnelle estimait que les lois (postérieures) pouvaient déroger aux lois d'exécution des traités, selon les principes traditionnels qui régissent la succession des lois dans le temps. Il faut ainsi considérer, à plus forte raison, que des lois ordinaires postérieures pouvaient également déroger aux règlements communautaires : et ce de la même manière que les règlements de l'Exécutif, qui, précisément comme les règlements communautaires, trouvent leur fondement dans la loi et, partant, constituent des sources subordonnées à la loi. À partir d'une décision des années soixante-dix (Cour const., n°183 de 1973), la Cour affirme, toutefois, que les règlements communautaires ont, dans l'ordonnancement juridique interne, « force et valeur de loi » : ils doivent alors avoir plein effet et recevoir une application uniforme sans qu'il soit nécessaire d'adopter des lois de réception. La Cour précise, cependant, que le droit communautaire et le droit interne de chaque État membre sont des « systèmes juridiques autonomes et distincts, quoique coordonnés ». Il en découle que les règlements communautaires ne sont, en aucune manière, soumis au régime constitutionnel réservé, en droit interne, aux lois : en particulier, ils ne peuvent être soumis ni à référendum populaire abrogatif (art. 75, Const.) ni au contrôle de constitutionnalité (art. 134, Const.). La Cour ajoute même que les règlements communautaires ne peuvent pas non plus être reproduits par des lois, puisque cela pourrait en conditionner ou en différer l'efficacité (Cour const., n°183 de 1973, n°180 de 1974 et n°232 de 1985). Mais, si les règlements communautaires ont « force de loi », comment faut-il résoudre les éventuelles antinomies entre règlements communautaires et lois nationales (antérieures et postérieures) ? Dans les années soixante-dix (Cour const., n°232 de 1975, n°182 de 1976 et n°163 de 1977), la Cour constitutionnelle estimait : (a) que les lois antérieures incompatibles avec les règlements communautaires étaient abrogées ; (b) que les lois postérieures incompatibles avec les règlements communautaires étaient inconstitutionnelles pour violation (directe) des traités - ou, mieux, des lois d'exécution des traités - et pour violation par voie de conséquence (indirecte) de l'article 11 de la Constitution. À partir des années quatre-vingt (Cour const., n°170 de 1984, n°399 de 1987, etc.), la Cour a développé, de manière cohérente, la thèse selon laquelle l'ordonnancement communautaire et l'ordonnancement interne sont des ordonnancements distincts et séparés, bien que coordonnés, et elle en a tiré la conséquence qu'ils ne pouvaient y avoir des phénomènes d'abrogation ou d'annulation (pour invalidité) entre normes appartenant à des ordonnancements différents. Les normes communautaires, parce qu'« elles restent extérieures au système des sources internes », ne peuvent pas « être appréciées selon les schémas établis pour la solution des conflits entre normes de notre ordonnancement juridique » (Cour const., n°170 de 1984). Le règlement communautaire, précisément en tant qu'acte communautaire, « ne peut ni abroger, modifier ou déroger aux normes nationales avec lesquelles il entre en conflit, ni entraîner l'invalidité de leurs dispositions » (Cour const., n°170 de 1984). Ainsi, selon la Cour constitutionnelle, les lois incompatibles avec les règlements communautaires - qu'elles soient antérieures ou postérieures - ne sont ni abrogées ni invalides, mais sont, au contraire, inapplicables par les juges nationaux (Cour const., n°170 de 1984 et n°168 de 1991), comme également par l'administration (Cour const., n°389 de 1989). En somme, le règlement communautaire doit toujours être appliqué, « soit qu'il suive soit qu'il précède dans le temps les lois avec lesquelles il est incompatible ». La norme interne incompatible, de son côté, ne peut être prise en considération « pour la définition de la controverse devant le juge national » (Cour const., n°170 de 1984). Ainsi les juges ordinaires se voient confier une sorte de contrôle diffus de la conformité du droit interne au droit communautaire dérivé. Les lois internes en contrariété avec le droit communautaire dérivé restent, toutefois, valides et en vigueur, mais entrent dans un état de léthargie, à partir du moment où le juge national ne peut plus les appliquer : il doit les écarter et « préférer » les normes communautaires (les lois en question pourraient de nouveau être pleinement applicables, si

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les normes communautaires étaient, au niveau communautaire, abrogées ou annulées). L a Cour constitutionnelle adhère, donc, totalement à la doctrine de la primauté du droit communautaire (dérivé), élaborée par la Cour de justice de la Communauté européenne à partir de l'arrêt du 15 juillet 1964, C-6/64, Costa, et de l'arrêt du 9 mars 1978, C-106/77, Simmenthal. 5 - Droit communautaire dérivé et Constitution

L'article 134 de la Constitution soumet au contrôle de constitutionnalité « les lois et les actes ayant force de loi de l'État et des régions ». Mais, évidemment, les règlements communautaires, même s'ils ont « force de loi », ne sont des actes ni de l'État, ni des régions. Par conséquent, selon la jurisprudence constante de la Cour (au moins à partir de l'arrêt n° 183 de 1973), ils ne sont pas soumis au contrôle de constitutionnalité confié à la Cour. Il est, toutefois, possible que les règlements communautaires soient incompatibles avec des normes constitutionnelles. Comment faut-il alors résoudre ce type de conflit de normes ? La Cour considère, sur ce point, qu'en application de l'article 11 de la Constitution, les règlements communautaires peuvent déroger non seulement aux lois, mais encore aux normes constitutionnelles (Cour const., n°399 de 1987, n°168 de 1991 et n°177 de 1994). Cette manière de voir suppose que les normes communautaires soient tout bonnement « équivalentes » (Cour const., n°399 de 1987) aux normes constitutionnelles. Cependant, les règlements communautaires - à l'instar des traités - ne peuvent pas aller jusqu'à contredire les principes constitutionnels suprêmes et/ou les droits inviolables (Cour const., n°168 de 1991). Il faut, semble-t-il, comprendre que, si un règlement violait une de ces normes « supraconstitutionnelles », la Cour constitutionnelle déclarerait l'inconstitutionnalité (partielle) de la loi d'exécution du traité CE, « dans la partie où » elle donne exécution à l'article 189, alinéa 2, du traité CE (Cour const., n°232 de 1995). Plus précisément, cette disposition serait inconstitutionnelle « dans la partie où » elle permet l'introduction dans l'ordonnancement juridique interne d'un acte communautaire contraire aux principes constitutionnels suprêmes et/ou aux droits inaliénables de la personne. II - Observations critiques Après avoir analysé la doctrine de la Cour constitutionnelle, il convient, dans les développements qui suivent, d'argumenter la thèse de l'incompatibilité de cette doctrine avec la Constitution en vigueur et de démontrer que cette doctrine aboutit à une sorte de révision tacite de la Constitution elle-même. La question peut être envisagée sous deux angles différents : la théorie des sources (A) et le concept de souveraineté (B). A - Le droit communautaire dans la hiérarchie des sources Selon la doctrine de la Cour constitutionnelle, aussi bien le traité CE que le droit communautaire dérivé (par la suite, pour simplifier, seuls les règlements communautaires seront envisagés) l'emportent, en cas de conflit, sur les lois internes, même postérieures, et même sur les normes constitutionnelles, à la seule exception de celles qui constituent des principes constitutionnels suprêmes et/ou confèrent des droits inviolables. En passant, on peut noter que, de toute évidence, pour la Cour constitutionnelle, la souveraineté populaire n'appartient pas à la catégorie des principes suprêmes, ce qui est quelque peu surprenant. Il en découle le phénomène suivant : i) Puisque le traité CE a été introduit dans l'ordonnancement juridique par la loi ordinaire, il a force de loi (disons, pour simplifier, qu'il est « incorporé » dans une loi, par le biais d'un renvoi matériel). Néanmoins, d'un côté (a), il résiste à l'abrogation et à la dérogation par des lois postérieures, et, de l'autre (b), il est capable de déroger même à cette source, la Constitution, d'où la loi elle-même tire son fondement et sa légitimité. ii) Les règlements communautaires tirent, à leur tour, leur validité du traité CE ou, mieux, de la loi d'exécution qui s'y rapporte. Néanmoins, d'un côté (a), ils résistent à l'abrogation et à la dérogation par des lois postérieures et, de l'autre (b), ils sont capables de déroger même à cette source, la Constitution, d'où la loi d'exécution tire son fondement. Il faut alors se demander si tout cela est plausible. Pour commencer, il convient de distinguer deux types de relations hiérarchiques. On peut dire qu'une certaine source S2 est « formellement » (ou structurellement) subordonnée à une autre source S1, lorsque S2 est le fruit d'un pouvoir normatif qui tire son fondement ou sa légitimité de S1. En ce sens, par exemple, la loi est formellement subordonnée à la constitution même sous un régime de constitution souple, puisque la loi est le fruit de l'exercice du pouvoir législatif, qui trouve son fondement précisément dans la constitution. On peut dire qu'une norme N2 est « matériellement » (ou substantiellement) subordonnée à une autre norme N1, lorsque - en vertu d'une troisième norme N0 - N2 ne peut être en contraste avec N1, sous peine d'invalidité ou, tout au moins, d'inefficacité.

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En ce sens, par exemple, la loi est matériellement subordonnée à la constitution seulement sous un régime de constitution rigide. Bien entendu, les relations hiérarchiques connaissent la transitivité : si, par exemple, la source A est supérieure à la source B et si B est de rang égal ou est supérieure à C, alors A est supérieure à C. Par conséquent, pour ce qui concerne le droit communautaire, la situation est la suivante. 1 - Le traité et la Constitution Dans l'ordonnancement juridique italien, il ne fait aucun doute que la loi (ordinaire) est formellement (art. 70 et s., Const.) et matériellement (art. 134 et s., Const.) subordonnée à la Constitution. Mais le traité CE a précisément dans l'ordonnancement juridique interne valeur de loi ordinaire. Quelle est, donc, sa place dans la hiérarchie des sources internes ? En fait, la réponse semble vraiment évidente. Pour ce qui concerne les relations entre le traité CE et la Constitution, les choses se présentent ainsi : ayant valeur de loi ordinaire, le traité CE est formellement et, ce qui compte le plus, matériellement subordonné à la Constitution. Il n'existe aucun argument pour soutenir qu'il est matériellement équivalent à la Constitution. La thèse selon laquelle le traité - ou la loi d'exécution qui s'y rapporte - peut déroger à des normes constitutionnelles est tout simplement un non-sens : elle nie le caractère indiscutablement rigide de la Constitution en vigueur, d'où il découle que seules les lois de révision constitutionnelle (art. 138, Const.) peuvent déroger à des normes constitutionnelles. 2 - Le traité et la loi Si le traité CE a - et il a - valeur de loi, il ne peut alors qu'être matériellement équivalent à la loi. S'il est équivalent à la loi, des lois postérieures peuvent alors y déroger. Il faut souligner que le principe lex posterior est implicitement contenu dans l'article 70 de la Constitution : si la Constitution attribue, de manière permanente, le pouvoir législatif au Parlement, alors le Parlement ne peut pas limiter le pouvoir législatif des Parlements à venir (sauf révision de l'article 70 lui-même). Une loi qui prétendrait lier les Parlements à venir serait ou bien dépourvue d'effets ou bien inconstitutionnelle (car contraire à l'art. 70, Const.). Tant que le pouvoir législatif reste intact, les lois postérieures abrogent les lois précédentes ou y dérogent. En vérité, il n'est pas rare, dans l'ordonnancement juridique italien, qu'un acte ayant force de loi doive respecter un acte de rang égal dans la hiérarchie matérielle des sources. Par exemple, il est incontestable qu'un décret législatif (délégué) doit être conforme à la loi de délégation (art. 76, Const.), bien que ces actes aient, tous les deux, force de loi ; de même, les lois régionales doivent être conformes aux principes fondamentaux des matières ressortant à la compétence des régions posés par les lois de

l'État (art. 117, al. 1er, Const.), bien qu'il n'existe aucune relation hiérarchique entre lois nationales et lois régionales ; comme il est évident que les lois relatives à la condition juridique de l'étranger doivent être conformes aux traités internationaux (art. 10, al. 2, Const.), bien que les traités n'aient pas une valeur supérieure à celle des lois. Mais, dans tous ces cas, il en est ainsi parce qu'une norme constitutionnelle l'exige expressément. En revanche, il n'existe aucune norme constitutionnelle qui impose le respect par le législateur des lois d'exécution des traités internationaux en général. On peut convenir que la loi d'exécution du traité CE jouisse, dans l'ordonnancement juridique italien, d'un statut axiologique privilégié, à partir du moment où elle met en œuvre une norme constitutionnelle programmatique (l'art. 11, Const.). Mais cela n'altère, en aucune manière, la position de cette loi dans le système des sources : une supériorité axiologique ne peut se transformer en une supériorité matérielle en l'absence d'une norme positive qui l'établit. 3 - Les règlements communautaires et la loi Puisqu’ils tirent leur fondement (dans l'ordonnancement juridique interne) de la loi d'exécution du traité CE, il ne fait aucun doute que les règlements communautaires sont formellement subordonnés à la loi. Mais quelle est leur place dans la hiérarchie matérielle des sources ? On se souvient que, selon la Cour constitutionnelle, (a) les règlements communautaires peuvent déroger aux lois antérieures ; (b) des lois postérieures ne peuvent déroger aux règlements communautaires, ce qui revient à dire (c) que les règlements communautaires peuvent déroger à des lois postérieures. Or, la thèse selon laquelle les règlements communautaires peuvent déroger à des lois antérieures revient à soutenir qu'ils sont de rang égal à la loi. La thèse selon laquelle les règlements communautaires peuvent déroger à des lois postérieures, alors que ces dernières ne peuvent déroger aux règlements communautaires, revient, elle, à soutenir qu'ils sont tout simplement supérieurs à la loi. Le problème est, donc, le suivant : une source (la loi) peut-elle donner vie à une source (les règlements communautaires) matériellement de rang égal ou carrément supérieure à elle-même ? 3. 1 - Il n'est pas inconcevable qu'une source S1 puisse instituer une source S2 de rang égal à elle-même. C'est ce qu'il se produit avec les constitutions souples. La Constitution confère, d'un côté, le pouvoir législatif à un organe et, de l'autre, elle ne prévoit aucune procédure de révision constitutionnelle ; on suppose, donc, que l'on puisse changer la Constitution ou y déroger par la procédure législative ordinaire. En sorte que le législateur, qui exerce un pouvoir que lui confère la Constitution, est autorisé à déroger à la Constitution elle- même : la loi est, donc, de rang égal à la Constitution dans la hiérarchie matérielle des sources.

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Toutefois, dans l'ordonnancement constitutionnel en vigueur, la loi ne peut pas validement instituer une source de rang égal à elle-même : encore une fois, l'obstacle se trouve dans l'article 70 de la Constitution. Si le Parlement instituait, par la loi ordinaire, une source de rang égal à la loi, il se dépouillerait, ce faisant, (d'une partie) de la fonction législative. Or, la fonction législative est, de par la Constitution, conférée - et réservée - aux Chambres. C'est pourquoi conférer (une partie de) cette fonction à tout autre organe constitue une violation de la Constitution. 3.2 - Indubitablement, on ne saurait concevoir qu'une source S1 puisse instituer une source S2 non pas simplement de rang égal, mais de rang supérieur au sien. Effectuons un petit exercice mental. Le souverain Rex édicte deux lois, L1 et L2. Par L1, Rex réglemente une conduite des citoyens : par exemple, il autorise la pêche à la truite dans la rivière du village. Par L2, Rex confère à son homme de confiance, Minister, le pouvoir de prendre des décrets normatifs, même en dérogation aux lois édictées par Rex. Par la suite, Minister prend un décret D1, par lequel il interdit la pêche à la truite, en dérogeant ainsi à L1. À ce stade, deux possibilités se présentent. a) Première possibilité : Rex cesse d'exercer ses pouvoirs normatifs : les pouvoirs normatifs de Rex, pour ainsi dire, s'assoupissent. En vertu de L2, D1 a dérogé validement à L1, qui, par là-même, perd toute efficacité. Le pouvoir normatif de Minister est désormais, de fait, supérieur à celui de Rex : pour la bonne raison qu'il s'y est, de fait, substitué. b) Deuxième possibilité : Rex continue d'exercer ses pouvoirs normatifs et édicte L3, par laquelle il rétablit l'autorisation de pêcher la truite. Faut-il alors considérer que L3 est dépourvue d'efficacité, à partir du moment où Minister détient le pouvoir de déroger aux lois ? Ou bien faut-il, au contraire, considérer que D1 est abrogé par L3 ? Si l'on répond que L3 a abrogé D1, alors les décrets de Minister seront de rang égal, mais non supérieurs aux lois de Rex. Si, au contraire, l'on répond que L3 est dépourvue de toute efficacité, alors les décrets de Minister seront non pas de rang égal aux lois de Rex, mais ils seront supérieurs à celles-ci. Mais sur quels arguments pourrait-on s'appuyer pour soutenir une thèse pareille ? Le pouvoir normatif de Minister découle exclusivement de l'autorité de Rex : puisque Rex a conféré ce pouvoir normatif, il peut, sauf s'il abdique, le révoquer, même tacitement et partiellement. Précisément, L3 constitue une (tacite) révocation partielle du pouvoir de Minister de déroger aux lois. De te fabula narratur. Un pouvoir normatif peut instituer un autre pouvoir normatif supérieur à lui- même à la seule condition de s'éteindre ou, à tout le moins, de se taire. Le législateur national pourrait conférer aux règlements communautaires une force supérieure à celle des lois, à la seule condition de se suicider ou de s'assoupir (ce qui, du reste, lui serait interdit par la Constitution). Mais, si le pouvoir législatif des Chambres reste vivant et actif, alors les règlements communautaires ne peuvent pas déroger à des lois postérieures. 4 - Les règlements communautaires et la Constitution Si la thèse selon laquelle la loi d'exécution du traité CE peut déroger à des normes constitutionnelles est un non-sens, la thèse selon laquelle les règlements communautaires peuvent déroger à des normes constitutionnelles est un non-sens au carré. Comme on l'a vu précédemment, les règlements communautaires ne peuvent pas être matériellement supérieurs à la loi. Mais, en vertu du caractère rigide de la Constitution en vigueur (art. 134, 136 et 138, Const.), la loi est, à son tour, subordonnée à la Constitution. Et, de ce fait, par transitivité des relations hiérarchiques, les règlements communautaires ne peuvent pas être supérieurs à la Constitution. La thèse contraire est tellement invraisemblable qu'elle ne mérite pas plus de commentaires. (…) Source : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/cahiers-du-conseil/cahier-n-9/la-primaute-du-droit-communautaire-une-revision-tacite-de-la-constitution-italienne-sup1-sup.52498.html#note2