anne-claude lelieur, conservateur en chef de
TRANSCRIPT
L e s a u t e u r s :
Anne-Claude Lelieur, conservateur en chef de la bibliothèque Forney, bibliothèque d'art de la ville de Paris, est historienne d'art spécialisée dans les arts graphiques.
Raymond Bachollet, psychologue de formation, fils d'un imprimeur publicitaire, est l'un des rares spécialistes de l'histoire de la presse illustrée française et dés dessinateurs qui y ont collaboré. Coauteur, avec Anne- Claude Lelieur, de Paul Iribe (Denoël, 1982), François Kollar, la France travaille (Le Chêne, 1986), Célébrités à l'affiche (Edita, 1989) et de plusieurs catalogues d'exposition de la bibliothèque Forney, il est également chroniqueur régulier de la revue Le Collectionneur français.
Marie-Christine Peyrière, journaliste, conseillère artistique pour le film documentaire, a été commissaire d'exposition pour la partie graphique de Musée noir au musée Fabre à Montpellier. Elle a participé au numéro d'Autrement « Ethnicolor » et collabore à de nombreuses revues
d'immigration.
Jean-Barthélemi Debost, historien, a étudié les représentations de l'Afrique et de l'Africain en France dans le cadre d'une thèse de
troisième cycle. Fondateur de l'agence Qipo (histoire-conseil), il a organisé et réalisé, avec Marie-Christine Peyrière, l'exposition Les Noirs, Têtes d'affiches (Nanterre, 1985).
Les quatre auteurs ont participé à l'organisation de l'exposition Négripub, 100 ans d ' images de Noirs dans la publicité, qui s 'est tenue à la bibliothèque Forney en 1987.
N,Élqtil)ub
Ce livre a pour origine l'exposition Négripub, l'image des Noirs dans la publicité depuis un siècle, organisée en 1987 par la bibliothèque Forney, bibliothèque d'Art de la ville de Paris.
N é Q t l P u b l i m a g e d e s N o i r s
dans la publicité
par
Raymond Bachollet
Jean-Barthélemi Debost
Anne-Claude Lelieur conservateur en chef de la bibliothèque Forney
Marie-Christine Peyrière
Préface de Kofi Yamgnane
SOMOGY
Remerciements
Les auteurs tiennent à exprimer leurs remerciements à tous ceux, organismes ou particuliers, qui ont soutenu leur projet, en particulier :
La Bibliothèque de Bordeaux, La Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, Le Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale, Le Musée de la Publicité, Le Musée Carnavalet, Le Musée-Galerie de la Seita, Le Musée Roybet-Fould de Courbevoie, Le Museum für Gestaltung de Bâle, L'Agence ARC, L'Agence Collette et Flimon Le Bistro de Lyon, Le Collect ionneur français, Radio-Nova,
Marie-Claire Adès, Édith Amiot, Baudouin Bachollet, Catherine Bachollet, Jean-Paul Bachollet, Réjane Bargiel, Daniel Bordet, Nathalie Boucher, Christian Boury, Florence Camard, Jean Carlu, Mirande Carnévalé-Mauzan, Claudine Chevrel, Patrice Dassonville, Agnès Delannoy, Albert Dhéry, Olivier Des Clers, Thierry Devynck, Édith Di Maria, Michel Dixmier, Michel Fabre, Corinne Ferrey, Jean-Patrick Feuillet, Didier Finaz, Marie Gachet, Jean-Charles Giroud, Jean-Paul Goude, Patrick Goureau, Paul Grange, Jean et Nicole Grob, Dominique Imbert, Rudolf Josche, Éric Kellenberger, Alain Le Quernec, Yves Lesven, Catherine Malecki, Nadine Massias, Bernard Mirabel, Bernard Moors, Michèle Murgier, Henri Normand, Paul Perrein, Sylvie Pitoiset, Jack Rennert, Claudie Roger, Marie-Carmen Salis, Anne- Marie Sauvage, Jean Steinauer, Rolf Thalmann, Josselyne Van de Putte, Alain Vatar, Alain Weill, Michel Wlassikoff, Christophe Zagrodski.
Cet ouvrage a été réalisé avec le concours du FAS, Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles.
Maquette : Jean-Louis Germain et Claude Honorat. Suivi éditorial : Véronique Le Dosseur.
ISBN : 2-85917-143-6 (édition reliée)
ISBN : 2-85917-144-4 (édition brochée)
@ Éditions Somogy, Paris, 1992.
Préface
a publicité, outre sa vocation première qui est de faire acheter
des produits par des consommateurs, véhicule souvent, par les images et les mots qu'elle utilise, le discours dominant
chez ceux auxquels elle s'adresse.
Elle surfe sur les modes, les mouvements d'humeur de l'opinion,
flatte « l'air du temps », l'amplifie ou le déforme parfois, au gré de la
puissance des moyens médiatiques que peut s'offrir l'annonceur.
En charge de susciter, d'exciter ou de prolonger le désir de l'acheteur
potentiel, le publicitaire travaille sur l'imaginaire de sa » cible », trouvaille linguistique qui annonce déjà qu'il y aura comme des victimes... Dans ce contexte, les fantasmes que provoque - ou
provoquerait - le Noir deviennent des ingrédients utiles pour pimenter le message publicitaire, instiller un zeste d'exotisme, créer des associations d'idées d'un goût souvent inégal ou déclencher un sourire
aux origines douteuses.
Les documents rassemblés dans cet ouvrage montrent éloquemment
que le Noir représente tantôt l'enfant - qui justifie le paternalisme badin -, tantôt le péché - offert à la convoitise des Blancs et parfois,
c'est heureux, l'insouciance et la joie de vivre.
Cet ancrage des Noirs dans une certaine animalité, dans un état primitif immuable, vient confirmer la légitimité de l'esclavagisme puis
de la colonisation : puisque le Noir n'est pas un homme, c'est donc le Blanc qui l'élève à l'humanité ou à l'état adulte...
Dans tous les cas, enfant ou animal, il est plus proche du désir et de
sa satisfaction. Les expressions publicitaires peuvent donc décliner sans talent particulier le péché, sous ses différentes formes : la tache
noire, comme originelle, fera vendre une lessive ; la gourmandise des lèvres lippues sera favorable aux commerçants de gâteaux, chocolats, café sans omettre la légendaire paresse, liée à une naïve servilité, qui
rendra indispensables radiateurs, cycles et autres objets de confort.
Enfin, l'aptitude notoire à la jouissance qui serait propre aux Noirs
permet d'évoquer sans risque le bonheur qu'il y a à s'adonner aux
« vices » de toutes natures, alcool, tabac, jeux et, bien évidemment,
sexe. Bref, rien qui n'ait été déjà analysé, dans cette iconographie
généralement marchande qui présente un intérêt historique fort et
graphiquement contrasté. On observera là, sur le plan plastique,
combien les traits physiques des Noirs s'offrent à des compositions graphiques d'une riche diversité.
Au fond, l'image du Noir fut exploitée de la manière dont il fut progressivement perçu et la publicité suit ces ondulations, ces
variations. Aujourd'hui, comme la femme l'est d'une manière
incroyablement machiste et vulgaire, le Noir, mais aussi le Blanc, est
utilisé comme un outil de vente parmi d'autres.
Il faut s'y résigner : la publicité n'est que rarement empreinte
d'humanisme. Elle est le plus souvent une pratique cynique au service d'un ordre marchand qui n'utilise l'espèce humaine - du nourrisson à
la grand-mère -, l'histoire et les mots les plus riches (valeurs,
croyances, amitié, confiance) que pour les abâtardir, les galvauder
dans le but unique de faire circuler les marchandises.
L'exemple le plus récent de ce cynisme culturel, de cette confusion
des genres peut-être plus spontanée que volontaire, est sans doute la
campagne Benetton qui donne dans le discours publicitaire antiraciste à des fins commerciales. Là, il ne s'agit pas de vendre du chocolat en
y associant des Noirs, mais de s'afficher antiraciste pour vendre des
pulls. Probablement conscients que le discours « produit » commençait
à lasser, les publicitaires ont compris que ceux qui aimeraient porter des pulls seraient heureux d'arborer simultanément un dossard antiraciste.
Cette souriante propagande « sympa » exprimait un mondialisme
confortable, haut en couleurs, une modernité ne requérant aucun
effort personnel, intellectuel ou spirituel, quotidien ou concret. Seul le
portefeuille permet d 'acquérir un gentil - et agréable - brevet
d 'antiraciste bien looké. Ceux qui n 'on t pas les moyens de f rot ter leur
peau à la douce laine Benet ton peuvent toujours rejoindre les brebis
pour trouver cette campagne << belle » et « originale ».
Les plus concernés sentent pour tan t bien cette supercherie qui ne fait
que renforcer un sent iment de méfiance. En témoignage, je livre aux
publicitaires cette boutade acérée d 'un jeune banlieusard d'origine
maghrébine. « C'est pas pa r la pub qu 'on va avoir du boulot, sauf
peut-être comme colleur d'affiches qui expliquent que les pulls
suppriment le racisme et que l 'intérim assure l'avenir. »
Ce cri, mi-indigné, mi-ironique, reflète les contradictions de notre
société dont la publicité se fait nécessairement l'écho, y compris et
surtout auprès de ceux qui souffrent de ces paradoxes. On ne va pas
demander aux promoteurs de la consommation d 'être plus ou moins
humains que le monde dans lequel ils s'agitent, ni les reconnaître
coupables d 'un ordre dont ils ne sont que les chantres patentés et des
maillons économiques parmi d'autres.
Il reste, et là est notre propos, que l'utilisation du Noir dans la
publicité est l 'illustration d 'un malentendu historique. Sur le
continent africain où rien de sérieux ne s 'ent reprend sans la présence
de la divinité, le regard de l 'homme noir et même son sourire
évoquent l'humilité... et non la vanité t r iomphante du sujet
publicitaire. Ce dernier loue le vacarme, l 'arrogance de sa
« puissance », les certitudes de son « produit », là où l 'homme noir
appelle le respect, le chuchotement et même le silence.
Kofi Yamgnane Secrétaire d'Etat
à l'Intégration
1. Anonyme, 1769. Affiche annonçant une vente
d'esclaves à Charlestown.
Une exp lo r a t i on de l ' i m a g i n a i r e occidental
L e p r é sen t ouvrage , fruit d ' a n c i e n n e s et
patientes recherches, est le lieu de rencontre
de passions pour les arts graphiques, pour
l'histoire africaine et pour l'Afrique.
Les livres traitant de l'histoire de l'art publicitaire depuis
ses origines ont consacré depuis longtemps la place cen-
trale qu'y occupe la femme blanche. Peu se sont interro-
gés sur les raisons de cette prépondérance. Un autre
genre d'acteur publicitaire — le personnage du Noir —
avait, jusqu'à une période toute récente, totalement
échappé aux investigations des spécialistes. Il faut dire
que ces derniers avaient quelques excuses à faire valoir.
Les affiches qui représentent des Africains, des Antillais,
des Noirs américains ne sont pas très nombreuses, et
surtout elles ne font pas partie de la grande famille des
affiches « esthétiques » qui ont été conservées en priorité
par les amateurs et circulent aujourd'hui dans le marché
international de l'art. Elles sont pourtant plus intéres-
santes que la plupart des affiches consacrées, du fait
même de leur caractère fréquemment insolite et révéla-
teur aussi bien de la mentalité des Blancs vis-à-vis des
Noirs que des artifices de la publicité.
Il a donc fallu plus de dix ans pour rassembler progressi-
vement un premier ensemble de documents — affiches,
étiquettes, chromos, buvards, emballages, annonces et
dessins de presse — qui a donné lieu en 1987 à une
exposition dans le cadre de la bibliothèque Forney,
bibliothèque d'art de la ville de Paris.
Le caractère délicat du sujet avait amené ses concepteurs
à rappeler, en exergue du catalogue d'exposit ion,
dussent-elles être parfois contredites par le contenu de
certaines images, quelques-unes des recommandations
émises dans les années 1970 par le Bureau de Véri-
fication de la Publicité : « La publicité doit éviter avec
le plus grand soin de faire appel, même indirecte-
ment, aux relents de sectarisme ou de racisme qui
peuvent exister dans certaines couches de la popu
lation. Toute allusion, même humorist ique, à une
quelconque idée péjorat ive ou d ' infér ior i té liée à
l 'appartenance à une ethnie ou à une religion doit
être bannie. L'expression de stéréotypes évoquant les
caractères censés être représentat i fs d 'un groupe
ethnique ou religieux doit être maniée avec la plus
grande délicatesse... x
2. Rouchon, 1852. Une des premières affiches commerciales, réalisée selon la technique du papier peint.
Le titre même de l'exposition fut difficile à arrêter. Si le
terme de Négripub fut finalement retenu, c'est que sa
consonance et sa signification le rapprochaient de « né-
gritude », ce mot utilisé par les Noirs eux-mêmes, dans
l'acception qu'en avaient donnée Aimé Césaire et Léo-
pold Sédar Senghor au cours des années 1950 et 1960,
né de la volonté de mettre en cause le mode de repré-
sentation des Noirs par les Blancs.
Le retentissement de l'exposition, bientôt demandée par
la province et l'étrangère ainsi que le succès du cata-
logue2, rapidement épuisé malgré une deuxième édition,
encouragea les auteurs à poursuivre et approfondir leurs
recherches, puis à souhàiter la publication d'un ouvrage
plus important, imprimé en couleurs, susceptible de
mieux faire connaître à un large public une iconographie
peu connue, attachante mais souvent grinçante, dont les
excès mêmes méritaient d'être révélés.
Ce travail s'inscrit dans le mouvement de réflexion sur
l'expression du racisme à travers la représentation des
Noirs, qui commence à se manifester dans le monde oc-
cidental depuis le début des années 1980 et entraîne,
aux États-Unis comme en Europe, l'organisation d'expo-
sitions ou de rencontres, souvent rendues possibles par
l'apport irremplaçable de collections privées. Parmi ces
manifestations, citons, sans prétendre être exhaustif :
Ethnic Notions, Black Images in the White Mind, an
Exhibition of Afro-American Stereotype and Carica-
ture from the Collection of Janet te Faulkner, Berkeley
Art Center, Berkeley, 1982 ; Ethnic Images in Adverti-
sing, Balch Institute for Ethnie Studies, Philadelphie,
Pennsylvanie, 1984 ; Les Noirs, Tête d'affiches,. à par-
tir de la collection de Marie-Christine Peyrière et Jean-
Barthélemi Debost, Nanterre, 1985 ; Zaïre 1885-1985,
Cent ans de regards belges, Bruxelles, 1985 ; Das Exo-
tische Plakat — Exotische Welten, Européiische Phan-
tasien3, Galerie de la ville de Stuttgart, 1987 ; White on
Black, Images of Blacks in Western Popular Culture,
collection de Félix de Roy et Norman de Palm, Tropen-
museum Amsterdam, 1989-1990 ; Wit over Zwart —
Le Noir du Blanc, Bruxelles, 1991, exposition accom-
pagnée par l'édition d'un ouvrage collectif, Racisme,
Continent obscur, Clichés stéréotypés, fantasmes à
propos des Noirs dans le Royaume de Belgique ; le
colloque international, Images et Colonies, organisé par
l'ACHAC4 à la Bibliothèque nationale, à Paris, en 1993,
suivi, au musée des Deux Guerres mondiales, d 'une
exposition sur le même thème.
Si notre étude fait suite à ces expositions, elle ne prétend
pas pour autant tout embrasser. Il fut même décidé, pour
l'édition de ce livre, de restreindre notre champ d'investi-
gation à la seule publicité et de réduire le nombre de sup-
ports, en ne retenant, à quelques rares exceptions près,
que la production d'affiches. En revanche, on prit le parti
de réintégrer dans la sélection de ces dernières les
thèmes qui avaient été exclus de l'ensemble présenté en
1987, concernant notamment le spectacle et le tou-
risme, ainsi que la propagande sociale, "caritative et poli-
tique. Il fut envisagé enfin de puiser dans la production
publicitaire étrangère, pour ne pas nous limiter aux
seules affiches françaises, mais ces dernières restent,
finalement, très majoritaires.
Près de cinq cents affiches furent ainsi répertoriées, pro-
venant pour les trois quarts de la bibliothèque Forney qui
s'était donné comme objectif de rassembler l'ensemble le
plus complet possible sur le sujet. Le musée de la Publi-
cité, qui possède une rarissime collection d'affiches
anciennes sur le spectacle, fut largement mis à contribu-
tion. La collection de la Bibliothèque nationale, partielle-
ment cataloguée, ne se prêtait guère, malgré les trésors
qu'elle détient, à une recherche iconographique aussi
pointue. Pourtant, grâce à l'aide efficace de la respon-
sable de ce département, quelques pièces de grand inté-
rêt furent découvertes, dont la belle affiche d'Auguste
Roubille (n° 266) — une des rares images où le Noir
prend sa revanche sur le Blanc —, qui, pour une marque
d'appareils photographiques, rassemble les deux person-
nages fétiches du cirque de la Belle Époque, Footit et
Chocolat, immortalisés par Toulouse-Lautrec (n° 6)5. Plu-
sieurs institutions, dont le musée Carnavalet, le musée-
3. Anonyme, vers1900. Rare affiche américaine
mettant en scène une domestique noire « intégrée ».
galerie de la SEITA, le musée Roybet-Fould de Courbe-
voie, le Museum für Gestaltung de Bâle, et plusieurs col-
lectionneurs privés apportèrent également leur contribution à ces recherches.
Pour compléter la collecte des documents furent dé-
pouillés les périodiques spécialisés, Arts et Métiers Gra-
phiques, Publimondial, Vendre, Das Plakat, Graphis,
Gebrauchsgraphik, Le Courrier français6 ; les recueils
d'affiches, Les Maîtres de l'affiche , L'Estampe et l'Af- fiche, Les Affiches illustrées de Maindron ; les cata-
logues d'exposition ou de vente, la belle série de Poster
Auctions International, publiée à New York depuis une
dizaine d'années par Jack Rennert ; ainsi que des ou-
vrages plus récents, celui de Max Gallo, L'Affiche, mi-
roir de l'Histoire ou celui d'Alain Weill sur L'Affiche dans le monde.
L'examen des ouvrages américains traitant du sujet,
livres illustrés ou catalogues d'exposition, permit de repé-
rer certains personnages typiques de la réclame améri-
caine, notamment la tante Jemima, le cuisinier de
Cream of Wheat, les deux jumeaux de Gold Dust,
l'Uncle Ben's, et de découvrir une importante matière
publicitaire (emballages en carton, en métal ou en baké-
lite, sculptures sur bois, bouteilles, figurines en céramique
ou porcelaine, poteries, poupées, objets usuels ou déco-
ratifs, enveloppes de disques, couvertures de partitions
musicales, cartes postales ou commerciales, calendriers,
annonces, etc.), mais très peu d'affiches.
C'est donc surtout l'étude de l'impressionnant catalogue
allemand, Das Frühe Plakat in Europa und den USA,
qui reproduit dans ses quatre volumes les affiches euro-
péennes et américaines publiées avant la Première
Guerre mondiale appartenant aux collections alle-
mandes, qui permit d'avoir une première idée sur l'im-
portance relative de la production publicitaire ayant
utilisé l'image des Noirs. Sur les sept mille affiches repro-
duites, moins d'une centaine présentaient cette caracté-
ristique7. Dans les ouvrages français, la proportion était
encore inférieure : on ne voit, par exemple, dans les
deux cent quarante planches des Maîtres de l'Affiche, édités par Chaix de 1895 à 1900, aucune affiche de
cette catégorie, à l'exception d'une lithographie d'Ibels
représentant, devant une baraque foraine, un groupe de
lutteurs en parade dont l'un est visiblement d'origine afri- caine. En revanche, rien dans le Maindron, ni dans la re-
vue L'Estampe et l'Affiche. Dans les ouvrages récents,
la proportion est proche de celle du catalogue allemand.
Les résultats sont même inférieurs à un pour cent quand
on examine les « Dossiers » monumentaux édités par la
revue Stratégies, de 1985 à 1987, sur les grandes cam-
pagnes publicitaires françaises des années précédentes, où furent reproduits en couleurs, dans chacun de ces vo-
lumes, de mille six cents à mille huit cents visuels.
4. Lucien Lefebvre, 1890.
Parmi les cinq cents documents répertoriés, il fallut faire
un choix drastique. Furent éliminés, à quelques exceptions
près, les documents qui n'étaient pas des affiches8. Parmi
ces dernières, certains rejets furent indépendants de notre
volonté : mauvaise qualité du document original ; impos-
sibilité d'obtenir la diapositive auprès de l'organisme
concerné' ; réticence du créateur à laisser reproduire
certaines de ses images dans un ouvrage « à risque ».
Furent rejetées les affiches aux personnages mal définis,
les Noirs de type oriental avec turbans et pantalons bouf-
fants, très prisés par les marques de cigarettes et de café,
les affiches faisant double emploi et quelques affiches
médiocres. Notre sélection, toutefois, ne fut pas exempte
de choix spécifiques, nous amenant à favoriser propor-
tionnellement certains secteurs assez peu fournis comme
ceux des produits manufacturés ou de la politique ou, au
contraire, une catégorie déjà abondante mais au contenu
particulièrement caractéristique, comme celle des savons,
lessives, dentifrices et cirages, et cela au détriment de
l'habillement très largement pourvu, notamment par la
multiplicité des affiches Benneton.
Cette méthode et les résultats obtenus permettent tout
d'abord de penser que la masse des documents rassem-
blés est significativement représentative de ce qui a été
publié dans ce domaine depuis la naissance de l'affiche
commerciale illustrée ; ils apportent ensuite la confirma-
tion que la représentation des Noirs dans la publicité n'a
été qu'une expression graphique occasionnelle et relati-
vement marginale. Rassembler dans un seul ouvrage un
grand nombre de ces images, publiées de 1769 à 1992,
ne doit pas faire croire le contraire. Pour autant, la mo-
destie de cette production publicitaire ne diminue pas
son intérêt, sa signification et la pertinence du message
qu'elle peut nous délivrer aujourd'hui sur le rapport en-
tretenu par l'imaginaire occidental avec l'homme noir.
Bien plus, le relatif éparpillement de ces images, au fil
des décennies, peut à la fois être interprété comme une
manipulation utilitaire occasionnelle de l'Autre et le signe
objectif de sa marginalisation, voire de son exclusion.
5. Anonyme, vers 1905. L'affiche du Rhum Mangoustan's évoque l'éruption volcanique de la Montagne Pelée qui détruisit entièrement la ville de Saint-Pierre en 1902. Seul un bateau anglais put échapper à la catastrophe.
Il est difficile, avant de poursuivre, de ne pas s'arrêter sur
le contenu « commercial » de l'affiche de Charlestown
(n° 1). Elle nous plonge immédiatement dans le com-
merce sans état d'âme de la traite des Noirs. Tout est
précisé dans cette gravure sur bois, qui fut placardée sur
les murs de la ville : la date de publication, le 24 juillet
1769, le nom des vendeurs, David et John Deas, le nom
du bateau, la brigantine Dembia, et de son capitaine,
Francis Bare, le nombre d'hommes, de femmes et d'en-
fants des deux sexes, trente-neuf hommes, quinze garçons,
vingt-quatre femmes et seize fillettes, ainsi que l'origine
de la « marchandise10 », le Sierra Leone, enfin le jour de la
vente, le mercredi 3 août suivant. Seul le prix n'est pas pré-
cisé, mais on peut penser que les commerçants, qui insis-
tent sur la bonne santé et la jeunesse de leur cargaison
humaine, en attendent un bon prix lors des enchères
prochaines. Qu'apporte à cet argumentaire complet
l'illustration elle-même ? Elle permet d'imaginer que l'an-
cien sauvage à la musculature développée, à gauche,
porteur d'une sagaie et vêtu d'un pagne primitif, va de-
venir à coup sûr, à droite, vêtu maintenant d'un pagne et
d'un bandeau de coton, un esclave soumis, solide et tra-
vailleur. Comme le suggère la présence des enfants, ce
géniteur en puissance assurera le renouvellement, voire
l'accroissement de cette main-d'œuvre gratuite et cor-
véable à merci. Bien des éléments, qui sont présents
dans cette image simple, apparemment naïve, efficace et
terrible si l'on considère la réalité qu'elle recouvre, seront
repris par les générations d'affiches suivantes : la puis-
sance instinctuelle, animale, du Noir, sa nudité naturelle,
sa force physique et sexuelle, mais également son im-
puissance, car le sujet se voit amputé de sa lance, signe
de tout ce à quoi il a été arraché, sa famille, ses tradi-
tions, ses rites, son histoire, ses chants, sa musique, sa
langue...
6. Henri de Toulouse-Lautrec, Le Rire, 1902. Chocolat, l'un des clowns fétiches de la Belle Époque.
7. Auguste Roubille, 1902.
Cette longue analyse, cet arrêt sur image inaugurent le
mode d'approche que nous proposons au lecteur, consis-
tant à « faire parler " les illustrations présentées en les ac-
compagnan t sys témat iquement d 'un commenta i re
historique ou descriptif, à amorcer une interprétation,
fût-elle incomplète, subjective et discutable, pour donner
à chacun l'envie de poursuivre lui-même cette investiga-
tion, sans l'enfermer dans un cadre idéologique, mais
tout en lui ouvrant parfois les yeux...
Lorsqu'on parle de la représentation des Noirs, on a
l'habitude de faire référence à la malédiction de Cham et
de préciser que c'est sur ce socle imaginaire que l'Occi-
dent a construit son système de représentat ion du
monde noir". À l'aube de la publicité commerciale, vers
1875, on observe dans les affiches des courants d'inspi-
ration qui proviennent en fait de l'origine géographique,
réelle ou supposée, des Noirs représentés : Amérique,
Antilles, Afrique ou Europe. La gravure de Charlestown
annonce en quelque sorte les affiches de la fin du XIXe
siècle qui ont une filiation directe avec l'esclavage.
Les minstrel's shows, dont il sera question à plusieurs
reprises, trouvent en effet leur origine dans les saynètes
données par les Noirs sur les plantations du Sud des
États-Unis pour se moquer de leurs maîtres. Une activité
qui, avec leurs chants de travail et leurs cantiques
d'église, leur permet de se constituer progressivement
une nouvelle identité culturelle. Ces spectacles seront re-
pris plus tard à leur compte par les Blancs qui se grime-
ront en Noirs, les Noirs parodiant à nouveau dans une
étape ultérieure l'imitation des Blancs. Dans la même
veine, on trouve la tradition du Noir américain, cireur de
chaussures ou majordome. Ces types de représentations
vont perdurer près de cinquante ans, puis pratiquement
disparaître après 1960. En effet, la longue lutte pour les
droits civiques, la prise de parole parfois violente des
ghettos noirs dans les années 1960-1970 vont conduire
à l'émergence de nouveaux personnages. Même si Uncle
Ben's demeure, de nouvelles figures apparaissent.
Le Noir antillais apparaît fréquemment, et encore de nos
jours, dans les affiches et les étiquettes de produits exo-
tiques, comme le sucre de canne, le rhum ou la banane.
Sa condition sociale historique est très largement mise
en exergue et rappelle parfois des conditions de travail
proches de celles de l'esclavage. Après les incendies de
1890 à la Martinique et en Guadeloupe, une affiche est
éditée en France pour annoncer une fête organisée en
faveur des populat ions sinistrées ; sa composit ion
n'échappe pas aux modèles allégoriques habituels : la
France, assise sur un trône, console les affligés qui im-
plorent son aide, reproduisant l' image-symbole tradition-
nelle du Noir victime qu'on retrouve souvent dans l'art
occidental et la propagande abolitionniste (n° 4).
À côté de ce courant qu'on peut qualifier de nord-améri-
cain, on trouve des images davantage inspirées par
l'Afrique. À l'origine, c'est une Afrique plus imaginaire
que réelle, mais toute empreinte de la mythologie colo-
niale, faite d'esprit de conquête, de passion pour l'aven-
ture et de grands sentiments sur les bienfaits de la
civilisation vis-à-vis de populations primitives qui servent
la plupart du temps de faire-valoir et de décor humain au
héros principal qu'est l'homme blanc. Ce type de repré-
sentation accompagne toute la période de conquête de
l'Afrique. La guerre de 1914-1918, la mise en valeur
encore balbutiante des cultures africaines, puis la Seconde Guerre mondiale, amènent une transformation
— modeste — de la représentation de l'Africain. Il a ré-
pondu à l'appel de la mère-patrie. On a reconnu sa bra-
voure sur les champs de bataille. On l'a vu en France.
L'Afrique peut même devenir un but de voyage. Et là,
sur l'affiche, on découvre parfois l'Africain dans son quo-
tidien. À l'évidence, tous les clichés n'ont pas disparu :
folklore, sagaies, arcs et flèches restent les signes de re-
connaissance du sauvage. Pourtant, la caricature n'est
plus tout à fait possible. La période suivante voit se déve-
lopper le large mouvement des indépendances afri-
caines. Dès lors, la représentation de l'Africain,
revendiquant sa liberté nouvelle, ne peut reproduire les
archétypes. La réaction de la publicité est claire : le Noir
africain disparaît pratiquement de l'affiche.
8. Georges Favre, vers 1935.
Une autre source d'inspiration vient des rares Noirs vi-
vant alors en France. Des origines aux années 1930,
l'affiche les montre tentant désespérément d'accéder au
niveau de civilisation de leurs maîtres. S'ils ne sont pas
des amuseurs patentés, ils n'ont qu'un seul rôle à jouer dans la société blanche : servir. Le soldat de l'armée
française devient tirailleur sénégalais à la gloire de Bana-
nia. De la Seconde Guerre mondiale jusque dans les
années 1980, l'image du Noir se raréfie.
Ces trois courants de représentation, liés initialement à
l'origine géographique des uns et des autres - l'ancien es-
clave plus ou moins émancipé des Antilles ou d'Amé-
rique, le sauvage d'Afrique et l'apprenti civilisé d'Europe -
se conjuguent, se mélangent, s'opposent, se superposent
et, par leur imbrication fantaisiste dans l'imaginaire occi-
dental, contribuent à retirer au Noir ses qualités propres
pour en faire un être identique et anonyme. Tenter de
rétablir dans la lecture des images cette diversité d'ori-
gine, même si peu de signes nous y invitent, c'est déjà
restituer à l'homme une partie de son identité, de son
appartenance à une histoire.
Toutes ces images ne surgissent pas ex nihilo. En faisant
une rapide incursion dans la littérature du xixe siècle,
contemporaine de nos premières affiches, on constate, à
travers les témoignages des explorateurs, militaires ou
missionnaires, une certaine curiosité pour l'Afrique et les
moeurs des populations qui l'habitent, mais la vision
qu'ils donnent de ce « continent obscur et mystérieux »12
est, dans la majorité des cas, étonnamment violente et
péjorative. Citons, pour éclairer la mentalité de l'époque,
les propos de Victor Tissot et Améro Constant, auteurs
d'un ouvrage de vulgarisation, Les Contrées mysté-
rieuses et les peuples inconnus (Firmin-Didot, Paris,
illustré de 277 gravures), censé faire découvrir l'Afrique à
ses lecteurs de 1884 : « Ses habitants, appartenant à
une race incontestablement inférieure, sont faibles et
légers comme des enfants ; cruels sans même avoir
conscience de leur cruauté ; ils paraissent ne posséder
d 'énergie que pour souffrir. Chose étrange ! dans
cette partie du monde, le frère vend son frère, sans
hésitation et sans remords. Sans être moins odieux, il
se montre parfois plus inhumain encore lorsqu'il le
fait seruir à de sanguinaires sacrifices. La déchéance
native des hommes de la race noire, leur misérable
condition — dont ils ne sont pas capables de sortir —,
excite la pitié des philanthropes ; mais, étudiés de
près, ils déconcertent les dévouements les plus sympa-
thiques et provoquent les plus excessives sévérités de
jugement [...]. L'Afrique est enfin la terre où l'être hu-
main se montre sans culture, absolument comme ses
9. Anonyme, vers 1930. Le thème du cannibalisme, fréquent dans la presse humoristique, est plus rarement utilisé par la publicité.
solitudes qu'il abandonne aux animaux comme si c'était
leur domaine naturel ; où cet être semble plus rappro-
ché que nulle part de la bête féroce ou immonde, du
lion des déserts ou du crocodile des fleuves, dont le
nègre partage les instincts, du gorille dont il a la laideur
et les folles colères, du serpent dont il possède l'astuce.
La bonne foi est inconnue à ces hommes de couleur,
perfides, uindicatifs ; ils sont inaccessibles à la pitié ; la
terreur seule a prise sur eux ; ils ne connaissent pas un
autre idéal que la force, qui à leurs yeux légitime tout. »
Après une cinquantaine de pages de ce style, nul ne s'éton-
nera de la conclusion des auteurs : « Il sera plus facile de
faire reconnaître aux populations noires la supériorité
des armes à feu sur leurs lances, leurs flèches et leur sa-
gaies, que de les convertir à des idées de civilisation. »
Devant un tel tableau, on comprendra aisément que la
conquête coloniale, qui ne va pas tarder à s'amplifier, ait
trouvé à la fois sa justification et sa méthode ! L'anthro-
pologie physique, alliée objective du projet colonial, cor-
robore ces préjugés. Le livre du Français Louis Figuier,
Les Races humaines (Hachette, Paris, 1885), étudiant
les races humaines, décrivait la physionomie du « nègre »
en ces termes : « Ses lèvres proéminentes, son front
bas, ses dents en saillie, ses cheveux laineux, à demi-
frisés, sa barbe rare, son nez large et épaté, son men-
ton en retrait, ses yeux ronds, lui donnent un aspect
spécial parmi tout le reste des races humaines. » Son
œil, où l'iris se mélange avec la pupille, est « terne et
sans expression ». Quant à sa peau noire, épaisse et in-
sensible, elle dégage, lorque l'homme est en pleine acti-
vité, une odeur désagréable, « ass imi lable à celle
qu'exhalent certains animaux ». Comment s'étonner de
tels propos quand on sait que, dès la fin du XVIIIE siècle les
recherches anthropométriques européennes avaient
conclu à l'infériorité intellectuelle du Noir : son angle
facial prononcé, selon la théorie du Hollandais Peter
Camper, le rendait proche du singe, et son faible volume
crânien, selon les travaux de l'Allemand von Soemme-
ring, repris par l'Anglais Charles White, en faisait de
façon définitive un être inférieur, un sous-homme.
10. Félix Vallotton, Le Canard sauvage, 1903.
11. Jack Abeillé, L'Assiette au Beurre, 1910. Le député guadeloupéen Légitimus se voit appliquer l'épreuve du Nègre blanchi.
12. Anonyme, Le Petit Journal illustré, 1891. Les nombreux lecteurs du Petit Journal font la connaissance
des amazones, guerriers et féticheurs dahoméens, présentés en 1891 au Jardin d'acclimatation de Paris.
La caricature, omniprésente dans la presse française13 de-
puis le milieu du XIXE siècle, fut le propagateur zélé de ces
stéréotypes. Fondée sur la simplification, la déformation
ou l'accentuation des traits, comme sur le ridicule des si-
tuations, cette approche contribua largement à donner
des Noirs une image péjorative. Reconnaissons que
l'homme de couleur n'était pas le seul à faire les frais de
cette entreprise de dérision. Bien d'autres personnages
étaient allègrement croqués, mais aucun ne l'était à
cause de la couleur de sa peau. Plusieurs thèmes étaient
particulièrement appréciés par les dessinateurs : l'assimi-
lation du Noir au singe, la pu issance sexuelle de
l'homme, la sensualité de la femme noire, sa nudité, sa
soumission et la fréquente démesure de ses seins, le can-
nibalisme et les festivités qui entouraient tout supplice, le
ridicule des roitelets africains, l'impossibilité pour le Noir
métropoli tain de devenir un être civilisé, son goût
déplacé pour l 'élégance vestimentaire, son langage
« petit nègre », son incompétence à utiliser le progrès
technique...
Bien des scènes prétendument « humoristiques » trou-
vaient leur origine, non dans le graphisme lui-même mais
dans les jeux de mots et calembours exprimés dans le
titre du dessin ou dans sa légende, notamment : avoir
des noirs (pour des bleus), être noir ou gris (pour ivre),
faire nègre le vendredi ou se faire servir son chocolat
au lit (pour les extras de la femme blanche), prendre un
petit noir, travailler comme un nègre, avoir des idées
noires, sortir blanchi d 'une accusation, visiter une ex-
position de blanc(s). Le cannibalisme autorisait de nom-
breuses déclinaisons : offrir le bras à une jeune fille,
utiliser des morceaux choisis, dîner avec les membres
de sa famille. Quant aux surnoms dont le Noir était affu-
blé, ils étaient particulièrement fréquents : tête de nègre,
boule de neige, boîte à cirage, brosse à reluire, bout
de réglisse, Bamboula, Sidi, Y'a bon...
La représentation plastique des Noirs n'était pas sans
poser des problèmes techniques à tous ces dessinateurs
travaillant essentiellement pour des journaux imprimés...
en noir et blanc. Certains, comme Roubille, résolvaient
le problème en utilisant l'aplat noir et le trait blanc fili-
forme (n° 7). Abeillé se servait également de l'aplat noir
et du reflet blanc pour donner du relief à certaines parties
du corps ou de la tête. Grandjouan et Juan Gris zébraient
leurs personnages, normalement traités, de fortes ha-
chures diagonales, d'autres utilisaient les ressources - mé-
diocres la plupart du temps - du tramé mécanique, ou
bien du fusain étalé sur un papier à fort grain, pour don-
ner une couleur uniforme à la peau, comme Vallotton
(n° 10). D'autres enfin, comme Paul Iribe14, jouaient sur
de petites hachures convexes et parallèles n'étant pas
sans rappeler certaines gravures sur bois, afin de resti-
tuer les formes des personnages avec une certaine élé-
gance. Aucun de ces artistes ne s'interdisait, bien sûr,
d'utiliser simultanément ou successivement plusieurs de
ces procédés.
PAILLARD (Rémy), Affiches 1914-1918, Reims, 1986.
PASTOUREAU (Michel) L'Étoffe du diable, Le Seuil, Paris, 1991.
Pour les les Droits de l'Homme, Histoire(s), Image(s), Parole(s). Reproduction des 66 affiches internationales éditées à l'occasion du bicentenaire, Artis, Paris, 1989.
RENNERT (Jack), WEILL (Alain), Paul Colin, affichiste, Denoël, Paris, 1989.
RENO (Dawn E.), Collecting Black Americana, Crown Publishers Inc., New York, 1986.
ROGNON (Frédéric), Les Primitifs, nos contemporains, Hatier, Paris, 1988.
SAGNA (Olivier), Des Pionniers méconnus de l'indépendance. Africains, Antillais et luttes anticolonialistes dans la France de l'entre deux guerres (1919-1939), université Paris-VII, Paris, 1986.
SALLÉE (Andrée), CHAUVEAU (Philippe), Music-hall et café-concert, Bordas, Paris, 1985.
SCHNEIDER (William), An Empire for the masses. The French Popular image of Africa (1870-1900), Greenwood Press, Londres, 1982.
SIBONY (Daniel), Écrits sur le racisme, Bourgois, Paris, 1988.
SIMON (Njami), James Baldwin ou le duoir de violence, Seghers, Paris, 1991.
TAGUIEFF (Pierre-André), La Force du préjugé, essai sur le racisme et ses doubles, La Découverte, Paris, 1987.
TOUCHARD (Michel-Claude), L'Aventure du Rhum, Bordas, Paris, 1990.
UCAD, Le Livre des Expositions universelles, 1851-1989, Éditions des Arts décoratifs-Herscher, Paris, 1983.
UNESCO, Histoire générale de l'Afrique, t. VII, « L'Afrique sous domination coloniale, 1880-1935 », UNESCO-NEA, Paris, 1987.
YOUNG (Jackie), Black Collectables, Mammy and her friends, Schiffer, West Chester (Pennsylvanie), 1988.
Articles
Les Annales, 9 avril 1916 («Y'a bon ! »)
Le Courrier français, 2 avril 1902.
L'Illustration, n° 3749 du 9 janv. 1915.
Lectures pour tous, 1er sept. 1915 (« Les tirailleurs sénégalais au feu »),
Le Monde illustré, n° 2659 du 14 mars 1908 (« Les tirailleurs sénégalais »).
Paris illustré, n° 32 du 11 août 1888 (« L'armée d'Afrique »).
Le Petit Journal, supplément illustré, n° 15 du 7 mars 1891 (« L'armée coloniale »); n° 748 du 19 mars 1905 (<< Savorgnan de Brazza »); n01007 du 6 mars 1910 (« Héros et martyrs de la colonisation en Afrique »); n° 1165 du 16 mars 1913 (« Nos soldats d'Afrique ») ; n° 1484 du 1er juin 1919 (« Les tirailleurs sénégalais »)
Publimondial, 1958, n° 93.
Vu, n° 265 du 12 avril 1933 (« Images secrètes de la guerre »).
ANDREW (C.M.), « The French colonial party, 1885-1914 », Historicai Journal, Cambridge, n° 1, 1971.
BACHOLLET (Raymond), « Humour blanc, humour noir », in Collectionneur français, nos 242 et 243 de févr. et mars 1987.
BORDET (Daniel), « Banania, légendes et réalités », in Aladin, sept.-oct. 1991.
Dossier « Campagnes », Stratégies, 1985, 1986 et 1987.
FABRE (Michel), « La représentation du Noir sur les enveloppes de propagande patriotique pendant la guerre de Sécession », in Revue française d'Etudes américaines, n° 7, avril 1979.
GERE (François), « Imaginaire raciste, la mesure de l'homme », Cahiers du cinéma, n° 315, 1980.
GUIGNARD (Alfred), « L'armée noire a fait ses débuts », in Lectures pour tous, Ie' mai 1914.
PEYRIERE (Marie-Christine), DEBOST (Jean-Barthélemi), « Entre Totem et Tabou », in « Ethnicolor », Autrement, 1987.
PEYRIERE (Marie-Chr is t ine) , « L ' É r o s de la
P u b », in É q u a t e u r , n° 2, janv.-févr . 1 9 8 7 .
PEYRIERE (Marie-Chr is t ine) , « S o u s le
r e g a r d d e G r a c e J o n e s », in N o t r e
L i b r a i r i e , n° 9 1 , janv.- févr . 1 9 8 8 .
Expositions
Das Exotische Plakat-Exotische
Welten, Europaïsche Phantas ien, Galerie de la ville de Stuttgart, 1987 [catalogue].
« En ta r t e t e Kunst. » Das Schicksal des
Avantgarde im Nazi-Deutschland [catalogue de l'exposition de l'Altes Museum de 1937], Los Angeles County Museum of Art, Deutsches Historisches Museum, Hirmer, Munich, 1992 (reproduit l'affiche représentant le musicien juif allemand Krenek en jazzman noir et juif).
Ethnic Images in Advertising, Balch Institute for Ethnic Studies, Philadelphie, 1984 [catalogue].
Ethnic Notions, Black Images in the White Mind, an Exhibition of Afro- American Stereotype and Caricature, Berkeley Art Center, Berkeley, 1982 [catalogue].
Images in Black : 150 years of Black Collectibles, Schiffer, West Chester (Pennsylvanie), 1990.
Négripub, l ' image des Noirs dans la publicité depuis un siècle, bibliothèque Forney, Paris, 1987 [catalogue].
Les Noirs, Tête d'affiches, Nanterre, 1985.
White on Black, Images of Blacks in Western Popula r Culture, Royal Tropical Institut, Amsterdam, 1989.
Wit over Zwart-le Noir du Blanc, Bruxelles 1991, exposition accompagnée de l'édition d'un ouvrage collectif : Racisme, Cont inen t obscur-Clichés, stéréotypes, phan ta smes à propos des Noirs dans le royaume de Belgique, CEC, s.l.
Zaïre 1885-1985, Cent ans de regards belges, Bruxelles, 1985.
Table des
illustrations
Ordre de présentation des informations : numéro de l'illustration, annonceur, support, mode de reproduction, dimensions, collection, dessinateur, imprimeur, lieu et date d'impression, bibliographie. Les dimensions sont indiquées en centimètres, hauteur sur largeur.
Abréviations courantes : BN, Bibliothèque nationale ; MDP, Musée de la Publicité ; BF, Bibliothèque Forney ; MGB, Museum für Gestaltung, Bâle.
c., circa (suit une date estimée) ; lith., lithographie ; xylogr., gravure sur bois ; s.l., sans indication de lieu ; inc., inconnu ; d.l., dépôt légal.
La mention bibliographique Négripub fait référence aux numéros du catalogue édité en 1987.
Couverture. Eau dentifrice, maquette, gouache, 32 x 23, RB, dessinateur anonyme, Éts. Bachollet, Paris, 1930 c. Négripub, n° 88.
1. David & John Deas, affiche, xylogr. n. & bl., inc., BF (repro), dessinateur anonyme, inc., Charlestown, 1769. Alain Weill, L'Affiche dans le monde.
2. Épicerie Lefèvre, affiche, xylogr. coul., 155 x 99, BN, Rouchon, Paris, 1852. Exposition Rouchon, n° 40, MDP, Paris, 1983.
3. Brillant Jewel, affiche, lith. coul., 59 x 74, MDP n° 20 301, dessinateur anonyme, anonyme, s.l. (Detroit ?), 1900 c., Négripub, n° 26.
4. Fête de bienfaisance, affiche, typographie, inc., RB, Lefèbvre (Lucien), Paris, 1890. Le Courrier français, n° 31, 3 août 1890.
5. Rhum Mangoustan's, affiche, lith. coul., 79 x 51, BF n° 196 534, dessinateur anonyme, Rousseau Frères, Bordeaux, 1905 c., Négripub n° 34.
6. Le Rire, dessin de presse, typographie, 32 x 24, RB, Toulouse-Lautrec (Henri de), Paris, 1902. Le Rire, n° 73, 28 mars 1896.
7. Le Rire, dessin de presse, typographie, 32 x 24, RB, Roubille (Auguste), Paris, 1902, Le Rire, n° 422, 6 décembre 1902.
8. Berger-Grillon, affiche, lith. coul., 127 x 87, BF n° 195 953, Favre (Georges), Affiches Gaillard, Paris/Amiens, 1935 c. Négripub n° 94.
9. Agence Cook, affiche, lith. coul., 103 x 63, BF n° 197 444, dessinateur anonyme, Allen (SC) & Cie, Londres, 1930 c. Négripub n° 87.
10. Le Canard Sauvage, dessin de presse, typographie, 32 x 24, RB, Vallotton (Félix), Paris, 1903. Le Canard sauvage n° 16, 5-11 juillet 1903.
11. Lacto-Lys, annonce, typographie, 32 x 24, RB, Abeillé (Jack), Paris, 1910. L'Assiette au beurre, n° 469, 26 mars 1910.
12. Le Petit Journal illustré, dessin de presse, typographie, 40 x 31, RB, dessinateur anonyme, Paris, 1891. Le Petit Journal illustré, n° 14, 28 février 1891.
13. Le Petit Journal illustré , dessin de presse, typographie, 45 x 31, RB, Meyer, Paris, 1892, Le Petit Journal illustré, n° 74, 23 avril 1892.
14. Java quinquina, affiche, lith. coul., 130 x 100, BF n0174 428, dessinateur anonyme, Camis, Paris, 1900 c. Négripub n° 28.
15. Le Petit Journal illustré , dessin de presse, typographie, 45 x 31, RB, Meyer, Paris, 1899, Le Petit Journal illustré, n° 445 du 28 mai 1899.
16. Le Petit Journal illustré, dessin de presse, typographie, 45 x 31, RB, dessinateur anonyme, Paris, 1907. Le Petit Journal illustré, n° 671, 28 juillet 1907.
17. Le Petit Journal illustré, dessin de presse, typographie, 45 x 31, RB, dessinateur anonyme, Paris, 1910, Le Petit Journal illustré, n° 1 026, 17 juillet 1910.
18. Bruno-Gesellschaft, affiche, lith. coul., 67,5 x 92, BF (repro), Klinger (Julius), Hollerbaum & S., Berlin, 1910. Das Frühe Plakat, n° 1 678.
19. Cyprien Fabre et Fraissinet, affiche, lith. coul., 100 x 62, BF n° 149 810, Colin (Jean), De Plas, Paris, 1935 c. Négripub n° 111.
20. Abadie, affiche, lith. coul., 89 x 121, BF (repro), Ogé (Eugène), inc., Paris, 1905 c. Das Frühe Plakat, n° 669.
21. Bal nègre, affiche, lith. coul., inc., BF (repro), Colin (Paul), Chachoin (H.), Paris, 1927, Rennert et Weill, Paul Colin Affichiste.
22. Ministère des Colonies, affiche, lith. coul., inc., BF (repro), Colin (Paul), Courbet, Paris, 1945. Rennert et Weill, Paul Colin Affichiste.
23. Palmona, affiche, lith. coul., 86 x 63, BF n° 196 388, Hohlwein (Ludwig), De Ricker (O.) et Mendel, Bruxelles, 1913. Négripub, n° 49.
24. Musée de l 'Homme, affiche, offset, 60 x 40, BF, Goude (Jean-Paul), Publicité française, Paris, 1992.
25. Warner Bros, affiche, lith. n. & bl., inc., Cinémathèque, Milan, dessinateur anonyme, inc., s.l., 1927. Max Gallo, L'Affiche, miroir de l'Histoire.
26. Sobelair, détail du n° 69.
27. Le Petit Gommeux d'Amérique, partition, litho en NB, 27 x 18, Michel Fabre, dessinateur anonyme, Lévy (Émile), Paris, 1885 c.
28. Salle des Porcherons, affiche, xylogr. n. & bl., 80 x 45 , MDP n° 11 479, dessinateur anonyme, Typo. Morris, Paris, 1850 c. Négripub, n° 1.
29. Nouveau Cirque, affiche, lith. coul., 131 x 94, MDP n014 307, Mahut (Maurice), Chaix, Paris, 1902.
30. Alcazar d'hiver, affiche, lith. coul., 40 x 60, MDP n° 16 963, Lévy (Émile), Lévy (Charles), Paris, 1878.
31. Folies-Bergère, affiche, lith. coul., 80 x 60, MDP, Lévy (Charles), Lévy (Charles), Paris, 1885 c.
32. Folies-Bergère, affiche, lith. coul., 59 x 44, MDP, Lévy (Charles), Lévy (Charles) , Paris, 1879.
33. L'Original Nowils, affiche, lith. coul., 82 x 60, MDP n° 14 098, dessinateur anonyme, Appel (F.), Paris, 1885 c.
34. Satandier, affiche, lith. coul., 90 x 63, MDP n° 13 737, dessinateur anonyme, Lévy (Charles), Paris, 1885 c.
35. Bal Tabarin, affiche, lith. coul., 65 x 42, BF n° 150 244, Grun (Jules), Chaix, Paris, 1904.
36. Folies-Bergère, affiche, lith. coul., 54 x 39, MDP, Chéret (Jules), Chéret, Paris, 1880.
37. Fantaisies-Oller, affiche, lith. coul., 59 x 41, MDP n° 10 574, Chéret (Jules), Chéret, Paris, 1876. The Posters of Jules Chéret, n° 264 du cat. de Lucy Broido. Cf. également les nos 81 et 330 ; Maindron, 230.
38. Folies-Bergère (Pietro), affiche, lith. coul., 82 x 61, MDP n° 11 750, Lévy (Charles), Lévy (Charles), Paris, 1888.
39. Folies-Bergère (Zoulous), affiche, lith. coul., 53 x 39, MDP, Chéret (Jules), Chéret, Paris, 1878, The Posters of Jules Chéret, n° 97 du cat. de Lucy Broido ; Maindron, 92.
40. Jardin d'acclimatation, détail du n° 41.
41. Jardin d'acclimatation, affiche, lith. coul., 130 x 96, MDP n° 16 592, dessinateur anonyme, Lévy (Émile), Paris, 1895. Petit Journal, supplément illustré, 31 mai 1903.
42. Théâtre de la Porte Saint-Martin, affiche, lith. coul., 60 x 42, BF n° 44 544, Lefèbvre (Lucien), Chaix, Paris, 1892.
43. Casino de Paris, affiche, lith. coul., 160 x 110, BF n° 198 527, dessinateur anonyme, Impr. Coopérative, Paris, 1892 c.
44. Toni-Kola, détail du n° 51.
45. La Dahoméenne, affiche, lith. coût., 124 x 84, Carnavalet, dessinateur anonyme, Impr. Coopérative, Paris, 1894 c.
46. La Dahoméenne, affiche, lith. coul., 140 x 100, BF n0199 425, dessinateur anonyme, Verneau (Charles), Paris, 1894 c. Négripub n° 10 ; Célébrités à l'Affiche, n° 109.
47. Date Coffee, affiche, litho coul., inc., MDP, dessinateur anonyme, Laas, Paris, 1881 d.l.
48. Rhum St. James, affiche, lith. coul., 127 x 89, MDP n° 11 783, dessinateur anonyme, Lévy (Émile), Paris, 1888 d.!.
49. Vichy-Saint-Yorre, affiche, lith. coul., 166 x 127, BF n° 198 536, Auzolle (M.), Vercasson, Paris, 1898, Célébrités à l'affiche, n° 108.
50. Zeiss, affiche, lith. en couleurs, 28 x 22, BF, Hohlwein (Ludwig), Schôn & Maison, Munich, 1921. Das Plakat, janvier 1921.
51. Toni-Kola, affiche, lith. coul., 163 x 124, BF n° 196 287, dessinateur anonyme, Verneau (Charles), Paris, 1900 c. Négripub n° 33.
52. Foire de Bordeaux, détail du n° 58.
53. Exposition coloniale de Marseille 1906, affiche, lith. coul., 120 x 160, BF n° 153 321, Dellepiane (David), Moullot, Marseille, 1906, Négripub n° 35.
54. Exposition coloniale de Lyon 1894, affiche, lith. coul., 120 x 80, Bistro de Lyon, dessinateur anonyme, Ducros (J.), Lyon, 1894.