une toute petite maison…

Post on 11-Aug-2015

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Virginia Lee Burton

Il était une fois une Petite Maison bâtie entre des collines… et des champs.

Elle était très belle, solide et bien

construite.

Celui qui l’a fait bâtir avait dit : « Cette maison jamais ne sera vendue… Aucun or et argent au monde ne pourront l’acheter. Ici vivront les

enfants de nosarrière-petits-enfants et les enfants des enfants de nos arrière-petits-

enfants. »

La Petite Maison se sentait bien heureuse : sur sa colline, elle voyait le paysage tout autour. Et il était si beau… En plus, elle regardait le soleil qui se levait chaque matin et se régalait tout le temps avec le soleil couchant…

Les jours se succédaient, chacun bien différent de l’autre. Mais la Petite Maison restait toujours la même.

La nuit, elle observait la lune, toutes ses phases, de la nouvelle à la pleine lune, et lorsque sa lumière devenait plus faible, la Petite Maison regardait

les étoiles.

Et, au loin, elle dévisageait les lumières de la ville. Une ville qui lui

semblait si bizarre… Et elle se demandait souvent comment pouvait-

on y vivre.

Les champs changeaient selon les saisons. Au

printemps, lorsque les jours devenaient plus longs et plus

chauds, la Petite Maison attendait le merle qui revenait du sud et elle

contemplait, enchantée, l’herbe verte, les arbres pleins de brindilles, les

pommiers en fleur et les enfants qui s’amusaient dans

l’eau transparente de la petite rivière.

Les longues journées d’été, la Petite Maison s’asseyait au soleil et contemplait les arbres couverts de feuilles et la colline tapie de belles marguerites.

Les jardins se remplissaient de fleurs odorantes et les pommes mûrissaient.

Les petits s’amusaient maintenant dans la piscine.

L’automne arrivé, les jours changeaient : ils étaient plus courts et les nuits plus froides. Les toutes premières gelées teintaient les feuilles… Quelle beauté ! Du jaune, de l’orange et du rouge !

Les récoltes arrivaient à leur fin et on cueillait les pommes. L’école attendait les enfants…

En hiver, lorsque les nuits étaient plus longues, les jours plus courts et les champs se couvraient de neige, les petits aimaient faire du patinage et descendaient la colline en traîneaux. Et c’est ainsi que des années paisibles se sont écoulées….

Les pommiers ont vieilli et, à leur place, d’autres, bien plus jeunes, ont été plantés.

Les enfants ont grandi et sont partis en ville, une ville dont les lumières brillaient de plus en plus et semblaient bien plus proches…

Un jour, la Petite Maison resta bouche bée : un attelage sans chevaux arriva par la route sinueuse des champs... Tout de suite après,

plusieurs attelages ont encombré les chemins et il y en avait de moins en moins tirés par

des chevaux…

Après, ce fut l’arrivée des topographes qui tracèrent une ligne devant la Petite Maison.

Et bientôt arriva un excavateur qui dessina une route traversant la colline parsemée

de marguerites…

De grands camions déposèrent de gros cailloux

et de petites pierres sur cette même voie… et d’autres encore ont répandu partout

du goudron et du sable.

A la fin, vint un compacteur et… on pouvait désormais marcher et rouler sur la grande

route.

Maintenant, la Petite Maison guettait les camions et les autos qui venaient et partaient tout le temps en ville.

Et… après, ce fut le tour des pompes à essence, des magasins, des bistrots et de quelques petites maisons.

Tout le monde s’agitait sans cesse et tout se déroulait bien plus vite.

D’autres routes ont été tracées et les champs divisés en plusieurs parcelles. Et bientôt ont fait leur apparition des maisons de plus en plus grandes, des immeubles à perte de vue, des écoles, des commerces, des dépôts… Et tout cela autour de la Petite Maison. Désormais, personne ne semblait s’intéresser à elle et personne ne voulait plus y habiter. Et puisqu’elle ne pouvait nullement être vendue – « Aucun or et argent au monde ne pourront l’acheter. » – il ne lui restait plus que la vue de toute cette agitation…

Bien sûr, le silence et le repos des nuits étaient partis ailleurs. Et les lumières de la ville, plus proches et aveuglantes, ne s’éteignaient jamais.

« C’est ainsi que l’on doit vivre en ville, » médita la Petite Maison. Car elle ne savait plus quoi penser. Qu’elle regrettait le temps des marguerites ! Et celui des pommiers qui se balançaient à la lumière de la lune…

Les tramways faisaient désormais partie du

paysage : ils circulaient jour et nuit, et tout le monde s’agitait sans cesse, pressé et bien

occupé.

Il y avait même un petit train qui sans arrêt montait et descendait la colline.

L’air se remplissait de poussières et de fumée,

et les bruits intenses faisaient trembler la Petite Maison.

Impossible de reconnaître maintenant les différentes saisons…

Tous les mois lui semblaient

les mêmes !

Le métro arriva enfin et, bien que caché au sous-sol, sa vibration

agitait la Petite Maison.

Les gens se pressaient de plus en plus et personne ne regardait

autour.

Les petits immeubles et les petites maisons ont disparu et, à leur place, on a construit des immeubles de plus en plus hauts… qui ont fini par étouffer la Petite Maison !

Désormais, elle ne voyait le soleil qu’à midi. Et plus jamais elle n’a contemplé

la lune et les étoiles. Les éclairages de la ville étaient trop

brillantes…La Petite Maison n’aimait pas vivre en ville. La nuit, elle rêvait des champs couverts de

marguerites et des pommiers dansant à la lumière de la lune.

Elle se sentait bien triste et solitaire.

La couleur de ses murs était partie en morceaux, les fenêtres étaient cassées, les portes se tenaient à peine… Son air délabré faisait même oublier qu’elle restait

toujours une belle maison.

Par un beau matin de printemps, l’arrière-petite-fille de celui qui l’avait

construite est arrivée. Lorsqu’elle regarda la Petite Maison, elle s’arrêta

sur-le-champ. Et elle dévisagea son mari : « Cette

maison me rappelle celle où habitait ma Grand-mère lorsque j’étais petite. C’était une maison située en pleine campagne,

sur les hauteurs d’une colline couverte de marguerites et

entourée de pommiers. »

Ils ont enfin découvert qu’il s’agissait de la même maison.

Et ont appris que la maison, encore solide bien que vétuste, pouvait être déplacée… Une opération qui a fait arrêter le trafic de la ville pendant

plusieurs heures… Une maison mobile !

Tout d’abord, la Petite Maison trembla à l’idée de son déplacement sur roues… Mais bientôt sa peur fut remplacée par la joie d’être entourée d’un magnifique paysage… Enfin, l’herbe verte et les oiseaux chantant en unisson ! Une petite colline et un champ entouré de pommiers ! « C’est ici sa place, » avoua l’arrière-petite-fille. « Bien sûr, » pensa émue la Petite Maison.On creusa la terre en profondeur et on installa la Petite Maison au sommet de la colline.

Fenêtres, peintures, portes, tout a été refait ! Habillée en rose clair, la Petite Maison souriait heureuse.

Et contemplait, en tout bonheur, sa nouvelle demeure !

Elle pouvait enfin regarder le soleil, la lune et les étoiles.

Et voir défiler les saisons de l’année. Elle était enfin habitée et entretenue. Choyée.

Au ciel, les étoiles scintillaient

et la nouvelle lune s’y dessinait déjà.

Le printemps venait d’arriver.

Dans les champs, tout était en paix...

Seul le silence parlait.

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