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Une petite histoire de l’idée de matière

Explication généalogique du cosmos par le mythe

• « Au commencement donc fut le Chaos, puis Gaïa au vaste sein, éternel et inébranlable soutien de toutes choses, puis, dans le fond des abîmes de la terre spacieuse, le ténébreux Tartare, puis enfin l'Amour, le plus beau des immortels, qui pénètre de sa douce langueur et les dieux et les hommes, qui dompte tous les cœurs, et triomphe des plus sages conseils.

• Du Chaos et de l'Erèbe naquit la noire Nuit; de la Nuit, l'Éther et le Jour, fruits de son union avec l'Erèbe. A son tour, Gaïa engendra d'abord, égal à elle-même en grandeur, Ouranos, qui devait la couvrir de toutes parts de sa voûte étoilée, et servir éternellement de séjour aux bienheureux immortels. Elle engendra les hautes Montagnes, demeure des Nymphes qui habitent leurs riants vallons; elle produisit, sans l'aide de l'amour, la Mer au sein stérile, aux flots qui se gonflent et s'agitent.

• D'elle et d'Ouranos naquirent le profond Océan, Cœus, Crios, Hypérion, Japet, Théa, Rhéa, Thémis, Mnémosyne, et Phébé à la couronne d'or, et l'aimable Thétis, Cronos enfin, après tous, le rusé Cronos, de leurs enfants le plus terrible, qui, dès le jour de sa naissance, haïssait déjà son père ».

Hésiode, Théogonie

Hylé = la matière

Le mot « matière » est la traduction du grec « hylè », mot

qui désignait primitivement le bois. Et, effectivement, le bois est ce qui subsiste de l’arbre lorsque ses branches se développent et que ses feuilles changent de couleur ou tombent. C’est pour cela que la matière est toujours comprise comme substance, c’est-à-dire ce qui garantit la continuité d’une chose par-delà ses modifications.

Thalès (vers 625 - 545 avant J.-C.)

L’eau est principe de toute chose

Anaximène affirmer que c’est l’air qui est le principe de toute chose Xénophane de Colophon affirme que c’est la terre

Héraclite d’Éphèse et Empédocle affirment que c’est le feu

Matière « chosique »

Elle est substance (substrat) Réalisme philosophique Substance/accident

Aristote (384-322 av. J.-C.)

Matière et forme

Une substance est toujours matière et forme La substance = un corps particulier (donné dans une perception) Prise isolément, la matière est « pure puissance » (indéterminée) .

L’atomisme

• Démocrite (460-370 AV. JC)

• Épicure (342- 270 av. JC)

• Lucrèce (vers 98-55)

A-tomos = insécable

« Les corps, ce sont d’une part les principes simples des choses, les atomes, et d’autre part les composés, formés par ces éléments premiers. Pour ceux-ci, il n’est aucune force qui puisse les détruire et leur solidité résiste à toute atteinte »

Lucrèce, De Natura Rerum, livre VI

René Descartes (1596-1650)

L’analyse du morceau de cire : l’intellectualisation de la matière « Commençons par la considération des choses les plus communes, et que nous croyons

comprendre le plus distinctement, à savoir les corps que nous touchons et que nous voyons. Je n’entends pas parler des corps en général, car ces notions générales sont d’ordinaire plus confuses, mais de quelqu’un en particulier. Prenons pour exemple ce morceau de cire qui vient d'être tiré de la ruche : il n'a pas encore perdu la douceur du miel qu'il contenait, il retient encore quelque chose de l'odeur des fleurs dont il a été recueilli ; sa couleur, sa figure, sa grandeur, sont apparentes ; il est dur, il est froid, on le touche, et si vous le frappez, il rendra quelque son. Enfin, toutes les choses qui peuvent distinctement faire connaître un corps se rencontrent en celui-ci. Mais voici que, cependant que je parle, on l'approche du feu : ce qui y restait de sa saveur s'exhale, l'odeur s'évanouit, sa couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient liquide, il s'échauffe, à peine le peut-on toucher, et quoiqu'on le frappe, il ne rendra plus aucun son. La même cire demeure-t-elle après ce changement ? Il faut avouer qu'elle demeure et personne ne le peut nier. Qu'est-ce donc que l'on connaissait en ce morceau de cire avec tant de distinction ? Certes ce ne peut être rien de tout ce que j'y ai remarqué par l'entremise des sens, puisque toutes les choses qui tombaient sous le goût, ou l'odorat, ou la vue, ou l'attouchement ou l'ouïe, se trouvent changées, et cependant la même cire demeure ».

• René Descartes, Méditations métaphysiques, 1641, Méditation II, Garnier, p.27

Qualités premières / qualités secondes

Les qualités premières (les figures étendues, la géométrie de l’étendue, etc.) ne sont appréhendées que par l’intellect. Les qualités secondes (sensations liées à la matière) n’ont de sens que par rapport à la réceptivité de nos organes de perception.

La théorie cartésienne des tourbillons

Les qualités attribuées à la matière ont elles-mêmes besoin d’explication, car elles ne sont pas causes mais effets d’un mouvement plus originaire, celui de particules étendues (ou « figures ») en mouvement, qui constituent la matière. Descartes n’admet pas l’existence du vide et élabore une « théorie des tourbillons » qui explique que les figures étendues qui constituent l’espace matériel à son niveau le plus élémentaire « tourbillonnent » selon un jeu de substitutions locales.

Tourbillons cartésiens

Pierre Gassendi 1592-1655

John Dalton 1766-1844

A New System of Chemical Philosophy (1808-1827)

George Berkeley (1685-1753) Esse est percipi « Être c’est être perçu »

Emmanuel Kant (1724-1804)

Critique de la raison pure La matière est « phénomène », structurée par les catégories logique et les formes a priori de la sensibilité (espace et temps) du sujet connaissant.

Idéalisme = Doctrine qui pose que les objets perçus sont influencés, façonnés, déterminés dans leur apparence par nos structures cognitives et mentales. L’idéalisme peut se combiner avec un certain réalisme (idée d’une extériorité inconnaissable que l’esprit « met en forme »: par ex. Kant, Hume, Berkeley etc.) ou il peut être absolu (Hegel= seul l’Esprit existe qui se donne à voir comme « matière extérieure ») Dans tous les cas, pour l’idéalisme, cela implique (au sens fort) que pour nous la matière n’existe pas en soi, mais toujours à travers des représentations (idées)

Hendrik Lorentz (1853-1928) Joseph John Thomson (1856-1940)

L’atomisme des physiciens du XIXe siècle: le retour au réalisme et à la pure objectivité de la matière?

La représentation « planétaire » de l’atome remet en cause le principe de l’atomisme antique: parvenir à une brique fondamental et arrêter la régression à l’infini.

Représentation (bidimensionnelle) de l’espace-temps selon Einstein

En « dématérialisant » (déchosifiant) la matière, la physique quantique investit le terrain des « immatériaux »: énergie, fluctuation quantique du vide, champs, fonctions d’onde, etc. La relativité semble déplacer la question de la matière à celle de l’espace (espace-temps) qui est décrit selon des propriétés habituellement attribuées à la matière (géométrie, courbure).

Lisa Randall, université de Princeton: théorie de l’univers plié

Matières et plis: . La philosophie de Leibniz . Les « plis » du réel chez Gilles Deleuze

Carte de la matière noire (2007) sur une portion d’univers

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