traité d’équitation pour ma bien-aiméepour ma bien-aimÉe texte inclassable, récompensé...

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Traitéd’équitationpourmabien-aimée

RudolfG.Binding

Traitéd’équitationpourmabien-aimée

Traduitdel’allemandetprésentéparAlexandraBesson

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TRAITÉD’ÉQUITATIONPOURMABIEN-AIMÉE

Texteinclassable,récompenséd’unemédailled’argentauxjeux d’Amsterdam de 1928, à l’époque où la littérature étaitencore une discipline olympique14, ce traité d’équitation enprose poétique déploie une langue empreinte de grâce et desensibilitéetmêleprécepteséquestres,célébrationdelabeautédujouretdelavie,etdéclarationsd’amour.Carc’estpoursamuseEvaCornstein,dite«Joie», leplusgrandamourdesavie,queBindingarédigécettesingulièreleçon.L’équitationydevient danse, envol, jubilation, sans pourtant se départirjamais d’une grande retenue et d’une rigoureuse justesse –selon les règles de l’amour courtois. Mais par-dessus tout,Bindingnousrévèlecombienlacompagnieduchevaldoitnousconduireàuneprofondeintrospection,car«lechevalestnotremiroir».Enselle,ilnousfautrépondreàl’injonctioninscritesurlefrontondutempledeDelphes,«connais-toitoi-même»,etallerplusloinencore:apprendreàmaîtrisernosaffectsetàélevernospensées,aspirertoujoursàdemeilleuresmanièresetde plus hautes vertus, car un cœur sans noblesse interdiratoujoursdedevenirboncavalier.

A.B.

V

iens ! À cheval ! Viens au soleil et à l’air libre.Abandonneauxgensétroitslemanège,sapoussièreetses

coins étroits. Viens rejoindre les chemins éternels et grandsouverts,oùl’herbeviergesecouvrederosée,oùlesombresdufeuillagedansentsurtonpassage,oùlalumièretecajole,oùleventjoueàs’enroulerautourdetoi,oùrienneconnaîtplusdelimites, où ton cœur s’élargit et chevauche dans l’immensitésansbornesdesonroyaume.

Car telle est lapromesseque je te fais,mabien-aimée : ledosdetonchevaljettelemondeàtespieds.Jeveuxfairedeluiton trône, du haut duquel tu manieras un sceptre d’unepuissance, d’une joie et d’une liberté dont tu n’as jamais euidée.

C

en’estqu’endehorsdesmurs,etsitoncœuraime,quetonchevalteportecommeilsedoit.Cen’estqu’audehors,à

ciel ouvert, qu’il est pleinement royal, pleinement animal. Cen’estqu’audehorsqu’unvéritableélan l’anime.S’il t’obéitenextérieur, alors il t’obéitvraiment.Cen’estqu’audehorsqu’ilressentsapuissancetoutentière,etquetoiaussi, turessenssapuissancetoutentière,etqueturègnessurcetteforcequilibèreenfinsapleinemesure.

Unepisteperpétuellementrompueparlescoins,desallurescontenuesdansdescerclestoujourspluspetits,desbarrièresetdespare-bottescriblésdeclous,untoitquicacheleciel–est-cecequecelaconvientàdesamants?

La haute école – très bien. Mais la plus haute école detoutes, veux-tu vraiment t’y dérober ? Seul le ciel est unchapiteauàtamesure,mabien-aimée,quandtumontesàcheval.

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grossiers. Alors l’encolure se ferme, au lieu de s’allonger, lesoreillessecouchentenarrière,lenezdescendverslepoitrail,lanuques’encapuchonneetlafouléeseréduit.«Ils’appuiesurlemors»,ditlemoniteurquiréfléchitcommeungarçond’écurie.C’estbienplutôtquelamainrefuseauchevalcetappuidélicat,l’endétourneetl’endégoûte.

A

s-tu déjà, ma bien-aimée, considéré attentivement cetinstrument prodigieux qui repose dans la bouche du

cheval, la barre d’acier avec ses deux branches, et dont lagourmetteajustableentourelamâchoireinférieure?Iln’yapluspersonneoupresquepoursongeraucaractèregénialdecetoutil– et demême, personne ou presque ne saisit plus vraiment cequ’estuneroue,unepinceouunrouleau.

Lemors de bride est un levier qui met en branle tous lesrouagesdanslecorpsducheval.Àl’observerattentivement,oncomprendraqu’ilmaîtrise l’ensembledesesarticulations,maison l’a dépouillé de cettemagie qui l’habitait à l’origine. Quepourtoiseule,cetenchantementsoitmaintenantravivé.

Uncheikharabefutpeut-êtrelepremieràquiilapparutunjourcommeunevision,épousantlafougued’unchevalausangnoble. Peut-être en confia-t-il l’exécution à un ferronnierchevronné de sa tribu, qui avait pressenti de quoi il retournaitici. Seul le cavalier arabe fait de cet instrument l’usage pourlequelilaétéconçu,depuistoujours;maislepoingcuirasséduchevalier médiéval en tournoi, qui lance son cheval trapu etcaparaçonnécontrel’adversaire,trahitl’intelligencedélicatequiprésidait à son invention : aider et soutenir un cheval dans cejaillissementdéliéoùilnetouchepresqueplusterre.

Qu’est ce qui se joue ici ?CetArabe qui émergeait de satente a vu son jeune pur-sang en liberté, paissant l’herbe dudésert, répondre à son appel et accourir vers lui. Ses fouléesaériennesétaientmuesparlaforce,lacuriositéetl’attractiondecettemainquiavaitpeut-êtrequelquefriandiseàluitendre.

Quand il se déplace ainsi, se dit-il, mon cheval n’est pasalourdipar lepoidsdemoncorps.Commentpuis-jesuspendre

cette charge que je lui impose, par quel moyen puis-je lacompenser, afin qu’il ne la sente plus ? afin qu’il continuedeflotterainsidanslesairs,mêmesousmonpoids?

Et il envintàconcevoirquelquechosequi le soutienneetl’accompagneconstammentdanscetteallurerelevée,quipuisseaiderlechevalengageantsamasseenavant,etl’allégerdanslamêmemesurequelepoidsducavaliersursondosl’alourdissait.

Alorsilallatrouverceforgeron.

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T

u ne devrais jamaismontermoins bienque ce dont tu escapable. La plupart des gensmontent encoremoins bien

qu’ils le pourraient. Toutes leurs humeurs, leurs contrariétés,leursmauvaises affaires et l’agacementqu’ils éprouvent enverseux-mêmes, ils s’endéchargent sur leur cheval – laplupart dutemps,sansmêmes’enrendrecompte.

Ils montent plus mal sur de mauvais chemins que sur debons,alorsquelechevalestleseulàsentirlescailloux.Souslapluie et dans la tempête, ils se tiennent de travers, toutflageolants,commedessacstrempés.Ilsmontentplusmalseulsqu’enprésencedetierssusceptiblesdelesregarder.–Surledosducheval,letempsesttoujoursmeilleurqu’àpied.

N

elaissepastonchevalvingt-deuxheuressurvingt-quatredansunboxobscuràfixerunmurentorchis,toutçapour

lebousculerpendantdeuxheuresavantdel’enfermerànouveau.Toi aussi, cela te rendrait bête et obtuse, irritable et irascible.Viensplutôt,lesoir,sortirànouveaulechevalquetuasmontéle matin – sans sa selle, sans son filet. Fais une promenadevespérale avec lui, jusqu’en limite des prairies ou sur lesbordures herbeuses de l’allée, laisse-le arracher quelquespoignéesde trèfle fraisetd’herbeverte,dis-luiquelquesmots,nel’empêchepasdefrottersatêtecontretamain–puisramène-leàlamaison.

Un jeunegarçond’écuriepourra le faireà taplacecertainssoirs.Maistunedoispasprendreàlalégèretesdevoirsenverstoncheval.

S

ois exigeante envers ton cheval. Les cavaliers qui sesatisfont de peu ne font qu’enjoliver leur médiocrité.

N’exige pas seulement qu’il te porte. Exige qu’il te portesûrement, sans aide perceptible de ta part. Demande-lui de tedonner tout, de te donner le meilleur de lui-même. Toute latenue, toute l’attention, toute la force dont il est capable :réclame-leslui!Sousunemainlaxiste,lechevalsetientmal,sedisperseetsetraîne.

Exigetoujoursunebonnemesuredetenue,d’attentionetdeforce ;mais lemaximumdont il est capable, ne l’exige de luiquepourun tempscourt,que tucompterasenquartsd’heures,enminutes,voireeninstants.

Après un bon galop, dans lequel tu auras développé sonallure, après un trot plein d’allant, où ses foulées se serontprojetées dans les airs comme des éclairs, après un saut au-dessusd’une rivière,où tonchevalauradonné lemaximumdesonextension,oupar-dessusunobstacledroit haut commeunhomme, réalisé dans le rassemblement le plus intense, soisattentiveàlafiertéquesonexploitinspireàtoncheval,lorsqueceschosesont exigéde lui toute sa force, tout sonélan, touteson adresse ; vois à quel point il savoure cette sensation depuissance et d’agilité que tu lui as inspirée et que tu lui aspermisd’exprimer.

Maislaplupartdesgensréussissenttrèsbienàempêcherlechevaldedonneretderévélerlemeilleurdelui-même;ettoutcela reste enfermé dans des rênes fébrilement tendues et uneencolureencapuchonnée.

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LAVIEQUEJ’AIVÉCUE

Dans son autobiographie,Binding revient longuement surson apprentissage de l’équitation. Il y raconte avoir faitl’expérience,àl’âgedeseizeans,«dupouvoirduplusgrandetduplus sévèredesmaîtresque j’ai rencontrés, le cheval».Bindingretraceicilesgrandeslignesd’unevéritableéducationparlecheval,parquisoncaractère,sesmanièresetsavisionde l’existence ont été profondémentmarqués.Comme dans leTraité d’équitation pour ma bien-aimée, on y lit un éloge dumouvement naturel, du respect de la nature spontanée etinstinctive du cheval, et l’importance d’une compréhensionvéritable de l’animal. Cette éthique du cavalier, faite depassionetdepatience,sonnetoujoursjusteànosoreilles.

A.B.

P

artout, on trouvait des chevaux, et bientôt je montais lesmeilleurs d’entre eux. La première chose qu’ils

m’apprirent, c’est qu’on ne tombait pas, tant qu’on restait surleur dos. Car ils étaient bien sûr plus forts que moi. […] Ilsétaient ces animaux puissants, ces chevaux de chasse et decourse, ces solides chevaux de selle bâtis pour supporter desmessieurs pesant un bon quintal, ou encore ces grandscarrossiers aux dos larges, sur lesquels onme juchait souventpourquelquesminutes,moilejeunegarçontoutchétifetléger–quand ces animaux encore bruts, à peine accoutumés à laprésence du cavalier, se mettaient en branle sous ma selle,pareilsàdescréaturesjailliesd’unmondeimmémorial,j’avaislasensationdenageraveceuxdansl’immenseetl’indéfini,telunenfant chevauchant un dauphin. Quel pouvoir pouvais-je bienavoir sur eux ? Je voyais se dresser devant moi une encolurepuissante,cordeléedetendons,quis’élevaitjusqu’àunenuqueraide et fière, impétueux gouvernail qui m’apparaissait être lesiège d’une volonté indomptable. La bouche se saisissait del’acierdumors;ellenesouhaitaitrencontreraucunerésistance.Car tout était déjà allure, mouvement. À quoi cela pourrait-ilbienmeservirqu’unerênedérisoirecourredemamaingaucheàmamain droite ? Si jeme hasardais à tirer dessus, le colossem’échapperait très certainement. Et pourtant : les oreillesmouvantesparaissaientmeprêterquelqueattention,prendreactedemaprésence, attendre quelque chose – pour choisir ensuited’en faire cas ou non. Mes jambes fluettes descendaient,immobiles, tout contre les épaules du cheval. J’étais assis auborddugarrot,etjen’esquissaispasungeste.Ilmesemblaitnepas avoir le droit de déranger quoi que ce soit aumécanisme

vivantdecettemachineanimalesensible.Ces heures-là étaient plus astreignantes que celles que je

vivais à l’école,mais aussi plus édifiantes. Il n’y avait pas deplace pour une minute d’inattention. C’était une vie qui semouvaitsousmoietquimedispensaitsonenseignementdanslalanguede la vie. Elle s’exprimait sans relâche et je ne cessaisjamais de l’entendre. L’écuyer, mon professeur d’équitation,comprittantôtquejel’entendais.Ilm’épargnadedevoirmonterun cheval routinier, lassé, rompu et fourbu par son dressage.J’eusledroitd’avoirentremesjambeslesnovices,leschevauxintacts,vierges.Jesaiscequ’estunchevalbienmisaupas,maiscelanem’ajamaisattiré.J’aicherchéetj’aitrouvéunautretypedecheval.

C’est là-bas, sur le dos de mille chevaux, que j’appris lapatience – que personne d’autre ne m’aurait sinon enseignée.Là-bas, j’appris à ne jamais abandonner, et à ne jamais melaisseraller.J’yapprisàmecontenir,àêtre justeetdroit,ànepas me laisser emporter par la colère. J’y appris toute maprévenance,maconsidérationenverstouteformedemouvementnaturel. J’y appris l’amour de tout ce qui est primordial etindompté. J’y appris enfin tous les comportements dont jemeverrais récompensé,etceuxpour lesquels je seraispuni. J’yaidésapprislavanité,lacomplaisance,l’autoritarisme.Ilyavaitlàl’expressiond’unevolontéqu’ilconvenaitdenepasmésestimer,denepaséluder.J’ytrouvaislàlerègned’uneforcesupérieureauxautres,etmonrègnesurellepourtant,paruneplusgrandedouceur.J’ygagnaisenfinlamaîtrisedemoi-même,lecontrôlede mon corps et de mon âme. L’animal le plus noble de lacréationm’enrôlaitdanssonécoledusilence,oùilcessaitd’êtreune bête de selle, le portefaix d’un fardeau, où il n’était plusmaître de sa volonté, mais devenait lui-même une leçond’harmonieparfaite,oùildevenaitunisson,délivrance–danse.

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BernardMahouxMoncheval,mafemmeetmoi

SophieNauleauUneanthologiedelalittératureéquestreféminine

Jeand’OrgeixMesvictoires,madéfaite

PierrePradierL’écoledescentaures

P.A.QuarantottiGambiniLechevalTripoli

PascalRenauldonYvesBienaimé,l’écuyerjardinier

SusanRichardsChoisie

BernardSachséetVéroniquePellerinSurmesquatrejambes

MarionScali,JacquesPapin,AdelineWirth«Lejouroùleschevauxparleront…»

PhilippeThomas-Derevoge

LeVizir,lechevalleplusillustredeNapoléon

LéonTolstoï,AlexandreKouprine,CarlSternheim

Quandleschevauxparlentauxhommes

Aimé-FélixTschiffelyDonRoberto

ClaireVeillèresLacapture

Marc-AndréWagnerDictionnairemythologiqueethistoriqueducheval

AdelineWirthChevaldecœur

*Palefrenière

RevueChevalChevaux

DANSLAMÊMECOLLECTION

Numéro1:L’équitation,unepassionpuérile?rédacteurenchef:Jean-LouisGouraud

Numéro2:Lecheval,animalfémininoumasculin?rédacteurenchef:ChérifKhaznadar

Numéro3:Pourl’amourducheval,ofcourse!rédacteurenchef:ChristopheDonner

Numéro4:Pur-sangetsangimpurrédacteurenchef:AxelKahn

Numéro5:Lamusiqueduchevalrédacteurenchef:StéphaneBéchy

Numéro6:Encavalerédacteurenchef:SylvainTesson

Achevéd’imprimerparXXXXXX,enXXXXX2015N°d’imprimeur:

Dépôtlégal:XXXXXXX2015

ImpriméenFrance

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