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EVALUATION-REGULATION D’UN DISPOSITIF DE PRE-ORIENTATION
ADAPTE DES PRATIQUES DES ECOLES DE LA 2 e CHANCE VISANT
L’AUTONCONTROLE PAR DES JEUNES DECROCHEURS DES PROCESSUS
A l’ŒUVRE DANS LEUR ORIENTATION
Université de Rouen, Département de Sciences de l’Education
Mémoire pour l’obtention du Master « Ingénierie et Conseils en Formation »
Directeur de mémoire : Jérôme ENEAU
Cathy PIRA
Année : 2007 / 2008
Table des matières
Introduction……………………………………………………………………………………1
1 Le contexte de la commande .................................................................. 3 1.1 Le décrochage scolaire / la déscolarisation : repérage terminologique ............. 3 1.2 Le « décrochage scolaire » des 16 18............................................................... 4 1.3 La MGI et le décrochage scolaire...................................................................... 5 1.4 Conclusion ........................................................................................................ 6
2 De l’étude de la commande vers l’étude du dispositif ......................... 7 2.1 Eléments de compréhension de la commande.................................................. 7
2.1.1 Une commande émanant de la DIV ................................................................... 7 2.1.2 Les enjeux .......................................................................................................... 8
2.2 Elément de compréhension du dispositif test .................................................. 10 2.2.1 Le dispositif E2C.............................................................................................. 10 2.2.2 Le dispositif de pré-orientation proposé par les E2C....................................... 12
3 La question de recherche ...................................................................... 15
4 Une évaluation régulation...................................................................... 16 4.1 Essai de définition ........................................................................................... 16 4.2 L’évaluation régulation : un processus ............................................................ 19
5 Le cadre théorique.................................................................................. 21 5.1 La TSC de Bandura......................................................................................... 21
5.1.1 Le sentiment d’auto-efficacité.......................................................................... 22 5.1.2 La TSCOP ........................................................................................................ 25
6 Méthodologie .......................................................................................... 29 6.1 Apports terminologiques et théoriques ............................................................ 29
6.1.1 La notion de référent en linguistique................................................................ 29 6.1.2 Les apports de la linguistique pour le champ de l’évaluation .......................... 31 6.1.3 La fonction référentielle du langage................................................................. 32 6.1.4 La référentialisation.......................................................................................... 34 6.1.5 Référentialisation et référentiels....................................................................... 34
6.2 La méthode ICP .............................................................................................. 35 6.3 La référentialisation dans ce chantier de mémoire .......................................... 36 6.4 Le référentiel en cours de construction : un moment de la référentialisation ... 37 6.5 La référentialisation ou la mise à nue d’une posture d’évaluateur ................... 38
6.6 Conclusion sur la démarche de référentialisation dans ce mémoire................ 39
6.6.1 Un référentiel construit pour des acteurs donnés dans un contexte particulier 39 6.6.2 Le choix d’un outil sociologique : l’entretien semi-directif............................. 40
6.6.2.1 Les entretiens semi-directifs des équipes pédagogiques .............................. 41 6.6.2.2 Les entretiens semi-directifs des jeunes ....................................................... 43
7 Analyses des entretiens semi-directifs des jeunes............................ 43 7.1 Rappel des hypothèses à vérifier .................................................................... 43
7.1.1 Une analyse thématique ................................................................................... 44 7.1.2 Cartographie des thèmes .................................................................................. 45 7.1.3 Analyses qualitatives........................................................................................ 46
7.1.3.1 Motivation des jeunes à intégrer le dispositif et possibilités d’accompagnement par les E2C .................................................................................. 46 7.1.3.2 Une logique d’attente de travail................................................................... 48 7.1.3.3 L’engagement : une réponse au milieu dans lequel évolue le jeune............ 50 7.1.3.4 Une logique de découverte de soi et de ses intérêts ..................................... 53 7.1.3.5 Le profil « utilitariste » ................................................................................ 61
8 Résultats.................................................................................................. 63 8.1 Vers le référentiel stabilisé .............................................................................. 63
8.1.1 Un dispositif destiné exclusivement aux jeunes décrocheurs .......................... 63 8.1.2 Un raccrochage des jeunes décrocheurs...........................................................64 8.1.3 Un nécessaire partenariat ................................................................................. 65 8.1.4 La pédagogie du contrat ................................................................................... 66 8.1.5 La pédagogie de la réussite .............................................................................. 67 8.1.6 Moyens mis en œuvre pour faire de ce dispositif de pré-orientation ............... 68
8.2 Le référentiel stabilisé ..................................................................................... 69
Conclusion…………………………………………………………………………………73
Bibliographie……………………………………………………………...………………..76
ANNEXES…………………………………………………………………………………………………… 79
Introduction
1
Cette introduction retrace tout d’abord le contexte de la commande puis conduit de
l’énoncé de la problématique de recherche jusqu’au cadre théorique choisi pour s’achever sur
une présentation synthétique du plan de ce mémoire.
Dispositif pédagogique innovant issu d’un concept européen, l’objectif de l'École de la 2e
Chance (E2C) est de permettre à des jeunes menacés d’exclusion de reprendre pied grâce à un
projet professionnel. Sont particulièrement visés les jeunes de 18 à 26 ans, sans aucune
formation. Il s’agit, au sortir de l’E2C, de les insérer dans un emploi durable, soit directement,
soit en reprenant une formation.
Fondé en 2004 avec les quatre premières Ecoles, le Réseau France des E2C compte
aujourd’hui 16 membres.
Après le Comité Interministériel à la Ville qui s'est tenu le 9 mars 2006, la Délégation
Interministérielle à la Ville a décidé de subventionner des projets pédagogiques proposés par
les Ecoles. A ce titre, le 21 novembre 2006, une convention a été signée entre le Réseau E2C
France et la Délégation Interministérielle à la Ville (DIV) pour la production d'une étude sur
l'essaimage du dispositif pédagogique des Ecoles de la 2e Chance. Dans le cadre de l’exercice
2007 de la Convention de partenariat la Délégation Interministérielle à la Ville (DIV)
demande notamment au Réseau :
« l’organisation par au moins deux Ecoles du Réseau d’une expérimentation sur les publics de 16 à 18 ans d’une formation adaptée à leurs besoins pour la préparation à leur entrée éventuelle dans un dispositif d’Ecole de la 2e Chance ».
Autrement dit, il s’agit pour les Ecoles qui participent à cette expérimentation de mettre en
place (sous la coordination du Réseau) un dispositif test, afin de voir si les E2C peuvent être
une solution dans le « décrochage scolaire » des 16/18 ans.
C’est dans ce cadre que se situe « mon chantier » pour ce mémoire professionnel. Chargée
de Mission au sein du Réseau E2C France, ma démarche est la suivante : il s’agit
d’accompagner la mise en place d’un dispositif par la construction d’outils d’évaluation afin
d’être en mesure, d’une part, de co-évaluer les effets de son application et, d’autre part, de co-
pointer du doigt d’éventuelles modifications à apporter « en temps réel » mais aussi « après
coup » en vue d’une possible pérennisation du dispositif, étant entendu que le protocole
d’évaluation n’est qu’un des moyens permettant une prise dé décision en ce sens.
Introduction
2
En suivant de près l’écriture du dispositif, il est apparu d’emblée clair que l’objectif
principal visé était la création d’un dispositif test conçu non comme un dispositif nouveau
mais comme une adaptation des pratiques des E2C en vue de « raccrocher » les jeunes
décrocheurs. Est ainsi apparue la question de recherche suivante :
En quoi un dispositif de pré-orientation conçu comme une adaptation des pratiques
pédagogiques des E2C peut-il permettre à des jeunes décrocheurs de développer leur
autocontrôle des processus à l’œuvre dans leur orientation ?
L’analyse de la commande et du dispositif proposé à la DIV par les Ecoles qui vise avant
tout un travail sur l’« estime de soi » en vue de créer un « déclic » dirige le choix du cadre
théorique choisi : nous nous appuierons sur la théorie sociale cognitive de l’orientation
scolaire et professionnelle (TSCOSP). La TSCOSP nous permettra de faire le lien entre
réponses théoriques et pratiques dans la mesure où elle se présente comme le résultat de
l’application de la théorie sociale cognitive de Bandura (2003).
L’analyse de ma mission m’a amenée à choisir une méthodologie - la
« référentialisation » Figari (2006)- adaptée au type de travail qui m’a été demandé, afin de
procéder de manière instrumentée et méthodique à l’évaluation de ce dispositif test.
L’évaluation prend la forme d’une évaluation régulation et il s’agira de cerner, dans ce
mémoire, les spécificités d’une telle démarche au regard d’autres types de démarches
d’évaluation
La première partie de ce mémoire fait trace d’un cheminement. Elle retrace l’étape initiale
du travail qui a été le mien durant mon « chantier » et l’écriture de ce mémoire. Le premier
moment de cette partie s’articule autour de la présentation et de l’analyse de la commande à
partir d’un éclairage contextuel. Ces éléments de contexte sont indispensables à une
appréhension pas à pas de l’objet étudié. Nous partirons ainsi, dans un premier temps, d’un
essai de problématisation de la notion de « décrochage scolaire » pour nous intéresser, dans
un second temps, aux spécificités du décrochage scolaire des jeunes de 16 à 18 ans. Le second
point conduit de la présentation de la commande et du dispositif proposé par les Ecoles dans
le cadre de cette commande jusqu’à leurs analyses. Le dernier point est construit autour du
cadre conceptuel mis en œuvre dans ce mémoire.
La seconde partie de ce mémoire s’articule, tout d’abord, autour de la méthodologie
adoptée avant de présenter les résultats de l’analyse thématique des entretiens effectués par les
jeunes pour finir sur une présentation du référentiel d’évaluation stabilisé.
3
Comme cela a été précisé en introduction, mon premier objectif dans ce travail est une
présentation et une analyse de la commande à partir d’un éclairage contextuel. Ces éléments
de contexte sont indispensables à une appréhension pas à pas de l’objet étudié. Nous partirons
ainsi, dans un premier temps, d’un essai de problématisation de la notion de « décrochage
scolaire » pour nous intéresser, dans un second temps, aux spécificités du décrochage scolaire
des jeunes de 16 à 18 ans.
1 Le contexte de la commande
La commande concerne une action sur les jeunes « décrocheurs », âgés de 16 à 18 ans. Or,
cette notion recouvre différentes acceptations et réalités. Il convient donc d’y revenir.
1.1 Le décrochage scolaire / la déscolarisation : repérage terminologique
« Le phénomène du décrochage scolaire est l’échec le plus grave et le plus visible de l’institution scolaire. Il témoigne de l’incapacité du système à développer un accompagnement adéquat auprès de certains élèves. Le décrochage scolaire est une déviance individuelle qui résulte de la difficulté de scolariser toute une classe d’âge de façon prolongée » (Vitali cité par Epstein, 2007, p.2)
Glasman (2003) affirme que les sorties sans diplôme ou l’arrêt des études avant même la
fin de la scolarité obligatoire ne sont pas des phénomènes nouveaux. Toutefois, ce n’est qu’à
partir de la seconde moitié des années 90 qu’apparaît une préoccupation institutionnelle
concernant les élèves, qui sont dits, depuis 1999, « déscolarisés ». En effet, comme le
souligne Epstein (2007, p.1) en s’appuyant sur les travaux de Dray et Oeuvrard (2000) : « La
déscolarisation interroge le fonctionnement des institutions éducatives. »
Dès lors, en 1999, le ministère de l’Education nationale, le ministère de la Justice, le
Fonds d’action sociale pour l’intégration et la lutte contre les discriminations et la Délégation
interministérielle à la ville ont lancé des appels d’offres de recherches. Dray et Ouevrard
(op.cit.) indiquent que les questions qui étaient posées étaient notamment relatives
au « processus d’orientation ou [… au] verdict d’échec (que le jeune voudrait éviter en
anticipant par son propre "décrochage")", aux « effets des décisions de l’institution » dont le
passage en classe supérieur au « bénéfice de l’âge », au « statut du jeune dans l’institution
scolaire » (un « enfant » à l’intérieur de l’Ecole et un « adulte » à l’extérieur dans la mesure
4
où il peut avoir éventuellement à se soucier de son placement social), le « fonctionnement (et
surtout le dysfonctionnement) d’un établissement, d’une structure scolaire ou éducative,
d’une classe » notamment concernant la prise en charge de l’absentéisme ou de l’échec
scolaire.
Pour Glasman (2000), le but visé dans ces appels d’offres était donc, d’une part, de saisir
l’ampleur mais aussi les variations du phénomène de « déscolarisation » et, d’autre part, de
saisir les processus de « déscolarisation ». L’auteur souligne également que la définition de la
« déscolarisation » est malaisée à établir parce qu’au regard des appels d’offres lancés, elle
concerne des professionnels appartenant à diverses institutions (école, justice, santé) qui
développent des grilles interprétatives du phénomène selon les normes de leur institution et de
leur identité professionnelle.
En outre, le seul indicateur scolaire (quantitatif) qui permette de saisir l’ampleur du
phénomène est l’absentéisme. Or, ce chiffre est tributaire non seulement des pratiques des
élèves mais aussi des institutions. Au-delà, de quatre demi-journées d’absences dans le mois,
l’élève est en principe signalé à l’Inspection Académique. Toutefois, cet indicateur est
construit autour d’un processus qui relève et de la sociologie administrative (les pratiques) et
de la sociologie des relations professionnelles ou des relations parents-écoles (négociations,
pressions).
Ainsi, Glasman (op.cit., p.11) déplore que de nombreuses recherches ne fassent plus la
distinction entre « déscolarisation » et « absentéisme » :
« On peut noter que tous les élèves absentéistes ne sont pas pour autant déscolarisés ; à l’inverse, des élèves non absentéistes, ou dont les absences ont été justifiées, sont de fait, ou considérés dans les discours de certains acteurs comme « déscolarisés » : que dire des élèves des classes-relais ou de ceux qui sont orientés vers les instituts médico-éducatifs ou les maisons d’enfants à caractère social ?comment considérer les élèves inscrits au CNED et respectant donc l’obligation d’instruction, sans oublier les élèves que l’école a exclus temporairement, ou encore les élèves dont les absences, certes justifiées, ne le sont qu’à la faveur d’un rapport de force avec leurs parents ? »
Même si aujourd’hui, il est donc difficile de comptabiliser les « décrocheurs », le mérite
de ces études est d’avoir rendu lisible les processus de déscolarisation, sur lesquels nous
reviendrons dans notre mémoire.
1.2 Le « décrochage scolaire » des 16 18
5
Pour compléter cette problématisation de la notion de décrochage scolaire et en vue de
nous recentrer sur les problèmes qui seront au cœur de ce mémoire, je souhaite signaler
quelques points problématiques. Ainsi, comme le souligne à juste titre Epstein (2007), les
études sur le décrochage scolaire sont particulièrement importantes au collège alors que
l’école est obligatoire.
Au contraire, les études sur les plus de 16 ans sont moins nombreuses et concernent
quelques travaux dont ceux de l’association La Bouture ainsi que des missions locales et de
l’insertion. En outre, en s’appuyant sur les travaux de Glasman (2000), la chercheuse indique
que les études habituelles sur le décrochage sont centrées sur les jeunes une fois qu’ils ont été
repérés comme « décrocheurs » souvent lors d’une tentative de raccrochage ou lors d’une
inscription dans une mission locale pour une recherche d’emploi. Les études permettent, dès
lors, de reconstruire après coup le processus de décrochage.
Ce qui est nouveau et c’est ce que la chercheuse se propose de faire c’est de s’intéresser
« au présent » à des jeunes en train de décrocher alors que l’école n’est plus obligatoire. Cette
étude au présent (30 jeunes suivis dont 24 hors établissement « alternatifs » (classe relais
notamment1) permet de compléter les analyses rétrospectives et met l’accent sur des
processus de décrochages jusqu’ici invisibles.
1.3 La MGI et le décrochage scolaire
Rappelons-le, l’objectif formulé dans le projet concernant le repérage des jeunes
« décrocheurs » est qu’il se fera principalement2 via la Mission Générale d’Insertion de
l’Education Nationale.
Cette sous-partie se donne pour objectif de définir rapidement qu’elle est la mission de la
Mission Générale d’Insertion mais aussi de progresser sur notre essai de problématisation de
la notion de décrochage. A ce titre, les travaux, sur les publics accueillis par la MGI, de
Bernard et Michaut (2006), sur lesquels nous nous appuyons ici sont particulièrement
éclairants.
Depuis la création, en 1984, du Dispositif d’Insertion des Jeunes de l’Education Nationale
(DIJEN), le ministère inscrit explicitement dans son action une mission d’insertion : celle-ci
est définie au niveau académique, au sein d’un service rectoral : la MGI. L’action de la MGI
1 C’est cette population de jeunes (dans les établissements dits alternatifs) qui nous intéresse dans notre chantier cf. la demande explicitée de la DIV en 3. 2 D’autres dispositifs seront aussi concernés : voir annexe 5 (réunion du 31 janvier avec les Ecoles qui participent au test en vue d’avancer sur les propositions adressées à la DIV)
6
se situe au niveau de mesures prises en faveur des 16 ans et plus, susceptibles de connaître des
difficultés d’insertion.
Une autre manière d’appréhender le public MGI est le « décrochage scolaire ». Ainsi, les
bénéficiaires concernés sont soit « sans solution » à l’issue d’un pallier d’orientation ou d’un
échec à un examen final du second cycle soit en situation de risque de sortie prématurée du
système éducatif. En outre, la MGI désigne très précisément l'obligation dévolue à tout
établissement d'assurer le suivi vers l'accès à la qualification de chaque jeune qui sort sans
solution du système éducatif, pendant l'année suivant sa sortie. Les publics ici accueillis nous
permettent d’avancer sur la notion de décrochage. Sont désignés par le terme de
décrocheurs (voir Bernard et Michaut, 2006):
- les décrocheurs « en train » de décrocher, qui risquent de quitter le système scolaire
sans qualification et qui sont repérables via leur absentéisme, leur abandon en cours
d’année ou en cours de cycle 3
- les élèves « sans solution » à qui l’on propose prioritairement des actions de
« qualification » : fin de troisième sans orientation, par exemple. C’est donc bien, à ce
niveau, lorsqu’il n’y pas de solution Education Nationale de ce type, que le dispositif
E2C peut intervenir.
1.4 Conclusion
Par conséquent, les travaux de Bernard et Michaut (2006.) tout comme ceux de Epstein
(2007), par exemple, interrogent sur la notion de décrochage :
« Cette hétérogénéité interroge aussi sur la catégorie des "décrocheurs". La catégorie est fortement connotée en termes de rapport à l’école sous un angle psychologique ou socioculturel. Le décrochage est alors décrit et analysé comme éloignement aux normes scolaires, ce qui autorise à le voir comme un processus et à éventuellement parler de décrochage sans que l’élève ait quitté physiquement l’école (décrochage de l’intérieur). Toutefois, l’étude du public MGI suggère que les élèves qui interrompent leur scolarité ne sont pas systématiquement éloignés de la norme scolaire » (Bernard et Michaut, 2006, p. 34)
3 si, à première vue, insérer les abandons dans les « décrochages en train de se faire » semblent un abus de langage ; il me semble que cette idée n’est pas en contradiction avec les faits ; en effet, il est souvent difficile, comme on l’a vu, de trancher entre « absentéisme » et « abandon ». En outre, au travers de la MGI tout établissement se doit d'assurer le suivi vers l'accès à la qualification de chaque jeune qui sort sans solution du système éducatif, pendant l'année suivant sa sortie.
7
Ainsi donc, nous retiendrons, à l’instar de Bernard et Michaut (2006, p. 14) que derrière
les différentes acceptations de la notion de « décrochage » (notamment concernant la
distinction entre « décrochage de l’intérieur » (processus à saisir en termes d’éloignement
scolaire) et « décrochage pour les sans solutions », il demeure un fait commun :
"Une scolarité inachevée. […] Autrement dit, la notion de décrochage est avant tout institutionnelle. Cela ne signifie pas qu’elle soit arbitraire : cela signifie que la notion ne prend sens que dans un régime d’éducation et de formation, lui-même défini par l’accès de tous à la certification"
Adopter ce point de vue c’est adopter le point de vue des travaux nord américains comme
ceux de Janosz et alii (cités par Bernard et Michaut, op.cit., p.34) : "dropout are people who
by the age of 22 have not completed the minimal requirement for the high scholl diploma".
Or, (voir notamment Janosz, 2000) bien que les décrocheurs durant la première moitié du
XXe siècle étaient majoritaires, l’absence de diplôme n’était pas considéré comme un
problème social ou individuel :
"La vision du décrochage scolaire comme un problème social ou individuel est fortement influencée par les contextes sociaux, économiques, industriels et politiques qui prévalent à une époque donnée. L’engorgement progressif du marché de l’emploi pour les jeunes, la disparition de milieux de vie légitime en dehors de l’école, l’évolution exponentielle de la place de la technologie dans le vie quotidienne, la domination grandissante d’une économie fondée sur la maîtrise du savoir et de l’information, le désengagement de l’État en matière de soutien social et sanitaire, autant de changements historiques qui incitent à concevoir le décrochage scolaire comme une menace sérieuse à la qualité de vie des individus et au potentiel d’adaptation de la société" (Janosz, 2000, p.104)
2 De l’étude de la commande vers l’étude du dispositif
2.1 Eléments de compréhension de la commande
2.1.1 Une commande émanant de la DIV
Comme nous l’avons souligné en introduction, après le Comité Interministériel à la Ville
qui s'est tenu le 9 mars 2006, la Délégation Interministérielle à la Ville a décidé de
subventionner des projets pédagogiques proposés par les Ecoles. A ce titre, le 21 novembre
2006, une convention a été signée entre le Réseau E2C France et la Délégation
Interministérielle à la Ville (DIV) pour la production d'une étude sur l'essaimage du dispositif
8
pédagogique des Ecoles de la 2e Chance. Dans le cadre de l’exercice 2007, la Convention de
partenariat fait (notamment) état de l’objectif suivant :
"l’organisation par au moins deux Ecoles du Réseau d’une expérimentation sur les publics de 16 à 18 ans d’une formation adaptée à leurs besoins pour la préparation à leur entrée éventuelle dans un dispositif d’Ecole de la 2e Chance".
2.1.2 Les enjeux
Le projet n’a pu être fixé avant d’interpréter et reformuler la commande de l’institution.
Pour la DIV, dans la mesure où il y a aujourd’hui des jeunes décrocheurs de 16 à 18 ans
« sans solution » et que les E2C possèdent des savoir-faire, il est intéressant de mener une
expérimentation afin de voir si les E2C peuvent adapter leurs savoirs-faires à ces jeunes.
Force est de constater que la commande de la DIV, intervient dans un contexte politique
particulier puisque dans son discours «Une nouvelle politique pour les banlieues », du
Vendredi 8 février 2008, le Président de la République affirme :
« Je veux être le Président d’une France qui donne les moyens à celui qui veut entreprendre, qui accompagne celui qui veut s’en sortir, mais qui sache aussi redonner sa chance à celui qui a subi un échec. Le premier échec c’est le décrochage scolaire, c’est la sortie de l’école, chaque année, de 150 000 jeunes sans aucune qualification. Je ne veux plus qu’on laisse les « intermittents des collèges », ces jeunes si souvent absents, disparaître à 16 ans. Lorsqu’on les retrouve quelques années plus tard, c’est parmi les chômeurs ou les délinquants. Aujourd'hui personne ne se sent responsable de ces jeunes. Je demande à l’Education Nationale, dont c’est la mission, d’identifier ces jeunes qui ne sont inscrits dans aucun établissement l’année suivante. Je veux que tous les moyens soient mobilisés pour qu’à partir de 16 ans tout jeune sorti du système scolaire sans aucune qualification puisse être accueilli dans une école de la 2e chance. Là où elles existent, ces écoles sont un succès. Je veux qu’elles soient généralisées sur tout le territoire. Je veux que l’école de la 2e chance devienne pour notre République en ce début de XXIe siècle une priorité comme l’école primaire le fut jadis pour la IIIe République. Je ne veux pas qu’on le fasse à moitié, juste pour quelques-uns, juste pour se donner bonne conscience. Je veux que la deuxième chance devienne un droit pour tous ».
Il semblerait donc qu’à l’issue de cette période d’expérimentation (2 tests) les E2C
devront se prononcer sur leur capacité ou non à accueillir des jeunes décrocheurs : il est
important de souligner que le protocole d’évaluation de ce dispositif n’est qu’un moyen parmi
d’autres pour les Ecoles de la 2 Chance de se prononcer.
9
Il ne faut pas non plus occulter la dimension de test de ce dispositif. Ce test n’est pas une
expérimentation à proprement parlé dans la mesure où :
- il ne propose pas de groupe témoin (contrairement au test 2 du dispositif)
- il ne met pas en exergue une hypothèse mais des questionnements (cf. le tableau de
l’emboîtement des dimensions du problème à partir de l’objet visé par la commande et
les questions qui en découlent auxquelles l’évaluateur est amené à répondre en annexe
6)
Autrement dit, l’évaluation de ce dispositif vise l’évolution de ce dernier L’évaluation a donc
ici une valeur empirique pour reprendre une expression de Van der Maren (1995, p. 160) :
« L’évaluation empirique constitue le plus souvent un projet émanant de praticiens ou d’administrateurs qui cherchent à savoir s’ils ne se sont pas trompés dans la construction ou la mise en place d’un matériel […]. »
10
2.2 Elément de compréhension du dispositif test
Afin de répondre à la commande de la DIV, le Réseau E2C France a proposé, dans le
cadre de l’expérimentation sur les jeunes décrocheurs de 16 à 18 ans, deux dispositifs
distincts. L’objet de mon mémoire se concentrera sur le premier test (annexe 5).
Avant de décrire de manière précise le « dispositif 16 / 18 », il faut, dans un premier
temps, évoquer sa place dans le dispositif des Ecoles de la 2e Chance.
2.2.1 Le dispositif E2C
Dispositif pédagogique innovant, issu d'un concept européen, l'École de la 2e Chance a
pour objectif l'intégration professionnelle et sociale durable d'un public sorti du système
éducatif sans qualification et sans emploi. Le concept d'École de la 2e Chance s'inscrit dans la
continuité des principes contenus dans le Livre Blanc de la Commission européenne
Enseigner et Apprendre- vers la société Cognitive, présenté en 1995 par Edith CRESSON, qui
préside désormais la Fondation des E2C.
En France, l’exemple de Marseille, premier test pilote européen du concept en 1997, a été
porteur d’un essaimage positif. Après mutualisation de leurs expériences, les Écoles de la 2e
Chance existantes en France ont publié une "Charte des Principes" et créé l'association
"Réseau E2C France" en 2004. Le Réseau E2C France compte à ce jour 16 membres qui
gèrent 41 sites Ecoles sur 12 Régions et 25 départements.
Le dispositif des Ecoles de la 2e Chance vient de bénéficier d'une reconnaissance : l'article
12 de la loi 2007-297 du 5 mars 20074 relative à la Prévention de la Délinquance, concernant
les Ecoles de la 2e Chance, témoigne de la volonté du législateur de soutenir et
d'institutionnaliser le dispositif. Le décret d'application de cet article nouveau du Code de
l'Education est paru le 13 décembre 2007 (2007-1756)5.
Le tableau ci-après synthétise le mode de fonctionnement des E2C.
4 Voir annexe 1 5 Voir annexe 2
11
OBJECTIFS Les Ecoles de la Deuxième Chance ont pour objectif l’intégration
professionnelle et sociale durable de jeunes sortis du système éducatif
sans qualification et sans emploi.
PUBLICS Sont visés les jeunes de 18 à 26 ans, sans aucune formation. Il s’agit, ausortir de l’E2C, de les insérer dans un emploi durable, soit directement, soit enreprenant une formation. (Public qui a dépassé l’âge de la scolarité obligatoire etqui ne relève plus de l’Education Nationale (sorti depuis plus d’un an du systèmescolaire).
MODE DE RECRUTEMENT L’essentiel des recrutements provient des Missions Locales/PAIO (85%
des inscriptions) et lorsqu’ils sont orientés par d’autres structures, la démarchedonne lieu à une information voire une inscription à la Mission Locale.
MODALITES DE
FONCTIONNEMENT
Les Ecoles ont des outils communs (référentiels, logique de portefeuille
de compétences, certificat de Compétences) mais des pratiques
adaptées au Territoire. L’innovation et l’adaptation sont au cœur du
dispositif (refus de l’uniformité, standardisation)
Individualisation du parcours - hors des schémas scolaires classiques
- Pédagogie du contrat (engagement et responsabilité du stagiaire dans saformation)- Pédagogie active : ouverture aux activités de la cité et aux projets desstagiaires- Pédagogie de la réussite : encouragement et valorisation des acquisitions etdes progrès. La logique du portefeuille de compétences et la construction du projetprofessionnel sont au cœur d’une approche pédagogique individualisée.
Un dispositif spécifique et individualisé avec des moyens dédiés
Se construire une référence d’appartenanceLes E2C ne délivrent pas de diplômes mais visent l’accréditation de compétences.
L’action pédagogique est souple, centrée sur chaque stagiaire et combine :- l’acquisition (ou la mise à niveau) du socle de compétences de base- l’acquisition de compétences sociales qui permettent l’insertion dans de bonnesconditions dans la vie professionnelle mais aussi citoyenne- une formation « pratique » : organisée par et dans l’entreprise, sous forme destage de détermination, de développement ou de validation d’un projetprofessionnel individuel- l’acquisition de l’aptitude « d’apprendre à apprendre » qui permet aux jeunesadultes d’accéder à la formation tout au long de la vie
Un parcours pédagogique complet et unifié
Capitaliser les acquis sans rupture. Parcours long à durée variable (800 à 1400h)
L’alternance�: clé de voûte du dispositif
Acquisition et évaluation de compétences socioprofessionnelles. Avec une articulation locale indispensable : Toutes les Écoles de la 2e Chance, membre du Réseau E2C France, ont un
partenariat avec les acteurs sociaux (missions locales, PAIO, PJJ, ANPE
et travailleurs sociaux) pour le suivi du parcours des jeunes) ainsi quedes partenariats avec les organismes de formation professionnelle (immersion dedécouverte de métiers, sortie des jeunes vers la qualification).
STATUT DES JEUNES Stagiaires de la formation professionnelle
12
2.2.2 Le dispositif de pré-orientation proposé par les E2C
Des discussions avec la DIV, il ressort en novembre 2007, que : L'idée générale est celle d'un stage de 8 à 12 semaines par petits groupes de 12. A la sortie
de ce stage, il n'est pas prévu d'intégration à l'emploi mais d'orientation :
- soit vers un parcours classique et complet E2C,
- soit vers une formation qualifiante et/ou un contrat d'apprentissage ou de
professionnalisation.
Concernant le public ciblé, les échanges avec la DIV ont montré qu’il est important que ce
stage soit réalisé en accord avec les Académies (Mission d'Insertion). L’idée est de recruter
ces jeunes soit lors de ruptures des systèmes de l'Education Nationale réservés aux publics en
difficulté (type ambition réussite, classe relais, lycée de toutes les chances6) soit lorsqu’il n’y
a pas de solution « Education Nationale » pour des jeunes en grande difficulté.
Le dispositif test construit par les Ecoles est une « adaptation du savoir faire des Ecoles ».
En effet, les Ecoles de la 2e chance ne proposent pas une « nouvelle démarche pédagogique
spécifique au public des jeunes décrocheurs », mais une adaptation de leur savoir faire sur :
- des pratiques hors des schémas scolaires classiques fondées sur l'individualisation du
parcours et l'apprentissage de l'autonomie,
- la pédagogie de l'alternance, clé de voûte du dispositif,
- la recherche d'un véritable engagement du jeune, la pédagogie du "contrat"
Dès les réunions préparatoires, j’ai pu communiquer avec les équipes pédagogiques à
partir d’observations en vue d’une intercompréhension sur le sens de qui est fait au sein des
E2C et plus spécifiquement ensuite sur le sens de la mise en œuvre du dispositif test. Dès le
départ, les directeurs des 3 Ecoles qui participent à ce test ont insisté sur le fait que Ecoles de
la 2e Chance n’ont pas pour habitude d’accueillir des jeunes « en train de décrocher » » ou
« en situation récente de décrochage » (déscolarisation). De manière générale, elles
accueillent des jeunes ayant connu une rupture scolaire de plus d’un an comme le précise
l’ Etude pour l’Essaimage du dispositif, apport méthodologique sur les principes de
fonctionnement des E2C et référence à destination des acteurs institutionnels souhaitant
mettre en œuvre le concept :
6 Pour une présentation de ces dispositifs voir annexe 3.
13
"Le traitement du public cible de l’École de la 2e Chance n’est pas en "concurrence" avec l’Education Nationale, car le public cible est composé de jeunes exclus en rupture scolaire, ayant quitté le système éducatif depuis plus d’un an7 et qui n’ont ni qualification, ni compétence requise pour l’accès à l’emploi et/ou aux programmes de formation professionnelle existants".
J’ai pu interroger les directeurs des Ecoles qui participent à ce test sur leurs
représentations face à cette année (au minimum de rupture). Un directeur affirme que « les
situations sociales pénibles suite à une déscolarisation pendant plus d’un an » sont source
d’une « maturité de la misère » qui amènent les jeunes lorsqu’ils viennent s’inscrire dans une
E2C à « être plus volontaires » et que les expériences avec des jeunes qui n’ont pas connu
« ce décrochage, cette galère » étaient « difficiles » pour cause de « comportement inadapté »
(langage, vêtements provocateurs tant à l’Ecole qu’en Entreprise). Toutefois, tous les
directeurs présents sont d’accord pour dire que « certains de ces jeunes "décrocheurs», on
risque de ne pas les retrouver à 18 ans »Autrement dit, "cet espace de rupture n’est en soi pas
souhaitable". "Pour ces jeunes", il faut donc mettre en place un dispositif qui permette de
créer un "déclic", qui permette de leur "donner les moyens d’acquérir leur indépendance"
sans leur cacher que "ce processus sera long". Contrairement au public "classique" des E2C,
"ce public n’est pas forcément dans une dynamique de choix professionnel", preuve en est,
pour l’un des directeurs, "les 30٪ de rupture que l’on observe en première année de CAP".
Ces ruptures sont essentiellement dues à un "apprentissage dans un métier non choisi
(méconnu du jeune lors de l’inscription) ; qui recrute et qu’il faut donc choisir
préférentiellement comme par exemple la restauration) : c’est ici la pression sociale (des
parents notamment) qui joue ". L’objectif de ce dispositif devrait donc être un
"accompagnement vers l’autonomie" afin de rendre le jeune « acteur de sa formation » « Pour
ces jeunes », il faut donc mettre en place un « dispositif de pré-orientation » qui permette de
créer un "déclic" en travaillant sur « l’estime de soi » et qui permette de leur « donner les
moyens d’acquérir leur indépendance » sans leur cacher que « ce processus sera long ».
Le tableau ci-après synthétise les objectifs du dispositif test, tels qu’ils ont été formulés en
amont de sa mise en œuvre.
7 Rappelons que la MGI désigne très précisément l'obligation dévolue à tout établissement d'assurer le suivi vers l'accès à la qualification de chaque jeune qui sort sans solution du système éducatif, pendant l'année suivant sa sortie.
14
OBJECTIFS Un dispositif de pré-orientation construit comme un préalable à l'entrée
sur un parcours plus long, pouvant déboucher :
- sur un parcours E2C,
- un retour vers l'EN,
- une formation qualifiante,
- un contrat en alternance.
MODE DE RECRUTEMENT Groupe spécifique de 10 à 12 jeunes (pour chacune des 3 Ecoles qui font le test)issus de situations différentes (importance de la mixité), adressés par lesstructures de l'Education Nationale et/ou les Missions Locales pour un stagede 8 à 12 semaines (fin avril – fin juillet 2008).
MODALITES DE
FONCTIONNEMENT
Le parcours est fortement axé sur la découverte des métiers, dans unenvironnement perçu par le jeune comme une structure "différente". La prise deconscience (recherche du déclic) des bases nécessaires (compétencessociales et professionnelles, savoirs de base) se fait au contact de jeunes
travailleurs ou futurs travailleurs (en entreprise et/ou en formation) après un"engagement" du jeune à entamer la démarche de découverte de ladimension professionnelle (pédagogie du contrat)Trois axes seront travaillés par les Ecoles avec des moyens pédagogiques et
une temporalité (alternance Ecole / stages en entreprise) différents :
Développement des compétences sociales : il s’agit de prendre en comptel’absence de codes sociaux chez ces jeunes (attitude, langage, tenuevestimentaire inadaptés à l’environnement). C’est dans ce cadre que serontéventuellement, pour certaines Ecoles, développés les ˝stages de rupture˝ maisaussi et surtout les stages en milieu professionnel
Découverte des métiers / pré-orientation professionnelle : il estsouhaitable de s’axer, y compris dans ces stages de découvertes de métiers, surles compétences sociales (prise de conscience de l’utilité d’être formé,accompagnement vers l’autonomie, socialisation…).Par ailleurs, il est importantpour ces jeunes de rencontrer d’autres jeunes (en CFA, en entreprise), qui ontdonc le souci de se former professionnellement, afin qu’ils saisissentl’importance de la formation dans l’accès à l’autonomie.
L’accès aux savoirs de base : il est important de fonder cette re-médiation surl’individualisation et la prise de conscience par le jeune de l’importance dessavoirs de base dans la construction d’un parcours personnel et professionnel.
STATUT DES JEUNES Jeunes sous statut scolaire. sans indemnités de "stagiaire de la formationprofessionnelle". Cette décision est impérative :- Il ne peut être question que des jeunes envoyés par l'EN la quitteexclusivement pour des raisons "d'indemnités".- Il faut construire un partenariat solide avec l'EN et conserver toute lespossibilités de passerelles et de "retour" éventuel des jeunes dans des dispositifsde formation sous statut scolaire.- Il faut pouvoir signer des conventions de stages sous statut scolaire avec lesentreprises.
- Il est important pour les Régions de ne pas transférer des charges "d'indemnités " des publics reçus par les E2C à des publics de moins de 18 ans.
15
Pour ce test, la DIV a conventionné directement avec le Réseau et le Réseau a
conventionné ensuite avec chacune des 3 Ecoles (annexes à la Convention DIV / Réseau).
Dans ce cadre, le Réseau a eu une mission de coordination du dispositif et a sollicité un chef
de projet, directeur de l’une des 3 trois Ecoles. La mission qui m’a été confiée par le Réseau
des E2C est une mission d’observation, d’accompagnement et d’évaluation du dispositif. Il a
alors fallu choisir une démarche et une méthodologie adaptée à une démarche
d’accompagnement et d’évaluation d’un dispositif nouveau. C’est ainsi que la méthodologie
de « référentialisation » Figari (2006) et la démarche d’évaluation régulation, que je
présenterai ultérieurement, se sont imposées à moi dans la mesure où elles permettent de
répondre à ces besoins
3 La question de recherche
Le sens de la recherche placé au cœur de ce mémoire peut être déduit de tout ce qui a été
exposé jusqu’ici. Ce travail peut ainsi être scindé en deux sous-ensembles :
- l’élaboration d’un protocole d’évaluation visant à évaluer les effets de l’application du
dispositif mais aussi à l’améliorer, dans une perspective collaborative, en mettant en
exergue d’ éventuelles modifications à apporter « en temps réel » mais aussi « après
coup » en vue d’une possible pérennisation du dispositif. Pour répondre à cet objectif,
il m’a fallu choisir une démarche adaptée : l’évaluation-régulation qui sera présentée
dans la deuxième partie de ce mémoire
- une recherche sur l’impact des pratiques à l’œuvre au sein des E2C et sur les
adaptations que les Ecoles de la 2e Chance peuvent mettre en place afin de replacer les
jeunes décrocheurs sur un chemin propice à un parcours sans rupture, sachant que
d’emblée, le projet des Ecoles s’inscrit dans l’objectif de créer un déclic chez le jeune
en lui permettant de devenir acteur de son orientation et ceci en favorisant son estime
de soi. Est ainsi née la question de recherche suivante :
En quoi un dispositif de pré-orientation conçu comme une adaptation des pratiques
pédagogiques des E2C peut-il permettre à des jeunes décrocheurs de développer leur
autocontrôle des processus à l’œuvre dans leur orientation ?
16
Ainsi donc, les deux dimensions retenues s’articulent autour du dispositif de pré-
orientation des E2C conçu comme une possibilité de réponses que l’on peut apporter aux
jeunes décrocheurs afin qu’ils s’engagent volontairement dans un parcours de formation.
Pour creuser cette question, nous nous appuierons sur la théorie sociale cognitive de
l’orientation scolaire et professionnelle : la TSCOSP (Lent, Brown et Hachette 1994,
2000).)La TSCOSP nous permettra de faire le lien entre réponses théoriques et pratiques dans
la mesure où elle se présente comme le résultat de l’application de la théorie sociale cognitive
de Bandura (2006).
Il nous reste maintenant à présenter plus en avant la démarche d’évaluation adoptée dans
ce mémoire en lien avec ma mission avant de développer plus en avant le cadre théorique
choisi qui permettra de répondre à la question de recherche.
4 Une évaluation régulation
La démarche d’évaluation régulation est en adéquation avec ma mission dans la mesure où
elle permet d’accompagner la mise en place du dispositif et par son observation et par la
construction d’outils d’évaluation : cette démarche permet donc d’évaluer les effets de
l’application du dispositif mais aussi d’accompagner son amélioration. Il nous reste à entrer
plus en avant dans la présentation de la démarche et des principes qui la sous-tendent.
4.1 Essai de définition
Vial (2001a, 1) indique que le RE de cette régulation peut être comprise de façon
différente selon le modèle de l’évaluation. « Le concept à élaborer par l’évaluateur, c’est ce
RE, lieu d’un va-et-vient entre conformité et divergence ».
� Tantôt la régulation est pensée en termes d’adaptation et de régularisation : Il
s’agit d’ « aménager le programme et de conserver le référentiel de départ » (Vial, 2001b)
L’évaluation est pensée ici dans le modèle cybernétique. Cette « réduction cybernétique » a
des conséquences importantes : l’évaluation utilise les discours des démarches qualité et
raisonne en terme de « points forts » et « points faibles » pour rectifier, corriger, adapter,
ajuster les pratiques.
17
� Tantôt la régulation est pensée en termes de réorientation « la volonté de
réorienter à partir du programme, de se réorienter et de changer de références, c’est-à-dire
de remettre en questions le référentiel de départ, de la faire évoluer » (Vial, 2003, p. 174).
L’évaluation est pensée ici dans la « vision du systémisme » (Vial, 2001a, p.4) :
« C’est un modèle qui va permettre de faire du management participatif […] La régulation est ici le moment où on va choisir ensemble la suite du programme, où, en fait, vont se nouer des accords sur le programme pour exploiter l’erreur. La régulation remet alors en cause le référentiel de départ. La régulation est toujours vécue comme une boucle où on informe, où on exploite les causes, en revenant sur ce qui a été fait : l’erreur est toujours à gérer, l’évaluation est toujours pensée comme une gestion de la situation, voire de ses acteurs. Mais la régulation va permettre non pas de boucler et de reprendre le programme prévu, mais de s’écarter du programme prévu ».
Ces deux perspectives différentes se retrouvent également dans la distinction opérée par
Ardoino (2000, p.93-94) entre « contrôle » et « évaluation ».
Contrôle
« intéressant principalement le constat, en vue d’une comparaison recherchant la conformité, ou, à défaut, la mesure des écarts entre « ce qui est », les résultats, les phénomènes observés et « ce qui devrait être » (norme, gabarit, modèle), plus ordonné à la question de la cohérence et de la comptabilité, au sein d’un ensemble, toujours supposé homogène, même quand il se présente de façon attendue est celui d’une logique hypothético-déductive ».
Le contrôle s’axe donc non pas sur la compréhension des pratiques mais sur la
régularisation de ces dernières au regard d’un référentiel :
« L’objectif des procédures de contrôle est de comparer le degré de conformité, sinon d’identité, entre un modèle de référence, et des phénomènes échéants, ou occurrents, comme en témoigne clairement l’étymologie comptable du mot ; le « contre-rôle » était le double registre permettant de vérifier la comptabilité. Cette approche s’applique aussi bien au contrôle fiscal, douanier, policier, sanitaire que comptable. Le contrôle s’axe donc sur la cohérence et l’homogénéité. » (Ardoino et Berger, 1989)
Le contrôle érige donc comme principe l’existence d’éléments permanents, stables à partir
desquels l’on peut mesurer des « écarts ». Enfin, l’on retiendra, également qu’il présente une
autre caractéristique : « le contrôle avec la fonction de regard et d’inspection qui le
caractérise- peut être ponctuel et surtout lorsqu’on l’appelle continu (op.cit., 127). Il ne se
réfère donc pas au temps vécu et interprété subjectivement par les acteurs mais à un temps
18
homogène, qui est défini par les calendriers et les horloges. Par conséquent, le contrôle ne
permet pas une appréhension complexe de l’écart.
Evaluation
« Plus ou moins explicitement inscrit dans une (ou des) temporalité(s) privilégiant les interrogations relatives au sens, comportant, cette fois, des questionnements multiples parce que la réalité analysée est explicitement supposée constituée de données complexes, indécomposables (ce qui le cas contraire permettrait de les envisager comme réductibles en des éléments plus simples), hétérogènes entre elles » (Ardoino, 2000, pp. 93-94).
Dans cette perspective, et c’est à quoi nous nous intéresserons dans ce mémoire,
l’évaluation vise donc le questionnement, l’intelligibilité des pratiques dans leur complexité,
sans chercher à gommer les doutes et les paradoxes inhérents à ces dernières. C’est aussi le
cadre où peut s’exprimer la créativité des acteurs (nous concernant, il s’agit des équipes
pédagogiques des Ecoles qui participent au test).
Le paradigme de la complexité qui est au cœur des pratiques soumises à l’évaluation est à
comprendre dans un sens particulier. Nous adopterons les thèses de Papay (2007, pp. 57-58)
qui indique à ce propos :
« Quand on parle de complexité, c’est souvent le jeu des « dimensions » qui la compose et l’organise qui est évoqué. Nous restons alors dans un paradigme spatial qui n’intègre pas les temporalités pourtant porteuses de processus diachroniques. Le « modèle » est forcément synchrone, puisque fixé, à un moment donné, tandis que les situations sont toujours diachroniques, puisque toujours à comprendre en regard d’un « avant », d’un « après », et d’un mouvement incessant. Aussi la perspective multiréférentielle me semble prolonger et dépasser le concept de complexité ».
Ainsi pour appréhender le réel tel qu’il est et non tel qu’on le pré-modélise, l’auteur se
propose d’adopter le concept de multiréférentialité tel qu’il est défini Ardoino :
« L’analyse multiréférentielle des situations, des pratiques, des phénomènes et des faits éducatifs, propose explicitement une lecture plurielle de tels objets, sous différents angles et en fonction de système de références distincts, non supposés réductibles les uns aux autres. Beaucoup plus encore, qu’une position méthodologique c’est un part pris épistémologique » (Ardoino, cité par Papay, 2007, p. 58).
Les conséquences pour l’évaluation sont considérables. La compréhension des situations
ne peut, en effet, faire l’impasse de ces hétérogénéités. L’on ne peut accorder du crédit aux
résultats qu’à la condition d’avoir procéder à une définition convenable de ce qui est à
19
observer et à analyser. La méthodologie de la référentialisation (Figari, 2006) qui sera
présentée au point dans la deuxième partie permet de répondre à ces exigences.
4.2 L’évaluation régulation : un processus
Comme cela a déjà été précisé, la démarche d’évaluation-régulation est en adéquation
avec ma mission dans la mesure où elle permet d’accompagner la mise en place du dispositif
et par son observation et par la construction d’outils d’évaluation : cette démarche permet
donc d’évaluer les effets de l’application du dispositif mais aussi d’accompagner son
amélioration. Ceci correspond à la définition donnée par De Ketele et Rogiers (De Ketele,
1980, De Ketele et Rogiers 1993) :
« Evaluer consiste à recueillir un ensemble d’informations suffisamment pertinentes, valides et fiables et à examiner le degré d’adéquation entre cet ensemble d’informations et un ensemble de critères adéquats aux objectifs fixés au départ ou ajustés en cours de route et attribuer une signification aux faits et aux actes observés en vue de fonder une prise de décision »
L’évaluation est donc, au regard de cette approche, un processus (un ensemble de
comportements et de phénomènes en évolution). Le processus évaluatif requiert un certains
nombre d’opérations dont certaines précèdent nécessairement d’autres. Contrairement à
d’autres pratiques, La première étape de la démarche évaluative n’est pas le recueil
d’informations : il s’agit de se poser avant tout la question : « pour quoi évaluer », autrement
dit « quel type de décision serai-je amené à prendre au terme de cette évaluation » ? C’est
donc en fonction du type de décision à fonder que l’évaluateur est amené à se poser la
question des objectifs qu’il convient d’évaluer. Il convient de noter que ces « objectifs ne sont
pas toujours et nécessairement prédéterminés, ils peuvent être révélés en cours de route ou
résulter d’ajustements décidés en cours […] » (op.cit.). Les informations recueillies sur cette
base (pour quoi évaluer ?), dont la réponse conditionne les opérations suivantes dans la
mesure où cette question peut entraîner corolairement d’autres questions du type (pour qui
évaluer ?), supposent donc la mise en place de situations qui sont à même de permettre leur
recueil. Le recueil (instrumenté) d’informations classées puis interprétées (dans une
perspective à référence critériée) permet donc la prise de décisions, l’adaptation des actions.
Cette démarche peut être rapprochée de celle de l’ « ’évaluation formative ». On doit ce terme
à Scriven (1967) qui a voulu insister sur le fait que les « erreurs » commises pendant le
processus d’apprentissage n’étaient ni répréhensibles, ni des manifestations pathologiques,
20
mais faisaient partie d’un processus normal d’apprentissage. C’est ainsi qu’est née
l’opposition entre « évaluation formative » (évaluation menée pendant un processus
d’apprentissage pour l’améliorer et « évaluation sommative » (bilan des performances
acquises au terme d’un apprentissage). Cette démarche d’évaluation régulation, qui est au
centre de ce mémoire, est donc une démarche au présent : la collecte d’informations a lieu
tout au long de la mise en place du dispositif. Par conséquent, la démarche d’évaluation est
partie prenante de la démarche d’ingénierie de la formation dans la mesure où l’évaluation est
ici aussi une aide à la conception de dispositifs.
De Ketele et Roegiers (1993, chap. 2) ont développé et précisé les qualités attendues d'une
évaluation autour de trois concepts fondamentaux : la pertinence, la validité et la fiabilité.
MACRO (EVALUATION) Macro-pertinence
Macro-validité
Est-ce que je ne me trompe pas d’objectif ? Mes critères permettent-ils de vérifier ce que je déclare vouloir vérifier ?
MICRO (RECUEIL D’INFORMATIONS)
Micro-pertinence
Micro-validité
Micro-fiabilité
Macro-fiabilité
Est-ce que je ne me trompe pas d’informations à recueillir ? La stratégie mise en place me donne-t-elle toutes les garanties que l’information que je vais recueillir est bien celle que je déclare vouloir recueillir ? La façon de recueillir l’information est-elle semblable d’une personne à l’autre, d’un moment à l’autre ? L’utilisation que je fais des critères est-elle la même pour tout le monde ?
COMMUNICATION Pertinence
Validité
Fiabilité
Est-ce que je ne me trompe pas de résultats à communiquer ? Est-ce que les résultats que je communique sont bien ceux que je déclare vouloir communiquer ? Est-ce que le décideur peut se fier à ces résultats ?
Ainsi donc, en résumé :
- la pertinence signifie que I’ évaluation répond a sa fonction première : est-ce que ne
me trompe d’objectif (s), d’informations à recueillir, d’outils à construire ?
- la validité suppose que l’on évalue réellement ce que l'on déclare évaluer : les outils
construits permettront-ils d’évaluer ce que je déclare évaluer ?
- la fiabilité a trait à la confiance que l'on peut avoir dans les opérations effectuées : Le
recueil de l’information est-il semblable (avec tous et à des moments différents) ? peut-on
faire confiance aux opérations effectuées et aux résultats obtenus ?
21
Ces points serviront de fil conducteur dans la méthodologie adoptée lors de l’évaluation
régulation du dispositif de pré-orientation. Il me reste à préciser le cadre théorique en lien
avec ma question de recherche.
5 Le cadre théorique
Au cours de ce travail, nous nous inspirerons du cadre conceptuel de la théorie sociale
cognitive (TSC) de Bandura (2003). Ce cadre offre, en effet, des pistes intéressantes à
explorer et ce notamment parce que la TSC souligne l’importance du rôle des représentations
que les jeunes se font de leur environnement et notamment du monde du travail et des
professions. C’est en ce sens notamment que nous avons conduit des entretiens semi-directifs
auprès des jeunes accueillis dans le dispositif 16/18.
5.1 La TSC de Bandura
La TSC de Bandura est fondée sur une idée d’interactions :
« Tandis que le béhaviorisme se focalise sur la façon dont l’environnement affecte le
comportement humain, la théorie sociale cognitive (TSC) de Bandura examine les
interactions entre les évènements internes, l’environnement et le comportement et elle défend
l’idée d’un déterminisme réciproque entre ces trois grands ensembles de facteurs,
d’interactions continues entre les déterminants, comportementaux et environnementaux ».
(Blanchard, 2008, p.16). Tout comme pour le béhaviorisme (Watson, Pavlov..), l’influence de
l’environnement sur les comportements est essentielle : toutefois, alors que dans les thèses
behavioristes l’homme est le résultat des conditionnements qu’il subit, la conception du
fonctionnement de l’humain par la TSC de Bandura « ne fixe pas les individus avec des rôles
dénués de tout pouvoir et entièrement à la merci des forces de l’environnement » mais « elle
ne les conçoit pas non plus comme des agents libres qui peuvent déterminer entièrement leurs
propres devenirs. Les individus et leurs environnements sont des déterminants réciproques
l’un de l’autre » (Blanchard, op.cit).
Cette conception triadique et dynamique accorde donc une place importante aux
cognitions (représentations, pensées, interprétations personnelles, prises de consciences,
reconstructions personnelles…) et sur la manière dont ces dernières peuvent influer sur le
comportement et la perception de l’environnement Ce qui nous intéresse particulièrement ici
22
c’est avant tout que la TSC propose une approche systémique8 des phénomènes
comportementaux (le décrochage scolaire faisant partie de ces phénomènes) :
« La théorie sociocognitive rejette donc le dualisme de la personne et du social, au profit d’une conception de l’ « interactivité dynamique » des facteurs sociaux et des facteurs individuels, dans une perspective « intégrée » grâce à laquelle les influences socioculturelles fonctionnent à travers des mécanismes d’ordre psychologique pour produire des effets comportementaux. Par exemple, explique Bandura, le statut socio-économique des parents n’agit pas mécaniquement sur le parcours scolaire des enfants. C’est à travers des « processus de soi » comme les représentations d’avenir, les niveaux d’attentes ou le sentiment d’auto-efficacité que transitent les influences positives ou négatives du statut économique conféré pour déboucher sur des comportements de retrait ou de proactivité vis-à-vis de l’institution scolaire. » (Carré, 2004, p.39)
Ce cadre théorique, permet donc d’analyser le décrochage scolaire dans une « perspective
intégrée ». Il nous faut, à présent, développer le concept dont Carré fait allusion ci-dessus à
savoir : le sentiment d’auto-efficacité.
5.1.1 Le sentiment d’auto-efficacité
« L’efficacité personnelle perçue concerne la croyance de l’individu en sa capacité
d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités »
(Bandura, 2003, p.12).
L’efficacité personnelle perçue que l’on retrouve également sous les vocables de « sentiments
d’efficacité personnelle », « sentiments de compétences », « auto-efficacité » ou « efficacité
perçue » est à donc comprendre comme un mécanisme de régulation du comportement :
« People make causal contributions to their own psychosocial functioning through mechanisms of personal agency. Among the mechanisms of agency, none is more central or pervasive than people’s beliefs of personal efficacy. Perceived self-efficacy refers to beliefs in one’s capabilities to organise and execute the courses of action required to manage prospective situations. Efficacy beliefs influence how people think, fell, motivate themselves and theirs acts “9 (Bandura, 1995, p.2).
8 Par système, nous entendons : « Un système est l’interrelation d’éléments constituant une entité ou unité globale ». Morin (1977 9 « Les personnes participent à leur propre fonctionnement psychosocial au travers des mécanismes de la gestion de soi (puissance d’agir ou agentivité). Parmi les mécanismes de gestion de soi, aucun n’est plus central ou omniprésent que le sentiment d’auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité perçu renvoie aux croyances en ses capacités personnelles à organiser et à exécuter les champs de l’action requis pour gérer des situations (potentielles. Le sentiment d’efficacité personnel a une influence sur la manière dont les gens pensent, ressentent, se motivent eux-mêmes et leurs actes.
23
Ainsi donc, c’est de sa croyance en sa capacité à influencer son fonctionnement
psychosocial et les événements de sa vie, que l’individu tire sa motivation :
« Sans la conviction que ses actions le mèneront vers ce qu'il attend, ou le protégeront de ce qu'il ne désire pas, aucun individu ne prendrait d'initiatives, ni ne persévérerait face aux difficultés. Peu importe l'ensemble des facteurs qui le guident ou le motivent, ils sont tous ancrés dans la conviction fondamentale qu'il a le pouvoir de changer les choses par l'action. » (Bandura, 2004, p.42)
Dans cette conception, comme le soulignent Sontag et Blanchard (2008, p.60-61) les
sentiments de compétences construits antérieurement ont un rôle indéniable sur le
comportement d’une personne engagée dans une situation d’apprentissage. En effet, c’est au
regard de ces derniers que la personne va plus ou moins facilement s’engager dans une
situation d’apprentissage. Les deux auteurs proposent un schéma en vue d’illustrer la
distinction effectuée par Bandura entre les attentes relatives « aux sentiments de compétence »
(« la personne a le sentiment qu’elle est capable de réaliser un comportement déterminé » et
les attentes concernant les « résultats de l’action » (« conviction que le comportement mis en
œuvre permettra d’atteindre les résultats et les buts visés » (op.cit)).
PERSONNE -----------------> COMPORTEMENT --------------> RÉSULTATS/BUTS
Attentes relatives aux Attentes relatives aux
sentiments de compétence résultats de l’action
(Est-ce que je suis capable de faire cela ?) (Si je fais cela qu’arrivera-t-il ?)
Sontag et Blanchard soulignent également que pour Bandura les résultats atteints sont avant
tout inhérents au sentiment d’efficacité personnelle de la personne (et donc peu liés aux
attentes liées au résultat de l’action). Ainsi, une personne ne s’engagera pas dans une action
si elle pense qu’elle n’a aucune chance de réussir.
« Toutefois, il est clair que les sentiments d’efficacité ou de compétence ne peuvent pas suffire à expliquer, à eux seuls, la réussite d’une personne. Il convient également de prendre en compte ses compétences objectives. Les personnes qui « progressent » se caractériseraient par le fait que leurs sentiments de compétence seraient légèrement supérieur à leurs compétences réelles, ce qui aurait un effet dynamisant en amenant ces personnes à se dépasser et à augmenter leurs performances (on retrouve là une idée proche de celle de zone proximale de développement proposée par Vygotski dans le domaine des apprentissages ». (Sontag et Blanchard, 2008, p. 61).
24
Revenons un instant sur la notion de compétences telle qu’elle est développée dans ce
cadre théorique. Bandura (2004, p.43) indique
« La théorie sociale cognitive considère l'humain comme l'agent - on pourrait dire l'acteur - de son développement, de son adaptation et de son changement. Etre acteur de sa vie consiste à influencer intentionnellement son propre fonctionnement et son environnement. Chaque individu n'est donc pas seulement le résultat des circonstances de sa vie. Il en est aussi l'origine. A partir de là, la théorie sociale cognitive propose un ensemble de compétences qui serait l'essence de l'humain. ».
Quelles sont ces compétences ?
« La première de ces compétences est une extraordinaire capacité symbolique, qui offre à l'humain un outil très puissant pour comprendre son environnement et gérer pratiquement tous les aspects de sa vie. En symbolisant leurs expériences de vie, les individus donnent à leur vie une structure, un sens et une continuité. » « Ensuite, la compétence de l'humain à anticiper augmente son « agentivité ». L'individu imagine son futur, se donne des objectifs et anticipe les conséquences des actions qu'il envisage de mener, pour orienter et motiver ses efforts. Une autre compétence proprement humaine est ce que l'on pourrait appeler « l'autoréactivité ». Dire que l'humain est acteur de sa vie signifie qu'il n'est pas seulement un penseur et un anticipateur. Il va contrôler et réguler des actions, les siennes, en fonction de standards personnels enracinés dans un système de valeurs. Par ailleurs, l'individu ne régule pas seulement ses actions. Sa capacité de réflexivité, autre compétence proprement humaine et centrale dans la théorie sociale cognitive, le rend capable d'évaluer son propre fonctionnement cognitif, affectif et comportemental. Il réfléchit sur son efficacité, la validité de ses pensées et de ses actions, la signification de ses quêtes, et opère des corrections et des ajustements si nécessaire. Enfin, l'humain ne vit pas isolé. Il doit collaborer avec les autres pour gérer et améliorer ses conditions de vie. Ils mettent alors en commun leurs connaissances, habiletés, et ressources, et agissent de concert pour façonner leur futur. C'est pourquoi la théorie sociale cognitive étend sa conception de l'agentivité humaine à celle d'agentivité collective. L'interdépendance croissante de la vie sociale et économique nécessite l'exercice d'une agentivité collective locale, nationale et transnationale pour atteindre les changements sociaux désirés (Bandura, op.cit.)
Pour illustrer le sujet qui nous intéresse ici remarquons que Sontag et Blanchard (2008,
p.60) soulignent que les apprentissages professionnels ont deux types d’effet sur les jeunes en
formation :
- « des effets sur le plan intellectuel » : (apports de connaissances sur le plan
linguistique, mathématique, scientifique, sur le plan des gestes techniques et des
méthodes de travail…)
25
- « des effets sur le plan de la construction d’images de soi », relativement aux
sentiments d’efficacité personnelle, et sur le plan du « développement de certains
types d’intérêt et de motivations, domaines qui participent à la construction de
l’identité professionnelle et, par là, aux projets professionnels.
Cette dernière idée, à savoir la construction du projet professionnel s’inscrit dans notre
problématique, puisque, rappelons-le, notre travail s’axe sur l’évaluation en vue de son
évolution d’un dispositif d’(e) (pré-) orientation. En ce sens, la théorie sociale cognitive de
l’orientation scolaire et professionnelle (TSCOP) issue des travaux de Lent, Brown et Hackett
1994, 2000) peut compléter cette présentation. L’exposé qui suit s’appuie sur un article de
Lent (2008) traduit par Blanchard.
5.1.2 La TSCOP
La théorie sociale cognitive de l’orientation scolaire et professionnelle (TSCOP) prend
appui sur le cadre théorique développé par Bandura : elle cherche à étendre cette dernière à la
compréhension des processus en jeu au cours de l’orientation scolaire et professionnelle en
mettant l’accent sur les mécanismes complexes d’inter-influence entre la personne, son
comportement et son environnement (dans une perspective triadique et dynamique). L’intérêt
de la TSCOP pour notre travail réside avant tout dans le fait qu’elle se présente comme un
modèle explicatif intégré de l’orientation scolaire et professionnelle. Ainsi, tout comme la
TSC, la TSCOP met en exergue l’importance de trois variables individuelles qui jouent un
rôle dans l’autodirection du développement professionnel :
- les croyances relatives aux sentiments d’efficacité personnelles (suis-je capable de
faire ceci ?, dans une conception dynamique (cf. supra)
- les attentes de résultat : (si j’essaie de faire cela qu’arrivera-t-il ?). Toutefois, la TSC
(et donc la TSCOP) considère que, dans le comportement humain, ce sont néanmoins
les croyances relatives aux sentiments d’efficacité personnelles qui constituent la
variable la plus influente. Ainsi, les attentes se développent notamment en fonction
des expériences antérieures et de la perception des résultats obtenus (ainsi que par
l’information obtenue via d’autres personnes sur différents domaines professionnels)
- les buts personnels définis comme l’intention qu’a la personne de s’engager dans une
activité précise pour atteindre un objectif particulier. Il s’agit de moyens importants
utilisés (parfois sur de longues périodes et en l’absence de renforcements externes) par
26
les personnes pour exercer leur puissance d’agir dans la réalisation de leurs projets de
formation ou professionnelle. La TSCOSP distingue les choix concernant les buts
exprimés en termes de choix de contenu (le type d’activité ou la profession que la
personne souhaite poursuivre) et les buts en termes de niveau de résultat fixé (le
niveau ou la qualité du résultat que la personne cherche à atteindre dans un domaine
précis)
La TSCOP décrit le développement des intérêts scolaires et professionnels, la construction
du choix d’études et le niveau de réussite à atteindre dans le cadre de trois modèles de
processus, à distinguer sur le plan conceptuel mais en interaction.
- le modèle des intérêts : les environnements sociaux de la personne (famille, école, les
lieux récréatifs et les groupes de pairs) jouent non seulement un rôle dans le choix
sélectif de certaines activités mais aussi, par des retours sur les performances atteintes,
dans la construction des croyances d’efficacité personnelle (les personnes se
considèrent elles-mêmes comme efficaces) et des attentes de résultats relatives à
différentes tâches et différents domaines de comportement, ces deux dernières
contribuant à la construction des intérêts professionnels. Ce n’est pas la capacité
objective (mesurable et perçue par des tests, échecs ou réussites antérieurs) qui joue un
rôle direct sur les intérêts. La capacité objective va influer sur les sentiments
d’efficacité personnelles qui eux-mêmes vont ensuite agir sur les intérêts (les
sentiments d’efficacité personnelle jouant une fonction d’intermédiaire entre les
capacités et les intérêts). Les intérêts se construisent relativement au concept d’attentes
de résultats (préférences sur des représentations liées à une profession ou des
renforçateurs tels que l’argent ou l’autonomie) et croyances relatives au fait de savoir
dans quelle mesure cette profession offre bien ces avantages. Les sentiments
d’efficacité personnelle et d’attentes de résultats sont des constructions et sont donc
fortement contextualisés : les variables sociodémographiques (genre, ethnie, santé
physique) et socio-économiques ont un rôle important dans les processus
d’orientation. De cette manière, par exemple, les processus de socialisation des rôles
des genres peuvent avoir des incidences sur l’accès des garçons et des filles aux
expériences indispensables pour développer des croyances fortes d’efficacité de soi et
d’attentes positives liées à une profession ou une activité (les sciences pour les
garçons, les métiers du service pour les filles). Dès lors les capacités développées (et
27
donc les sentiments d’efficacité personnelle et les attentes de résultats favorables) et
par la suite les intérêts pour une tâche sont plus ou moins culturellement définis.
- Modèle du choix professionnel. Comme le montre le modèle antérieur, le choix d’un
modèle professionnel est un processus continu précédé d’un ensemble conséquent de
sous-processus. Afin de faciliter la description, la TSCOP se propose de modéliser
ainsi le processus de choix en trois étapes à savoir : 1. l’expression d’un choix initial
pour entrer dans un domaine particulier 2. la mise en œuvre d’actions qui ont pour
vocations de réaliser des buts personnelles 3. les expériences de réussite postérieures,
qui au travers d’une boucle de rétroaction, vont-elles même alimenter les choix futurs.
Il est important de penser ce processus dans l’interaction personne / environnement (si
les personnes choisissent leur environnement, l’inverse est aussi vrai). Dès lors, le
choix professionnel (et sa stabilité) sont intimement liés et à la perception de la
personne sur l’environnement et aux jugements des autres sur sa capacité à répondre
d’une part, aux obligations de formation et, d’autre part, aux obligations
professionnelles. Si l’on peut adhérer à la thèse qui affirme que les individus
choisissent leur domaine professionnel en fonction de leurs profils d’intérêts
principaux, force est de constater que ce choix est aussi souvent tributaire de la
pression familiale ou du niveau d’études atteint. Autrement dit, au-delà des intérêts
principaux, les sentiments d’efficacité personnelle et les attentes de résultats ont aussi
leur mot à dire dans la construction du choix professionnel. Par exemple, un étudiant
ingénieur qui a des difficultés à suivre le cours de mathématiques sera
vraisemblablement amené à réviser ses sentiments d’efficacité personnelle. Il peut
peut-être ensuite (dans l’optique des attentes de résultats) découvrir que
l’environnement professionnel de cette profession lui convient moins bien qu’il ne
l’avait imaginé. La révision et de ses sentiments d’efficacité et de ses attentes de
résultats peuvent l’amener ensuite à modifier ses intérêts et ses buts (par exemple, une
nouvelle formation et une nouvelle voie professionnelle). Par conséquent, dans la
mesure où les individus ne sont pas toujours libres de choisir leurs intérêts principaux,
il est important de proposer une analyse fine des intérêts qui guident leur choix
professionnel. Autrement dit, il convient de décrire précisément les facteurs
contextuels contribuant à développer ou à diminuer la puissance d’agir d’une personne
dans le domaine des choix professionnels.
28
- Modèle du niveau de réussite. Par ce modèle, il s’agit pour la TSCOP de s’intéresser
également aux facteurs qui ont une influence sur les résultats scolaires et sur les
niveaux de réussite professionnelle. Ce modèle postule que la capacité telle qu’elle est
définie par des indicateurs de réussite, de performance ou de niveau de réussite
antérieur influe sur les performances futures et cela non seulement de manière directe
via la connaissance de la tâche et des stratégies d’exécution que les personnes mettent
en œuvre mais aussi de manière indirect via les informations qui viennent fonder les
croyances sur le sentiment d’efficacité des personnes et les attentes de résultat et donc
par la-même les comportements futurs. Ici l’impact de l’environnement est
particulièrement important : le choix d’une formation et les résultats sont liés au
contexte social et culturel.
Pour compléter ses propos, Lent remarque que les performances complexes réalisées
dépendent et des capacités et des sentiments d’efficacité personnelle. La réalisation d’une
activité par une personne est ainsi en partie dépendante par un sens optimiste (légère
surestimation) des sentiments d’efficacité personnelle. Néanmoins, les croyances d’efficacité
personnelle qui surestiment (ou sous-estiment) les capacités peuvent avoir des incidences
négatives sur le développement des capacités.
Nous examinerons certains aspects de cette théorie dans la partie consacrée aux résultats
de notre « chantier ». Ce cadre théorique nous permettra, en effet, d’une part, de comprendre
et décrire en vue de les conceptualiser les processus en jeu au cours de l’orientation
professionnelle et, d’autre part, de discuter des mises en œuvre des interventions éducatives
dans le cadre du dispositif de pré-orientation destiné aux jeunes décrocheurs.
29
6 Méthodologie
L’évaluation est un terme polysémique dans la mesure où comme le souligne Ardouin (in
Figari 2006, p. 11), il peut être abordé sous des angles très divers : « institutionnels et
macrosocial, micro-sociologique et relationnel (groupal), instrumental, praxéologique… ». La
démarche qui est la notre dans cette étude et qui est inspirée des travaux de Figari est une
démarche d’ingénierie de formation; il s’agit d’évaluer un dispositif éducatif à partir d’un
référentiel. L’ingénierie de formation est à entendre comme :
« Une démarche socioprofessionnelle d’optimisation où l’ingénieur-formation a, par des méthodologies appropriées à analyser, concevoir, réaliser et évaluer des actions, dispositifs ou systèmes de formation en tenant compte de l’environnement et des acteurs professionnels, en vue du développement des organisations et des individus ». (Ardouin, 2006, p.260)
6.1 Apports terminologiques et théoriques
Avant d’entrer plus en avant dans la présentation du cadre méthodologique que nous
adopterons ici, un détour terminologique s’impose : arrêtons-nous ainsi sur les termes utilisés
tout au long de cette étude. En effet, comme le souligne Figari ????(1996, p.289), il est
important de ne pas passer sous silence une activité « largement prépondérante dans la
pratique réelle des sciences sociales qu’est la construction, la qualification et la
classification » des objets étudiés :
« Analyser la réalité sociale, c’est d’abord la décrire et la catégoriser, et ensuite seulement lorsque c’est possible établir des liens de causalité par des méthodes spécifiques et formalisées. L’élaboration de nomenclatures et de typologies, la modélisation, l’interprétation des données à des fins de compréhension intuitive des comportements humains, sont des tâches qui supposent un travail sur le langage, travail qui ne diffère pas fondamentalement de l’activité ordinaire que chacun mène à des fins pratiques. La différence entre les sciences sociales, science économique comprise, et les sciences de la nature est à cet égard considérable ». (Figari, op.cit).
6.1.1 La notion de référent en linguistique
Pour les sciences du langage, le référent est de l’ordre de l’extralinguistique : les
locuteurs, lorsqu’ils communiquent, font souvent référence10 à une réalité extralinguistique
10 C’est-à-dire renvoient à une chose existant séparément
30
qu’ils doivent pouvoir désigner et décrire. Toutefois, comme le soulignent Ducrot et
Schaeffer (1995, p.360)
« Cette réalité n’est cependant pas nécessairement la réalité, le monde. Les langues naturelles ont en effet ce pouvoir de construire l’univers auquel elles se réfèrent ; elles peuvent donc se donner un univers de discours imaginaire. L’Ile aux Trésors est un objet de discours possible, autant que la gare de Lyon ».
L’une des principales questions que l’on peut se poser lorsque l’on étudie l’aspect
référentiel de la langue concerne plus précisément la valeur référentielle des signes dont nous
nous servons pour désigner la réalité : est-ce que ces derniers (par exemple le nom cheval ou
l’adjectif blanc « représentent eux-mêmes des aspects de cette réalité (op.cit) ? Les
philosophes, les logiciens et les linguistes ont insisté sur le fait qu’il faille distinguer entre la
valeur référentielle d’un signe et son sens. C’est ainsi que Saussure (1916, p98) indique que
« le signe linguistique unit non une chose et un nom, mais un concept et une image
acoustique » Le signe est pour lui une « entité psychique à deux faces » (op.cit., p. 99) : un
concept et une image acoustique (qu’il rebaptisera ensuite en respectivement signifié et
signifiant pour bien indiquer qu’il y a deux faces dans un signe et qu’elles sont
indissociablement liées. Il y a là une sorte de mécanisme psychique : dès que j’évoque la suite
de phonèmes [aRbR], le sens (le signifié, le concept) arbre est convoqué et inversement. La
conception saussurienne du signe est donc une conception uniquement psychique, mentale (je
peux me parler à moi-même)11. Monde et langue sont considérés comme deux entités
distinctes. Référent et signe sont à distinguer et il en va de même pour le référent et le
signifié. Ainsi, le signifié d’arbre n’est pas l’ensemble des arbres, c’est un concept. Cette
notion de concept est à comprendre dans la dichotomie établie entre langue et monde. La
notion de concept est très différente de celle utilisée, par exemple dans les sciences naturelles
et ne fait apparaître, chez Saussure, aucune idée de description (traits de l’objet). Le signifié a
une valeur négative et contrastive (« différentielle »). Ainsi, le signifié d’arbre va être
délimité par les oppositions dans lesquelles il va entrer. Il va, par exemple, s’opposer à ceux
de plante, arbuste, arbrisseau. Le signifié n’a rien de fixé d’avance : c’est une pure « valeur »
qui oppose les signes les uns aux autres : ce n’est pas un critère retenue par la langue pour
11 Toutefois, l’auteur n’omet pas la dimension « sociale », de communication du signe. Si le signe n’est pas la chose, il n’est pas non plus une étiquette qui préexisterait à cette chose. Autrement dit, le vocabulaire d’une langue n’est pas, pour reprendre un terme utilisé par Saussure, une nomenclature (un ensemble de mots associés à un groupe d’objets préexistants à cette nomenclature). En effet, les langues ne sont pas forcément isomorphes : elles ne découpent pas la réalité empirique de la même manière. Ainsi, par exemple, là où l’anglais dispose de deux mots ape et money (ape étant réservé aux singes de grande taille), le français n’en dispose que d’un : singe Dans cette perspective, le vocabulaire d’une langue est un système de catégorisation culturelle de la réalité.
31
différencier des objets de la réalité parmi d’autres. Les apports de la linguistique sont ici
importants puisqu’ils permettent de mettre au jour un niveau intermédiaire entre la réalité
matérielle du signe et les objets qui lui correspondent dans le monde. Toutefois, si le référent
en tant qu’élément d’une réalité extralinguistique semble, un temps, pouvoir être mis de côté
dans les analyses en sciences du langage, les travaux sur la communication et l’énonciation
l’ont à nouveau fait apparaître au centre des débats. La problématique de l’aspect référentiel
du langage ne saurait, en effet, se passer de considérations sur l’ancrage : de quels moyens
dispose un locuteur pour signifier qu’il évoque, dans son énoncé, une réalité ou un segment de
cette réalité ? L’on notera, par ailleurs, qu’il est souvent difficile d’assigner un référent à un
signe. L’on peut ainsi se demander à quoi réfère je, tu, Philippe ; la voiture qui monte la rue.
Autrement dit, c’est seulement (sauf exceptions) l’occurrence d’un signe dans une situation
d’énonciation donnée (i.e. par un locuteur donné dans des circonstances données) qui a valeur
référentielle.
6.1.2 Les apports de la linguistique pour le champ de l’évaluation
Les questions soulevées jusqu’ici, dont la difficulté d’assigner un référent à un signe, sont
particulièrement importantes pour éclairer le champ de l’évaluation. Figari (2006b, 46)
remarque à ce propos :
« En linguistique, on part du signe (rien ne nous interdit de prendre pour exemple
« établissement scolaire ») et on établit une référence à l’objet existant Dans notre champ
d’études, on pourrait dire que les pratiques courantes d’évaluation partent au contraire de
l’objet existant (un établissement à évaluer) qui n’a pas encore de signification (sauf celle
d’appartenir à la catégorie des établissements) et cherchent des « signaux » de cet objet,
signaux porteurs de significations par rapport à la réalité qui l’entoure (par exemple t ce que
l’on appelle couramment les indicateurs). Mais si l’on regarde de plus près ces pratiques et les
méthodes employées, on s’aperçoit d’un fonctionnement sensiblement différent. En effet,
l’observateur n’aborde l’objet qu’avec un ensemble de présupposés, de catégories descriptives
préformées (instrumentées ou implicites) : il part bien, lui aussi, de signes de discours
composés de concepts qu’il va tenter de référer à une réalité ».
32
6.1.3 La fonction référentielle du langage
Le recours à la linguistique permet donc d’éclairer le rapport entre l’objet lui-même et sa
désignation. Un détour terminologique s’impose à nouveau. Arrêtons-nous, un instant, sur la
fonction référentielle du langage mis à jour par la linguistique. La fonction référentielle fait
allusion à cette possibilité pour le langage de renvoyer à des objets du monde (dans des
processus de communication uniquement informatifs ou descriptifs). L’on parle également de
dénotation. Dire que « dénotatif » et « référentiel » sont deux adjectifs synonymes c’est
comprendre la dénotation dans un sens étroit, particulier. Dans un sens plus large, la
dénotation désigne l’ensemble des sens d’un signe sur lesquels il y a consensus entre les
usagers d’une langue. L’intérêt théorique de la notion de dénotation trouve toute sa valeur
dans le couple dichotomique qu’il forme avec la connotation : la dénotation revoie à la
relation entre le signe et ce à quoi il réfère et à l’idée d’une communication purement
informative ou descriptive à partir de quoi l’on pourrait identifier des « déviations » : la
connotation associe des signifiés supplémentaires aux éléments dénotés ; autrement dit, elle
permet de désigner tous les éléments de sens qui viennent se greffer sur ce à quoi le signe fait
référence. Pour être plus précis, l’on pourra ajouter que ces éléments de sens sont des valeurs
particulières, subjectives, affectives, culturelles que prend un signe pour un individu ou un
groupe et qui viennent s’additionner à un signe et ce à quoi il fait référence, dans une relation
constante, non subjective (un arbre est un Végétal ligneux, de taille variable, dont le tronc se
garnit de branches à partir d'une certaine hauteur(TLFI)). Un même signe peut ainsi avoir des
connotations différentes selon le contexte dans lequel il est employé. Parmi les exemples
classiques évoqués pour illustrer ce phénomène, l’on trouve notamment la fait que pour les
européens le blanc connote l’innocence, la pureté, la virginité, le mariage, pour les extrême-
orientaux le blanc connote la mort, le deuil. Cette présentation serait incomplète si l’on faisait
abstraction d’un point important à savoir le couple dénotation référentielle/dénotation
linguistique qui peut être élucidé par l’évocation du couple rapport paradigmatique / rapport
syntagmatique :
- rapport paradigmatique : chaque élément linguistique12, dans un énoncé, occupe une
place dans cet énoncé à laquelle d’autres éléments linguistiques pourraient figurer. Par
exemple, dans le chat boit du lait ; le, article défini, pourrait être remplacé par un, article
indéfini et l’indéfini tire sa valeur par opposition au défini. Dès lors, sans entrer dans les
détails, le paradigme en linguistique structurale désigne l’ensemble des formes que peut 12 Ce terme général permet de ne pas entrer dans une description plus fine des niveaux de l’analyse linguistique (phonème, morphème…), ce qui serait hors propos ici.
33
prendre un élément linguistique et l’on parle de relation paradigmatique pour désigner le
fait qu’un élément ne saurait avoir en lui-même une valeur ou une signification propre
mais qu’il tire toujours sa valeur du paradigme auquel il appartient (ex. : aime, a aimé,
aimait, aima, aimera).
La dénotation linguistique est de l’ordre du paradigme. Ainsi, la dénotation linguistique
du signe arbre renvoie à un système général de signes (arbre renvoie à la catégorie des
végétaux). Figari (2006b, p. 47) qui met en avant les apports de la linguistique dans le
champ de l’évaluation souligne que « dans notre champ d’études, le paradigme constitue
la partie du référentielle qui désigne un modèle général préexistant (indiquant par
exemple les différentes formes que peut revêtir un contexte situationnel, un établissement,
un organisme de formation ou encore un curriculum) ». Ainsi, de même qu’en
linguistique le nom hêtraie (hêtr-aie) appartient à un paradigme de noms conçus sur le
même modèle qui entrent dès lors dans un jeu d’association dans le groupe, la classe des
« collectifs de nom d’arbre », « les établissements scolaires », dans le champ de
l’évaluation appartiennent à une classe établie (un paradigme) d’établissements dont il
conviendra de spécifier les caractéristiques générales.
- rapport syntagmatique : un élément linguistique entretient un rapport syntagmatique
avec les éléments linguistiques qui l’entourent et qui forment son contexte
linguistique. Cette notion de contexte est particulièrement importante puisqu’elle
suppose l’actualisation des éléments linguistiques, dans une unité de rang supérieur
(des phonèmes dans un mot ou des mots dans une phrase, par exemple). Ainsi, les
éléments linguistiques se succèdent nécessairement dans le discours (il est impossible
de prononcer deux mots simultanément) et ils entrent alors dans un jeu de relations (le
verbe donner est nécessairement suivi d’un complément qu’il régit introduit par la
préposition à, les articles précèdent les noms qu’ils déterminent…). La dénotation
référentielle est de l’ordre du syntagme dans la mesure où elle permet de faire
référence à un signe dans une certaine situation (actualisation). La dénotation
référentielle du mot arbre prend nécessairement en compte l’expérience du locuteur
qui a nécessairement un contact avec la réalité qu’il désigne. Rapportée au champ de
l’évaluation, cette notion permettra d’affirmer que l’évaluation dans sa désignation de
l’objet et de ses caractéristiques est le signe d’un rapport spécifique à l’objet que
Figari (op.cit.) définit comme des « éléments d’information construits en fonction des
particularités situationnelles, comme les caractéristiques d’un établissement ».
34
6.1.4 La référentialisation
Au total l’on retiendra que les apports de la linguistique, dans le champ de l’évaluation
sont indéniables. Ainsi les couples «syntagme/paradigme » et « dénotation
référentielle/linguistique » parce qu’elles « intéressent les rapports antre l’objet lui-même et
sa désignation, permettant de mieux comprendre comment la référentialisation va élaborer un
schéma d’évaluation relevant, lui aussi, à la fois du paradigme (formes générales prévisibles,
déclinables de l’objet) et du syntagme (construction combinatoire spécifique d’une situation
(Figari 2006b, p. 48)13. Ainsi,
« On appellera […] référentialisation le processus d’élaboration du référent (articulé autour de ces deux dimensions : générale et situationnelle). […] La référentialisation veut être une méthode de délimitation d’un ensemble de référents et se distingue en cela du référentiel qui désigne, lui, un produit fini, et plus exactement, une formulation momentanée à un moment donnée. » (Figari 2006b, p.48).
Ardouin (2006, p. 100) note que l’intérêt de la référentialisation réside dans le fait qu’elle
réponde à un double objectif à savoir : un objectif de description de la réalité qui permet dès
lors de définir des objectifs et un objectif d’évaluation. La référentialisation est donc « un
processus de constructions de référentiels ».
6.1.5 Référentialisation et référentiels
Revenons, un instant, sur la notion de référentiel
Figari (2006, p. 103) note que le « référentiel » est une notion utilisée dans plusieurs
disciplines et qu’il s’agit tout simplement d’un ensemble de référents choisis pour décrire un
objet. Les critiques et craintes à l’égard des référentiels et de leur utilisation sont nombreuses.
Dans le monde du travail, par exemple, Ardouin (2006, p. 99) note qu’il semble a priori avoir
distorsion, inadaptation voire anachronisme entre un environnement professionnel en
perpétuelle évolution où innovation et adaptation sont des mots clefs et l’utilisation de
référentiels qui apparaissent comme figés induisant une stabilisation de la réalité.
De la même manière, Figari (2006a, 13-14) indique que la « notion de « référentiel
d’évaluation » qui a pour fonction de rapporter les résultats de toute évaluation au point de
13 L’on notera que Figari (2006b, p. 48) laisse volontairement de côté la fonction connotative. Il remarque ainsi que bien que figurant au cœur des préoccupations sur l’évaluation, elle ne peut figurer dans un ouvrage qui se veut être avant tout une présentation d’une méthodologie d’évaluation adaptable à différents contextes dans la mesure où elle est intiment liée à l’attitude évaluative dans ses aspects affectifs et non rationnels.
35
vue construit par l’évaluateur et par ses partenaires (visualisé à travers un ensemble
« d’axes ») […] bien qu’il soit loin du « « catalogue de capacités ou d’objectifs » auquel a
été attribué à tort, la même appellation qui a dévié de son sens général, en ne retenant que les
référents à dimension normative, est tout de même « un instrument, […] un ensemble statique
de catégories préformées » qui peut rapidement retomber dans le « normatif ». Pour parer à
cette difficulté et bien distinguer les deux domaines d’utilisation de la notion de « référentiel »
Figari a recours à la notion de référentialisation : si la référentialisation, pour reprendre les
termes d’Ardouin (2006, 100) est une « lecture de la réalité, une modélisation qui permet de
mieux la comprendre et l’appréhender », le référentiel est le produit de cette méthode
d’élaboration, d’ « une reconstruction de la réalité qu’il faut qui n’est jamais donnée
directement à voir et qu’il faut analyser, disséquer et reconfigurer ».
6.2 La méthode ICP
On l’a vu la référentialisation est notamment définie comme une modélisation des
référés (de l’ordre des faits observés) et des référents (éléments de comparaison choisis par
l’évaluateur) pour attribuer du sens au fait observé. La modélisation constitue donc « l’étape
intermédiaire entre la théorisation et la méthodologie que l’on retrouve dans l’opération
d’évaluation : c’est précisément l’étape du référentiel » (Figari, 2006a, p. 106). Figari (op.cit)
note que d’autres auteurs ont mis en place une démarche de modélisation préalable. C’est le
cas notamment de Stuffelbeam (1980) avec le CIPP : le traitement des informations s’organise
autour de la prise en compte du Contexte, de la description des Intrants, de l’élucidation des
Processus et de l’observation du Produit. Le modèle ICP mis à jour par Figari afin de
modéliser l’évaluation du dispositif éducatif semble a priori proche de cette démarche dans la
mesure où elle met, en relation, dans un processus d’évaluation, les données Induites par le
contexte avec des données Construites par l’activité éducative et des données Produites dans
les résultats obtenus. Toutefois, l’auteur note que sa démarche se démarque de celle de
Stuffelbeam dans la mesure où
« À la différence de Stuffelbeam, il ne s’agit pas, ici, d’un modèle linéaire et prescriptif mais circulaire et interrogatif considérant chacun des trois éléments constitutifs du fonctionnement du dispositif comme jouant tour à tour les fonctions de référé et référent ». (Figari 2006a, p.106).
L’intérêt d’une telle démarche qui s’appuie sur des étapes (1.délimitation du contexte
(l’Induit) 2.l’élaboration individuelle et collective en tant que processus, incluant une part de
négociation (le Construit) et 3.le traitement des résultats et des effets en vue de l’actualisation
36
et de la programmation (le produit) – ces trois dimensions, rappelons-le, interagissent : chacun
de ces éléments a besoin d’être légitimé par les deux autres) réside dans le fait qu’il s’agisse
d’un processus évolutif dans le temps. La référentialisation est donc à la fois modélisation
mais aussi méthodologie. En ce sens, elle guidera pas à pas notre démarche.
6.3 La référentialisation dans ce chantier de mémoire
De tout ce qui a été présenté en amont, nous retiendrons que la référentialisation se
présente comme une aide au pilotage de l’action dans la mesure où elle est une démarche de
conception. Il s’est agi d’avancer méthodiquement, de partir d’une recherche exploratoire en
vue de délimiter le contexte d’un nouveau dispositif de formation afin d’énoncer des critères
puis des indicateurs autorisant une évaluation des effets de ce derniers afin de favoriser son
évolution.
Les notions de « critère » et d « indicateur » méritent d’être précisées.
Critère : « Caractère, principe, élément auquel on se réfère pour juger, apprécier, définir
quelque chose ». (TLFI).
Figari (2006b, p. 101) indique que ce dernier a trois caractéristiques :
- l’abstraction (l’évidence, la clarté, la rapidité, l’ordre etc. …)
- la discrimination entre les objets possédant ou ne possédant pas ce critère (par
exemple, concernant le critère de clarté il va ainsi falloir fixer ce qui distingue une
phrase claire d’une phrase non claire ; et à l’intérieur de ce critère il va falloir faire
émerger ce qui distingue une phrase plus claire qu’une autre)
- elle permet de jouer le rôle d’ « interface entre, d’une part les visions du
monde…d’autre part, les indices, les indicateurs plus opératoires (Ardoino et Berger
cités par Figari op.cit).
L’indicateur est une « catégorie de la réalité » (Figari, 2006b, p.132) ou plus exactement,
l’on pourrait dire, pour reprendre certains éléments évoqués plus en amont : catégorie d’une
réalité entendue que cette dernière appartient au domaine de l’expérience. L’indicateur,
souligne Figari (op.cit., p.110) n’est pas de l’ordre de la preuve mais de l’exemple. L’auteur,
pour illustrer ses propos donne ainsi l’exemple du critère « temps de travail hebdomadaire
moyen d’un élève hors de la classe à l’école ». Cet exemple montre qu’un indicateur ne peut
en lui-même fournir un sens aux résultats mais qu’il doit se référer à un critère (ici, par
37
exemple, la volonté de réussir d’un élève). Le problème est alors posé an terme de réflexion et
de raisonnement : la présence des élèves prouve-t-elle leur volonté de réussir ? En outre,
l’indicateur, en tant qu’exemple ne peut démontrer la certitude d’un élément de la
connaissance : il ne peut qu’ « insinuer, justifier et confirmer un élément de la connaissance
(Figari, op.cit. 111). C’est ici qu’il faut distinguer l’analyse de l’évaluation. Pour Figari, si
l’analyse permet de traiter de l’information en vue d’obtenir des résultats par un appareillage
important (méthodes d’investigation), l’évaluation ne vise pas l’obtention de résultats sur une
situation donnée mais vise généralement une régulation du fonctionnement d’une organisation
éducative.
6.4 Le référentiel en cours de construction : un moment de la référentialisation
Parce que la référentialisation, on l’a dit, est une aide au pilotage de l’action et parce que
le référentiel n’a
« Atteint son terme [que] lorsqu’il arrive à formuler les critères dans le cadre desquels
l’évaluation va être réalisée, de manière à ce que les acteurs, partenaires et utilisateurs,
préparés par les phases précédentes, les comprennent et les reconnaissent, et soient prêts à
les appliquer », j’ai présenté aux équipes pédagogiques un référentiel en cours de construction
(voir annexe 8 : le protocole de référentialisation). Le but visé était une communication auprès
des équipes pédagogiques sur un moment de la référentialisation. Ce référentiel en cours de
construction « nécessairement incomplet et constamment vérifiable » (Figari, 2006b, p. 147) a
permis d’inscrire le processus d’évaluation (en vue, rappelons-le d’une évolution du
dispositif) dans une démarche collective explorant des champs d’évaluation à partir de
questionnements. Or, comme le souligne à juste titre Papay (2007, p. 38) :
« Une démarche collective ne signifie pas d’emblée une démarche consensuelle ou uniforme. Aucun point de vue ne peut être surdéterminé par rapport à un autre. L’évaluation doit constituer un espace d’analyse critique, de croisement des savoirs de l’ensemble des acteurs, permettant de dégager des marges d’amélioration à investir ».
C’est dire si la démarche choisie requiert une prise de recul nécessaire et une constante
interrogation sur le rôle et les qualités requises de l’évaluateur. C’est en ce sens que tout le
travail qui est ici retracé témoigne d’un cheminement identitaire sur la posture de l’évaluateur.
38
6.5 La référentialisation ou la mise à nue d’une posture d’évaluateur
Comme le note Jorro (2006, p.75), « l’acte évaluatif n’existe pas indépendamment de
l’acteur qui le met en œuvre ». Dès lors, émergent des questions relatives à « la dynamique
identitaire avec laquelle l’évaluateur agit, en particulier l’ethos dont il fait preuve […] :
comment se mobilise-t-il dans ses missions d’évaluation ? Quelle distance négocie-t-il avec
les objets et les terrains de l’évaluation ? (op.cit., p. 67-68).
La référentialisation, (qui rappelons-le est une démarche en lien avec ma mission
d’observation, d’accompagnement et d’évaluation du dispositif) en tant que méthodologie,
donne un cadre éthique à l’activité d’évaluation. C’est, en effet, une démarche exigeante qui
requiert de l’évaluateur notamment une certaine distanciation par rapport à l’objet à évaluer. Il
se doit ainsi de justifier le choix de l’information qu’il aura retenu dans la mesure où comme
le note Figari (2006b, p.71) : le principal reproche adressé aux évaluateurs est d’avoir tiré
arbitrairement un certain nombre d’informations (au détriment d’autres) qui feront l’objet
d’une mesure ou d’une évaluation. De plus, c’est également une démarche exigeante dans la
mesure où elle doit mettre en ouvre un processus d’élaboration individuel et collectif d’un
système de références, qui doit être favorisé par le jeu des négociations. Il convient d’associer
étroitement tous les acteurs à l’évolution du dispositif de formation et de se diriger vers un
objectif de transparence. De manière générale, la référentialisation exige de l’évaluateur qu’il
connaisse ses « registres d’action » dans la mesure où « la situation évaluative est toujours
traversée par les processus valorisation/dévalorisation et c’est sur ce plan, précisément,
qu’apparaît l’éthos de l’évaluateur sachant apaiser les tensions par les postures qu’il affiche
et utilise à bon escient. » (Jorro, 2006, p.68). Les registres d’action affichés par l’évaluateur
sont intimement liés à des « imaginaires » qu’il mobilise en puisant dans des systèmes de
valeurs. Deux imaginaires mis à jour par Jorro (op.cit) semblent très proches du système de
valeurs induit par la référentialisation. Il s’agit des imaginaires de la construction et de la
compréhension. Ici l’évaluateur se soit de garder une attitude humble puisqu’il s’agit
d’accompagner une équipe (par exemple) dans des processus de changement (pour nous
l’accueil des 16 / 18) en veillant à comprendre le contexte du dispositif de formation. « A la
différence de l’imaginaire de la maîtrise, l’imaginaire de la construction suppose la
reconnaissance d’une relation dialogique entre l’évaluateur et l’évalué autour d’un référent ».
(Jorro, op.cit, p.72). L’objectif de régulation est l’objectif principal visé. L’imaginaire de la
compréhension, quant à lui, vise une compréhension des projets. « le consultant veille à
analyser les signes, symboles, actes, résultats en jouant un rôle de miroir et en cherchant à
39
mobiliser acteurs et institution sur des aspects non explicites, tus, impensés, en vue de
permettre une compréhension et une régulation de la situation vécue » (op.cit). Il questionne,
fait émerger des pistes en vue de réfléchir à des perspectives nouvelles. Dans cette démarche,
c’est donc la régulation de l’action qui est visé par l’évaluation.
6.6 Conclusion sur la démarche de référentialisation dans ce mémoire
6.6.1 Un référentiel construit pour des acteurs donnés dans un contexte particulier
« La référentialisation consiste à repérer un contexte et à construire, en le fondant sur des données, un corps de références relatif à un objet (ou une situation) par rapport auquel pourront être établis des diagnostics, des projets de formation et des évaluations (Figari, 2006b, p 48)
C’est ainsi que « les résultats de l’évaluation » « sont toujours relatifs à un système de
références dont certains éléments existent déjà au sein de l’organisation (et de son
environnement) et chez les différents partenaires. Pour pouvoir fonder les résultats, il convient
donc d’éclairer les valeurs, les choix mais aussi les données par rapport auxquelles seront
sélectionnées les informations donnant lieu à mesure et à interprétation. Ce référentiel est à
construire en fonction des acteurs concernés Figari (2006b, p. 139).
Par conséquent, mon premier travail a été de circonscrire mon objet d’étude en le plaçant
dans le contexte des politiques de lutte contre le décrochage scolaire et la conjoncture
particulière de la commande et de la mise œuvre du dispositif (ce travail de contextualisation
macro est retracé dans les premières pages de ce mémoire) pour me diriger vers un niveau
méso à savoir la compréhension de la mise en œuvre du projet pédagogique (de l’écriture du
projet à son actualisation) dans les Ecoles jusqu’à un niveau micro (les jeunes décrocheurs
accueillis et leurs « spécificités »). Afin de répondre au rôle qui m’a été confié, il m’a fallu
adopter une posture distanciée et outillée. Dans un premier temps de ce travail, j’ai donc
cherché à comprendre, le « système de références existant dans l’environnement étudié
autrement dit : « la culture E2C ». Dans la mesure où j’étais accueillie au sein des Ecoles et
dans de nombreuses réunions préparatoires à la mise en place du dispositif en tant que chargé
de mission du Réseau, ce travail de recueil exploratoire (dans une perspective interprétative)
m’a été grandement facilité. Ce travail s’est inscrit dans une démarche ethnométhodologique
(que j’évoquerai ultérieurement) dans la mesure où il s’agit d’un travail interactif qui vise la
construction du sens. Ainsi, dès les réunions préparatoires, j’ai pu communiquer avec les
équipes pédagogiques à partir d’observations en vue d’une intercompréhension sur le sens de
40
qui est fait au sein des E2C et plus spécifiquement ensuite sur le sens de la mise en œuvre du
dispositif test.
6.6.2 Le choix d’un outil sociologique : l’entretien semi-directif
Avant d’exposer les résultats, il me reste à présenter d’une part les moments de recueil
d’information et d’autre part les outils utilisés en ce sens.
Période Etape du recueil
d’information et acteurs concernés
Objectif visé Outils utilisés
De novembre 2007 à avril 2008
Observation du dispositif E2C (visite de 9 Ecoles)
-contextualisation - quelle est la culture
E2C ? - quelles modalités
pédagogiques pour quel public ?
Entretiens d’explicitation
Janvier 2008
Réunion avec les directeurs d’Ecole
concernés (dont le chef de projet)
Construction d’un système de références
communes avec le groupe de pilotage
Echanges sur la base du travail de
référentialisation jusqu’ici effectué
Mai 2008
Présentation du référentiel en cours de
construction (voir annexe 8) aux équipes
pédagogiques (directeurs, formateurs, chargés de
relation entreprise)
- poursuite du travail sur la construction de
références communes - des objectifs de transparence et de
communication sont posés
Référentiel en cours de construction
Mai 2008
Entretiens semi-directifs organisés autour du
référentiel en cours de construction avec les
équipes
Evolution et amélioration du référentiel en cours de
construction
Grille d’entretiens semi directifs (voir annexe 7)
Mai et juin 2008
Entretiens semi-directifs avec les jeunes qui
viennent d’intégrer le dispositif dont un entretien collectif)
Recueil d’information sur le parcours des jeunes,
sur leurs opinions et leurs attentes par rapport au
dispositif qu’ils venaient d’intégrer)
Régulation de l’action
Grille d’entretien semi directif (voir annexe 7)
Juin et juillet 2008
Entretiens semi-directifs avec les jeunes des
Ecoles qui finissaient le test: bilan de l’action
Réponse à la question de recherche
Stabiliser le référentiel
Grille d’entretien semi directif (voir annexe 7)
Juin juillet et septembre 2008
Entretiens semi-directifs avec les équipes des
Ecoles qui finissaient le test: bilan de l’action
Stabiliser le référentiel Grille d’entretiens semi directifs (voir annexe 7)
Septembre 2008 Bilan de l’action avec les directeurs (dont le chef
de projet) Stabiliser le référentiel
Construction d’un référentiel stabilisé voir
infra)
41
6.6.2.1 Les entretiens semi-directifs des équipes pédagogiques
J’ai réalisé des entretiens semi-directifs et avec les jeunes et avec les équipes
pédagogiques participant à l’expérimentation. Le choix des entretiens semi-directifs s’est
imposé à moi de par le sens du travail effectué ici.
Ainsi, les entretiens semi-directifs menés avec les équipes pédagogiques au début et à la
fin de l’expérimentation ont été un outil parmi d’autres (que sont l’observation outillée de
novembre à mars et analyse détaillée des projets de chacune des écoles) pour proposer un
référentiel en cours de construction puis un référentiel stabilisé. L’entretien m’a semblé tout
adapté puisque :
« En tant que processus interlocutoire, l’entretien est un instrument d’investigation spécifique, qui aide donc à mettre en évidence des faits particuliers. L’enquête par entretien est l’instrument privilégié de l’exploration des faits dont la parole est le vecteur principal. Ces faits concernent les systèmes de représentations (pensées construites) et les pratiques sociales (faits expériencés). » (Blanchet et Gotman, 1992)
Autrement dit, le but était de rendre intelligible l’action exercée au sein des Ecoles.
L’entretien semi-directif (avec des questions ouvertes) semblait tout à fait adapté puisqu’il
permet non seulement à l’interviewer de guider l’interviewé (notons aussi que la grille de
l’entretien reproduite en annexe 7 était posée devant lui) et ne pas perdre de vue son objet de
recherche mais aussi parce qu’il permet à l’interviewé d’avoir une certaine initiative dans le
déroulement et le contenu de ce moment d’expression. Les grilles ont été conçues de manière
à alimenter le référentiel en cours de construction : autrement dit, le référentiel en cours de
construction et le référentiel stabilisé ont été construits à partir de l’analyse de ces entretiens
et des entretiens des jeunes.
Au cours de ces analyses, il ne s’agissait pas d’adopter un paradigme normatif dans une
perspective sociologique (Durkheim, Weber, Parsons) qui postule une théorie de l’action
fondée sur des règles, des normes (les motivations des acteurs font partie de modèles
normatifs qui règlent les comportements et les perceptions réciproques. Nos valeurs partagées,
qui nous dépassent et nous gouvernent, nous permettent de maintenir l'ordre social et de le
reproduire dans chaque interaction), mais d’adopter un paradigme interprétatif, dans une
perspective ethnométhodologique14. Ainsi, pour Garfinkel, le père de l’ethnométhodologie,
les individus ne subissent pas simplement ces normes, ils en sont conscients (ils les
14 L’exposé qui suit s’appuie sur Coulon (1987)
42
découvrent en situation) et peuvent accepter ou non de s’y soumettre. Les ethnométhodes
peuvent être décrites comme « les méthodes par lesquelles les êtres humains construisent la
réalité de la vie quotidienne ». Les activités des membres d’un groupe donné sont liées à leur
compréhension du sens de leurs comportements de tous les jours. Parce qu’elles sont avant
tout des connaissances tacites, elles sont peu accessibles par un non-membre, qui ne partage
ni les savoirs communs ni les savoirs-faires de ce groupe. Par ailleurs, au-delà du travail
d’identification et d’analyse de ces ethnométhodes accompli pour ce chantier, c’est un travail
d’appropriation de ces ethnométhodes (dont la trace matérielle dans ce chantier est la
construction du référentiel en cours de construction de ce dispositif), en tant que nouvelle
chargée de mission du réseau des Ecoles de la 2e Chance que j’ai été amené à effectuer. En
outre, adopter une perspective ethnométhodologique, c’est ne pas séparer l’objet d’étude et
son contexte et c’est également ne pas omettre de mettre en exergue le rôle que joue le
« chercheur » dans cette construction. Dès lors, le référentiel « stabilisé » construit sur
l’analyse (notamment) de ces ethnométhodes n’est jamais qu’un référentiel lié à un contexte
(un moment, des acteurs avec leur âge, leur sexe et leur rapport hiérarchique, une méthode)
autrement dit il s’agit bien plus d’une « référentialisation » utilisable en priorité (en vue d’une
amélioration) par les trois Ecoles qui ont fait ce test et moins par l’ensemble des Ecoles du
Réseau.
Soulignons pour finir que si les premiers entretiens semi-directifs effectués soit avant le
démarrage du dispositif soit au tout début sont des entretiens individuels, les seconds sont des
entretiens collectifs, ce qui a permis un travail interactif sur la construction du sens. Ainsi,
pour Garfinkel, (voir Coulon, 1987) l’intercompréhension passe par la coordination des
actions des interactants ainsi que par la coopération. Ces derniers peuvent coopérer parce
qu’ils partagent des savoirs communs qui leur permettent d’interpréter les paroles et les
actions les uns des autres. Garfinkel parle ainsi de « mécanisme de la réciprocité » : chaque
interactant est pris dans une activité d’inférence continue ; X essaie d’interpréter les actions
de Y, en essayant de deviner comment Y va interpréter ses actions à lui, X ; il essaie ensuite
d’interpréter simultanément comment Y va croire que lui, X, a interprété les actions de Y, et
ainsi de suite.
Au total, l’on retiendra que ce qui a été en jeu dans d’analyse des descriptions des actions
des équipes était la construction de la réalité, d’une certaine réalité.
43
6.6.2.2 Les entretiens semi-directifs des jeunes
Le choix de cet outil répond également à un objectif : structurer l’entretien afin de pouvoir
répondre à la question de recherche tout en laissant une part d’initiative aux jeunes
interviewés afin qu’ils puissent se raconter. Deux grilles d’entretien construites en ce sens ont
été construites : la première, utilisée lors des entretiens en début et milieu de parcours, a été
construite notamment dans le but de cerner les représentations de ces jeunes relativement à
l’école, l’orientation et le monde professionnel. L’entretien (semi-directif) trouve ici sa place
dans la mesure où il est «l’instrument le plus adéquat pour cerner les systèmes de
représentations, de valeurs, de normes véhiculées par un individu » (Ruqoy, 1995, p. 62).
La seconde grille d’entretien, construite sur le mode du bilan, avait pour vocation de
cerner l’évolution des jeunes et de leurs représentations à l’issue de ce parcours de formation.
Ces deux grilles sont reproduites en annexe 7.
Concernant l’échantillonnage, j’ai procédé, au total, à 14 entretiens, sur la base du
volontariat. Ce sont leurs formateurs référents qui me présentaient aux jeunes. Puis, dans un
second temps, j’expliquais rapidement aux jeunes mon rôle au sein du Réseau et mon rôle
dans ce dispositif. J’ai insisté sur le fait que ces entretiens avaient pour principale vocation de
faire avancer et évoluer le dispositif qu’ils venaient d’intégrer avec eux. Il est à noté qu’à
l’exclusion d’un groupe de jeunes qui refusait de se séparer pour être interviewé, tous les
entretiens sont des entretiens individuels. Parce que ce travail cherche avant tout à cerner de
manière générale les profils de ces jeunes décrocheurs (en cherchant à le comparer avec le
profil des jeunes habituellement accueillis et à mettre en exergue des modes d’action
adéquat), tous les entretiens qu’ils soient individuels ou collectifs sont traités et analysés de la
même manière.
7 Analyses des entretiens semi-directifs des jeunes
7.1 Rappel des hypothèses à vérifier
Rappelons quel est l’enjeu de ce chantier : pour les Ecoles de la 2e Chance les jeunes
décrocheurs accueillis au sein de ce dispositif constituent un public différent de celui
habituellement accueilli. En effet, parce que les jeunes décrocheurs n’ont pas connu un espace
de rupture d’un an au minimum, ils n’ont pu expérimenter la galère qui amène à une certaine
« maturité de la misère ». El Houat et Pane (2004) après avoir mené des entretiens semi-
directifs avec des jeunes (majeurs, dont le parcours est marqué par un an minimum de
44
rupture) del’E2C de Marseille constatent à ce propos que dans ces entretiens le thème « récit
de galère » est récurrent et que « cela s’explique aisément par le fait que l’E2C ne « recrute »
qu’après une sortie d’au moins un an de toute formation, qu’elle soit initiale ou
professionnelle ». En reprenant les théories de Dubet (1997) elles affirment que ces récits de
galère amène ces jeunes à adopter « une attitude réflexive » et de « finalement se mettre dans
une position « d’ouverture », prenant appui sur l’institution deuxième chance ».Dans le cas de
ce dispositif, il convient de se demander si les jeunes qui arrivent sur le dispositif sont en
position d’ouverture afin de « raccrocher » et trouver une solution d’orientation, en
s’appuyant sur l’Ecole. Nous l’avons dit, nous fonderons nos analyses ici sur le cadre
théorique de la TSCOP qui met en exergue la capacité des personnes à diriger leur propre
orientation scolaire et professionnelle sans chercher à nier l’importance de facteurs
contextuels (la personne et ses cognitions, son environnement) qui, dans une perspective
intégrée peuvent soit contribuer à affaiblir ou augmenter la puissance d’agir de la personne,
son agentivité, son autocontrôle dans les processus d’orientation. L’autocontrôle est à
comprendre comme un synonyme d’autorégulation. Toutefois, ce contrôle volontaire que
nous pouvons exercer sur nous-mêmes n’implique pas forcément que nous sommes
constamment dans une position de réflexivité. A ce titre Barone et al (cités par Vouillot et al.
2006, p.10) indiquent que « La TSC fait l’hypothèse que les personnes peuvent modifier leurs
buts, leurs stratégies et types de comportement et les situations dans lesquelles elles se
trouvent.[…] Bien sûr, faire l’hypothèse que les humains exercent leur volonté ne revient pas
à dire que nous sommes toujours ou habituellement rationnels […] La TSC postule que le
comportement efficacement dirigé vers un but et la régulation de soi sont essentiels pour
l’ajustement psychologique et le bien-être ».
7.1.1 Une analyse thématique
J’ai analysé les entretiens semi-directifs selon l’analyse thématique du discours, en
m’appuyant sur les travaux de Bardin (1977).
Nous avons procédé comme suit :
- retranscription intégrale des entretiens,
- dégagement de thématiques à partir d’une première lecture de ces derniers,
- codage et répartition des données du discours au sein de chaque thématique,
- analyse des catégories pertinentes.
45
7.1.2 Cartographie des thèmes
J’ai essayé, dans un premier temps de ce travail, de développer une cartographie aussi
détaillée que possible des thèmes qui apparaissent dans le discours des jeunes aussi bien dans
le discours spontané des jeunes (première partie de l’entretien) que dans la seconde partie
(évocations de termes) : en effet, même si la seconde partie apparaît thématiquement plus
contrôlée, les thèmes déjà identifiés dans la deuxième peuvent également y apparaître ; en
outre, les relances ont permis soit de prolonger notre découpage en thèmes soit d’affiner nos
sous-thèmes. Le tableau ci-dessous présente les thèmes et les sous-thèmes (dans leur ordre
d’apparition, à partir de l’analyse de l’entretien du jeune A) ainsi que leur fréquence
d’apparition. Cette analyse thématique prend appui sur une unité déterminée : le tour de
parole entendu comme une intervention d’un jeune (le comptage s’effectue ainsi : chaque fois
qu’un thème apparaît dans un tour de parole, il est pris en compte et comptabilisé) :
THEMES SOUS-THEMES
libellé_THEMEfréquence
d'apparitionlibellé_SOUS_THEME
fréquence
d'apparition
évocation du parcours scolaire 16,8% copains 6,0%
structures fréquentées 43,3%
rapport à l'école 50,7%
école de la 2e chance 29,1% réunion d'information 0,9%
cadre 5,6%
sentiments généraux par rapport à l'E2C 12,1%
démarche pédagogique 18,7%
accompagnement 3,7%
motivation à l'inscription 22,4%
information en amont sur le dispositif 13,1%
connaissance de l'E2C avant l'intégration 9,3%
groupe 7,5%
rémunération 2,8%
les "grands" 3,7%
apprentissages théoriques et pratiques 12,0% - -
environnement affectif 11,4% représentation des métiers 6,9%
rapport à l'école 13,8%
rôle de la famille dans l'orientation 27,6%
éléments de vie 51,7%
monde du travail 8,7% importance de la formation 32,1%
représentation sur le chômage 64,3%
rôle de l'orientation 3,6%
le jeune "acteur"... 5,4% ... dans son orientation 60,0%
... dans son accès à l'autonomie 40,0%
l'argent 0,8% - -
l'accompagnement 5,7% évocation des structures d'accompagnement 37,5%
représentation des structures d'accompagnement 56,3%
accompagnement par les parents 6,3%
maturité 7,3% expérience 36,4%
la majorité 63,6%
réussite 0,8% - -
socialisation 1,9% - -
46
7.1.3 Analyses qualitatives
Ce tableau nous montre que le thème principal de ces entretiens est le dispositif E2C que
les jeunes viennent d’intégrer et plus spécifiquement leur motivation à intégrer ce dispositif.
C’est par cette « entrée » que j’ai donc choisie d’analyser qualitativement les entretiens. Mon
hypothèse a été la suivante : c’est en s’appuyant sur les différentes motivations des jeunes à
intégrer le dispositif que l’on peut mettre au jour des modalités d’adaptations du dispositif
E2C aux jeunes décrocheurs. Autrement dit, l’analyse de ces entretiens m’a permis de mettre
en exergue des profils de jeunes selon leur motivation à intégrer le dispositif et les
« réponses » que les E2C peuvent leur proposer. Ces analyses se fonderont sur le cadre
théorique de la TSCOP qui met en exergue la capacité des personnes à diriger leur propre
orientation scolaire et professionnelle sans chercher à nier l’importance de facteurs
contextuels (la personne et ses cognitions, son environnement) qui, dans une perspective
intégrée peuvent soit contribuer à affaiblir ou augmenter la puissance d’agir de la personne,
son agentivité, son autocontrôle dans les processus d’orientation. Dès lors, les autres thèmes
mis en évidence dans ces entretiens (à savoir notamment le rapport à l’école, aux savoirs
théoriques et pratiques, les représentations face au monde professionnels, l’accompagnement
par la famille ou une structure) me serviront également de fil conducteur dans la mis au jour
de ces profils. Ainsi donc, j’essaierai de mettre en évidence les variables sociales cognitives
qui permettent aux jeunes accueillis d’influer positivement ou négativement sur leur propre
orientation professionnelle et plus généralement les autres variables personnelles et
environnementales peuvent affaiblir ou renforcer leur autocontrôle sur leur orientation.
Il est à noter que, je ne me suis pas servie dans ces analyses, des données concernant le
profil des jeunes qui m’ont été communiquées ultérieurement par les Ecoles dans la mesure
où ce qui m’intéressait ici c’était les jeunes et leurs représentations (face au dispositif de pré-
orientation, à l’école, à la formation…).
7.1.3.1 Motivation des jeunes à intégrer le dispositif et possibilités d’accompagnement
par les E2C
Concernant les jeunes adultes, habituellement accueillis au sein des E2C, une équipe
indique qu’: « ils ont une motivation qui n’est pas forcément liée à la formation mais à ce que
va permettre de mettre en œuvre cette formation puisqu’on a ceux qui veulent vraiment venir
en formation, travailler le français, les maths, construire des perspectives professionnels et
puis ensuite s’inscrire professionnellement ; et puis, il y a ceux qui viennent là, ils savent qu’à
47
l’Ecole, on a un portefeuille d’entreprises qui leur permettra de construire des parcours de
retour à l’emploi et de retrouver rapidement un emploi ».
Autrement dit, la poursuite d’un parcours à l’E2C pour le public habituellement accueilli
s’appuierait sur deux types de motivation : une motivation fondée sur la remise à niveau
(« rattraper » un niveau scolaire en vue de construire un projet professionnel) ou alors saisir
une opportunité (d’embauche ou de qualification) par rapport à un projet professionnel précis.
C’est sur cette motivation intrinsèque que les E2C construisent une modalité particulière de
leur démarche pédagogique : l’engagement dans le parcours de formation. Ainsi, comme le
soulignent Joule et Beauvois (1998, p. 60) « l’engagement correspond aux conditions de
réalisation d’un acte qui, dans une situation donnée, permettent à un attributeur d’opposer un
acte à l’individu qui l’a réalisé ». Autrement dit, il n’y a engagement que lorsque le sujet
s’attribue l’acte. Afin de faciliter l’engagement des stagiaires dans leur parcours de formation
au sein des E2C, « les stagiaires disposent d’une période d’intégration qui peut aller de trois à
sept semaines selon les Ecoles. Au cours de cette "période d’essai" le stagiaire vérifie que le
programme proposé correspond à ses attentes et qu'il est capable de s'y tenir, il peut arriver
qu’il quitte la structure de son propre gré. » (Étude pour l’essaimage du dispositif). Ainsi, la
plupart des stagiaires de Marseille interviewés par El Houat et Pane (2004, p. 69) parlent
clairement de leur « choix d’être là » et de leur « liberté de s’engager « : « si ça nous plaît pas
on reste et si ça nous plaît pas, on s’en va quoi », « on vient si on veut, ils vont pas venir nous
chercher, c’est pas comme au collège où on est obligé ».
Avant de s’interroger sur les motivations des jeunes 16 / 18, notons que la période d’essai
qui permet une contractualisation formalisée par la signature du contrat d’engagement15 par le
stagiaire et l’Ecole et parfois également par la Mission Locale et/ou PAIO, a été très courte, et
au travers notamment d’une démarche de bilan rapide, il a fallu rapidement formuler des
objectifs. Dans les entretiens-bilans, les équipes pédagogiques déplorent ce manque de temps
qui n’était pas propice à mettre en place un contrat d’engagement dans la durée. En outre, la
deuxième difficulté à laquelle les Ecoles ont dû faire face a été le statut de mineur de ces
jeunes, qui impose de facto la prise en compte d’un nouveau cadre juridique : « il faut sans
cesse que quelqu’un de l’équipe de l’Ecole jette un œil sur ces jeunes. Ce sont des mineurs.
Vous mettez un majeur dehors, pas de problème, mais les mineurs…On a pas le même cadre
15 En signant ce contrat le stagiaire s'engage à respecter les règles de l'Ecole et celles de l'entreprise, à mettre tout en oeuvre pour réussir tandis que l'Ecole s'engage à mettre à sa disposition tous les moyens dont elle dispose pour accompagner cette réussite. Le contrat pédagogique est le fondement du processus éducatif car il constitue la base d’un engagement réciproque auquel on pourra se référer par la suite.
48
juridique. Avec les jeunes majeurs qui font des bêtises ou qui vont pas bien, on peut dire ben
écoutez rentrez chez vous. C’est pas la même chose là, on a la responsabilité de mineurs ».
Que nous apprennent les entretiens réalisés auprès des jeunes 16 / 18 sur leur engagement et
sur la motivation qui les pousse à suivre le parcours qui leur est proposé ? J’ai procédé à une
analyse qualitative sur la base des segments d’entretiens qui se réfèrent à l’engagement du
jeune dans son parcours et ai pu mettre en lumière XX logique :
7.1.3.2 Une logique d’attente de travail
« Au bout de ces 12 semaines, on aura un truc, quoi, j'espère », remarque le jeune A.
Force est de constater que l’objectif visé à la fin de la formation demeure très vague.
Remarquons aussi que le jeune A n’utilise pas le pronom je mais le pronom on. Or, comme le
souligne Atlani (1984, p.24), on est « n’importe qui, tout le monde, les gens, tout sujet à la
condition qu’il soit indéfini ». Le jeune ne semble ni l’acteur de ce choix de suivre le
dispositif, ni l’acteur de ce qu’il prononce : « on aura un truc » semble être ici un résumé de
ce qu’il a retenu de la réunion d’information et de la journée d’accueil, « et enfin quoi
j’espère » indique une prise de distance par rapport a ce qui a été dit. Son manque d’intérêt
pour l’objectif visé par le dispositif (la pré-orientation pour raccrocher un parcours de
formation) est également visible lorsqu’il dit
En tout. Je pensais qu’on allait écrire et vu que moi j’aime pas trop les cours…Bon, je sais
qu’on va en faire en apprentissage. On va en faire un peu des maths, du français mais peut
être qu’il faut que j’attende mes 18 ans pour être tout prêt pour un métier
Son entrée dans ce dispositif ne lui offre pas de perspective dans la mesure où il est en
position d’attente : il considère que seul le fait d’être majeur est important pour trouver un
travail. Remarquons, en outre, que cette position d’attente est également perceptible au travers
du fait qu’il refuse d’évoquer son parcours de vie et son parcours scolaire : il ne souhaite pas
se mettre en mots et refuse donc d’amorcer une position réflexive, une « conversation avec la
situation » (Schön, 1994). Il se projette certes dans l’avenir mais c’est seul le travail
(contrairement à l’école ou à tout autre dispositif) qui lui permettra d’apprendre. Sa
représentation de l’apprentissage par le travail est visible dans cet extrait de l’entretien :
Vous connaissez des gens au chômage ?
Ouais et franchement je préfère travailler que toucher le chômage
49
Pourquoi ?
Parce que gagner des sous sans rien faire, pour moi, c’est pas…C’est pas voilà quoi, c’est
pas bien. Ça fait toujours plaisir d’avoir un petit peu de sous mais après on apprend rien, on
fait rien.
Ainsi donc, tout l’enjeu pour les équipes pédagogiques dans le raccrochage scolaire de ce
jeune est de l’accompagner afin de lui donner à voir et à comprendre l’utilité individuelle et
sociale des apprentissages, de tous les apprentissages, sans hiérarchisation. Toutefois, dans ce
dispositif conçu non comme un nouveau dispositif mais comme une adaptation des pratiques
des Ecoles, le levier est bien faible : les jeunes accueillis habituellement dans les E2C ont, on
l’a vu, un « projet » ou une envie (que l’on peut scinder grossièrement en deux familles16 : la
qualification pour un métier17 ou l’opportunité de s’inscrire dans le tissu économique local
grâce au portefeuille entreprises de l’Ecole) et s’engagent volontairement dans le parcours.
Ainsi, le travail des Ecoles s’appuie principalement sur un objectif (même s’il est encore peu
défini) que s’est fixé le jeune afin de développer un projet contractualisé, dans un cadre
institutionnel qui permet à la fois de mettre en œuvre un apprentissage individualisé, le
développement d’un projet personnalisé et le suivi très étroit du processus d’apprentissage, au
travers d’une pratique réflexive du stagiaire sur ses apprentissages qui vise à la fois
l’acquisition de compétences objectives nouvelles mais aussi le renforcement des motivations
à l’apprentissage. En effet, cette pratique réflexive sur ses apprentissages, accompagnée par
un formateur, permet au stagiaire d’expliciter ses acquis, à en prendre conscience et à s’en
attribuer la paternité et à formuler de nouveaux objectifs. Or, comme le souligne Lent (2008,
p74) le fait d’atteindre soi-même les objectifs que l’on s’est fixés constitue un terrain
particulièrement fertile d’intervention qui permet d’alimenter le sentiment d’efficacité
personnelle, qui est l’un des éléments clés dans la construction des intérêts scolaires et
professionnels visés dans ce dispositif de pré-orientation. Parmi les solutions proposées afin
de faire en sorte que les jeunes décrocheurs qui arrivent dans le dispositif soient dans une
dynamique d’engagement libre et de construction d’un projet avec l’Ecole, l’un des
formateurs interrogés propose un « sas d’entrée » avant l’intégration dans le dispositif : « tout
16 Une analyse bien plus fine s’imposerait bien sûr. 17 Le « phasage » (stages de découverte puis stages de confirmation de projet) proposé dans les Ecoles permet de construire le projet professionnel
50
ce qui est régie du quartier, il faut qu’ils jouent un peu le jeu pour que les jeunes intègrent un
chantier de 2-3 semaines parce que ça redynamiserait le jeune, de retravailler et de
redécouvrir avant d’intégrer l’E2C »
7.1.3.3 L’engagement : une réponse au milieu dans lequel évolue le jeune
Parfois, l’engagement dans le parcours apparaît comme une réponse au milieu dans lequel
évolue le jeune.
Vous avez eu de l’aide pour votre orientation ?
Ma mère.
Qu’est-ce qu’elle vous a dit ?
Tu veux pas te marier jeune toi non plus. Comme tu as arrêté l’école jeune, faut que tu
fasses une remise à niveau pour que tu aies un métier pour toi et que tu passes ton permis et
que tu travailles avant de te marier, plein de choses comme ça. Et là, maintenant, je suis là.
Bien que cette jeune fille ait a priori eu le soutien de sa mère pour intégrer le dispositif,
c’est à la demande de ses parents qu’elle a mis fin à son parcours dans le dispositif. De tels
épisodes ont fait émerger la constatation suivante : il est important d’intégrer les parents dès le
début dans le dispositif (notamment dans les réunions d’information) et de travailler de
manière étroite avec les acteurs de terrain, en relation avec les familles. Soulignons également
que l’un des freins des parents à l’intégration de leur enfant au sein du dispositif ou à la
poursuite du parcours, résidait dans le fait que la formation n’était pas rémunérée. Tous les
directeurs sont unanimes pour ne pas cautionner l’idée d’une formation rémunérée : la
« rétribution » que les jeunes auraient eu au titre de stagiaire de la formation professionnelle
eu égard à leur âge et à leur expérience n’aurait pas accéder 130 euros ; on est donc bien loin
d’un salaire. L’on peut néanmoins soutenir l’idée de faire bénéficier aux jeunes de cette
rétribution, en arguant du fait qu’il s’agit d’une bourse, d’une aide liée aux conditions de la
formation et non d’un salaire (voir infra).
Toujours dans l’idée d’aller plus en avant dans notre analyse de l’engagement du jeune
dans le dispositif conçu comme une réponse à son environnement, analysons l’entretien du
jeune B. Ainsi le jeune B, affirme que « j'avais rien à faire, il fallait bien que je trouve un truc
et « Déjà moi, je suis venu par force même si c'était pour moi et qu'on m'a fait comprendre
que c'était pour moi ». S’il affirme que c’est sa copine qui l’a lui a fait comprendre que
51
« c’était pour lui », il précise ensuite néanmoins « je suis venu en gros pour moi parce que
j'étais rien, j'étais tous les jours chez moi, je rentrais tard et dès fois, ça me manquait l'école et
je disais : " ça me manque l'école " et tout ; et là, on me disait, tu n'as qu'à faire un truc et tout,
voilà quoi. Aujourd'hui, j'ai envie de ne plus rien faire et dès fois il y a des patrons qui
prennent des apprentis, dès fois ». Le milieu dans lequel évolue le jeune semble avoir eu un
rôle important dans le processus de conscientisation de « faire un truc » et donc dans l’envie
de « plus rien faire ». Le choix de s’inscrire dans ce dispositif est « localisée » : il s’inscrit
dans une logique par rapport à la situation vécu par le jeune et par les retours qu’il reçoit et
perçoit de ses proches. Peut-on encore parler véritablement d’engagement dans le sens
exprimé par Joule et Beauvois ? Autrement dit, y-a-t-attribution de l’acte de s’engager et de
suivre ce dispositif ? A cet égard, il est intéressant de remarquer que le jeune indique
également qu’il a un projet professionnel qu’il aimerait voir se concrétiser à la fin de ce
dispositif :
Aujourd’hui, quelles sont vos attentes par rapport à ce dispositif ?
Moi, travailler
Dans quoi ?
En restauration, en apprentissage, c’est pas comme au lycée pro
Le jeune B était inscrit en lycée pro (en restauration) mais il a été exclu. Aujourd’hui son
projet professionnel reste le même (la restauration) mais il souhaite s’inscrire en apprentissage
dans la mesure où « C’est pas des cours qu’on apprend. On apprend pas ». Il justifie donc son
choix de formation par son intérêt pour les apprentissages pratiques et fait remarquer que s’il
y des maths et du français « c’est pour nous »18, il souligne également que « ça se passe mieux
en entreprise ». Eclairons ces propos au regard des apports de la TSCOP et plus
particulièrement du modèle du choix professionnel. L’on peut faire l’hypothèse que le jeune B
a exprimé un choix initial et s’est inscrit en lycée professionnel (mise en œuvre d’actions pour
atteindre son propre but) toutefois, exclu, il n’est pas allé au bout de sa formation. Cette
expérience d’apprentissage a vraisemblablement incité le jeune B à réviser ses sentiments
d’efficacité personnel et ses attentes de résultat, ce qui aurait dû l’amener à modifier ses
intérêts et ses buts. Ainsi, l’on aurait pu faire l’hypothèse qu’en s’inscrivant dans ce dispositif,
le jeune B aurait pu (notamment) exprimer le choix et d’un autre type d’études et d’une
18 Nous reviendrons sur les représentations concernant les apprentissages théoriques et pratiques.
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nouvelle voie professionnelle. Si le jeune B choisit effectivement un autre type de formation
(l’apprentissage), il n’en est rien concernant son choix professionnel qui reste le même. On
peut émettre l’hypothèse que les stages en entreprise (« ça allait mieux en entreprise »), ont
été particulièrement exemplaires pour lui (expérience réussie) et qu’ils alimentent une
« boucle de rétroaction » (Lent, 2008, p.65) qui ont un rôle indéniable sur les modalités des
choix ultérieurs. Afin que son projet se concrétise, il est important d’accompagner le jeune B
dans son évolution notamment face à ses représentations de l’apprentissage. Le dispositif qui
vise également l’apport d’informations sur les formations, propose par la visite de CFA et la
rencontre avec des apprentis favorise une « élaboration d’attente réaliste » (Lent, op.cit. p.75)
à l’égard des représentations sur l’apprentissage et des aspects considérés par le jeune B
comme attrayants (cf. son discours sur les stages en entreprise ou encore ses représentations
face aux savoirs théoriques). Notons cependant que l’engagement du jeune dans le dispositif
reste toutefois très fragile. Même s’il a un objectif professionnel, son objectif de formation est
avant tout corrélé à la pression du milieu dans lequel il évolue.
Il ne faut perdre de l’esprit que si l’individu choisit sa voie professionnelle,
l’environnement choisit aussi les personnes. Il est important (mais aussi difficile) de
circonscrire toutes les variables qui entrent en jeu dans le processus du choix professionnel.
Dans le cas du jeune B, le choix de suivre une formation (quelque soit, semblerait-il) est
également contraint, on l’a vu, par la pression du milieu dans lequel il évolue. L’engagement
du jeune semble dès lors très fragile et la « pédagogie du contrat » mise en place par les E2C
n’est pas aisée à initier, comme le montre notamment ses difficultés à accepter le « cadre »
Moi je sais pas c’est un peu chelou ici.
C’est-à-dire ?
Si tu viens en retard, on te prend pas […]
Les entretiens bilan effectués avec les jeunes témoignent également de cette difficulté à
accepter le cadre :
Ouais, ils m’ont aidé à avancer. Mais on est trop derrière moi. On a pas assez de liberté
L’on retiendra que le processus d’engagement dans le dispositif est un processus
relativement long et c’est pour cela que les trois Ecoles qui ont fait ce test insistent sur le fait
qu’une période de 12 semaines est trop courte.
53
7.1.3.4 Une logique de découverte de soi et de ses intérêts
D’autres jeunes, comme le jeune L, indiquent qu’ils sont là pour «savoir ce que je veux
faire ». Or, comme le postule la TSCOP (Lent, 2008, p.77), les intérêts peuvent notamment ne
pas s’être développés à cause de sentiments d’efficacité personnelle anormalement faibles. La
démarche de bilan et de construction d’un plan de formation individualisée dans laquelle
s’inscrivent les jeunes dès leur entrée dans le dispositif jouent un rôle important puisque
comme le souligne Betz et Hackett (cités par Vouillot et al. 2006, p.11) les sentiments
d’efficacité personnels scolaires et professionnels jouent un rôle médiateur majeur dans le
choix professionnel. Ainsi : « De nombreuses recherches montrent que les croyances
d’efficacité personnelle jouent un rôle clé dans la carrière professionnelle. Plus l’efficacité
perçue à répondre aux exigences éducatives et aux fonctions professionnelles est élevée, plus
l’éventail des professions que les individus envisagent sérieusement de choisir est large et
plus l’intérêt qu’ils manifestent à leur égard est grand (Bandura cité par Vouillot et al, 2006,
p.11).
Ainsi, le plan de formation individualisé qui permet de fixer des objectifs dont le niveau
augmente progressivement peut accroître un sentiment d’efficacité personnelle lié à la
maitrise d’un objectif donné (qui donne lieu, on l’a vu à un « processus de restructuration
cognitive » (Lent (op.cit., p.75).La TSCOP ne devrait pas appuyer ses efforts uniquement sur
le renforcement des sentiments d’efficacité personnelle. Ainsi, l’apport d’information sur les
formations et les métiers est également, on l’a vu, un levier pour favoriser l’élaboration
d’attentes réalistes à l’égard par exemple d’un métier et constitue un mode
d’accompagnement adéquat dans le processus d’orientation. Cette confrontation au réel est
nouvelle pour la plupart des jeunes reçue au sein du dispositif : ainsi, une équipe pédagogique
note dans son bilan de l’expérimentation « Pour la plupart, ils n’avaient jamais fait de stage
pratique en entreprise, seulement des mini-stages de découverte et d’observation en fin de 3e.
Les stages ont ainsi permis de confirmer ou d’infirmer leur choix d’orientation
professionnelle ». Ces stages ont demandé aux Ecoles certaines adaptations : il a fallu trouver
des solutions pour le risque d’accident du travail, dans la mesure où contrairement aux jeunes
accueillis, ils n’avaient pas le statut de stagiaire de la formation professionnelle. Enfin,
remarquons que même si la plupart de ces jeunes sont très en demande par rapport à cette
confrontation au réel, beaucoup ont peur de l’entreprise :
54
« Même s’ils sont très demandeurs, une peur bleue de l’entreprise. Attendez, comment ça
va se passer là et je vais faire quoi là ? Je me souviens en particulier de P qui devait aller à
l’Holiday Inn. Alors qu’on avait vu l'entreprise, on l’avait accompagné, une peur ! Alors qu’il
avait dit pourquoi vous me ramenez pas en entreprise ? Et le jeune qui devait aller au T et qui
est absent le jour où l’on devait aller au T »
Toutefois, les modalités habituelles mises en place habituellement par les E2C, ont permis
de contourner certaines appréhensions : l’assistance dans la recherche de stage, des objectifs
clairement définis en amont du stage, les retours de stage conçus comme des moments des
moments privilégiés pour faire pour faire le point sur ses acquis, ses prochains objectifs, les
freins rencontrés et les solutions à y apporter. Lorsque l’on regarde de plus près les bilans des
jeunes sur les stages qu’ils ont déjà effectués au moment des entretiens, l’on voit qu’ils
mettent notamment l’accent sur le développement de leurs habiletés sociales :
Vous avez fait des stages en quoi ? En pépinière, en espace vert et 2 jours au CFA en pâtisserie et en boulangerie. Un jour
chacun. C’est tout, c’est déjà pas mal. Ça vous a plu ces stages ? Oui, ça m’a plu mais c’est pas ce que j’ai envie de faire mais ça m’a montré une autre
image du travail en fait. C’est-à-dire ? Faut être à l’heure, faut savoir écouter. Et aujourd’hui vous pensez que vous allez être plus ponctuel, plus à l’heure ? Je pense que je vais faire de mon mieux mais je peux pas garantir
L’immersion en entreprise vise, en premier lieu, la « socialisation professionnelle »
(Dubar, 2000, p 139). Comme le montre l’entretien du jeune ci-dessus l’apprentissage des
codes relationnels de l’entreprise et du fait que l’appartenance ou l’exclusion dans une
entreprise ne réside pas seulement dans la maîtrise de compétences techniques mais aussi dans
la maîtrise d’habiletés sociales. Toutefois, la pérennisation de ces habiletés sociales semble
encore très fragiles lorsque le jeune affirme : « Je pense que je vais faire de mon mieux mais
je peux pas garantir » Il faudrait ici effectuer une étude auprès des jeunes majeurs
habituellement accueillis au sein des E2C pour voir s’il y a des différences entre ces stagiaires
55
et les 16 / 18 concernant l’inscription dans le temps des habiletés sociales. Bien sûr, cette
étude devrait vraisemblablement s’appuyer sur les travaux modernes (Lerner et al., voir
Bouchard, 2002, p.1) concernant le développement des adolescents, qui contrairement à
certaines représentations présentant l’adolescence comme une période de crises où les crises
se succèdent, mettant à mal l’harmonie tant à l’école que dans les familles, postulent que
l’adolescent évolue dans un monde d’interrelations entre différents niveaux d’organisation
(biologique, psychologique, social et interpersonnel, institutionnel, culturel et historique)
entraînant de facto des modifications de relation avec le contexte dans lequel il évolue et par
là-même une modification de comportements ; enfin il ne faut pas perdre l’individu de vue
dans la mesure où les adolescents empruntent des voies différentes en fonction du groupe
d’appartenance, des différences interindividuelles etc.…. La seule hypothèse que nous
pouvons faire ici, au regard des entretiens menés, c’est que les jeunes 16 / 18 ne sont pas dans
la même temporalité que les jeunes adultes habituellement accueillis : ainsi, une Ecole note
dans son bilan que c’est l’urgence liée à leur situation qui pousse les jeunes habituellement
accueillis à fixer leurs habiletés sociales : « les difficultés rencontrées ont principalement été
l’assiduité, la motivation, la ponctualité et le manque d’intérêt pour certaines activités
proposées (en particulier la remise à niveau et les recherches). Pour les 20-30 ans, ces
difficultés sont les mêmes, mais elles sont assez rapidement surmontées par les responsabilités
familiales notamment ». Les jeunes que nous avons rencontrés indiquent clairement qu’ils ne
sont pas « pressés » :
[A propos des stages en entreprise] Ça vous a plu ? J ça nous a plu pour la journée mais travailler là-dedans non. I Moi la pâtisserie, j’ai trouvé bien, j’ai voulu, j’ai appelé beaucoup de patrons, mais ils
prennent plus, il y a plus de place, alors j’ai préféré arrêter J Non, on a peut-être moins envie comparé aux 18 ans, ils ont besoin d’argent, ils ont
besoin du permis. Nous, on baisse vite les bras, on est encore jeunes. Pourquoi ? I Nous ça va encore on a pas 18 ans J On a encore les parents derrière J On a que 16 ans, on a pas besoin d’argent
56
L’analyse de leurs représentations sur le passage à l’âge adulte fait apparaître qu’ils ont le
sentiment d’une véritable rupture entre ce qu’ils vivent aujourd’hui et ce qu’ils vivront à l’âge
adulte (marquée par la majorité, « les 18 ans » et des problématiques liées au fait que leurs
parents ne les soutiendront plus financièrement). Ils n’analysent pas ce passage comme un
processus. Les propos ci-dessous sont à ce titre intéressants :
Vous pensez l’être, autonome ? I Sur certains cas. C’est-à-dire ? I Sur une moitié oui et l’autre, on verra plus tard. J oui, l’autre moitié. On travaille pas encore donc on peut pas être autonome
Cet extrait fait apparaître que la jeune interviewée met sur le même plan indépendance et
autonomie. Or, comme le souligne Gaudet (2001, p. 75) « l’indépendance ne relève […] pas
du même processus que l’autonomie ». Une définition de l’autonomie s’impose. Comme le
souligne Gaudet (op.cit), « les racines grecques du mot évoquent l’idée de se donner soi-
même (auto) ses lois (nomos). Au cours de l’expérimentation, les Ecoles se sont fortement
interrogées sur les modalités d’accès à l’autonomie pour les jeunes 16/18. L’accès à
l’autonomie dans les E2C passe, on l’a vu, par une pédagogique du contrat, qui vise
notamment l’autorégulation des comportements dans la mesure où le stagiaire attribue un sens
aux règles parce qu’il les lie justement à ce contrat d’engagement réciproque signé ’à la fin de
la période d’essai du stagiaire. Les entretiens d’El Houat et Pane (2004, p.69) menés auprès
du public habituellement accueillis au sein des E2C font apparaître que cet engagement se
traduit notamment par le fait que pour ces jeunes la volonté est une attitude importante dans la
réussite de leurs parcours. Elles indiquent ainsi que de nombreux jeunes de l’E2C développent
« une croyance d’auto-responsabilisation dans le sens où l’entend Fournier (1992) à savoir
qu’il est conscient de la nécessité d’un impact personnel dans son insertion ». Elles ajoutent
également en faisant référence à la TSC et aux travaux de Blanchard et al. (1997) que « cette
attitude active face à l’environnement est prépondérante quand on sait qu’elle permet de
développer des compétences et des motivations intrinsèques et de pouvoir en tirer du
plaisir ». Les premiers entretiens menés avec les jeunes 16 18 font apparaître, qu’au contraire,
ils adoptent souvent une attitude passive face à leur environnement : « Pendant ces 12
57
semaines, on va faire des démarches pour moi » affirme ainsi une jeune. Une équipe
pédagogique relate également un épisode intéressant à analyser :
Ce matin, on devait aller à [inaudible] Faut être ici à 9h parce qu’il faut qu’on y soit à 9h30. Ouais, ouais, ouais.9h35, j’étais en train de proposer à un autre groupe, le scandale !
Ils disent : « on a été puni ». Je leur dis : « non vous étiez en retard ». Ils arrivent pas à
admettre qu’ils étaient en retard. C’est une punition. C’est que de l’éducatif. Là où on a manqué de temps, c’est pour travailler sur l’éducatif. Travailler sur ce qu’est-ce que c’est qu’un cadre, le respect des autres, le respect des engagements. On peut être acteur de sa vie. Quand on leur explique ça, ils se posent des questions. Vous me travaillez la tête, là, monsieur. C’est-à-dire qu’il faut travailler avec eux sur le fait qu’ils peuvent avoir prise sur leur environnement. A aucun moment, ils ne se permettent ou ils ne veulent, je ne sais pas, acteur de leur environnement.
Parce qu’ils ne sont pas arrivés à l’heure, autrement dit parce qu’ils n’ont pas respecté leur
engagement, la formatrice référente de ces jeunes a proposé la sortie à un autre groupe. Le
groupe des jeunes 16 / 18 interprètent cela comme une « punition ». De tels épisodes ont
amené les Ecoles qui ont participé à ce test à réfléchir à des adaptations liées à leurs pratiques
concernant leur pédagogie du contrat et plus généralement à amener les jeunes vers une plus
grande implication, une attitude active et donc l’autonomie. Comme le note, Gaudet (op.cit)
« le fait d’être autonome, d’apprendre à décider pour soi, n’amène pas l’individu à être
indépendant des liens sociaux » : « dans une socialisation où se développe le lien
d’interdépendance, il faut apprendre tout autant à se débrouiller seul qu’à demander de
l’aide ». Or, on le voit, pour la plupart des jeunes 16 / 18 interrogés, l’autonomie c’est
«savoir se débrouiller tout seul ». On peut faire l’hypothèse que le décrochage scolaire, la
rupture scolaire qu’ils ont connue a créé une grande méfiance chez eux vis-à-vis de
l’institution et des autres en général qu’ils ne sont pas en position de « demander de l’aide »
et d’accepter d’en recevoir :
J’ai pas vraiment aimé ça rester enfermé comme ça dans la classe , et puis quand on se
trompe, c’était à T , encore, quand on se trompe, on a des mauvaises notes que…parce que
moi j’avais des mauvaises notes aussi quand j’étais en primaire, faut absolument que toute la
classe fait ça, non le sache quoi comme ça après toute la classe se fout de toi après ; enfin,
c’est le genre de choses qui me dérangeaient et puis ben après, eu collège euh les jeunes,
parce que j’étais dans un collège de bourges, les jeunes hein ils se la pètent dès que tu as un
problème, tu sais, ils en profitent, dès que t’es affaibli, ils peuvent en profiter pour t’affaiblir
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encore plus, je sais ce qu’ils sont, ils cassent encore plus de sucre que tu sois plus…Bon ben,
c’est bon, moi j’ai lâché l’affaire […]
Cet extrait nous invite à nous attarder sur la relation des jeunes avec l’Ecole, qui apparaît
être de l’ordre du « rejet » mais aussi à postuler qu’il s’agit de rétablir une relation de
confiance avec le jeune. Nous allons traiter de chacun de ces deux points séparément.
Des interviews des jeunes adultes de Marseille effectués par El Houat et Pane (2004), il
ressort que les jeunes insistent sur l’importance de l’école et des apprentissages notamment
pour l’insertion dans le monde du travail. Alors que le « désir d’école » se manifeste pour ces
jeunes « dans le manque », il semblerait que la rupture avec l’école est bien trop proche pour
notre échantillon de jeunes 16 / 18 pour que ce désir ait eu le temps de se réveiller. De la
même manière, on notera, chez la plupart des jeunes rencontrés une forte aversion face aux
savoirs théoriques. Ainsi, à plusieurs reprises les équipes pédagogiques soulignent que les
jeunes qui sont en voie de signer un contrat d’apprentissage à la fin du parcours soulignent
néanmoins qu’ils n’ont pas l’intention de travailler sérieusement au CFA et tout au moins la
deuxième année pou « obtenir le diplôme ». Il faut souligner que la durée du parcours n’a pas
permis aux Ecoles de mettre réellement en application, l’une de leurs démarches principales à
savoir : la pédagogie de la réussite. Ainsi, en ce qui concerne les apprentissages et
l’évaluation, les E2C s’appuient sur une pédagogie de la réussite afin de renforcer les
sentiments d’efficacité. Les réussites, si modestes soient-elles, sont systématiquement
encouragées et valorisées. L’évaluation n’est pas une sanction, elle permet au stagiaire de
mesurer, à chaque étape, les progrès accomplis et l’attestation de compétences acquises
délivrée en fin de parcours atteste des acquis qui peuvent être différents d’un stagiaire à
l’autre.
Ce rejet de l’école et la méfiance vis-à vis des dispositifs d’accompagnement ont conduit
les Ecoles à s’interroger sur les modes d’action adéquates permettant aux jeunes décrocheurs
de refaire à l’institution. Plusieurs pistes ont été développées ou proposées par les Ecoles.
La première hypothèse repose sur le fait que la relation de confiance est corrélée à un
sentiment d’appartenance. La difficulté première liée à cette expérimentation est que le
dispositif mis en place les jeunes à la fois dans et hors de l’Ecole de la deuxième Chance. A
l’intérieur, parce que non seulement il ne s’agit pas d’un dispositif nouveau mais bien d’une
adaptation des pratiques (la plupart des jeunes disent qu’ils sont à l’école de la deuxième
Chance) et qu’ils y côtoient les grands qui « sont dans la même galère » mais aussi à
59
l’extérieur parce que les jeunes ressentent ces adaptations comme les mettant un peu hors du
cadre de qui est habituellement fait :
Je sais pas, il y a de l’ambiance ici, depuis que nous les juniors, on nous appelle les juniors ici [rire] depuis que les juniors ils sont rentrés et ben voilà, il y a de l’ambiance
I Et les autres, les grands, ils sont gentils, ils sont dans la même galère que nous. J Mais, ils sont payés.
En vue de développer le sentiment d’appartenance aux E2C, des expériences positives
d’immersion des jeunes dans des groupes d’adultes ont été menées, lorsque cela était possible.
Lors du bilan, une Ecole remarque
L1 il y avait une jeune adulte, P, qui faisait un pot, ils bougeaient, ils étaient là…c’était la grande sœur et elle en regarde un et elle lui dit je te l’ai déjà dit d’enlever ton bonnet, elle l’enlève, le pose
L2 alors que nous L1 impossible de le toucher L2 on avait beau lui dire impossible L3 on pourrait imaginer une sorte de tutorat, parrainage L1 oui, on pourrait imaginer. Oui, c’est vrai, c’était flagrant durant le pot. P, pourtant,
elle les pas beaucoup côtoyés. Ils sont beaucoup en entreprise, ils reviennent, ils repartent. Ils sont pas du tout des mêmes quartiers. Je les ai regardés, ils bougeaient pas. C’est vrai que l’on aurait pu penser à cela et oui ton idée, L3
L3 et puis c’est quelque chose que l’on a découvert durant le dispositif
On peut faire l’hypothèse que se développe ici l’amorce d’un « apprentissage par
observation » (Lent, 2008). Ainsi, le sentiment d’appartenir tous un à un même groupe (« on
est tous dans la même galère ») peut entraîner chez les jeunes 16-18 « une forte probabilité de
s’identifier à des modèles de rôle qu’ils perçoivent comme étant conformes à leur genre »
(Lent, op.cit). Le parrainage prendrait alors la forme d’un soutien : sur le mode de la
« persuasion » les parrains pourraient encourager les jeunes 16/18 à s’engager réellement dans
le projet. Par un jeu de miroirs, les jeunes 16 / 18 se reconnaîtraient dans la mise en mots par
les jeunes adultes des « récits de galère » et de leur choix de suivre ce dispositif, de leur
liberté de s’engager. Il s’agit là, sans doute, d’un scénario idéal mais qui mérite néanmoins
60
d’être expérimenté, de manière toutefois très encadrée. Il s’agit bien d’un parrainage et non de
la création de groupes mixtes, étant entendu que les besoins ne sont néanmoins pas les
mêmes. Soulignons également, que le sentiment d’appartenance à ce dispositif pourrait
vraisemblablement s’accroître si les jeunes percevaient une rémunération au même titre que
les jeunes habituellement accueillis. Si toute idée de rémunération avait été rejetée au départ,
c’est parce que l’on craignait que les réorientations vers l’éducation nationale et des parcours
non rémunérés ne soient plus possibles. Peut-être faudrait-il insister sur le fait, comme le
suggère certains formateurs qu’il s’agit d’une aide ponctuelle (d’une bourse) liée aux
spécificités du dispositif qu’ils viennent d’intégrer qui exige notamment une certaine mobilité.
Il faut noter d’autre part que les Ecoles ont travaillé dans le sens de faire bénéficier à ces
jeunes des mêmes avantages que les jeunes habituellement accueillis (notamment le prix du
billet de bus, objet de négociation entre la compagnie de transport et l’E2C).
Une deuxième hypothèse concerne la (re) création d’une relation de confiance avec
l’Institution. On l’a vu plus haut les jeunes interviewés confondent souvent indépendance
(financière) et autonomie. Comme le souligne Gaudet (2006, p.75) si les racines grecques du
terme évoquent l’idée de se donner ses propres lois, il ne faut pas cependant oublier que
« dans le processus de socialisation de l’enfance et de l’adolescence, le rôle de l’éducation est
surtout de développer des outils pour que le jeune puisse se débrouiller un jour sans parent ou
sans éducateur et prendre les meilleures décisions tout au cours de sa vie. Or, le fait
d’apprendre à se débrouiller seul sans parent ou éducateur ne mène pas à l’individualisme ni à
l’autosuffisance, mais plutôt à un processus de socialisation plus large, dans lequel le jeune
apprend à développer des relations d’interdépendance avec d’autres personnes que les
membres de sa famille et les adultes significatifs de son milieu éducatif. La socialisation des
débuts de l’âge n’évacue pas pour autant le réseau primaire ; au contraire, il y a une
importante renégociation des liens avec ses membres. Dans une socialisation où se développe
le lien d’interdépendance, il faut apprendre tout autant à se débrouiller tout seul qu’à
demander de l’aide ».
Si les jeunes interviewés manifestent souvent le fait qu’ils doivent ou devront se
débrouiller seul, ils expriment peu souvent le fait qu’ils aient besoin d’aide et au contraire ne
font guère confiance à leur environnement :
Qu’est-ce que vous devriez faire pour être plus autonome ? Je sais pas. Arrêter d’avoir besoin des parents, des amis pour genre remplir des papiers
des choses comme ça. Il faut que j’arrive à me débrouiller toute seule, ça me fait peur d’avoir besoin de quelqu’un.
61
Afin de lever ce type de « réserves », les Ecoles de la 2e Chance offrent, au travers du
concept d’individualisation un cadre structurant permettant un accompagnement permanent
du jeune y compris en entreprise. Un épisode relaté par une Ecole, dans la phase de bilan, est
à ce titre éclairant :
L1 Pour P, c’est une entreprise nouvelle que nous avons démarché. On a dû arrêter au bout d’une semaine. On a mis un autre jeune qui voulait faire de la peinture. Il a arrêté car il a dit que le maître de stage posait trop de questions sur sa famille
L2 Juste, c’est bien, parce qu’Omar a fait la démarche de venir tout de suite nous voir. L1 On a pu tout expliquer au maître de stage et ça reste un partenaire entreprise. Et c’est
une entreprise nouvelle qu’on avait démarché car toutes nos autres entreprises en peinture ne pouvaient pas accepter de jeunes à ce moment-là
L2 et Omar est revenu. On l’a accompagné dans sa recherche d’un nouveau stage L’on peut faire l’hypothèse que c’est l’accompagnement personnalisé par le formateur
référent avec lequel le jeune fait le point très régulièrement qui permet à ce jeune de (re) faire
confiance à l’institution, au dispositif qui le suit et vers lequel il se retourne. Le retour à
l’Ecole n’est pas présentée comme un échec ; les formateurs référents ont à cœur de diffuser
un message clair : la familiarisation avec l’entreprise se fait progressivement, en fonction du
jeune ; dès lors qu’un problème se pose, on cherche à savoir pourquoi, à comprendre ce qui se
passe et à trouver une solution ensemble. Le mode de fonctionnement des E2C met également
en exergue la nécessité des liens sociaux dans la construction de son autonomie. Ainsi, les
Ecoles proposent un accompagnement du jeune dans sa globalité au travers d’un travail en
réseau avec les acteurs du champ social, de l’orientation, de la formation, du bilan et de
l’insertion. Soulignons, pour finir, que le travail tant pour le repérage des jeunes que pour leur
prescription a permis de faire émerger de nouveaux partenariats.
7.1.3.5 Le profil « utilitariste »
Certains des jeunes qui sont entrés dans l’action manifestent clairement un projet
professionnel (en pâtisserie, en peinture). Contrairement aux jeunes interviewés par El Houat
et Pane (2004) peu de jeunes interviewés avaient connaissance du dispositif E2C, avant la
présentation de l’action. Le levier de la réputation de l’Ecole construit par la relation des
membres de l’environnement familial ou amical pour qui le parcours a fonctionné n’existe pas
62
ou peu dans cette action notamment parce que les Ecoles n’ont pas pour habitude d’accueillir
des jeunes mineurs. Un gros travail d’informations des jeunes tant par les repéreurs que par
les formateurs de l’Ecole a permis de faire émerger l’idée d’une saisie d’opportunité par
rapport à un projet professionnel formulé par le jeune autrement dit par rapport à un but.
Rappelons que pour la TSCOP, « Les buts sont des moyens importants que les personnes
utilisent pour exercer leur agentivité personnelle dans la réalisation de leur projet d’études
ou de leur projet professionnel. En se fixant des buts, les personnes se donnent les moyens
d’organiser, de diriger et de soutenir leur propre comportement, et cela même sur de longues
périodes et en l’absence de renforcements externes ». (Lent, 2008). Toutefois, même si des
jeunes ont exprimé un but personnel, force a été de constater qu’ils mettaient néanmoins des
freins à s’engager réellement et à être acteur de leur formation. Or, pour la TSCOP « les buts
motivent des choix d’action ou des efforts pour atteindre ces buts ». L’une des hypothèses
retenue est la suivante : les jeunes de l’action ont le sentiment qu’une fois qu’ils ont exprimé
un souhait professionnel, il n’y a plus de retour en arrière possible ou de bifurcation possible
et que ce choix professionnel va les engager tout au long de leur vie. Autrement dit, ils ont
intégré un postulat de relation systématique, d’adéquation entre formation et emploi, postulat
encore véhiculé et construit, non seulement au plan sociétal par les acteurs du système
productif et du système éducatif, mais aussi, au plan individuel par les jeunes eux-mêmes
(Trottier, 2000, p. 97). Afin de leur faire découvrir que cette « relation n’est plus linéaire et
consécutive (on ne va plus simplement acquérir une formation pour ensuite accéder à un
emploi) mais devient « simultanée » (suppose la conjugaison de la formation théorique et de
la formation pratique au cours de la trajectoire scolaire et tout au long de l’itinéraire
professionnel (Vimont, 1995) », et que « la relation formation-emploi n’est pas établie une
fois pour toute au moment de l’obtention du diplôme, mais construite à la fois lors du
cheminement scolaire et, par la suite, tout au long de la carrière professionnelle », autrement
dit afin de « tempérer l’obsession de la correspondance formation-emploi instantané et
définitive » (Trottier, op. cit), il est important que les jeunes rencontrent davantage de
professionnels et que le dispositif soit plus long afin d’intensifier les démarches de bilan, la
validation de compétences et l’appropriation par le jeune des démarches de formation tout au
long de la vie, cœur de cible des E2C.
63
8 Résultats
Cette partie s’articule autour de la présentation du référentiel stabilisé, fruit d’une co-
analyse de données, dont les entretiens menés ainsi que les tableaux de bord des Ecoles et les
bilans finaux que les Ecoles transmettront à la DIV.
On l’a vu plus haut le travail de référentialisation entrepris a permis de faire émerger des
questionnements ainsi que des dimensions de l’évaluation, dont le référentiel en cours de
construction (annexe 8) est la trace. Le tableau ci-dessous synthétise les deux
questionnements de l’évaluation choisis ainsi que les dimensions qui s’y rapportent :
Questionnement de l’évaluation Dimensions de l’évaluation
Quels objectifs? Un dispositif E2C destiné exclusivement aux
jeunes décrocheurs
Un « raccrochage » des jeunes décrocheurs
Quels moyens mis en œuvre ? Un nécessaire partenariat
La pédagogie du contrat
La pédagogie de la réussite
Un dispositif de pré-orientation
8.1 Vers le référentiel stabilisé
Le travail qui suit traite de chacune de ces dimensions de l’évaluation à partir des données
recueillies en vue de faire émerger des indicateurs d’évaluation pertinents et d’aboutir à un
référentiel stabilisé présenté à la fin de cet exposé.
8.1.1 Un dispositif destiné exclusivement aux jeunes décrocheurs
Au total, 24 jeunes décrocheurs ont intégré l’expérimentation (8 jeunes à Tours, 9 à
Châtellerault et 7 à Mulhouse). Toutes les Ecoles sont d’accord pour dire qu’il existe un
public potentiellement concerné par ce type de dispositif. Notons toutefois deux types de
difficultés :
-Les jeunes repérés (et prescrits) ne viennent pas forcément à la réunion d’information et à
l’entretien individuel. A Mulhouse, sur les 13 noms fournis par la MGI, 3 se sont déclarés
non intéressés par l’action, 3 ne sont pas venus au RDV fixé (malgré plusieurs rappels) ;
64
les autres ont démarré l’action. A Châtellerault, 16 prescriptions ont été effectuées 9
jeunes ont réellement intégré le dispositif : 6 jeunes dès le départ de l’expérimentation et 3
qui les ont rejoint en cours de parcours. Il convient aussi de préciser que d’autres jeunes
dont le profil correspondait à l’action ont été contactés par les prescripteurs mais n’ont pas
tenu à participer au dispositif.
- à Tours, le travail de repérage effectué, en amont, a permis de positionner un nombre
de jeunes bien plus important mais parce que le courrier de la DIV informant les
Préfets de Région et par là-même les Inspections Académiques n’est jamais parvenu,
l’expérimentation n’a commencé qu’au mois de mai, avec un nombre de jeunes moins
importants.
Ainsi, les Ecoles insistent sur la nécessité d’un cadre légal pour instruire des contacts
locaux non seulement avec la MGI mais aussi avec tous les acteurs de terrain qui peuvent être
en contact avec les jeunes décrocheurs et qui sont des partenaires intéressants tant au niveau
du repérage du jeune qu’au niveau du suivi du jeune. Parmi de nombreux exemples, un
éducateur de la MJC, à Châtellerault, s’est proposé d’échanger avec l’entourage d’une jeune
rencontrant des difficultés familiales. Son rôle a donc été au-delà du repérage du jeune
puisqu’il est intervenu afin d’accompagner le jeune afin d’accompagner le jeune dans sa
poursuite sur le dispositif. Toujours concernant le repérage des jeunes, il est important qu’il se
fasse sur tout le premier trimestre afin notamment de trouver des solutions pour les jeunes
inscrits dans une structure mais en rupture au cours de l’année (dont notamment les jeunes en
rupture de contrat d’apprentissage).
8.1.2 Un raccrochage des jeunes décrocheurs
Tous les jeunes qui ont suivi le dispositif sont partis avec une préconisation d’orientation.
Certains des jeunes ont vu cette préconisation se mettre en œuvre durant la formation : un
jeune s’est inscrit en bac professionnel commerce (bac pro en 3 ans), deux jeune ont signé un
contrat d’apprentissage et un autre s’est inscrit en 3e générale (dans le privé, sa maman
refusant qu’il passe des tests, nécessaires, dans son parcours, pour intégrer une 3e dans le
public). Il est à noter que la date de démarrage du test n’a pas rendu possible les retours vers
l’Education Nationale : il existe des places réservées pour les publics MGI, mais les dates de
réservation de ces places ne correspondent pas aux dates auxquelles le test a pu finalement
65
démarrer. La plupart des autres jeunes sont à la recherche d’un maître d’apprentissage à
l’issue du parcours : pour cela, ils sont soit inscrits à la bourse de l’apprentissage soit au
CIVIS renforcé (dans le cadre duquel ils peuvent passer le BSR, indispensable pour passer
son permis ; il est à noter que c’est leur rupture scolaire qui ne leur a pas permis de passer le
BSR en fin de collège) et que tous peuvent s’appuyer sur le portefeuille d’entreprises des
Ecoles pour leur recherche, même à l’issue de leur parcours dans la mesure où il leur a été
précisé qu’ils pouvaient revenir vers l’Ecole. Il est aujourd’hui difficile de faire un bilan de la
mise en œuvre des préconisations d’orientation : toutefois le suivi post-parcours des jeunes,
qui inclut une mobilisation des partenaires (structures d’accompagnement notamment) devrait
permettre d’avancer en ce sens et surtout permettre de ne pas créer un espace de rupture après
la formation. Notons enfin, que le passage sur le dispositif, a permis de pointer du doigt des
problématiques particulières : pour deux jeunes, un dossier COTOREP est en cours
d’aboutissement.
Au total, 5 jeunes ont abandonné le parcours avant la mise en place d’une préconisation
d’orientation. Concernant les motifs de ces abandons et ruptures, elles sont soit à l’initiative
du jeune (évoluant dans un contexte particulier, sans repères familiaux, étant hébergé soit en
foyer soit chez des « amis ») soit à l’initiative de la famille. En effet, des jeunes se sont
trouvés confrontés à l’avis défavorable de certains membres de leur entourage concernant les
activités proposées au sein du dispositif. Les formateurs ont tenté de dialoguer avec les
familles, avec l’aide d’éducateurs, pour certains jeunes, mais n’ont pu changer la situation,
même lorsque la validation du projet du jeune était en cours. Cette expérience souligne
l’importance de prendre en compte les parents dans les démarches d’orientation et d’insertion
du jeune. Il s’agirait de les accueillir, leur présenter l’équipe pédagogique, les locaux et les
objectifs fixés avec les enfants. Si cette modalité a bien été mise en œuvre, il semblerait
toutefois qu’il faille davantage l’accentuer par un contact régulier et une preuve de la
progression du jeune à présenter à sa famille.
8.1.3 Un nécessaire partenariat
Les E2C ont pour habitude de travailler en collaboration étroite avec les acteurs du suivi
social, de l’insertion et de l’orientation. Pour ce dispositif qui vise à rendre le jeune acteur de
son parcours, le partenariat est plus que jamais important dans la mesure, où dans sa conquête
d’autonomie le jeune doit apprendre tout autant à se débrouiller seul qu’à demander de l’aide.
Ce dernier point ne peut avoir lieu qu’après avoir levé les appréhensions voire le rejet du
66
jeune envers l’Institution. En impliquant tous les partenaires, ce dispositif tend à recréer une
relation de confiance entre le jeune et les structures d’accompagnement et de suivi. A cet
égard, il est intéressant de remarquer que dans leurs entretiens bilans, la plupart des jeunes
interviewés indiquent qu’ils ont l’intention de revenir vers l’Ecole pour faire avancer leurs
démarches de recherche de stage. De la même manière, ils font allusion aux structures
d’accompagnement qui les suivent en nommant précisément des personnes et leurs rôles. Ici
aussi, seul le suivi post-parcours permettra de véritablement de saisir la valeur de ce
partenariat dans le processus de socialisation du jeune.
Le partenariat mis en place pour cette expérimentation a été bénéfique dans la mesure où
il a permis aux différentes structures en charge du suivi de ces jeunes de communiquer et
d’avancer, localement, d’une part sur une circonscription des profils des jeunes décrocheurs
mais aussi d’autre part sur des réponses collectives. Ainsi, dans son bilan, l’Ecole de
Châtellerault note que le partenariat a permis un échange entre les différentes structures sur la
problématique des jeunes 16 / 18 ans. L’Education Nationale a, à ce titre, présenté son travail
sur « l’observatoire du décrochage scolaire ». Les représentants des centres sociaux ont, eux,
apporté leurs connaissances de certaines familles et leurs observations sur le comportement du
jeune en milieu social. Il en va de même pour les représentants du CAE qui ont soulevé
d’autres points comme celui du suivi judiciaire. Ainsi, chacun s’accorde à dire que le
décrochage scolaire chez ces jeunes mineurs constitue une véritable problématique et qu’il
faut s’en préoccuper. Ce partenariat a également mis au jour la nécessité d’un travail
collaboratif. A la suite de cette expérimentation, les structures devraient continuer à échanger
régulièrement afin d’avancer sur leurs réflexions.
8.1.4 La pédagogie du contrat
Les analyses précédentes ont montré qu’il était important de réfléchir à des modalités
particulières de la pédagogie du contrat pour les jeunes décrocheurs. Avant d’y revenir
soulignons que le processus d’engagement dans le dispositif est un processus relativement et
c’est pour cela que les trois Ecoles qui ont fait ce test insistent sur le fait qu’une période de 12
semaines est trop courte. Elles proposent de mettre en place un dispositif de 6 mois qui
commencerait en janvier (afin de repérer les jeunes « sans solution » pendant le premier
trimestre et de rétrécir le plus possible la période de rupture) et s’achèverait en juin (les
réintégrations en cursus Education Nationale ou les possibilités de trouver un maître
d’apprentissage sont facilitées par ces dates ; en outre, il est très difficile de mobiliser les
67
jeunes pendant l’été et ils auraient accès à de véritables congés scolaires, à l’instar de la
plupart de leurs camarades, avant de démarrer une nouvelle formation).
L’hypothèse retenue est que la pédagogie du contrat ne peut s’épanouir que dans une
relation de confiance, liée à un sentiment d’appartenance : les jeunes accueillis doivent
comprendre que les E2C sont une Institution et par là-même croire à nouveau dans les
institutions. Les Ecoles sont d’accord pour dire que les jeunes 16 / 18, dans la mesure où ils
requièrent des approches particulières (en termes d’adaptations des pratiques pédagogiques
habituellement à l’œuvre au sein des E2C) ne peuvent être insérés dans les groupes de jeunes
adultes. Toutefois, au travers des analyses effectuées ci-dessus on a vu que les jeunes 16 / 18
se sentent à la fois dans et hors de l’Ecole de la 2e Chance. Or, pour ces jeunes en rupture, qui
ne font plus confiance à l’institution, il faut développer un sentiment d’appartenance.
Plusieurs pistes sont proposées en ce sens : là où elles été menées, les intégrations des jeunes
sur des activités précises (présentation de métiers, par exemple) dans des groupes de jeunes
adultes ont été positives dans la mesure où les jeunes adultes ont permis de réguler le
comportement des 16 / 18. De la manière, l’une des Ecoles a exprimé l’idée de mettre en
place un « parrainage » du jeune par un jeune adulte (suffisamment avancé dans son parcours)
dans une perspective, on l’a vu de « pédagogie par l’observation » (rappelons que les jeunes
soulignent que les jeunes adultes ont connu la même « galère » qu’eux). Enfin, la
rémunération (une « bourse » liée aux spécificités de la formation) ainsi que le fait de pouvoir
bénéficier des mêmes avantages que les stagiaires adultes (comme par exemple les prix
négociés sur le prix du ticket de bus) peuvent également constituer un levier en ce sens.
8.1.5 La pédagogie de la réussite
Tout comme la pédagogie du contrat, la pédagogie de la réussite qui vise l’encouragement
et la valorisation des acquisitions et des progrès individuels, nécessite une mise en œuvre dans
la durée et 12 semaines de stages sont à cet égard insuffisantes. Toutefois, certains entretiens
bilans effectués avec les jeunes montrent que la pédagogie de la réussite porte ses fruits :
On se comprend mieux comparé à un établissement où t’es le seul à être comme ça. On
était tous en panne. Mais aujourd’hui je me rends compte que je suis pas si con que ça et
pourquoi pas continuer ?
68
Il faut néanmoins noter une grande réticence de ces jeunes face à l’apprentissage des
savoirs de base tout au long du dispositif et ce même pour les jeunes qui ont signé des contrats
d’apprentissage : l’un deux affirme ainsi qu’il n’a pas l’intention de travailler au CFA si ce
n’est en 2e année pour avoir son diplôme. Toutes les Ecoles sont d’accord pour dire que les
savoirs de base ne doivent pas être introduits, dès le début dans le dispositif. Il convient de les
introduire progressivement, lorsque le jeune est prêt notamment lorsqu’il co-construit son
projet professionnel. Le dispositif ne doit pas s’inscrire dans une logique emploi-formation. A
cet égard, les Ecoles ont insisté sur le fait qu’il faille avant tout travailler avec le jeune sur ses
sentiments d’efficacité. Placer le jeune dans des démarches de projet semble à cet égard
intéressant. L’Ecole de Châtellerault, par exemple, évoque l’idée des coopératives jeunesse
existantes au Québec, où un groupe de jeunes créé une entreprise et se doit de la faire vivre.
8.1.6 Moyens mis en œuvre pour faire de ce dispositif de pré-orientation
Toutes les Ecoles ont mis en œuvre une démarche de bilan avec les jeunes afin de faire
émerger un projet professionnel. C’est de manière individuelle que les jeunes ont travaillé leur
CV, la lettre de motivation et qu’ils ont fait des simulations d’entretien.
Le dispositif qui vise également l’apport d’informations sur les formations, favorise par la
visite de CFA et la rencontre avec des apprentis une « élaboration d’attente réaliste » (Lent,
2008, p.75). Concernant les stages pratiques, les jeunes rencontrés n’avaient pour la plupart
soit jamais effectué de stages pratiques en entreprise soit avaient effectué des mini-stages de
découverte et d’orientation en fin de 3e. Les stages visent aussi, on l’a vu, la « socialisation
professionnelle » (Dubar, 2000, p 139 : l’apprentissage des codes relationnels de l’entreprise
et du fait que l’appartenance ou l’exclusion dans une entreprise ne réside pas seulement dans
la maîtrise de compétences techniques mais aussi dans la maîtrise d’habiletés sociales.
Toutefois, la pérennisation de ces habiletés sociales semble encore très fragile chez les jeunes
rencontrés.
Toutes les équipes soulignent aussi que ces stages en entreprise ont permis aux jeunes de
se familiariser avec la réalité du monde professionnel et de se projeter dans des attentes
réalistes et ceci notamment lors des stages en vente :
L1 alors, la vente d’abord, c’était pas en libre service, c’était vendre des vêtements L2 oui et pendant les stages, la difficulté – mais pour eux c’était bénéfique- : la réalité du
travail L1 la vente c’est dur : quand il faut plier, décharger les camions.
69
L2 Oui, voilà, pour eux l’idée c’était de travailler dans un magasin prestigieux L3 et avec de beaux objets L2 et donc leurs retours : la réalité. La vente c’est décharger les caisses, ranger,
nettoyer… L1 trier, passer l’aspirateur, faire des vitrines…
Le travail effectué à la sortie de ces stages sur la valorisation des acquis individuels a
porté ses fruits dans la mesure où certains des jeunes évoqués dans l’extrait ci-dessus ont fait
le choix de suivre un apprentissage en vente. L’hypothèse que nous pouvons faire ici est la
suivante : armé d’attentes réalistes sur le métier, les jeunes en questions iront plus
volontairement jusqu’au bout de leurs parcours.
8.2 Le référentiel stabilisé
Est ainsi né le référentiel stabilisé présenté ci-dessous. A l’instar de Figari (2006 b, 178),
ajoutons pour conclure que ce référentiel appartient aux auteurs qui l’ont construit (dans un
contexte particulier). En outre, il resterait à affronter la mise en œuvre de ce référentiel
stabilisé.
70
Question 1 : quels objectifs ?
Référent de l'évaluation Critère Indicateur
Un dispositif destiné aux jeunes décrocheurs
Efficacité Le repérage et la prescription des jeunes se fait en étroite colloboration avec les acteurs de l’éducation, de l’orientation, du suivi social et de l’insertion
Pragmatisme Les jeunes repérés et prescrits sur le dispositif qui ne se présentent pas à la réunion d’information sont recontactés
Un raccrochage des jeunes décrocheurs
Pragmatisme Le repérage des jeunes « sans solution » Education Nationale se fait tout au long du premier trimestre (de l’année scolaire)
Efficacité Le dispositif s’étend sur une période de 6 mois de janvier à juinLes parents sont impliqués dans le dispositif
Pragmatisme Une proposition d’orientation concrète est effectuée
Continuité un suivi post-parcours impliquant tous les partenaires est mis en place
71
Question 2 : quelles modalités mises en place ?
Référent de l'évaluation Critère Indicateur
Un nécessaire partenariat pragmatisme Les acteurs de terrain jouent un rôle de médiation avec les familles
efficacité Dans un processus d’accès à l’autonomie, le jeune apprend tout autant à se débrouiller seul qu’à demander de l’aide et dans ce sens il identifie les structures d’accompagnement et les rôles de chacunRepéreurs et prescripteurs échangent en vue de circonscrire localement la catégorie des jeunes décrocheurs et de prendre la mesure des solutions locales adaptées aux différents profils
Pédagogie du contrat pragmatisme L’Ecole contractualise des engagements réciproques (Ecole/Jeune voire repéreurs et prescripteurs) permettant l’atteinte des objectifs fixés
Adhésion Construction d’un sentiment d’appartenance (et par là d’une relation de confiance) par : - une immersion dans les groupes de jeunes adultes à chaque fois que cela est possible- une mise en place d’un système de parrainage avec de jeunes adultes suffisamment avancés dans le dispositif
- les 16/18 bénéficient des avantages négociés pour les jeunes adultes
72
Référent de l'évaluation Critère Indicateur
Pédagogie de la réussite Pragmatisme Encouragement et valorisation systématique des acquisitions et des progrèsLes savoirs de base ne sont abordés qu’après le début de l’émergence du projet professionnelDes projets collaboratifs visant le développement des sentiments d’efficacité sont réalisés
Un dispositif de pré-orientation Pragmatisme Mise en œuvre d’une démarche de bilan et d’aide à l’élaboration du projet
Efficacité Les bilans des immersions en CFA et en entreprise visent à faire émerger des « attentes réalistes sur la formation et les métiers en vue d’anticiper une nouvelle rupture
Conclusion
73
Ma conclusion débute par la réponse à ma question de recherche. Je présenterai ensuite les
limites de ce travail pour finir sur les intérêts de ce travail dans mon parcours professionnel.
En quoi un dispositif de pré-orientation conçu comme une adaptation des pratiques
pédagogiques des E2C peut-il permettre à des jeunes décrocheurs de développer leur
autocontrôle des processus à l’œuvre dans leur orientation ?
Force est donc de constater que les variables entrant en jeu dans les processus
d’orientation sont nombreuses. Qui plus est, il est souvent difficile de les circonscrire non
seulement parce que les jeunes en rupture n’adoptent pas facilement une position réflexive
mais aussi parce que les structures de suivi et d’accompagnement n’ont pas forcément toutes
ces informations. C’est à partir des interviews des jeunes et de l’analyse de leurs
représentations que des profils de jeunes ont pu émerger. C’est sur la base de ces profils que
des possibilités d’intervention (adaptées des pratiques des E2C) ont pu être pensées afin de
développer la puissance d’agir, l’autocontrôle des 16 / 18 de leur processus d’orientation.
De manière générale, les Ecoles de la 2e Chance ont à cœur de développer cette puissance
d’agir par le développement des sentiments d’efficacité et ce notamment par la mise en place
d’une immersion progressive en entreprise visant bien sûr comme le souligne Sontag et
Blanchard (2006, p60) « des effets sur le plan intellectuel » par l’apport puis l’appropriation
par le jeune de connaissances techniques notamment, mais aussi « des effets sur le plan de la
construction d’images de soi », relativement aux sentiments d’efficacité personnelle, et sur le
plan du « développement de certains types d’intérêt et de motivations, domaines qui
participent à la construction de l’identité professionnelle et, par là, aux projets
professionnels ». Contrairement aux jeunes adultes habituellement accueillis, les jeunes 16 /
18 n’avaient généralement qu’une connaissance relativement restreinte du monde de
l’entreprise (par le biais de mini-stages de découverte en fin de 3e), et les stages pratiques ont
été l’occasion pour eux de se confronter au monde professionnel, dans sa réalité. Cette
immersion rapide dans le monde de l’entreprise est une des caractéristiques qui distinguent les
E2C des autres dispositifs, l’hypothèse retenue étant que si les jeunes ont le sentiment qu’ils
intègrent un dispositif qui ressemble à ce qu’ils ont déjà connu, ils reproduiront les mêmes
mécanismes. Or, beaucoup de jeunes interviewés se sont interrogés sur le fait que le dispositif
qu’ils venaient d’intégrer est un dispositif d’Ecole de la 2e Chance. Il a donc fallu d’emblée
Conclusion
74
les inscrire dans cette différence. La pédagogie du contrat et l’engagement volontaire du jeune
dans le dispositif en sont les éléments fondateurs. Il a fallu toutefois réfléchir à d’autres
modalités d’engagement du jeune dans le dispositif (conçu comme la construction d’une
relation de confiance réciproque entre le jeune et l’Ecole sur la base d’une définition
d’objectifs) dans la mesure où les jeunes se sont sentis à la fois dans et hors l’institution Ecole
de la 2e Chance, dans la mesure où ils constituaient un groupe à part. L’idée de mettre en
place un système de parrainage avec un jeune adulte suffisamment avancé dans le dispositif et
qui en passe d’aboutir à une sortie positive (signature d’un contrat, CDI, CDD, contrat de
professionnalisation ou d’apprentissage) peut non seulement développer ce sentiment
d’appartenance mais aussi développer les sentiments d’efficacité personnelle par l’observation
de quelqu’un qui a réussi et qui était dans la même « galère » que le jeune, au départ de son
intégration dans le dispositif. De la même manière, les démarches de bilan mis en place sont
également des situations propices au développement des sentiments d’efficacité dans la
mesure où elles mettent l’accent sur des situations de réussite antérieures et sur la possibilité
de répétition de ces dernières. De plus, on l’a vu, la TSCOP ne se focalise pas uniquement sur
les sentiments d’efficacité personnelles, elle a pour objectif notamment de faire émerger une
variété de buts. En ce sens, les visites collectives en entreprise, les stages en entreprise
réalisés, les interventions de professionnels sont un levier particulièrement intéressants dans la
mesure où ils favorisent l’émergence d’ « attentes réalistes » vis-à-vis notamment des
croyances se rapportant aux conditions de travail ou aux aspects jugés attrayants par le jeune.
L’hypothèse mis en exergue est que lorsqu’un jeune s’engage volontairement dans un
parcours de formation armé de ces « attentes réalistes », les risques de rupture sont moindres.
Par leurs pratiques pédagogiques les Ecoles de la 2e Chance peuvent donc vraisemblablement
avoir une incidence sur l’autocontrôle des jeunes dans les processus d’orientation.
L’on notera cependant que la durée du test n’a pu permettre de mettre en évidence tous les
effets de ces pratiques pédagogiques sur les jeunes et que toutes les Ecoles sont d’accord pour
dire que la logique formation-emploi n’est pas un angle propice à remettre les jeunes
décrocheurs sur les voies d’un « raccrochage » volontaire. Pour gagner la confiance des
jeunes décrocheurs, et pour développer leur « autocontrôle » il semble aussi nécessaire de les
inscrire dans des démarches de projet orientées vers la Cité.
Il est nécessaire de mettre en exergue les limites de ce travail.
La principale limite de ce travail repose sur le fait que je n’ai pas effectué de
comparaisons entre les tests des 3 Ecoles. Ainsi, si les objectifs étaient les mêmes, les
Conclusion
75
modalités étaient différentes. On est cependant là au cœur même des particularités des E2C.
Si elles s’inscrivent toutes dans un modèle pédagogique qui s’appuie sur la « Charte des
principes », l’objectif est néanmoins de permettre aux Ecoles de rester innovantes et ne pas
s’enfermer dans un cadre trop rigide qui leur ferait perdre leur capacité d’adaptation aux
demandes de leur environnement. Le travail d’harmonisation effectué par les Ecoles a permis
de développer un cadre dans lequel les pratiques pédagogiques, d’une manière tout à fait
volontaire, ne sont ni uniformisées ni standardisées. Les Ecoles développent ainsi des projets
spécifiques en lien avec leur contexte particulier.
Une autre limite de ce travail consiste dans le fait que je n’ai pas réussi à saisir de manière
fine les processus à l’œuvre dans les processus décrochage des jeunes, d’une part parce que
les analyses des interviews ne donnent que peu d’éléments en ce sens mais aussi parce que les
Ecoles elles-mêmes n’avaient à leur disposition que des éléments parcellaires qui ne
permettent pas de reconstruire après-coup le cheminement du jeune.
En dernier lieu, je tiens à souligner que ce travail s’inscrit dans une logique de
professionnalisation, dans la mesure où il m’a permis d’évoluer sur le concept d’évaluation. Il
est ainsi à noter que le Réseau des E2C a mis en place une démarche de labellisation de ces
Ecoles. Reconnues par l’article L.214-14 du Code de l’éducation, les E2C sont ainsi soumises
à un label décerné par une Commission indépendante qui s’appuie sur le compte-rendu de la
visite de labellisation effectuée par l’AFNOR, sur la base d’un référentiel de labellisation. J’ai
suivi de très près, durant cette première année d’intégration au sein du Réseau E2C France, le
processus de labellisation des Ecoles et c’est armée de concepts théoriques et pratiques que
j’ai pu développer une nouvelle compétence.
.
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