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  • Le dialogue thologiqueentre Juifs et chrtiens :questions davenir

    Genevive ComeauReligieuse xavire

    Centre Svres,Facults jsuites de Paris

    crivant la fin de ce numro consacr aux relations entre Juifs et chr-tiens, je ne prtends pas apporter le mot de la fin, ni clore le dbat, maisau contraire louvrir sur des questions qui pourraient tre davantagetravailles en commun par Juifs et chrtiens. La position de cet article enfin de numro me donne lavantage de ne pas avoir traiter de certainspoints importants pour le dialogue thologique, comme tout ce qui a trait lhistoire de nos relations, en particulier le choc de la Shoah, le bilandes cinquante dernires annes de rencontre, et limportance du pontifi-cat de Jean-Paul II. Tous ces points ont t bien honors par les articlesprcdents. Mappuyant la fois sur lhistoire longue et douloureuse, etsur lhistoire plus rcente et pleine desprance, des relations entre Juifset chrtiens, je me tourne vers lavenir et jessaie de proposer un ordre dujour pour le dialogue thologique.

    Le simple fait de formuler cette proposition est dj un geste desp-rance : il signifie quun dialogue thologique est possible, quil est envi-sag. Or, cela na pas toujours t le cas, loin de l. Aux poques deperscutions et de ghetto, Juifs et chrtiens dbattaient, certes, mais cesdisputationes ne se passaient pas dans un climat de libert favorable lesprit de dialogue. Cest partir du xixe sicle, aprs lmancipation desJuifs dans les diffrents pays europens, que des intellectuels juifs ont pusintresser de manire nouvelle la figure de Jsus et lvangile, d-couvrant la judit de lhomme de Nazareth et de son message. Peu peu, des changes ont pu avoir lieu avec des chrtiens. Mais jusqu cejour des rticences demeurent quant un dialogue thologique : certainscraignent quun tel dialogue ne soit que le cheval de Troie de la con-

    Thologiques 11/1-2 (2003) p. 321-343

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    version de la part des chrtiens ; quoi bon parler encore de Jsus deNazareth, ou de questions religieuses qui nous divisent ? , se demandentdautres. Ces rserves ne sont pourtant pas unanimement partages, et enplusieurs lieux des petits groupes dchange thologique entre Juifs etchrtiens existent. Ils reposent essentiellement sur la confiance et lesbonnes relations qui ont pu stablir entre leurs membres. Je me rjouisdonc que la revue Thologiques propose un avenir pour le dialogue tho-logique. Cela signifie que lagenda des relations entre Juifs et chrtiens neconcerne pas seulement les questions du vivre-ensemble. Certes, ces ques-tions sont importantes, et lactualit nous rappelle rgulirement la nces-sit de lutter contre lantismitisme. Depuis la fin de la Seconde Guerremondiale, beaucoup de groupes damiti entre Juifs et chrtiens se sontdonn comme objectifs la connaissance et lestime mutuelles, pour dpas-ser les strotypes qui ont eu des effets ngatifs dans le pass.

    Mais ouvrir la possibilit dun dialogue thologique signifie allerencore plus loin, vers une certaine rciprocit :

    Pour les chrtiens, le dialogue avec le judasme est ncessaire du point devue thologique, cause de leur hritage commun ; pour les juifs, parcontre, cest une condition pour pouvoir vivre dans une socit sans pr-jugs. De mme les racines de lloignement sont diffrentes, pour les juifset les chrtiens. Les racines de lantijudasme chrtien sont chercher dansla thologie ; la rticence au dialogue de la part des juifs, par contre, rsidedans lhistoire, dans le fait que pendant des sicles il y eut des conversionsforces, des accusations et des perscutions contre les juifs, de la part deschrtiens, soi-disant pour des motifs religieux1.

    Cette citation souligne que les intrts des uns et des autres ne sontpas identiques, pas plus que les chemins qui conduisent la rencontre.Cest en scrutant son propre mystre que lglise dcouvre le lienqui lunit au peuple juif, disait le Concile Vatican II2 ; cest propos duvivre-ensemble dans la socit que les Juifs souvrent aux relations avecles chrtiens. Pour se comprendre lui-mme, le chrtien a besoin du ju-dasme, sans oublier dapporter toutes les nuances qui conviennent la

    1. H. Wahle, Juifs et chrtiens en dialogue, Bruxelles, Lumen Vit, p. 191.2. Le pape Paul VI, Dclaration Nostra tate sur lglise et les religions non chrtien-

    nes (28 octobre 1965), 4. La dclaration est disponible en ligne ladresse sui-vante : .

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    problmatique des racines juives du christianisme3. Pour savoir qui ilest, le Juif na pas besoin du christianisme.

    Mais la tranquille certitude de cette asymtrie est en train de se trans-former. Les recherches historiques et exgtiques sur les premiers siclesde notre re montrent que les premiers crits chrtiens sont une sourcelittraire importante pour comprendre le judasme de cette poque. Cestavec cette conviction que le chercheur juif amricain Alan F. Segal sestintress laptre Paul4, et que des chercheurs israliens tudient nouveaux frais les dbuts du christianisme5. Par ailleurs, lon prend deplus en plus conscience que le judasme et le christianisme ont subi deschangements analogues sous limpact de la modernit ; ils sont confrontsaux mmes dfis (scularisation, indiffrence religieuse, pluralisme reli-gieux)6. Y rflchir ensemble pourrait tre trs fructueux. En somme,le judasme et le christianisme tels quils se prsentent aujourdhui ontune origine commune et partagent un mme prsent. Se lancer ensembledans un dialogue thologique est alors un pas de plus vers une plusgrande collaboration.

    1. Quest-ce quun dialogue thologique ?

    Avant de proposer un ordre du jour pour le dialogue thologique, cher-chons dabord prciser ce quil est. Le mot dialogue a connu auxxe sicle un extraordinaire dveloppement, au risque peut-tre de sevider de sa signification et de se banaliser. Il convient donc de cerner deprs le sens du mot7. Le dialogue est lorigine un genre littraire ; ilsuffit de songer aux Dialogues o Platon met en scne Socrate en dbatavec tel ou tel interlocuteur. Il va devenir au xxe sicle une structure

    3. Voir G. Comeau, Juifs et chrtiens. Le nouveau dialogue, Paris, Atelier, 2001,ch. 8.

    4. Voir A.F. Segal, Paul le converti : aptre ou apostat, Paris, Bayard, 2003 (anglais1990).

    5. Une prsentation pour le grand public en a t faite par S. Malka, Jsus rendu auxsiens. Enqute en Isral sur une nigme de vingt sicles, Paris, Albin Michel, 1999.

    6. G. Comeau, Catholicisme et judasme dans la modernit. Une comparaison(Cogitatio Fidei 211), Paris, Cerf, 1998.

    7. Voir J.C. Basset, Le dialogue interreligieux, Paris, Cerf, 1996, ch. 1 : propos dela notion de Dialogue .

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    fondamentale de la pense et de lexistence. Une des figures emblmati-ques en est le philosophe juif Martin Buber, pour qui, au commencement,il y a la relation : ltre humain est demble plong dans la vie dialo-gique , magnifiquement dcrite dans son livre Je et Tu8.

    Pour quil y ait dialogue, il faut quil y ait rencontre, cest--dire nonpas une juxtaposition de personnes ou de communauts, mais un vrita-ble tre ensemble , et que cette rencontre se fasse parole. Une rencontreauthentique suppose respect de laltrit et mise en uvre dune certainerciprocit. Une rencontre qui devient dialogue est galement une rencon-tre qui comporte des enjeux, une rencontre o les partenaires vont sen-gager rellement et personnellement. A contrario, rien ne semble plusartificiel que certains dialogues officiels o ne sont changes que desparoles convenues qui nont gure de prise sur la ralit

    Quen est-il de ladjectif thologique accol au mot dialogue ?Dans un texte publi Pentecte 1991 et intitul Dialogue et An-nonce , le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux a relevplusieurs formes de dialogue, sans vouloir les hirarchiser entre elles :

    a. Le dialogue de la vie, o les gens sefforcent de vivre dans un espritdouverture et de bon voisinage, partageant leurs joies et leurs peines,leurs problmes et leurs proccupations humaines.

    b. Le dialogue des uvres, o il y a collaboration en vue du dveloppe-ment intgral et de la libration totale de lhomme.

    c. Le dialogue des changes thologiques, o des spcialistes cherchent approfondir la comprhension de leurs hritages religieux respectifs et apprcier les valeurs spirituelles les uns des autres.

    d. Le dialogue de lexprience religieuse, o des personnes enracines dansleurs propres traditions religieuses partagent leurs richesses spirituelles,par exemple par rapport la prire et la contemplation, la foi etaux voies de la recherche de Dieu ou de lAbsolu9.

    Lchange thologique est donc une forme de dialogue parmi dautres.Il est intressant de noter que les diffrentes formes sont lies les unes auxautres et senrichissent mutuellement : les contacts de la vie quotidienne

    8. M. Buber, Je et Tu, Paris, Aubier, 1938 (allemand 1923).9. Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Dialogue et An-

    nonce , 42, Mission de lglise (sept. 1992).

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    et lengagement commun peuvent conduire des changes sur lexp-rience religieuse, qui en retour clairent les situations de terrain.

    Contacts et rencontres peuvent se transformer en dialogue. Le dialo-gue, dans sa dimension douverture lautre, est une aventure spirituelle,une rencontre avec Dieu.

    Un Dieu qui, travers ce que la foi de lautre me dit de Lui, se rvletoujours plus grand que ce que javais cru savoir son sujet. Et cetteexprience est profondment spirituelle parce que cest une exprience deconversion. Non pas conversion la foi de lautre, ni de lautre ma foi,mais conversion au sens dinversion consentie de nos soucis de matrise enaccueil de libert10.

    Mais laventure spirituelle est insparable du questionnement tholo-gique. Louverture lautre, le dsir de connatre et de comprendre sa foi,amne tt ou tard sinterroger sur le fondement de ce qui nous diff-rencie, ainsi que sur le sens de la pluralit des religions dans le monde.

    Comment vivre au mieux ce dialogue thologique ? Lamiti et laconfiance en sont la base. Elles engagent les partenaires vers un accueilbienveillant et une profonde ouverture desprit envers lautre. Il sagitd tre prts se laisser transformer par la rencontre11 . En fait, unedouble attitude est requise : un bon ancrage dans sa tradition pour ne pastre compltement dstabilis, et une grande ouverture pour accueillir lesremises en cause de lautre. Car les changes thologiques drangent. Ilsnont pas pour but de parvenir un consensus entre les partenaires. Surcertaines questions, des divergences irrductibles vont demeurer ; ne sentonneront que ceux qui croient que se rconcilier signifie tomber dac-cord sur tout. Ces divergences seront sans doute mieux comprises, situes leur juste place, approfondies, grce au dialogue thologique ; mais ellesne vont pas disparatre. Juifs et chrtiens sont amens alors grer aumieux leur dissensus, inventer un chemin pour que les dsaccords nesoient pas un obstacle lamiti, mais au contraire puissent faire grandirlamiti. Comme lcrit pertinemment Jacques Dupuis :

    10. J.M. Aveline, Le dialogue interreligieux : chemin desprance pour lhumanit ,Questions actuelles (Janv.-fv. 2003) p. 34.

    11. Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Dialogue et An-nonce , 47.

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    pour tre vrai, le dialogue ne peut chercher la facilit, dailleurs illusoire.Sans vouloir dissimuler les contradictions possibles entre les fois religieu-ses, il doit plutt les admettre, l o elles existent, et y faire face avecpatience et de manire responsable. Dissimuler les diffrences et les contra-dictions ventuelles quivaudrait tricher et aboutirait en fait priver ledialogue de son objet12.

    Toute cette rflexion sur le dialogue thologique est importante carelle permet dviter des malentendus, comme celui que soulignait en 1997le cardinal Cassidy, alors prsident de la Commission pontificale pour lesRelations religieuses avec le Judasme, lors dune confrence intitule Lavenir des relations entre juifs et catholiques13 . Le cardinal Cassidycitait un livre du rabbin Elio Toaff qui disait : Une discussion thologi-que nest pas possible car cest prcisment l o nos chemins divergentet o un accord reste impossible : un accord ventuel signifierait soit quenous renoncerions [sic] notre position, soit que lglise renonce lasienne14. Et le cardinal poursuivait avec pertinence :

    Jai cit le Rabbin Toaff car je pense que cela met bien au jour la confusionqui peut exister. Lorsque nous, catholiques, parlons de dialogue thologi-que avec les juifs ou dautres religions, nous navons absolument pas lesprit la perspective dun dialogue qui aboutirait la conversion ou unrenoncement [...]. Lorsque je parle de dialogue thologique avec les repr-sentants juifs, je ne parle pas de lunit dans la foi, mais dun dialogue quipermet aux interlocuteurs de se comprendre et de saccepter tels quils sontafin quils soient ce que Dieu veut quils soient dans la socit daujour-dhui malgr les diffrences fondamentales15.

    Le Cardinal semble ici carter toute perspective de conversion, ausens dun changement de religion. Effectivement, ce nest pas ce but-lque poursuit le dialogue interreligieux en gnral, ni lchange thologi-que en particulier. Il est important de le prciser, pour que les partenairespuissent se rencontrer en confiance. Cependant, nul ne sort indemne de

    12. J. Dupuis, Vers une thologie chrtienne du pluralisme religieux (Cogitation Fidei200), Paris, Cerf, 1997, p. 573.

    13. Cardinal E. Cassidy, Lavenir des relations entre juifs et catholiques , Documen-tation Catholique, no 2160 (18 mai 1997) p. 492-496.

    14. E. Toaff et A. Elkann, Essere Ebreo, Milan, Bompiani, 1994, p. 57. Cit dansCassidy, Lavenir des relations , p. 495.

    15. Cassidy, Lavenir des relations , p. 495.

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    la rencontre : elle travaille et transforme de lintrieur ceux qui sy livrent.Reste savoir si les uns et les autres sont prts sy risquer

    2. Quelles questions aborder dans un dialogue thologiqueentre Juifs et chrtiens ?

    Une premire question pourrait tre celle du lien entre nos deux identits.Juifs et chrtiens sont-ils proches les uns des autres ? loigns ? Dansquelle mesure ? Puisque ce thme a dj t abord dune manire oudune autre dans tel ou tel article de ce numro, je ne le traiterai pas fond.

    2.1. Accomplissement et/ou rupture ?

    Comment les partenaires juif et chrtien peuvent-ils se rapporter lun lautre aujourdhui ? Plusieurs modles dinterprtation sont possibles ;un dialogue thologique l-dessus est sans doute une entreprise difficile,courageuse, signe de confiance mutuelle. Je dvelopperai surtout lesmodles chrtiens.

    Un premier modle est celui de laccomplissement. Il est lui-mmecomplexe et est dclin de bien des faons. Il peut conduire voir danslAncien Testament une simple prparation lvangile. Mais dautrespositions sont possibles, qui respectent davantage la consistance de lAn-cien Testament, comme celle de Mgr Lustiger : LAncien Testament nestni une propdeutique, ni une prparation littraire, ni un recueil de th-mes et de symboles ; cest un chemin vritable, ncessaire et actuel16. Cerespect de laltrit nempche pas Mgr Lustiger de prsenter Jsus comme laccomplissement de lesprance dIsral, celui en qui cette espranceest comble17 . Accomplissement ne signifie pas suppression ni substitu-tion, mais promesse enfin ralise. Selon cette position, la vocationdIsral et celle de lglise sont la mme, il sagit du mme mystre ,expression paulinienne que Mgr Lustiger affectionne. Dans le Fils obis-sant et ressuscit, nous voyons donc laccomplissement dIsral, ce qui neveut pas dire sa suppression ni son anantissement. Laccomplissement

    16. J.-M. Lustiger, La Promesse, Paris, cole cathdrale/Parole et Silence, 2002, p. 101.17. Lustiger, La Promesse, p. 103.

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    dIsral doit lui-mme tre accueilli par Isral. Cest son problme et cestaussi le secret de Dieu18.

    Lidentit des deux vocations, juive et chrtienne, peut ici faire crain-dre une rcupration du judasme dans une logique chrtienne. Une telleposition thologique est sans doute en cohrence avec litinraire singu-lier de larchevque de Paris, n dans une famille juive : La dcision dedevenir chrtien ne mest jamais apparue comme un reniement, maiscomme laffirmation dune identit juive assume dans le christianisme,aime-t-il rpter.

    Dautres modles aujourdhui mettent davantage de distance entrejudasme et christianisme, en rappelant que, si le christianisme est ndune greffe (voir la mtaphore des deux oliviers en Rm 11,16-24), ilsagit dune greffe sur le judasme de lpoque de Jsus, avec toute la svebiblique dont il tait porteur, et non dune greffe sur le judasme ultrieur,dont les chrtiens ont dailleurs ignor si ce nest mpris le dveloppe-ment. Lexpression les racines juives du christianisme ne peut recou-vrir le judasme dans la totalit de son histoire jusqu aujourdhui, sinonen courant le risque de rduire le judasme tre lanctre du christia-nisme, et ne pas prendre en compte lexistence dun judasme contem-porain. Est alors privilgie la mtaphore fraternelle plutt que lamtaphore filiale : Juifs et chrtiens sont frres et surs, partageant unmme hritage biblique, vcu et interprt de faon diffrente ; les uns nesont pas les parents ou les grands-parents des autres.

    Cette position comporte certes des difficults. Elle peut faire songerau livre volontairement polmique dAndr Paul, Leons paradoxales surles juifs et les chrtiens19, qui prsentait judasme et christianisme commedeux faux jumeaux, dans le but de disqualifier le judasme rabbinique.En effet, le judasme daprs 70 (aprs la chute de Jrusalem, la destruc-tion du Second Temple, et le rassemblement des sages Jabn), n dunerefondation du judasme ancien, ne serait pas vraiment authentique.Cette lecture est difficilement tenable20. Outre larrogance qui consiste disqualifier une autre religion, la lecture dA. Paul oublie la continuit

    18. Lustiger, La Promesse, p. 130.19. A. Paul, Leons paradoxales sur les juifs et les chrtiens, Paris, Descle de Brouwer,

    1992.20. S. Trigano la dnonce comme autonomisme ngateur, dans LE(xc)lu. Entre

    juifs et chrtiens, Denol, 2003, p. 114-117.

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    avant et aprs 70, au niveau du peuple (dimension ethnique), et au niveaude la figure de Mose ; elle mconnat aussi la lente transformation quiavait dj commenc au dbut de lpoque du Second Temple.

    Pourtant il ne faudrait pas non plus avaliser sans investigation latradition qui dcrit une chane de transmission parfaite, une continuitininterrompue, entre Mose, les pharisiens et les rabbins de lpoque duTalmud. Une telle continuit est sans doute en partie reconstruite aprscoup, des fins de lgitimation. Lon peut formuler lhypothse que letournant de 70 est un moment de refondation, o apparat un nouveauparadigme de lhistoire du judasme (le judasme rabbinique), mais quece nouveau paradigme sinscrit dans un processus de transformation quiavait commenc avant 70.

    Lenjeu de ce dbat la fois historique et thologique est de pouvoirpenser, en toute fraternit, une relative autonomie du judasme et duchristianisme, tels quils sont aujourdhui, lun par rapport lautre, sanspour autant vouloir dlgitimer le judasme comme le souponne S.Trigano21. En introduction un volume trs bien document sur Juifs etchrtiens au ier sicle, lexgte suisse Daniel Marguerat suggre :

    Le judasme ancien na pas eu un hritier, mais deux : le christianisme et lejudasme unifi daprs 70. Nous navons pas fini de mesurer les cons-quences de cet tat de fait qui, bien compris, devrait permettre la chr-tient de trouver sa voie entre arrogance et culpabilit. Le christianisme napas plus de droit dpossder les juifs de leur hritage que le judasme sestimer tre en continuit immdiate avec le judasme ancien. ce titre,le judasme ancien na eu aucun continuateur direct, sinon htrodoxe :chacun de ses hritiers actuels reoit les critures juives travers un prismeinterprtatif. Chaque religion reconstruit le judasme ancien en vue dyretrouver les prmisses de son propre dveloppement22.

    Il sagit de penser cette relative autonomie sans tomber dans

    la tranquillit de lindiffrence. [] Le fait d tre quittes les uns enversles autres pourrait sembler un gage dgalit pour les juifs et les chrtiensmais cette galit individualiste ferait une impasse majeure sur lidentitchrtienne et surtout sur la dette des chrtiens envers les juifs23.

    21. Trigano, LE(xc)lu, p. 117, avec le modle de l indiffrenciation galitaire .22. D. Marguerat, Introduction , Le dchirement. Juifs et chrtiens au premier si-

    cle, Labor et Fides, 1996, p. 21.23. Trigano, LE(xc)lu, p. 123.

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    Penser nos relations en termes de fraternit peut se conjuguer avec ladette de reconnaissance que les chrtiens ont envers les Juifs et que Va-tican II avait bien exprime : Lglise du Christ reconnat que les pr-mices de sa foi et de son lection se trouvent, selon le mystre divin dusalut, dans les patriarches, Mose et les prophtes24. Jean-Paul II a eupour cela une formule trs heureuse, lors de sa visite la Synagogue deRome le 13 avril 1986 : Nous avons avec la religion juive des rapportsque nous navons avec aucune autre religion. Vous tes nos frres deprdilection et, dans un certain sens, on pourrait dire nos frres ans.Lexpression frres ans permet de respecter la fois lantcdence dujudasme, la dette de reconnaissance du christianisme son gard, et cettesituation paradoxale o judasme et christianisme aujourdhui sont tousdeux hritiers du judasme ancien.

    Un dbat thologique sur ce modle dinterprtation serait fructueux.Il nvitera pas la difficile question : un des deux hritiers est-il plus fidle,plus lgitime que lautre ? Cette question est en fait pose depuis les ori-gines. On la trouve au cur de lvangile de Matthieu ; ses accents po-lmiques sexpliquent par lpret dun conflit quasi familial, un conflitinterne au judasme, dont lenjeu est : quels sont les vritables hritiers dela Loi et des Prophtes25 ? Marguerat refuse aujourdhui de poser la ques-tion en ces termes ; il propose au contraire :

    Si, pour reprendre la formule de Shalom ben Chorin La foi de Jsus nousunit, la foi en Jsus nous spare, il faut se rpter que ce qui nous sparenest pas lalternative fidlit/infidlit la Bible hbraque, mais cest unelecture diffrencie des critures lgues par Isral26.

    Cette proposition donne acte au judasme de la lgitimit thologiquede son existence. Si nous ne sommes pas dans lindiffrenciation gali-taire27 , mais si au contraire nous nous soucions les uns des autres etcherchons penser notre relation, les chrtiens sont alors amens sedemander : ne faut-il pas reconnatre que le Premier Testament ne conduitpas ncessairement au Christ ? Que lon peut tre fidle la tradition

    24. Paul VI, Dclaration Nostra tate, 4.25. Voir D. Marguerat, Matthieu et le judasme : une rivalit de frres ennemis ,

    dans Le Nouveau Testament est-il anti-juif ? (Cahiers vangile 108), Paris, Cerf,1999.

    26. Marguerat, Le Dchirement, p. 22.27. Voir Trigano, LE(xc)lu, p. 117-125.

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    hbraque sans tre chrtien ? Nous touchons l des questions dlicatesqui pourraient faire lobjet dun dialogue thologique ouvert et exigeant.Rcemment, la Commission Biblique Pontificale, sinterrogeant sur lacomprhension chrtienne des rapports entre Ancien et Nouveau Testa-ments, crivait :

    Les chrtiens peuvent et doivent admettre que la lecture juive de la Bibleest une lecture possible, qui se trouve en continuit avec les Saintes cri-tures juives de lpoque du second Temple, une lecture analogue la lecturechrtienne, laquelle sest dveloppe paralllement. Chacune de ces deuxlectures est solidaire de la vision de foi respective dont elle est un produitet une expression. Elles sont, par consquent, irrductibles lune lautre28.

    Mais cette irrductibilit nempche pas une collaboration possible,puisque le document poursuit ainsi :

    Sur le plan concret de lexgse, les chrtiens peuvent, nanmoins, appren-dre beaucoup de lexgse juive pratique depuis plus de deux mille ans et,de fait, ils ont appris beaucoup au cours de lhistoire. De leur ct, ilspeuvent esprer que les juifs pourront tirer profit, eux aussi, des recherchesexgtiques chrtiennes29.

    2.2. Le rapport la Loi

    Une deuxime question qui pourrait faire lobjet dun dialogue thologi-que est celle du rapport la Loi. Les chrtiens ont souvent du mal comprendre le pourquoi et le comment de lobservance juive. De leurct, les Juifs stonnent de ce qui leur semble tre une infidlit deschrtiens la parole de Jsus : Je ne suis pas venu abolir mais accomplir.Car je vous le dis, en vrit : avant que ne passent le ciel et la terre, pasun i, pas un point sur li, ne passera de la Loi, que tout ne soit ralis.(Mt 5,17b-18)

    La question est complexe, et demande tre bien pose. Dans unpremier temps, il convient sans doute de dpasser des strotypesmultisculaires. Les accusations de lgalisme et de ritualisme juifs sontcouramment rpandues. Catherine Chalier sen fait lcho :

    28. Commission Biblique Pontificale, Le peuple juif et ses Saintes critures dans laBible chrtienne, Paris, Cerf, 2001, 22, p. 55.

    29. Commission Biblique Pontificale, Le peuple juif, p. 55.

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    Nest-il pas clair, pense-t-on, maintenant encore, quaimer Dieu en espritet en vrit, en rpondant de son amour parmi les hommes, dispense desbelles crmonies, du scrupule manger casher ou du respect minutieuxdes prescriptions du Shabbat et des ftes ? Le bon sens par-del toutepolmique ne semble-t-il pas, dans ce cas, plaider la cause du christia-nisme lorsque celui-ci dclare tout cela sans importance30 ?

    Or, si la Loi, jusque dans le dtail de ses observances, a une telleplace, cest parce que le judasme accorde beaucoup dimportance auxactes : cest par les actes quil pose que ltre humain donne corps sesconvictions. La pratique de la Loi devient alors le test de lamour pourDieu ; elle est mme suprieure lamour pour Dieu entendu au sens decommunion mystique affective et quasi sensible avec le divin, ce dont lejudasme, dans ses principaux courants, sest toujours mfi31. Parailleurs, le judasme nest pas la religion de la Loi, mais de lincessantelaboration, interprtation et adaptation de la Loi (sauf dans les milieuxultra-orthodoxes o ce mouvement vivant sest fig). Il nest que deconsidrer la forme mme du Talmud, qui est celle du dbat et delargumentation, ou les rinterprtations nouvelles et cratives de la Loiaujourdhui, dans plusieurs communauts juives.

    Un strotype analogue voit le christianisme comme une religion sansLoi. Certes, les chrtiens ne disposent pas dune Halakha32 prcise lesaidant se dterminer dans la vie quotidienne, par exemple par des rglesalimentaires. La Lettre Diognte, ds le iie sicle, souligne que les chr-tiens ne diffrent pas des autres hommes dans la manire de se nourrir,de shabiller, ou de parler. Mais les chrtiens ne sont pas pour autant desgens sans Loi. Pour Paul, les Dix Paroles demeurent ; est surtout mis envaleur le commandement de lamour, rfr Jsus (voir Jn 13,34 :Comme je vous ai aims, aimez-vous les uns les autres, nous soulignons).Ce commandement de lamour nest pas un commandement comme lesautres, ni un commandement parmi dautres. Lon nest jamais quitteavec le commandement de lamour, car il ne demande pas quelque chose,mais il requiert lengagement de la personne tout entire. Do son carac-

    30. C. Chalier et M. Faessler, Judasme et christianisme. Lcoute en partage, Paris,Cerf, 2001, p. 353.

    31. Voir pour cette question de la Loi, Comeau, Juifs et chrtiens, ch. 2.32. La Halakha est la loi juive tablie par les dcisions des rabbins ; elle dfinit la

    manire juive de vivre.

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    tre inachev et indtermin, qui peut dans certains cas devenir une fai-blesse et une facilit : quoi de plus vague que de demander daimer ? Pourprter attention aux dtails du quotidien, les chrtiens ont donc faireappel au discernement, cest--dire lart de juger, dans une situationprcise, quelle conduite est tenir. Lcoute de lEsprit saint, la prise encompte du rel ainsi que des points de repre que donne lglise parexemple dans sa doctrine sociale font partie de la dmarche de discer-nement.

    Un change entre Juifs et chrtiens peut ainsi aider mieux connatreet comprendre lautre dans son rapport la Loi. Mais, une fois les st-rotypes dpasss, demeurent des questions redoutables : Qua fait Paul ?A-t-il remplac la Loi par la foi ? Quelles taient les relations de Jsusavec la Loi ? Pourquoi les chrtiens ne pratiquent-ils plus tous les com-mandements de lAncien Testament quils conservent pourtant dans leurscritures ?

    La question des relations de Paul avec la Loi juive est terriblementdifficile. Des publications lui sont rgulirement consacres, venant dechercheurs chrtiens ou juifs. Du ct juif, Paul est souvent considrcomme le responsable de la rupture, celui qui a dnonc limpuissance dela Loi et lui a oppos la foi, celui quil faut dpasser car il serait unobstacle au dialogue entre Juifs et chrtiens33.

    Les dbats sur Paul sont sans doute des plus dlicats, car il est tou-jours possible dobjecter tel verset tel autre verset : Paul crivait deslettres diffrentes des communauts diffrentes ; bien malin celui quipourra reconstruire une thologie paulinienne unifie ! Pourtant, dans lesdbats, il sera utile de se rappeler quelques acquis des recherches rcen-tes34. Les travaux de lexgte amricain E.P. Sanders35 ont marqu untournant, par une meilleure connaissance du judasme de lpoque dePaul : on est revenu de limage traditionnelle, dforme et vue traversle prisme de Luther, que lexgse chrtienne donnait du judasme. Sandersa caractris le judasme du ier sicle comme un nomisme dalliance ,une religion dalliance o lobissance la Loi est rponse llection et

    33. Cette dernire position est illustre par Trigano, LE(xc)lu, p. 131-171.34. Voir Recherches de Science Religieuse, 90/3 (2002), consacr laptre Paul.35. E.P. Sanders, Paul and Palestinian Judaism : A Comparison of Patterns of Religion,

    Minneapolis, Fortress, 1977.

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    la misricorde divines, et non moyen dobtenir le salut. Lautre aspect,corollaire du premier, des travaux de Sanders, est davoir mis laccent surla christologie : la problmatique de Paul est christologique, le salut vientdu seul Jsus-Christ, et il est le mme pour tous.

    Les recherches de Sanders reprsentent une avance indubitable pourles tudes pauliniennes. Tout en enregistrant ses acquis, les exgtesaujourdhui sont plus nuancs et apportent quelques correctifs. La Loi,du temps de Paul, se prsente comme un code englobant, qui fournit ses sujets tout ce quil faut pour vivre socialement, moralement et reli-gieusement36 , ainsi que pour se rconcilier avec Dieu. Que la rconci-liation vienne par la mort et la rsurrection du Christ, comme laffirmePaul, reprsente alors un bouleversement considrable qui relativise laLoi.

    Apparat ici ce qui pourra tre un autre sujet de dialogue thologi-que, celui de la capacit de lhomme en lien avec ce quil attend de Dieu.Dans la tradition juive, le pcheur peut toujours revenir vers Dieu dansune dmarche de conversion : lhomme peut par la pnitence se recon-qurir tout entier37 . Dans la tradition chrtienne, le pardon de Dieu estdonn par le Christ ; le mouvement de conversion de lhomme nest passupprim pour autant, mais il prend un sens nouveau dans la confianceque le Christ a dj acquis pour lhumanit la victoire sur le pch.

    Lattitude de Jsus par rapport la Loi est galement complexe. Tanttil est dans la ligne de la Torah, tantt il la rectifie ou laisse dans lombrecertaines de ses dispositions. Cette complexit se redouble de la diversitdes clairages vangliques : tandis que Marc souligne la distance entreJsus et la Loi, le Jsus de Matthieu est le Matre de la Loi. Cette diversitne doit pas masquer lunit du tmoignage vanglique sur deux pointsfondamentaux. Dune part, la vie de Jsus sinscrit dans le cadre de laLoi ; circoncis et prsent au Temple, Jsus a t form lobservance dela Loi. Dautre part, tous les vangiles reconnaissent Jsus une autoritunique sur la Loi, autorit qui marque le style de son enseignement et quiest suprieure celle de Mose ; l va se situer la rupture. Jsus ne peutdonc pas tre prsent seulement comme un bon Juif pratiquant, cettevision serait rductrice. Son autorit sur la Loi (voir la controverse sur le

    36. J.N. Aletti, O en sont les tudes sur saint Paul ? , dans Recherches de ScienceReligieuse, 90 (2002) p. 345.

    37. E. Benamozegh, Morale juive et morale chrtienne, Paris, Zeluck, 1946, p. 196.

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    divorce en Mt 19,1-9) est sans doute ce qui peut faire problme dans undialogue thologique entre Juifs et chrtiens ; elle renvoie la question deson identit (voir lors de la gurison du paralytique : Il blasphme ! Quipeut remettre les pchs, sinon Dieu seul ?, Mc 2,7) Dune faon peut-tre parallle, le judasme a dvelopp toute une rflexion thologique surla Torah : elle prexiste la cration du monde, lunivers a t cr cause delle et en vue delle. Dans les changes entre Juifs et chrtiens,peut-tre pourrait-on tester lhypothse que la Torah joue un rle analo-gue celui du Verbe crateur ?

    Demeure, pour les chrtiens, la question : comment comprendreaujourdhui les commandements donns Mose ? Le Christ est pour leschrtiens le Chemin, la Vrit et la Vie (Jn 14,6). cause de sonattachement au Christ Chemin, le christianisme na pas gard la com-plexit du chemin de la Halakha. Il na pas gard la multiplicit descommandements donns Mose, non pas que ces commandementssoient mauvais en soi, mais parce que la rfrence au Comme je vousai aims (Jn 13,34) du Christ a rorganis toute la manire de vivre ;lagir des disciples du Christ sest concentr et simplifi autour du com-mandement de lamour prenant chair dans la Passion du Christ. Do laquestion en dbat avec le judasme : comment se fait-il que les chrtiensconservent les livres de la Torah parmi leurs critures, mais ne se sententplus engags par toutes ses prescriptions (comme lobservance dushabbat ou les rgles alimentaires) ? Comment les chrtiens peuvent-ilsentendre ceux des commandements de lAncien Testament quils ne pra-tiquent pas ? La tradition chrtienne des Pres de lglise a distinguentre des commandements dits moraux et des commandements dits rituels . Elle a entendu ces derniers soit dans un sens allgorique etspirituel, soit comme une premire tape de la rvlation divine : main-tenant que la mort et la rsurrection du Christ ont ouvert la porte auxpaens, les commandements rituels , signes de la mise part dIsral,sont dpasss.

    Le dialogue thologique avec les Juifs pourrait inviter les chrtiensaujourdhui une plus grande modestie et rserve dans leurs jugements :les commandements dits rituels ont toujours valeur dobligation reli-gieuse pour le judasme. Sans doute nont-ils pas chang de significationde faon objective et absolue, mais seulement dans la perspective de la foien la rsurrection du Christ.

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    2.3. La question christologique

    Plusieurs personnes engages dans le dialogue entre Juifs et chrtiensinvitent revisiter la christologie. Jsus tait juif et lest toujours rest ,souligne un document romain38. Ne faudrait-il pas alors revenir auxorigines smitiques de la foi chrtienne ? Dans ses efforts pour se dve-lopper indpendamment du judasme, le christianisme (le plus jeunefrre) sest souvent loign dune faon trop radicale de son frre an39. Il y a sans doute beaucoup faire pour une meilleure comprhension desvangiles grce la tradition juive. Pourtant je mets en garde contrecertaines drives : faut-il reprocher lglise davoir hellnis le messagevanglique, comme on la souvent entendu dire depuis le xixe sicle (voirle protestant libral Harnack) ? Ne serait-ce pas mconnatre la dimen-sion temporelle et langagire de la foi ? Linculturation de la foi chr-tienne dans le monde grco-romain a t lorigine de nouveaux modesdexpression, plus distance de lunivers smitique : tait-ce illgitime ?On peut certes regretter quaprs Nice la thologie chrtienne se soitplus intresse lontologie qu lhistoire. Mais la traduction dansdes cultures diffrentes est une aventure passionnante, que le judasme adailleurs connu lui aussi, par la Septante, traduction grecque de la Biblehbraque au iiie sicle avant notre re. Certes, la traduction courttoujours le risque dtre une trahison . Mais refuser de courir le risque,ou regretter quon lait couru et vouloir sen tenir au milieu originaire dela foi chrtienne en pensant quil est le seul capable den dire lauthen-ticit, nest-ce pas aussi une trahison ? Le retour aux sources peut treporteur dillusions sil nest pas accompagn dune dmarche hermneu-tique.

    Aprs cette premire mise en garde, jen ferai une deuxime: Juifs etchrtiens ont maintenant redcouvert la judit de Jsus et son enracine-ment dans la tradition de son peuple. Cette redcouverte ne devrait pas,dans un dbat thologique, empcher les chrtiens de penser la nouveautde Jsus de Nazareth. Comme je lai dit sur la question du rapport la

    38. Commission pour les relations avec le judasme, Notes pour une correcteprsentation des Juifs et du Judasme dans la prdication et la catchse de lglisecatholique (24 juin 1985), document paru dans Documentation Catholique,no 1900 (21 juillet 1985) p. 733-738 (ici, p. 735).

    39. Wahle, Juifs et chrtiens en dialogue, p. 193.

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    Loi, Jsus ne peut pas tre prsent seulement comme un bon Juif pra-tiquant. O donc situer sa nouveaut ? Certes pas dans telle ou telleparole isole, pas dans tel aspect de son enseignement, car il est toujourspossible de trouver des parallles dans le judasme. Ainsi, la manire dontJsus rsume la Torah dans le double commandement de lamour de Dieuet du prochain est dj prsente dans la tradition juive. La phrase leShabbat a t fait pour lhomme, et non pas lhomme pour le Shabbat se trouve galement dans un commentaire juif sur lExode ; certes, elle nyest pas suivie comme en Mc 2,28 dune dclaration dautorit : en sorteque le Fils de lhomme est matre mme du Shabbat ; revient ici laquestion de lautorit de Jsus sur la Loi. La nouveaut est donc cher-cher dans la personne mme de Jsus ; Irne de Lyon disait : Il a ap-port toute nouveaut en apportant sa propre personne. Sa proprepersonne comprend aussi sa manire dtre, sa Passion, sa mort et sarsurrection. Cest l qua lieu le retournement, o celui qui annonait leRoyaume est devenu celui qui est annonc par ses disciples. Ce retourne-ment est au cur de lvangile, il nest pas dconsidrer comme tantun ajout postrieur de lglise ; cest lui qui permet doser penser lanouveaut de Jsus, sans que cela porte prjudice son identit juive.Cest dans le bouleversement et le retournement occasionns par la rsur-rection de Jsus que se trouve lorigine de lattribution stable Jsus, parla communaut, des grands titres de Messie et Fils de Dieu . Lepremier discours de Pierre dans les Actes (2,36) le proclame : Que toutela maison dIsral le sache donc avec certitude : Dieu la fait Seigneur etChrist (Messie), ce Jsus que vous, vous avez crucifi.

    Si les chrtiens ne cherchent pas penser la nouveaut de Jsus, ilsrisquent de rendre incomprhensible le mouvement chrtien qui est n delui. Penser la nouveaut ne signifie pas rompre les liens de Jsus avec latradition juive, ni prtendre que la foi chrtienne se substitue la foidIsral. Cest l que resurgit la premire question voque, celle du lienentre nos identits respectives. Le christianisme est-il un monothismepour les gentils ? Personnellement, jincline penser que, plus quuneouverture du judasme aux paens, le christianisme est une transforma-tion radicale du judasme. Ces questions pourraient faire lobjet dundialogue thologique entre Juifs et chrtiens ; elles sont certes dlicates etdemandent amiti et confiance mutuelle. Car elles supposent de mettre enuvre une vritable pense du dissensus, de la divergence, o les chr-tiens acceptent pleinement que le judasme existe indpendamment de la

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    foi au Christ et soit bnficiaire de llection divine, o les Juifs acceptentque le christianisme puisse sinterprter aussi en dehors de la traditionjuive, et o les uns et les autres reconnaissent avoir des racines communeset des frondaisons qui sentrecroisent40. Javoue tre moi-mme encore la recherche de cette pense du dissensus lintrieur du consensus delamiti

    2.4. Thologie du mrite ou de la grce ?

    Je rserve cette question pour la fin, car elle me semble la plus difficilede toutes. Par ce titre, Thologie du mrite ou de la grce , je ne pr-tends pas revenir la lecture classique, luthrienne, de Paul : la pratiquede la Loi peut conduire lorgueil, car lhomme pense par l mriter sonsalut par lui-mme. Pourtant, Paul joue sans doute un certain rle dansle dbat que je vais voquer maintenant, et qui concerne deux maniresdiffrentes pour lhomme de se rapporter Dieu.

    Ces deux manires diffrentes, lune juive et lautre chrtienne, sontenracines dans deux lectures diffrentes des critures. Je vais essayer deles caractriser assez simplement, tout en sachant quil faut se garder deles durcir. Une certaine polmique peut les opposer, mais elles ont, malgrleurs diffrences, un certain nombre de points communs.

    La lecture juive des critures est informe par la thologie rabbini-que, telle quelle est dveloppe dans le Talmud. Elle valorise la Torah deMose et la dimension prescriptive et juridique de la Rvlation : cest unemise en pratique qui est attendue de lhomme juif, mise en pratique dontle philosophe Emmanuel Lvinas a soulign la porte thique41. Par lamise en pratique des commandements, lhomme juif manifeste son obis-sance la volont de Dieu ; son amour pour la Loi inscrit dans le rel desa vie son amour pour Dieu. Cette obissance est la fois soumission etresponsabilit. La pratique de la Loi constitue la rponse humaine

    40. Selon lexpression image de G. Isral dans La double barrire des prventions ,LArche, 519 (mai 2001) p. 45.

    41. Voir P. Ricur et E. Lvinas, La rvlation (Thologie), Bruxelles, Facults uni-versitaires Saint-Louis, 1984, o Lvinas parle du caractre primordial duprescriptif o, dans le judasme, le tout de la Rvlation se noue [...]. Lthiqueest le modle la mesure de la transcendance et cest en tant que krygme thiqueque la Bible est rvlation (p. 72-75).

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    lappel de Dieu, et passe par lobissance des prescriptions prcises, la fois thiques et rituelles, qui expriment la conscience qua la cratureque ses faits et gestes se situent, chaque instant, face au Crateur42.

    Dans ce face face, la crature est libre et responsable devant sonCrateur. Car tout est entre les mains du Ciel, sauf la crainte du Ciel ,dit un adage talmudique clbre43. Dieu a plac devant lhomme la vieou la mort, la bndiction ou la maldiction. Choisis donc la vie ! (Dt30,19). Il est au pouvoir de lhomme de choisir ou non la vie, il engagepar l sa libert. La thologie rabbinique ne met pas laccent sur laideque lhomme reoit alors de Dieu, mais plutt sur la responsabilit pleineet entire de lhomme, se dcidant ou non entrer dans lAlliance avecDieu. Sur ce point Dieu ne peut se substituer lhomme : le Crateur etla crature doivent rester distincts et spars44 ; pas de collaboration entreeux. Les rabbins dveloppent une thologie de labsence de Dieu : Dieusest retir pour laisser ses cratures exercer leur responsabilit dans lemonde.

    Il Se cache, cette notion est trs importante ; Dieu Se cache pour que lalibert de lhomme soit possible et la trace de ce cachement , si josedire, ce sont les lois de la nature qui stabilisent la volont de lhomme, quifondent la libert de lhomme. Dieu en tant que Crateur a voulu les loisde la nature parce quIl a voulu que lhomme soit libre45.

    la responsabilit et la libert humaines, la thologie rabbiniquejoint la notion de mrite : laccomplissement de la volont de Dieu est mettre au compte du mrite de lhomme. La liturgie synagogale a dve-lopp le thme du mrite des anctres (zakhouth aboth), susceptibledobtenir au peuple, par solidarit, faveur et pardon de Dieu. Le mritedu patriarche Abraham, par exemple, est grand : non seulement il a obi Dieu lors de la ligature dIsaac (voir Gn 22), mais encore le midrashraconte que dans sa jeunesse il a bris les idoles de son pre Trah, etquil observait la Loi mosaque avant quelle ne soit promulgue.

    42. Chalier et Faessler, Judasme et christianisme, p. 357.43. Talmud de Babylone, Trait Berakhot, 33b.44. La notion de Cration implique que Dieu est intress au monde, puisquil en est

    le Crateur, mais elle implique aussi que le monde et son Crateur sont autres, dansla distinction radicale du cr et de lincr (L. Asknazi, La parole et lcrit,Paris, Albin Michel, 1999, p. 155).

    45. Asknazi, La parole et lcrit, p. 418.

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    Ce thme du mrite fait pressentir le contraste avec la thologie chr-tienne. Paul nest-il pas celui qui a refus que lhomme puisse se glorifierdun quelconque mrite devant Dieu ? Lptre aux Romains est cons-truite sur lide que Dieu ne fait pas de diffrence entre les hommes, quilssoient Juifs ou non, quant au pch et au salut dans le Christ. Il ny apas de diffrence : tous ont pch, sont privs de la gloire de Dieu, maissont gratuitement justifis par sa grce, en vertu de la dlivrance accom-plie en Jsus Christ. (Rm 3,22c-24) Le salut dans le Christ est nan-moins plus important que la solidarit dans le pch (voir Rm 5,15-21).

    La lecture paulinienne de la figure dAbraham dans la Gense estdiffrente de celle du midrash. Paul met en avant la foi dAbraham quilui a t compte comme justice, avant mme quAbraham soit circoncis.Abraham est donc le pre de tous les croyants, de tous ceux qui se rcla-ment de la foi, et non de la pratique de la Loi46.

    La relation entre le Crateur et la crature est galement pense defaon un peu autre que dans le judasme. La thologie chrtienne metlaccent sur le don de Dieu, et sa gratuit. Tout est donn, tout est faire , voil le paradoxe de la rflexion chrtienne en matire dthi-que47. La reconnaissance de la priorit du don naboutit pas lindiff-rence morale, ni une pure passivit o le chrtien attendrait que Dieule sauve quasiment sans lui. Car le don de Dieu est appel fructifier chezle croyant, se dployer en engagement, en force de transformation dumonde. Cette confiance dans le don de Dieu repose sur la rvlationvanglique :

    Lvangile de Jsus Christ a montr que lamour de Dieu nest limit parrien, par aucun prjug, aucun pralable. Tous sont appels parce que Dieunest pas seulement le Dieu de ceux-ci ou de ceux-l, et parce que tous sontplacs devant Dieu dans la mme situation de dtresse et de dsesprance.La comprhension de Dieu (Amour sans pralable, don offert sans condi-tion) transforme la comprhension de soi : il ny a plus aucune raison dese glorifier partir de soi et il y a toutes les raisons, au contraire, de serjouir du don reu48.

    46. Voir Rm 4 et Ga 3,6-9.47. Selon le beau titre dun livre dE. Fuchs, Tout est donn, tout est faire. Les

    paradoxes de lthique thologique, Genve, Labor et Fides, 1999.48. Fuchs, Tout est donn, p. 17-18.

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    Sur cette question, une diffrence daccent est perceptible entre ca-tholiques et protestants. Ces derniers sont sans doute plus sensibles lafragilit humaine et au salut par pure grce, et les catholiques plus sen-sibles la capacit humaine rpondre au don de Dieu. Maisaujourdhui un accord a t sign entre catholiques et luthriens sur lajustification par la foi49. Les deux traditions soulignent que laccueil dudon de Dieu est premier, et porte fruit dans la vie et laction du croyant.

    Le christianisme a dvelopp toute une thologie de la grce ap-pele plus volontiers aujourdhui une thologie de lEsprit. La grce deDieu, son Esprit, vient en aide lhomme pour laider rpondre lappel reu. Mais il convient de ne pas se mprendre sur cette aide : il nesagit pas dune collaboration o Dieu et lhomme seraient sur le mmeplan. Pour essayer de dcrire au mieux cette relation troite entre Dieuet lhomme, X. Lon-Dufour crit :

    Dieu et lhomme ne sont pas deux copartageants de lactivit spirituelle,mais ils ont chacun leur rle ; entre eux, il peut y avoir lutte, mais nonpartage. Dans sa vie religieuse, lhomme ne fait point Dieu sa part : ilconfesse que Dieu y accomplit tout, mais il sait quil y joue lui-mme unrle irremplaable : accueillir le Don de Dieu50.

    LEsprit de Dieu est intrieur ltre humain, plus intime moi-mme que moi-mme51 , selon la belle expression de saint Augustin. Ilne fait pas nombre avec lesprit de ltre humain auquel il se joint52. Ainsi,la relation entre le Crateur et la crature ne peut-elle jamais tre unerelation de concurrence ou de complmentarit, ainsi que la bien com-pris le thologien Karl Rahner. Dans notre exprience humaine, dit-il,plus quelque chose est dpendant de nous, moins il a de ralit propre etdautonomie. Mais il en va autrement dans la relation entre Dieu et lacrature : ralit authentique et dpendance radicale ne sont que deuxfaces de la mme ralit, et croissent dans la mme proportion. La cra-ture est autre que Dieu et nanmoins provient radicalement de Lui ; cest

    49. Accord dAugsbourg en 1999 (texte disponible sur le site : ).

    50. X. Lon-Dufour, Grce et libre arbitre chez Saint Augustin , Recherches deScience Religieuse, 33 (1946) p. 129-163.

    51. Confessions, III,6,11.52. Voir Rm 8,26 : LEsprit en personne se joint notre esprit pour attester que nous

    sommes enfants de Dieu .

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  • 342 genevive comeau

    mme cette provenance radicale qui fonde son autonomie. Dcouvrircela, cest paradoxalement faire une exprience forte de libert. Cestseulement l o lon sprouve en responsabilit comme sujet libre devantDieu, l o lon assume cette responsabilit, que lon comprend cequautonomie veut dire, quelle crot dans une mme proportion etquelle ne diminue pas avec le fait que lon provient de Dieu53.

    Cette dynamique de la relation entre Crateur et crature nest passans rapport avec la foi chrtienne en lIncarnation : la Parole de Dieu estdevenue homme. Cela est impossible dans le judasme, qui maintient unesparation stricte entre Crateur et crature. Le dialogue thologique surla foi chrtienne en Jsus Fils de Dieu doit peut-tre commencer partraiter de cette question.

    Judasme et christianisme prsentent donc deux manires diffrentesde se rapporter Dieu. Thologie du mrite, dun ct, thologie de lagrce, de lautre. Appel trs fort la responsabilit humaine, dun ct, labandon Dieu, de lautre. Mais de telles oppositions sont trop fa-ciles, et pourraient entraner des strotypes mutuels. Le dbat thologi-que aura donc intrt chercher aussi des points communs entre ces deuxthologies.

    Ainsi le Juif ne prtend pas que ses uvres soient justes par elles-mmes, ni quil nait nul besoin de laide de Dieu. Le chrtien ne prtendpas que ltre humain nait pas sa grandeur en lui-mme. ce propos, ilfaudra sans doute revisiter ensemble la question du pch originel, parrapport auquel la pense de lglise (au moins catholique) a beaucoupvolu, ce dont plusieurs auteurs juifs ne semblent pas avoir conscience54.Dj Thomas dAquin reprenait lexpression du Siracide : lhommelaiss son conseil55 . Aujourdhui, certains thologiens chrtiens insis-tent beaucoup sur lautonomie du monde et de lhomme : le Crateurlaisse la cration sa dynamique propre ; Il a confi la terre ltrehumain en lui faisant confiance et en respectant son aspiration tenirdebout par lui-mme56.

    53. K. Rahner, Trait fondamental de la foi, Paris, Centurion, 1983, p. 96-97.54. Comme en tmoigne le livre de G. Isral, Volupt et crainte du Ciel. Peut-on se

    librer du pch originel ?, Paris, Payot, 2002.55. Si 15,14 : Cest Lui qui au commencement a fait lhomme et il la laiss son

    conseil .56. Voir A. Gesch, Dieu pour penser. Le Cosmos, Paris, Cerf, 1994.

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  • 343dialogue thologique entre juifs et chrtiens

    En conclusion, ce dernier exemple montre que Juifs et chrtiens,malgr et avec leurs diffrences, ont sans doute besoin les uns des autres,besoin du correctif critique que la thologie et lexprience des autrespeuvent leur apporter. Cest sans doute un des meilleurs fruits que lonpeut esprer pour un dialogue thologique ouvert, respectueux et amical.Puissent ces quelques suggestions dautres pistes seraient encore pos-sibles encourager un tel dialogue, et donner aux uns et aux autres legot de le vivre ensemble !

    RSUM

    Proposer un dialogue thologique entre Juifs et chrtiens est un signe des-prance : un tel dialogue est une aventure spirituelle o les uns et les autrescherchent mieux se comprendre et sinterroger sur le fondement de cequi les diffrencie. Cest une manire, non pas de chercher un accord for-mel, mais de grer le dissensus, avec amiti et confiance. Je suggre commequestions aborder lors de tels changes : (1) Comment les partenaires juifet chrtien peuvent-ils se rapporter lun lautre aujourdhui ? (2) Le rap-port la Loi : comment est-il vcu de part et dautre, et pourquoi ? (3) Laquestion christologique : comment penser la nouveaut de Jsus sans quecela porte prjudice son identit juive ? (4) Comment Juifs et chrtiensvoient-ils la relation entre la crature et le Crateur ? Thologie du mriteou thologie de la grce ?

    ABSTRACT

    To propose a theological dialogue between Jews and Christians is a sign ofhope: such a dialogue is a spiritual adventure where one seeks to betterunderstand the other, while questioning the basis of differentiation. Thiswill not bring about a formal agreement, but will help manage the dissen-sion, in friendship and in confidence. The questions I suggest we shouldaddress during these discussions are the following: (1) How can Jewish andChristian partners relate to one another today? (2) With respect to theLaw : how is it lived out by one and the other, and why? (3) TheChristological question : how can we understand the novelty of Jesus with-out minimizing his Jewish identity? (4) How do Jews and Christians com-prehend the relationship between mankind and the Creator? A theologybased on merit or on grace?

    Revue Thologiques 2003. Tout droit rserv.

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